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Benjamin Alard « dans la lumière de Bach », ou l’art tout à fait humble de la très simple et pure spontanéité : un passionnant entretien d’un merveilleux interprète ouvert, intelligent et honnête…

29jan

En quelque sorte en complément à mon article enthousiaste du 21 janvier dernier «  » à propos de la réalisation enchanteresse en concert à Madrid (et à l’enregistrement live qui en a été fait en CD _ le CD Marchvivo MV 007 _),

le site ResMusica vient de publier, le 25 janvier dernier, un passionnant entretien de Cécile Glaenzer avec Benjamin Alard, très simplement intitulé « Rencontre avec Benjamin Alard : dans la lumière de Bach« , à propos, surtout, de son extraordinairement belle entreprise discographique en cours d’interprétation _ magistrale et hyper-vivante !!! _ de tout l’œuvre pour claviers _ au pluriel : clavecins, orgues, clavicordes, etc.  _ de Johann-Sebastian Bach…

Voici donc ce très bel entretien _ avec quelques farcissures miennes, en vert _ :

Rencontre avec Benjamin Alard, dans la lumière de Bach

Depuis 2019, l’organiste et claveciniste Benjamin Alard s’est lancé dans ce qui représente un véritable Graal pour beaucoup de musiciens : l’enregistrement de l’intégrale de l’œuvre pour clavier _ au pluriel, donc ! _ de Johann Sebastian Bach. Sept volumes _ chacun de plusieurs CDs ! _ d’une collection qui devrait en comprendre dix-sept sont déjà parus. La grande originalité de cette entreprise est qu’elle fait alterner les trois instruments à clavier pour lesquels Bach a écrit : l’orgue, le clavecin et le clavicorde.

ResMusica : Comment se construit un tel projet? Aviez-vous une idée de l’ensemble au départ, ou empruntez-vous des chemins de traverse ?

Benjamin Alard : Il y a d’abord eu un projet en 2010 avec le label Alpha, _ et Jean-Paul Combet _ qui a commencé avec l’enregistrement de la Clavier-Übung I et II, et qui devait être _ voilà ! _ une intégrale des œuvres pour clavier de Bach éditées à son époque. Mais ce projet n’est pas allé au-delà de ces deux premiers volumes. Après une période d’interruption, je me suis alors tourné vers un programme qui suivrait une trame chronologique autour des dates-clefs de la vie de Bach. Ce projet a peu à peu évolué, passant de quatorze volumes prévus à dix-sept volumes de trois ou quatre CD _ chacun, voilà. Ce qui a guidé mes choix, c’est à la fois la chronologie de la vie de Bach et les références _ aussi _ aux compositeurs antérieurs qui ont pu l’influencer. Il me semblait important de me laisser guider par les évènements marquants de sa biographie : perte des êtres chers, rencontres, naissances, éducation de son fils aîné … C’est ainsi que dans les premiers volumes, on entend des musiques de Buxtehude, Pachelbel, Grigny, Frescobaldi et beaucoup d’autres, pour comprendre ce qui fait le lit musical de ses jeunes années _ et c’est assurément important. Et plus il avance dans sa vie, plus il va développer un style qui lui est propre.

« Cela prend du temps de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses »

RM : La question du choix des instruments est particulièrement passionnante _ évidemment _ pour ce répertoire. Les chemins de traverse, cela peut être la rencontre avec un instrument auquel vous n’aviez pas pensé a priori. 

BA : Oui, c’est très juste. Par exemple, je n’avais pas imaginé enregistrer le clavierorganum (instrument qui réunit un orgue et un clavecin sur le même clavier). C’est une rencontre avec cet instrument si particulier à l’occasion d’un concert à la Cité de la Musique qui m’a fait découvrir la richesse de ce mélange de timbres pour la polyphonie, puisqu’on peut à la fois tenir les sons (orgue) et les rendre très clairs (clavecin). On ne sait pas si Bach a joué ce type d’instrument, mais ça m’est apparu très intéressant. Bien sûr, c’est un risque d’emprunter des chemins aussi inhabituels, mais c’est aussi ce qui fait la force d’une rencontre avec un instrument _ oui ! Et j’ai la chance que le label Harmonia Mundi me suive dans ces expérimentations. Il y a eu aussi le clavecin à pédalier et, dans le prochain volume, le clavicorde à pédalier, une autre véritable rencontre. Je voulais surtout éviter de faire une intégrale « encyclopédique » ; ce qui m’importe est d’apporter une écoute différente, et aussi de contextualiser les œuvres _ voilà. Il faut se rappeler qu’à l’époque de Bach, l’orgue n’était pas utilisé aussi souvent, il fallait la présence d’un souffleur, c’était un luxe exceptionnel. Donc, la fréquentation des instruments domestiques _ oui ! _ comme le clavecin ou le clavicorde munis de pédalier était primordiale. Rappelons nous aussi que ces œuvres n’étaient pas faites pour être entendues en concert _ oui. Le concert, c’est comme la fréquentation d’un musée, les œuvres y sont décontextualisées.

RM : Avez-vous une totale liberté dans le choix des instruments?

BA : Oui, je me sens très libre dans cette aventure. Le dialogue avec la maison de disques est très important pour la question des instruments. Harmonia Mundi me fait confiance _ c’est bien. Par exemple, pour l’enregistrement du Clavier bien tempéré, la rencontre avec l’extraordinaire clavecin Haas, qui est un peu comme un véritable orchestre, avec des possibilités de registrations si nombreuses, cela permet une nouvelle approche des Préludes et Fugues. Je dois beaucoup à la rencontre avec les instruments, les facteurs et aussi les lieux _ oui. C’est un gros risque, parce que parfois je n’avais pas prévu d’enregistrer une pièce de cette façon, et il me faut changer des choses en fonction de l’instrument.

RM : Vous aviez déjà enregistré plusieurs disques consacrés à JS Bach il y a plus de dix ans, en particulier les sonates en trio et la Clavier-Übung dont on a parlé. Avez-vous évolué dans votre approche ?

BA : Oui, bien sûr. En ce qui concerne les sonates en trio que j’avais enregistrées à l’orgue, je les ai jouées ici sur le clavecin à pédalier ou le clavicorde à pédalier, ça donne forcément autre chose. En ce qui concerne les registrations à l’orgue, on ne sait pas vraiment comment on registrait à l’époque _ voilà. Tout est basé sur le « bon goût » et le choix de l’interprète. Pour les Partitas et le Concerto italien, j’avais enregistré un clavecin d’Anthony Sidey dont je n’avais pas utilisé toutes les possibilités à l’époque, en particulier un jeu de nasal dont je n’avais pas osé me servir. Cela prend du temps _ certes ! _ de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses _ et pareille simplicité de franchise fait très plaisir à constater... Je pense qu’avec ce projet j’avance dans les découvertes, je mûris _ bien sûr ! Et c’est très bien !


RM : On vous imagine volontiers comme un musicien nomade, allant à la découverte d’instruments rares. Comment cette familiarité avec Bach oriente-t-elle le choix de vos programmes de concerts?

BA : Souvent, on me demande de ne faire que ça. J’essaie toujours d’associer Bach à autre chose _ bravo ! _, de susciter des rapprochements. Bach fascine, mais il peut être complexe à écouter pour le public, et il peut être intéressant de faire entendre autre chose avant pour aider l’écoute _ oui _ et permettre de contextualiser _ voilà, voilà ! _ les œuvres de Bach et les rendre plus faciles à entendre. A ce propos, je voudrais évoquer la question de l’enregistrement. Aujourd’hui, beaucoup de concerts sont enregistrés, soit pour être archivés, soit pour se retrouver en ligne. C’est parfois difficile d’accepter ça. Il y a deux ans _ le 1er février 2020, à Madrid _, j’ai joué en concert un programme consacré à la famille Couperin, concert enregistré ; on m’a demandé par la suite d’éditer un disque avec cet enregistrement et, après l’avoir réécouté, j’ai accepté _ merci ! et l’enregistrement est mafnifique _ et ce disque va sortir prochainement _ il est sorti ; cf mon article du 21 janvier, cité plus haut. Le rapport à l’enregistrement a énormément changé aujourd’hui où tout le monde peut s’enregistrer facilement. Qu’on soit d’accord ou non, il y a un changement qui est maintenant bien établi. Ce projet m’a permis de complètement changer mon rapport à l’enregistrement.

« Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie, ça laisse une plus grande sincérité musicale »

RM : De quelle façon?

BA : Avant, à l’époque de mes premiers disques, il y avait le directeur artistique qui avait une empreinte forte sur l’enregistrement. Pour un disque, on disposait en gros d’une semaine d’enregistrement, c’était très confortable, il suffisait de faire confiance au directeur artistique. Peu à peu, pour des raisons principalement économiques _ de plus en plus pesantes et pressantes _, le directeur artistique et l’ingénieur du son sont devenus une seule et même personne, et la démarche est devenue plus analytique : on faisait une première prise, on écoutait, on discutait, on recommençait, on détaillait beaucoup. Aujourd’hui, lorsque je réentends mes disques d’il y a dix ans, comme la Clavier-Übung, je leur trouve ce côté analytique, moins spontané. J’ai laissé reposer tout ça, je n’ai plus enregistré que des disques en live _ voilà. Et quand il a été question de reprendre le projet d’intégrale, les conditions avaient beaucoup changé, je me suis retrouvé avec une semaine d’enregistrement pour trois ou quatre disques ! On a dû travailler vite, et j’ai expérimenté de nouvelles méthodes, comme d’enregistrer avec un casque sur les oreilles, ce qui m’a permis de me diviser en deux, d’avoir une oreille extérieure en même temps que le musicien s’exprime. On gagne beaucoup de temps. Cette manière de m’approprier ainsi le travail d’enregistrement _ voilà _, en parfait accord avec Alban Moraud (le preneur de son), permet de bien avancer. Cela demande un travail préparatoire colossal, mais on enregistre six disques en deux semaines _ mazette ! Et le résultat qui en ressort est plus vivant, plus spontané _ c’est très bien ! _, moins aseptisé. On corrige moins de détails, et l’ensemble gagne en patine. Plus on corrige, plus on risque de déstabiliser l’ensemble. Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie _ exactement ! _, ça laisse une plus grande sincérité musicale _ oui. C’est comme une photographie argentique où un petit défaut donne une âme à la photo alors que le numérique, avec sa définition trop parfaite, risque d’enlaidir parce qu’on découvre ce que l’œil ne voit pas _ excellente comparaison.

RM : Le dernier volume paru remet les chorals de l’Orgelbüchlein en situation : des préludes de choral qui introduisent la version chantée des textes luthériens. Comment avez-vous conçu ce programme original ?

BA: Ce travail a été initié avec Marine Fribourg il y a quelques années à Arques-la-Bataille, avec les chorals du Catéchisme. Pour l’Orgelbüchlein, il s’agit pour le compositeur de montrer ce qu’on peut faire à partir d’un choral, mais ça reste des préludes de chorals _ voilà _ destinés _ tout simplement, et très fonctionnellement… _ à introduire le chant d’assemblée. Il me paraissait donc important de connecter _ mais oui ! _ ces chorals avec la version chantée. Le chant du choral est au cœur _ mais oui _ de la foi luthérienne. J’ai choisi d’improviser l’accompagnement pour garder la spontanéité _ excellent ! _, et d’enchaîner le prélude et sa version chantée, comme au culte _ voilà. Après une première session avec l’ensemble Bergamasque, je me suis dit qu’il était indispensable de faire aussi appel à des voix d’enfants, comme c’était le cas à l’époque, et nous avons fait ce travail avec les enfants de la maîtrise de Notre-Dame. C’est très intéressant, parce que c’est l’orgue _ voilà _ qui donne l’impulsion _ c’est-à-dire l’élan de l’enthousiasme. Il y a eu un beau travail d’Alban Moraud pour reconstituer le son d’une assemblée, et c’est très réussi.

RM : Vous êtes pratiquement à la moitié du projet. Comment imaginez-vous la suite ?

BA : Avec le même appétit musical  _bravo ! _ que depuis le début ! Et en me laissant surprendre _ mais oui : accueillir ce qui vient et survient. Par exemple, je ne m’attendais pas à ce que le clavicorde apparaisse aussi tôt dans le déroulement de l’intégrale, c’est un peu la faute des mois de confinement _ forçant à la pratique la plus intime de la musique… Pour la suite, il y aura peut-être _ qui sait ? _ des instruments inattendus, utilisés de manière inattendue. Dans les prochains volumes, il y aura un chanteur pour une cantate en italien. Et puis la première version _ Wow ! _  du cinquième concerto brandebourgeois. J’espère pouvoir associer au projet des œuvres de musique de chambre _ mais oui _ et de petites cantates _ comme cela se pratiquait quasi au quotidien dans le cercle familial des Bach... _, pour montrer l’influence _ qui en résultait _ sur la musique de clavier. Avant tout, c’est l’écoute qui me guide. Je ne veux pas tout décider à l’avance _ bravissimo !!!

Crédit photographique : © Bernard Martinez

 

Un superbe entretien

avec un musicien magnifique, merveilleux, parfaitement honnête, ainsi que très intelligent…

Déjà accompli. Et c’est loin d’être fini…

Immense merci !

Ce dimanche 29 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le violon plus-que-parfait de Frank-Peter Zimmermann : à explorer en toute sa palette avec délectation…

29jan

En mon article du mercredi 25 janvier dernier, « « ,

je disais tout le bien que je pensais de l’admirable jeu musical de Frank-Peter Zimmermann.

Ce qui m’a incité à faire emplette

à la fois de son CD Martinu/Bartok Bis 2457 SACD des 2 Concertos pour violon de Bohuslav Martinu (avec le Bamberger Symphoniker sous la direction du chef tchèque Jakub Hrusa) et de la Sonate pour violon seul de Bela Bartok _ un CD qui, alors que je m’intéresse particulièrement aussi à tout l’œuvre de Bohuslav Martinu, avait échappé à mon attention à sa sortie, en 2020 : un CD transcendant ! ; cf l’excellent compte-rendu très détaillé (et avec extraits musicaux !) qu’en donne le 27 décembre 2020 Colin Clarke sur le site classicalexplorer.com _ ;

mais aussi de son récent coffret de 30 CDs de ses « Complete Warner Recordings » Warner 0190296317880 _ d’enregistrements pour EMI entre 1984 et 1997 (plus un CD Ligeti pour Teldec, enregistré en 2001) : né à Duisburg le 27 février 1965, Frank-Peter Zimmermann avait tout juste 19 ans en 1964, et 32 ans en 1997. Le mois de février prochain, il aura donc 58 ans accomplis…

Cf le très bel et très juste article « Zimmermann, la jeunesse«  que Jean-Charles Hoffelé a consacré à ce si riche coffret, le 18 septembre dernier, 2022…

En me convainquant ainsi,

avec l’appui de la plus éclatante évidence de la réussite absolue _ oui ! _ de tous ses CDs réalisés pour l’excellent label suédois Bis _  ainsi en ai-je ré-écoutés la plupart, et en particulier aussi  ceux avec Antoine Tamestit et Christian Poltéra, eux aussi musiciens magnifiques !.. _ ;

de l’extraordinaire précocité d’émergence de son lumineux talent, du temps, déjà, de ses enregistrements pour EMI _ entre les 19 et 32 ans de sa prime jeunesse… _, en ce généreux splendide coffret de 30 CDs que vient de proposer, cet automne 2022, le label Warner :

par exemple, en la réussite éclaboussante de ses quatre CDs de Sonates pour violon et piano de Mozart, avec le magnifique Alexandre Lonquich _ enregistrés aux mois de mai 1987 et mai 88, pour les deux premiers (les CDs 7 et 8), et juillet 1989 et juin 1990 pour les deux autres (les CDs 14 et 15) ; et toujours avec la naturelle complicité éminemment musicale d’Alexander Lonquich, mais, en un bien différent registre musical de leurs talents, le CD 11 de ce copieux coffret Warner comporte les deux superbes Sonates pour violon et piano de Sergei Prokofiev, enregistrées en novembre et décembre 1987…

Quel talent déjà si jeune muri et accompli !

Et quel parcours d’excellence si musicalement épanoui pour atteindre l’absolu des transcendantes merveilles d’interprétation d’aujourd’hui _ pour le label Bis tout spécialement…

C’est donc avec pas mal d’impatience que j’attends le Volume II _ est-il ou pas déjà enregistré ? _ de ses Sonates & Partitas pour violon seul (BWV 1001, 1002 et 1005) de Bach, ce chef d’œuvre lui aussi absolu, que Frank-Peter Zimmermann a atteint d’avoir un tel âge pour oser enfin y confronter son propre accomplissement de très humble _ mais très exigeant à l’égard de soi-même aussi _ interprète, comme sont les vrais grands …

Ce samedi 28 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’indispensable « écrire pour respirer » d’Edith Bruck, en 1959 et en 2021 : la constance de l’irrépressible urgence de parler et écrire, quand « le papier écoute tout »…

11fév

En poursuivant toujours mon regard sur la comparaison-confrontation des deux très prenants et superbes manifestes autobiographiques d’Edith Bruck, « Qui t’aime ainsi » (en 1958-59) et « Le Pain perdu » en 2020-21), à soixante ans de distance _ et l’assez stupéfiante mémoire de détails d’une mémoire plus vive que jamais _,

j’en viens ce jour à porter mon regard sur ce qu’Edith Bruck disait, en 1959, et a dit, en 2021, plus spécifiquement de l’outil, pour elle, de l’écriture,

afin de parler, se faire écouter et entendre, se faire un peu comprendre ; et aider à nous entendre vraiment…

En 1959, ce n’est pas tout à fait directement que la narratrice aborde vraiment cette question de l’écriture même,

dans la mesure où ce n’était que très récemment, et à Rome, qu’elle s’était mise vraiment à écrire de manière suivie, jusqu’à en venir à publier très effectivement _ probablement soutenue en cette démarche, par l’écrivain-poète-cinéaste, Nelo Risi, rencontré le 9 décembre 1957, au restaurant Otello, 81 via delle Croce, à Rome : Nelo, le grand amour vrai de sa vie _, chez l’éditeur Lerici, le livre, ce « Chi ti ama cosi« , qu’elle venait alors d’achever… 

C’est plutôt du refus d’écouter et d’entendre vraiment ce qu’elle-même, Edith, et sa sœur Adel avaient à dire de leur parcours, en 199-44, dans les lager, et de leur difficulté à se faire écouter et vraiment comprendre des autres, que ce récit-ci, de 1959, témoigne _ comme a pu en témoigner aussi le percutant et sublime, lui aussi, « Être sans destin » d’Imre Kertész, un autre Juif hongrois revenant de cet Enfer, à Budapest…

Elle écrit donc, et avec une très grande détermination, le récit, qui la travaillait tant dès son retour en Hongrie, à partir de l’automne 1945 ;

elle mais n’avait pas, alors, à réfléchir, aussi, en même temps, sur ce que représentait pour elle cette tâche et cette urgence de confier au papier _ qui l’écoutait fidèlement, lui _ ce que sa mémoire ansi que le poids du présent qu’elle avait à suppporter désormais, en particulier dans ses rapports assez difficiles avec les autres, y compris ses soeurs et son frère survivants…

Ce ne sera que plus tard, au fil de ses écritures suivantes, et des livres qu’elle publiera, que s’insèrera, à l’occasion, dans sa méditation, quelques réflexions, ou souvenirs de paroles prononcées, concernant cette tâche d’écrire…

Dans le récit de 2020-2021, en revanche, et à plusieurs reprises, interviennent diverses réflexions (à soi) et diverses paroles prononcées (en réplique aux positions ou déclarations d’interlocuteurs) quelques significatives expressions sur ce que représente pour elle, Edith Bruck, l’acte même d’écrire, de se confier à l’écoute fidèle et accueillante, du papier…

Ainsi donc, voici celles que j’ai recensées, dans « Le Pain perdu » :

_ face à sa sœur Magda _ alias ici Mirjam _, à Budapest, et lors des retrouvailles initiales d’Edith et Adel _ alias ici  Judit _, à l’automne 1945, ceci, à la page 86 :

« Nous écoutionss notre sœur Mirjam avec l’envie irrépressible de parler ou de nous enfuir. Mais où ? Nous nous sentions un poids, y compris pour nous-mêmes. Nous nous sommes demandées si c’était la vie qui l’avait endurcie« …  ;

_ et encore ceci, au même moment et dans le même lieu, à la page 88 :

« Durant le bref séjour chez Mirjam, (…) nous n’étions même pas libres de parler, car elle nous bloquait (…), elle nous faisait taire« …

La même situation se reproduira pour les deux sœurs lors de la visite à leur autre sœur Lili _ alias ici Sara _ à Miskolc_ dans « Qui t’aime ainsi », il s’agissait de la ville de Debrecen _, face à Lili et Ôdön _ alias ici David _, ceci, à la page 90 :

« Notre envie de parler fermentait en nous« …

Ensuite, et juste après le constat éploré de leur ancienne maison de Tiszabercel complètement dévastée, souillée d’excréments et d’inscriptions antisémites, et à la suite de la décision d’Adel « d’aller à Budapest dans un groupe sioniste, dans l’espoir de rejoindre la Palestine« ,

cette longue conversation-ci, pages 93 à 96, au cours de laquelle les deux sœurs qui ne s’étaient pas quittées depuis Auschwitz, vont dissocier leurs destins respectifs :

« _ Viens avec moi, insistait longuement Adel _ alias ici Judit _ pour me convaincre. Ici, il n’y a pas de place pour nous. Que veux-tu faire ?

_ Écrire.

_ Écrire quoi ? Qu’est-ce que tu te mets en tête ? A qui écris-tu ?

_ À moi.

(…)

_ J’ai commencé à écrire.

(…)

_ Je ne me sens bien nulle part, mais je n’obéis plus à personne.

(…)

_ J’ai accouché de moi-même en un an de douleurs. Ne nous disputons pas.

(…)

_ Je ne supporte pas la foule, j’ai besoin de voir toujours une porte de secours.

(…)

_ J’ai besoin d’écrire maintenant.

(…)

_ Par nécessité, pour respirer.

(…)

_ Nos vrais frères et sœurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, que nos souffrances équivalent aux leurs. Ils ne veulent pas nous écouter : c’est pour ça que je parlerai au papier.

(…)

_ Le papier écoute tout.

(…) En la voyant s’en aller, je me sentais comme au milieu du désert sans la voix de l’Éternel.« 

Puis, retrouvant Adel _ alias ici Judit _ en Israël, dans une banlieue de Haïfa, en septembre 1948, reprend la conversation entre Adel et Edith, page 109 :

« _ Mon mari _ Amos (mais est-ce là son vrai prénom ?) Taub : ils se sont mariés à Chypre… _, faute de mieux, est agent de police. Il n’est pas heureux, il voulait devenir peintre, comme toi écrivain. Tu écris toujours ?

_ Encore plus qu’avant. Les mots à dire _ voilà ! _ ne cessent d’augmenter. Si c’étaient des enfants conçus, j’accoucherais d’autant que de disparus« .

Puis, aux pages 119-120, quand Dany Roth _alias ici Braun Gabi _, le second mari d’Edith, découvrit qu’elle écrivait, et, furieux, s’empara du cahier qu’elle tenait dans ses mains :

«  _ Je vais le déchirer ! Et il joignit le geste à la parole.

_ Tu peux en faire ce que tu voudras. Déchire-le, brûle-le, de toute façon je le recommencerai. Il est indestructible : il est écrit à l’intérieur de moi et personne ne pourra l’effacer« …

Et la question de l’écriture se pose bien davantage à Edith Bruck lors de son installation à Rome, où elle va trouver dans l’écriture suivie et menée à bien de son autobiographie une source d’accomplissement.

J’en relève les significatifs passages suivants,

aux pages 146-147 :

« J’étouffais si je ne parlais pas à quelqu’un, si je ne faisais pas quelque chose.

(…) Je repris enfin mon petit cahier, que j’avais abandonné, et j’ai commencé à écrire en italien : « Sono nata in un piccolo villagio ungherese » » _ soit la phrase qui ouvre « Chi t’ama cosi« , en 1958-59…

(…) Et se retrouvant, seule, « dans une chambre meublée à deux pas de la piazza di Spagna, pour un loyer de seize mille lires par mois plus deux cent lires par douche. () La patronne, madame Ida, me scrutait comme si je venais d’une autre planète. (…) Le soir, toute seule, sous l’ampoule du plafonnier, à la lumière avare, j’écrivais jusqu’à ce que m’interrompe madame Ida, de retour du bar _ dans lequel, avec son mari et sa fille, elle allait regardait la télévision _, qui me grondait, me disant de manger, dîner avec eux, ou de sortir et d’aller chez Otello, via della Croce, que fréquentaient des gens du cinéma.

_ Vous êtes une jolie demoiselle, sortez, montrez-vous en public, on vous fera peut-être faire des films. Que faites-vous à rester enfermée à écrire, à vous aveugler ?

Au bout de quelque temps, j’ai fini par l’écouter et je les ai accompagnés pour manger de la soupe aux haricots secs et au chou, ou j’allais chez Otello où les tables étaient réunies de part et d’autre de la salle et où on n’était pas seul.« 

Et c’est chez Otello, qu’un jour de décembre 1957, le 9 précisément, « un inconnu _ qui était poète et cinéaste _ m’interrogea aussitôt sur le livre que j’étais en train d’écrire. (…) Un homme qui est entré aussitôt dans mon âme » :

c’était Nelo Risi, l’amour vrai de sa vie…

Ce vendredi 11 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour honorer comme il le mérite, superlativement, l’art du chant de l’admirable ténor (Don Ottavio) du Don Giovanni de Salzbourg 2021, Michael Spyres

18août

Afin de rendre l’hommage qu’il mérite à l’admirable Dn Ottavio du si splendide Don Giovanni de Romeo Castellucci et Teodor Currentzis au Festival de Salzbourg 2021 _ cf cette merveilleuse vidéo ! _,

je désire simplement rappeler ici mon précédent article, déjà très admiratif, en date du 19 décembre 2019 :

que re-voici :

L’admirable engagement du ténor Michael Spyres : deux passionnants entretiens sur l’humanité splendide de son parcours pas seulement musical

— Ecrit le jeudi 19 décembre 2019 dans la rubriqueHistoire, Musiques, Rencontres”. Modifier cette entrée

En écoutant le très beau récital Espoir _ soit le CD Opera Rara ORR251 _

du ténor américain Michael Spyres

_ né en 1980 à Mansfield (Missouri) _,

admirable tout spécialement tant dans le répertoire rossinien que dans Berlioz

ainsi que l’opéra français,

je découvre un  très bel _ et très attachant : quelle humanité splendide éclaire et fait rayonner cet artiste !!!entretien, en 2018, de celui-ci

avec Emmanuelle Giuliani.

Le voici _ avec mes farcissures.

Entretien avec Michael Spyres

 

 

 

 

 

Afin de préparer un portrait, à paraître dans La Croix (publié ce vendredi 5 octobre, veille de la représentation, samedi 6, de Fidelio au Théâtre des Champs-Élysées où le ténor américain incarne Florestan), j’ai eu la chance _ oui ! _ de recueillir cet entretien avec Michael Spyres.

Il est long mais si éclairant sur la personnalité et l’engagement de ce formidable artiste que je vous le propose dans son intégralité. Non sans remercier chaleureusement ma collègue Célestine Albert qui en a assuré la traduction, bien mieux que je ne l’aurais fait.

Bonne lecture et à très bientôt !


 Vous interprétez prochainement à Paris le rôle de Florestan dans Fidelio de Beethoven. Comment abordez-ce personnage ? Comment le décrire musicalement et psychologiquement ? Quelle sont les difficultés du rôle.

Michael Spyres : Je pense que la meilleure façon d’aborder le personnage de Florestan est de le faire à travers le prisme des Lumières _ en effet. Il faut comprendre _ bien sûr ! _ la densité et la profondeur des personnages typiques de cette période. L’allégorie de la grotte de Platon est très présente dans le livret et l’on doit voir Florestan comme l’incarnation de l’injustice ou, en des termes qui correspondent davantage à la philosophie jungienne, de l’animal piégé dans une forme humaine.

Le personnage de Florestan représente la condition humaine et la lutte intérieure qu’un homme éprouve dans sa quête d’espoir et de liberté _ une thématique qui résonne puissamment dans la personnalité même de Michael Spyres, et son parcours existentiel, au-delà de son parcours professionnel. Beethoven, comme Mozart avant lui, était bien conscient de ces mythes ancrés dans la tradition maçonnique (il n’y a certes toujours pas de preuve irréfutable que Beethoven ait été lui-même Franc-maçon, mais il avait de nombreux amis qui l’étaient). En fait, le parcours et la dualité de Florestan et Leonore sont à mettre en parallèle avec ceux de Pamina et Tamino, dans la Flûte enchantée. L’objectif est de réaliser que nous devons œuvrer ensemble à trouver une harmonie intérieure, au sein du monde physique. Nous devons tous aspirer à être justes et courageux _ un idéal en perte de vitesse à l’heure du narcissisme égocentré d’un utilitarisme de très courte vue… _, afin de donner un sens à ce monde. Tous les personnages et thèmes évoqués mettent en perspective les désirs du public de l’époque de se libérer de gouvernements tyranniques _ oui.

Face à l’étendue de ces sujets, je dirais que la plus grande difficulté dans l’interprétation du rôle de Florestan est de rester dans la technique et de ne pas se laisser emporter par l’émotion en chantant…

 Votre répertoire est extrêmement vaste. Est-ce important pour vous de chanter des œuvres si variées, de Mozart à Gounod en passant par Berlioz ? Comment abordez-vous un nouveau personnage ? Y en a-t-il que vous savez que vous allez abandonner avec l’évolution de votre voix ? Est-ce difficile ?

..;

Michael Spyres : C’est amusant que vous me demandiez cela, car j’ai fait énormément de recherche sur les répertoires des chanteurs passés _ et pas seulement des compositeurs : voilà qui est passionnant. Florestan sera mon 77e rôle dans, au total, 70 opéras différents. Placido Domingo est le seul ténor contemporain ayant interprété plus de rôles que moi, et j’ai bon espoir de rattraper son total de 150 rôles ! Je ne dis pas cela pour me vanter, mais plutôt pour que les gens prennent conscience qu’il n’est pas si rare qu’un chanteur ait une carrière aussi variée _ un point notable _ que la mienne, même au XXe siècle _ voilà qui élargit considérablement les focales… Si l’on s’intéresse _ culturellement _ aux grands ténors du passé, tels que Jean de Reszke, Mario Tiberini, Manuel Garcia, Giovanni David ou, le plus grand d’entre tous, son père Giacomo David, on constate à quel point les répertoires de ces chanteurs légendaires étaient vastes. Leur carrière _ et ce qui en découle pour l’interprétation _ est devenue pour moi une réelle obsession. Si eux l’avaient fait, j’en étais capable aussi _ voici le défi que se donne Michael Spyres pour ses propres interprétations…

Au fil de mon parcours, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel, que peu de gens ont la chance d’intégrer : la voix et la technique ont besoin de ces variations _ de répertoire _ pour rester performantes, ne pas devenir rigides _ voilà. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile _ physiquement, pour la voix, en son évolution _ de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français.

Au Met à la fin des années 1800, De Reszke chantait Roméo, Tristan et Almaviva dans la même semaine, ce qui nous semble insensé aujourd’hui. Très peu de personnes sont prêtes à sortir de leur zone de confort, mais c’est pourtant précisément ce qui m’a permis d’acquérir l’expérience _ voilà _ et la technique _ aussi _ qui en découle _ tout se tient… _, pour survivre dans cette folle profession !

De plus en plus, vous devenez un grand interprète de l’opéra français. Est-ce un répertoire que vous aimez particulièrement ? Pourquoi ? Et comment avez-vous travaillé votre diction pour parvenir à ce point de perfection ? 

Michael Spyres : J’aime le répertoire français dans toute sa splendeur _ c’est dit. La musique et les sujets abordés _ qui importent donc à Michael Spyres _ sont d’un génie inégalé. Les idéaux fondamentaux de la Renaissance et de la Révolution sont au cœur même du Grand Opéra français _ voilà _ et il n’y a pas de forme d’art plus élevée qu’une pièce comme Les Troyens de Berlioz _ en effet !

J’ai grandi en pensant que j’aimais l’opéra italien, puisque c’est l’une des seules formes d’opéra populaire aux Etats-Unis. Mais dès que j’ai commencé à étudier l’opéra sérieusement, le style français a pris possession de mon cœur et mon âme _ voilà une affinité essentielle qu’a ainsi découverte Michael Spyres. Si les grandes questions de la vie vous importent _ voilà _ et que vous lui cherchez un sens _ au-delà des utilités fonctionnelles de circonstance… _, comment ne pas être en admiration face aux accomplissements de la France _ et du génie français, voilà _, depuis l’époque Baroque _ dès le début du XVIIe siècle et le gallicanisme des rois Bourbon _ et jusqu’au XXe siècle ? La France était le centre névralgique de tous les idéaux occidentaux _ oui _ et il n’est pas étonnant que Rossini, Donizetti, Meyerbeer et Verdi soient tous allés chercher leur liberté artistique _ voilà le concept _ en France.

Quant à mes capacités linguistiques en Français, je suis totalement autodidacte. J’ai toujours été assez entêté, mais je crois aussi que, comparé à d’autres, j’ai un don pour imiter les sons _ les phonèmes _ parfaitement, parce que je suis obsédé par la conception même des sons. Pour tout vous avouer, mon objectif dans la vie était de devenir doubleur de dessins animés, et c’est d’ailleurs ainsi que je me suis mis au chant. Honnêtement, le français est la langue que j’ai eu le plus de mal à maîtriser à cause de  son incroyable manque de logique en termes de voyelles ! Ce n’est pas du tout une critique, mais tout comme avec l’anglais, il est très difficile pour une personne dont le français n’est pas la langue maternelle d’en maîtriser toutes les exceptions…

Quelle est votre relation avec votre voix ? Est-ce toujours une amie, devez-vous parfois lutter avec elle? Devez-vous penser à la ménager ou au contraire à repousser ses limites ?

Michael Spyres : Je peux sincèrement dire que ma vie est le chant. J’ai commencé à chanter avant même de savoir parler. Je viens d’une famille qui vit en musique, dans laquelle chaque personne sait chanter et a toujours chanté. Ma mère _ Terry Spyres _ et mon père _ Eric Spyres _ étaient tous deux professeurs de chant _ voilà _ et nous chantions en famille à chaque mariage, enterrement, ou événement de notre enfance. Ma sœur _ Erica Spyres _ est aujourd’hui à Broadway, et mon frère _ Sean Spyres _ et moi tenons la compagnie d’opéra _ the Springfield Regional Opera _ de notre ville natale _ Springfield, Missouri, est en effet la grande ville proche de sa petite ville natale, Mansfield, Missouri. Ma femme _ Tara Stafford-Spyres _ est également chanteuse et, en avril dernier, nous avons produit ma version et traduction de Die Zauberflöte. Ma femme chantait la Reine de la nuit, ma mère _ Terry _ s’est chargée des costumes, mon père _ Eric _ a fabriqué le décor et mon frère _ Sean _ interprétait Tamino en plus d’être assistant metteur en scène. Comme vous pouvez le constater, je ne suis jamais seul dans mon voyage musical et je peux toujours compter sur ma famille lorsque j’ai besoin d’aide.

Je crois qu’il est nécessaire de repousser ses limites en tant que chanteur pour comprendre _ voilà _ son instrument. J’ai le sentiment que très peu de personnes explorent réellement leur voix _ l’authentique curiosité est bien rare ! _ et, du coup, très peu savent la maîtriser. J’ai eu la chance d’avoir assez tôt deux professeurs de musique en l’espace de trois ans. Ils m’ont appris les bases d’une bonne technique lyrique, mais j’ai abandonné les études à 21 ans pour prendre une direction radicale. J’ai constaté que la seule façon pour moi de prendre le contrôle de ma vie et de réussir dans le monde de l’opéra était d’apprendre de mon côté _ de manière autonome _ à contrôler cet instrument qui est en moi. Le chemin pour devenir ténor a été long et plein d’épreuves mais, finalement, le chant doit être un accord organique entre vous et votre voix, sans influence extérieure _ « Vademecum, vadetecum« , telle est la juste devise des éducateurs libérateurs… Les professeurs et livres de technique ont un rôle inestimable mais, si vous n’avez pas une confiance absolue dans vos propres axiomes et votre structure, vous êtes voué à l’échec _ oui. L’apprentissage cultivé (à bonne école) de son autonomie est en effet fondamental.

Il y a peu de ténors, c’est une voix qui fascine le public, et on imagine que vous subissez une grande pression de la part du monde musical. Comment y résistez-vous ? Comment refusez-vous les propositions qui ne vous conviennent pas ou ne vous plaisent pas ?

Michael Spyres : Pour être tout à fait honnête, je n’arrive pas vraiment à dire non, et c’est quelque chose que j’essaye d’apprendre avec l’âge _ oui, cela aussi s’apprend, et toujours à son corps défendant ; en apprenant, peu à peu, à toujours un peu mieux résister. L’an dernier _ en 2017, donc _, je suis arrivé à un stade de ma carrière assez crucial, parce qu’ il y a dix ans, je m’étais fixé comme objectif  d’explorer un maximum de répertoires, et je m’épanouis dans les « challenges » _ les défis à soi-même. Mais j’ai été confronté à mes limites physiques et au vieillissement. Au cours de la saison 2017-2018, j’ai joué dans 8 productions, fait 7 concerts dans 8 pays différents et j’ai fini par devoir, pour la première fois, annuler un concert et une représentation parce que j’étais malade. Au cours de cette dernière année _ 2017 _, mes opportunités de carrière ont vraiment pris un tournant et je suis dans la position merveilleuse _ oui, à l’âge de 38 ans en 2018 _ de pouvoir choisir ou décliner une proposition.

La plupart des gens considèrent que le chanteur est seul responsable de son parcours, mais vers 20 ans, j’ai constaté que l’image que l’on se fait de sa propre voix n’est pas forcément celle que se font les autres. L’une des principales raisons qui m’a poussé à varier autant mon répertoire venait aussi du constat que chaque pays avait sa propre opinion _ réception _ de ma voix _ toujours en fonction d’un contexte culturel particulier… J’ai découvert que, pour réussir _ professionnellement : obtenir des contrats _, il fallait trouver un compromis entre ce que vous voulez faire et les besoins de l’industrie et du marché musicaux. Je fais _ donc désormais _ partie d’un groupe très restreint de chanteurs qui peuvent dire non. Mais le plus important dans ma prise de décision est de savoir si le rôle me correspond _ vocalement et culturellement _et s’il fait évoluer _ positivement : progresser _ ma carrière _ selon l’idéal que Michael Spyres se donne.

Je n’ai que récemment atteint un niveau qui me permet de choisir un rôle. Je me demande alors : « cette œuvre a-t-elle une bonne raison d’exister ? » _ en elle-même, et indépendamment du contexte des circonstances où  elle a pu voir le jour… La plupart des gens n’aiment pas l’avouer mais de nombreux opéras ont été composés simplement dans une recherche _ très circonstancielle _ de profit ou par pur narcissisme _ de son créateur _, et, de ce fait, me semblent n’avoir guère ou même aucune de raison d’être _ maintenant, et à l’aune de l’éternité _ interprétés.

Je ne me prononce pas sur les différentes productions, intellectuelles ou non, mais je suis vraiment heureux de pouvoir désormais choisir sans avoir à dire oui à tout. Je veux aller de l’avant _ artistiquement et culturellement : voilà ! _ et je consacre ma carrière à promouvoir les opéras les plus bouleversants et les plus importants, ceux qui ont été composés pour élever l’humanité _ culturellement _ à un plus haut niveau de conscience en nous forçant à l’introspection et à l’éveil de notre esprit _ cette prise de position est donc à bien remarquer.

Quels sont les interprètes actuels ou passés, chanteurs ou instrumentistes (ou même comédiens, écrivains, peintres…) qui vous inspirent et enrichissent votre propre travail d’artiste ?

Michael Spyres : La liste est longue mais je dirais que les personnes qui m’ont le plus influencé sont, toutes catégories confondues _ on remarquera ici que Michaël Spyres commence par citer des peintres, bien avant des chanteurs, des chefs d’orchestre (un seul : John Eliot Gardiner) et des compositeurs (deux : Rossini et Berlioz) _  : Wassily Kandinsky, Francisco Goya, René Magritte, Hieronymus Bosch, Michael Cheval, Norman Rockwell, Harry Clarke, Thomas Hart Benton, Jan Saudek, Hundertwasser, Alphonse Mucha, Jordan Peterson, Jonathan Haidt, Thomas Sowell, Michio Kaku, Stephen Pinker, Camille Paglia, Mario Lanza, Nicolai Gedda, Roger Miller, Nick Drake, Tom Waits, Air, Andrew Bird, Harry Nilsson, Kishi Bashi, Sleepwalkers, J Roddy Walston and the Business, Vulfpeck, Maria Bamford, Hans Teeuwen, Norm Macdonald, Reggie Watts, Thaddeus Strassberger,  Le Shlemil Theatre, John Eliot Gardiner, Wes Anderson, Terry Gilliam, Alejandro Jodorowsky, Rossini, Berlioz, et surtout, ma famille.

Comment avez-vous décidé de consacrer votre vie au chant ? Avez-vous parfois douté ? Comment, aux Etats-Unis, la musique classique (et, plus particulièrement l’opéra) est-elle considérée dans la société ? Est-ce un art populaire ou au contraire plutôt élitiste ?

Michael Spyres : Comme je vous le disais, la musique coule dans les veines de ma famille, mais je ne me suis mis à envisager cette carrière qu’à 21 ans. Mon rêve était de devenir le futur Mel Blanc (la voix _ le fait est très remarquable _ qui doublait tous les dessins animés d’antan) et d’entrer dans ce milieu de l’animation, si possible en devenant acteur pour Les Simpson. Après une période de réflexion, j’ai compris que si je ne tentais pas une carrière dans la musique _ et pas seulement la diction _  et plus particulièrement, l’opéra, je le regretterais.

Je suis l’homonyme de mon oncle Michael. Son rêve était de devenir chanteur d’opéra mais il est décédé d’un cancer de la gorge à l’âge de 38 ans, alors que je n’étais qu’un bébé. J’ai grandi dans l’ombre de cette histoire, en sentant que mon destin était au moins d’essayer d’embrasser la carrière qu’il n’avait jamais pu avoir.

Bien-sûr, j’ai eu des doutes, toute ma « vingtaine » a été remplie de doutes… Mais quand j’ai eu trente ans, j’ai su avec certitude que je pouvais faire carrière dans l’opéra.

La musique classique, et l’opéra en particulier, sont considérés comme une forme d’art élitiste aux Etats-Unis, mais cette perception est en train de changer avec les plus jeunes générations qui découvrent la joie et les messages profonds _ c’est donc fondamental pour Michael Spyres _ véhiculés par la musique. Mais soyons honnêtes, l’opéra et la musique classique ont, en effet, toujours été une forme d’art élitiste, tout simplement parce qu’il faut beaucoup d’argent et de temps _ bien sûr _ aux artistes pour arriver au niveau de compétence _ artisanale _ nécessaire _ oui ! _ à cette profession. Pour réussir quelque chose d’aussi beau que le classique ou l’opéra, l’élitisme est et a toujours été une force. Même si je pense que tout le monde peut apprécier cet art, il reste dominé par un petit groupe d’artistes et de philanthropes.

Je peux dire toutefois que l’opéra et la musique classique me semblent bien plus démocratiques aux Etats-Unis qu’en Europe où une grande partie du budget est subventionné par l’Etat. Chez nous, les gens sont très fiers d’apporter leur soutien et nos budgets sont presque entièrement financés par des personnes privées.

Êtes-vous engagé sur le plan social, éducatif, voire politique ? Être un artiste donne-t-il selon vous des responsabilités dans la société ?

Michael Spyres : Je suis très investi dans le monde des arts et je crois de tout mon cœur qu’il est de notre devoir en tant qu’artistes d’enseigner _ oui ! _ et de donner son temps à la communauté et à la société au sens large _ c’est là une mission civilisationnelle. L’enseignement est aussi dans mon ADN, puisque tous les membres de ma famille ont été professeurs à un moment ou un autre.

J’ai, en outre, la chance de pouvoir changer la vie de beaucoup de personnes à travers mon rôle de directeur artistique de la compagnie d’opéra de ma ville natale : l’opéra régional de Springfield _ Missouri. Mon frère _ Sean _, ma mère _ Terry _ et moi avons réalisé des projets ensemble, ils ont notamment écrit deux opéras pour enfants _ dont Voix de ville. Nous avons tourné dans les écoles les plus pauvres de notre région avec ces deux créations originales et, à travers l’opéra, nous avons réussi à transmettre des leçons importantes sur la vérité et la responsabilité.

Je crois que beaucoup d’artistes oublient qu’il est de leur devoir de mettre en lumière certains problèmes de la société. Éduquer le public au sens large est primordial _ et c’est fondamental : face à la crétinisation galopante des esprits. Mon père, comme professeur de musique, m’a appris que cet art était une forme de méta-éducation et qu’à travers elle, on pouvait enseigner une grande variété de sujets _ bien sûr. Qu’est-ce qu’une éducation qui n’est pas artistique !?! Avec une simple chanson, vous pouvez apprendre une langue, des maths, de la géographie, de la sociologie, de la philosophie… La musique est un point d’entrée vers la compréhension de l’humanité _ oui _ et, en tant qu’artistes, nous sommes en possession d’un outil de transmission _ et plus encore formation-libération _ très puissant, qui connecte _ de manière désintéessée et généreuse _ les gens _ pour le meilleur, et pas pour le pire.

Lorsque vous voyagez pour vos concerts, avez-vous le sentiment que, depuis l’élection de Donald Trump, l’Amérique est vue différemment dans le monde ?

Michael Spyres : Je suis sûr que certaines personnes perçoivent désormais les Etats-Unis différemment, mais cela n’a jamais été un problème pour moi. Ayant vécu 17 ans en Europe, dans six pays différents, j’ai pu voir des aspects à la fois merveilleux et terribles dans chacun d’entre eux, y compris le mien.

Mais j’ai fini par comprendre qu’il ne fallait pas s’attarder sur les effets que la pensée ou la projection collective d’une nation toute entière peuvent avoir sur vous. Je crois en la souveraineté individuelle _ de la personne ayant conquis son autonomie _ et à l’éveil intellectuel _ et culturel : seul vraiment épanouissant _ et j’essaye de vivre et d’avancer en fonction de cela.

L’un des plus beaux moments de ma vie a été de chanter en duo avec ma femme _ Tara _ à Moscou, à un moment où la relation avec les Etats-Unis était assez compliquée… Après le concert, deux hommes sont venus nous parler dans un anglais parfait pour nous dire à quel point cela les avait touchés de m’entendre chanter dans leur langue natale et combien ils pensaient que notre concert avait apaisé les tensions. Certaines personnes se sont mises à pleurer lorsque j’ai chanté « Kuda, kuda… » _ l’admirable air de Lenskidans Eugène Oneguine et il n’y a pas de sentiment plus grand, ni de façon plus douce, d’apaiser les mœurs que par la musique.

J’ai l’impression que, trop souvent, les gens se laissent dominer par des tendances naturelles « tribales », mais un grand air ou lied peut transcender tout cela _ vers l’universel _ et aider au bien commun de l’humanité, dans la lutte, la joie, le deuil ou l’amour.

En dehors du chant, quelles sont les arts ou les activités qui vous sont nécessaires, qui nourrissent votre esprit et votre émotion ? Comment parvenez-vous à garder votre équilibre de vie avec un métier si exigeant et si prenant ?

Michael Spyres : J’ai très peu de hobbies parce que ma vie est principalement partagée entre ma carrière de chanteur, ma compagnie d’opéra et mon rôle de père. Je joue de la guitare et du piano quand j’en ai l’occasion, chez moi, et j’aime emmener mes fils explorer les bois de notre ferme. Mais honnêtement, quand je ne travaille pas, je passe une grande partie de mon temps à lire des livres de philosophie, de psychologie, d’économie et de sciences _ des livres d’humanités.

Quant à la recherche d’un certain équilibre, c’est vraiment le défi le plus difficile à mes yeux, parce que lorsque vous adorez votre job et que vous aimez travailler autant que moi, vous devez constamment vous forcer à faire des pauses _ certes. Le fait d’avoir mes deux fils et ma femme m’aide à rester ancré dans la réalité _ oui _ et je dirais que le plus dur avec cet emploi du temps de plus en plus chargé est de trouver l’équilibre entre mon temps de travail et ma famille.

J’ai beaucoup de chance d’avoir cette carrière et je n’ai pas encore trouvé beaucoup d’aspects négatifs liés au succès, outre la pression grandissante que je m’impose pour me donner à 100% _ bien sûr. J’ai eu beaucoup d’emplois différents dans ma vie, gardien, jardinier, professeur, serveur, ouvrier du bâtiment, et je suis vraiment heureux de pouvoir gagner ma vie en rendant les gens heureux… Qu’y a-t-il de plus gratifiant ?

Une nouvelle saison musicale commence, vous préparez bien sûr les prochaines… quels sont les projets mais aussi les envies qui vous tiennent le plus à cœur : nouveaux rôles, nouveaux chefs, metteurs en scène ou partenaires, nouveaux pays ?

Michael Spyres : Comme l’an passé, je suis incroyablement pris mais j’ai évidemment hâte de jouer dans Fidelio et ensuite, de retourner au Carnegie Hall avec John Eliot Gardiner _ que Michael Spyres apprécie tout particulièrement. En octobre _ 2018 _, je ferai mes débuts au Concertgebouw d’Amsterdam, et juste après _ le 6 novembre 2018 _, j’interprèterai mon premier récital _ intitulé Foreign Affairs (avec le merveilleux À Chloris, de Reynaldo Hahn)_ avec Mathieu Pordoy _ au piano _, à Bordeaux _ au Grand-Théâtre. Au début de l’année 2019, je jouerai pour la première fois au Teatro Carlo Felice de Gênes à l’occasion d’un récital avec ma chère amie Jessica Pratt, puis je me rendrai au Wiener Staatsoper !

Après Vienne, je ferai mes débuts à Genève, aux côtés de ma collègue Marina Rebeka, pour une Le Pirate de Bellini que nous enregistrerons également. En avril _ du 30 mars au 9 avril _, j’aurai le privilège de jouer le fameux rôle de Chapelou dans la production de Michel Fau _ merveilleux metteur en scène _ du Postillon de Longjumeau _ d’Adolphe Adam _, qui sera présenté pour la première fois depuis 1894 à l’Opéra-Comique _ bravo ! Fin avril, j’aurai la chance de réaliser un nouveau rêve en m’associant avec de fantastiques collègues, Joyce Didonato et John Nelson, dans l’interprétation et l’enregistrement pour Erato de mon rôle préféré : Faust dans La Damnation de Faust, de Berlioz

_ cf mes articles des 13  et 14 décembre derniers :  et

En mai 2019, je reviens une fois de plus à Paris en tant que soliste du Lelio de Berlioz, avec François Xavier-Roth. Je ferai également mes débuts en tant que Pollione dans Norma de Bellini, et le mois sera marqué par mon retour à l’Opernhaus de Zurich. Entre ces deux performances, je retournerai à l’Oper Frankfurt dans le cadre d’une tournée en récital. Je terminerai la saison en jouant le rôle principal dans l’opéra épique Fervaal, de Vincent D’Indy, au Festival de Radio France Occitanie, à Montpellier.

Souhaitez-moi bonne chance et… une bonne santé ! _ certes !

Emmanuelle Giuliani

Voici encore un autre très intéressant entretien _ en anglais cette fois, en janvier 2016, et avec Rose Marthis _ avec Michaël Spyres, et à propos de son engagement très actif auprès du Springfield Regional Opera,

chez lui, dans le Missouri :

SIX QUESTIONS WITH MICHAEL SPYRES

The Mansfield native has performed in operas all over the world, and is now artistic director of Springfield Regional Opera.


BY ROSE MARTHIS

Jan 2016

Michael Spyres of the Springfield Regional Opera

Photo by Kevin O’Riley

Michael Spyres spent his childhood in Mansfield _ Missouri _ singing at every town wedding and funeral with his musically-inclined family. He became interested in opera because he was named after an uncle who aspired to be an opera singer but died at a young age _ 38 ans _ from throat cancer. His mother _ Terry _ and father _ Eric _ were both music teachers, and he grew up on stage. After landing his first role at the Springfield Regional Opera when he was 18 years old, Spyres found his way to Europe at age 24. Now, in addition to his singing career, he has come back to take over the artistic direction of the opera company that gave him a shot—and he’s bringing innovations that could usher in a new era in opera.

… 

417 Magazine : Why did you decide to come back to SRO _ Springfield Regional Opera _ while continuing your career in Europe?


Michael Spyres : The big reason I wanted to come back was to help out the company that gave me the first chance _ voilà. I wouldn’t be in this position without having had the opportunities that I had in Springfield. By the time I was 22 years old, I had already done six roles in a real opera company with an orchestra. Most of my colleagues and friends when I was in these other programs were 22 but they had never even gotten to sing with orchestras. Because Springfield was such a perfect place for me to learn, I got to grow with this company. I just thought it was a perfect time in my career for me to come back and teach the next generation of people _ voilà : donner (avec reconnaissance) comme l’on a reçu _ and give them what has been lacking in the last few years. Give some of these wonderful talented kids from our Ozarks area _ son terroir natal _ a direction and show them that it is absolutely possible and you can achieve your dreams _ oui :« Deviens ce que tu es » !.. _ and do exactly what I did.  I’m from the smallest town you can think of where people have never even heard of opera, but now they know what opera is because I sing all over the world. And I did it from the Ozarks.

…  

417 : Did you make any connections in Europe that can help you in your new role?


M.S. : I have some really good friends in France, Italy and Austria that I’ve kind of recruited and have talked to them about my vision for the opera company. They have all agreed to come to Springfield for very little money and help me with my vision to turn Springfield into an internationally known regional company that does innovative things _ bravo !

… 

417 : Tell us about your vision for SRO.


M.S. : One of the big things that we’re going to be doing is streaming our operas live on YouTube and Facebook. The technology has been around for a couple years but no one has ever done it. Most of my friends who are well known directors, they are going to be coming to Springfield and will be bringing a completely international flair to Springfield by putting on their productions. We’ll be using local talent for singers, and a few of my other friends who are bigger names will come in and be able to sing with our company while teaching at the same time. I want it to be a training grounds _ quel projet  magnifique !

417 : How do you want opera to influence the arts scene in 417-land?


M.S. : I love Springfield but it does seem that a lot of the arts organizations think that there’s a competition going on, but there isn’t. There’s enough public, there’s enough money in the art scene for it to all go around, and it all helps if we bring each other in and we help each other. That’s one of the big things that Christopher Koch, the new music director, and I have been talking about a lot. It’s the inclusion and taking everybody from the theater, and the symphony and the ballet to come together for a project. The opera is a very, very important art form because it’s the first and only one that includes everybody _ oui _ : actors, singers, dancers, composers, directors, lighting people, sound tech, everything is all in one. That’s what opera was originally conceived to do, to be a conglomeration of all the arts _ oui _, where everyone was working together. One of our biggest goals is to always have a project that connects either the symphonies or ballet or street actors or circus performers.

417 : How do you want to partner with the other local arts organizations?

I don’t want to give too much away, but we do have the next three years planned. In opera, we don’t use amplification of the voice;  it’s the natural human voice that has to project over the orchestra. That’s why opera is such a different art form than musicals. Traditional musicals were like that, and they are now sometimes, but for the most part everyone’s miked, which takes away, for me, some of the art and the craft. We are definitely going to be showing people what the power of the human voice can be and how incredible it is _ voilà. To go, wow are they going to get through and be able to sing it ? You know, make it a spectator sport.

… 

417 : What do you want people here to learn about opera?


M.S. : The big thing that I want to do in these next years is educate people about what opera actually is and what it isn’t _ voilà. Everyone has these preconceived notions about what opera is. You say “opera” and they all think, “Oh yeah, fat lady with horns.” And they just think Wagner _ oui. It’s just so not that. Once you understand the origins of what opera is you start to realize, oh my gosh, that’s what influenced everything. Musicals and movies and everything was composed after opera _ oui. Opera was the base for everyone to come together with ideas. Movies would have never happened without opera _ c’est dit.

Five Tips for Opera Novices

Springfield Regional Opera artistic director Michael Spyres shares what you need to know about opera.

1. Opera was conceived as an art form that was the first of its kind in an attempt bring together all of the various art forms into one performance. Opera was born out of the Renaissance period and the etymology of the word actually means “to work”. The Italians chose this word for their new art form in order to symbolize the message of this new art form. Opera was truly conceived to be a transformative art form both for performers and the public as it sought to enlighten and inspire change in society _ l’opera est en effet conçu comme ouvert à un large public : à Venise d’abord.

2. Not all Opera is in Italian ! While it is true that many Operas are composed in Italian, Operas have been written in virtually every language. Generally speaking they are categorized into Italian, German, French, Russian and English genre operas. In the last 150 years new operas have been and are still being composed in various languages spanning entire globe. Again, Opera is a transformative and reflective art form that most always seeks to hold up a mirror to society in order to provoke change _ oui _ and so it is no wonder that Opera is being composed in almost every language worldwide!

3. Opera is an art form, but also as a collaboration, a partnership of people and community. There is no grander form of live entertainment (with the exception of live television.) Depending on the size of production an Opera will bring together anywhere from a hand full to more than 300 participants working simultaneously backstage as well as in the orchestra and on stage _ oui : l’entreprise est collective. You can see why many people consider Opera to be a living art form in that massive amounts of people come together for a common cause and every performance is different. In fact, if Opera had not laid out this massively collaborative art form we would surely not have our beloved art forms of musicals or even movies.

4. Don’t worry if you don’t speak the language that it is in. Supertititles (Translation to a screen above) are the norm in most opera houses. Even if there are no supertitles if you just pay attention and enjoy the art form that is in front of you, you will easily understand what is going on onstage. A good rule of thumb is to do just a little bit of research online before coming to the Opera _ par exemple _ ; so you can get a good framework of the storyline. After all most of us don’t go blindly to a movie without researching beforehand and opera is no different.

5. Don’t be afraid of Opera. We all have preconceived notions about what Opera is (large people yelling in funny hats often comes to mind) but if you have never been to an Opera you really are missing out. If you ask yourself “why is this artform still around after over 400 years ?” you are on the right track. The answer to this question I would propose is because of its intoxicating potion of complexity. Opera is an evolving artform that is tailored to evoke thought and change within _ voilà. It is true that some opera was conceived to just have a good time and entertain like most Hollywood box office films, but the majority of opera is composed in essence like folk music in that there is a reason and strong story behind the subject matter. Love, anger, reverence, and awe are just some of the emotions that are within us ; and Opera provides a beautiful art form in which to celebrate and transform the human condition. Don’t just take my word for it, come see for yourself!

L’admirable degré d’humanité _ et engagement de terrain _ de Michael Spyres

est splendide !

Ce jeudi 19 décembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Michael Spyres est décidément un superbe artiste !!!

Ce mercredi 18 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

P. s. : un chaleureux merci à Bernard Brevet et France Debès qui spontanément ont, tous deux, fait le plus grand éloge du Don Ottavio de Michael Spyres,  si merveilleux en son art,  en dépit du ridicule achevé de l’accoutrement de son personnage _ et des caniches qui l’accompagnent _, en réponse à l’envoi de mon article sur ce somptueux Don Giovanni de Salzbourg 2021…

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. Le critère décisif de la joie iconique…

17nov

Ce mardi,

je viens poursuivre la réflexion rétrospective entâmée de rédiger hier

en mon article : ,

au final de ma proposition d’un nouveau choix de 12 images supplémentaires

_ en plus des 13 + 22 de mon choix du 5 novembre dernier : … ; je crains toujours de ne pas retenir assez ce qui mérite d’être vraiment conservé, ne serait-ce qu’au souvenir… _,

afin de pouvoir « rattraper » in fine les images que j’aurais peut-être à tort un peu trop vite écartées,

que j’aurais un peu inconsidérément refusé de retenir,

lors de mes choix de 13, puis de 22 images « préférées« , le 5 novembre dernier,

en mon article 

Je reprends donc ici, pour amorcer la réflexion d’aujourd’hui,

les lignes finales de mon article d’hier.

Et à la réflexion,

ce troisième parcours d’images (de rattrapage !) _ en fait, un contrôle d’épreuve a posteriori du degré de fiabilité de mon propre jugement de regardeur… _ afin de vérifier rétrospectivement que je n’avais surtout pas fait de tort à nulle image en l’ayant injustement écartée de mes « préférées« ,

en fait me rassure,

en venant conforter, mais oui !, mes deux précédents choix (de 13, puis 22 images) _ cf mon article du 5 novembre : _ ;

c’est là que je m’étais arrêté hier ;

je vais donc poursuivre et accomplir maintenant ma réflexion rétrospective…

Oui,

même si il est tout à fait possible, et peut-être même à l’infini, de trouver quelque véritable agrément à chacune, sans exception, de ces 80 images proposées par le choix même _ forcément raisonné _ de publication de son auteur, par ce « Tirages Fresson » de l’ami Bernard Plossu,

il faut bien admettre aussi que le goût _ plus ou moins riche et complexedu regardeur

dispose, lui aussi, de sa marge, non certes _ heureusement pas tout à fait ! _ d’arbitraire, mais d’une part incompressible de subjectivité _ pouvant, mais surtout devant (!) viser, à certaines conditions (de visée), à une légitimité incontestable, à dimension d’universalité ; et ici je suis parfaitement Kant en ses lumineusement décisives analyses du jugement esthétique de goût en sa « Critique de la faculté de juger«  !.. _ ;

une part incompressible de subjectivité, voilà,

liée à l’idiosyncrasie, plus ou moins singulière _ et très souvent, hélas, bien peu personnelle… _, et forcément partielle _ à suivre, ici, « La Monadologie » de Leibniz… _ de la propre formation, histoire personnelle, culture,

et pas seulement culture iconique,

du regardeur…

Et donc le regardeur a bien le droit, et surtout le devoir !, lui aussi _ forcément ! _, de hiérarchiser _ réflexivement, s’il le faut _ ses propres préférences,

et donc, a fortiori, ses propres réticences _ quand elles lui sont véritablement propres !.. et non, comme le plus souvent, paresseusement panurgiennes… _,

à condition expresse, bien sûr, de pouvoir les justifier,

et avec un maximum d’exigence de vérité _ c’est-à-dire de justesse de son acte de juger, de goûter _ : le mieux possible…

Et donc dans mon cas,

et pas seulement en matière de goût iconique,

par exemple aussi en matière de goût musical _ cf la significative série à cet égard de mes articles de 106 « Musiques de joie » du premier confinement : … ;

et le critère spinozien (de « L’Éthique« ) de la joie étant à mes yeux, ici comme partout, existentiellement fondamental ! _,

ou de goût littéraire,

j’ai peu à peu apppris à comprendre que je privilégie _ à l’instar aussi du passionnant constat de Jean-Louis Chrétien en son remarquable essai, en 2007, « La joie spacieuse _ essai sur la dilatation« ce qui vient, par la joie, la vraie joie, augmenter véritablement notre puissance existentielle _ heureuse _ fondamentalement dynamique d’être,

c’est-à-dire de devenir,

de vraiment nous accomplir _ à dimension d’éternité : « Deviens ce que tu es !« , le formulait Nietzsche _ ;

et donc,

en ces sublimes « Tirages Fresson » de l’ami Plossu,

je privilégie le jeu subtil, naturel, fluide, et toujours discret, chez lui en son œuvre, mais formidablement libérateur de puissance heureuse,

de la lumière et de ces fabuleuses couleurs

que Bernard Plossu,

en tout premier lieu _ et tout premier moment, sur le vif, Kairos aidant… _ et là-même, hic et nunc, « sur le motif » que vient lui offrir de formidablement bonne grâce _ « aide-toi, et le Ciel t’aidera«  !.. _ la générosité du réel _ tout le réel (presque sans exception) rencontré ! sans vraiment presque nul reste, ni déchet, à jeter à la poubelle… _,

a appris à savoir si bien, dans le réel offert, rencontrer, reconnaître ;

et puis, en ses images photographiques _ à quelque dimension d’éternité, ici aussi _, capter, fixer, retenir _ sur la pellicule _ ;

et que, au final, il possède !

_ à moins que ce ne soit lui qui soit génialement possédé par ce jeu si riche et subtil de lumière et couleurs naturelles du réel quasi à l’infini offert à lui… _ ;

cet art d’instantanément repérer à saisir photographiquement, oui,

parmi ce réel divers, furtif, mobile, parfois évanescent, et à peine visible à la plupart

_ mais que lui sait tout spécialement se donner une totale liberté de percevoir, immédiatement, à la seconde (quelle vista ! quel œil !), et en sa vérité, en le croisant, à l’aventure, n’importe où, n’importe quand, mais assurément pas n’importe comment ! _,

de très judicieuses potentielles images ;

puis, ensuite, cet art _ complémentaire et absolument indispensable _ de conforter à « réaliser » pleinement (et accomplir !) de telles images, hors de la pellicule initiale ;

puis diffuser, par le choix crucial, à sa table de travail, des images qui vont être « à tirer » _ en l’occurrence, ici, par les merveilleux bienveillants sorciers Fresson, en leur antre magique de Savigny-sur-Orge _ parmi le labyrinthe invraisemblablement touffu et emmêlé, si divers, des images encore dormantes (et encore inaccomplies) sur ses planches-contact ;

se placera alors, ensuite et complémentairement, le nécessaire accomplissement _ à dimension d’éternité _ de l’opération _ fondamentale, bien sûr, elle aussi ! _ du tirage,

et par d’autres mains que les siennes, mais des mains de fées, envers lesquelles l’ami Plossu a totale confiance ! ;

puis, encore, par la mise en place – réalisation de l’exposition _ avec le commissaire de l’exposition, lors de l’opération d’accrochage sur les cimaises… _

ainsi que par l’organisation – réalisation _ avec l’éditeur, pour l’opération tout aussi essentielle, elle aussi, et à son tour, de mise en pages _ du beau  livre,

qui _ exposition et beau livre _ seront proposés aux futurs regardeurs que nous sommes ;

pour nous offrir, à notre tour, à nous les regardeurs un tant soit peu attentifs, qui ne voudront pas, nous non plus, laisser échapper notre chance,

je veux dire la chance insigne _ émerveillée _ de pouvoir, de ces images, partager un peu quelque chose du splendide bonheur iconique

propre, de ces images devant nos yeux réalisées.

Soit,

et à chacune de ces étapes,

tout un merveilleux parcours complexe et coordonné d’extrêmes exigences, pour chaque opération, de regards _ de chacun des participants-intervenants de cette chaîne… 

Par un enchaînement quasi miraculeux et cohérent _ à chacun de ces stades _ de grâces !

Par conséquent,

et pour en revenir plus précisément à mon propre cheminement de regardeur

de ce si riche volume de ‘tirages Fresson » des Éditions Textuel,

ce troisième choix-ci _ de « rattrapage » de ce que mes premiers regards auraient éventuellement pu manquer _ de 12 images,

après celui du choix des premières 13, et celui du choix complémentaire de 22

_ et même si d’autres feront, selon leur propre idiosyncrasie, d’autres choix, encore, que les miens : à chacun le prisme de sa palette… _,

vient, au final, conforter mon attitude de regardeur aimant privilégier en son regard

la joie…

La joie spacieuse.

Ce mardi 17 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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