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une flopée de merveilles de musiques, et une passionnante exposition, aussi, « Deadline », cette Toussaint

02nov

Est-ce la difficulté (commerciale ?) des temps qui courent ?..

toujours est-il que les éditeurs de disques redoublent ces derniers temps-ci d’exigences de qualité pour nous offrir d’admirables interprétations de chefs d’œuvre de la musique…


D’abord, cette Toussaint _ et « remarqués« , pour une fois, par les magazines de disques : tout arrive !.. _ trois admirables CDs de piano à divers « stades » de composition du Romantisme : Schubert ; Liszt ; Brahms _ et encore ai-je (provisoirement?) « délaissé » _ ni lui ai seulement prêté une oreille ! pour le moment… _ le « Chopin chez Pleyel«  d’Alain Planès (CD Harmonia Mundi HMC 902052) _ sur lesquels, CDs, je ne regrette pas de m’être « précipité » ! :

des « merveilles » et de musique, et de musicalité !


De Franz Schubert (1797-1828), le CD « Wandererfantasie and other Works for solo piano«  _ la « Fantasie in C (Grazer Fantasie) » D 605A ; « Three Piano Pieces« , op. posth. D946 ; « 13 Variations on a Theme by Hüttenbrenner«  D 576 ; en plus de la « Wandererfantasie » op. 15D 760 _, par Michaël Endres (CD Oehms OC 731) ;

de Franz Liszt (1811-1886), le CD « Franz Liszt « un portrait » » _ avec « La Danza _ Tarantella napoletana » (des « Soirées musicales » de Rossini S. 424) ; les « Funérailles » (des « Harmonies poétiques et religieuses » S. 173) ; la « Bagatelle sans tonalité«  (ou « Mephisto-valse«  n°4b) S. 216a ; « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (des « Deux Légendes » S. 175) ; les « Consolations«  S. 172 ; la « Vallée d’Obermann«  (des « Années de pélerinage, 1ère année, Suisse«  S. 160 ; « Liebestraum«  (« Rêve d’amour« ), « Nocturne » n°3 S. 541 ; et la « Rhapsodie hongroise » n° 2 S. 244/2 _, par Guillaume Coppola (CD Calliope CAL 9412) ;

 …
et de Johannes Brahms
(1833-1897), le CD « Die Späten Klavierstücke Op. 116 – 119«  _ les 7 « Fantasien » op. 115 ; les « 3 Intermezzi » op. 117 ; les 6 « Klavierstücke » op. 118 ; et les 4 « Klavierstücke » op. 119 _, par Anna Gourari (CD Berlin Classics 0016472BC) ;

toutes œuvres transcendées ici par des interprétations magnifiquement inspirées et idéalement adéquates, toutes trois ; et selon des styles fort divers…


Le Schubert de Michaël Endres chante à la perfection … »à la Schubert« , avec une grâce (légère en sa gravité : le génie est toujours oxymorique, à « résoudre » sans effort et dans la jubilation la « quadrature du cercle » !..) : il nous enchante ! tout simplement…

Le Liszt de Guillaume Coppola « chante« , lui, aussi _ en une inspiration d’ascendances italiennes : napolitaine, sicilienne, etc… _, mais « au concert« , cette fois, avec la virtuosité pleine de panache (frisant le gouffre _ d’entre Charybde et Scylla ! entre Calabre et Sicile : là même où se produit le miracle de « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (la plage 4 de ce CD !)… _ de l’emphase, mais, le défiant, victorieusement, pour, n’y sombrant pas, en triompher brillamment !..) de Franz Liszt : une joie puissamment rayonnante anime ce vaste « portrait » de Franz Liszt (ainsi, médiatement, que celui, aussi, du jeune interprète (d’ascendance sicilienne, celui-ci prend bien soin de rendre hommage, en couverture du disque, et à sa grand-mère Lina, et « à la mémoire de (s)on grand-père Vincenzo » ! et par-delà eux, peut-être aussi, au catanais Giovanni Bellini, le maître du bel canto ; qu’a pu, à Paris, admirer Liszt…). Chapeau !

Quant au Brahms d’Anna Gourari, tout en assumant, pleinement, et magnifiquement, un certain pianisme (qui était passé, ces dernières années, pour ainsi dire de mode), il demeure, avec un « plus que parfait » éclat, fidèle à la magie mirifique de la poésie feutrée et chargée de goutelettes de toute fraîche rosée translucide, tout à la fois, de ces (20) « petites » œuvres, si grandes (sublimes ! oui…), de la « fin de vie » de musicien de Johannes Brahms… Bravo ! Bravissimo, la « parfaite » musicienne…

Sur les œuvres de « fin de vie« ,

mais cette fois en ce qui concerne les arts plastiques (principalement la peinture) contemporains,

on se plongera avec d’infinies délices dans le regard _ et la lecture ! _ du magnifique catalogue « Deadline«  _ avec une très belle « préface-présentation » de la commissaire (aidée d’Emile Ouroumov) Odile Burluraux : « Mourir « vivant »«  (pages 17 à 25) _ qui accompagne l’actuelle (16 octobre 2009 – 10 janvier 2010) exposition éponyme, « Deadline« , au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, consacrée à des œuvres « terminales » de Martin Kippenberger (Dortmund, 1953 – Vienne, 1997), Absalon (Ashdod, 1964 – Paris, 1993), Hans Hartung (Leipzig, 1904 – Antibes, 1989), James Lee Byars (Detroit, 1932 – Le Caire, 1997) _ c’est un cliché (étincellamment tout doré !)

Performance pour le vernissage The Death of James Lee Byars à la Galerie Marie-Puck. Broodthaers, Bruxelles 1994.(Photo : Marie-Puck Broodthaers)

de James Lee Byars lui-même lors de sa « performance pour le vernissage de l’exposition « The Death of James Lee Byars«  à la Galerie Marie-Puck Broodthaers, à Bruxelles« , à l’automne 1994, qui figure en (fascinantissime !) couverture (sur fond noir) de l’album !.. _,

Felix Gonzales-Torres (Guáimaro, 1957 – Miami, 1996), Joan Mitchell (Chicago, 1925 – Vétheuil, 1992) _ est amplement cité un « entretien«  avec Yves Michaud, le 12 janvier 1986, aux pages 97 et 98 de l’album (extrait du catalogue « Joan Mitchell, les dernières années«  des expos au Musée des Beaux-Arts de Nantes et à la Galerie nationale du Jeu de Paume, en 1994… _, Robert Mapplethorpe (New-York, 1946 – Boston, 1989), Chen Zhen (Shanghaï, 1955 – Paris, 2000) _ qui avait participé (brillamment !) en juillet 1990 à l’exposition « Chine demain pour hier«  qu’avait organisée à Pourrières, près de la Sainte-Victoire, mon amie Michèle Cohen, qui dirige la Galerie « La Non-Maison«  à Aix-en-Provence (elle m’a invité à y disserter « Pour un Non-art du rencontrer«  le 13 décembre 2008 dernier) ; le catalogue de cette expo « Chine demain pour hier«  ayant reçu un « avant-propos«  (excellent !) de notre ami Yves Michaud, Directeur alors de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris… ; cf pour précisions mon post-scriptum au bas de cet article _, Gilles Aillaud (Paris, 1928 – Paris, 2005), Willem de Kooning (Rotterdam, 1904 – East Hampton, 1997), Hannah Villiger (Zug, 1951 – Aug, 1997) et Jörg Immendorff (Bleckede, 1945 – Düsseldorf, 2007)…

Les notices (et « entretiens » avec les artistes…) pour chacun des douze artistes présentés sont passionnant(e)s, dans la finesse de précision des analyses (par Ann Temkin, Joël Bartoloméo, Odile Burluraux elle-même, Joachim Sartorius, Lewis Baltz, Molly Warnock, Sophie Delpeux, Hou Hanru (avec Odile Burluraux), Éric Darragon, Joachim Pissarro, Annelie Pohlen et Nicole Hackert, Bruno Brunnet & Michael Werner _ avec aussi un « Avant-propos«  de Fabrice Hergott, pages 13 à 15 _), d’un art qui atteint le maximum de sa « liberté » face au temps (qui reste) et sa dimension (d’élévation) d’éternité : ce à quoi s’affronte, se confronte, s’entretient, se nourrit, s’enchante, tout art « véritable«  ; par rapport aux impostures courant les rues de ce qui prétend s’afficher « art » et n’en est que tristes et pénibles « contrefaçons » ; d’autant plus grossières que vulgaires… La discrétion (envers la personne d’autrui) étant politesse essentielle d’un artiste…

A ces 3 « divins » CDs de piano romantique,

j’ajouterai encore le volume VIII de très, très belle facture (toujours !) que nous offre la maestria d’Éric Le Sage (double album CD Alpha 154) en la « continuation » _ et parfaite captation sonore de Jean-Marc Laisné à la Salle de musique « L’Heure bleue« , à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, en janvier 2009 _ de l’intégrale « éclatante » (et diaprée) des « Klavierwerke & Kammermusik«  de cet autre immense génial musicien (romantique, aussi…) qu’est Robert Schumann (1810-1856) _ avec les « Études pour le Pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op. 3 ; les « Études de concert pour le pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op.10 ; l’« Allegro«  Op. 8 ; la « Faschingsschwank aus Wien, Fantasiebilder » Op. 26 ; les « Vier Klavierstücke » Op. 32 ; et les « Drei Clavier-Sonaten für die Jugend » Op. 118 : la « Kinder-Sonate Julien zur Erinnerung » ; la « Sonate Elisen zum Andenken«  ; et la « Sonate Marien gewidmet » ; musiques pour trois des filles de Robert et Clara Schmann _ ; pour ces musiques de l’âge romantique, donc…

Pour le Baroque,

quelques merveilleux bijoux, aussi :

d’abord, du génial Alessandro Stradella ; et par un interprète dont j’admire depuis longtemps (après l’avoir entendu en masterclasses à Barbaste, aux stages _ quant aux « fondamentaux » de l’interprétation musicale baroque _ de Philippe Humeau) la parfaite musicalité (ainsi que probité de jeu _ mais les deux vont de pair ! là où se pressent et précipitent (hystériquement…) tant d’impostures, justement : devant (et rien que pour) les sunlights, les caméras, les micros, les foules… _, je veux parler d’Enrico Gatti, dirigeant ici, avec sa merveilleuse justesse « musicale » coutumière, l' »Orchestra Barocca della Civica Scuola di Musica di Milano« , ainsi que les chanteurs Lavinia Bertotti, Barbara Zanichelli, Emanuela Galli, Roberto Balconi, Maurizio Sciuto et Carmo Lepore, un magnifique enregistrement de deux « cantates de Noël«  _ de la période « romaine«  de Stradella : vers 1675, sous le pontificat (29 avril 1670 – 22 juillet 1676) de Clément X Altieri…, ainsi que l’indique, à la page 19 du livret du CD, Carolyn Gianturco _ du grand, mais pas assez enregistré (non plus que donné en concert) Alessandro Stradella (Nepi, 3 avril 1639 – Gênes, 25 février 1682), donc : « Cantate per il Santissimo Natale« , « Si apra il riso » et « Ah! Troppo è ver«  (ainsi qu’une « Sonata di viole _ con concertino di due violini et leuto e concerto grosso di viole« ) ; en un CD splendide de l’Arcana du regretté Michel Bernstein (CD Arcana A 331) ;

puis,

un électrisant récital, sans affèteries ni assauts de (trop) gratuites vocalises, d' »airs d’opéras » napolitains _ un répertoire loin d’être assez exploré encore !.. et pourtant ô combien crucial dans l’histoire de l’opéra !.. (faute de pouvoir « remonter«  vraiment dans leur intégralité de tels « spectacles«  ?.. _, de Giovanni-Battista Pergolese (1710 – 1736), Nicola Antonio Porpora (1686 – 1768), Leonardo Vinci (1696 ? – 1730) & Johann-Adolf Hasse (1699 – 1783 _ présent à Naples, le saxon, lui, pour s’y « former« , auprès de Nicola Porpora et d’Alessandro Scarlatti, en ces si ingénieux conservatoires de Naples, de 1724 à 1727) : « Lava _ Opera Arias from 18th Century Napoli« , par la parfaite Simone Kermes, soprano, et « Le Musiche Nove« , dirigées par Claudio Osele : un CD Deutsche Harmonia Mundi 8869754121 2 ;

puis, en remontant vers des contrées au climat un peu plus « tempéré« ,

d’abord, un très rafraîchissant _ intense et profond en son élégance… _ CD de « goûts réunis » de Jean-Marie Leclair (Lyon, 10 mai 1967 – Paris, 22 octobre 1764) _ compositeur à l’élégance, donc, hautement raffinée ; et violoniste virtuose (sans excès, à la Locatelli…), formé à Turin auprès du maestro Giovanni-Battista Somis _ constitué des quatre premières des six « Sonates en trio pour deux violons et basse continue » op. 4 (de 1731-1732) et de la « Deuxième récréation musicale d’une exécution facile pour deux flûtes ou deux violons » op. 8 (de 1737), interprétées ici par deux hautbois, un basson, une contrebasse et un clavecin _ tenus par David Walter, Hélène Gueuret, Fany Maselli, Esther Brayer & Patrick Ayrton, en un ensemble s’intitulant « Pasticcio barocco«  _ ; soit le _ délicieusement fruité ! _ CD 01 de Hérissons Production s’intitulant « Jean-Marie Leclair, ou l’apogée des Goûts Réunis« 

et un peu plus en amont, dans le temps, à Paris,

et en changeant cette fois de siècle :

un tout simplement « magique » récital de « Pièces de luth«  en sol majeur, la mineur, fa majeur et si mineur de Denis Gaultier (dit « Gaultier de Paris« , ou « Gaultier le jeune » : Paris, 1603 – Paris, janvier 1672) _ avec l’appoint de deux chaconnes (en do majeur et fa majeur) du cousin Ennemond Gaultier (dit « le vieux Gaultier » ou « Gaultier de Lyon » : Vilette-en-Dauphiné, 1575 – Nèves-en Dauphiné, 11 décembre 1651) _ ; intitulé « Apollon orateur« , sous les doigts _ inspirés par le dieu maître des Muses ?.. _ du parfait luthiste qu’est le maître Anthony Bailes, chez Ramée : le CD Ramée RAM 090La musique qu’adorait, pour son infini raffinement, sa poésie, la délicatesse de sa grâce divine, La Fontaine : peut-être la quintessence de l’art musical français…

Et enfin,

au XXème siècle, cette fois, et ni en Italie, ni en France, mais en (un violent) exil d’Allemagne _ en 1938-39 pour deux des principales pièces : somptueuses ! _

des œuvres d’un maître bien injustement mis sous l’éteignoir, et qui réveille pourtant l’acuité la plus fine de nos ouïes, par le brillant « profond » (sans clinquant !) de la clarinette, ici : les « Clarinet Quintet ; Clarinet Quartet ; Clarinet Sonata ; Three Easy Pieces » de l’immense Paul Hindemith (Hanau, 16 novembre 1895 – Francfort 28 décembre 1963), un des « plus grands » de ce siècle… : un CD Naxos 8.572213 de « Chamber Music » par le décapant (en même temps que magnifiquement élégant : autre « quadrature du cercle » !) ensemble « Spectrum Concerts Berlin« , que dirige de son violoncelle Frank Dodge ; et avec le clarinettiste virtuose (excellent !) Lars Wouters van den Oudenweijer !..

Le contraste avec le luth de Denis Gaultier sera magnifique ; révélant, si besoin en était, toute l’amplitude de la magie féérique de la musique…


Titus Curiosus ce 2 novembre 2009

Post-scriptum :

je joins, ce matin du 3 novembre, ce courriel

à mon amie Michèle Cohen, directrice de la Galerie « La Non-Maison » à Aix-en-Provence

(où je vins le 13 décembre 2008 présenter mon « Pour un Non-Art du rencontrer« ) :

De :   Titus Curiosus

Objet : En lisant mieux « Deadline« , je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:40:06 HNEC
À :   Michèle Cohen

En lisant un peu mieux le catalogue de l’expo « Deadline« ,
il s’avère que
l’expo que tu avais organisée (comportant des réalisations originales de Chen Zhen)
est très précisément citée (avec son « titre » !), page 123 de ce catalogue
« Deadline :

je cite : « l‘exposition « Chine demain pour hier« ,


organisée par Fei-Da-Wei dans le sud de la France.
Cette exposition avait lieu dans le village de Pourrières, à côté de la montagne Sainte-Victoire.
C’était vraiment une exposition intéressante.

(…)
Chen avait conçu des pièces très importantes, dans un grand camion.
Il s’agissait d’une sorte de parcours qui reproduisait des pierres tombales suspendues à l’envers,
et de la terre au sol avec les matériaux, les journaux recyclés comme il les utilisait depuis les années 1990.

C’était assez impressionnant.
Et l’autre pièce était encore plus étonnante
: c’était dans la forêt.
A l’époque, on commençait seulement à parler d’écologie.
Il y avait eu un débat sur les incendies qui avaient dévasté la Sainte-Victoire. Les gens se plaignaient que certains ne respectaient pas la nature et qu’ils mettaient le feu.
En fait, Chen était allé derrière le village, dans la forêt brûlée, où il a trouvé des centaines et des centaines d’objets abandonnés, des déchets ;
il en a effectivement récupéré beaucoup (quatre-vingt-dix-neuf, je crois),
et il les a ensuite suspendus aux arbres.

C’était un geste extrêmement fort,
qui semble très léger mais en même temps très fort.
Cette pièce est vraiment formidable
« …
« A partir de ce moment-là, nous avons commencé à nous voir, à discuter ; nous sommes devenus très amis« ,
continue Hou Hanru…

est celle-là même que tu montas, Michèle !!!

bien que ton nom ne soit pas cité par Hou Hanru _ celui qu’interviewe la « commissaire » de l’expo actuelle, Odile Burluraux, pages 123 à127… _,
Fei Da-Wei en étant, en effet, lui, le « commissaire«  (cf page 4 de ton catalogue de 1990 !)…

Je viens de mettre la main sur le catalogue (que tu m’as donné l’an dernier à Aix) de cette expo qui eut lieu à Pourrières du 7 au 31 juillet 1990, « Chine demain pour hier« ,
organisée par l’association « les Domaines de l’Art » dont tu étais la « présidente » ;
avec une préface de toi, page 11
et un avant-propos de l’ami Yves Michaud, page 9 !


Je vais introduire cette précision
dans mon article :
et voilà qui est fait !..

Titus

Réponse par retour de courriel de Michèle :

De :   Michèle Cohen

Objet : Rép : En lisant mieux, je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:45:04 HNEC
À :   Titus Curiosus

Titus,
Tu es vraiment gentil. Peu de gens citent leurs sources. Tu fais un travail de passeur incroyable….
Merci d’avance
Michèle

Dans son « Avant-Propos«  de juillet 1990 à ce catalogue « Chine demain pour hier« , page 9, Yves Michaud, disait que « trop souvent la culture est laissée au soin des institutions«  ; alors que « la création culturelle a, au contraire, besoin de se déplacer et de bouger ; elle n’a pas vraiment besoin d’atours et de pompe. La respectabilité arrive toujours trop vite. La création nous intéresse quand elle vient _ généreusement : tel Kairos… _ là où nous ne l’attendons pas, quand elle nous surprend _ sans calcul d’aucune sorte… _ dans un monde où prédominent aujourd’hui _ certes : les choses, depuis, n’ayant fait que s’aggraver… _ les spécialistes en attente et en motivations«  :

« un monde où prédominent _ voilà ! _ aujourd’hui les spécialistes _ « professionnalisés« , en quelque sorte !.. diplômés peut-être même !.. _ en attente et en motivations » ; comme c’est justement « croqué » ! Comme ils nous pèsent, ces experts ; et plombent tout ce à quoi ils s’attachent, ces « spécialistes » patentés ès « attentes et motivations » ! Comme ils sont loin du véloce, divin et éternellement jeune, lui, capricieux et ludique Kairos ! Tout le contraire des « amateurs » qui « aiment » _ auxquels s’intéresse, par exemple, un Bernard Stiegler…

Là où il s’agit pour la « vitalité«  (de l’Art : d’artistes authentiques !) de « s’affirmer à travers _ avec la fluidité véloce de la souplesse _ des installations, des rencontres, des concerts, à travers des interventions transitoires et momentanées _ oui ! _ qui gardent _ par cette délicate finesse de la légèreté _ le sens de la vie«  _ plutôt que de se perdre ; ou d’être anéantie, ou exténuée, lourdement, cette « vie«  ; désorientée, sans boussole, faute de l’« aimant«  (et de l’« aimantation« ) de vrais profonds désirs, amours, passions

Sur cela, cf toujours Bernard Stiegler (importants travaux en cours !) autour de l’« amatorat » !

Yves concluait ce « mot de présentation » de 1990 par un bref commentaire du titre même de l’exposition : « D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots _ « Pourrières » est déjà un nom magnifique : alors le lieu lui-même (!) au flanc de la « magique » Sainte-Victoire : on comprend qu’il y a eu là de quoi inspirer « vraiment » un artiste « profond » tel que Chen Zhen ! quant à quelque « résilience » (à la Boris Cyrulnik…)… _,


D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots,

le titre de l’ensemble de la manifestation _ de Pourrières, ce mois de juillet 90-là ; cela a fait dix-neuf ans cet été ! _ : « Chine demain pour hier« . « Pour hier », comme pensée et hommage ; « pour demain », comme création et vie » _ cf ce que François Jullien, expert en sinologie, nomme, avec beauté autant que justesse, les « transformations silencieuses » du « vivre« , par-delà le « mourir » ; qui peut ainsi, face au « trou noir«  du néant, n’en être qu’une « phase« , un « moment » : quand le processus, y compris celui du jeu des mouvements-forces de la « nature«  (mais y a-t-il vraiment « séparation » ?..), est « artiste« , du moins : c’en est l’impérative condition !..

Tout le crucial est dit ! Bravo Yves ! Bravo Michèle ! En 1990 déjà !

Pour une « économie de la contribution » : diagnostic et pharmacopée « anti-Viagra » (de l' »économie de la culture ») du docteur Stiegler

26oct

Vendredi dernier, à 10 h, au Conseil Régional d’Aquitaine, dans le cadre d' »ateliers » :

« le numérique et la créativité en région« ,

était organisé un « débat » :

« La créativité et l’innovation au cœur de la relation homme / territoire dans un monde numérique« , avec les interventions des philosophes Bernard Stiegler et Heinz Wismann, avec Hervé Le Guyader pour « modérateur« …

Une initiative pratique a priori (du moins…) utile, prometteuse, féconde ; et mieux que bienvenue :

de première urgence ! :

tant il est positif que le terrain (plus ou moins institutionnel) des « entrepreneurs« 

(« producteurs » _ « créateurs » ou « exploitants » : à y regarder d’un peu près, de l’Art et de la Culture : ici, je sens sur mes épaules comme un souffle d’ironie d’un Michel Deguy… : encore faut-il s’entendre sur les justes qualifications…)

comme celui des « décideurs«  (politiques) _ en sinon « locomotives de l’action« , du moins en « boosters » d’appoint, mais vitaux, à l’ère de la concurrence (mondialisée) acharnée « sur le terrain«  (régional, en l’occurrence)… _

bénéficie du diagnostic et des pistes (éclairants !) que proposent les philosophes les mieux informés et réfléchissants d’aujourd’hui…

Une aubaine…

C’est en curiosus (et ami de Bernard Stiegler ;

cf mon article du 31 mai dernier sur la conférence de Bernard Stiegler au Festival « Philosophia » de Saint-Émilion : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est « faire monde » à l’excellent festival « Philosophia » de Saint-Emilion« …)

que _ non « institutionnel« , que je suis, de facto _ j’accours à cette « rencontre«  ;

toujours en appétit _ personnel ! _ de la plus performante lucidité qui soit

pour toujours tenter d’un peu mieux (et de ma place ; et à mon échelle ! _ d’individu…) comprendre ce qui se passe présentement, ce qui se trame, dans le secret des flux (et tourbillons agités) humains les plus opérationnels dans le monde d’aujourd’hui :

j’essaie de « faire«  _ de ma place et à mon échelle, donc _ « le philosophe«  ;

et depuis le 3 juillet 2008, sur mon blog « En cherchant bien » _ ou « Les Carnets d’un curieux » : c’est son titre alternatif… _, je le partage (un peu) aussi (!) par l’écriture avec d’éventuels lecteurs un tant soit peu patients, en plus d’être, eux aussi, un tant soit peu curieux :

car il faut, certes, arriver à « suivre » le flux (un peu contourné, sinon réellement « labyrinthique« …), en son élan _ porteur, je voudrais croire … _ de mes circonlocutions,

ô « indiligents lecteurs »

(cf ici l' »Adresse » _ « Au lecteur«  _ inaugurale sublime des « Essais » du génialissime Montaigne, en 1581, à l’ouverture de la modernité philosophique :

l’article d’ouverture de ce blog annonçait la couleur ; on peut s’y reporter ; j’y suis _ de tempérament obstiné, ou têtu : par quelques ascendances bretonnes et basquaises, peut-être ; en plus d’être gascon ; et voisin de Montaigne, par mon enfance des côteaux surplombant la Dordogne… _ absolument fidèle)…

J’en viens au fait de la teneur de l’intervention (diagnostic + pharmacopée !) de Bernard Stiegler _ en « médecin consultant« , en quelque sorte... _ au Conseil Régional ce vendredi dernier 23 octobre

(cf aussi l’article de Bernard Stiegler : « Le Mépris« , sur le site « Culture Action Europe » du « Forum Européen pour les Arts et le Patrimoine« …) 

L’analyse du « modèle » de l »économie créative » au « menu » de cette rencontre organisée par le Conseil Régional d’Aquitaine a été proposée, dès 2001-2002, par John Howkins et Richard Florida (cf « Economie créative. Une introduction« , paru aux Éditions Mollat, en février 2009) :

cf John Howkins : « The Creative Economy« , 2001, Allen Lane ;

et Richard Florida : « The Rise of the Creative Class. And How It’s Transforming Work, Leisure and Everyday Life« , 2002, Basic Books ; et « Cities and the Creative Class« , 2005, Routledge…

Bernard Stiegler se déclare « en profond désaccord » avec ce modèle tout bonnement ségrégationniste d' »économie créative » du début des années 2000 ;

et selon lui les « pôles de compétitivité« , les « creative clusters » proposés par ces auteurs tels que Florida et Howkins ne sont que des « clusters Viagra » destinés à tenter de « relever » un peu l’énergie démotivée d’un modèle consumériste moribond _ et cela dès les années 80 ;

soit « remédier » à la « débandade » par défaut de désir du « consommateur« , en « dépression » chronique carabinée…

Un « psycho-pouvoir« , relevant le « bio-pouvoir » détecté et analysé par Michel Foucault dans la décennie 80,

vise au « contrôle de la vie de nos âmes » par une « destruction de la formation de l’attention« … 

« La crise économique » se trouve ainsi « devant nous« , souligne Bernard Stiegler ;

et se caractérise par « une perte de savoir généralisée » (soit, au sens étymologique, et selon Marx comme selon Adam Smith, une « prolétarisation« ) ;

une « crétinisation généralisée« , dit-il…


Aussi importe-t-il, sinon d’arrêter ce processus (peut-être « inarrêtable« ),

du moins, au moins, de le « penser » ;

et de le « retourner« , peut-être, vers (et pour) d’autres objectifs…

Aussi Bernard Stiegler propose-t-il d’abandonner les catégorisées usées  de « technologies de l’information et de la communication« , au profit de celles de « technologies cognitives et _ surtout ! _ culturelles » ;

avec pour résultats du déploiement des premières, une « paralysie de l’intellect« , « notamment politique« …

Et d’évoquer son expérience personnelle, au Centre Pompidou, de l’évolution vers un « consumérisme culturel » qu’il qualifie d' »effrayant » ;

avec l’obsession d' »augmenter les flux » des « visiteurs«  de passage, quand les œuvres demandent d’abord qu’on leur consacre du temps _ et un « dialogue«  : un tant soit peu serein… _ : « le temps de l’amour des œuvres« , précisément ! On ne peut pas aimer à la va-vite…


D’où l’urgente réhabilitation (et « renaissance«  : Bernard Stiegler embrayant ici sur les analyses éclairantes de Heinz Wismann) de l »amateur » et de l' »amatorat« .

En lieu et place d’une « consommation« , passive (et clonée) qui « consume« ,

aider au passage à une « économie«  _ active et pleinement créatrice _ de la contribution » !..


Toute technique est _ ainsi que l’a montré Jacques Derrida, d’abord en sa « Pharmacie de Platon«  _ un « pharmakon« , ambivalent : selon la dose, le médicament-drogue qui soigne devient un poison qui tue ! les pharmaciens ne distribuent donc les « médicaments » que selon ce que prescrivent, avec l’autorité certifiée de leur savoir, les médecins ;

sinon, ils ne sont plus que des « dealers« …

L' »amateur » (d’Art et de culture) qui se forme à l’expérience _ toujours et nécessairement, pour être vraiment « authentique« , singulière _ des œuvres et à l’épreuve d’échanges continus (et critiques) de « jugements de goût » avec d’autres témoignant peu à peu de leur propre compétence en cette matière complexe, infiniment fine et subtile, et prenant du temps,

est celui qui parvient à « porter au comble une intensité«  _ de joie, ajouterais-je… _ qui, sinon, « se perd dans le flux des choses substituables » ;

cela pouvant aussi passer, et nécessairement _ cf André Leroi-Gourhan : « Le Geste et la parole » ; et Sylvain Auroux : « La révolution technologique de la grammatisation. Introduction à l’histoire des sciences du langage« , paru en 1994, aux Éditions Pierre Mardaga… _, par certains artefacts…

Adressant le lendemain un courriel à Bernard Stiegler que je n’avais matériellement pas pu « saluer » après son intervention en séance publique,

 De :   Titus Curiosus

Objet : Intervention au Conseil Régional d’Aquitaine
Date : 24 octobre 2009 07:23:13 HAEC
À :   Bernard Stiegler

voici ce que je lui déclarais :

La séance d’hier au Conseil Régional m’a évoqué « L’Invitation » de Claude Simon…

Je suis un peu effrayé de, je crains, l’inefficacité de ces raouts
(même si on peut rêver qu’une petite graine d’une « piste » lancée là pourrait germer…) ;

il est pourtant tellement nécessaire
que certains « décideurs » comprennent un peu mieux
et agissent autrement…

Les intermédiaires de la culture
sont redoutables…

Bien de la surdité et de la veulerie régnaient comiquement, pensais-je pendant le « buffet« …
Là, je me remémorais le rire ravageur du Thomas Bernhard narrateur des « Arbres à abattre« 
_ dont le sous-titre est : « une irritation« 

J’admire votre énergie…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Voilà.
Les enjeux sont si cruciaux…

Titus Curiosus, ce 26 octobre 2009


Post-scriptum :

voici l’intégralité de l’article de Bernard Stiegler « Le Mépris » cité plus haut ; et farci de quelques commentaires miens, en plus des gras que j’y dépose ;

il résume bien le sens de l’intervention-contribution de Bernard Stiegler au Conseil Régional d’Aquitaine vendredi dernier vers 11 heures… :

« L’Union Européenne et sa Commission subissent à nouveau l’affront d’un scrutin qui les désavoue _ calamiteux comme jamais, comme si la « construction de l’Europe » ne pouvait que conduire à la destruction de la vie démocratique qu’elle prétend incarner _ certes ! quelle tragédie pour nous tous que cette « destruction de la vie démocratique«  !!! _, et produire amertume et défiance des Européens _ en effet, de facto _ vis à vis de ce qu’ils ne reconnaissent donc pas _ certes ! _ comme l’Europe _ son « idée« , son « idéal régulateur« , dirait un Kant… ; cf, justement, de mon ami François Jullien, son tout récent « L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe«  _, mais, tout au contraire, comme l’organisation de son discrédit _ voilà ! est-ce aussi là une part (au moins…) de son « destin«  ?.. _, sur le plan intérieur aussi bien que sur le plan international _ et se résignent à subir, passivement…


Or, après l’effondrement du consumérisme fordiste _ un fait crucial _, advenu au cours de la crise de 2008 _ le krach financier et bancaire d’octobre 2008 _, il est évident que la coopération européenne est plus urgente que jamais pour contribuer à inventer _ oui ! cf « L’Institution imaginaire de la société« , cette œuvre visionnaire et indispensable du grand Cornelius Castoriadis _, particulièrement avec l’Amérique et l’Asie, un nouveau modèle industriel _ oui ! et plus fécond ! _ capable de surmonter la situation proprement catastrophique dans laquelle ce qu’il faut appeler « le règne de la bêtise systémique«  _ magnifique formulation d’une lucidité confondante ! hélas… _ a plongé l’humanité toute entière _ voilà ! Ce nouveau modèle industriel doit inventer un « nouveau mode de vie« , c’est à dire une « nouvelle culture«  _ authentiquement démocratique : pour accoucher du meilleur de l’humanité ; au lieu du pire, pour les profits (financiers et de pouvoir) mesquins et minables de très peu, comme c’est le cas de la « pente » prise aujourd’hui…

La « bêtise systémique » que cette « nouvelle culture » doit dès maintenant combattre _ voici la tâche sollicitant les ardeurs plus rationnelles ! _ a été engendrée et imposée par l’hégémonie du marketing _ oui ; cf sa théorisation par Edward Bernays (neveu de Siegmund Freud, expatrié aux États-Unis ; et créateur du marketing) : « Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie« , dès 1928… _, dont les industries dites « culturelles«  _ sic, en effet ! c’est une auto-proclamation de leur part !.. il s’agit le plus souvent, et à échelle « mondialisée« , d’« industries de l’entertainment«  (!) _ auront été le bras séculier _ redoutablement efficace… _ : totalement soumises aux impératifs consuméristes, celles-ci auront lentement mais sûrement détruit la _ réelle  et vraie ! _ culture _ et, en cela, systématisé le règne de la bêtise _ par la « crétinisation » de masse des esprits ; cf aussi Dany-Robert Dufour : « L’Art de réduire les têtes«  _ en obnubilant les esprits _ oui ; par une opération de focalisation d’immense envergure… _ et en discréditant les institutions en charge de les élever _ à commencer par l’école ; cf ici le « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler lui-même. Dans ce contexte, ce que l’on appelle depuis Malraux la « démocratisation de la culture » s’est renversé et décomposé en « consumérisme culturel«  _ voilà !

Or, le modèle consumériste est mort _ ou moribond : tel est le diagnostic que pose et porte Bernard Stiegler _, et le « consumérisme culturel » avec lui _ s’il est vrai qu’il était fondé sur l’opposition fonctionnelle des producteurs _ vendeurs _ et des consommateurs _ acheteurs… Avec le fordisme, et avec les grandes industries de la métallurgie qui le mirent en œuvre, et qui dominèrent grâce à lui le XXè siècle, s’effondrent aussi les « industries culturelles » qui imposèrent à la culture _ au sens que critique de sa verve (et alacrité) le grand Michel Deguy ! cf son très beau et si juste « Le Sens de la visite » (aux Éditions Stock, en 2006 : une merveille !) _ la fonction d’organiser _ fort méthodiquement _ la consommation _ tout en détruisant les publics _ amateurs-amoureux singuliers : authentiquement « cultivés« , eux ; cf ici les magnifiques travaux de mes amies Marie-José Mondzain, « Homo spectator« , et Baldine Saint-Girons, « L’Acte esthétique » : indispensables !!! _ des œuvres, transformés _ ces dits « publics«  _ en audiences _ voilà : mesurées, comptabilisés, par le très précieux « audimat«  Il est triste que Michel Piccoli, dont le personnage « méprisé » incarne précisément cette question dans _ le film de Jean-Luc Godard, en 1963 _ « Le Mépris » _ d’après le roman éponyme d’Alberto Moravia « Le Mépris« , paru, lui, en 1954… _, en ait eu si peu conscience _ lui, Juliette Greco et quelques autres qui auront bien « profité » de ce système : « bien« , c’est à dire avec art _ l’accroche de cette allusion m’échappant pour le moment…

Depuis quatre ans maintenant, « Ars Industrialis«  _ qu’anime Bernard Stiegler ; et qui me fit l’honneur de publier, en avril 2007, mon article « Pour célébrer la rencontre« , en appendice à une présentation de « De la Démocratie participative _ fondements et limites » de Bernard Stiegler et Marc Crépon… _ affirme que ce modèle _ consumériste _, qui suscite tant de mépris, n’est plus soutenable, et qu’une autre organisation de l’économie industrielle est possible :

celle que nous appelons « l’économie de la contribution«  _ expression et concept à retenir ! à une époque où le terme « impôt » a été vilainement substitué à celui de « contribution« _, fondée sur les caractéristiques des réseaux et technologies numériques, où le couple fonctionnel production/consommation  _ ainsi que cet autre couple fonctionnel : vente/achat ?.. _ n’est plus pertinent. Le contributeur _ actif-effectif _, qui n’est ni un consommateur ni un producteur, met en œuvre des technologies cognitives et culturelles qui forment ensemble des technologies de l’esprit.

De toute évidence, le nouveau milieu social, de plus en plus pénétré par ces technologies, fait pour le moment apparaître et proliférer surtout des modèles hyperconsuméristes, addictifs _ cf « Addict » d’Avital Ronell… _, extrêmement mimétiques _ à rebours de l’originalité, voire « génialité«  vraies… _, que le marketing organise très systématiquement _ les algorithmes de l’hypertechnologie y aidant _ ; et dont il exploite les possibilités inouïes de contrôle comportemental individualisé et de manipulation des groupes _ d’utilisateurs dont est activée une hyper-passivité « réflexe«  Autrement dit, les réseaux numériques, les technologies culturelles qui s’y développent et les pratiques sociales qui s’y inventent sont porteuses _ a priori ! _ de possibilités radicalement alternatives _ et en lutte _ :

_ l’une est ce qui rend possible l’invention de relations économiques et industrielles fondées sur l’investissement _ possiblement enthousiaste _ personnel et collectif ; « l’intelligence partagée » ; et la formation de nouveaux espaces et de nouveaux temps critiques _ un point crucial ! _ soutenus par une politique industrielle des technologies de l’esprit qui doit être avant tout une politique culturelle, associant très largement les artistes, les écrivains, les penseurs et les scientifiques _ acteurs ; et « authentiques » (pas « imposteurs » : ce point-ci étant de mon fait !..) ; dont le « génie«  œuvre effectivement

_ l’autre vise _ a contrario _ à étouffer dans l’œuf _ c’est plus sûr ! ne pas laisser s’établir d’autres réseaux, d’autres flux, des habitudes de pratiques concurrentes ! _ les possibilités inédites que les technologies culturelles ouvrent _ vraiment : en une véritable liberté créatrice ; et pas du tout seulement illusoire… _ à un nouvel âge de la vie de l’esprit _ en ce début de XXIème siècle _, et à augmenter _ au contraire ! _ le pouvoir de contrôle _ oui _ comportemental, d’instrumentalisation _ voilà ! _ des artistes, écrivains, penseurs et scientifiques _ réduits à des objets et images (voire à des marques) _, et d’hyperconsumérisation de la culture _ elle-même : en touts cas de ses ersatz, ou de certaines de ses « retombées » seulement ; coupées des élans vrais, « créateurs« , eux (d’œuvres), mobilisateurs d’attention aigüe et d’enthousiasmes autrement « porteurs«  (et inspirants)… _, en aggravant encore la « bêtise systémique » _ malgré la catastrophe économique à laquelle celle-ci a _ pourtant _ déjà conduit le monde en 2008.

Il ne fait pas de doute que l’Union Européenne _ sous laquelle de ses « espèces » ?.. la Commission ? le Parlement ? les chefs d’État se mettant d’accord lors de « sommets«  ?.. _ n’a pas choisi la première possibilité, même si rien ne prouve qu’elle aura choisi la seconde : l’Union est un organisme complexe _ certes _ que peuvent traverser des conflits _ des tensions, des jeux non joués entièrement tous à l’avance… Mais il est certain que son absence de clarté _ certes ! cf sa porosité aux lobbies _ en ce domaine comme en tant d’autres aura contribué à son échec électoral _ à quoi fait précisément allusion Bernard Stiegler ici ?.. à l’augmentation galopante de l’abstention des électeurs aux « votations«  ?.. Car chacun sait aujourd’hui, délibérément ou intuitivement, dans l’Europe comme dans le monde entier, que faute d’un sursaut de l’intelligence collective _ « solidaire« , forcément : embarquée sur un même et unique bateau : la « nef des fous«  ?.. _, l’avenir du monde entier est compromis à brève échéance _ mais s’en soucie-t-il, ce « chacun«  qui « sait« , pour autant ?… cf le mot fameux (rapporté) de la Pompadour à Louis XV : « après nous, le déluge«  ; le mot aurait été prononcé, en manière de consolation au roi, le soir de la nouvelle de la défaite face à la Prusse, le 5 novembre 1757, à RossbachEt tout le monde _ des acteurs « vrais«  de la culture « authentique«  ?.. _ attend _ pour le reste, relire toujours le portrait du « dernier homme » du « discours du Surhumain » du superbe de lucidité « Prologue » d’« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » de Nietzsche (la précision est cruciale) : sur la pente savonneuse du nihilisme où s’entraîne l’humanité… _ que l’Europe _ celle de tous les Européens ? _ joue enfin le rôle que sa puissance économique et culturelle _ doublement ? _ lui impose _ en droit ; sinon en fait : ainsi, la démocratie se donne-t-elle, ne serait-ce que sur le plan politique, les dirigeants qu’elle « mérite » ? afin d’encourager le meilleur des œuvres possibles de cette « Europe«  ; de ces « Européens«  ?.. Cf ici le si pertinent « Qu’est-ce que le mérite ? » (aux Éditions Bourin), de mon autre ami lucidissime, lui aussi, Yves Michaud…

Jamais la question de l’alternative _ Hic Rhodus, hic saltus ! _ ouverte par la numérisation n’aura été _ réellement _ posée dans ce dont on nous parle _ voire « abreuve«  _ sous les noms _ flambants _ d’ »industrie de la connaissance« , de « société de savoir« , de « bataille de l’intelligence » et d’ »économie créative«  : autant de discours qui semblent plus vouloir conjurer par des incantations _ hélas : quand les mots se substituent aux choses ; ou l’ère (se poursuivant…) des « conduites magiques« _ la réalité _ carnassière _ du « capitalisme cognitif », également appelé « culturel », qui produit pour le moment exactement le contraire _ certes ! _ de la connaissance, du savoir ou de la création, que mettre un terme au « règne _ bien effectif, lui ; et auto-satisfait : à la Monsieur Homais… _ de la bêtise«  _ mais bien masqué par la panoplie ultra habile de tous les faux-semblants de la démagogie ! combien de victoires électorales a t-elle, celle-ci, la démagogie, ainsi, à mettre à l’actif de son « tableau de chasse » ?.. _, dont ces discours participent eux-mêmes très souvent de la façon la plus directe _ en effet : la propagande de l’idéologie est d’autant plus efficace qu’inaperçue : en douceur et rires allègres de connivence…

Et pas une seule fois la question de cette alternative n’aura été évoquée dans le cadre de  « l’année européenne de l’innovation et de la créativité » voulue en 2009 par le président de la Commission européenne _ brillamment réélu : M. José Manuel Durão-Barroso ; pose-t-il jamais les vraies questions de fond ?.. Que veut dire ici « créativité » ? Il ne fait pas de doute que, rapproché du mot « innovation« , il fait référence aux concepts de creative economy et de creative class, avancés par John Howkins et Richard Florida en 2001 et en 2002 respectivement. Les thèses de Florida et Howkins émergent sur le fond d’une théorie managériale _ voilà _ de la créativité qui est elle-même une version de la théorie _ managériale ? _ de l’innovation. Sa spécificité consiste à poser que la source de l’innovation est la créativité des individus.

Toute la théorie de l’innovation a été pensée dans le cadre consumériste _ d’une économie du taux de profit de la vente (sur un marché). Cependant, tandis qu’elle aboutissait au concept d’ »économie créative« , se développaient _ aussi, à côté _ les nouvelles pratiques qui ne correspondent plus à ce modèle consumériste fondé sur la grégarisation _ voilà ! cf la litanie rigolarde des « nous«  des « derniers hommes«  clignant des yeux d’autosatisfaction, du « Zarathoustra«  de Nietzsche… _ de l’individu _ se pensant même (= se figurant, se croyant, se leurrant : illusoirement !) « original« , en la « singularité » apparente de sa « conscience de lui-même » distincte, certes, de sa « conscience des autres«  : chacun comme une île… _, mais sur la « contribution«  _ à des échanges de réciprocité et mutualité, éventuellement _ qui met en valeur la singularité _ réelle et « vraie« , elle : mais bel et bien « à constituer«  dynamiquement, « découvrir« , « faire émerger«  en des actes, en des œuvres effectivement réalisées ; pas avant ! _ de l’individu _ ou plutôt de la personne _ dans un modèle collaboratif, c’est à dire intrinsèquement social _ avec des exemples désormais connus tel Wikipédia, le monde open source et le modèle des creative commons, ce qui constitue le vrai sujet de ce que l’on appellera non pas l’économie créative, mais la « société contributive« .

L’absence totale de vision et de compréhension de ces enjeux _ au profit de l’abandon à la « main aveugle » du marché, livré seulement à l’alea du jeu de ses forces… _ est l’un des nombreux facteurs d’échec _ actuel _ de l’Union européenne. Celle-ci ne vivra, c’est à dire qu’elle ne saura unir _ voilà _ les pays et les populations qui la composent, que le jour où elle prouvera _ aux Européens citoyens : la chose est encore bien difficile à faire advenir… qui, seulement, la veut ?.. _ qu’elle a une vision d’avenir. Cette « année de l’innovation et de la créativité » aurait dû être consacrée à orienter _ car tel est là le pouvoir du politique _ le processus de numérisation en cours, qui affecte toutes les dimensions de la vie psychique et sociale, vers la mise en œuvre d’une nouvelle politique industrielle, mettant la culture et l’esprit _ actifs _ au cœur de son déploiement, comme « économie de la contribution« , contre le consumérisme, et en premier lieu, contre le consumérisme _ dit, bien improprement : c’est une tromperie considérable ! Cf Michel Deguy… _ « culturel » _ afin d’inventer un nouvel âge industriel fondé sur l’économie d’une valeur plus précieuse que toute autre : l’intelligence, au sens où le XVIIIème siècle la met au fondement de la sociabilité sous toutes ses formes, sensibles aussi bien qu’intellectives _ à l’inverse de la crétinisation, donc…

Il n’en aura rien été _ cette année 2009-ci, du moins… Et c’est pourquoi le monde culturel européen _ en l’espèce des personnes le « constituant«  par leur activité vraiment « œuvrante«  (et pas par les à-côté people !..)… _ ne se sera pas plus _ activement _ mobilisé que les peuples de l’Union dans l’exercice démocratique _ de « votation », lui… _ qui leur était proposé. Il n’est cependant jamais trop tard _ ah ! l’Histoire n’est pas à sens unique… C’est pourquoi nous appelons _ voici… _ les artistes, les écrivains, les penseurs et les scientifiques de toute l’Europe à se mobiliser en se rassemblant à Bruxelles avant la fin de cette année pour que la culture soit _ enfin !

… 

on connaît la « pensée » (apocryphe ! seulement… : il s’agit d’un désormais célèbre hoax !) que Hélène Ahrweiler prêta, au conditionnel de l’idéel, seulement, donc, à Jean Monnet : « si c’était à refaire, je commencerais par la culture… » ; mais l’Histoire ne se refait pas !!! : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture, pourrait s’écrier Jean Monnet s’il revenait parmi nous« , s’était précisément exprimée madame Ahrweiler, en un discours public pour une cérémonie d’ouverture des « États généraux des Etudiants Européens« , dans la décennie 80… : on mesure excellemment là toute la fonction, en toutes ses ambivalences, justement, de l’« idéal«  ;

fonction (et ambivalences) à laquelle (et auxquelles) vient de consacrer une très significative étude François Jullien : « L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe » ; en confrontation avec le « penser«  dynamisant chinois

(cf du même François Jullien le récent aussi « Les Transformations silencieuses«  ; ainsi que « La Propension des choses : pour une histoire de l’efficacité en Chine« )_

pour que la culture soit mise _ réellement ; grâce à des décisions d’engagement économique des Politiques _ au cœur du projet de l’Union européenne de demain, et au service d’une renaissance _ « concept » parfaitement analysé et commenté, à excellent escient, par Heinz Wismann lors de sa propre intervention au Conseil Régional d’Aquitaine, vendredi dernier 23 octobre, au matin _ de la société industrielle _ dont l’Europe des Lumières fut le berceau  historique.

Bernard Stiegler

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