Archives du mois de octobre 2021

En fouillant dans les recoins de discothèque : les dynamiques 4 symphonies de Méhul, par Michel Swierczewski dirigeant l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian en 1989,en l’honneur du bicentenaire de la Révolution française, en 1989…

27oct

Afin de mieux découvrir l’œuvre d’Etienne-Nicolas Méhul (Givet, 22 juin 1763 – Paris, 16 octobre 1817),

j’ai retrouvé aussi dans un recoin de ma discothèque un très épatant album double _ NI 5184/5 _ « The Complete Symphonies« , de ce compositeur,

publié par Nimbus en 1989 ;

comportant ses 4 symphonies _ composées entre 1808 et 1810 _,

ainsi que 2 ouvertures (pour « La Chasse du Jeune Henri » _ créée à Paris le 1er mai 1797 _ ; et « Le Trésor supposé » ),

toutes superbement enlevées en cette réalisation de 1989, par l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian, à Lisbonne, sous la direction très vivante et souple de Michel Swierczewski.

Une musique symphonique épatante,

qui fait honneur à ce compositeur encore trop mal connu !

Ce mercredi 27 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

A la recherche d’oeuvres d’Etienne-Nicolas Méhul dans ma discothèque…

26oct

En relisant mon article de dimanche dernier, 23 octobre, ,

et tout à mon regret d’avoir pu penser ne pas disposer de CDs d’œuvres vocales d’Etienne-Nicolas Méhul (Givet, 22 juin 1763 – Paris, 18 octobre 1817),

je m’aperçois rétrospectivement, ce jour, que j’avais négligé, en ma mémoire, un livre-disque d’un opéra-comique de Méhul, Uthal, créé à Paris le 17 mai 1806,

que je m’étais pourtant procuré dès sa parution, dans la collection « Opéra français » de la bibliothèque du Palazzetto Bru-Zane, en octobre 2016 ;

et que j’avais rangé ailleurs que parmi mes CDs et DVDs…

Dans la distribution des interprètes qu’a réunis Christophe Rousset, à la tête de ses Talens lyriques et du Chœur de chambre de Namur, pour cette réalisation, 

figurent quelques chanteurs que j’apprécie,

au premier rang desquels l’excellent ténor Yann Beuron, en Uthal ;

mais pas Michael Spyres :

c’est le baryton Jean-Sébastien Bou qui tient ici le rôle de Larmor,

interprété à la création par Jean-Pierre Solié…

Même si il est arrivé à Michael Spyres, d’interpréter, ailleurs, quelque air de Méhul,

extrait d’Ariodant (créé à Paris le 11 octobre 1799),

ou d’Euphrosine, ou le tyran corrigé (créé à Paris le 4 septembre 1790) ;

airs interprétés, chacun d’eux, eux aussi, à leur création, par le même baryton Jean-Pierre Solié (Nîmes, 1755 – Paris, 6 août 1812)…

La critique que donne de cette interprétation d’Uthal, Laurent Bury, le 10 février 2017, sur le site de Forumopera.com, est à la fois intéressante,

et juste :

CD
Uthal
Par Laurent Bury | ven 10 Février 2017 |

Dans une lettre à Sigmund Freud, Romain Rolland qualifiait d’océanique le sentiment religieux spontané, sensation de dépassement, d’illimité. Le genre ossianique paraît lui aussi sans bornes lorsqu’on se penche sur l’histoire des arts entre les dernières décennies du XVIIIe siècle et les premières du XIXe. On a du mal aujourd’hui à se représenter le succès phénoménal que remporta James Macpherson avec sa prétendue traduction en anglais moderne de prétendus (!) poèmes gaéliques remontant au tout début de l’ère chrétienne. Et même quand la supercherie eut été incontestablement démasquée, la vogue du barde Ossian ne s’éteignit pas pour autant. L’entrelacement de la littérature, de la peinture et de la musique autour de ce mythe imaginaire est d’ailleurs reflété par la dédicace que le librettiste de Méhul, Saint-Victor, adresse au peintre Girodet, qui avait « tracé des images immortelles » des héros d’Uthal.

Pourtant, il n’est peut-être pas immédiatement clair que les aventures de Fingal ou de Malvina ait transformé la musique que l’on composait alors. Bien sûr, l’ouverture frappe par son âpreté, parfaitement mise en relief par la direction de Christophe Rousset. On le sait, Uthal étonna _ notamment Grétry _ par l’absence de violons dans son orchestration ; c’est sans doute la principale originalité d’une partition qui se situe clairement dans l’héritage gluckiste, et l’on comprend que le fondateur des Talens lyriques ait accepté, sur la suggestion du Palazzetto Bru Zane, de prolonger ainsi une exploration entreprise avec notamment Les Danaïdes et Les Horaces de Salieri. Si l’on y entend pourtant passer quelques éclats pré-romantiques, on y retrouve aussi ces chœurs martiaux chers au public de l’époque _ Méhul est aussi le compositeur du très célèbre Chant du Départ _, et le chant se caractérise surtout par un refus de la virtuosité au profit de l’expressivité. N’attendez ici aucun air de bravoure, aucune acrobatie, mais plutôt de la déclamation _ oui.

Autrement dit, la tâche des chanteurs n’a ici rien de bien redoutable _ en effet… _ sur le plan purement vocal. L’équipe réunie, entièrement francophone pour les principaux personnages, est tout à fait délectable à écouter, chacun étant à sa place _ oui. Karine Deshayes trouve un rôle dont la tessiture lui convient fort bien, et dans lequel elle s’investit pleinement. Jean-Sébastien Bou possède toute l’autorité requise pour Larmor, Yann Beuron est un Uthal vaillant mais sensible, et le reste de la distribution s’avère tout aussi adéquat. Le Chœur de Chambre de Namur, réduit à ses pupitres masculins, leur donne la réplique avec sa fluidité habituelle. L’œuvre dure à peine une heure, avec pour seule pierre d’achoppement le texte parlé _ ou déclamé _ en alexandrins _ oui _, que les meilleurs chanteurs du moment ne sont pas nécessairement les mieux armés pour interpréter. Tous ne sont pas égaux devant la tragédie, certains s’en tirent mieux que d’autres, mais cela n’enlève rien à l’intérêt historique _ voilà… _ de cette résurrection. Et maintenant, le PBZ nous rendra-t-il Ossian ou les Bardes, le chef-d’œuvre de Lesueur, ou faudra-t-il attendre 2037, année du bicentenaire de la mort du compositeur ?

L’essentiel est dit là…

Ce mardi 26 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ce qu’on peut apprendre aussi du précédent récital d’airs d’opéra de Michael Spyres, « Espoir », en 2017

25oct

Le précédent récital d’airs d’opéra de Michael Spyres, en 2017, pour le label Opera Rara, s’intitulait « Espoir«  _ ORR 251 _,

et était exclusivement réservé au répertoire d’opéra d’un des plus grands ténors de la première moitié du XIXe siècle : Gilbert-Louis Duprez (Paris, 6 décembre 1806 – Paris, 23 septembre 1896), qui arrêta brutalement sa carrière en 1849.

Dans une remarquable interview, en date du 24 janvier 2017, par François Lesueur, pour concertclassic.com, intitulée « Celui qui perd sa voix, c’est qu’il l’a cherché » _ un entretien à croiser avec celui, très remarquable aussi, avec Emmanuelle Giuliani, paru, un an et demi plus tard, dans La Croix du 4 octobre 2018 ; je le donne aussi ci-dessous _,

Michael Spyres revenait de façon précise et très intéressante sur sa formation de chanteur, en assez grande partie _ et volontairement, il l’explique… _ autodidacte, à partir de ses vingt ans, en 1999 _ il est né à Mansfield, une petite ville du Missouri, le 12 avril 1979 _ ;

ainsi que sur son parcours professionnel de chanteur, disposant d’une voix atypique _ casse-tête des classifications de voix jusqu’ici autorisées.. _, pour laquelle il s’est résolu, in fine, à forger ce néologisme de « baritenor« …

Et, ce 24 janvier 2017,

Michael Spyres situait, en ce parcours professionnel sien, la venue imminente, deux semaines plus tard _ la deuxième semaine du mois de février 2017, par conséquent _, des séances d’enregistrement _ au Stoller Hall de la Chetham’s School of Music, à Manchester, indique le livret de ce CD que j’ai sous les yeux _ de ce CD encore à venir (« Espoir« ), pour Opera Rara, consacré à une anthologie choisie par lui du répertoire créé, en Italie et en France, par Gilbert-Louis-Duprez, ténor :

il s’agit d’airs extraits des opéras

Othello de Rossini, créé en version française à Paris en 1844 ;

Rosmonda d’Inghilterra, de Donizetti, créé à Florence le 27 février 1834 _ en italien _  ;

Guido et Ginévra, d’Halévy, créé à Paris le 5 mars 1838 ;

Jérusalem, de Verdi, créé à Paris le 26 novembre 1847 ;

Dom Sébastien, de Donizetti, créé à Paris le 13 novembre 1843 ;

Le Lac des fées, d’Auber, créé à Paris le 1er avril 1839 ;

Benvenuto Cellini, de Berlioz, créé à Paris le 10 septembre 1838 ;

La Favorite, de Donizetti, créé à Paris le 2 décembre 1840 ;

La Reine de Chypre, de Donizetti, créé à Naples le 18 janvier 1844 ;

et Lucia di Lammermoor, de Donizetti, créé à Naples le 26 septembree 1835 _ en italien…

J’y joins ici,

du Donizetti des Martyrs (créé à Paris, toujours avec Duprez, le 10 avril 1840),

la vidéo de l’air « Oui, j’irai dans les temples« ,

en un enregistrement de Michael Spyres du 4 novembre 2014, au Royal Festival Hall de Londres, avec l’Orchestre of the Age of Enlightenment, sous l’excellente direction de Jonathan Cohen, pour Opera Rara… 


Voici donc ce bien intéressant entretien de Michael Spyres avec François Lesueur,

en date du 24 janvier 2017 :

FRANÇOIS LESUEUR
Michael SPYRES
Michael Spyres ne ressemble à aucun autre : jovial et immédiatement sympathique _ oui ! _, il répond avec naturel et franchise aux questions, volubile, drôle, n’hésitant pas à donner de la voix pour vous montrer l’étendue de son registre. Sérieux et cultivé _ en effet _ dès qu’il s’agit de parler de musique, ce natif _ le 12 avril 1979 _ de _ la petite ville de _ Mansfield dans le Missouri _ au cœur du Middle West des États-Unis _, reconnaît que le chemin vers le succès a été long, et qu’en autodidacte, il a dû quitter son pays où son type de voix _ trop atypique _ n’aurait jamais été compris. Aujourd’hui fêté pour ses prouesses vocales et son extraordinaire versatilité _ et c’est ici une qualité, et non pas un défaut _, il est de passage à Paris pour débuter dans Don José auprès de la première Carmen de Marie-Nicole Lemieux, les 31 janvier et 2 février _ 2017 _ au Théâtre des Champs-Elysées. Place à un chanteur _ plutôt _ hors normes.

La dernière fois que nous vous avons entendu à Paris, c’était en novembre dernier _ 2016 _, dans Ermione de Rossini au TCE, où vous allez bientôt chanter votre premier Don José. Entre le rôle de Pirro et celui de Don José, il y a un monde, que vous êtes l’un des rares chanteurs à pouvoir relier _ voilà… _  aujourd’hui. Quel type de ténor êtes-vous donc ?
Michael SPYRES : (Rires …) Je fais partie de la catégorie des « baritenore », comme l’était au XIXème siècle Andrea Nozzari _ Vertova, 27 février 1776 – Naples, 12 décembre 1832 . Un de mes amis a procédé à une batterie de tests sur ma voix lorsque j’étais à l’Université, et après les avoir étudiés de près, comparés sous différents aspects scientifiques ; il en a déduit que ma voix était celle d’un baryton à l’aigu développé, mais pas celle d’un simple ténor, car le spectre de mon instrument n’est pas le même.


Je suis donc baritenore, car je chante des rôles qui mélangent des éléments, ou des zones qui appartiennent aux deux catégories, ce que beaucoup de gens ont du mal à comprendre. La plupart du temps j’entends dire que je ne devrais pas aborder tel ou tel emploi, mais si on regarde ce que les chanteurs des années cinquante inscrivaient _ de fait _ à leur répertoire, on se rend bien compte que les voix _ voilà _ ont considérablement changé ! Pour ce qui me concerne, j’ai entendu tout et son contraire, et même les plus fameux professeurs que j’ai pu rencontrer m’ont asséné des choses tellement contradictoires, que j’ai bien pensé un moment ne jamais y arriver.


L’important est donc de bien connaître son instrument et d’acquérir une technique suffisamment sûre pour être capable de savoir très précisément ce qui est bon pour sa voix. Une des difficultés que j’aie rencontrée est celle liée à la hauteur de la voix : comme j’avais des aigus on me disait que j’étais ténor, mais vous entendez bien que je n’ai absolument pas une voix haut perchée, elle est au contraire basse. Le premier air que j’ai travaillé a été celui du « Catalogue » de Leporello (que Michael Spyres s’empresse de chanter : « Madamina, il catalogo è questo » …) qui n’a pas été écrit pour un ténor que je sache…

le contes d'hoffmann liceu 2013
​…
Dans Les Contes d’Hoffmann en 2013 au Liceu de Barcelone © michaelspyres.com
Est-il exact que cette incertitude vous a poussé à étudier seul pendant plusieurs années pour façonner votre technique autour de deux axes : Rossini et Mozart ? Pour quelles raisons ?


M.S. : Oui c’est exact. Lorsque mon professeur a dû partir pour New York _ en 2000 _, je me suis retrouvé seul et son départ a été déterminant, d’autant qu’il m’avait dit qu’au fond j’étais « un ténor paresseux ! ». Comme il ne pouvait plus m’aider et m’avait lancé cette pique, j’ai pris la décision de travailler seul ma technique en écoutant beaucoup d’enregistrements du passé, en véritable autodidacte. J’ai donc pris le temps d’écouter les autres et me suis découvert un talent insoupçonné, en entendant un jour un célèbre imitateur américain. Je me suis rapidement amusé à contrefaire ma voix comme lui, m’imaginant capable de faire du doublage de cartoons. Aussi amusant que cela puisse paraître, cette initiation, ce travail particulier, m’a conduit vers Alfredo de La Traviata ; je pouvais donc faire comme ce grand professionnel, imiter, passer d’une voix, d’un timbre à l’autre, sans difficulté ; et cela m’a ramené vers le chant.


J’ai donc essayé à cette époque d’étudier mes premières partitions d’opéra pour ténors. Je dois vous dire qu’entre 21 et 23 ans _ entre 2000 et 2002 _ j‘ai beaucoup chanté sans pour autant monter sur scène. J’ai travaillé pour payer mes études, car j’avais quitté mes parents, et je me revois encore conduire des grues à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, tout en chantant à tue-tête : c’était très drôle. Puis, je suis retourné un moment dans le giron familial où j’ai pu profiter du piano pour m’accompagner et m’enregistrer quotidiennement afin de suivre mes progrès. J’ai ainsi pu comprendre qu’elle était ma voix en la comparant à celle de ma sœur Erica, qui chante aujourd’hui des comédies musicales à Broadway et ailleurs, et à celle de mon frère Sean qui est un ténor fantastique avec lequel j’ai d’ailleurs gravé Otello de Rossini (Naxos). Il faut vous dire que toute ma famille est musicienne, mes parents chantent, jouent divers instruments et enseignent. Je leur dois énormément car ils ont toujours fait preuve de patience et cru en moi. Grâce à eux, j’ai pu très tôt intégrer différents chœurs, en tant que ténor, ce qui m’a permis d’être en contact avec la musique et de travailler en groupe.

Pourquoi avez-vous choisi de vous rendre en Europe ? Est-ce parce que les Etats-Unis n’étaient pas en mesure de comprendre votre instrument ?

M.S. : Absolument. Vers 22 ans _ en 2001 _ j’ai passé des auditions à Philadelphie, New York et Chicago, sans succès ; on ne me comprenait pas et certains professeurs de renom m’ont même conseillé de chanter Puccini et Verdi. Vous imaginez, si jeune, cela aurait été un carnage ! J’étais désemparé et en colère, ce qui m’a poussé à partir en Europe pour apprendre des langues, ce que je n’aurais pas pu faire convenablement en restant en Amérique. J’ai été retenu à Vienne sur audition et mon passé de choriste s’est révélé très précieux. J’ai pu partir en tournée, travailler et découvrir le monde.
Vous savez lorsque l’on vit dans le fin fond des Etats-Unis, se rendre à New York représente déjà un long voyage… Mes parents m’ont laissé faire, car ils avaient confiance en moi et en ma bonne étoile ; j’ai profité de cette chance et l’Europe m’a sauvée. J’ai également pu intégrer le Conservatoire de Vienne, tout en étudiant des rôles avec des coachs et en me produisant enfin sur scène. D’audition en audition, j’ai réussi à me faire connaître et surtout à me faire accepter, car il faut du temps pour se construire et construire une voix comme la mienne. Ces cinq années de formation _ à Vienne _ m’ont été utiles, mes premiers emplois rossiniens m’aidant à prouver que je pouvais aussi chanter Mozart.

Un de vos premiers succès a d’ailleurs été Tamino à Berlin en 2008, suivi quelques mois plus tard par Otello de Rossini à Bad Wildbad. Vous avez pourtant en quelques années interprété un nombre considérable de rôles extrêmement variés. N’y avait-il pas un risque de vous abîmer la voix ?

M.S. : J’ai en effet chanté énormément de rôles différents à cette époque ; c’est intéressant car beaucoup de gens ne comprennent pas la technique et ce qu’elle permet d’obtenir. Comme je vous le disais, nous sommes les plus habilités, car nous connaissons notre instrument mieux que personne. Cette connaissance intime nous permet d’accepter ou de refuser un rôle. A l’exception de quelques œuvres contemporaines qui font appel au cri et peuvent s’avérer dangereuses, aucun répertoire ne peut ruiner une voix bien préparée. Si un chanteur abîme son instrument c’est qu’il l’a brutalisé en forçant dessus, sinon c’est impossible.
L’artiste connaît mieux que quiconque sa propre voix et de nos jours les « spécialistes » confondent un peu tout et se trompent sur les chanteurs. Je le répète très sérieusement, celui qui perd sa voix, c’est qu’il l’a cherché : écouter les chanteurs wagnériens des années trente, aucun ne hurlaient, tous chantaient de manière extrêmement contrôlée, nuancée et lyrique _ voilà !

L’autre rencontre importante est celle que vous avez faite avec l’opéra français dont vous appréciez l’écriture et les couleurs : La muette de Portici, Guillaume Tell, Le pré aux clercs, Faust, Les contes d’Hoffmann, Les Martyrset tant d’autres ; là aussi votre répertoire est vaste. Ne craignez-vous pas de brouiller les pistes auprès du public ?

M.S. : Je vois ce que vous voulez dire… Mais le public doit essayer de nous comprendre et accepter ce que l’on réalise ; je fais attention à Verdi et à Puccini parce que tout le monde pense qu’avec des kilos en trop un artiste est en mesure de chanter correctement tous les rôles qu’ils ont composés. Pour moi, les registres contrastés ne me sont pas interdits, je n’ai peur ni des intervalles, ni des écarts, ni des aigus, car j’ai habitué ma voix, travaillé Rossini avant de me diriger vers Mozart, ai pris mon temps, sans brusquer mon instrument et aujourd’hui les répertoires qui semblent opposés ne me posent aucun problème. Nous devons également éduquer les mélomanes à écouter Halévy, Auber pour qu’ils acceptent d’entendre Carmen autrement que chantée par des voix de stentors.

Vous êtes aujourd’hui réputé et attendu pour votre virtuosité, vos graves profonds et vos aigus stratosphériques qui vous permettent des sauts d’octave vertigineux. Après Andrea Nozzari et Adolphe Nourrit vous allez ressusciter cette année _ce mois de février 2017 _ Gilbert Duprez avec un nouvel album gravé pour Opera Rara. Pouvez-vous nous parler de ce projet et des particularités de ce célèbre interprète ?

M.S. : Oui, dans deux semaines _ la deuxième semaine de février _ je serai en studio _ à Manchester. Duprez était un chanteur extraordinaire, sans doute le plus révolutionnaire parmi les trois que vous avez cités, celui qui a modifié la technique vocale en profondeur ; il a changé la perception qu’avait avant lui le public, sans pour autant être parfaitement compris ; il était célèbre en son temps pour son « ut de poitrine », mais si vous regardez bien les partitions, cette note était écrite avant qu’il ne la rende fameuse. Lui, l’a simplement transcendée, car il était plus porté que ses prédécesseurs sur la technique, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir une carrière assez brève.


De nos jours, nous avons accès à tous les disques, à une grande quantité de témoignages du passé, et n’avons qu’à faire notre marché, en essayant ce que d’autres avant nous ont mis des années à élaborer, ce qui était impossible au XVIIIème et au XIXème siècles où tout s’inventait. Les orchestres étaient moins puissants aussi, et l’acoustique n’était pas la même. Tout a changé et s’est accéléré depuis les années soixante ; on veut plus de son et on fait moins attention à la technique. Caruso lui aussi a été mal compris en son temps, si vous l’écoutez attentivement sur disque vous vous rendez compte de la qualité de sa technique, de son chant jamais forcé et de son style hérité des règles du bel canto.


Duprez est très intéressant, car il a lutté pour apporter les bases d’une nouvelle ère. Connu pour son ut de poitrine, il a pourtant veillé à chanter peu de rôles dramatiques : il était un ténor lyrique, interprétait Auber, auteur léger comme Boieldieu et Donizetti :  « Ange si pur » de La Favorite était un de ses chevaux de bataille, ce qui nous montre bien que l’on est loin de Samson et Dalila. J’espère pouvoir faire comprendre quel styliste il était en proposant un panorama des œuvres qu’il a créées. Benvenuto Cellini a été le rôle le plus lourd qu’il ait été amené à chanter. Berlioz était fan de cet artiste. J’ai choisi d’interpréter plusieurs œuvres inédites telles que Le lac des fées d’Auber (1839), Guido et Ginevra de Halévy (1838) et l’air d’entrée d’Otello de Rossini dans sa version française, donnée à Paris aux Italiens : ce sera une première. Nous avons fait de nombreuses recherches pour préparer ce programme. Auber est mon compositeur préféré _ et c’est bien sûr à retenir ! _ et ce qu’il a écrit pour Nourrit est magnifique ; on connaît moins son travail pour Duprez, pourtant superbe, dont l’héritage été utilisé par Wagner.


Je dois également enregistrer dans quelques semaines Les Troyens de Berlioz (pour Warner à l’Auditorium de Strasbourg) ; c’est une année incroyable pour moi, plus insensée encore que la précédente.

Marie-Nicole Lemieux, partenaire de Michael Spyres les 31 janvier et 2 février 2017 au Théâtre des Champs-Elysées © Denis Rouvre
Quand on est habitué comme vous à faire se soulever le public de son siège avec des airs à vocalises, qu’est-ce que vous apporte un rôle comme Don José ?
M.S. : Je ne fais pas de distinction entre Rossini, Berlioz, Bizet ou Puccini : lorsque je chante La Bohème par exemple, je mets autant de soin à toucher l’auditeur, car je pense toujours à celui ou à celle qui découvrira peut-être l’opéra pour la première fois ; et qu’il s’agisse d’un air à vocalises ou d’un duo d’amour, je dois veiller au phrasé, aux couleurs, aux nuances pour faire passer le message et susciter l’émotion.

Chanter Don José pour la première fois représente un beau défi, surtout à Paris ; et je ne peux m’empêcher de penser que cet ouvrage a été créé Salle Favart, dans une salle de petite taille, et qu’il s’agit d’un opéra-comique composé avec de nombreux dialogues parlés, depuis longtemps coupés. Je dois lutter contre ces préjugés et faire de mon mieux.

Je reviens toujours à la partition, à la dynamique, au respect des moments calmes et à ceux plus dramatique, même si j’adore Nicolaï Gedda, un modèle pour moi, le plus grand Don José. Je serai capable de devenir fou si ma mère était mourante et que l’on m’empêchait d’aller la retrouver.
© michaelspyres.com
Pouvez-vous me dire comment vous avez conçu le programme de votre concert en hommage à Méhul que vous devez donner à Londres, le 10 février, en compagnie de Jonathan Cohen à la tête de l’Orchestra of the Age of Enlightenment, un rendez-vous initié par le Palazzetto Bru Zane ?
M.S. : Les membres du Palazzetto Bru Zane m’ont parlé de ce projet il y a deux ans, car Méhul est _ hélas _ méconnu et peu enregistré, alors qu’il a été  le premier à changer les choses en France, et mérite à ce titre d’être réhabilité ; certes il y avait eu Lully et Rameau qui ont écrit de belles pages, mais pas de partitions révolutionnaires. Lui a composé des œuvres magnifiques sur des thèmes humains où la mythologie n’était plus souveraine, tout en apportant du drame sur la scène. L’équipe du Palazzetto a donc fait des recherches poussées pour trouver des œuvres rares et significatives. Je suis donc heureux de chanter Méhul (Mélidore et Phrosine, Uthal, Une folie, Euphrosine et Coradin), mais aussi Fidelio _ de Beethoven _, car le public là non plus ne comprend pas pourquoi on peut aborder Florestan avec une voix plus légère.

La tradition veut que les ténors soient puissants, mais Anton Dermota était parfait et n’avait pas une voix si large. Le 1er air est très technique bien sûr, mais on peut le chanter avec moins de muscle et faire comprendre que Méhul a influencé Beethoven, ce que l’on a tendance à oublier.

Méhul est un grand compositeur qui a révolutionné la musique doucement, à la différence de Berlioz. Auber en écrivant La muette de Portici a apporté tant de choses, comme après lui Rossini, le plus français des compositeurs italiens, et Berlioz. Ce trio _ Auber, Rossini, Berlioz _ a changé l’histoire de la musique et du style français. Meyerbeer aussi, bien sûr, mais ses premiers opéras sont un hommage à Rossini.

D’autres projets qui vous tiennent à cœur ?……M.S. : L’an prochain je dois interpréter Benvenuto Cellini en concert à Carnegie Hall avec Gardiner ; et en France ma prochaine prise de rôle aura lieu au Palais Garnier, où je donnerai mon premier Tito dans La clemenza de Mozart (en novembre-décembre 2017 ndlr). Ah !, j’oubliais ma participation au Festival Berlioz l’été prochain, avec La damnation de Faust également dirigée par Gardiner…….

Propos recueillis le 24 janvier 2017 et traduits de l’anglais par François Lesueur.

Toujours sur ce CD « Espoir » de 2017,
on pourra lire le très intéressant compte-rendu qu’en faisait Stéphane Lelièvre le 20 avril 2018, pour Olyrix, en un article intitulé « Michael Spyres : Espoir fait revivre le légendaire Gilbert Duprez » :

Michael Spyres : Espoir fait revivre le légendaire Gilbert Duprez

Le 20/04/2018 Par Stéphane Lelièvre
Avant son récital très attendu du 4 mai à l’Opéra Comique, Ôlyrix fait le point sur l’art de Michael Spyres en rendant compte de son CD Espoir, gravé chez Opera Rara en hommage au légendaire Gilbert Duprez.

Au-delà des titres d’albums ou de concert (Maria Cecilia Bartoli à la mémoire de Malibran, Arias for Rubini de Juan Diego Florez, Écho de Joyce El-Khoury en hommage à Juliette Dorus-Gras, A tribute to Gilbert Duprez de John Osborn), il est sans doute parfaitement vain de chercher à reconnaître dans tel ou tel chanteur d’aujourd’hui la voix, la technique et le style d’une des gloires des temps passés, tant_ certes _ les voix, les techniques et les styles ont changé, ne serait-ce qu’entre l’aube des enregistrements audio et le début de notre siècle. En revanche, composer un programme avec certains titres appartenant au répertoire d’un même chanteur, et chantés par lui au cours d’une période précisément délimitée dans le temps, peut s’avérer _ tout à fait _ intéressant. C’est l’option retenue par Michael Spyres pour ce récital regroupant des pages tirées d’œuvres interprétées _ et le plus souvent, même, créées _ par le ténor Gilbert Duprez (1806-1896) au cours de la décennie 1835-1845. Nous pouvons ainsi nous faire une idée _ voilà  _ des moyens qui devaient être ceux de Duprez dans les années 1840, peut-être les plus glorieuses de sa carrière, avant un rapide déclin qui lui fera quitter la scène vers 1850. Mais nous pouvons également mettre en perspective plusieurs pages tirées d’œuvres qui faisaient les beaux soirs des mélomanes parisiens en ces années-là : après avoir perfectionné sa technique en Italie (où il séjourna et travailla à partir de 1828, et où il se lia avec Donizetti), Duprez revint effectivement en France en 1837 pour y interpréter entre autres rôles ceux gravés par Michael Spyres dans le présent CD – à l’exception de l’air d’Enrico tiré de Rosmonda d’Inghilterra qu’il créa à Florence en 1834.

Le premier intérêt de ce CD réside donc dans le choix des pages enregistrées (qui, heureusement, ne recoupent pas complètement celles gravées par John Osborn dans un enregistrement lui aussi dédié à Duprez : A tribute to Gilbert Duprez, paru chez Delos) : elles permettent, à côté d’airs bien connus du lyricophile (Benvenuto Cellini, La Favorite, Lucia di Lammermoor), d’en entendre d’autres plus rares (Jérusalem de Verdi, La Reine de Chypre d’Halévy), voire inconnus, tel celui du Lac des fées d’Auber, créé en 1839. Cet opéra s’inscrit dans la lignée des œuvres mettant en scène ondines et sirènes (Undine de Hoffmann, Les Fées du Rhin d’Offenbach, Rusalka de Dvořák, Goplana de Żeleński, Sadko de Rimski-Korsakov), dont il semble être l’un des premiers représentants. Il reçut en son temps un accueil très négatif de la critique, et l’air enregistré par Michael Spyres, même s’il ne permet pas, évidemment, de préjuger de la qualité de l’œuvre complète, ne présente un intérêt musical que très relatif : on y entend, certes, un coloris orchestral délicat, mais la mélodie est très peu inspirée, et entachée par ailleurs de problèmes de prosodie ou d’accentuations malvenues : ainsi le désagréable hiatus « Fée immortelle » est-il d’autant plus gênant qu’il est répété plusieurs fois ; et quelle curieuse idée, dans le syntagme « Fille des airs » d’avoir mis l’accent sur le mot « des » et de l’avoir surligné par un aigu ! En revanche, la scène de Gérard, dans La Reine de Chypre, est une belle découverte ; et surtout, les extraits de Guido et Ginévra (toujours d’Halévy) donnent vraiment envie d’en entendre plus. L’air de Guido à l’acte III est fort beau (difficile également avec ses aigus « à attraper » et à insérer dans le chant sans en briser la ligne), et surtout, le duo Guido/Ginévra de l’acte IV s’avère d’un dramatisme puissant.

Spyres s’est entouré d’un orchestre de qualité (The Hallé), d’un chef précis et concerné (Carlo Rizzi), mais aussi de Joyce El-Khoury pour lui donner la réplique (même si le timbre de la soprano libano-canadienne, peu phonogénique _ en effet _, fait entendre certaines duretés et certaines couleurs métalliques beaucoup moins prégnantes en live). Il aurait pu également solliciter un chœur : il aurait ainsi pu effectuer l’indispensable reprise de la page finale de Lucia, qu’il ne chante ici qu’une fois, agrémentée d’un aigu extrapolé (« Teco ascenda il tuo fedel ») qui devrait ne se faire entendre, précisément, que dans le cadre d’un da capo. Il aurait également pu conserver la grande scène de Gaston dans le Jérusalem de Verdi, l’une des pages pour ténor les plus extraordinaires jamais écrites par le compositeur ! D’autant que Michael Spyres délivre une magnifique interprétation de la première partie de cette scène, poignante entre toutes lorsqu’on l’entend dans son intégralité – l’équivalent de la scène d’Amneris face aux juges de Radamès au quatrième acte d’Aida.

Interprétant le même répertoire que son (excellent) collègue John Osborn, Michael Spyres dispose d’un timbre plus clair, moins nasal, et d’une prononciation de l’italien ou du français quasi parfaite _ oui. Même les nombreux « ui » (pierre d’achoppement de presque tous les chanteurs étrangers !) dont est émaillé le premier air de l’Otello de Rossini version française (« puis », « suis-je », « conduisant ») sont impeccables. Seul le « R » final de « dernier » dans « C’est mon dernier souhait », répété plusieurs fois, aurait pu être corrigé. Michael Spyres se présente avec cet air en tant que baryténor rossinien _ voilà _, assumant crânement grave abyssal et puissant aigu. Les vocalises sont d’une grande précision sans que le ténor recoure pour autant au staccato, désagréable lorsqu’il est systématique et trop accentué.

Michael Spyres pare son chant de mille nuances _ oui _, toujours au service de l’interprétation et de la caractérisation du personnage _ en effet. Les changements de couleurs, le chant sur le souffle, le recours au chant piano sont autant de procédés permettant de faire de certaines phrases de vrais moments d’émotion _ oui ! _ : tendresse éplorée du « Je reviendrai pour dire encore » (Guido et Ginévra), émotion de « Mon dernier jour me sera doux » (Jérusalem), désespoir de « Tu n’as donc pu fléchir le sort » (Guido et Ginévra). Parfaitement maître d’une voix souple et ductile, il aurait toutefois pu chanter certains aigus en voix mixte (on pense notamment aux aigus difficiles du bel air de Guido « Quand paraîtra la pâle aurore ») et user ici ou là d’un chant piano ou pianissimo, par exemple pour la reprise d’ « Ange si pur » (La Favorite), ou dans l’attaque du « Seul sur la terre » de Dom Sébastien.

Son contrôle de l’émission vaut à l’auditeur quelques splendides diminuendi _ oui _ (dans Rosmonda d’Inghilterra, ou encore dans Lucia, juste avant le dernier « Rispetta almen le ceneri »), tandis que son exemplaire contrôle du souffle lui permet de chanter le dernier « Ah ! Que ne suis-je un pauvre pasteur ! » (Benvenuto Cellini) d’un trait, là où d’autres (et non des moindres) segmentent la phrase en trois morceaux.

C’est peu de dire que le public attend Michael Spyres avec impatience pour son concert du 4 mai prochain _ 2018 _ à l’Opéra Comique, dans un programme entièrement français dont le détail vient d’être dévoilé !

Et pour éclairer la parcours très original courageusement entrepris (dès ses 20 ans, en 1999) et assumé tout le long, depuis, par Michael Spyres,
je joins à nouveau ici le très remarquable entretien, lui aussi,
de Michael Spyres avec Emmanuelle Giuliani, paru dans La Croix le 4 octobre 2018 :

Entretien avec Michael Spyres

Afin de préparer un portrait, à paraître dans La Croix (publié ce vendredi 5 octobre, veille de la représentation, samedi 6, de Fidelio au Théâtre des Champs-Élysées, où le ténor américain incarne Florestan), j’ai eu la chance de recueillir cet entretien avec Michael Spyres.

Il est long mais si éclairant _ oui ! _ sur la personnalité et l’engagement _ magnifique _ de ce formidable artiste _ oui ! _ que je vous le propose dans son intégralité.

Non sans remercier chaleureusement ma collègue Célestine Albert qui en a assuré la traduction, bien mieux que je ne l’aurais fait.

Bonne lecture et à très bientôt !

 Vous interprétez prochainement à Paris le rôle de Florestan dans Fidelio de Beethoven. Comment abordez-ce personnage ? Comment le décrire musicalement et psychologiquement ? Quelle sont les difficultés du rôle.

Michael Spyres : Je pense que la meilleure façon d’aborder le personnage de Florestan est de le faire à travers le prisme des Lumières. Il faut comprendre la densité et la profondeur des personnages typiques de cette période _ voilà, c’est capital. L’allégorie de la grotte de Platon est très présente dans le livret et l’on doit voir Florestan comme l’incarnation de l’injustice _ subie _ ou, en des termes qui correspondent davantage à la philosophie jungienne, de l’animal piégé dans une forme humaine.

Le personnage de Florestan représente la condition humaine, et la lutte intérieure qu’un homme éprouve dans sa quête d’espoir et de liberté. Beethoven, comme Mozart avant lui, était bien conscient de ces mythes ancrés dans la tradition maçonnique _ en effet _ (il n’y a certes toujours pas de preuve irréfutable que Beethoven ait été lui-même Franc-maçon, mais il avait de nombreux amis qui l’étaient). En fait, le parcours et la dualité de Florestan et Leonore sont à mettre en parallèle avec ceux de Pamina et Tamino, dans la Flûte enchantée. L’objectif _ commun à ces deux œuvres _ est de réaliser que nous devons œuvrer ensemble à trouver une harmonie intérieure, au sein du monde physique. Nous devons tous aspirer à être justes et courageux, afin de donner un sens à ce monde _ voilà. Tous les personnages et thèmes évoqués mettent en perspective les désirs du public de l’époque de se libérer de gouvernements tyranniques.

Face à l’étendue de ces sujets, je dirais que la plus grande difficulté dans l’interprétation du rôle de Florestan est de rester dans la technique, et de ne pas se laisser emporter par l’émotion _ le pathos _ en chantant…

 Votre répertoire est extrêmement vaste. Est-ce important pour vous de chanter des œuvres si variées, de Mozart à Gounod en passant par Berlioz ? Comment abordez-vous un nouveau personnage ? Y en a-t-il que vous savez que vous allez abandonner avec l’évolution de votre voix ? Est-ce difficile ?

Michael Spyres : C’est amusant que vous me demandiez cela, car j’ai fait énormément de recherche sur les répertoires des chanteurs passés. Florestan sera mon 77e rôle dans, au total, 70 opéras différents. Placido Domingo est le seul ténor contemporain ayant interprété plus de rôles que moi, et j’ai bon espoir de rattraper son total de 150 rôles ! Je ne dis pas cela pour me vanter, mais plutôt pour que les gens prennent conscience qu’il n’est pas si rare qu’un chanteur ait une carrière aussi variée que la mienne, même au XXe siècle. Si l’on s’intéresse aux grands ténors du passé, tels que Jean de Reszke, Mario Tiberini, Manuel Garcia, Giovanni David ou, le plus grand d’entre tous, son père Giacomo David _ Presezzo, 1750 – Bergame, 1830 _, on constate à quel point les répertoires de ces chanteurs légendaires étaient vastes. Leur carrière est devenue pour moi une réelle obsession _ voilà. Si eux l’avaient fait, j’en étais capable aussi.

Au fil de mon parcours, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel _ voilà _, que peu de gens _ surtout ceux qui font carrière de chanteurs _ ont la chance d’intégrer : la voix et la technique ont besoin de ces variations pour rester performantes, ne pas devenir rigides. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français.

Au Met à la fin des années 1800, De Reszke chantait Roméo, Tristan et Almaviva dans la même semaine, ce qui nous semble insensé aujourd’hui. Très peu de personnes sont prêtes à sortir de leur zone de confort, mais c’est pourtant précisément ce qui m’a permis d’acquérir l’expérience et la technique qui en découle _ voilà _, pour survivre _ et épanouir ! _ dans cette folle profession !

De plus en plus, vous devenez un grand interprète de l’opéra français _ en effet ! Est-ce un répertoire que vous aimez particulièrement ? Pourquoi ? Et comment avez-vous travaillé votre diction pour parvenir à ce point de perfection ? 

Michael Spyres :J’aime le répertoire français dans toute sa splendeur. La musique et les sujets abordés _ Michael Spyres ne les sépare pas ! _ sont d’un génie inégalé _ voilà ! Les idéaux fondamentaux de la Renaissance et de la Révolution sont au cœur même du Grand Opéra français, et il n’y a pas de forme d’art plus élevée qu’une pièce comme Les Troyens de Berlioz.

J’ai grandi en pensant que j’aimais l’opéra italien, puisque c’est l’une des seules formes d’opéra populaire aux Etats-Unis. Mais dès que j’ai commencé à étudier l’opéra sérieusement, le style français a pris possession de mon cœur et mon âme. Si les grandes questions de la vie vous importent et que vous lui cherchez un sens, comment ne pas être en admiration face aux accomplissements de la France, depuis l’époque Baroque et jusqu’au XXe siècle ? La France était le centre névralgique de tous les idéaux occidentaux et il n’est pas étonnant que Rossini, Donizetti, Meyerbeer et Verdi soient tous allés chercher leur liberté artistique en France.

Quant à mes capacités linguistiques en Français, je suis totalement autodidacte. J’ai toujours été assez entêté, mais je crois aussi que, comparé à d’autres, j’ai un don pour imiter les sons parfaitement, parce que je suis obsédé par la conception même des sons. Pour tout vous avouer, mon objectif dans la vie était de devenir doubleur de dessins animés, et c’est d’ailleurs ainsi que je me suis mis au chant. Honnêtement, le français est la langue que j’ai eu le plus de mal à maîtriser à cause de  son incroyable manque de logique en termes de voyelles ! Ce n’est pas du tout une critique, mais tout comme avec l’anglais, il est très difficile pour une personne dont le français n’est pas la langue maternelle d’en maîtriser toutes les exceptions…

Quelle est votre relation avec votre voix ? Est-ce toujours une amie, devez-vous parfois lutter avec elle? Devez-vous penser à la ménager ou au contraire à repousser ses limites ?

Michael Spyres :Je peux sincèrement dire que ma vie est le chant. J’ai commencé à chanter avant même de savoir parler. Je viens d’une famille qui vit en musique, dans laquelle chaque personnes sait chanter et a toujours chanté. Ma mère et mon père étaient tous deux professeurs de chant et nous chantions en famille à chaque mariage, enterrement, ou événement de notre enfance. Ma sœur est aujourd’hui à Broadway et mon frère et moi tenons la compagnie d’opéra de notre ville natale. Ma femme _ Tara Stafford _ est également chanteuse et, en avril dernier, nous avons produit ma version et traduction de Die Zauberflöte. Ma femme chantait la Reine de la nuit, ma mère s’est chargée des costumes, mon père a fabriqué le décor et mon frère interprétait Tamino, en plus d’être assistant metteur en scène. Comme vous pouvez le constater, je ne suis jamais seul dans mon voyage musical, et je peux toujours compter sur ma famille lorsque j’ai besoin d’aide.

Je crois qu’il est nécessaire de repousser ses limites en tant que chanteur pour comprendre son instrument. J’ai le sentiment que très peu de personnes explorent réellement leur voix et, du coup, très peu savent la maîtriser. J’ai eu la chance d’avoir assez tôt deux professeurs de musique en l’espace de trois ans. Ils m’ont appris les bases d’une bonne technique lyrique, mais j’ai abandonné les études à 21 ans _ en 2000 _ pour prendre une direction radicale. J’ai constaté que la seule façon pour moi de prendre le contrôle de ma vie et de réussir dans le monde de l’opéra était d’apprendre de mon côté _ par moi-même _ à contrôler cet instrument qui est en moi. Le chemin pour devenir ténor a été long et plein d’épreuves mais, finalement, le chant doit être un accord organique entre vous et votre voix, sans influence extérieure. Les professeurs et livres de technique ont un rôle inestimable mais, si vous n’avez pas une confiance absolue dans vos propres axiomes et votre structure, vous êtes voué à l’échec.

Il y a peu de ténors, c’est une voix qui fascine le public et on imagine que vous subissez une grande pression de la part du monde musical. Comment y résistez-vous ? Comment refusez-vous les propositions qui ne vous conviennent pas ou ne vous plaisent pas ?

Michael Spyres : Pour être tout à fait honnête, je n’arrive pas vraiment à dire non, et c’est quelque chose que j’essaye d’apprendre avec l’âge. L’an dernier, je suis arrivé à un stade de ma carrière assez crucial, parce qu’ il y a dix ans, je m’étais fixé comme objectif  d’explorer un maximum de répertoires, et je m’épanouis dans les « challenges ». Mais j’ai été confronté à mes limites physiques et au vieillissement. Au cours de la saison 2017-2018, j’ai joué dans 8 productions, fait 7 concerts dans 8 pays différents, et j’ai fini par devoir, pour la première fois, annuler un concert et une représentation parce que j’étais malade. Au cours de cette dernière année, mes opportunités de carrière ont vraiment pris un tournant, et je suis dans la position merveilleuse de pouvoir choisir ou décliner une proposition.

La plupart des gens considèrent que le chanteur est seul responsable de son parcours, mais vers 20 ans _ en 1999 _, j’ai constaté que l’image que l’on se fait de sa propre voix n’est pas forcément celle que se font les autres. L’une des principales raisons qui m’a poussé à varier autant mon répertoire venait aussi du constat que chaque pays avait sa propre opinion de ma voix. J’ai découvert que, pour réussir, il fallait trouver un compromis entre ce que vous voulez faire et les besoins de l’industrie et du marché musicaux. Je fais partie d’un groupe très restreint de chanteurs qui peuvent dire non. Mais le plus important dans ma prise de décision est de savoir si le rôle me correspond _ voilà _ et s’il fait _ vraiment _ évoluer ma carrière.

Je n’ai que récemment atteint un niveau qui me permet de choisir un rôle. Je me demande alors : « cette œuvre a-t-elle une bonne raison d’exister ? » La plupart des gens n’aiment pas l’avouer, mais de nombreux opéras ont été composés simplement dans une recherche de profit ou par pur narcissisme, et, de ce fait, me semblent n’avoir guère ou même aucune de raison _ solide _ d’être interprétés.

Je ne me prononce pas sur les différentes productions, intellectuelles ou non, mais je suis vraiment heureux de pouvoir désormais choisir sans avoir à dire oui à tout. Je veux aller de l’avant, et je consacre ma carrière à promouvoir les opéras les plus bouleversants et les plus importants, ceux qui ont été composés pour élever l’humanité à un plus haut niveau de conscience en nous forçant à l’introspection et à l’éveil de notre esprit.

Quels sont les interprètes actuels ou passés, chanteurs ou instrumentistes (ou même comédiens, écrivains, peintres…) qui vous inspirent et enrichissent votre propre travail d’artiste ?

Michael Spyres : La liste est longue, mais je dirais que les personnes qui m’ont le plus influencé sont, toutes catégories confondues : Wassily Kandinsky, Francisco Goya, René Magritte, Hieronymus Bosch, Michael Cheval, Norman Rockwell, Harry Clarke, Thomas Hart Benton, Jan Saudek, Hundertwasser, Alphonse Mucha, Jordan Peterson, Jonathan Haidt, Thomas Sowell, Michio Kaku, Stephen Pinker, Camille Paglia, Mario Lanza, Nicolai Gedda, Roger Miller, Nick Drake, Tom Waits, Air, Andrew Bird, Harry Nilsson, Kishi Bashi, Sleepwalkers, J Roddy Walston and the Business, Vulfpeck, Maria Bamford, Hans Teeuwen, Norm Macdonald, Reggie Watts, Thaddeus Strassberger,  Le Shlemil Theatre, John Eliot Gardiner, Wes Anderson, Terry Gilliam, Alejandro Jodorowsky, Rossini, Berlioz, et surtout, ma famille.

Comment avez-vous décidé de consacrer votre vie au chant ? Avez-vous parfois douté ? Comment, aux Etats-Unis, la musique classique (et, plus particulièrement l’opéra) est-elle considérée dans la société ? Est-ce un art populaire ou au contraire plutôt élitiste ?

Michael Spyres : Comme je vous le disais, la musique coule dans les veines de ma famille, mais je ne me suis mis à envisager cette carrière qu’à 21 ans _ en 2000. Mon rêve était de devenir le futur Mel Blanc (la voix qui doublait tous les dessins animés d’antan) et d’entrer dans ce milieu de l’animation, si possible en devenant acteur pour Les Simpson. Après une période de réflexion, j’ai compris que si je ne tentais pas une carrière dans la musique et plus particulièrement, l’opéra, je le regretterais.

Je suis l’homonyme de mon oncle Michael. Son rêve était de devenir chanteur d’opéra, mais il est décédé d’un cancer de la gorge à l’âge de 38 ans, alors que je n’étais qu’un bébé. J’ai grandi dans l’ombre de cette histoire, en sentant que mon destin était au moins d’essayer d’embrasser la carrière qu’il n’avait jamais pu avoir.

Bien-sûr, j’ai eu des doutes, toute ma « vingtaine » _ entre 1999 et 2009, donc _ a été remplie de doutes… Mais quand j’ai eu trente ans _ en 2009 _, j’ai su avec certitude que je pouvais faire carrière dans l’opéra.

La musique classique, et l’opéra en particulier, sont considérés comme une forme d’art élitiste aux Etats-Unis, mais cette perception est en train de changer avec les plus jeunes générations qui découvrent la joie et les messages profonds véhiculés par la musique. Mais soyons honnêtes, l’opéra et la musique classique ont, en effet, toujours été une forme d’art élitiste, tout simplement parce qu’il faut beaucoup d’argent et de temps aux artistes pour arriver au niveau de compétence nécessaire à cette profession. Pour réussir quelque chose d’aussi beau que le classique ou l’opéra, l’élitisme est et a toujours été une force. Même si je pense que tout le monde peut apprécier cet art, il reste dominé par un petit groupe d’artistes et de philanthropes.

Je peux dire toutefois que l’opéra et la musique classique me semblent bien plus démocratiques aux Etats-Unis qu’en Europe où une grande partie du budget est subventionné par l’Etat. Chez nous, les gens sont très fiers d’apporter leur soutien et nos budgets sont presque entièrement financés par des personnes privées.

Êtes-vous engagé sur le plan social, éducatif, voire politique ? Être un artiste donne-t-il selon vous des responsabilités dans la société ?

Michael Spyres :Je suis très investi dans le monde des arts, et je crois de tout mon cœur qu’il est de notre devoir en tant qu’artistes d’enseigner et de donner son temps à la communauté et à la société au sens large. L’enseignement est aussi dans mon ADN, puisque tous les membres de ma famille ont été professeurs à un moment ou un autre.

J’ai, en outre, la chance de pouvoir changer la vie de beaucoup de personnes à travers mon rôle de directeur artistique de la compagnie d’opéra de ma ville natale : l’opéra régional de Springfield _ tout proche de la petite ville natale, Mansfield, de Michael Spyres. Mon frère, ma mère et moi avons réalisé des projets ensemble, ils ont notamment écrit deux opéras pour enfants. Nous avons tourné dans les écoles les plus pauvres de notre région avec ces deux créations originales et, à travers l’opéra, nous avons réussi à transmettre des leçons importantes sur la vérité et la responsabilité.

Je crois que beaucoup d’artistes oublient qu’il est de leur devoir de mettre en lumière certains problèmes de la société. Éduquer le public au sens large est primordial. Mon père, comme professeur de musique, m’a appris que cet art était une forme de méta-éducation et qu’à travers elle, on pouvait enseigner une grande variété de sujets. Avec une simple chanson, vous pouvez apprendre une langue, des maths, de la géographie, de la sociologie, de la philosophie… La musique est un point d’entrée vers la compréhension de l’humanité _ voilà ! _ et, en tant qu’artistes, nous sommes en possession d’un outil de transmission très puissant, qui connecte les gens.

Lorsque vous voyagez pour vos concerts, avez-vous le sentiment que, depuis l’élection de Donald Trump, l’Amérique est vue différemment dans le monde ?

Michael Spyres : Je suis sûr que certaines personnes perçoivent désormais les Etats-Unis différemment, mais cela n’a jamais été un problème pour moi. Ayant vécu 17 ans en Europe, dans six pays différents, j’ai pu voir des aspects à la fois merveilleux et terribles dans chacun d’entre eux, y compris le mien.

Mais j’ai fini par comprendre qu’il ne fallait pas s’attarder sur les effets que la pensée ou la projection collective d’une nation toute entière peuvent avoir sur vous. Je crois en la souveraineté individuelle et à l’éveil intellectuel _ soit l’idéal kantien d’autonomie de la personne… _ et j’essaye de vivre et d’avancer en fonction de cela.

L’un des plus beaux moments de ma vie a été de chanter en duo avec ma femme à Moscou, à un moment où la relation avec les Etats-Unis était assez compliquée… Après le concert, deux hommes sont venus nous parler dans un anglais parfait pour nous dire à quel point cela les avait touchés de m’entendre chanter dans leur langue natale et combien ils pensaient que notre concert avait apaisé les tensions. Certaines personnes se sont mises à pleurer lorsque j’ai chanté « Kuda, kuda… » dans Eugène Oneguin, et il n’y a pas de sentiment plus grand, ni de façon plus douce, d’apaiser les mœurs que par la musique.

J’ai l’impression que, trop souvent, les gens se laissent dominer par des tendances naturelles « tribales », mais un grand air ou lied peut transcender tout cela, et aider au bien commun de l’humanité, dans la lutte, la joie, le deuil ou l’amour.

En dehors du chant, quelles sont les arts ou les activités qui vous sont nécessaires, qui nourrissent votre esprit et votre émotion ? Comment parvenez-vous à garder votre équilibre de vie avec un métier si exigeant et si prenant ?

Michael Spyres : J’ai très peu de hobbies parce que ma vie est principalement partagée entre ma carrière de chanteur, ma compagnie d’opéra et mon rôle de père. Je joue de la guitare et du piano quand j’en ai l’occasion, chez moi, et j’aime emmener mes fils explorer les bois de notre ferme. Mais honnêtement, quand je ne travaille pas, je passe une grande partie de mon temps à lire des livres de philosophie, de psychologie, d’économie et de sciences.

Quant à la recherche d’un certain équilibre, c’est vraiment le défi le plus difficile à mes yeux, parce que lorsque vous adorez votre job et que vous aimez travailler autant que moi, vous devez constamment vous forcer à faire des pauses. Le fait d’avoir mes deux fils et ma femme m’aide à rester ancré dans la réalité, et je dirais que le plus dur avec cet emploi du temps de plus en plus chargé est de trouver l’équilibre entre mon t,emps de travail et ma famille.

J’ai beaucoup de chance d’avoir cette carrière, et je n’ai pas encore trouvé beaucoup d’aspects négatifs liés au succès, outre la pression grandissante que je m’impose pour me donner à 100%. J’ai eu beaucoup d’emplois différents dans ma vie, gardien, jardinier, professeur, serveur, ouvrier du bâtiment, et je suis vraiment heureux de pouvoir gagner ma vie en rendant les gens heureux… Qu’y a-t-il de plus gratifiant ?

Une nouvelle saison musicale commence, vous préparez bien sûr les prochaines… quels sont les projets mais aussi les envies qui vous tiennent le plus à cœur : nouveaux rôles, nouveaux chefs, metteurs en scène ou partenaires, nouveaux pays ? 

Michael Spyres : Comme l’an passé, je suis incroyablement pris, mais j’ai évidemment hâte de jouer dans Fidelio, et ensuite, de retourner au Carnegie Hall avec John Eliot Gardiner. En octobre, je ferai mes débuts au Concertgebouw d’Amsterdam et juste après, j’interprèterai mon premier récital avec Mathieu Porduoy, à Bordeaux. Au début de l’année 2019, je jouerai pour la première fois au Teatro Carlo Felice de Gênes à l’occasion d’un récital avec ma chère amie Jessica Pratt, puis je me rendrai au Wiener Staatsoper !

Après Vienne, je ferai mes débuts à Genève, aux côtés de ma collègue Marina Rebeka, pour une Le Pirate de Bellini que nous enregistrerons également. En avril, j’aurai le privilège de jouer le fameux rôle de Chapelou dans la production de Michel Fau du Postillon de Longjumeau, qui sera présenté pour la première fois depuis 1894 à l’Opéra-Comique. Fin avril, j’aurai la chance de réaliser un nouveau rêve en m’associant avec de fantastiques collègues, Joyce Didonato et John Nelson, dans l’interprétation et l’enregistrement pour Erato de mon rôle préféré : Faust dans La Damnation de Faust, de Berlioz.

En mai 2019, je reviens une fois de plus à Paris en tant que soliste du Lelio de Berlioz, avec François Xavier-Roth. Je ferai également mes débuts en tant que Pollione dans Norma de Bellini, et le mois sera marqué par mon retour à l’Opernhaus de Zurich. Entre ces deux performances, je retournerai à l’Oper Frankfurt dans le cadre d’une tournée en récital. Je terminerai la saison en jouant le rôle principal dans l’opéra épique Fervaal, de Vincent D’Indy, au Festival de Radio France Occitanie, à Montpellier.

Souhaitez-moi bonne chance et… une bonne santé !

Emmanuelle Giuliani

Voilà.

En ce magnifique parcours de chanteur de Michael Spyres,

qui sait trouver ses voix _ et ses rôles de personnages à interpréter, que ce soit sur la scène, ou au disque _,

le CD « Espoir« , centré, en 2017, sur la carrière et les rôles d’un seul chanteur, Gilbert-Louis Duprez, a constitué ainsi un très intéressant jalon,

anticipant sur le plus large, merveilleux et éclatant « Baritenor« , anthologique de rôles très divers d’entre 1781 (pour Idomeneo) et 1937 (pour Carmina Burana),

le récital se concluant par l’air, de toute beauté, et sublimement interprété, « Glück, das mir verblieb« , de Die tote Stadt, de Korngold, en 1920…

en cette année 2021…

Et du splendide art d’interprétation, si subtil et délicat, de Michael Spyres,

je suis très impatient de suivre attentivement les suites…

Ce lundi 25 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

La richesse des impressions éprouvées en écoutant en boucle le programme très varié du si beau « Baritenor » de l’admirable Michael Spyres

24oct

En écoutant en boucle le magnifique « Baritenor » de Michael Spyres, au programme d’airs d’opéra si varié,

je suis aussi très sensible à la variété des impressions ressenties à la réception de l’interprétation superlative, par Michael Spyres, de ces airs étonnamment divers,

réunis ici par lui _ il signe et assume entièrement ce programme _ en échantillon significatif (de 84′ 30) de la qualité de la palette dont dispose à ce jour ce chanteur…

D’abord, je découvre en ce CD des airs extraits d’œuvres qui m’étaient restées jusqu’ici

ou bien inconnues _ en partie faute d’enregistrements existants !!! _,

tel, par exemple l' »Ariodant » de Méhul (de 1799, à Paris), ou  l' »Hamlet » d’Ambroise Thomas (de 1868, à Paris), soient des œuvres dont j’ignorais tout simplement l’existence ;

ou bien demeurées étrangères à ma curiosité,

tel, par exemple, le « Pagliacci » de Leoncavallo (de 1892, à Milan) _ n’ayant personnellement qu’assez peu d’attraits, a priori du moins, envers le mouvement et les œuvres du vérisme _, ou « La Vestale » de Spontini (de 1807, à Paris) _ sans que je sois en mesure d’en donner quelque raison, sinon que pour le genre même de l’opéra, aux œuvres si nombreuses, j’ai moins d’attraits que pour, par exemple la musique de chambre, les œuvres pour piano, la musique baroque en toute sa diversité, ou pour la mélodie et le lied…

Si j’énumère les opéras à des représentations desquels j’ai déjà assisté _ principalement au Grand Théâtre de Bordeaux _, et dont je possède, aussi, au moins un enregistrement discographique,

cela donne la liste suivante :

_ Idomeneo

_ Le Nozze di Figaro 

_ Don Giovanni

_ Il Barbiere di Siviglia

_ La fille du régiment

_ Il Trovatore

_ Les Contes d’Hoffmann

_ Lohengrin

Et je peux y ajouter les opéras à des représentations desquels je n’ai pas assisté au théâtre, mais dont je possède au moins un enregistrement discographique :

_ La Vestale _ au sein d’un coffret « Maria Callas » de 42 CDs d’enregistrements intégraux de 20 opéras _

_ Otello, de Rossini _ compositeur que j’apprécie tout particulièrement… _

_ Die Lustige Witwe _ probablement parce que ma mère adorait en chanter au moins un air… _

_ L’Heure espagnole _ j’aime énormément Ravel, auquel je m’intéresse beaucoup… _

_  Carmina Burana _ un tube (à archiver…), en dépit de l’exécrable réputation de son compositeur… _

_ du Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam (de 1836, à Paris), je connais bien sûr l’archi-célèbre air de Chapelou ; par exemple chanté par l’excellent Nicolaï Gedda

Quant à Die tote Stadt d’Eric Wolfgang Korngold (de 1920, à Hambourg)

je persiste à regretter _ beaucoup _ de ne pas en posséder d’enregistrement discographique _ simplement faute d’avoir réussi jusqu’ici à en trouver un… _alors même que je collectionne les CDs d’enregistrements d’œuvres _ très diverses _ d’Eric Wolfgang Korngold, qui ne m’ont jamais déçu…

Mais, plus encore, ce qui, et très intensément, me frappe,

c’est l’extraordinaire qualité d’incarnation des personnages chantés en ces airs extraits d’opéras si divers, par Michael Spyres ;

et qui me touche si fortement en ces écoutes répétées de cet exceptionnel CD…

Bien sûr, isoler un air de l’opéra dont il fait partie, a quelque chose d’abstrait et d’artificiel :

tout air ne prenant vraiment la plénitude de son sens que par son insertion, en quelque sorte naturelle, dans l’intrigue dramatique de l’œuvre déroulée en son entier ; 

ainsi que par l’intelligence, aussi et surtout, des moindres nuances du personnage qu’incarne le chanteur ;

ainsi ce qui m’a frappé et totalement charmé

_ cf mes articles consécutifs à celui (avec un lien à la vidéo) du 8 aout dernier : … :

celui du 14 août :  ;

celui du 15 : … ;

mais surtout celui du 18 août :  _

à la vision-écoute de la retransmission du merveilleux Don Giovanni (de 1787, à Prague)donné à Salzbourg cet été 2021, avec la direction musicale de Teodor Currentzis, et dans lequel Michael Spyres incarnait _ en dépit d’un costume qui aurait ridiculisé n’importe quel acteur-chanteur, autre que Michael Spyres ! _ un absolument merveilleux Don Ottavio,

c’est cette qualité exceptionnelle de l’intelligence tant dramatique (en plénitude d’accord avec le génie de Da Ponte) que musicale (en symbiose parfaite avec le génie musical opératique de Mozart !) de Michael Spyres…

Et justement ce qui touche ici encore à l’extraordinaire et au superlatif,

mais cette fois non pas sur la scène comme à Salzbourg,

mais en un CD tel que ce merveilleux récital d’airs intitulé « Baritone« ,

c’est la qualité véritablement exceptionnelle d’interprétation-incarnation, tant dramatique que musicale _ indissociablement, les deux ! _ de chacun, sans exception, des rôles pourtant si divers, tels que ceux, ici, en ce récital,

d’Idomeneo (de l’Idomeneo de Mozart, de 1781, à Munich),

le comte Almaviva (des Nozze di Figaro de Mozart, de 1786, à Vienne),

Don Giovanni (du Don Giovanni de Mozart, de 1787, à Prague),

Edgard (de l’Ariodant de Méhul, de 1799, à Paris),

Licinius (de La Vestale de Spontini, de 1807, à Paris),

Figaro (du Barbiere di Siviglia de Rossini, de 1816, à Rome),

Otello (de l’Otello de Rossini, de 1816, à Naples),

Chapelou (du Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam, de 1836, à Paris),

Tonio (de La Fille du régiment de Donizetti, de 1840, à Paris),

le comte di Luna (d’ Il Trovatore de Verdi, de 1853, à Rome),

Hamlet (de l’ Hamlet d’Ambroise Thomas, de 1868, à Paris),

Hoffmann (des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, créés en 1881, à Paris),

Lohengrin (du Lohengrin de Wagner, de 1850, à Weimar),

Tonio (du Pagliacci de Leoncavallo, de 1892, à Milan),

Danilo (de Die lustige Witwe de Franz Lehar, de 1905, à Vienne),

Ramiro (de L’Heure espagnole de Ravel, de 1911, à Paris),

le baryton de Carmina Burana (de Carl Orff, en 1937, à Francfort)

et Paul (de Die tote Stadt de Korngold, de 1920, à Hambourg),

par l’admirable Michael Spyres,

dont on ne sait ce qui doit être le plus admiré

de sa parfaite intelligence dramatique de chacun de ces  personnages qu’il incarne si magnifiquement,

ou de sa merveilleuse exceptionnelle musicalité, chaque fois, en la très grande diversité de ces airs qu’il nous donne…

C’est qu’existe aussi un génie de l’interprétation !

Pour joindre ici quelques appréciations un peu plus plus personnelles _ sinon subjectives _,

je dois dire la singularité de mon intense émotion plus particulièrement devant les véritablement sublimes (!!!) interprétations des trois derniers airs de ce programme, déjà eux-mêmes très différents, et qui sortent du domaine de confort, jusqu’ici, de Michael Spyres,

extraits d’œuvres _ L’Heure espagnole de Ravel (il s’agit du très original air « Voilà ce que j’appelle une femmme charmante« ), Die Tote Stadt de Korngold (il s’agit de l’air sublime « Glück, das mir verblieb« ) et Carmina Burana de Carl Orff (il s’agit de l’air superbement donné ici « Dies nox et omnia«  ; soient des œuvres de 1911, 1920 et 1937)… _

du XXe siècle, que Michael Spyres aborde pour la première fois au disque :

de belles perspectives d’interprétation s’ouvrent ainsi à lui, en sa quarantaine pleinement épanouie de chanteur…

Mais aussi,

je dois dire ma grande émotion devant l’extraordinaire douceur, enivrante, de son interprétation de l’air très beau de Lohengrin « Aux bords lointains« , que Michael Spyres a tout spécialement choisi d’interpréter ici en français _ Wagner a longtemps très grandement plu en France… _ ;

de même que devant son interprétation si délicate, de l’air de Tonio « Si puo ? Signore, Signori ! » du pourtant vériste Pagliacci (de 1892) de Leoncavallo :

Michael Spyres me donnant ainsi envie de découvrir cet opéra...

Et pour ce qui concerne l’interprétation des airs d’Edgard « Ô Dieux ! Ecoutez ma prière« , de l’Ariodant de Méhul (de 1799),

et d’Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse« , de l’Hamlet d’Ambroise Thomas (de 1868),

ils donnent grand désir d’entendre et écouter enfin ces opéras en entier ; des opéras français dont n’existe pas encore hélas d’enregistrement discographique pour ce qui concerne l’Ariodant de Méhul ; et assez peu, pour ce qui concerne le Hamlet d’Ambroise Thomas… ;

de même que, l’interprétation par Michael Spyres du grand air de Licinius « Qu’ai-je vu ! Quels apprêts !« , de La Vestale, de Spontini (de 1807), m’incite à écouter enfin cet opéra qui dormait jusqu’ici dans ma discothèque…

Pour ne rien dire de l’interprétation merveilleusement enlevée _ et déjà célèbre _ de Michael Spyres du bien connu air de Chapelou, « Mes amis, écoutez l’histoire« , du Postillon de Lonjumeau, d’Adolphe Adam (de 1836) ;

un DVD de la mise en scène de l’excellent Michel Fau, avec le Chapelou de Michael Spyres, est désormais disponible : voici l’extrait vidéo de cet air, dans cette mise en scène de Michel Fau, avec Michael Spyres sur scène, en Chapelou…

Mais nous savons bien que Michael Spyres est comme un poisson dans l’eau dans l’entièreté du répertoire français _ ici de Méhul (en 1799) à Ravel (en 1911)… _, qui lui va comme un gant… 

Chapeau bas, Monsieur Spyres…

Et au final,

nous savons bien qu’un récital discographique d’airs d’opéra choisis, ne constitue qu’une petite fenêtre _ ou une carte postale adressée à un plus large public potentiel que celui des salles d’opéra _ ouvrant sur ce qui est vraiment l’essentiel de son activité pour le chanteur :

ses performances, avec des partenaires et un orchestre, en des opéras entiers, sur la scène, et face au public présent ce soir-là…

Et ici je renvoie, en exemple, et par la magnifique vidéo, au fluidissime et lumineux Don Giovanni , donné cet été 2021 à Salzbourg, sous la direction du magicien Teodor Currentzis…

Ce dimanche 24 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le travail de composition du programme du CD « Baritenor » par Michael Spyres, eu égard à l’histoire de l’opéra et des chanteurs, entre 1781 et 1937 : l’intelligence de la dynamique souple des voix, de Michael Spyres…

23oct

Comme envisagé dans mon article d’hier vendredi 22 octobre ,

je désire me pencher ce jour sur le minutieux et approfondi travail de composition, par Michael Spyres, de son programme anthologique _ de 18 plages (et 84′ 30) _ du CD « Baritenor « , tel qu’il le présente dans le livret de son CD,

avec 18 airs,

extraits de 18 opéras de 15 compositeurs

et je mets en rouge et en gras les chanteurs nommément cités par Michael Spyres en la présentation de son travail d’anthologie, dans les 5 pages de na notice du CD ; les autres créateurs des rôles sont Michal Spyres chante ici un air représentatif de la voix de baryténor, sont seulement cités ici par moi _ :

_ de Mozart (1756 – 1791) :

     Idomeneo, créé à Munich le 29 janvier 1781), dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Idomeneo « Fuor del mar« , chanté lors de la création par Anton Raaf (Gelsdorf, 1714 – Munich, 1797) ;

     Le Nozze di Figaro, créé à Vienne le 1er mai 1786, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte Almaviva « Hai gia vinta la causa« , chanté lors de la création par Stefano Mandini ;

     Don Giovanni, créé à Prague le 29 octobre 1787, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Don Giovanni « Deh, vieni alla finestra« , chanté lors de la création par Luigi Bassi ;

_ de Méhul (1763 – 1817) :

     Ariodant, créé à Paris le 11 octobre 1799, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Edgard « Ô Dieux ! Ecoutez ma prière« , chanté lors de la création par Jean-Pierre Solié (Nîmes, 1755 – Paris, 1812) ;

_ de Spontini (1774 – 1851) :

     La Vestale, créé à Paris le 15 décembre 1807, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Licinius « Qu’ai-je vu ! Quels apprêts !« , chanté lors de la création par Etienne Lainez ;

_ de Rossini (1792 – 1868) :

     Il Barbiere di Siviglia, créé à Rome le 20 février 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Figaro « Largo al factotum« , chanté lors de la création par Luigi Zamboni ;

     Otello, créé à Naples le 4 décembre 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Otello « Ah ! si, per voi gia sento« , chanté lors de la création par par Andrea Nozzari (Vertova, 1776 – Naples, 1832) ;

_ d’Adolphe Adam (1803 – 1858) :

     Le Postillon de Lonjumeau, créé à Paris le 13 octobre 1836, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Chapelou « Mes amis, écoutez l’histoire« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Chollet (Paris, 1798 – 1892) ;

_ de Donizetti (1797 – 1848) :

     La Fille du régiment, créé à Paris le 11 février 1840, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Tonio « Ah ! mes amis, quel jour de fête !« , chanté lors de la création par Mécène Marié de l’Isle (Chateau-Chinon, 1811 – Compiègne, 1879) ;

_ de Verdi (1813 – 1901) :

      Il Trovatore, créé à Rome le 19 janvier 1853, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte de Luna « Il balen de suo sorriso« , chanté lors de la création par Giovanni Guicciardi ;

_ d’Ambroise Thomas (1811 – 1896) :

     Hamlet, créé à Paris le 9 mars 1868, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Faure (Moulins, 1830 – Paris, 1914) ;

_ d’Offenbach (1819 – 1880) :

     Les Contes d’Hoffmann, créé à Paris le 10 février 1881, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Hoffmann « Va pour Kleinzach !« , chanté lors de la création par Jean-Alexandre Talazac ;

_ de Wagner (1813 – 1883) :

     Lohengrin, créé à Weimar le 28 août 1850, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Lohengrin « Aux bords lointains« , chanté lors de la création par Karl Beck ;

_ de Leoncavallo (1857 – 1919) :

     Pagliacci, créé à Milan le 21 mai 1892, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Tonio « Si puo ? Signore ! Signori !« , chanté lors de la création par Victor Maurel (Marseille, 1848 – New-York, 1923) ;

_ de Franz Lehar (1870 – 1943) :

     Die lustige Witwe, créé à Vienne le 30 décembre 1905, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Danilo « Da geh ich zu Maxim« , chanté lors de la création par Louis Treumann ;

_ de Ravel (1875 – 1937) :

      L’Heure espagnole, créé à Paris le 19 mai 1911, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Ramiro « Voilà ce que j’appelle une femme charmante« , chanté lors de la création par Jean Périer (Paris, 1869 – Neuilly-sur-Seine, 1954) ;

_ de Carl Orff (1895 – 1982) :

     Carmina Burana, créé à Francfort le 8 juillet 1937, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) « Dies nox et omnia« , dont je n’ai pas réussi jusqu’ici à découvrir qui en fut l’interprète lors de la création… ;

_ de Korngold (1897 – 1957) :

     Die tote Stadt, créé à Hambourg le 4 décembre 1920, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Paul « Glück, das mir verblieb« , chanté lors de la création par Richard Schubert (Dessau, 1885 – Oberstaufen, 1959).

D’autres chanteurs susceptibles d’intégrer eux aussi cette catégorie nouvelle de « baryténors » _ que conçoit ici Michael Spyres _

sont cités dans cette notice de présentation,

sans qu’ils aient été présents lors de la création des opéras dont les airs cités ici, sont, surtout, interprétés en ce CD par Michael Spyres :

_ Jean-Baptiste Martin (Paris, 1768 – Ternand, 1837) : celui qui a donné son nom à la voix de baryton-martin, et qui « fut décrit tour à tour comme un ténor au timbre extrêmement sombre, ou, à l’inverse, comme un baryton aux aigus clairs et faciles. On disait de la voix de Martin qu’elle avait la profondeur d’un baryton-basse avec des aigus de ténor » ;

_ Manuel Garcia père (Séville, 1775 – Paris, 1832) : ténor très célèbre, qui « a non seulement interprété le comte Almaviva de la création du Barbier de Séville de Rossini, mais aussi l’Almaviva des Noces de Figaro de Mozart, dans toute l’Europe, pouvant se targuer d’avoir incarné les tout premiers Almaviva » ; soient des rôles initialement conçus pour des voix de baryton ;

_ Giovanni Matteo (Mario) de Candia (Cagliari, 1810 – Rome, 1883) : ténor ;

_ Adolphe Nourrit (Montpellier, 1802 – Naples, 1839) : ténor ;

_ Giovanni-Battista Rubini (Romano di Lombardia, 1794 – Romano di Lombardia, 1854) : ténor ;

dont la postérité a volontiers retenu les noms de tous trois, pour la célébrité de leurs performances tout particulièrement dans leurs interprétations du rôle (pour baryton) de Don Giovanni, du Don Giovanni de Mozart…

Je dois aussi ajouter ici que ma découverte personnelle de l’art de chanter de Michael Spyres, date de la parution, en 2017, pour le label Opera Rara, de son magnifique et marquant CD « Espoir » (ORR 251)

_ cf le compte-rendu détaillé de ce CD « Espoir« , le 28 septembre 2017, par Forumopera.com, sous la plume de Laurent Bury : l’article était intitulé « Si ce n’est lui, c’est donc... » _ ;

or il se trouve que ce très beau et passionnant CD  »Espoir » était _ déjà ! _ conçu comme un hommage à un des plus grands chanteurs d’opéra du XIXe siècle : le ténor Gilbert-Louis Duprez (Paris, 6 décembre – Paris, 23 septembre 1896),

qui est «  célèbre pour avoir été le premier chanteur à émettre en scène un contre-ut (do4) en voix de poitrine, lors de la première reprise italienne de Guillaume Tell _ créé à l’Opéra de Paris, en français, le 3 août 1829 _ de Gioachino Rossini, à Lucques, en 1831. Cette technique « forcée » aurait usé prématurément sa voix, ce qui expliquerait la retraite du ténor à seulement 43 ans« 

La curiosité intelligente extrêmement précise _ et très empathique _ du généreux Michael Spyres envers les parcours plus ou moins singuliers des chanteurs tout au long de la modernité _ depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont vu la naissance (avec l’Orfeo de Monteverdi, créé en 1607 à Mantoue) et les premiers développements (Lully, Rameau, Haendel ; puis Mozart…) du genre musical de l’opéra _,  est donc en quelque sorte consubstantielle à son propre parcours singulier et magnifique de chanteur, baryton et ténor (et « baritenor« )…

….

Voilà.

Et c’est son expérience même de baryton à l’origine, mais conquérant peu à peu, et par admiration pour les ténors _ ses compatriotes américains de l’Amérique profonde… _ Chris Merritt (né en 1952, à Oklahoma City – Oklahoma) et Bruce Ford (né en 1956, à Lubbock – Texas) _ ainsi que par désir (travaillé…) de suivre leurs pas... _, en les faisant siennes, les capacités de chanter aussi les rôles appartenant aux registres de ténor,

qui a révélé, à l’expérience réalisée _ après cinq années de travail assidu, sur le tas, de 2000 à 2005 _, cette capacité vraiment plurielle de sa voix et de son art même de chanter, à Michael Spyres (né en 1979, à Mansfield – Missouri) ;

et lui a suggéré ce projet merveilleux de « baryténor » que vient de réaliser au disque, outre, bien sûr, de très nombreuses prestations scéniques de par le monde entier, ce magnifique CD « Baritenor« .

Ainsi,

reportons-nous à cette forte et éclairante déclaration _ citée en mon article du 19 décembre 2019 :   _ du très intelligent Michael Spyres en un _ excellent _ entretien, le 4 octobre 2018, avec la fine Emmanuelle Giuliani, à propos de la nécessité, selon lui, pour un chanteur, de ne cesser de varier, tout le long de sa carrière, l’étendue et la dynamique _ extension-expansion… _ de ses capacités vocales singulières, dans la variation la plus souple possible des registres de voix des rôles qu’il interprète et endosse, afin de les incarner vraiment le mieux… :

« Au fil de mon parcours _ de chanteur _, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel _ voilà ! _, que _ trop _ peu de gens _ du métier _ ont la chance d’intégrer :

la voix et la technique ont _ grandement _ besoin de ces variations _ de répertoire et de registres… _ pour _ d’abord _ rester performantes, ne pas devenir rigides _ voilà. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile _ physiquement, pour la voix, en son évolution _ de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer _ aussi _ aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français« 

Les classifications nominales _ ici des registres des voix _ sont forcément secondaires et postérieures par rapport aux réalisations factuelles des performances très effectives (et singulières) des chanteurs,

fussent-elles, au départ, celles-ci, improbables et difficiles à déterminer et classer…

_ le compositeur, lui-même, de l’œuvre devant être créée, ayant aussi, bien sûr, et forcément, à tenir grandement compte des capacités plastiques dynamiques des voix des chanteurs ayant à incarner éventuellement ses rôles sur la scène et face au public, lors de la création de chaque opéra à réaliser par lui, en son écriture de la partition, d’abord, afin d’assurer le plus grand succès possible de ce nouvel opus sien, auprès du public ; de même, aussi, qu’à éventuellement changer certains de ses airs, lors de reprises de l’opéra, pour les adapter aux capacités et à la convenance du nouvel interprète pressenti du rôle, en cette reprise de l’œuvre originale (l’opéra étant une réalisation particulièrement collective…).

Ainsi que cela, d’ailleurs, s’est très longtemps pratiqué lors de reprises d’opéras, du moins du vivant des compositeurs…

La classification, théorique, des voix, a ainsi toujours quelque chose d’un peu artificiel, voire d’arbitraire _ ou même, au pire, de sectaire… _ ;

même si elle est, bien sûr, et d’abord, fort utile et commode _ et même nécessaire, au moins pour commencer ; l’expérience pouvant aider à ajuster et approprier ensuite les choses… _ pour l’orientation et les décisions à prendre _ très vite, si ce n’est même sur-le-champ… _ des praticiens mêmes de la voix : compositeurs et chanteurs, au premier chef ; puis, en suivant, producteurs et décisionnaires de spectacles d’opéras, etc.

Le premier mérite de Michael Spyres est donc d’avoir osé essayer, et d’avoir surtout travaillé _ et travailler encore et toujours _,  jusqu’à l’admirable obtention de ses merveilleuses réalisations musicales, si variées, si vivantes, et si réussies, tant sur la scène, qu’au disque…

Un travail _ et un « parcours« , comme lui-même l’énonce… _ exemplaire ;

et particulièrement jouissif pour les mélomanes

amateurs d’opéras…

Merci !!!

Ce samedi 23 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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