Le mystère résolu de la matière des objets inspirant les « Mythologies » d’Alain Béguerie : la garluche, de certaines zones de la côte aquitaine

— Ecrit le vendredi 30 octobre 2015 dans la rubriqueArts plastiques, Histoire, photographie, Rencontres”.

Hier mercredi 29 octobre, à 18 heures 30, 29 rue Bergeret à Bordeaux,

vernissage de l’exposition de photographies « Mythologies« 

de l’ami Alain Béguerie,

au jeu duquel je me suis prêté pour une pièce de ce qu’Alain m’avait dit être « d’alios« ,

en laquelle, répondant à son invite, je « voyais », ou « déchiffrais », en cherchant bien, la puissante figure du centaure Chiron, éduquant de son sage conseil son plus fameux élève, le (bientôt) bouillant Achille…

Sur les murs, côte à côte, une étonnante série d’images, de formats très voisins,

composées _ mais cela, je ne le soupçonnais même pas pour le cas de mon centaure, que je pensais fait d’une seule pièce ! _,

puis photographiées _ magnifiquement, par un jeu caressant de lumière _, par Alain Béguerie ;

et chacune accompagnée d’un texte qu’Alain avait demandé de proposer à ses amis,

et cela à l’entière fantaisie de chacun, pour ce qui concernait le genre et la longueur, sous l’unique indication du titre futur de la collection : « Mythologies« .

Dans mon cas, ce texte à venir ne pouvait être qu’un poème,

et plutôt assez bref, voire elliptique,

indiquant seulement clairement de quel personnage de la mythologie l’objet montré ici par la photo témoignait de la prégnance

tant dans l’œuvre même exposée _ qui, déjà, avait capté l’attention du marcheur de la plage atlantique qu’était son découvreur et conserveur : Alain Béguerie, le photographe qui l’honorait de sa très belle prise de vue en couleurs _

que dans l’esprit du regardeur à l’écritoire,

invité, lui, à proposer ce qu’à son esprit, titillé par ce thème suggéré des « mythologies« , lui inspirait l’œuvre,

et, doublement, minérale _ « d’alios » m’avait dit Alain… _, et photographique,

confiée à nos bons soins (d’inspiration, à notre tour) par l’amitié d’Alain…

Or voilà que François Hubert nous apprend _ à tous _ et nous explique que

la plupart de ces pièces minérales _ à la rare exception de quelques unes, effectivement constituées d’alios _ sont d’un autre minéral que l’alios, et ferrugineux, lui aussi, la garluche, présent en quelques lieux de la côte aquitaine, dans les Landes, mais surtout dans le Nord-Médoc, en un lieu nommé « la pointe de la Négade« , qu’aime arpenter l’ami Alain Béguerie, à la rencontre de ces objets mystérieux et poétiques qui viennent déclencher sa rêverie « mythologique » de marcheur tranquille…

Sur les murs,

tout à côté de mon centaure Chiron éducateur d’Achille,

Eric des Garets utilise lui aussi _ je remarque _, à propos de son objet, le même vocable de « centaure« .

J’ai aussi retenu la présence de Prospero, de Caliban et d’Ariel, dans le texte court et alerte, lui aussi, de Donatien Garnier.

Ainsi que la très belle phrase de conclusion du texte de Fabienne Alexandre : « Démeter recherche Perséphone« …

Voici donc le texte de François Hubert qui « présente » ces « Mythologies » d’Alain Béguerie,

exposées au Boulevard des Potes, 29 rue Bergeret, à Bordeaux, du 26 octobre au 13 novembre 2015 :

Les mythes éphémères d’Alain Béguerie

Une connaissance dont je n’avais jamais douté du sérieux, me dit un jour sans sourciller qu’elle connaissait un photographe qui sculptait l’alios !


Passe encore de sculpter quand on est photographe, mais de l’alios ! Cet agrégat de sable, d’humus décomposé et d’hydrate de fer qu’on trouve au niveau de la nappe phréatique sous les étendues sablonneuses des Landes, est impropre à toute sculpture : sous la seule pression des doigts il s’effrite.


J’ai alors pensé qu’il pouvait s’agir de garluche, car cette roche est souvent confondue avec l’alios en raison de sa couleur et de son caractère ferrugineux. C’est un grès quartzeux, dur et compact, qui affleure en de rares endroits des Landes. On l’utilisait autrefois comme soubassement des maisons à colombage ou même dans les murs de certaines églises. Depuis des temps immémoriaux, on le réduisait aussi dans des forges pour en extraire le fer indispensable à la fabrication de l’outillage. Mais il est impossible de sculpter la garluche parce que, peu homogène et cassante, elle éclate sous le premier coup de burin.


Il fallut que je me rende à l’atelier du mystérieux photographe qui n’est autre qu’Alain Béguerie, pour constater, contre toute attente, que c’est bien la garluche qu’il travaille. Cependant, il ne la sculpte pas, mais assemble les pierres selon des formes qui ne parlent qu’à lui. En photographiant cet assemblage aussi hasardeux qu’éphémère, l’artiste joue sur l’angle de prise de vue et la lumière pour immortaliser les formes qu’il a voulu créer. Puis l’œuvre première est détruite, même si l’artiste met un point d’honneur à conserver les éléments qui la composent en les reliant avec du raphia.


Ainsi s’éclaircissait le mystère du photographe-sculpteur : ses mythes éphémères sont des œuvres de pierre de fer, dont seule la photographie prouve qu’elles ont pu exister quelques secondes.


Mais un deuxième mystère m’intriguait : d’où pouvaient bien provenir toutes ces pierres rassemblées dans l’atelier d’Alain Béguerie ? Certaines d’entre-elles avaient des formes peu communes : on aurait dit des objets fossilisés dans le fer. J’ai vu ainsi un bois flotté dont on reconnaissait les stries à travers le métal qui le dévorait. J’ai vu aussi un galet et un fossile et probablement ce qui avait pu être une pendeloque du Néolithique, victimes de la même métallisation, comme si un alchimiste fou tentant de tout transformer en or ne parvenait qu’à produire un fer de mauvaise qualité !


Car le caractère fantastique de cette création vient aussi du lieu où Alain Béguerie « cueille » ses pierres : la pointe de la Négade qui est un autre finis-terre où les éléments se livrent une guerre sans merci depuis la nuit des temps. Qui n’a pas navigué dans ces eaux où bancs de sables, battures et hauts-fonds soulèvent de terribles déferlantes même par beau temps, ne peut imaginer la violence avec laquelle la mer affronte ici la terre. Au fil du temps la ligne de côte bouge sans cesse. Soulac, l’Amélie, la Négade ont été loin à l’intérieur des terres à certaines périodes de l’histoire, et à d’autres au contraire cette pointe du Médoc n’était qu’un chapelet d’îles qui courrait jusqu’à Lesparre. Depuis le Néolithique ces terres sont habitées. A l’âge du bronze, on contrôlait (pas toujours pacifiquement) le commerce de l’étain qui arrivait des îles britanniques, et à l’époque gauloise on y fabriquait probablement déjà des armes en fer à partir de la garluche. Il fallait bien trouver un intérêt à vivre sur des terres aussi inhospitalières, et ici, la créativité humaine n’a d’égale que son avidité. Aujourd’hui où la mer reprend ses droits sur la terre, surgissent à chaque marée ces pierres de garluche, mais aussi une multitude d’objets pétrifiés dans le fer. Parfois, au moment des grandes marées, on trouve aussi sur l’estran des objets exceptionnels venus du fond des âges, comme un poteau funéraire en bois miraculeusement conservé ou un sanglier enseigne en laiton, qui tous deux datent du bien nommé âge du fer ! On peut les voir dans les musées de la région où ils font figure de pièces exceptionnelles.


Les mythes de pierre d’Alain Béguerie entrent en résonance avec cette agitation permanente des éléments et de l’histoire humaine, ici rien ne dure, tout est éphémère. Mais il ne faut pas se fier aux belles figures féminines qu’il crée avec tant de légèreté : maintenant j’en suis sûr, elles viennent de l’enfer.


François HUBERT


Allez-y donc rêver vous aussi

en contemplant ces photos

et parcourant ces textes de votre propre rêverie-fantaisie…

Titus Curiosus, ce jeudi 30 octobre 2015

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