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Ecouter la tendresse touchante du « Céphale et Procris » (de 1694) d’Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665 – 1729), par A Nocte Temporis et Reinoud Van Mechelen…

11avr

La curiosité envers les successeurs de Lully (1632 – 1687) en France et en Europe _ Collasse (1649 – 1709), Desmarest (1661 – 1741), en France, Kusser (1660 – 1727), Fischer (1656 – 1746) _ me porte à prêter attention à la nouvelle réalisation discographique de la tragédie lyrique « Céphale et Procris » _ créée au Théâtre du Palais Royal, à Paris, le 15 mars 1694 _ d’Élisabeth Jacquet de La Guerre (Paris, 17 mars 1665 – Paris, 7 juin 1729)  que vient de nous donner Reinoud van Mechelen (Louvain, 1987) à la tête de son ensemble a nocte temporis et du Chœur de Chambre de Namur,

soit le double CD Château de Versailles Spectacles CVS 119 (n° 21 de sa collection Opéra Français) _ d’une durée de 147′ 15…

En 2018, l’Ensemble Musica Fiorita dirigé par Daniela Dolci nous en avait donné une première réalisation discographique, ORF CD 3033, d’une durée plus réduite, de 117′ 23,

dont je possède le double CD…

Voici le commentaire que donne de cette nouvelle réalisation discographique Cécile Glaenzer ce jour même sur le site de ResMusica : 

Reinoud Van Mechelen dirige Céphale et Procris d’Élisabeth Jacquet de La Guerre

Premier opéra composé par une femme, Céphale et Procris s’inscrit dans l’héritage des tragédies lyriques lullystes. en dirige le premier enregistrement intégral _ voilà. 

En 1694, Élisabeth Jacquet, épouse de l’organiste Marin de La Guerre, jouit déjà d’une belle réputation de musicienne accomplie. Enfant prodige, elle se produisait au clavecin devant le roi, qui la tenait en haute estime. A 22 ans, elle publiait son Premier Livre de pièces de clavecin. Sept ans plus tard, sa tragédie lyrique est créée au théâtre du Palais Royal, mais ne remportera pas le succès espéré. Céphale et Procris restera donc l’unique œuvre lyrique de la compositrice. S’inspirant librement des Métamorphoses d’Ovide, le livret de Duché de Vancy conte les amours malheureux de Céphale et Procris, contrariés par la jalousie de L’Aurore éprise de Céphale. Une fin tragique attend les deux amants, puisque Céphale tue accidentellement sa bien-aimée en voulant atteindre son rival Borée, le dieu des vents.

Après une tournée de cette œuvre en version de concert en janvier 2023 à Bruxelles, Namur et Versailles, Reinoud Van Mechelen dirige ici son ensemble A nocte temporis, tout en assurant le rôle central de Céphale. Déjà enregistré en 2008 par Musica Fiorita _ oui _, cet opéra est donné ici pour la première fois sans coupures, bénéficiant d’un beau travail de reconstitution à partir d’une partition lacunaire _ dont acte. Dès le prologue, on est surpris _ en effet ! _ du parti pris pour la déclamation : une prononciation moderne du français à l’exception du son oi prononcé we ; un choix hybride donc, réalisé avec plus ou moins de bonheur par les interprètes. Dans l’ensemble, la diction des chanteurs n’est pas le point fort de cette interprétation, à quelques exceptions près. La soprano Déborah Cachet est une Procris émouvante et pleine de fraîcheur, mais parfois un peu trop lisse. Le Céphale de Reinoud Van Mechelen est particulièrement expressif, et la tessiture du ténor aigu à la française lui convient fort bien. Le dialogue des malheureux amants dans la scène finale, entrecoupé de grands silences, est un beau moment dramatique _ oui. Cette fin tragique et cette conclusion de l’œuvre tout en pianissimi soulignent l’originalité de la compositrice qui ose ici ce que Lully n’avait jamais tentévoilà. Parmi les rôles principaux, citons la mezzo-soprano Ema Nikolovska dans le rôle explosif de L’Aurore, très engagée dans les scènes de jalousie. Le baryton Lisandro Abadie, au timbre chaleureux, campe un Borée très convaincant. Mais c’est dans les rôles secondaires, dont certains sont confiés à des solistes issus du chœur, que l’on trouve les prestations les plus remarquables. Citons en particulier le ténor Marc Mauillon, à la diction parfaite, dans son interprétation très incarnée de La Jalousie, et Gwendoline Blondeel, parfaite dans le personnage d’Iphis et celui de la Prêtresse.

L’orchestre A nocte temporis offre une belle palette de couleurs et de dynamiques variées ; les danses et les scènes de divertissement sont particulièrement réussies. L’excellent Chœur de chambre de Namur souligne la très belle écriture de la compositrice, comme dans le beau chœur des Suivants de la Volupté à l’acte III, accompagné par le concert des flûtes. Et à l’acte IV, c’est l’impressionnant Chœur des Démons qui se déchaîne dans une scène infernale qui est un des sommets de l’œuvre, et n’est pas sans rappeler les scènes de tempêtes de Lully ou Marais. Il est bien dommage que le mauvais accueil du public de l’époque n’ait pas permis au talent d’Élisabeth Jacquet de La Guerre de nous offrir d’autres tragédies lyriques de cette qualité.

 

Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729) : Céphale et Procris, tragédie lyrique en un prologue et cinq actes.

Avec Déborah Cachet, Lore Binon, Ema Nikolovska, Gwendoline Blondeel, Marc Mauillon, Lisandro Abadie, Samuel Namotte. Ensemble A nocte temporis. Reinoud Van Mechelen, direction musicale et haute-contre.

Enregistré à Namur en janvier 2023.

2 CD Versailles Spectacles.

Notice de présentation trilingue. Durée : 147:15

Une réalisation très intéressante, par conséquent, de cette œuvre de tendresse touchante…

En août, à la tête de son ensemble a nocte temporis, l’excellent Reinoud van Mechelen, à la plage 20 de son beau CD « Dumesny haute-contre de Lully« , le CD Alpha 554 _ cf mes articles «  » et « «  des 17 novembre 2019 et 10 janvier 2020 _, nous avait donné le très bel air d’ouverture de l’Acte III de « Céphale et Procris« , « Amour, que sous tes lois cruelles On souffre de maux rigoureux ! » :

écoutez-le ici (2′ 39)…

Ce jeudi 11 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La merveille Jelyotte (1713 – 1797) magnifiquement servie par Reinoud Van Mechelen : le joyau de musique que constitue le CD « Jéliote, haute-contre de Rameau » (CD Alpha 753)

18oct

Pour qui se réjouit de voir ces moments-ci la musique baroque française des siècles des rois Bourbon (Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI) enfin, certes depuis très peu, un peu mieux servie, et au concert, et au disque,

le CD « Jéliote, haute-contre de Rameau« , soit le CD Alpha 753, vient très heureusement constituer un merveilleux et rafraîchissant moment de musique,

très fort et très élevé…

Une formidable réussite !

Le chanteur ténor haute-contre oloronais Pierre Jelyotte (Lasseube, 13 avril 1713 – Estos, 12 octobre 1797), en effet,

représente la perfection _ admirable ! _ du chant français à l’époque de Rameau (Dijon, 25 septembre 1683 – Paris, 12 septembre 1764), et de ses contemporains,

sous le règne de Louis XV

_ cf au passage mon tout récent article, du 16 octobre dernier, à propos de l’histire de la voix de ténor :

Le CD comporte 7 airs _ magnifiques _ de Jean-Philippe Rameau,

extraits de

Hippolyte et Aricie (1733),

Dardanus (version de 1744),

Platée (1745),

Le Temple de la gloire (1745 aussi),

Castor et Pollux (1737)

et Les Boréades (une oeuvre splendide achevée en 1764, mais non représentée alors du fait du décès subit de Rameau ; l’œuvre sera créée à Aix-en-Provence seulement en 1982…) ;

mais aussi 9 autres airs

tirés d’œuvres de 9 compositeurs contemporains de Rameau :

_ de François Colin de Blamont (1690 – 1760) : Les Fêtes grecques et romaines (1723) ;

_ de François Rebel (1701 – 1775) et François Francœur (1698 – 1787) : Scanderberg (1735) ;

_ de Charles-Louis Mion (1698 – 1775) : Nitétis (1741) ;

_ de Jean-Marie Leclair (1697 – 1764) : Scylla et Glaucus (1746) ;

_ d’Antoine Dauvergne (1713 – 1797) : Les Amours de Tempé (1752) ;

_ de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711 – 1772) : Daphnis et Alcimadure (1754) ;

_ de Pierre-Montan Berton (1727 – 1780) : Érosine (1765) ;

_ de Jean-Benjamin de La Borde (1734 – 1794) : Ismène et Isménias (1763) ;

ainsi qu’un air de Zélisca, une comédie-ballet de Jelyotte lui-même, créée à Versailles le 17 mars 1746…

Le programme ici réuni est absolument splendide ;

et l’interprétation qu’en donne ici Reinoud Van Mechelen, avec l’ensemble A Nocte Temporis, proprement admirable…

C’est toute la foisonnante et rayonnante vie de l’opéra français sous Louis XV qui reprend vie, ici, pour nous…

Soit carrément un CD de 80′ pour l’île déserte…

J’en avais rêvé depuis longtemps, Reinoud Van Mechelen vient de le réaliser !

Et maintenant j’attends un second CD de Reinoud Van Mechelen, avec d’autres airs aussi superbes que Rameau et ses contemporains ont composés pour le merveilleux Jélyotte ;

il y a matière fort abondante pour cela… 

Ce lundi 18 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Interpréter les Descentes d’Orphée aux Enfers de Marc-Antoine Charpentier : une parfaite réussite de Vox Luminis et A Nocte Temporis

23jan

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704)

me tient tout spécialement à cœur,

ne serait-ce que par la découverte que je fis d’une partie des musiques crues perdues

de son petit opéra de 1678 Les amours d’Acis et Galatée,

sur un livret de Jean de La Fontaine (1621 – 1695)

_ cf mon livret au CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, de La Simphonie du Marais dirigée par Hugo Reyne

(CD EMI 7243 S  45229 2 5),

un programme de concert et de disque conçu à l’occasion du tricentenaire de la mort du poète en 1995,

et qui comporte pas mal de bien belle musique de Charpentier…

Cf aussi les précisions que j’en donne

en mon article  du 18 avril 2009…

Cf aussi la note de Catherine Cessac à propos de cette découverte

à la page 138 de son « Marc-Antoine Charpentier » en l’édition de 2004, chez Fayard…

Aussi m’est-il hors de question

de laisser passer le CD Orphée aux Enfers

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

de Lionel Meunier et Reinoud van Mechelen,

soit le CD Alpha 566 qui paraît présentement ;

et comporte Orphée descendant aux Enfers (H.471)

et La Descente d’Orphée aux Enfers (H.488)

_ ce dernier petit opéra nous étant hélas parvenu incomplet,

privé d’un possible Acte 3 des retrouvailles aux Enfers d’Orphée et Eurydice ;

dont on ignore même si un tel Acte 3 a été composé, puis perdu, ou bien si l’œuvre a été laissée en cet état inachevé par Charpentier lui-même :

le manuscrit ne comportant aucune indication qui permettrait de trancher quelle a été l’intention du compositeur…

Une excellente occasion de comparer quelques interprétations de ces œuvres,

présentes parmi les CDs de ma discothèque.

Je retrouve ainsi

le bouleversant CD Ricercar RIC 037011 intitulé Orphée descendant aux Enfers,

enregistré en 1987

par l’unique _ et hélas irremplacé _ Henri Ledroit (1946 – 1988),

un an à peine avant son décès prématuré.

Ainsi que le CD Erato 063011913-2 de La Descente d’Orphée aux Enfers,

enregistré en 1995 par Les Arts Florissants,

avec Paul Agnew en Orphée…

Autant la version (d’Orphée descendant aux Enfers) du Ricercar Consort est émouvante,

avec les tempi qui conviennent,

et bouleversent :

à fendre l’âme !

autant la version (de La Descente d’Orphée aux Enfers) des Arts Flo déçoit,

avec des tempi trop rapides, inadéquats au sujet…

_ que l’on compare ainsi, pour commencer, l’ouverture primesautière de l’œuvre par les Arts Flo en 1995

avec l’ouverture, infiniment plus juste, en gravité, par Vox Luminis aujourd’hui… 

Le présent CD

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

est, lui, une parfaite réussite !!!

qui rend parfaitement la tension inhumaine du drame des Enfers,

et toute la tendresse d’Orphée…


Bravo !!!

Les livrets de ces deux œuvres (de 1683 et 1686 ; toutes deux pour Mademoiselle de Guise) de Marc-Antoine Charpentier

n’indiquent pas le nom du librettiste ;

mais s’inspirent précisément, les deux, des Métamorphoses d’Ovide :

au livre X et aux vers 1 à 63,

avec le choix d’Ixion, Tantale et Tityos _ et non pas Orion, ni Sisyphe _

comme ombres infernales suppliciées à l’infini, sans terme à venir jamais,

avec lesquelles dialogue tendrement Orphée, en sa catabase.

 

À comparer avec la Nekuia du chant XI de l’Odyssée d’Homère ;

et les Catabases du chant VI de l’Éneïde de Virgile

et de l’Enfer de la Divine Comédie de Dante.

« Effroyables enfers« , ne sont-elles pas les premières paroles d’Orphée

dans l’Orphée descendant aux Enfers (de 1683) ?

et « Affreux tourments« , celles d’Ixion, Tantale et Titye

au début du second acte de La Descente d’Orphée aux Enfers (de 1686) ?..

Auxquelles répondent

et la « douce harmonie » qui « frappe l’oreille« 

de Tantale

dans l’œuvre de 1683 ;

et « la touchante voix » et « la douce harmonie » qui « suspend le rigoureux tourment« 

d’Ixion, Tantale et Titye

dans l’œuvre de 1686…

Car tel est bien l’extraordinaire efficace du chant d’Orphée

dont ces œuvres de Marc-Antoine Charpentier nous font, à leur tour, ressentir la magie

_ au moins pour un moment _

consolatrice…

Marc-Antoine Charpentier applique,

avec la merveilleuse tendresse qui caractérise son art,

ce qu’il a appris des Oratorios _ sacrés _ de Carissimi à Rome,

à l’esprit français des soirées intimes chez Mademoiselle de Guise.

Ce jeudi 23 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’art du chant français du règne de Louis XIV : Dumesny, haute-contre de Lully, par Reinoud van Mechelen et A Nocte Temporis

10jan

Dès le 17 novembre dernier,

j’avais consacré un petit article

au remarquable CD Alpha 554 Dumesny haute-contre de Lully

de Reinoud van Mechelen et A Nocte Temporis.

Ce vendredi 10 janvier,

sur son blog Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé consacre un intéressant article

intitulé La Voix de Lully

à ce CD.

Le voici :

LA VOIX DE LULLY

Bernard Clédière parti _ après le succès de Proserpine en 1680 ; il avait chanté dans Cadmus et Hermione, AlcesteThésée, Atys, Isis, Psyché, Bellérophon et Proserpine de 1673 à 1680 _, Dumesny devint le premier haute-contre de la fin du règne musical de Lully, créateur de Persée, Phaéton, Amadis, Roland, Armide, Acis et Galatée _ de 1682 à 1686. Sa haute stature, son port noble charmèrent le Florentin autant que sa voix subtile qui aimait à briller dans les emplois passionnés. Lully disparu _ le 22 mars 1687 _, Dumesny continua à fasciner les compositeurs de la génération suivante avant que l’embonpoint et le déclin de son instrument à la justesse de plus en plus incertaine l’éloigne de la scène où il lui fallait six bouteilles de champagne par soirée.


L’illustration de l’album ne manque pas de piquant, on y voit Reinoud Van Mechelen, casserole _ de cuivre _ en main, rappelant que notre haute-contre, jeune homme, fut cuisinier de l’Intendant Foucault à Montauban _ beaucoup des grands chanteurs du Baroque français étaient originaires du Midi. Admiratif, le public pince sans rire lui adressait en guise de compliment : « Ah ! Phaéton, est–il possible/ Que vous ayez fait du bouillon ? ».

L’occasion est belle pour Reinoud Van Mechelen de parcourir les plus beaux airs que chanta Dumesny, du Persée (1682) de Lully à Amadis de Grèce (1699) de Campra, y mettant une discrète prononciation d’époque qui ne parvient pas à déparer les élégies et les plaintes, les magiques chants de sommeil, comme les airs plus expansifs (« Ma vertu cède au coup » du Théagène et Cariclée de Desmarest).

Au rang des premières, une merveille, « Infortuné, que dois-je faire ? » de la Didon de Desmarest et plus encore « Amour, que sous tes lois » du Céphale et Procris d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, ouvrage qui finira bien par trouver les bonheurs du disque.

La voix souple, le timbre élégiaque du ténor _ oui _ se marient aux décors nostalgiques dont il cerne lui-même ses mots ; comme les couleurs de A Nocte Temporis lui font un écrin profond !


LE DISQUE DU JOUR


Dumesny, haute-contre
de Lully

Airs et scènes extraites d’œuvres de Jean-Baptiste Lully, Pascal Collasse, Henry Desmarest, Marin Marais, Louis de Lully, Marc-Antoine Charpentier, Elisabeth Jacquet de la Guerre, Charles-Hubert Gervais, André Cardinal Destouches, André Campra

Reinoud Van Mechelen, ténor
A Nocte Temporis, mezzo-soprano

Un album du label Alpha Classics 554

Photo à la une : le ténor Reinoud Van Mechelen – Photo : © Senne Van der Ven

Une très remarquable contribution

à une meilleure connaissance du chant lullyste français,

en plus du charme tendre de sa beauté.

Ce vendredi 10 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

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