Archives du mois de décembre 2008

Un bouquet festif de musiques : de Ravel, Dall’Abaco, etc…

26déc

Simplement pour marquer la festivité de ce jour (de Noël),

un éclatant bouquet (de CDs) de musiques _ de joie :

_ « Trio, Sonate pour violon & violoncelle et Sonate pour violon & piano » de Maurice Ravel, par le Trio Dali (Amandine Savary, piano, Vineta Sareikan violon & Christian-Pierre La Marca, violoncelle)

(CD Fuga libera 547 _ à paraître courant janvier) ;

_ « Les Nuits d’été«  d’Hector Berlioz, « Shéhérazade« , de Maurice Ravel, « Poème de l’amour et de la mer » d’Ernest Chausson, par Janet Baker et le New Philharmonia Orchestra dirigé par Sir John Barbirolli ; et le London Symphony Orchestra, dirigé par André Previn

(au sein d’un coffret EMI de 5 CDs « Janet Baker, The Beloved Mezzo«  EMI 50999 2 08087 2 3) ;

_ « Le Grazie Veneziane _ Musica degli Ospedali«  (« De profundis » de Nicola Antonio Porpora ; « Laudate pueri« , de Johann Adolf Hasse, « Dixit Dominus » de Baldassare Galuppi), par Maria Grazia Schiavo, Emanuela Galli, Soprani ; José Maria Lo Monaco, Alto ; le « Vocal Concert Dresden » et le « Dresdner Instrumental-Concert« , dirigés par Peter Kopp

(CD Carus 83.264) ;

_ « Magnificat«  (et Weihnachtskantate « Die Himmel erzählen die Ehre Gottes« ) de Carl Philipp Emanuel Bach, par Monika Mauch, Soprano, Matthias Rexroth, Altus, Hans Jörg Mammel, Tenore et Gotthold Schwarz, Basso, les »Basler Madrigalisten » et »L’Arpa festante« , dirigés par Fritz Näf

(CD Carus 83.412) ;

_ « Concerti à píù Istrumenti _Opera Sesta«  d’Evaristo Felíce Dall’Abaco, par « Il Tempio Armonico« , Orchestra Barocca di Verona, dirigé par Alberto Rasi (et Davide Monti, premier violon)

(double CD Stradivarius STR 33791 – 2 CD)

_ « The Walsingham Consort Books« , par Susan Hamilton, Soprano & « La Caccia« , dirigés par Patrick Denecker

(CD Ricercar RIC 275)

Dans des genres (et styles) variés…

Le CD Ravel du « Trio Dali »

_ un choix de nom (« Dali« ) assez peu heureux (!)

pour un ensemble si prometteur et déjà à un tel degré d’excellence (musicale) ! : Dali (= « Avida Dollars« , comme l’avait bien percé à jour André Breton !..) n’étant qu’un besogneux faiseur !

aux antipodes de la si haute (impayable, elle !!!) exigence de vérité de Maurice Ravel !!! : « sur les cimes« , lui… _;

le Cd Ravel du « Trio Dali » 

m’a très fortement impressionné

_ accompagné, qui plus est, d’un remarquable livret, sous la plume incisive, et très éclairante (pour le lecteur), de Michel Stockhem, faisant excellemment ressortir le très haut niveau, non seulement d’originalité, mais plus encore de qualité (contrapuntique) de ces trois œuvres (de musique de chambre ; de l’été 1914, pour le « Trio » ; de l’été 1920, pour la « Sonate pour violon & violoncelle » ; et de 1923 à 1927, pour la « Sonate pour violon & piano« ) au sein même de l’œuvre entier ravélien :

Michel Stockhem osant, avec une parfaite justesse (à la page 4 du livret), l’expression d' »un Ravel extrême » ! : Oui !.. C’est absolument de cela qu’il s’agit en ces pièces-là…

Se moquant avec une saine allégresse des « bien-pensances » complaisantes d’un Émile Vuillermoz, se permettant, en 1939 _ Maurice Ravel (« qui ignorait la perfidie« ) n’étant plus là (1875-1937) pour « répondre » à « tant de sollicitude »

_ un mot décidément assez peu heureux ! cf mon article « Pour prolonger la conférence d’hier soir de Fabienne Brugère : penser la “sollicitude” et l’”intime”  » _

et d’avertissements à l’égard des déviances cérébrales et formalistes, un thème à la mode sous bien des régimes _ précise justement le livrettiste _ sous bien des régimes en 1939…« …


« Pourquoi, dira-t-on, aborder ce programme sur un ton polémique ?« , envisage lui-même l’objection Michel Stockhem. Voici sa réponse, éclairante à l’audition de l’interprétation musicale de ces œuvres-là par ces interprètes audacieux (et si justes d’oreille) :

« Dans ces pièces _ de chambre _,

stimulé par _ le contexte historique est toujours éclairant _ Stravinsky, Schoenberg, Debussy, Satie, Bartók, le groupe des Six,

Ravel explore les zones les plus extrêmes de son propre langage ;

le trait y est stylisé d’une plume trempée dans l’acide du jazz,

dans l’aridité du contrepoint

et aux confins de la virtuosité instrumentale

_ cette acuité d’analyse-là du livrettiste est dans la plus parfaite syntonie avec l’intelligence de jeu de ces trois si fins instrumentistes-musiciens en ce remarquable enregistrement au CD ! _ ;

bref,

elles dessinent un portrait d’un Ravel

d’autant plus beau

qu’il est radical » _ comme c’est remarquablement senti !..


Le livrettiste précisant judicieusement encore :

« Il n’est pas inutile de se rendre compte combien Ravel n’avait que faire de la simplicité,

du terroir pour le terroir

ou du champagne facile _ populo ou mondain _ des années folles ;

de parier que cet homme qui refusa la légion d’honneur

aurait sûrement évité Vichy ;

et de contester, fût-ce durement, que des chefs d’œuvre d’une portée aussi grande que la « Sonate pour violon et violoncelle »

_ créée le 6 avril 1922, salle Pleyel, par Hélène Jourdan-Morhange et Maurice Maréchal : cf mon article du 4 juillet 2008 : « Musique d’après la guerre » _

doivent leur sort trop sévère aujourd’hui encore

à de vieux avis autorisés… si peu autorisés

_ tel le cliché induré d’un Emile Vuillermoz, évoqué ici :

nos oreilles décidément ont toujours besoin d’être »ravivées » ;

de se voir ôter, parfois un peu brutalement, leurs encombrants « bouchons de cérumen«  (cf encore mon propre « Musique d’après la guerre« …)…

Aussi a-t-on rarement pu percevoir aussi bien l’incisive modernité de Maurice Ravel que sous les doigts et la sensibilité intelligente de ces trois interprètes

promis au plus brillant avenir musical,

ayant choisi de « s’attaquer » _ c’est tout à fait cela ! _ à ce « Ravel extrême« , « en se concentrant sur la musique de chambre de la maturité » de ce compositeur réellement génial !..

Le CD Ravel du jeune et brillantissime « Trio Ravel » est donc tout bonnement magnifique !

A réserver prudemment chez votre disquaire dès maintenant !

Je passe maintenant au plaisir raffiné _ encore ! _ de la version en studio bien connue, voire célèbre, des « Nuits d’été » de Berlioz/ Gautier, par Janet Baker et John Barbirolli (et le New Philharmonia Orchestra) aux studios d’Abbey Road, d’EMI, à Londres…

Cette version des « Nuits d’été » de Berlioz (enregistrée le 23 août 1967) est une splendeur, par l’incarnation de la poésie (et littéraire, et musicale) par la voix souple et enchanteresse, tout à la fois aérienne et terrestre, de l’extraordinaire Janet Baker ; de ce cycle de mélodies françaises (d’Hector Berlioz sur des poèmes de Théophile Gautier), probablement le chef d’œuvre absolu du genre. Janet Baker y est tout aussi merveilleuse que la très sensuelle, pulpeuse, charnelle, Régine Crespin, dans la version pour « l’île déserte« , elle aussi, avec Ernest Ansermet dirigeant l’Orchestre de la Suisse romande, en septembre 1963…

Je recommande aussi, encore par la même Janet Baker, l’enregistrement live (le 14 mai 1975) avec Carlo Maria Giulini dirigeant le London Philharmonic Orchestra, avec une sublimissime lenteur (CD BBC Legends BBCL 4077-2)…

Tout cela, étant à _ proprement (ou littéralement) _ se pâmer !!! de jouissance musicale ! Rien moins !…

Ensuite, 3 CDs de musiques du XVIIIème siécle :

D’abord _ et c’est sur ce CD-ci que je vais m’attarder _, les « Concerti à píù Istrumenti _Opera Sesta«  d’Evaristo Felíce Dall’Abaco, par « Il Tempio Armonico« , Orchestra Barocca di Verona, dirigé par Alberto Rasi (et avec Davide Monti comme premier violon).

Evaristo Felice Dall’Abaco _ (1675-1742) véronais de naissance, le 12 juillet 1675 : dix ans avant Jean-Sébastien Bach et George-Frédéric Haendel _, fait partie de ces musiciens italiens qui quittèrent l’Italie pour faire carrière au-delà des Alpes, souvent dans des cours allemandes (ou/et à Paris _ la capitale culturelle de l’Europe d’alors ! _ ; ou/et, aussi, à Londres _ la métropole économique, elle !..).


Ainsi Evaristo-Felice devint-il, en 1704, musicien _ violoncelliste _ de la chambre ;

puis Konzertmeister, en 1715,

de l’Électeur de Bavière, en l’occurrence le prince Maximilien-Emmanuel (1662-1726), trente-six ans durant, de 1704 jusqu’à sa retraite de la cour, en 1740 _ avant sa propre mort, à Munich, en 1742…

Deux recueils de concertos précèdent l' »Opera Sesta«  (édité en 1735 à Amsterdam par Michel-Charles Lecène) : les douze « Concerti a quattro, da chiesa« , opus 2 (1708-1712), pour le quatuor à cordes traditionnel avec basse continue, avec deux Concertos de soliste pour violon ; ainsi que les six « Concerti a più istrumenti » opus 5 (ca. 1719) _ « en fait des concertos grossi pour cordes, avec intervention de deux flûtes et d’un hautbois en autant de concertos« , indique le livrettiste Francesco Passadore, à la page 12 du livret de ce CD Stradivarius 33791.

Non seulement Evaristo-Felice Dall’Abaco est un compositeur de très grande qualité _ connu jusqu’ici davantage des instrumentistes que des mélomanes (du fait de la bien étonnante rareté de ses œuvres tant au disque qu’au concert !..) _, mais sa carrière de musicien est, aussi, tout à fait représentative du devenir de bien des musiciens italiens de talent au XVIIIème siècle.

Natif de Vérone,

de même que son prédécesseur illustre parmi les compositeurs baroques italiens pour le violon, Giuseppe Torelli (Vérone, 1658 – Bologne, 1709),

il eut à souffrir de « la part minime occupée par la musique à Vérone« , du fait « avant tout » de « l’absence d’une vie de cour qui aurait pu promouvoir ce type d’activité : Vérone dépendait territorialement de Venise ; et toute sa vie politique et culturelle était soumise à l’autorité de la République lagunaire« , explique bien Salvatore Carchiolo dans le livret du CD des « Sonate op. I et op. III » _ par l’Insieme Strumentale di Roma, sous la direction de Giorgio Sasso, enregistré en avril 2005 ; CD Stradivarius 33740 _ :

« pour les musiciens véronais, l’émigration devenait la seule voie possible« .

Aussi Dall’Abaco va-t-il s’installer en 1696 _ il a vingt-et-un ans _ à Modène. « La vie musicale y jouissait d’une vitalité certaine, en particulier l’école de violon de la cour, qui bénéficiait des largesses et de la protection du duc Francesco II » (un Este)… Cette « école de violon de Modène _ non sans importance dans l’histoire du violon en Italie aux XVIème et XVIIème siècles _ avait eu comme chef de file Marco Uccellini, présent à la cour entre 1642 et 1645. Elle comportait des noms aussi prestigieux que ceux de Giuseppe Colombi, Giovanni Maria Bononcini, Giovanni Batista Vitali, et son fils, Giovanni Antonio Vitali. »

Or « pendant ces années _ 1696-1704 _ passées  _ par Evaristo Felice Dall’Abaco _ à Modène, se trouvait aussi dans cette ville _ et à cette cour _ Jean-Baptiste d’Ambreville, compositeur et violoniste français d’origine, qui avait été attiré à la cour de Francesco II, féru de culture française. » C’est ce compositeur français qui « fut le trait d’union à l’approche par Dall’Abaco du style musical d’outre-Alpes », dégage alors excellemment Salvatore Carchiolo. Mais quoique « à Modène, Dall’Abaco trouva à s’employer lors des grandes manifestations de la cour« , « toutefois » le jeune musicien ne parvint pas à s’y « assurer un emploi stable. C’est sans doute pourquoi il partit en 1704 à Munich à la cour de l’Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel II, où il obtint _ pour commencer _ un emploi de joueur de violoncelle « da camera« . Il est vraisemblable _ poursuit Salvatore Carchiolo _ que l’introduction de Dall’Abaco au sein de la cour fut facilitée par l’entregent du marquis Scipion Maffei, aristocrate influent, amateur passionné de musique, et librettiste à ses heures (il composa le livret de « La Sfida ninfa » de Vivaldi). » Surtout « Dall’Abaco trouva dans la capitale bavaroise un climat raffiné et musicalement stimulant. La chapelle musicale de la cour de Bavière, issue d’une ancienne tradition, devait sa _ très _ grande réputation à Roland de Lassus. Et c’est le courant italien qui prévaut à la cour à l’arrivée de Dall’Abaco en 1704, d’autant que c’est au compositeur vénitien Pietro Torri qu’est confiée la direction de la musique de chambre. »


« Toutefois les aléas de la politique _ et de la guerre ! _ viennent très bientôt bouleverser la vie _ et la carrière : munichoises _ de Dall’Abaco. Au moment de la guerre de succession d’Espagne, Maximilien-Emmanuel II est allié à la France _ et à Louis XIV.

Après la défaite d’Höchstädt

(ou Blenheim _ le 13 août 1704 : victoire des troupes conjointes du prince Eugène de Savoie et du duc de Malborough sur celles, franco-bavaroises, du maréchal-comte de Tallard et du duc Maximilien-Emmanuel II de Bavière),

l’Electeur est contraint de s’exiler _ d’abord _ à Bruxelles… Une partie de la cour le suit _ dont sa musique _ et Dall’Abaco. C’est le premier d’une longue série d’exils ; cette vie itinérante ne prenant fin qu’à la paix d’Utrecht, signée en 1714.

Pendant son séjour à Bruxelles

_ où naîtra son fils Joseph-Marie-Clément (Bruxelles, 1710- Vérone, 1805), lui aussi compositeur _

en 1705, Dall’Abaco publia son premier recueil instrumental _ de « Sonate da camera » _ chez l’éditeur Roger d’Amsterdam.

En mai 1706, les revers subis par l’armée française contraignirent la cour _ de Maximilien-Emmanuel II _ à s’installer à Mons, dans le Hainaut.


Après la défaite de Malplaquet
_ le 11 septembre 1709 _, Mons doit être évacuée, et Maximilien-Emmanuel II trouve refuge à la cour de France sous la protection _ directe _ de Louis XIV. La cour _ du duc-électeur de Bavière _ se déplacera ensuite à Rambouillet, Paris, Versailles, Meudon, Saint-Cloud et Compiègne.


Le séjour français offrit l’occasion à Dall’Abaco de se familiariser avec les raffinements de la musique française.

La loyauté du musicien à l’égard de l’Électeur sera récompensée à la réinstallation de la cour de Bavière à Munich, en avril 1715. A la réorganisation de l’orchestre de la cour, Dall’Abaco sera _ en effet _ nommé « Maître de concert » ; puis « Conseiller électoral ». (…)

« L’activité de Dall’Abaco  au sein de cette cour électorale se poursuivit au-delà de 1726, l’année de la mort de Maximilien-Emmanuel II » _ sous le règne de son successeur, Karl-Albrecht (1726-1745), jusqu’à sa retraite de la cour, en 1740 ; peu avant de mourir, à Munich, le 12 juillet 1742…


« L’attention réservée par la musicologie à l’œuvre de Dall’Abaco est ancienne« , relève fort justement Salvatore Carchiolo (page 22 de ce même livret du CD Stradivarius 33740) ; ajoutant, un peu naïvement : « cela peut paraître surprenant à première vue _ et seulement « à première vue » ! pourrait-on espérer : qu’on lise donc avec un peu plus de curiosité les partitions ! et qu’on écoute enfin ! la musique elle-même : au concert ! et au disque ! rêvons donc un peu !… _ étant donné qu’il s’agit d’un musicien que l’on joue rarement _ chercher l’erreur !!! _ dans les salles de concert ; et qui n’est pas _ ou guère… _ repris dans l’édition discographique.

Déjà au début du XXème siècle, les musicologues allemands Adolf Sandberger et Hugo Riemann consacraient diverses études et analyses à la musique du compositeur véronais. Riemann, en particulier, le porte au pinacle : selon lui, les œuvres de Dall’Abaco représentent sans doute le type le plus pur et le plus noble de la musique de chambre italienne, arrivé à l’apogée de son développement _ rien moins ! Le musicologue allemand la considère même supérieure en puissance expressive à celle d’Archangelo Corelli _ ce qui n’est tout de même pas peu, dans l’évaluation historiographique de la musique !!! Riemann voit en Dall’Abaco, sinon le créateur, du moins un précurseur de la sonate bi-thématique.

(…)

De fait, « un examen _ un peu attentif _ de l’œuvre de Dall’Abaco révèle _ bien _, encore _ ou enfin ! _ aujourd’hui, d’admirables qualités, soutenues par _ davantage que _ un _ « grand » _ métier ; qualités que Riemann avaient _ si _ justement su déceler dans l’art de la construction de Dall’Abaco. La propension de celui-ci à une disposition structurelle compacte et efficace, s’exprime par une sobre éloquence _ à la française ?.. _ guidée par des critères d’économie _ sobriété _ rhétorique _ du discours musical baroque _ ; et porte en soi des signes évidents d’une fondation encore fortement ancrée _ comme dans le cas d’un Jean-Sébastien Bach, dirais-je… _  dans l’enseignement traditionnel d’une musique poétique » _ = d’authentique poiesis ! Ce point est esthétiquement aussi _ et pas seulement musicologiquement !.. _ très important !

Techniquement,

« la recherche de la cohésion formelle s’exprime dans l’attention particulière portée à l’unité thématique de la composition. » Et cela, « dans le cadre même d’une solide discipline de contrepoint : Dall’Abaco regarde en quelque sorte « en avant » ! Sa musique comporte des traits s’inscrivant dans les développements les plus modernes de la musique instrumentale du dernier baroque. La technique qu’il met au point mérite la plus grande attention : le matériau qu’il utilise dans le développement des mouvements est très souvent fourni par les éléments du thème initial du morceau. Après une première exposition fuguée, il vient « décomposer » le thème initial en ses éléments, fournissant des progressions et des imitations venant guider le développement du thème dans la poursuite du morceau. »


Un autre élément important que note Salvatore Carchiolo, est « le recours, même limité, à des éléments du style français« , notamment « l’adoption occasionnelle de la forme rondeau, et de certains mouvements de danse français (tel le passepied), absents de la sonate « da camera » italienne » ; ou « la tendance à juxtaposer tonalités majeures et mineures à partir de la même tonique (d’après Talbot).

Déjà à Modène, et par le biais des contacts établis grâce à d’Ambreville, Dall’Abaco s’était familiarisé avec un style si différent du style italien que Corelli s’était déclaré bien incapable d’interpréter correctement son exécution. L’empathie de Dall’Abaco avec le style français se renforça, bien sûr, les années que passa en France la cour de Maximilien-Emmanuel (notamment entre 1709 et 1711), durant lesquelles il put connaître au plus près les tendances musicales au jour le jour du goût français. De fait, à partir de son opus 3 _ paru vers 1712-1715 _, l’apport de l’idiome musical français se fait de plus en plus évident et renforcé. La transparence et l’élégance formelle de la musique de Dall’Abaco repoussent un trop grand recours à la pure virtuosité instrumentale. Le violonisme indéniable dont fait preuve le véronais doit beaucoup à la leçon de Corelli, mais il est loin de tendre, comme cela s’avère chez un Vivaldi, vers un dépassement des limites techniques de l’instrument, et d’une amplification de ses ressources de timbres et de couleurs. (…) L’équilibre structurel de la musique de Dall’Abaco _ ainsi que l’a justement noté William S. Newman _ la montre très représentative de la sonate baroque au point d’équilibre de ce que l’on peut qualifier de son classicisme, par sa clarté et la maîtrise du dessin de ses lignes. »

Tout ce long développement historico-musicologique

rien que pour mettre un peu et enfin le projecteur

sur une musique absolument délicieuse !

Que j’ai découverte, dans la plus parfaite naïveté (et ignorance de tout ce contexte ! alors…), lors d’un concert de fin de stage _ auquel j’avai couru assister, par désir d’écouter des amis musiciens, à Barbaste, il y a plus d’une dizaine d’années :

il y avait là, me souviens-je, mon ami flûtiste Philippe Allain-Dupré

(qui, avec Laurence Pottier, flûtiste, elle aussi, m’avaient accompagné à Prague, avec mon « atelier baroque », en 1993 ou 94) ;

Enrico Gatti, si remarquable violoniste (et « chef »), toujours si, à la fois, vivant et probe, en chacune de ses interprétations d’une impeccable justesse de poésie ;

Alfredo Bernardini, parfait, lui aussi ;

peut-être, et même plus que probablement, aussi Pierre Hantaï, le claveciniste prodigieux que tout le monde reconnaît ;

pour le talent desquels, tous, j’ai une immense profonde admiration…

Ce jour-là, à ce concert-de-fin-de-stage-là, dans la petite église tout à côté de Barbaste, j’ai bien imprimé en ma mémoire ce nom de Dell’Abaco ;

et depuis j’ai toujours vivement recherché les moindres témoignages discographiques des œuvres de cet immense compositeur-là ! ; et non sans quelque satisfaction, la plupart des fois…

Je pense ainsi à un _ très bon _ CD de « Concerti«  enregistré en janvier 1998 par l’ensemble Concerto Köln, comportant 4 concerti « a quattro da chiesa » de l’opus 2 ;

3 concerti _ un pour 2 flûtes ; un pour hautbois ; un pour cordes _ de l’opus 5 ;

et 2 concerti pour cordes de l’opus 6 :

il s’agit d’un CD Teldec (dans la collection « Das Alte Werk« ) n° 0639842216623 ;

ainsi qu’aux 2 CDs Stradivarius que j’ai mentionnés plus haut :

celui d’un choix de « Sonate« , des « op. I & III » (STR 33740) ;

et des 6 « Concerti à più Istrumenti _ Opera Quinta » (STR 33746)…


Et voici, aujourd’hui ce superbe double album des 12 « Concerti à píù Istrumenti _Opera Sesta«  d’Evaristo Felíce Dall’Abaco, par « Il Tempio Armonico« , Orchestra Barocca di Verona, dirigé par Alberto Rasi (avec Davide Monti, comme premier violon)…

Pour le reste,

je veux dire le « Magnificat«  (et la Weihnachtskantate « Die Himmel erzählen die Ehre Gottes« ) de Carl Philipp Emanuel Bach, par Monika Mauch, Soprano, Matthias Rexroth, Altus, Hans Jörg Mammel, Tenore et Gotthold Schwarz, Basso, les »Basler Madrigalisten » et »L’Arpa festante« , dirigés par Fritz Näf (CD Carus 83.412)

et « Le Grazie Veneziane _ Musica degli Ospedali«  (« De profundis » de Nicola Antonio Porpora ; « Laudate pueri« , de Johann Adolf Hasse, « Dixit Dominus » de Baldassare Galuppi), par Maria Grazia Schiavo, Emanuela Galli, Soprani ; José Maria Lo Monaco, Alto ; le « Vocal Concert Dresden » et le « Dresdner Instrumental-Concert« , dirigés par Peter Kopp (CD Carus 83.264) ;

ainsi que  « The Walsingham Consort Books« , par Susan Hamilton, Soprano & « La Caccia« , dirigés par Patrick Denecker (CD Ricercar RIC 275),

ils sont, chacun dans leur genre, tout aussi excellents :

Carl-Philipp-Emanuel est un _ on ne peut mieux _ digne rejeton, en « matière » de « génie » (musical), de son auguste père ; et l’interprétation du CD est d’une très, très belle intensité ;

le récital de musiques de style vénitien _ de Porpora, Galuppi et _ du saxon de passage à Venise _ Hasse,

est, lui aussi, d’une extrême qualité _ dans l’odre d’un plaisir « hédoniste » (= vénitien…) ;

quant aux pièces extraites des « Walsingham Consort Books« ,

elles sont d’une remarquable délicatesse…


Une fête !

Titus Curiosus, ce 26 décembre 2008

Post-scriptum (le 27) :

Philippe-Allain Dupré,

à la mémoire duquel j’ai fait appel hier

à propos de ma découverte

_ éblouie ! et je comprends d’autant mieux maintenant pour quelles raisons (d’interprétation, aussi !!!) _

d’une œuvre _ mémorable ! _ de Dall’Abaco

à l’occasion du concert final du stage de perfectionnement d’interprétation baroque à Barbaste,

comble mes desiderata en me rappelant, documents à l’appui, que ce concert

(de fin de stage, auprès de Philippe Humeau, en son fief de Barbaste)

avait été donné deux fois :

le samedi 25 avril 1992, en l’église de Lausseignan _ tout à côté de Barbaste _ ;

puis le mercredi 29 avril, en l’église de Saint-André-de-Cubzac ;

au programme,

outre la Sonata II de l’opus 3 de Dall’Abaco (pour 2 flûtes à bec, flûte traversière, hautbois, 2 violons, basson, violoncelle et 2 clavecins) _ qui m’avait tant impressionné _,

une Canzone à 6 de Giovanni Picchi,

la Cantate « Ô Maria« , de Johann-Hermann Schein,

une Chanson ornée sur le thème de « Vestiva i colli », de Giovanni Battista da Palestrina/Francesco Rognoni,

« La Romanesca«  et la Canzone quarta, à 2 clavecins, d’Antonio Valente et Giovanni Priuli,

des Scherzi, d’Agostino Steffani,

un Quarteto (pour flûte traversière, hautbois, violon et basse continue), de F. Riedel

et un Air de la Cantate 127 de Jean-Sébastien Bach


La soprano _ des pièces chantées _ était Maria-Christina Kiehr ;

et,

notamment pour la sonate de Dall’Abaco _ choisie par Enrico Gatti, me précise Philippe _

les parties de flûtes à bec étaient tenues par Claire Michon et Jean-Marc Andrieu,

celle de flûte traversière, par Philippe Allain-Dupré,

le hautbois,  par Alfredo Bernardini,

les 2 violons, par Odile Edouard et Enrico Gatti,

le basson, par Nicolas Pouyanne,

le violoncelle, par Hendricke Ter Brugge

et les 2 clavecins, par Elisabeth Joyé et Pierre Hantaï _ excusez du peu !..

C’est donc à deux reprises, que j’avais eu le bonheur, ce printemps-là, de la découverte _ somptueuse ! _ de cette pièce si belle,

de ce compositeur de si grande qualité !!! ;

et qui ne m’a jamais déçu, au disque ;

quant au concert,

nous ne disposons pas tous les jours d’un Enrico Gatti, toujours si juste, si chantant, si probe,

pour en être l’inspiré maître d’œuvre..

Bref,

j’ai toujours à l’oreille,

de ce concert (de 1992, donc : il y a seize ans),

le charme puissant d’Evaristo-Felice Dall’Abaco…

Le « n’apprendre qu’à corps (et âme) perdu(s) » _ ou « penser (enfin !) par soi-même » de Dominique Baqué : leçon de méthodologie sur l’expérience « personnelle »

23déc

Retour réflexif sur la lecture de

E-Love _ petit marketing de la rencontre“, par Dominique Baqué, aux Éditions Anabet ;

de Méfiez-vous, fillettes d’Yves Michaud, en son blog « Traverses » (sur le site de Libération) ;

ainsi que de mon propre « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne)« , mon article tout frais d’hier soir, sur ce même blog, « les carnets d’un curieux« …

Ma perspective, cette fois, « réflexive« , sera méthodologique ;

et portera

_ dans la perspective du « se conduire »

(et « conduire« , comme faire se peut, et tant bien que mal, à la va comme je te pousse, « sa vie« ) _

sur les modalités de l' »apprendre » ;

je veux dire de l' »apprendre par soi« ,

et seulement (= rien que !) à son corps

_ « corps et âme« ,

ainsi que le dit Nietzsche en son important « Des contempteurs du corps« , du début d’« Ainsi parlait Zarathoustra » _ ;

sur les modalités de l' »apprendre par soi« , donc,

et seulement (= rien que !!!) à son corps _ « corps et âme« , donc _ défendant…

Ainsi que le pratique Dominique Baqué elle-même

dans son (très) courageux et rageur _ ou rageur et (très) courageux _ « E-Love » : « petit marketing de la rencontre« ,

ainsi qu’il est sous-titré sur la couverture du livre ;

ou encore « E-Love » : « Amours & Compagnie« ,

ainsi que cela apparaît, comme variante (à noter !!!), en page 1 du livre…

A mes yeux, cet « essai » « à cœur et corps perdu« 

_ ainsi qu’elle-même l’écrit à l’ouverture même (page 3) de son livre :

je relis ce début :

« Divorcée. Me voici donc divorcée. Je répète ces mots avec incrédulité comme s’ils ne me concernaient pas, comme s’ils n’avaient pas pu _ les mots ? la chose ? l’ambiguïté, déjà, est bien intéressante _ m’arriver, à moi. Surtout avec cet homme que j’avais aimé à corps et cœur perdus.« _  ;

cet « essai » « à cœur et corps perdu« , donc, représente un modèle

_ oui ! par son simple et tout à fait modeste exemple : l’« essai » n’est-il pas qualifié, sur sa propre couverture, de « pamphlet » ?.. ;

et je voudrais méditer, aussi, sur l’exemplarité ! _

cet « essai » « à cœur et corps perdu«  représente un modèle, donc

_ je reprends et continue ma phrase… _,

de ce qu’est l' »apprendre à penser » : par soi-même ;

en apprenant _ learning _ de son expérience tâtonnante (de l' »apprendre » à se conduire soi-même ; se conduire : raison et appétits « humainement«  emmêlés ;

prendre garde, cependant _ et Montaigne, et Pascal, nous en avertissent ! _ à « ne pas faire la bête » à trop « vouloir faire l’ange« …)

Étant « enfants avant que d’être hommes« ,

ainsi que le dit _ et à plusieurs reprises en son œuvre _ Descartes ;

et pour commencer en la seconde partie de son « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences » ;

voici le passage :

« Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes,

et qu’il nous a fallu _ par incontournable « passage«  ! _ longtemps être gouvernés _ il faut bien des boussoles à qui subit l’attraction des aimants (et des sirènes) !.. _ par nos appétits

et nos précepteurs,

qui étaient souvent contraires _ indice avertisseur d’incertitude et, forcément, erreur ! _ les uns aux autres,

et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut être pas toujours le meilleur _ invite pressante ! à nous y ajuster… _,

il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu’ils auraient été,

si nous avions eu _ oh ! l’idéalisation ! _ l’usage entier _ mais sera-ce jamais le cas ? même à suivre l’œuvre entier de Descartes ? _ de notre raison dès le point de notre naissance,

et que nous n’eussions jamais été conduits _ nous, « humains«  (en notre condition de l’« union intime de l’âme et du corps« ) _ que par elle.

Il est vrai que nous ne voyons point

_ en 1637, nous n’en sommes qu’à l’orée de la modernité ; et son endémique prurit de « réformes«  (ou « réformite« ) !..

Et les terriblement sanglantes « Guerres de religions« , en voie de s’achever en 1648 (au « Traité de Westphalie« ), vont peu à peu s’apaiser, tout de même, en seulement (moins brutale) « Querelle des Anciens et des Modernes«  _

qu’on jette par terre toutes les maisons d’une ville,

pour le seul dessein _ esthétique : Descartes le prend peu au sérieux… _ de les refaire d’autre façon _ = de pure forme _,

et d’en rendre les rues plus belles ;

mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs pour les rebâtir,

et que même quelquefois ils y sont contraints,

quand elles sont en danger _ technique : critère plus sérieux, pour Descartes ! _ de tomber d’elles mêmes,

et que les fondements n’en sont pas bien fermes

_ ce que Descartes prend au sérieux, c’est la très concrète (et imminente) menace de ruine : l’écroulement !

A l’exemple de quoi

je me persuadai (…)

que pour toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance,

je ne pouvais mieux faire que d’entreprendre, une bonne fois, de les en ôter,

afin d’y en remettre par après,

ou d’autres meilleures,

ou bien les mêmes,

lorsque je les aurais ajustées _ voilà le criterium : l’ajustement ! par la sagacité !!! _ au niveau de la raison _ la faculté fondatrice.


Et je crus fermement que, par ce moyen,

je réussirais à conduire ma vie _ c’est l’enjeu ! _ beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements,

et que je ne m’appuyasse _ pratiquement _ que sur les principes que je m’étais laissé persuader en ma jeunesse,

sans avoir jamais examiné s’ils étaient vrais…« .

J’en reviens à la démarche _ en son « essai » _ de Dominique Baqué ;

à son courage (acquis : sur sa témérité) ;

à sa sagesse (acquise : sur son « innocence« , sa bêtise, et ses aveuglements _ ou « illusions« , dirait un Freud _ ;

de même que pour tout un chacun, bien sûr ! nul n’ayant _ pareil prodige se saurait (et se célèbrerait !) vite !!! _ la sagesse infuse !..

et tant que la techno-science demeure(ra) impuissante à greffer (tout) un cerveau (!) _ et avec « mode d’emploi » « incorporé« , qui plus est (ou « serait« ) !!!

En quoi a donc pu consister sa niaiserie-naïveté-innocence ?

Sinon d’avoir « envisagé » de (= « cherché à« ) rencontrer, via un « site de rencontre » du Net, à l’âge de 51 ans (elle en affichera « 45« ), « un homme (40-50 ans), cultivé et curieux, tendre et cérébral,

pour construire une relation authentique« , (page 14) _ voilà la réalité escomptée :

« il me fallait un compagnon ; et vite«  (page 8), a-t-elle constaté « décidément« , « après une telle épreuve de plusieurs mois » (page 5) de « silence » « minéral«  (page 5) de solitude : « la réalité était sans appel : il n’y avait personne à mes côtés » ; « rien, absolument rien ne se présentait _ force m’était de le constater«  (page 6).


Avec l’aide _ « généreuse » _ d’« un ami » _ Jean-François _ d’« une de » ses « meilleures amies » _ Sandrine _,

la « véritable stratégie de séduction » de l’annonce en quoi consiste « l’inscription sur un site de rencontres » (page 11) donne lieu à une « séance » qui « va être une épreuve pour moi », anticipe rétrospectivement en son récit, Dominique, au chapitre « L’annonce, la photographie« , page 12. « Séance«  qui permet de faire alors « réalistement«  le point sur ce que « cherche«  réellement Dominique ;

sur ce

à quoi, grâce à l’avisé Jean-François, elle va pouvoir, sinon savoir, du moins apprendre (= découvrir), à quoi « s’attendre«  un peu « réalistement« , donc ;

ainsi qu’à la « présentation«  d’elle-même qu’elle doit alors (ici et maintenant) échafauder et mettre au point pour le site…

« Jean-François, homosexuel, drôle, extraverti, ayant le goût du théâtre et de la mise en scène«  (page 12) dispose ainsi de « tout ce qui peut m’aider« , fait ainsi le point Dominique.


« Jean-François me demande ce que je recherche exactement. Un peu prise de court, je réponds spontanément : « Un compagnon ». Voilà qui est on ne peut plus clair.

« _ Peut-être, mais ton compagnon, tu ne vas pas le trouver _ soit le mot-clé ! _ la semaine prochaine

_ non plus que « sous les sabots d’un cheval au galop« , pourrait-on ajouter…

_ Oui, j’imagine ».

En fait, je n’imagine rien : je ne sais rien _ en effet ! _ de ce monde _ des « sites de rencontres« .

_ « Il faut _ et c’est de la plus élémentaire prudence… _ que tu saches _ et le mot veut bien dire ce qu’il dit ! _ qu’il y a plein de mecs qui vont sur le Net pour baiser. Et beaucoup sont mariés. Ils ne te le diront pas… ».

Pour être franche, l’information est rude. J’accuse le coup _ (page 13) : ce monde des annonces du Net est lardé de chausse-trapes…

 Etc… Le détail du récit est tout bonnement passionnant.

Après l’épreuve (« d’une heure d’écriture et de retouches« ) de la rédaction de l’annonce

et avant celle de « la séance photo« ,

« Jean-François, qui a bien conscience que je n’entends rien _ d’où danger ! _ au réseau, me prodigue ensuite quelques _ réalistes _ conseils et avertissements :

_ « Il arrivera peut-être que tu aies une histoire avec un mec, mais cela ne l’empêchera pas de continuer à être _ actif, et même hyper-actif _ sur le site ».

Je suis offusquée de cette mise en garde : j’ignore encore à quel point elle s’avèrera pertinente…

_ « Certains vont te demander de chatter. Laisse tomber. (…) Comme tu frappes lentement, tu vas t’énerver, et eux ils vont quitter le chat ».

(…)

_ « Enfin, tu ne fais jamais venir un homme chez toi la première fois ».

Mais on n’apprend (après entendre !) jamais « vraiment«  que sur le tas, à l’épreuve frontale (et blessante) du réel lui-même ; le reste ne faisant que « glisser«  au vent…

C’est ce que va faire aussi notre encore assez « innocente« , à tout du moins « inexperte« , « Alice« -« Cendrillon« 

en ce pays des fausses merveilles du virtuel (et du mensonge) affiché sur l’écran, en avant du « réel« 

Sur « Alice » et les pays du « virtuel«  et du « réel« , lire _ au delà de l »Alice au pays des merveilles » de Lewis Caroll _ ; lire la passionnante lecture qu’en propose le _ plus que jamais, combien nous pouvons nous en rendre compte aujourd’hui ! sagace Gilles Deleuze en son « Logique du sens » (en 1969) … Fin de l’incise carollo-deleuzienne !


« D’autant

_ comme j’y ai insisté en mon article précédent : « le bisque ! bisque ! rage ! de Dominique Baqué : « E-Love » _ l’impasse amoureuse du rien que sexe » _

que la haine _ ou la rage ! _ se nourrit de vengeance, et que, oui, je voulais me venger de ce bonheur trop expansif que D. affichait, jusque dans les rues, m’avait-on rapporté«  (page 8) ; et que cette « donnée«  participe d’un certain aveuglement de Dominique,

qui désire tellement « rendre«  à son « ex-mari«  « la monnaie de sa pièce«  d’un « compagnonnage«  trop complaisamment exhibé !!!

« Nul n’est exempt de dire des fadaises. Le malheur _ ou le ridicule ! _ est de les dire curieusement« 

_ c’est à dire avec un trop grand soin (= efforts de sérieux, componction, fatuité ; manque d’humour) ;

alors que ce qui échappe, avec légèreté, à la vigilance (par nonchalance),

est (beaucoup) plus excusable par l’interlocuteur, ou lecteur.

Montaigne, entamant avec son humour coutumier, le troisième livre _ ce sera le dernier _ de ses « Essais« , en 1592, demande au lecteur-interlocuteur un symétrique recul (d’humour) en sa lecture par rapport à l’humour que lui-même revendique en l’écriture de ces « essais » de son esprit

_ sur l’esprit, lire de Bernard Sève, le merveilleux et prodigieux (de sagacité) « Montaigne. Des Règles pour l’esprit« , paru aux PUF en novembre 2007 ;

ainsi, en forme d’hommage, que mon article du 14 novembre : « Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le “tissage” de l’écriture et de la pensée de Montaigne« 

Je poursuis, pour le pur plaisir, le discours de présentation de Montaigne :

Montaigne cite d’abord l‘ »Heautontimoroumenos » de Térence (auteur comique !) :

« Assurément, cet homme va se donner une grande peine pour dire de grandes sottises« .

Et il poursuit : « Cela ne me touche pas. Les miennes m’échappent aussi nonchalamment qu’elles le valent. D’où bien leur prend. Je les quitterais soudain, à peu de coût qu’il y eût. Et ne les achète, ni les vends que ce qu’elles pèsent. Je parle au papier comme je parle au premier que je rencontre. Qu’il soit vrai, voici de quoi… »

Et il entame la réflexion sur son sujet (« De l’utile et de l’honnête« ) :

« A qui ne doit être la perfidie détestable, puisque Tibère la refusa à si grand intérêt… »

Etc.


Fin de l’incise montanienne sur les fadaises (de la niaiserie)…

Il faudra bien (forcément !..) inlassablement et sans trop de relâche se coltiner aux efforts (et écorchures plus ou moins graves _ et cicatrisables !.. _ en résultant…) de l’apprentissage : par la méthode des essais _ et rectifications des erreurs :

parce que si « errare humanum est« , en revanche « perseverare diabolicum » !

C’est par là que

le « teaching » _ de l’enseignant, du maître _ peut sans doute un peu un petit quelque chose

à l’égard du « learning » _ de l’enseigné (actif), de l’élève (en voie de « s’élever« …) _

de tout un chacun ;

et là se trouve l’enjeu majeur des tâches d’éducation et enseignement

(ainsi _ car cela en est rien moins que le noyau ! _ que d’acculturation) ;

et des responsabilités

tant individuelles et personnelles _ je les distingue _,

que collectives : sociales, économiques et politiques ;

tout particulièrement à l’heure de la particulièrement grave « crise » de « démocratie« 

_ versus « gouvernance«  (de raffarinienne mémoire !) _

auxquelles tâches

(d’éducation et enseignement _ et acculturation :

versus décérébration à méga échelle de l’entertainment marchand _)

et responsabilités

(sociales, économiques, et surtout politiques)

nous nous trouvons, de par le monde entier (« mondialisation » aidant), tout spécialement confrontés en ce moment même ; et pas qu’en France, en Grèce, ou ailleurs encore en Europe, ce mois de décembre-ci…

La « crise » dépassant largement la « crise financière«  des banques et du capitalisme (« de spéculation » des actionnaires et, en amont, des entrepreneurs investisseurs marchands),

pour faire bien clairement ressentir à tous,

et d’abord aux jeunes mêmes,

que la « crise » (ou « tournant de l’Histoire« ) de ce moment-ci porte sur l’échelle même des valeurs ;

et que c’est bien de cette « réalité« -là dont il s’agit,

de la valeur du (vrai) travail,

des (vrais) efforts,

du (vrai) temps et de la (vraie) attention et du (vrai) soin

investis dans de (vraies) activités qui soient aussi de (vraies) œuvres…

Une des ironies du phénomène étant, par ailleurs _ à la marge _, le retour « à la mode » d’un Karl (et pas Groucho) Marx…

Aussi,

et au-delà de l’investissement financier en direction des faiblesses _ de fiabilité (et de confiance) _ soudainement « avérées« 

_ et en cascade, à partir de la déclaration (forcément peu discrète !) de faillite, le 15 septembre dernier, de la banque Lehman Brothers, à New-York _

des établissements bancaires de par le monde entier,

s‘agirait-il de se mettre à réfléchir

enfin

un peu (= beaucoup !) plus sérieusement

à de profonds investissements culturels et éducatifs

_ loin des seules logiques de « bouclage«  (à la Éric Woerth) strictement d’« économie budgétaire«  des États…

Soit une affaire de (vrai) « pouvoir«  : entre les hommes…

« Yes, we can » : sera-ce un peu plus qu’un slogan électoral (même à succès) pour un 4 novembre d’un Barack No Drama ?..

Nous _ sur toute la planète _ allons y être forcément attentifs…

De vraies grandes (larges et profondes) « réformes » s’imposent ici ;

et pas à la marge

_ ainsi que feint de s’étonner, en France, le ministre en charge de l’Éducation,

devant l’ampleur des « résistances » lycéennes à sa pourtant « bien modeste » _ dixit lui-même _ « réforme » de la seule classe de « seconde » des lycées…

« Réformes » qui devraient mettre en cause aussi et d’abord _ en le débranchant quelque peu _ l’ignoble outil de propagande par l’entertainment qui crétinise à longueur de temps des millions et milliards de cerveaux

(et leur « temps disponible« 

_ selon la parole (d’expert) de Patrick Le Lay, répercutée par la fameuse dépêche AFP du 9 juillet 2004 _

qui n’est pourtant pas infini, ce « temps disponible » : « Memento mori !« )

par connection, techno-économiquement à la portée de la plupart, sur toute la planète

et les conditionne à l’addiction aux marques _ « Coca-Cola« , etc. _ et à une peu réfléchie consommation (marchande) de masse…

Mais, je reviens à mon sujet :

le courage versus la témérité ;

la lucidité versus l’aveuglement

de Dominique Baqué

les « cinq mois de pratique intensive du Net« ,

ainsi qu’elle le formule à l’ouverture du chapitre final (« Une affaire de marketing…« ), page 119, de son « pamphlet » « E-Love« ,

afin, aussi, de mettre en garde contre l’addictivité aux pratiques des « sites de rencontre« , et de ce qui s’ensuit _ bien réellement, via un « sexuellement » effectif, bien qu’éphémère, et si superficiel (en surface, sans « attachement« ) : « on » « passe » immédiatement à « autre chose« , en passant « au suivant ! » ; et si peu différent de la série de tous ceux qui viennent de le précéder (sur ce « marché » via le Net) !.. _ ;

et de ce qui s’ensuit, donc,

de destructeur de (et pour) la personne qui tombe

_ et pour quelque raison que ce soit : la rage (féroce) d’un divorce très mal subi ; la jalousie (panique) d’un « bonheur » (de remplacement) si complaisamment « affiché » (et plus ou moins innocemment « rapporté » par d’autres…) _

dans ces rets-là ;

et de destructeur de « l’intimité« ,

ce si précieux (gratuit, généreux, incalculé) « lien à l’autre« ,

ainsi que l’analyse brillamment Michaël Foessel dans son très important

_ démocratiquement ; et « civilisationnellement » _

« La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru aux Éditions du Seuil, ce mois d’octobre dernier ;

et comme je le rapporte dans mon article du 11 novembre : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » …

En lieu et place du (vrai) désir,

le désir mimétique de l' »envie » (de l' »envieux » : cf les œuvres de René Girard : « Vérité romanesque et mensonge romantique« , « La Violence et le sacré« , « Le Bouc-émissaire« , ou « Shakespeare : les feux de l’envie« , par exemple…).

Apprendre, c’est toujours se déniaiser ; et c’est en cela, aussi, que le critère de l’amour authentique, est de connaître vraiment _ = en vérité et plénitude ! _ l’autre ; de même que s’y découvrir, en même temps, et par là même, soi-même, par cette ouverture que constitue le lien _ et don : gratuit et généreux _ de l’intimité :

« à cœur et corps perdu« , comme l’énonce si bien elle-même Dominique Baqué…

L’amour vrai n’est certes pas aveugle ;

ce qui est aveugle, ce n’est que

l’illusion amoureuse (ou « rêve d’un amour« ) : sa (triste) contrefaçon ;

son envers ; et sa caricature…

Quant à la bêtise, c’est la fatuité ; le contentement de soi ; le refus de chercher à comprendre en cherchant bien, plus loin, et un peu mieux…

« La bêtise, c’est _ ainsi _ de conclure« , l’a mieux dit que d’autres, Flaubert, en son « Dictionnaire des idées reçues« …

On lira aussi, là-dessus, l’excellent « Bréviaire de la bêtise » d’Alain Roger…


Reste l’abîme terrifiant de la trahison,

que ce soit la trahison d’un amour, ou la trahison d’une amitié ;

voire des deux à la fois ;

ainsi qu’en dessine un portrait singulièrement brûlant, le grand, l’immense, Sandor Maraï, dans un de ses chefs d’œuvre : « Les Braises« 

Qu’en était-il

_ rétrospectivement,

pour nous qui nous le demandons, maintenant, au présent, et face à un passé qui vient de nous « lâcher » _ ;

qu’en était-il donc de nos propres sentiments, quand tout s’effondre, et que nous découvrons bernés ;

peut-être d’abord par notre propre bêtise ; par l'(incroyable !) aveuglement de nos illusions ?..


C’est ce cauchemar rétrospectif _ et mélancolique _ là

que rencontre et affronte Dominique Baqué,

trahie, ici, par son mari…

C’est déchoir

de l’espèce (infiniment profuse et généreuse, à l’infini) de l’éternité

à l’espèce aride d’une temporalité soudain devenue pingre (et comptable) pour nous…

Pour le reste, il n’y a rien à chercher ;

encore moins rechercher ;


seulement se tenir disponible,

afin d’accueillir _ avec pureté et générosité _ une nouvelle rencontre…

Quant à l' »apprendre par soi-même« , que met en œuvre assez superbement, et à son corps défendant, a posteriori, Dominique Baqué dans « E-Love« ,

il me rappelle

le très beau travail de penser (et d' »essai« ) de Stanley Cavell, que, sur les conseils de Layla Raïd, je viens de découvrir _ au cours de mon aller-retour Bordeaux-Marseille et Aix (du week-end autour du 13 décembre dernier), par le train : « Un ton pour la philosophie _ Moments d’une autobiographie » _ :

en voici la 4ème de couverture, afin de comparer ce qu’on peut en retirer

aux « leçons » de mon article à propos des démarches d’auteur(e) _ et philosophe ? _, de Dominique Baqué en son « E-Love » :

Rechercher « le ton de la philosophie« , c’est avant tout s’interroger sur
la voix du philosophe, sur sa prétention à parler au nom de tous, à
s’universaliser. C’est la question du statut de l’intellectuel qui est
alors posée, de sa capacité à dire «nous» à partir du «je», à être
représentatif. Cette question est au cœur du travail philosophique,
puisqu’elle accompagne son « arrogance »
_ ou du moins son « audace«  _ fondamentale, sa prétention _ son ambition _ à
éduquer et à parler pour.


Stanley Cavell nous livre ici le récit de certains moments fondateurs
de sa propre existence
, convaincu que l’autobiographie est un des
fondements de la philosophie. Dans le «nous» du philosophe, il y a
toujours un «je»
_ oui ! Comme pour un Montaigne; ou un Nietzsche : Cavell, lui, cite d’abord Emerson (et Thoreau)…

Revenir à la voix, c’est aussi inévitablement s’intéresser à nos
énoncés et à nos accords
_ avec les autres _ de langage, et donc finalement à la
démocratie, qui repose sur la capacité de chacun d’avoir ou, tout au
moins, de revendiquer une voix
_ qui soit écoutée ; et retenue, aussi…

C’est enfin rechercher une voix pure, une parole exemplaire, à travers le cinéma et l’opéra _ soient des Arts de la voix, qui touche…

C’est au prix de ces multiples détours _ l’autobiographie, le langage,
l’opéra
_
que l’on peut repenser l’acte même de philosopher et inventer
un nouveau ton pour la philosophie, celui de l’ordinaire.

Nous retrouvons bien, aussi, le sens même de la démarche de Dominique Baqué…

Titus Curiosus, ce 23 décembre 2008

Le « bisque ! bisque ! rage ! » de Dominique Baqué (« E-Love ») : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la « liquidation » du sentiment _ et de la personne)

22déc

Sur « E-Love _ petit marketing de la rencontre« , par Dominique Baqué, aux Éditions Anabet :

le livre de 130 pages, excellemment écrit (et c’est un euphémisme !) par une _ par ailleurs… _ très intéressante critique d’Art

(dont la photographie ;

cf par exemple, en 2004, son « Photographie plasticienne : l’extrême contemporain » ; et, en 2006, « Identifications d’une ville » _ les deux aux Éditions du Regard),

est paru en juillet 2008 ;

et vient de bénéficier dune incivive et passionnante « lecture » par le toujours très avisé (et affuté) Yves Michaud, en son blog « Traverses » sur le site de Libération, le 7 décembre dernier :

« Méfiez-vous, fillettes« , s’intitule l’article remarquable, lui aussi, qui a attiré mon attention, et « ouvert » ma « curiosité » sur ce livre important :

quant à un peu mieux clairement saisir l’air du temps…

La quatrième de couverture a l’avantage de résumer _ grosso modo _ le propos général de l’ouvrage :

« Un journal de bord _ Oui ! _ écrit à la première personne les très authentiques péripéties d’une femme prise dans les filets d’un site de rencontres _ ou plutôt d’une addiction à un tel site ; ainsi qu’à ce qui, en cascade, va s’ensuivre (en déboulant, à « train d’enfer«  : « freins«  et « marche arrière«  comme coupés !…)…

Après dix ans de vie commune et un divorce incendiaire _ là étant le branle sine qua non de l’aventure et des accélérations de ses tourbillons _, l’auteur(e) se lance _ mais sans le savoir ni le vouloir vraiment ! _ à la découverte _ malgré elle : c’est loin d’être une enquête sociologique méthodique programmée ! _ des mœurs de ses contemporains masculins  : « je cherche un homme (40-50), cultivé et curieux, tendre et cérébral, pour construire _ eh ! oui ! _ une relation durable. Hommes mariés, séducteurs d’un soir et allergiques au tabac, merci mais… non merci ».

Derrière l’échange des mails, des « chats », des occasions manquées et des aventures sexuelles compulsives, la narratrice n’épargne personne, pas plus les hommes qu’elle-même _ certes pas, en effet ! elle fut fort courageuse (sinon, à une ou deux « occasions« , même carrément téméraire) ! _, n’oubliant jamais _ enfin, presque ! _ qu’il s’agit d’un jeu _ le terme demandant, toutefois, à être un peu plus « éclairé«  _ dont il lui faudra progressivement _ à son corps (ainsi qu’âme) défendant ! _ décrypter les règles _ de fait : de  marché…

En filigrane de ce récit, se dessinent les désirs _ est-ce bien tout à fait le mot juste ?.. _ d’une société _ elle-même ? ou bien plutôt ses « membres«  : épars, et éparpillés ?.. _ qui, n’ayant plus _ ou plutôt consentant (eux-mêmes !) à ne plus vouloir si peu que ce soit le prendre _ le temps d’aimer _ et voilà bien le cœur de cible de l’affaire ! _, accélère le tempo et suscite de nouveaux _ sociologiquement, probablement ; car pour le reste, un amour est-il jamais « ordonné«  ??? _ désordres amoureux.

Premiers tâtonnements _ où l’on (= l »héroïne de l’aventure) s’égare, se perd…

« Ma faiblesse est de ne pas savoir résister au désir _ (réductivement !) physique et hic et nunc ! _ d’un homme. Toujours cette faille narcissique qui demande à être comblée » _ se dit à maintes reprises à elle-même l’auteur(e),

en « Alice«  (« Cendrillon«  dénudée ; à moins qu’elle ne se retrouve aussi en guenilles) en ce « Wonderland«  de notre « modernitude«  assez confortablement installée… :

« Wonderland«  d’instants (extatiques) pas trop longs

d’à portée de clavier, et tout de suite, à présent, désormais !.. n’arrêtant plus le « Progrès«  (de plaisirs _ orgasmiques _ remarquablement « bien tempérés« ) !…

Regardons-y donc _ attentivement intensivement : dans le détail… _ d’un peu plus près.

En fait,

« Divorcée. Me voici donc divorcée _ elle n’en revient pas…

 Je répète ces mots avec incrédulité

_ il va lui falloir bien des épreuves pour l’affronter et l’assumer vraiment ; et c’est à la dernière page seulement que Dominique Baqué acceptera le fait (d’absolue singularité) de l’amour (ou/et de son absence) : qu’il « n’est pas un produit marketing«  : soit la phrase finale de ce petit (grand) livre, à la page 124… _,

comme s’ils ne me concernaient pas, comme s’ils n’avaient pas pu m’arriver, à moi. Surtout avec cet homme _ « D.« , son « ex-mari » (page 4) _ que j’avais aimé à corps et cœur perdus.« 

Tel est l’incipit de l’essai « E-Love _ Amours & Compagnie« ,

est-il indiqué (en titre) à la page 1 (d’un premier chapitre « En faillite« )

à la place de « E-Love _ petit marketing de la rencontre« , sur la couverture !!!

Le paragraphe qui suit l’explicite : « Le divorce est comme un incendie qui dévore tout sur son passage : les êtres, mais aussi les souvenirs, les objets, les lettres, les photographies. Abrasée, calcinée, je n’existe plus«  : effondrée, avec ce sol qui se dérobe sous son pas, tout se dissout donc…

Dominique quitte donc la maison commune

avec ses « quelques biens _ pour l’essentiel des livres, trop de livres, ces livres qui envahissent mes appartements successifs et dévorent ma vie au point, parfois, de m’empêcher de la vivre _,

et accompagnée de ma fille, âgée de huit ans, qui, comme tous les enfants du divorce, fait les frais de l’incommensurable bêtise des adultes« ,

car l’enfant (de l’amour ou pas) demeure bel et bien, lui,

toute femme abandonnée ne devenant pas nécessairement Médée ;

non plus que Didon…

« Seule , je le suis doublement : trois semaines à peine avant que je fasse mes cartons, D., mon ex-mari, s’affichait _ voilà donc l’expression terrible ! _ avec une nouvelle compagne,

alors même qu’il proclamait, il y a peu encore, vouloir vivre une impériale solitude.

Je suis donc à terre, déchue

et en proie au plus cruel _ et abrasif _ des questionnements : qu’ai-je donc été pour cet homme _ est-ce donc là l’aune du réel ? _ si, après dix ans de vie commune, je suis

aussi rapidement

_ le critère de la vitesse importe à la mesure du rapport entre temporalité et consistance de la réalité, face à la perpective (de quelle consistance, elle ?) de l’éternité ;

cf Spinoza : « Nous sentons _ mais quand, comment, à quelles conditions de réalité (vérité) ? _ et expérimentons _ le questionnement redouble et jusqu’à l’infini le quid déjà ressenti au premier « niveau«  et « degré«  du (simple) sentir _ que nous sommes éternels« … _ ;

si, après dix ans de vie commune, je suis aussi rapidement

et facilement

remplacée ? _ voilà la pire blessure : la mise au néant de l’irremplaçable singularité du soi (pour l’autre aussi)…

Dix ans d’erreurs et d’illusions _ mises ainsi à la poubelle _, peut-être _ le mot est paradoxalement une opportunité de réconfort : et si le pire n’était pas le plus sûr ?..

The wrong woman in the wrong place… _ sur quelque échiquier (social) pré-programmé ; pré-installé…

quelque chose comme une erreur de parcours _ en une carrière : et si là était précisément l’erreur de fond (encore !) de Dominique Baqué, du moins au moment de l’écriture de ce premier chapitre ?..

La jalousie est une tyrannie _ sociale, encore !.. quand donc s’en extirpera-t-elle ?.. _ que je connais trop bien, pour l’avoir vécue à chaque fois qu’un homme me trompait » _ dit l’auteur(e), page 4. Et :

« je hais cette nouvelle femme presque autant que D.,

je hais leur bonheur _ ah! bon ! comment peut-elle le croire ? sachant ce qu’elle sait de son ex-mari… : elle est vraiment bien déprimée… _

si rapidement acquis _ un bonheur s’acquiert-il ? Non ! Voilà une des « erreurs«  de base, ici… _ ;

ce cadeau qui lui a été fait _ et par qui donc ??? _ à lui,

et non à moi _ que d’erreurs ! déjà… ,

de retrouver _ encore une nouvelle erreur _ les transports des premiers commencements _ que de naïvetés (de midinettes) ! que d’ignorances ! que d’inexpériences de cinquante ans de vie pourtant !…Qu’apprend-on donc de l’Art (vrai) et de la culture (quand elle est authentique) ?..

Au résultat, page 5,

« maintenant, c’est le silence _ de la solitude _ qui m’assourdissait«  _ à la place des cris (de dispute) d’un couple « mal assorti« , sans amour vrai…

« Certes, je suis de nature solitaire, les groupes me terrifient et je n’ai que peu d’amis

_ même si Dominique Baqué ajoute immédiatement, dans le souffle même de sa phrase : « mais je puis dire qu’ils _ elles, d’ailleurs _ répondent à ma haute exigence en matière d’amitié« .

Mais là, le silence était tel qu’il se cristallisait dans la pièce, se faisait minéral : on aurait pu le toucher.« 

Aussi, avec le recul de la réflexion, la conclusion semble-t-elle bel et bien s’imposer :

« C’est ce silence, bien davantage que le manque d’un corps _ tel que celui de son « ex-mari«  ; d’« un corps«  plus que d’une âme ? ou d’un visage ? et d’une vraie conversation ?.. _ qui m’a redonné le désir _ ou le besoin ? _ d’un homme _ quel qu’il soit ? _ à mes côtés _ pour « re-former«  un « couple« , en quelque sorte…

Après une telle épreuve de plusieurs mois _ car le temps passe _, j’avais d’ailleurs revu à la baisse mes exigences _ de quel ordre, quant à l’altérité d’autrui ?.. _ : je ne demandais même plus à l’autre ces conversations que j’affectionne sur la culture contemporaine _ sont-elles de suffisamment de consistance, cependant ? _ ; non, je voulais juste parler, dialoguer, raconter ma journée, écouter de la bouche d’un autre les nouvelles de son monde à lui _ ici (« son monde à lui« ), il y a progrès…


Mais la réalité _ en son « manque«  !!! _ était _ se révélait _ sans appel : il n’y avait personne à mes côtés _ dans mon lit ? seulement ?..

Pour la première fois de ma vie amoureuse _ envisagée et comme une continuité, comme un dû, comme une norme (sociale !) _,

rien _ et non pas « personne«  !!! _,

absolument rien _ encore ! _ ne se présentait«  _ comme corps d’usage à proximité immédiate, probablement ! Dans le décor familier (de l’appartement), en quelque sorte…

«  »Sors ! », me répétaient mes amies. »

Mais : « Je me méfie des galeristes, que _ en tant que « critique d’Art«  _ je soupçonne d’être aimable pour tirer de moi quelque article _ à leur profit _ profitable ;

et je tiens en piètre estime humaine _ voilà un critère un peu plus intéressant, enfin ! _ les artistes au narcissisme souvent démesuré,

incapables de s’intéresser _ ah ! l’intérêt ! et la rareté du désintéressement ! pour ne rien dire de la folie de la générosité passionnelle ! _ à autre chose qu’à leur œuvre _ en prolongement de leur (tout) petit égo _ :

j’ai d’ailleurs pris pour principe de ne regarder que les œuvres

et de ne plus jamais chercher à connaître leurs auteurs »

_ mais que peut donc « valoir«  l’œuvre de quelqu’un dont on n’a pas le moindre désir de faire (vraiment) la connaissance ?

Et en irait-il de même de tous les « rapports«  humains : en ne « s’intéressant«  rien qu’aux actes et aux résultats, bien séparément, surtout, des personnes dont ces actes et ces résultats émanent ; et (personnes) dont on se préservera avec tous les préservatifs possibles et imaginables au monde !..

« Quant aux collègues de l’université où j’enseigne,

soit ils sont déjà mariés _ et il est hors de question pour moi de jouer les backstreet _,

soit ils incarnent tout ce que je déteste dans l’université prétendument de gauche qui est la mienne :

dogmatiques et intolérants pour l’intérieur _ si tant est que cela puisse seulement se dire ! _,

vaguement négligés _ cheveux douteux, gros pull et pantalon en velours côtelé, épais mocassins _ pour l’extérieur.
Bref, l’antidote même au désir…
« 


Mais, page 8, « je n’en demeurais pas moins désespérément seule.

Décidément, il me fallait _ oh ! la fâcheuse confusion du désir avec le besoin ! _ un compagnon. Et vite«  _ qui plus était !.. Comme si le salut se trouvait dans de pareilles configurations !!! Cherchez l’erreur !..

avec ce commentaire hyper-lucide, à côté, cependant : 

« D’autant que la haine _ voilà le terreau de tout cela : sur le ressentiment, lire Nietzsche (« La Généalogie de la morale« ,  » Par-delà le Bien et le mal« , etc…)… _ ;

D’autant que la haine se nourrit de vengeance _ tout part ici de là _, et que, oui, je voulais me venger _ Bisque ! bisque! rage !!! _ de ce bonheur _ vraiment ? un peu moins se laisser prendre aux « images«  et aux récits « rapportés«  _ trop expansif _ ou seulement démonstratif, exhibé, voire exhibitionniste ? _ que D. affichait

_ voilà donc le mot ! nous ne sortons guère du monde de la « publicité« , de la « publication«  (et de ce que Michaël Foessel analyse si joliment sous son expression si juste de « La Privation de l’intime » cf mon article du 11 novembre dernier : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la démocratie » _ 

jusque dans les rues, m’avait-on rapporté _ bien sûr : le « dispositif«  (social) fonctionne à plein (et envers le seul amour-propre socialisé)…

Alors, page 8 : « Ce n’est qu’en me souvenant d’articles consacrés dans la presse à l’expansion des sites de rencontres _ de quel type ? Dominique Baqué ne semble pas s’en inquiéter ; ni au présent de son histoire ; ni à celui de son écriture : elle demeure encore (un peu) trop « collée«  à son sujet ; et à sa « mésaventure«  _ que, peu à peu, l’idée a pris corps _ significative tournure ! quant à la représentation, même métaphorique d’un corps (et du peu de réflexion sur « tout ce que peut un corps« , ainsi que le formule l’admirable Spinoza, en son « Éthique« …) _ de m’inscrire sur l’un d’entre eux… »

« Pour moi _ continue Dominique Baqué, page 9 _, s’inscrire sur un site de rencontres resta l’aveu d’un échec ;

d’une incapacité à séduire _ séduire est-il de l’ordre de la stratégie ? de la technique ? de l’instrumental ? _ par des voies que j’oserais dire plus « naturelles » _ moins « artificieuses«  et « factices« , plutôt _, la signature d’un abandon.

J’hésitai longtemps avant d’y souscrire.

En revanche, une fois que la décision fut prise,

je mis tout en œuvre pour y adhérer vraiment _ elle met le paquet ! Et j’y crus, au début, tant il est vrai que pour toute chose _ naïveté signifie « neuveté«  _ « les commencements sont les temps les plus beaux »... Sauf que l’enfance est aussi le sommeil de la raison…

Je me garderai bien de déflorer le reste,

qui est passionnant,

pour cette Alice – Cendrillon au « Pays des Merveilles«  !

Je me contenterai de relever quelques annotations :


Page 29-30, cette confidence de Paul :

« « Pour un homme, le site c’est extraordinaire, c’est comme une boulangerie géante où l’on choisirait ses gâteaux… » Un peu interloquée par la comparaison pâtissière, je la trouvai par la suite très juste : Paul avait formulé tout haut ce que tant d’internautes pensaient tout bas, derrière _ par rapport à l’interlocutrice _ leur écran. Le Net était un hypermarché du sexe,

et celle qui en attendait autre chose _ « construire une relation authentique« , avait écrit Dominique sur sa petite annonce ; « séducteurs d’un soir, non merci«  (page 14) _ risquait fort d’être déçue. Ce fut, si je puis la formuler ainsi, la première « leçon » de mon apprentissage sur le réseau« , page 30 du chapitre « Premiers tâtonnements« …


Pages 67-68, au final du chapitre « Compulsion et rentabilité« , et à propos de l’« addiction« , confrontée à l’accumulation des « déceptions«  :

« La puissance du Net (…) joue fort efficacement sur la dialectique du « décept » et de la réparation narcissique.

Lorsque vous venez de vous faire éconduire, plus ou moins brutalement, par un homme,

vous êtes en état de grande vulnérabilité psychique ;

vous venez de subir quelque chose de l’ordre de la blessure narcissique ;

et cette blessure réclame réparation _ au sens freudien du terme  _ ou comment ne pas demeurer scotché, encalminé, à l’échec ?

Mais comment réparer ? Aussi incroyable que cela puisse paraître à ceux qui sont extérieurs au réseau,

en attendant le prochain flash…

Car, et c’est une autre force du système _ et c’est là un des apports fructueux de l’analyse de Dominique Baqué _, vous repartez vierge, si j’ose dire, à chaque expérience : tout est oublié,

c’est la prochaine expérience,

le prochain partenaire _ et ils sont légion à se bousculer à votre portillon ! comme les non-joueurs au Loto qui ont 100 % de chances de ne pas y gagner ! _,

qui seront les bons _ ou la force (magicienne) de la croyance !

La capacité d’oubli sur le Net est extraordinaire. C’est elle qui permet qu’à chaque fois la machine puisse se relancer.

Qu’un homme _ au sens physiologique _ vous flashe et vous adresse des mails flatteurs, puis érotiques,

contribue ainsi très vite _ et très facilement _ à une restauration narcissique _ bien peu exigeante, par là _,

quand bien même celle-ci est sujette à caution

et tout à fait provisoire.

Mais cela,

vous choisissez _ dans la fébrilité de l’instant et de ce qu’il semble offrir de possibilités _ de l’ignorer _ soit vous illusionner ! _,

et donc de poursuivre.

La puissance du Net joue avec et sur des pulsions archaïques fondatrices du psychisme » _ infantile, et infantilisant, donc : en jouant l’exclusivité du « principe de plaisir«  par rapport au « principe de réalité«  !..

« D’autant plus que, dans cet univers de la marchandise qu’est le réseau,

la machine induit d’elle-même des comportements addictifs : le sujet y voit son désir certes mis à mal _ par le réel auquel il vient, durement et durablement, se cogner _, mais sans cesse relancé par la compulsivité des annonces. Plus je consomme, plus le désir en redemande _ mieux et davantage : le manque se creuse, qu’il faut très vite combler.

La machine s’affole :

je passe de corps en corps,

de lit en lit. Malgré moi, malgré les puissances de la rationalité qui m’enjoignent de tout arrêter,

je poursuis,

prise dans les rets de ce jeu,

et la fascination _ du « joueur » : cf Dostoïevski _ pour le toujours-davantage.


Mais
que l’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit guère de libertinage _ pratique sexuelle hautement cérébrale à laquelle la littérature, dix-huitiémiste notamment, a donné des lettres de noblesse.

Les joueurs du Net ne peuvent être des libertins,

parce qu’ils sont happés par l’univers de la marchandise.

Et dans cet univers, il y a peu de surprise,

peu de marge de liberté aussi : chacun est programmé,

qu’il le sache lucidement ou non,

pour une sorte de parcours fléché

au terme duquel

on ne rencontre jamais l’autre,

mais une marchandise.« 

Tout est donc exhumé ici !..

« Ainsi pourrait-on dire que le pornographique s’est saisi d’un outil, le Net,

et qu’il contribue largement au devenir-marchandise des corps _ vidés d’âme : voilà !!!
Sans issue.
« 

Vient alors, au chapitre « Je suis foutue » _ car « amoureuse !«  _ page 72, ce qui s’avèrera la seule vraie rencontre (du moins possible) : avec quelqu’un ! qui soit une « personne«  !.. (et pas rien qu’un porteur d’un sexe ; ou de plusieurs…) :

« J’attends. Je l’attends _ Nathan _, depuis une demi-heure maintenant (…) lorsque soudain il est devant moi, haletant d’avoir trop couru, dans l’envol de son trench blanc et son parfum de Lucky Strike. Je lève les yeux,

et enfin surgit un visage. Nathan a un visage,

là où les autres n’avaient que des têtes… _ comme c’est magnifiquement ressenti…

Et aussitôt résonne en moi la phrase de Roland Barthes s’apercevant _ dans « Fragments d’un discours amoureux«  _, comme une évidence brutale, qu’il est amoureux : « Je suis foutu »…

Surtout ne rien laisser transparaître de mon éblouissement,

même si, tout en parlant, je ne cesse d’admirer la beauté brune et sèche de son visage,

qui n’est pas sans évoquer celui de l’acteur Laurent Terzieff dans sa jeunesse…

Très vite, avec Nathan, la complicité se noue : il entretient avec la langue le même rapport que moi à l’écriture,

c’est dire combien il aime converser

et surtout, par comparaison avec ses prédécesseurs, combien sa parole fait sens…

Etc… page 73… Tout cela _ quant aux conditions du « sens«  _ est en effet très important…

… 

Mais, bientôt, page 78, un peu plus tard ce même soir :

« Nous faisons l’amour. Mal.

Nathan est peut-être un libertin, comme il me l’a laissé entendre à diverses reprises _ cette longue soirée-là, déjà _,

mais c’est un amant médiocre.
A la vérité, je ne suis même pas déçue,

je m’en moque.
Car pendant l’amour, je n’ai cessé de contempler
_ mais regarder ainsi, est-ce aimer ? ou seulement « tomber amoureux«  ? _ son visage sublime, concentré,

dépourvu de toute expressivité _ ah ! bon ! Presque dur.

Etc…

Le chapitre suivant, intitulé « La douleur » _ pages 85 à 89 _,
réserve quelques jolies surprises,

bel et bien « libertines« , effectivement, cette fois-ci…

Avec suites bien décevantes _ je n’en dirai pas davantage ici _ pour Dominique.

Avec un épilogue (tardif) le 1er janvier 2008 :

« Je n’aurai la clef de cet abandon que le le 1er janvier 2008 lorsque, mue par je ne sais quelle nostalgie,

j‘adresserai à Nathan, sur son adresse électronique personnelle _ et non sur le « site de rencontres«  _, un mail de bonne année,

qui se voulait élégant et distancé, mais non exempt de mélancolie,

puisque je lui avouais

qu’il avait été le seul homme à avoir su m’émouvoir

_ le mot compte : prémisse à l’émergence (mort-née ?..) de sentiments ? _

depuis mon divorce.

Il me répondit ce qui suit :

« Bonne année à toi, Dominique.

Si j’ai cessé tout contact avec toi,

c’était pour que la coupure soit nette et sans appel.

Je voulais _ ah ! le vouloir en ces « affaires«  ! est nul et non advenu ! _ pour nous deux une relation sans concessions,

où tu aurais tenu le rôle d’objet sexuel _ voilà qui est on ne peut plus clair !

J’avais trop d’amitié pour toi pour te l’imposer _ ce « rôle«  d’« objet«  _ ,

et trop de désirs _ mais est-ce bien là le terme adéquat ? au moins, est-ce ainsi, que lui, Nathan, se dit, à lui-même d’abord, l’éprouver… _ pour ne pas le regretter.

Nathan. »

Les deux derniers chapitres d' »E-Love » s’intitulent « l’amour sans amour« 

et « une affaire de marketing » :

à relier avec le projet de Dominique de « construire une relation authentique«  (page 14)…

« Echaudée par ma dernière relation avec Mounir, lasse soudain, je cessai de consulter le site de rencontres sur mon ordinateur«  (page 105).

« J’étais déjà quelque peu misandre avant cette expérience, je le devins davantage encore.
Je ne comprenais décidément rien à ces hommes qui, tels des girouettes, disent et se dédisent,

n’accordent aucune valeur à la parole donnée _ comment vivre sans confiance vraie ? _,

se comportent comme des goujats,

n’honorent pas les rendez-vous convenus.
et qui, surtout,

ne semblent rien savoir de ce qu’ils veulent vraiment,

ni de ce qu’ils traquent sur le réseau.« 

« Pourquoi n’avoir pas arrêté, de nouveau ? »

« C’est la narration, par ma fille, de ce qui semblait être un bonheur édénique

entre D., mon ex-époux, et sa nouvelle compagne,

qui, de rage,

me réinstalla face au clavier.

Piètre argument en vérité _ convient-elle _ : je savais d’ores et déjà que je ne trouverais jamais l’équivalent _ mais que vaut ici ce vocabulaire (d' »équivalence« ) ? _ sur le site

de ce bonheur supposé _ deux termes à mettre aussi, et de toute urgence, au trébuchet !..

Je commençais à me sentir vraiment désabusée : toutes mes illusions s’étaient envolées au fil des rencontres _ qui n’en étaient que de grimaçantes, affreuses, caricatures ! _ ;

et aussi (page 116) :

« Mounir, Olivier, Nathan, Charles, Mario et tant d’autres encore

m’apprirent la multitude des corps ;

mais la relative indifférenciation des pratiques,

quand bien même un amant était plus attentionné qu’un autre,

ou plus performant,

ou plus inventif _ Mario étant, je l’ai dit, celui qui me donna le plus de plaisir.

Mais il existe paradoxalement un ennui, à la longue, de passer de corps en corps,

tant la sexualité, somme toute, propose peu de variations :

en ce sens,

j’irai jusqu’à dire que

la pornographie,

précisément parce qu’elle est la caricature codée de la sexualité,

en propose une certaine vérité.

C’est cette répétition du même dans l’autre,

et plus encore le devenir-marchandise des corps,

qui me semblent caractériser la vie sexuelle sur le Net,

et qui ont fait que, peu à peu, malgré mon addiction, je m’en suis détachée :

je crois finalement plus passionnant _ mais la passion, Dominique,

se prête-t-elle jamais,

ni si peu que ce soit,

à quelque comparaison que ce soit ??? _

d’explorer les possibles d’un seul corps _ mais s’agit-il bien de « propositions«  d’« expérimentations«  (= « explorations« ) ? _

que d’échanger des corps

qui,

du fait même de l’échange,

en deviennent indifférenciés,

l’altérité se perdant dans une sorte de communauté molle…

_ ou la pataugeoire gluante du nihilisme…

Par ailleurs,

une telle sexualité oblitère la parole :

je veux dire par là que la parole y est réduite à sa simple fonction

d’introduction

et d’accompagnement.

 Elle ouvre _ a minima !!! _ la rencontre,

permet diplomatiquement _ très minimalement encore !!! _ que l’accouplement ne soit pas trop brutal

_ on appréciera l’oxymore, entre « degré de brutalité«  et « permissivité diplomatique«  ! par où « faut-il«  donc venir « en passer«  ? et pour quels « résultats« , diantre, bigre !?! Quels Thermopyles (de la relation :

mais entre quoi : entre des corps ?

et réduits, qui plus est, à de purs sexes ?

quelle étrange (drastique) « réduction«  gymnique ?! ) ?! _,

mais ne vise à rien d’autre qu’à l’amener _ cet accouplement-là !..

Tout ça rien que pour ce si peu-là !..

Les mails et surtout les chats sont dotés d’une seule fonction _ toujours la réduction (du « modèle«  d’instrumentalisation « économique« ) _ :

après des circonvolutions et détours plus ou moins développés _ plutôt les « abréger« , parant (seulement) au plus pressé (et à moindre coût) : « time is money« , « isn’t it ? » _,

fixer le premier rendez-vous qui,

en principe,

amènera _ et le plus tôt sera le mieux _

à la relation sexuelle _ soit l’objectif (orgasmique) !

Quant à la parole vivante _ on admirera l’adjectif _ du rendez-vous _ en tant que tel _,

elle prend le relais :

elle est purement marchande et fonctionnelle _ ne s’agissant que d’une transaction à régler (vite fait, bien fait)…

Une borne phonique automatisée ferait quasiment aussi bien _ voire mieux _ l’affaire !..


Il est très rare qu’elle donne lieu à une véritable conversation

_ tout un art ! et toute une culture ;

sinon, une « civilisation«  (« des mœurs« , nous dirait un Norbert Elias  : l’édition originale de son livre datant _ très significativement _ de 1939 (et en Angleterre) !!!..

Et sur « l’art de la conversation » lui-même,

on se reportera à la très remarquable anthologie réunie en 1997 par Jacqueline Hellegouarc’h, aux Classiques Garnier : l’anthologie va du Père Bouhours à l’Abbé André Morellet)… _ ;


Il est très rare qu’elle donne lieu à une véritable conversation _ donc, je reprends _,

un authentique débat d’idées _ quelle idée ! saugrenue !!! en pareille tractation d’« accouplement«  (de sexes)… _,

puisque l’essentiel _ aïe ! _ se joue ailleurs,

dans la rencontre _ réduite au strict physiologique (génital) _ des corps.


En fait la parole _ puisque c’est d’elle qu’il s’agit dans cette notation importante de Dominique Baqué _,

participe d’une même mécanique

que l’ensemble des rapports sur le Net :

c’est, elle aussi, une « parole marchande »

qui suit les sentiers très balisés d’un questionnaire soumis à peu de variations

_ profession, enfants, projets, précédentes rencontres sur le réseau, etc… _,

et coupe court _ certes ! ce n’est pas là le bon « flux«  !.. et « couper court«  est tout son office !… _

à tout véritable dialogue,

chacun des protagonistes ne se demandant qu’une chose :

« Est-ce qu’il/elle me plaît ? Est-ce que moi je lui plais ?.. »

_ dans l’unique perspective, et à très court terme (pour ne pas dire « immédiat« ), d’être tout simplement « agréé«  (comme sexe…) à la chose à accomplir (ou pas) ici et maintenant : sur le champ et sur l’heure (et, éventuellement, un lit)…

Cf Crébillon fils, en 1755 : « La Nuit et le moment« ...

« C’est pourquoi

_ et c’est la conclusion de ce chapitre « L’amour sans amour » _

les chats et les mails sur le Net

sont d’une telle pauvreté sémantique

_ et humaine « non-inhumaine« ,

ainsi que le dirait un Bernard Stiegler (dans « Prendre soin 1 _ de la jeunesse et des générations« )... _ :

ils ne cherchent pas à faire sens,

mais _ rien que _ à être efficaces,

à frapper leur cible _ obtenir leur effet…

Nul besoin de littérature pour cela…


Sauf pour ceux qui ne vivent que dans le virtuel

_ cela devient de plus en plus (technologiquement ) possible ! _

et ne passent _ même… _ jamais au stade de la rencontre _ il y en a, même s’ils sont

_ pour le moment, encore, probablement… _

minoritaires _ ;

pour les autres (que ces partisans du virtuel-là),

il s’agit d’accélérer le tempo de la rencontre _ en effet ! _

pour plus vite passer à l’acte _ ce sont des hyper-actifs !!! et à quoi bon perdre son temps

en circonvolutions (et préliminaires intempestifs) ?..


Car le temps du Net

n’est pas de l’ordre de la temporalité ordinaire _ c’est fort bien vu !!! _ :

c’est un temps compressé,

où chacun s’applique à faire vite _ sans perdre la moindre once de son temps (de vie : si précieux !..) _,

dans l’urgence sexuelle _ cela vaut mieux que d’employer le beau mot de « désir«  en pareille occurrence… _

des corps

_ strictement envisagés dans l’ordre du pur physiologique :

bien séparés ici de quelque âme que ce soit :

tant celle de soi, que celle de l’autre ;

ainsi que de celles de tous les autres…

Il n’y a plus ici que de ces poupées à la Bellmer :

point qui n’échappe d’ailleurs pas à certains de ces « sexo-protagonistes«  :

dont Nathan (page 79) :

« Est-ce ce que tu veux jouer à la poupée avec moi ? »

Et va s’ensuivre,

après « un relooking complet«  (toujours page 79),

toute une opération (dans le quartier du Palais Royal) où se précise ce « qu’il appelle jouer à la poupée avec lui » (page 82),

que commente ainsi Dominique :

« je me savais exhibitionniste, mais n’avais eu jusqu’alors aucune occasion de manifester cette préférence sexuelle : Nathan m’a tout de suite devinée« …


Quant à Charles,

après avoir prononcé (page 64) « cette phrase que je n’ai entendue de la part d’aucun autre homme : « Fais de moi ce que tu veux, je suis ta pute »,

il « s’adresse maintenant » (page 65) à Dominique « comme à une pute » :

ce qui vaut ce commentaire de l’auteur :

« j’ai toujours eu des difficultés à accepter, voire même à entendre, la crudité de la parole sexuelle masculine. »

Avec cette « leçon«  de l’expérience (page 66) :

« Je me sens en péril : peut-être suis-je allée trop loin dans les sites de rencontres.

C’est la compulsivité qui, après une euphorie factice, a déclenché mon angoisse.

Je suis en train de m’égarer dans des rapports sexuels dépourvus de sens

_ comme en Art, comme en tout, c’est bien la question du sens qui est cruciale !!! _,

je ne fais que participer à l’échange généralisé _ interchangeable jusqu’à plus soif ! et à n’en plus pouvoir mais… _ des corps sur le réseau.« 


« Il n’est pas sûr, loin s’en faut _ commente alors Dominique, page 66 toujours) _ que cela convienne à mon mode d’être _ et c’est probablement un euphémisme…

Que veux-je prouver ? _ et à qui donc ?.. Que je peux séduire, encore ? C’est fait.

Mais à quel prix…
Quelques images brouillées, des bribes de souvenirs, des prénoms qui se mélangeront dans ma mémoire oublieuse
. »

Mais la carrière de « poupée soumise » que Dominique avoue avoir « donc accepté de devenir » pour Nathan (page 85)

s’arrêtera là ;

et pas de son fait, mais de celui de Nathan,

qui choisit (par là) de la préserver d’y donner suite.

J’ai déjà, plus haut, indiqué pourquoi, avec ce « dernier mail de Nathan« , « le 1er janvier 2008«  (page 89) :

« Je voulais pour nous deux une relation sans concessions _ bigre ! _,

où tu aurais tenu le rôle d’objet sexuel _ voilà la clé de ce mot de « poupée«  !..

J’avais trop d’amitié _ un rapport à autrui « non-inhumain«  !.. _ pour te l’imposer

_ à une esclave ; à une bête domptée ; à une chose « dés-humanisée«  !.. ;

et trop de désirs _ sado-masochistes _ pour ne pas le regretter«  :

Nathan (militant _ pour les élections municipales à Bordeaux _ du PS : page 87) a su tout de même, de ces « désirs« -là, faire son deuil, avec elle, du moins ; sinon avec d’autres…

Voilà qui donne aussi pas mal à penser…

Quant à Mounir,

« Mounir _ même _ n’est plus Mounir«  (page 102), le jour où pour la première fois il l’emmène chez lui :

« Les caresses sont plus rudes qu’à l’accoutumée. Mounir me pénètre plus rapidement

et, pour la première fois, il parle. D’une voix péremptoire, sans appel.

_ « Dis-moi que tu es ma chose. »

Cette fois-ci, je sens que ce n’est pas comme avec Olivier,

je pressens que

si je me moque,

les choses vont mal tourner,

même si je ne sais de quelle façon.

Mounir n’est plus Mounir. Je répète donc, d’une voix atone que, oui, je suis sa chose.
Mais Mounir veut, si j’ose dire
_ et c’est bien de « volonté«  (et du seul rapport de forces) qu’il s’agit là _ des aveux complets.

_ « Dis : « Je suis ta pute« .

_ …
_ Dis-le ! » (page 102)…


(…)

Soudain, dans le combat qui s’engage, je comprends que je suis perdante.

Pour d’inexplicables raisons, Mounir a changé.

Personne ne sait où je suis ce soir-là _ le point (contextuel) est d’importance.

Si les choses dérapent _ (!!!) _ personne ne viendra à mon aide.
Je choisis de capituler, dans un souffle.

La mort dans l’âme _ qui demeure, donc…

Je suis vaincue.

Et à propos de cette « énigme » de « la transformation de Mounir« ,

ces réflexions, encore, page 103 :

« Je crois que, pour la première fois chez lui, en territoire conquis,

il put enfin laisser libre cours à ses fantasmes

_ ce qu’il se retenait de faire chez moi :

assumer sa domination sur moi,

me chosifier,

me traiter comme une putain.

Soit le fantasme finalement le plus partagé par les hommes du Net

_ ou une « nouvelle«  « humanité« , probablement…

(…)

Face à une femme du réseau _ d’une « nouvelle » « humanité« , probablement aussi… _,

ils s’arrogent immédiatement le droit d’en faire une chose,

de la constituer en marchandise…

Dans le meilleur des cas,

d’en faire une pure surface de projection fantasmatique ;

dans le pire,

de la traiter comme une putain,

les conventions sociales ayant explosé _ dans les rapports « humains«  _ avec une violence inouïe » .

Alors, au bilan de son dernier chapitre, d’à peine 5 pages (intitulé « Une affaire de marketing« ),

« après cinq mois de pratique intensive du Net » _ tel en est l’incipit, page 119 _, et « pour une seule vraie rencontre, celle de Nathan« ,

Dominique Baqué ne peut plus refuser « l’évidence » :

« je n’avais été _ et cela, depuis la rédaction de l’annonce _ qu’un pur produit de marketing. Une marchandise à vendre, ou plutôt à louer, avant date de péremption«  _ sur ce marché-là, s’entend… ; avec un « statut » guère « différent, rétribution en moins« , de celui des « femmes des célèbres vitrines rouges d’Amsterdam… »

C’est que « le Net se repaît de mensonges.

Qui voudrait donner de soi une image juste ?

Entre l’image plus ou moins formatée par les codes publicitaires que l’on expose sur le Net

et la propre projection fantasmatique de celui auquel elle _ cette « image« -là _ s’adresse,

se joue déjà un double effet de décalage _ en est-on forcément, et dans quelle mesure, dupe ?..

Dès lors, il ne peut y avoir que maldonne _ pour tous ? même les corps (ou sexes) ?..

Et duperie.


Et cela pour ne rien dire de ce (« authenticité« , « tendresse« , « sensualité« ) que « promettent«  ou « proposent«  _ comment faut-il le qualifier ?les « annonces«  elles-mêmes…

« Vaste histrionisme de ces annonces,

mensonge élevé au rang d’un art ubuesque,

comédie des sentiments,

leurre des apparences.

Car tout est _ donc... _ leurre et mensonge sur le Net » :

« l’annonce _ en tant qu’« appel à la consommation

qui se modélise d’ailleurs assez souvent sur le modèle publicitaire » _ ;

« la photographie«  ;

« mais surtout, et plus gravement, c’est la rencontre elle-même qui est un leurre :

parce que chacun est pour l’autre,

au mieux,

une surface de projection fantasmatique ;

au pire,

un produit à consommer le plus vite possible ;

l’autre est nié

dans son altérité même«  _ voilà le plus « grave » et destructeur, en effet, des liens de personne à personne ; dans la vérité des regards et des visages… ;

pour ne rien dire de ce qui est détruit

de la personne même ; elle-même

_ si tant est qu’une identité puisse (jamais !) s’établir et se constituer à l’écart de ses rapports avec les autres, bien sûr !!!


Dominique Baqué le dégage parfaitement, page 121 :

« Dans ce monde du leurre et de la marchandise,

il ne peut y avoir ni « envisagement »

_ un autre disait on ne peut plus explicitement : « la tête sous l’oreiller«  ; et, seul, le seul le sexe « offert »  _ ;

ni dialogue

comme vecteur _ dynamisant ! vers toi !.. _ de sens :

tout est réglé mécaniquement _ « protocolisé« , en quelque sorte (avec masque);

le monde des possibles est comme écrasé ;

ne reste que le parcours fléché _ et à tapis roulant _

entre deux sujets _ en fait « objets assujettis«  ; certes pas « sujets s’inventant leur propre devenir« , « librement«  !.. _

qui n’adviendront jamais l’un à l’autre _ non plus qu’à eux-mêmes, d’ailleurs,

en ce bal des ectoplasmes (hyper) sexués…

Le triste, est que « cependant vous poursuivez,

car vous êtes devenue addict

_ addict aux visages _ ou plutôt masques-leurres (et sans visage, justement !!!) _ qui se déroulent _ ou dévident _ sur l’écran _ électronique _, chaque soir ;

aux flashs et aux mails ;

à cette excitation factice

dont vous ne parvenez plus à vous passer _ du frisson de nuage de possibles (en grappes, et comme à l’infini) suscitant de l’attente… _ ;

tant il est vrai _ réellement avéré _ que le réseau est une addiction comme une autre,

avec sa part d’irrationalité et ses zones d’ombre _ qui peuvent, de fait, charmer _ ;

et dont il est extrêmement difficile de se défaire,

malgré coups bas, humiliations et rendez-vous manqués » _ à croire que le masochisme primaire et la pulsion de mort, sont considérablement puissants, dirait Freud (en ses « Essais de psychanalyse« )…

« Dommage que l’on ne puisse filmer ni enregistrer ces rencontres piteuses et drolatiques

_ je me souviens d’en avoir été jadis le témoin (très amusé !), en un lieu voué à de telles « rencontres«  « de sexe« , vacancières _,

cela ferait des sketches à l’humour imparable » _ à la Dino Risi : « Les Monstres » et « Les Nouveaux monstres« , autant que « Le Fanfaron » ; plus encore peut-être que bien des comédies acides de Woody Allen… _, s’amuse alors Dominique Baqué, page 122.

« Une véritable comédie humaine s’y déroulerait sous nos yeux,

avec pour enjeu majeur « ça ».

Ça : faire l’amour _ baiser, niquer.

Car l’une des caractéristiques majeures des rencontres sur le Net

étant une formidable accélération _ cf Paul Virilio _ du temps,

vous pouvez vous retrouver dans le lit

de celui qui était un parfait inconnu il y a une heure à peine

_ ce qui a pour effet pervers

_ par la (seule) pente (raide) à toujours « passer à autre chose«  !.. _

d’épuiser la possibilité même d’une relation ;

ou de la réduire fatalement, si j’ose dire, à n’être que la répétition de cette première fois :

soit une relation strictement sexuelle,

où jamais la dimension affective

_ vécue désormais comme « étrangère«  et « surnuméraire«  : « parasite«  ! _

ne viendra _ de « l’extérieur«  ! _ s’immiscer«  :

voilà qui donne bien à penser…

Roland Barthes développant cette analyse de la bien plus grande obscénité du sentiment (que du sexe)…

Et si,

en dépit du « Méfiez-vous, fillettes« , par lequel le bien avisé _ et avisant !!! _ Yves Michaud ponctue on ne peut plus clairement, par ce titre, son article sur ce lucide livre de Dominique Baqué,

« vous voulez y aller malgré tout _ Mesdames _,

alors affutez vos armes,

soyez drôle,

cynique ;

transformez-vous en guerrière du sexe : séduisez, prenez et jetez = vengez-vous bien !..

Surtout n’attendez rien d’autre des hommes _ à commencer par l’envisagement de « construire une relation authentique » (page 14)…

Amusez vous comme savent le faire les hommes.
Devenez une dominatrice
_ à votre tour, faites d’eux vos « poupées » !..

Ainsi le Net deviendra pour vous _ aussi, à votre tour, donc ! _ ce qu’il est et n’a jamais cessé d’être : l’espace d’un échange généralisé des _ seuls _ corps _ ayant abandonné ce qui leur restait (peut-être ?) d’âme au vestiaire…

N’y cherchez surtout pas l’amour _ qui ne se recherche jamais !

il ne fait qu’être trouvé, rencontré, accueilli ;

et c’est déjà beaucoup, si le voilà qui vient à passer pas trop loin de votre attention flottante… ;

cela doit (ou devrait) finir tout de même par s’apprendre, à un certain âge ;

du moins, cela (je veux dire un tel « apprentissage » ; une telle « sagesse de l’amour« )

peut (ou pourrait) raisonnablement s’espérer

(sans aller, cependant, jusqu’à s’escompter, toutefois !)… _ :

il ne sera pas au rendez-vous

_ car tel n’est pas (du tout !) le mode d’« arriver«  (= « survenir« ) de l’amour…

« L’amour n’est pas _ du tout ! il le fuit même irrévocablement ! comme la peste ! _ un produit marketing...


L’heure du marché viendrait-elle soudain de passer

cet automne ?..

Titus Curiosus, le 21 décembre 2008

Sur l’éthique de professeur : la protestation de dignité de Jacky Dahomay

19déc

En appendice à mes deux précédents articles « De ce que c’est qu’un “maître” de philosophie _ quand s’effondre l’Ecole… » (le 7 décembre) et « Sur le “rencontrer” _ philosophique : le point de vue du “prof de philo”  » le 12 décembre), à propos du très, très riche Portraits de maîtres _ les profs de philo vus par leurs élèves, sous la direction de Jean-Marc Joubert et Gilbert Pons, aux Editions du CNRS (paru au mois d’octobre 2008)

_ auquel manquent un « portrait« , par un Jean-Paul Michel, de Jean-Marie Pontévia ; et un « portrait« , par un Daniel Truong-Loï, de Bernard Sève, à mon humble goût, tout du moins _,

je veux joindre ce très bel article (dans la rubrique « Rebonds« ) de Jacky Dahomay

_ qui fut mon condisciple sur les bancs de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Bordeaux vers 1965-66… _

dans l’édition de Libération d’avant-hier 17 décembre ( à la page 36) ; en commentaire de sa démission du Haut Conseil à l’intégration

(un très bel article auquel je me permets de joindre 11 (belles, à la seule exception de la toute première) « réactions » de lecteurs sur le site du journal

(http://www.liberation.fr/societe/0101306133-le-cynisme-des-chiens

& http://www.liberation.fr/societe/0102306133-reaction-sur-le-cynisme-des-chiens ) :

17 déc. 6h51 Le cynisme des chiens

Jacky Dahomay professeur de philosophie à la Guadeloupe, démissionnaire du Haut Conseil à l’intégration.

Le récit ahurissant fait par un enseignant du Gers concernant l’intrusion dans sa classe de gendarmes et d’un chien, m’a littéralement bouleversé. Et j’ai pleuré. De rage bien entendu. Je suis un vieil enseignant, à la veille de la retraite. Ce métier a été ma seule vocation. Je me suis toujours tenu pour le seul maître dans ma classe après Dieu (s’il existe bien entendu !) et personne n’y entre sans mon autorisation, ni chef d’établissement, ni inspecteur, ni ministre et, a fortiori, ni gendarme ni chien. Impossible ! A moins d’un cas de force majeure grave que le chef d’établissement devra m’expliquer au préalable. Je le dis donc tout net : si une telle chose m’arrivait, je donnerais l’ordre aux élèves de désobéir. Telle est mon éthique de professeur.

J’estime ma mission d’enseignant plus haute que ma propre sécurité. En vérité, depuis quelques années, les enseignants s’accommodent de bien de choses inacceptables. Oublient-ils ce principe républicain qui veut que l’instruction publique vise aussi à former des citoyens incommodes ? Comment en est-on arrivé là ? Tout se passe aujourd’hui comme s’il y avait une redoutable confusion des rôles, des institutions comme de leurs fonctionnaires. De toute évidence, au niveau des responsables de l’Etat comme au sein de la population, il y a confusion entre l’espace public propre à l’école et d’autres formes d’espaces publics ou communs. Or, l’école n’est pas publique au sens où peuvent l’être les chemins de fer, les télécommunications ou la place du marché. Cela fait des années qu’on croit bien faire en ouvrant l’école sur l’extérieur. La rue y est entrée, avec son lot de désagréments. Si la rue peut enrichir l’expérience, seule l’école donne une véritable instruction. Comment des vérités aussi élémentaires peuvent-elles avoir été oubliées ?

Admettons qu’un policier ait toute légitimité pour procéder à des fouilles dans les aéroports et dans la rue (à condition bien sûr que cela ne s’adresse pas qu’aux basanés !). Cela lui donne-t-il pour autant le droit de se substituer à l’autorité du maître dans sa classe ? On a du mal à distinguer entre le maître qui impose une domination et le maître qui exerce un magistère. Et comme ce principe s’est perdu, le maître-chien, fût-il gendarme, se sent autorisé lui aussi à prendre la place de l’enseignant à l’école. Et quand un magistrat se permet de croire que la peur du gendarme introduite brutalement à l’école est ce qui préservera les élèves de la délinquance on se demande, bien que n’étant pas gaulois, si le ciel n’est pas tombé sur notre tête ! La peur et la répression ont remplacé la mission éducative de l’école. Quel échec ! Sait-on simplement que lorsque le chien et le gendarme se substituent à l’autorité du maître à l’école, c’est que les loups hurlent déjà aux portes de nos villes. Il s’ensuit en général un bruit de bottes sur les trottoirs.

Mon cœur donc gronde de colère et qu’on le laisse faire ! Il y a des moments où la raison raisonnante devient impuissante et laisse place à l’indignation. Toutefois, des chiens, préservons-nous de leur rage et de leur cynisme. J’emprunte cette expression, «le cynisme des chiens», à Chateaubriand qui, dans ses « Mémoires d’outre-tombe« , l’utilise pour qualifier les révolutionnaires qui, sous la Terreur, bons pères de famille, emmenaient leurs enfants se promener le dimanche en prenant soin de leur montrer en passant le dada des charrettes qui conduisaient des citoyens à la guillotine. Le cynisme est dans la contradiction voulue et assumée opposant les grands principes humanitaires qu’on affiche et la pratique quotidienne du massacre de citoyens.

Aujourd’hui, nous avons affaire à une autre forme de cynisme. Dans le spectacle que donne à voir par exemple le gouvernement actuel de la France. Le président Nicolas Sarkozy le premier. Son cynisme consiste à affirmer une chose et son contraire. Dans son agitation ultramédiatisée, il procède à une «désymbolisation» constante des institutions de la république. Il y a bien là un travail d’affaiblissement de l’autorité de ces dernières. Pour parodier Hannah Arendt _ l’auteur de, par exemple « La Condition de l’homme moderne » _, disons qu’il y a aussi perte d’autorité quand les adultes refusent d’assumer le monde dans lequel ils ont mis les enfants, les vouant ainsi à une culture de la violence. Le refus de l’éducation est l’étalage de la répression et le culte de la sécurité. C’est ce refus de l’éducation qui pousse à vouloir incarcérer des enfants de 12 ans. Reste maintenant à obliger des psychiatres à inventer une substance antiviolence qu’on inoculerait aux femmes enceintes, sans leur consentement bien entendu.

Tout cela est grave, très grave. La démocratie _ c’est-à-dire le suffrage universel ; et dans des conditions d’information, d’explication et de (large) débat suffisamment honnêtes ! _ ne fait pas toute la légitimité d’une république. Un pouvoir tyrannique peut se mettre en place « démocratiquement ». L’Histoire, comme on le sait, ne se répète pas et les formes de totalitarisme à venir sont forcément inédites. Nous sentons bien qu’une nouvelle sorte de régime politique, insidieusement, se met en place. Quand, à l’heure du laitier, un journaliste est brutalement interpellé chez lui, devant ses enfants ; quand des enfants innocents sont arrachés de l’école et renvoyés dans leur pays d’origine ; quand une association caritative est condamnée à de lourdes amendes pour être venue en aide aux sans-abri ; quand… Même si nous n’avons pas encore tous les éléments théoriques permettant de penser ce régime inédit, il se présente déjà avec des signes certains de la monstruosité. Face à tout cela, le Parti socialiste, principal parti d’opposition, se déchire lamentablement. L’heure serait-elle venue, pour nous enseignants du moins, d’entrer dans la désobéissance civile ?

Je ne parle peut-être pas d’outre-tombe, mais je suis d’outre-mer. Comme beaucoup d’Antillais, j’ai aimé une certaine France malgré l’esclavage et la colonisation, malgré Vichy et la collaboration. Cette France qui, à deux reprises, a su abolir l’esclavage, celle des droits de l’homme et des valeurs universelles. Celle dont l’école, malgré ses aspects aliénants pour nous, a su donner le sens de la révolte à un Césaire _ l’auteur de, par exemple, « Cahiers d’un retour au pays natal » _ ou à un Fanon _ l’auteur de, par exemple « Les Damnés de la terre« . Qu’il faille dépoussiérer cette vieille école républicaine ne signifie pas qu’on doive la jeter avec l’eau du bain. Est aussi à réviser cette identité républicaine hypocrite qui a du mal à s’ouvrir à la diversité. Et quand on constate que Monsieur Brice Hortefeux, ministre de cet affreux ministère de «l’Intégration, de l’Identité nationale et de l’Immigration» aux relents franchement vichyssois, se permet de réunir, à Vichy précisément, les ministres européens chargés des questions d’immigration, on peut légitimement penser qu’il y a là une continuité conservatrice inquiétante. Ce ministre a rendu visite le 10 décembre au Haut Conseil à l’intégration. Je n’y étais pas. J’ai démissionné du HCI. Cette France, qui vient ou qui se met en place sournoisement, je ne l’aime pas. Devrions-nous alors, d’outre-mer, faire dissidence ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr en tout cas c’est que la plus grave erreur serait de se dire, comme à l’accoutumée, que les chiens aboient et que la caravane passe.

Voilà pour cet important article publié par Jacky Dahomay.

L’écrivain Edouard Glissant s’est associé à Jacky Dahomay.

Dans un message parvenu hier à «Libération», celui-ci _ auteur de, par exemple (avec Patrick Chamoiseau) « Quand les murs tombent, l’identité nationale hors la loi » _ s’adresse ainsi au président du Haut Conseil à l’intégration :

« J’ai le regret de vous présenter ma démission de membre du Haut Conseil à l’intégration. Celle-ci s’appuie sur ce qui a été prononcé par mon collègue, Jacky Dahomay, avec qui je suis en complet accord. »

Réactions des lecteurs (sur le site de « Libération ») :

scarlett    Lamentable
Vous _ vraisemblablement à ml 69… _ n’avez rien compris, ou vous faites exprès d’être ignoble ? « Qui ne dit mot consent« , dit un proverbe connu. Fallait-il que ce collègue reste pour cautionner un gouvernement qu’il réprouve ? Il y aura toujours de nouveaux Papons pour obéir aux ordres . Qu’ils se déshonorent ! Le véritable honneur est du côté de ceux qui disent NON ! Alors, bravo collègue philosophe. Des textes comme le vôtre nous vont droit au cœur !
Jeudi 18 décembre à 18h53

plb    merci
Monsieur,
Vous écrivez ce que je n’ai pas su écrire, je n’ai pas de talent pour exprimer ma révolte, ma colère, mon indignation. J’ai pleuré, je n’ai pas dormi, j’ai alerté tous ceux qui peuvent agir autour de moi.
J’étais enseignante, prof d’Histoire en collège. Quand nous parlions de la Résistance, je disais à mes élèves de 3e qu’il fallait savoir désobéir aux ordres iniques…
Comme vous, je pense que les chiens et les gendarmes n’ont rien à faire dans l’espace que nous remplissons, les élèves et nous. Lorsque, parfois, je laissais la porte ouverte parce qu’il faisait trop chaud , ils me disaient : « Fermez la porte , Madame... » Parce que ce lieu où nous rencontrions Guy Moquet, Guernica, le peuple de la Commune, ce lieu où ils apprenaient les principes de la République, des Droits de l’Homme, des luttes pour la paix, ce lieu où les murs étaient couverts de phrases de Voltaire, de Montesquieu, d’articles de loi, de photos, de doc’ qu’ils alimentaient, qu’ils surveillaient… Ce lieu _ de parole « libre », confiante, sans espion(s) à la porte _ était devenu le leur, un lieu un peu sacré…
Certains me demandaient des comptes lorsque je rajoutais une phrase, certains rêvaient parfois au lieu de travailler, et soudain me posaient des questions sur telle loi, tel droit, tel homme ou femme. Rien n’était jamais considéré comme « hors sujet » puisqu’il s’agissait de former des citoyens, des adultes en devenir…
Nous nous sommes parfois demandé ce que nous ferions si une rafle se produisait comme dans le film « Au revoir les enfants  » de Louis Malle. Ils étaient tous convaincus que je ne laisserais personne « les prendre ». Je leur répondais qu’on ne sait pas, que personne n’est sûr d’être un héros, que certains seraient sans doute plus courageux que moi. Mais je me disais toujours que, non, je ne pourrais pas laisser faire, que je m’interposerais. Parce que c’est notre devoir, parce que je n’aurais pas pu trahir leur confiance _ voilà le mot capital. Comme vous, je n’ai jamais autorisé quiconque à franchir le seuil de la classe sans mon accord préalable.
Une mission, oui, assumée pendant trente sept ans. Je n’ai eu d’autre ambition que de rester fidèle à cette vocation et cette éthique dont vous parlez si bien. Merci, monsieur. 
Pierrette LE BERRE, professeur d’Histoire et Géographie à la retraite
Jeudi 18 décembre à 18h00

albrecht    merci
magnifique ! Merci M. Dahomay ! c’est exactement la lettre que je rêvais de lire après (entre autres) le récit de cet instituteur, qui m’a, moi aussi, fait pleurer.
Jeudi 18 décembre à 17h56

Thibault    Luttons
Enfin une voix qui dit les choses telles qu’elles sont. Ah ! Si seulement les éditorialistes de Libération pouvait eux aussi avoir la lucidité de Jacky Dahomay et cesser de voir Sarkozy comme un sincère républicain qui fait ce qu’il peut pour redresser la France. Mais écoutez donc Dahomay et…
Jeudi 18 décembre à 15h44

leon darpa    résistance
Il est rassérénant de lire de plus en plus de ces réactions indignées, motivées, tellement bien écrites… Cette terrible et inquiétante confusion dont parle Mr Dahomay fait son œuvre tranquillement et sûrement, comme une rouille invisible et inexorable… Je le renvoie à sa surprise…
Jeudi 18 décembre à 14h06

teletat    intégration
Merci Monsieur, mais qui est encore capable d’abandonner sa chaise de privilégié ? Surtout pas à France Télévision.
Jeudi 18 décembre à 12h35

PHI    Émotion
Je suis très ému par ce texte, par sa beauté comme sa clairvoyance. Oui, nous voyons venir un totalitarisme « édredon », étouffante protection d’une France qui sent le renoncement, la lâcheté, la fermeture à l’autre…   
Jeudi 18 décembre à 12h30

Dom    Bravo
Bravo Monsieur pour ce texte, puisse-t-il inspirer de nombreux autres citoyens…  
Jeudi 18 décembre à 10h54

ted34    Bravo!
Bravo pour ce texte magnifique !    
Mercredi 17 décembre à 22h54

Voir    L’intelligence
J’ai aimé ce texte sobre et intelligent. Je lui ai accordé du crédit = confiance _ car la démission montre symboliquement que l’attraction des ors de la république, si elle peut éblouir les plus faibles ou les plus veules, ne sauraient acheter les esprits intégres.  
J’espère que la publicité qu’il mérite sera faite à ce texte et qu’il sera suivi de réactions publiques qui nourriront la réflexion collective sur l’enseignement ainsi que sur les insidieuses dérives de notre société. 
Mercredi 17 décembre à 22h10

ml69    Zut alors…
Mais comment va t on pouvoir faire les testings maintenant ? et puis les revues de livres d’histoire pour les adapter à la diversité ? J’adore les personnes pensant que leur démission va enfin déciller les yeux des « mal-pensants ». Que d’égo mal placé. La politique de la chaise vide est la première manifestation de la stupidité. Il ne va pas nous manquer le philosophe…

Mercredi 17 décembre à 21h05

Quelque chose serait-il en train de changer, frémir, bouger, dans la république de France ?..


Titus Curiosus, le 19 décembre 2008

le « Didon & Enée » de Purcell, de MusicAeterna : « Un grand disque de l’année » : un jugement qui me conforte !..

15déc

Sur le « Dido & Aeneas » d’Henry Purcell de MusicAeterna (CD Alpha 140)…

A propos des « rigidités » de la critique, et de ses difficultés à s’extirper (assez !) de ses habitudes et horizons d’attente (un peu trop stéréotypés)
(cf mon précédent article _ du 17 juillet à propos « de la critique musicale« )

cet article-ci de Christophe Huss sur le site de classicstodayfrance :

http://www.classicstodayfrance.com/review.asp?ReviewNum=2937

« Alerte générale ! Alerte au fou ; au génie !
Ce qui se passe ici est à « Didon et Énée » ce que l’enregistrement de René Jacobs est aux « Saisons » de Haydn :
une œuvre bien servie au disque, déjà, mais relue par un chef extralucide, à la tête d’une étonnante bande
de Sibériens et de trois
_ ou plutôt seulement deux : Simone Kermes (Didon) et Deborah York (Belinda) _ chanteurs « importés ».

Et c’est à ne pas en croire ses oreilles, tant la puissance atmosphérique de la direction et des prestations vocales est d’emblée saisissante
_ on ne saurait mieux dire !
Teodor Currentzis pose les banderilles dès l’ouverture,

Simone Kermes, trois minutes plus tard, dans un « Ah! Belinda ! » qui vous fera fondre en larmes.

Ce « Didon et Énée » est comme éclairé, irradié, en proie à une « possession musicale »,

qui évidemment ne manque pas de rendre le premier tableau de l’Acte 2 (celui des sorcières) assez incomparable,
malgré un choix discutable de « la » sorcière (Oleg Ryabets).

Partout, Currentzis instille le fiel, la menace, le doute
_ en effet ! et le théâtre est au comble  de l’émotion !


Simone Kermes qu’on connaît pyrotechnicienne se fait fragile et bouleversante ;
Deborah York est une Belinda modèle.

Les voix « secondaires » et les chœurs montrent qu’avec un chef pas comme les autres on peut donner une leçon de baroque en Sibérie !
Eh oui !!!

Et je vous laisse être happé par le tourbillon émotionnel de la fin de l’ouvrage…

Je n’en suis toujours pas revenu : voilà l’un des grands disques de 2008…

Christophe Huss


A comparer avec mes remarques de l’article du 7 novembre : « retour aux fondamentaux en musique » :

« un (très impressionnant, par son énergie et sa vérité _ ou profonde justesse _ dramatique) “Dido & Aeneas” de Henry Purcell, sur un livret de Nahum Tate (”représenté en 1689, au pensionnat de M. Josias Priest, à Chelsea” _ mais peut-être “chanté d’abord à la cour de Charles II, vers 1683/84“…),
par The New Siberian Singers (the chamber choir of the Novosibirsk State Academic Opera ans Ballet Theatre),
MusicAeterna,
sous la direction
_ tous _ de Teodor Currentzis,
avec, pour les trois principaux solistes (interprétant “Dido“, “Belinda” et “Aeneas“), Simone Kermes, Deborah York et Dimitris Tiliakos :
CD Alpha 140″…


Ainsi, un peu plus loin dans l’article, que ceci :

Je soulignerai seulement l’énergie _ formidable_ au service de la plus étonnante “justesse” qui soit, du CD “Dido & Aeneas” (CD Alpha 140), de Teodor Currentzis, à Novosibirsk, avec Simone Kermes, Deborah York, ainsi que Dimitris Tiliakos : s’inspirant, par un renouvellement de “génération” de l’impulsion “Alpha” d’un Vincent Dumestre…

Un enregistrement véritablement enthousiasmant ! et justifiant mon annonce d’un “retour aux fondamentaux” de la musique _ ainsi, ici, que du Baroque musical !

Ouf ! Je me sens un peu moins esseulé
à porter crédit
au jugement de goût
de mes oreilles !

Merci, Christophe Huss !

Titus Curiosus, ce 15 décembre 2008

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