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OPA et titrisation réussies sur « l’art contemporain » : le constat d’un homme de goût et parfait connaisseur, Jean Clair, en « L’Hiver de la culture »

12mar

Avec L’Hiver de la culture, qui paraît ce début mars aux Éditions Flammarion (dans l’incisive collection Café Voltaire !),

Jean Clair nous livre un aussi sobre que brillantissime constat

en même temps qu’un lumineux et essentiel historique, parfaitement informé, et plus encore d’une admirable justesse !

de ce qu’est devenu, pour le principal, à partir d’une OPA rondement menée et admirablement réussie, l’actuelle titrisation de l' »Art contemporain«  _ de marque certifiée (et dûment estampillée !) conforme ! _ au sein des Arts plastiques

_ pas mal ravagés, en effet : beaucoup d’« artistes«  vrais (!), eux, ayant « disparu« , « sacrifiés«  à « la circulation et la titrisation d’œuvres (…) limitées à la production , quasi industrielle, de quatre ou cinq «  hyper-habiles faiseurs triés par « l’oligarchie financière mondialisée«  qui en « décide«  : ces expressions-clé se trouvent, elles, à la page 104 ; « morts sans avoir été reconnus« , et « désespérés souvent de cette ignorance« , conclut son rapport sur l’état présent de l’« art contemporain«  Jean Clair, page 141, terminant le livre par : « c’est pour eux que ce petit livre aura été écrit«  _,

aujourd’hui :

le « constat« 

_ soit une « promenade d’un amateur solitaire à travers l’art d’aujourd’hui, ses manifestations, ses expressions. Constat d’un paysage saccagé, festif et funèbre, vénal et mortifiant« , ainsi que le présente excellemment la quatrième de couverture !!! _,

d’un homme de (vrai) goût, parfait connaisseur, et on ne peut plus et mieux expert de ces « affaires« ,

est tout bonnement implacable

en sa complète justesse _ hélas : quant à l’imposture parfaitement (= machiavéliennement ! re-lire toujours les fondamentaux, dont Le Prince…) réalisée il y a déjà quelque temps et plus que jamais en vigueur aujourd’hui… _,

qui nous met sous le nez, et imparablement soumet et montre à notre regard _ qui n’en peut mais, il n’y échappe pas… _ de lecteur, l’essentiel !


Ce petit livre de 141 pages est ainsi décisif :

le roi (des affaires ! _ de ce marché (lui aussi très juteux pour qui sait y bien opérer-manœuvrer) qu’est « la culture« , ici en la branche des « Arts plastiques« ) est _ bel et bien _ nu !

A poil !

Sans le moindre appareil _ qui (nous) dissimulerait encore quoi que ce soit de sa peau ainsi dé-masquée…

Un peu à la façon, à la fin de Gorgias

_ aux pages 303 à 311 de l’édition Garnier-Flammarion en la traduction de Monique Canto-Sperber ; voici le texte (assez parlant !) de la quatrième de couverture : « Sans doute le plus animé et le plus féroce des dialogues platoniciens dans lequel Platon s’attaque au fondement de la démocratie et esquisse une nouvelle forme de pouvoir. Il se veut le protocole éthique _ voilà ! _ d’un engagement politique _ qui soit mieux fondé ! que celui qui a présentement cours… _ et débat donc des conditions  _ vraies _ du gouvernement de soi et des autres. Le ton du Gorgias est particulièrement violent, et pas seulement à l’égard de la rhétorique. Le dialogue formule une des critiques les plus radicales qui aient été adressées à la démocratie athénienne, à ses valeurs dominantes et à sa politique de prestige. En effet, Socrate s’en prend à tous les aspects de cette politique, du plus concret au plus idéologique. Mais l’essentiel de la critique vise la condition qui donne à la démocratie athénienne ses principaux caractères. Or cette condition est la même que celle qui assurait l’influence de la rhétorique. Il s’agit de la foule comme sujet dominant de la scène politique _ en son ignorance et sa crédulité… Le gouvernement de la liberté est un gouvernement de la foule, c’est-à-dire de l’illusion, du faux-semblant et de la séduction _ voilà ! La critique de la rhétorique débouche donc directement sur la critique de la démocratie« … _,

de Platon nous faisant montrer par Socrate, le jugement dernier (des âmes), outre-tombe, au royaume des morts : jugés et juges (Minos, Rhadamante et Eaque, tous trois rien moins que fils de Zeus…) sont, tous et également, nus : « rien qu’une âme qui juge une âme« , dit Zeus, ayant « laissé sur la terre » tout le « décorum«  qui « impressionne les juges » ordinairement… : car « c’est _ un tel dé-pouillement _ le seul moyen pour que le jugement soit juste« …

Quant aux « ravages » accomplis,

je relèverai simplement la très simple et retenue _ sans pathos _ conclusion de Jean Clair, à l’avant-dernier alinéa, page 141 :

« Les gesticulations convenues des gens d’Église et des fonctionnaires d’État admirant _ volontiers très publiquement assez fréquemment _ l’« art contemporain » _ objet du tout dernier chapitre, « Les Deux piliers de la folie« , pages 127 à 141 _, si contraires à leurs fonctions et à leur mission _ officiellement de fondation-légitimation, et civilisatrices _, évoquent les pantomimes burlesques des Fêtes des Fous lorsque le Moyen Âge touchait à sa fin.« 

Et Jean Clair alors de splendidement _ et douloureusement _ conclure, au dernier alinéa, tout l’essai _ et voici, cette fois, la phrase en son entier _ :

« Cela aurait peu d’importance _ en matière de fond (des choses) !

Mais entre-temps _ et en partie en conséquence plus ou moins directe de cela : un point à un peu mieux établir… _, combien d’artistes, dans le siècle qui s’est achevé et dans celui qui commence,

incomparablement plus maltraités _ via le baillon du silence-radio de toutes les presses, d’abord… _ que leurs compagnons _ d’infortune _ de la fin de l’autre siècle qu’ont avait appelés _ presque aussitôt _ des artistes « maudits »,

ont-ils disparu _ voilà ! : dans le gouffre-vortex du néant de la renonciation aux œuvres, tout d’abord, de leur part : et là, est bien le premier rédhibitoire ! hélas… : s’arrêter, pour un artiste vrai, d’œuvrer ! _,

sacrifiés _ voilà ! _,

dans l’indifférence _ voilà !.. _ des pouvoirs supposés les aider,

morts sans avoir été reconnus _ des autres _,

désespérés trop souvent _ tous n’ayant pas, en effet, la rare force d’âme du génial Lucien Durosoir (1878-1955), musicien plus qu’indifférent, lui (carrément immunisé contre…), à l’exécution en concert de ses compositions, se contentant de (et se concentrant à…) parfaire chaque œuvre sur le papier de son écriture, et remisant, admirablement confiant, les manuscrits (très) achevés en son « tiroir« , pour une postérité un peu plus curieuse et soucieuse seulement de la qualité de l’Art (l’œuvre !) ; et non plus du (misérable !) savoir-vendre de l’artiste !.. Sur Durosoir, cf mes précédents articles ; par exemple celui-ci, du 25 janvier 2011 : Les beautés inouïes du “continent” Durosoir : admirable CD “Le Balcon” (CD Alpha 175) _ de cette ignorance _ les rongeant, à détruire certains d’entre d’eux.

C’est pour eux que ce petit livre aura été écrit« …

Voilà pour cette introduction à ce livre imparable, en la justesse et la force de sa lumière,

de Jean Clair…

Le chapitre crucial de l’essai

est très probablement, à mes yeux, le chapitre VII, pages 95 à 109 : « La Crise des valeurs » _ loin de n’être qu’« esthétique«  ; ou circonscrite aux Arts, cette « crise«  !.. Et c’est là un élément on ne peut plus décisif du « constat«  (éclairant !) qu’est ce livre : quant au « sens«  même du « vivre«  : rien moins !..

Car c’est bien, en effet, du « sens » même du « vivre« , de l' »exister », du « faire » et du « sentir« , humainement ou in-humainement _ voilà ! _, qu’il s’agit,

soit affronter et renverser le nihilisme !,

en cette question de la hiérarchie des « valeurs« , et de leur « crise » actuelle (et indurée)…

La référence, page 102-103 au Schaulager de Bâle

_ « Le Schaulager de Bâle (…) n’est pas une collection au sens propre, c’est-à-dire un ensemble à peu près fixe et inventorié, mais plutôt un stock d’œuvres qui varie, s’agrandit ou se vide. Une exposition publique mais discrète permet chaque année à quelques invités de découvrir les modèles dont l’obscurité du bâtiment garde les prototypes. Parallèlement la Foire de Bâle, dont on ne peut comparer les stands qui se succèdent qu’aux présentations d’été des grands couturiers, montre des productions voisines mais de plus grande série et plus facilement portables. Les responsables de la Foire, au long des années, ont d’ailleurs fini par éliminer de leur sélection les galeries dont l’orientation esthétique n’était pas jugée assez proche de ce qui peut se voir dans le Schaulager. Le système _ c’est est un ! fort cohérent ! _ a été verrouillé« _,

reprend l’analyse de cette institution (très discrète) , entamée page 20,

alors à travers la question de l’architecture muséale :

dans le cas de la forme architecturale du bâtiment de ce Schaulager bâlois,

il s’avère qu’il s’agit d’une forme architecturale « simple, sévère et fonctionnelle, sans presque aucune ouverture sur l’extérieur comme il se doit : ce lieu qui n’est « ni » ceci _ « ni un musée«  _ « ni » cela _ « ni un entrepôt«  : selon le discours officiel de cet « établissement privé«  sur son propre statut… _, mais qui se referme et sur le secret de ses trésors et sur la discrétion de ses opérations« ,

une forme qui « ne pouvait qu’adopter la géométrie des coffres bancaires« , lit-on au final de la page 21 _ dès le tout premier chapitre de l’essai, intitulé « Les Instruments du culte » ;

cf, ceci, page 10 :

« Églises, retables, liturgies, magnificence des offices : les temps anciens pratiquaient la culture du culte.

Musées, « installations », expositions, foires de l’art : on se livre aujourd’hui au culte de la culture.

Du culte réduit à la culture _ d’abord _,

des effigies sacrées des dieux aux simulacres de l’art profane _ ensuite, en la modernité _,

des œuvres d’art aux déchets des avant-gardes _ maintenant, en la post-modernité _,

nous sommes en cinquante ans _ soit de 1960 à 2010-11… _,

tombés

dans « le culturel » :

affaires culturelles, produits culturels, activités culturelles, loisirs culturels, animateurs culturels, gestionnaire des organisations culturelles, directeurs du développement culturel, et, pourquoi pas ? : « médiateurs de la nouvelle culture », « passeurs de création », et même « directeurs du marketing culturel »

Toute une organisation complexe _ sur modèle ecclésial : en visée de gestion d’un sacré de substitution, en quelque sorte… _ de la vie de l’esprit, disons plutôt des dépouilles de l’ancienne culture,

avec sa curie, sa cléricature, ses éminences grises, ses synodes, ses conclaves, ses conciles, ses inspecteurs à la Création, ses thuriféraires et ses imprécateurs, ses papes et ses inquisiteurs, ses gardiens de la foi et ses marchands du temple.

Au quotidien,

comme pour faire poids à cette inflation du culturel,

on se mettra à litaniser _ voilà, en cette novlangue que sut admirablement pointer, dès 1948, George Orwell, in 1984 _ sur le mot « culture » : « culture d’entreprise », « culture du management » (dans les affaires) _ etc. : j’abrège…

Cent fois invoqué, le mot n’est plus que le jingle _ voilà ! _ des particularismes, des idiosyncrasies, du reflux gastrique,

un renvoi de tics communautaires,

une incantation des groupes, des cohortes ou des bandes qui en ont perdu l’usage _ voilà le retournement basique de la novlangue !

Là où la culture prétendait à l’universel,

elle n’est plus que l’expression de réflexes conditionnés _ très basiquement pavloviens ! _,

de satisfactions zoologiques«  : nous y reviendrons (ce point-là étant loin d’être marginal) ; fin de l’incise ;

revenons à l’institution du Schaulager bâlois, page 21 :

« Le Schaulager à Bâle est un vaste bunker de béton, édifié dans les faubourgs de la ville patricienne, qui abrite quelques milliers d’œuvres d’« art contemporain », sélectionnées et calibrées _ voilà ! _ comme des légumes d’élevage.

C’est un établissement privé _ oui ! _ qui affirme n’être « ni un musée ni un entrepôt » _ voilà pour le ni-ni !.. _, mais pourtant se dédier _ noblement, sinon sacralement !.. _ « à la créativité et à la transmission _ voilà surtout… _ de l’art contemporain ».

De fait, c’est sa mission,

mais elle s’accomplit sur un mode discret.

Il ne se visite pas,

sinon par autorisation spéciale, délivrée principalement à des professionnels du milieu de l’art _ j’adore cette expression.

Cela explique qu’on en parle si peu _ dans les médias :  comme on parle très peu de tout pouvoir réel : le silence et l’ombre sont les conditions (cf la leçon machiavélienne de pragmatisme…) de l’agir efficace _, alors qu’il est devenu _ très vite _ un rouage essentiel _ tout fonctionnant ainsi _ du marché  _ nous y voilà ! Vive la Suisse et son secret bancaire… N’est-ce pas, Jean Ziegler ?

Il est à l’art _ voilà ! ce Schaulager-ci… _ ce que la banque est à l’argent,

un saint des saints où quelques initiés décident _ voilà : un lieu de pouvoir ! _ des cours et des investissements«  _ à la jointure de l’économique et de l’artistique : voici l’étalon-or (et/ou nerf de la guerre) au centre névralgique, ou plutôt cérébral, de toute cette « affaire«  !..

Jean Clair,

au-delà de ce cas très discret, mais bien plus qu’exemplaire, révélateur !, de ce qui se décide et se fait très effectivement en matière d’affaires d' »art contemporain« ,

du Schaulager de Bâle,

souligne excellemment qu’un tournant du devenir des musées (et du choix de leurs fonctions) s’accomplit _ très vite, déjà _ « en cinq ou six années » (page 32, dans le chapitre « Le Musée explosé« ) peu après Mai 68, en France :

« Mai 68 ne marquait pas l’avènement _ désiré par quelques uns _ d’une société égalitaire et fraternelle, exaltant une pensée populaire grâce à laquelle les musées devaient, comme l’avaient voulu les artistes d’avant-garde, exploser et s’ouvrir à la vie. Il ne provoqua _ de fait, voilà… _ que le charivari _ seulement réactif : un symptôme !.. _ qui, dans les sociétés traditionnelles, accompagne les nouveaux mariés. Mais, cette fois, le mariage _ en voie (déjà avancée) de consommation dès cette décennie des années 60, donc… _ unit la société française _ et ses représentants politiques dans les institutions de pouvoir de l’État : les Georges Pompidou, et Valéry Giscard d’Estaing, au premier chef, avant bien d’autres : le premier créa ce qui fut baptisé après sa mort « Centre Pompidou«  ; le second, le musée d’Orsay… _ au capitalisme international. (…) C’est le monde ancien tout entier, rural et ouvrier, qui fut emporté _ voilà ! _ en cinq ou six années« .., pages 31-32…


Que cherche alors, désormais _ et à l’autre bout de la chaîne de l’Art… _, « le pèlerin moderne, le gyrovague artistique,

l’automate ambulatoire qui itinère _ de musée en musée, d’abord… _ du Louvre jusqu’à Metz, de Londres à Bilbao et de Venise _ ville d’où je reviens du colloque « Lucien Durosoir« , au Palazzetto Bru-Zane les 19 et 20 février derniers : mais, de fait, je préférai, lors de mon temps libre à Venise, arpenter et parcourir les divers quartiers (surtout ceux vierges de foule de touristes), et découvrir l’intérieur (presque trop riche) des églises, plutôt que de suivre le rituel assez ennuyé des visiteurs de musées… _ au MoMA,

celui qu’incarnaient jadis, au mieux, Ruskin ou Byron,

ou bien, à présent, les passagers des tour operators,

que cherche-t-il ?

Quel salut _ le mot parle ! _

de la contemplation _ qui s’y adonne ? qui s’en donne le vrai temps ? _ d’œuvres

qui seraient, à elles seules _ dans quelle mesure (hors mesure !) ?.. _, la récompense _ en effet : tel un gain substantiel (et vrai ! par un effet profond, « comblant« , et durable de « présence«  incorporée !..) d’humanité ! _ de ces migrations ? « , page 53 ;

avec cette réponse, page 54 :

« On y découvre _ en ces musées de par le monde (contemporain) _ un désarroi commun, une solitude augmentée _ chez la plupart des visiteurs _, quand la croyance a disparu«  _ dans la désertification en expansion continue (cf Nietzsche : « Le désert croît« …), sinon irrésistible (Nietzsche en appelait, lui, au sursaut du sur-humain, en son Zarathoutra, un livre pour tous et pour personne…), du rouleau-compresseur du nihilisme… La beauté ne devenant plus qu’un vague décorum esthétique : réduit en quelque sorte à l’ordre seulement de l’agréable… Cf ici Kant (qui ne se faisait pas à la réduction du beau à l’agréable !), et sa Critique de la faculté de juger

Jean Clair commentant cette situation-là

ainsi, toujours page 54 :

« Ainsi des religions quand elles se mouraient,

dont les pèlerinages n’étaient plus là que pour cacher _ encore un peu _ le vide de leur liturgie et la pauvreté de leur consolation.

La multiplication de ces brimborions _ voilà ! ridicules ! et il faut en rire publiquement ! Comme l’enfant des Habits neuf du roi d’Andersen… _ de l’art contemporain

qui envahissent à présent les châteaux de Versailles

_ cf mon article du 12 septembre 2008 à propos de l’installation Jeff Koons à Versailles : Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling ; mais aussi celui du 2 septembre 2008 sur la cohabitation de Ben et de Cézanne à l’Atelier Cézanne du chemin des Lauves, sur les hauteurs d’Aix… : Art et tourisme à Aix _ la “mise en tourisme” des sites cézanniens (2)… ; et aussi celui-ci, du 10 septembre 2008 : De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles _

et les palais de Venise _ le Palazzo Grassi ; La Dogana di mare… _,

est à la modernité finissante

ce que l’imagerie sulpicienne fut

au christianisme moribond _ parfaitement ! de sinistrement tristounets clichés…

Le musée semble _ ainsi _ offrir le parfait objet de cette croyance _ vacillante, faiblarde _ universelle, identique en tout lieu, prête à offrir le salut _ d’une émotion seulement « esthétique«  ; jointe à l’agrément du tourisme (international, mondialisé !) plus ou moins balisé et formaté, avec ses paraît-il must !.. _ à tous et dans l’instant _ ce point est essentiel ; du fait que non seulement pour la plupart d’entre nous désormais time is money ; mais aussi et surtout que tout s’accélère… ; cf l’excellent Accélération de Hartmut Rosa, paru en traduction française aux Éditions La Découverte… _,

et qui remplacerait la patiente instruction _ formatrice du goût, elle ; et de l’aptitude à « sentir«  et « expérimenter«  (dans le temps de la vie : mais en est-il donc d’autre, de temps ?) l’éternité, aussi ! selon la leçon magnifique et essentielle (!) de l’Éthique de Spinoza… _ qui ne se donnait qu’à ceux _ ne cessant, toute la vie durant, de « se cultiver« , avec patience, voire passion vraie… _ qui respectaient la lenteur des règles et la diversité des multiples langues _ constituant, en effet, une vraie « culture«  : incorporée !..

A l’inverse des mots _ et des phrases, en leur générativité : qui prennent toujours un minimum de temps (à la différence des envois de SMS) ; lire ici le grand Chomsky… _, toujours soupçonnés d’imposer un ordre _ « fasciste« , a-t-il malencontreusement échappé, un jour à Barthes, qui s’est, plus heureusement, repris plus tard là-dessus… _ et de réclamer un sens _ mais c’est bien le moins !.. _,

l’œuvre _ des arts plastiques, tout au moins (et « d’art contemporain« …) : Jean Clair en distingue, au chapitre VI, « L’action et l’Amok », les cas des œuvres de musique et de danse, davantage « incorporatrices« … ;

pour la photo, je renvoie à l’« incorporation«  de la vie et de ses mouvements, mais oui !, dans l’œuvre (jusqu’au flou…) de mon ami Bernard Plossu ; cf, par exemple, mon article du 27 janvier 2010 sur le livre (aux Éditions Yellow now) et les expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison de mon amie Michèle Cohen, à Aix-en-Provence), admirables !, Plossu Cinéma : L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma_,

plutôt qu’un savoir à acquérir _ et « incorporer« , donc _,

posséderait le privilège, le pouvoir, la magie de se livrer sans peine _ au dilettante : l’adepte du plaisir sans peine : surtout jamais la moindre « peine«  ! _,

dans une profusion de significations possibles et contradictoires _ ludiquement ! quelle fête !.. Quelle caricature-là de « liberté«  ! à pleurer de cette fausseté ! _

qui répond au goût contemporain d’abolir _ sociologiquement, du moins : à la Bourdieu… _ les distinctions, les hiérarchies et les frontières _ au profit de la nuit dans laquelle toutes les vaches sont noires…

A quoi bon l’histoire, la géographie,

à quoi bon la lecture ?

A quoi bon tant d’efforts

quand tout paraît _ bien illusoirement : ici, lire Freud, L’Avenir d’une illusion _, comme ici, livré _ et sans le moindre effort de soi _ d’un coup ?

Le monde ancien _ celui de la culture : humaniste… _ était lent et discursif. Le monde moderne _ ou post-moderne _ en une seconde prétend s’ouvrir _ de lui-même _ aux yeux _ bonjour les gogos ! Triomphe de la photo, de l’écran, de l’affiche, du schéma, du diagramme, du plan _ du moins de leurs usages immédiats paresseux et lâches…

Au mot, qui était mémoire et mouvement _ voilà ; cf Chomsky ; et Bernard Stiegler : passim… _, on substitue, impérieuse, immédiate, immobile, imposée _ surtout : à la passivité anesthésiée _, l’image _ cf ici l’admirable travail de la chère Marie-José Mondzain : Homo spectator Là où il y a un tableau, il n’y aurait plus besoin de mots. Ce qui est vu efface _ voilà ! _ ce qui est lu ; pire encore, se fait passer _ on ne peut plus mensongèrement _ pour ce qui est su. Le tableau dresse un écran que l’on voudrait protecteur entre le monde _ et le réel, donc ! tenu à distance, et demeurant inconnu : c’est bien là un dispositif efficace d’obscurantisme !.. _ et soi « , pages 54-55,

au sein du chapitre IV, « Les Abattoirs culturels » ;

la formule donnant son titre à ce chapitre étant empruntée à l' »érudit libertin » et « créateur du musée, aujourd’hui disparu, des Arts et Traditions populaires« , Georges-Henri Rivière, au début des années soixante-dix ; et la citation se trouve au final du chapitre, aux pages 59-60 :

« Le succès _ vrai ! _ d’un musée ne se mesure pas au nombre de visiteurs qu’il reçoit, mais au nombre de visiteurs auxquels il a _ vraiment _ enseigné _ non superficiellement _ quelque chose. Il ne se mesure pas au nombre d’objets qu’il montre, mais au nombre d’objets qui ont pu être _ vraiment _ perçus par les visiteurs dans leur environnement humain _ vrai. Il ne se mesure pas à son étendue, mais à la quantité d’espace que le public aura pu raisonnablement _ = vraiment _ parcourir pour en tirer un véritable _ voilà le concept décisif ! il est de l’ordre du qualitatif, pas du quantitatif ! _ profit. Sinon, ce n’est qu’une espèce d' »abattoir culturel » »  _ voilà !..

Il existe aussi des personnes qui osent dire la vérité ;

et pas seulement rien que des carriéristes inféodés à leurs (tout) petits et misérables ! intérêts..,

après lesquels _ « Après nous, le déluge !«  ; ou encore les vacances ad vitam aeternam aux Seychelles… _ le monde peut bien, à la Néron incendiant Rome, disparaître : tout entier et à jamais…

Le chapitre V, « Le temps du dégoût« , montre, alors, excellemment comment les objets de rebut, les excrétions digestives, ont fait leur entrée en fanfare (ou bling-bling) dans les lieux et milieux les plus prestigieux ;

page 64 : « Les institutions muséales les plus prestigieuses, le Louvre et Versailles, en premier lieu, devaient _ dans la course au succès ! et aux revenus du tourisme : quelle industrie prospère ! et au si bel avenir… _ devenir des galeries _ d’exposition up to date_montrer _ aussi ! _ la création « vivante ». Dans un élan conjoint, ces lieux de mémoire qui avaient fini par perdre leur sens en oubliant leurs origines, tentèrent _ donc : pour un pari juteux (du moins pour les quelques « initiés«  qui allaient s’en mettre plein les poches : mais y a-t-il autre chose que cela qui « vraiment«  les « intéresse » ?.. _ de suivre une cure de rajeunissement en imposant, contre tout bon sens, l’idée que les créations les plus audacieuses, les plus choquantes, les plus immondes, les plus idiotes souvent de l’art d’aujourd’hui s’inscrivaient, sous la griffe distinctive _ voilà le truc : la marque, le logo ! _ d’« art contemporain », dans l’histoire des chefs d’œuvre d’autrefois. A défaut de pouvoir continuer sa propre histoire, qui était, on l’a vu, forclose, le musée devint ainsi l’agent, le promoteur, l’impresario d’une histoire fabriquée » _ mensongère, falsifiée autant que falsificatrice (de l’Art et de la culture) : page 64, donc….

Et Jean Clair de prendre alors l’exemple d’un Jeff Koons : après son mariage, puis sa séparation d’avec la fameuse Cicciolina

_ « Cicciolina est le surnom donné à une jeune fille rose et fondante, mais qui désignait peut-être plus précisément une partie de son anatomie qu’elle exposait sans gêne _ voilà ! un exhibitionnisme : vendeur… _ et qu’en latin, vu son apparence, on appelait souvent le petit cochon. La Cicciolina fit la fortune de l’homme avec qui elle s’affichait alors _ cf le livre très important de Michaël Foessel, La Privation de l’intime ; plus mon article du 11 novembre 2008 : la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie : ces phénomènes font système !.. _, dans les années quatre-vingt, un certain Jeff Koons, dadaïste attardé, qui se plaisait à façonner de petits cochons roses en porcelaine. La Cicciolina fut élue député au Parlement de Rome ; puis, devenue mère, coule aujourd’hui, retirée du monde, des jours de mamma comblée » ; fin de l’incise « Cicciolina« , page 65.

« Jeff Koons est entre-temps _ en effet _ devenu l’un des artistes les plus chers _ nous y voici ! _ du monde. La mutation s’est faite à l’occasion des transformations d’un marché d’art _ voilà ce dont il s’agit ! _ qui, autrefois réglé par un jeu subtil de connaisseurs, directeurs de galeries d’une part et connaisseurs _ vrais _ de l’autre, est de nos jours _ désormais _ un mécanisme _ très finement huilé et hyper-efficace _ de haute spéculation financière _ ici aussi ! _ entre deux ou trois _ guère plus ! _ maisons de vente et un _ tout _ petit public de nouveaux riches _ acheteurs, vendeurs et revendeurs : sur ces marchandises-là aussi…

Jeff Koons s’affiche _ l’image (= le logo identifiable) est le medium privilégié (en puissance d’extension, mondialisée, comme en rapidité de transmission !) de la publicité ; et l’exhibition simplifiée jusqu’à la caricature facilite l’identification du spectateur attrapé (médusé) : la plus rudimentaire et grossière possible, pour l’immédiateté du réflexe conditionné de peu regardants peu regardeurs !.. _ aujourd’hui,

non plus échevelé comme les artistes romantiques,

moins encore nu et ensanglanté comme les avant-gardistes des années soixante-dix,

mais comme un trader de la City, attaché-case à la main et rasé de frais, _ parfaitement _ adapté _ voilà _ à son nouveau public _ et clientèle ! _ et totalement fondu en lui comme un homo mimeticus » _ ce qui favorise, nous y voici, l’élémentaire (= simpliste) identification, vite fait, bien fait (et mortifèrement ludique ! cf ici les fortes intuitions de Philippe Muray : un bien festif « Après nous le déluge !«  ; cf en particulier, de Muray, le fort réjouissant Festivus festivus…) a minima _, page 65.

C’est que « la consécration _ lui _ était venue _ mutation d’image magique ! par adjonction d’« onction«  d’aura archi artificielle !.. _ par Versailles. On l’y exposa, on l’y célébra, on l’y décora ; demain peut-être on l’y vendrait _ on va (et très vite) y venir : on commence déjà à vendre des morceaux immobiliers de ce patrimoine national…

Jeu spéculatif à l’accoutumée : des galeries et des intérêts privés financent _ oui : ils « investissent » !.. _ une opération _ promotionnelle, (hyper-luxueux !) marketing aidant… _ dont une institution publique comme Versailles semble _ bien sûr : la confiance (des gogos = la crédulité !) est nécessaire à ce (gros) jeu-là… _ garantir le sérieux ; on gage des émissions éphémères et à haut risque _ tout de même ! _ sur une encaisse-or qui s’appelle le patrimoine national«  _ résultat des courses : ni vu, ni connu, l’opérateur, en cette nuit (de l’art) où toutes les vaches sont devenues semblablement (= également !) noires ! par un tel tour de passe-passe « égalisateur« , ici à très haut prix (de vente) !.. ; page 66.

Et « Koons à Versailles ou à Beaubourg n’est que l’exemple _ en effet ! _ d’une longue série de phénomènes _ de sur-cotation (astronomique : jusqu’au vertige ; pour les autres, surtout, qui n’ont pas ces moyens : ils en sont ébaubis…) ! _ semblables. (…) Pas moyen, naguère, de visiter une exposition au musée d’Orsay sans se voir imposer _ par toute simple (= toute bête) contigüité ! il suffisait donc d’y penser… _ l’œuvre d’un minimaliste pour vous convaincre _ ou persuader _ que Böcklin ou Cézanne n’avaient jamais fait que l’annoncer _ ah ! les « précurseurs«  en Art : tout se tient ; pourvu qu’on y ait été un minimum « initié«  (…) Le Louvre a cédé son nom _ son logo : cf le livre de Naomi Klein, No logo, la tyrannie des marques... Encore fallait-il qu’il fît la preuve que ce nom _ cette marque, ce logo bien identifié et excellemment reconnu (l’« Art » !) sur la place des valeurs (d’abord marchandes : vive la confusion !) : ici le nom « Musée du Louvre«  _ était devenu la griffe des produits de la plus haute modernité«  _ puisque tel est ici le nec plus ultra

« Jeff Koons n’est que le terme d’une longue histoire de l’esthétique moderniste qu’on appelle aujourd’hui le décalé » _ sur un marché sur lequel il importe de « se distinguer«  (un minimum…) des concurrents ; ensuite, il ne suffit pas de « se décaler«  pour accéder, rien qu’ainsi, à une vraie « singularité«  de l’œuvre même ! à un (« vrai« ) style d’auteur ! C’est que la probité joue encore, et résiste, plus que jamais, ici ; à l’inverse des modes, versatiles, elles… _, page 67.

« L’usage du mot « décalé » dans la langue de la publicité _ voilà : nous sommes dans le petit monde de la communication et du marketing : strictement (et petitement) commercial ! _ est apparu il y a sept ou huit ans. Rien d’intéressant _ pour le vulgum (ou pas !) pecus du « public« , surtout un peu « branché«  ! Il a bien sûr ses organes (efficaces) de presse et ses médias _ qui ne soit « décalé » » _ sur le marché de l’art, quand les produits à vendre (acheter et re-vendre, du point de vue des acheteurs) sont en terrible concurrence… Et c’est alors (et dès lors) « le monde à l’envers donc. L’âne qui charge le maître de son fardeau et qui le bat ; le professeur traduit en justice pour avoir giflé l’élève qui l’insultait ; le bœuf découpant son boucher au couteau ; les objets de Koons déclarés _ voilà ! et « crus«  par des ignorants bien peu « regardant(s) » !.. _ « baroques » _ vive la confusion ! _ appendus dans les galeries royales. Fin d’un monde«  : page 67.

« Tout cela, sous le vernis festif _ le feu des ors (vrais, eux) des Palais _, a un petit côté, comme à peu près tout désormais en France, frivole et funèbre, dérisoire et sarcastique, goguenard et mortifiant _ comme c’est magnifiquement juste ! Sous le kitsch des petits cochons roses de Jeff Koons, la morsure de la mort. Sous la praline, le poison«  _ du nihilisme, et de son sado-masochisme insidieux (et même de plus en plus carrément décomplexé ! pourquoi donc si peu que ce soit se gêner ?!..) : page 69.

C’est que « l’œuvre d’art, quand elle est l’objet d’une telle manipulation financière, et brille d’un or plaqué dans les salons du Roi-Soleil, a plus que jamais partie liée avec les fonctions inférieures _ excrémentielles _, illustrant les significations symboliques que Freud _ cf le stade sadique-anal de la sexualité infantile ! Nous y passons tous, mais aussi nous le dépassons ; sauf fixations névrotiques, précisément… _ leur prêtait. On rêve de ce que Saint-Simon, dans sa verdeur _ en effet : celle qu’aimait tant Proust _, aurait pu écrire de ces laissées de marcassins déposées à Versailles. Elles lui eussent rappelé peut-être la mauvaise plaisanterie du Chevalier de Coislin : « Je suis monté dans la chambre où vous avez couché, j’y ai poussé une grosse selle tout au beau milieu sur le plancher »... » _ in les Mémoires (1691-1701) de Saint-Simon, La Pléiade, 1983, page 596.

Et Jean Clair de rappeler, page 70 :

« J’ai autrefois tenté de relier entre eux les multiples aspects, dans une époque qu’on appelle désormais « post-human », d’une « esthétique du stercoraire » :

« Le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût.

Exhibition du corps, désacralisation, rabaissement de ses fonctions et de ses apparences, morphings et déformations, mutilations et automutilations, fascination pour le sang et les humeurs corporelles, et jusqu’aux excréments, coprophilie et coprophagie : de Lucio Fontana à Louise Bourgeois, d’Orlan à Serrano, de Otto Muehl à David Nebreda, l’art s’est engagé dans une cérémonie étrange où le sordide et l’abjection écrivent un chapitre inattendu de l’histoire des sens. Mundus immundus est ?«  _ in Jean Clair, De Immundo, Éditions Galilée, 2004.

Et c’est sur cet aspect-là (un peu trop de complaisance au trash !) de la contribution de Julia Peker à son livre commun _ très éclairant ! _ avec Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (aux Presses Universitaires de France), que Francis Lippa avait émis une réserve lors de son entretien avec Fabienne Brugère le 23 novembre 2010 ; cf mon article du 26 novembre : Dialogue sur le penser des Arts : lire le “Philosophie de l’art” de Fabienne Brugère et Julia Peker, ou comment apprendre des avènements progressifs des Arts, aujourd’hui ; ainsi que le podcast de cet entretien…

« Il y a une dizaine d’années _ poursuit Jean Clair, pages 70-71 _, à New-York, une exposition s’était intitulée Abject Art _ Repulsion and Desires. On franchissait là un pas de plus dans l’immonde, dans ce qui n’appartient plus à notre monde. On n’était plus dans le subjectus du sujet classique, on entrait dans l’abjectus de l’individu post-humain.

C’était beaucoup plus que la « table rase » de l’Avant-Garde qui prétendait desservir l’apparat dressé pour le festin des siècles. L’art de l’abjection nous entraîne dans l’épisode suivant, le post-prandial : ce que le corps laisse échapper de soi quand on a digéré. C’est tout ce qui se réfère à l’abaissement, à l’excrétion.

On se demande _ très pragmatiquement _ si un tel art peut avoir droit de cité _ de facto ? ou de jure ? Bien démêler la confusion… Et comment obtenir _ de facto, donc _, non seulement l’accord _ effectif _ des pouvoirs publics, mais leur _ encore plus effectif ! _ appui financier et moral _ les deux : chacun des deux épaulant adroitement l’autre ! _, puisque c’est _ de facto ! _ un art qui se voit _ désormais _ dans toutes les grandes manifestations _ et cette « grandeur« -là est indispensable à la réussite pratique de telles opérations : le « petit«  n’ayant pas la moindre aura ! et donc nulle retombée financière effective ! Donc plus ce sera gros, plus (et mieux) ça passera ! _, à Versailles comme à Venise ? » _ où règne encore (et vient moult se visiter, ou « consommer« , touristiquement : même à dose infinitésimale…) la « grandeur«  magnifique d’un éclatant passé qui continue de briller un peu : en un monde de plus en plus uniformément gris, lui ;

cf ici, la prolifération (calamiteuse !) de la banlieue de par le monde entier, sur le modèle de l’american way of life ; on peut lire là-dessus les travaux de Bruce Bégout (par exemple Zéropolis, l’expérience de Las Vegas ; ou Lieu commun, le motel américain ; ou encore L’Éblouissement des bords de route…) ; ou mon article du 16 février 2009 sur le passionnant livre de Régine Robin, Mégapolis (ou les derniers pas du flâneur…) : Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin

« Pourquoi _ continue Jean Clair, page 73 _ le socius a-t-il besoin de faire appel à ce ressort (dit) esthétique _ voilà : ici lire l’ami Yves Michaud : L’art à l’état gazeux, essai sur le triomphe de l’esthétique _ quand son ordre n’est plus assumé ni dans l’ordre du religieux, ni dans l’ordre du politique ? Est-ce le désordre scatologique, qui s’étale et qui colle, qui peut nous assurer de cette cohésion ? » _ question que je me posais hier, en faisant la queue aux caisses d’un grand supermarché de la « culture« , entre deux piles d’un livre (à la couverture couleur rouge sang) intitulé « Vie de merde » ; et à peine me disais-je cela, que les deux jeunes filles (collégiennes probablement) qui me précédaient dans la file d’attente à la caisse, se précipitaient sur un ses exemplaires… Je n’ai pu m’empêcher de leur dire : « quel titre appétissant !«  ; ce qui ne les a pas du tout dissuadées de le prendre… Soit, le monde comme il va désormais

Et Jean Clair, revenant « à la vieille distinction d’Aristote entre zoe et bios : bios, la vie intelligente, la vie des êtres logiques ; et zoe, la vie primitive, la vie animale, la vie bestiale« , de (se) demander, page 74 :

« Ne vivrions-nous pas actuellement une régression vertigineuse _ voilà ! _

du bios à la zoe ?

N’y aurait-il pas là quelque chose qui ressemblerait au sacer

_ cf de Giorgio Agamben, le cycle de l’Homo sacer _

tel que le monde antique l’envisage,

fascination et répulsion mêlées,

tabou et impunité à la fois ?« …

Ainsi _ conclut-il, pages 75-76 _, « dans l’art actuel,

ce n’est pas d’un certain goût que nous ferions l’apprentissage,

mais de l’abandon au contraire du dégoût inculqué dans l’enfance, quand les parents tentaient de nous faire comprendre que la maîtrise des sphincters était importante.

On reviendrait ainsi à la position du primate qu’évoque aussi Freud : quand on rabaisse vers le sol un organe olfactif pour le rendre à nouveau voisin des organes génitaux,

alors que tout l’effort de l’homme a été d’adopter la station debout pour s’en éloigner et s’en épargner les odeurs ».

« Prostate des civilisations fatiguées. Débâcle« , conclut ici Jean Clair

_ « nihilisme« , dit, quant à lui, Nietzsche…

On en arrive alors au chapitre-clé, le chapitre VII, « La crise des valeurs« ,

de ce « constat« 

de l’OPA de l' »oligarchie financière« 

sur l' »art contemporain« .

Page 99 : « Les procédés _ commerciaux _ qui permettent de promouvoir et de vendre _ le but principal demeurant, somme toute, le profit (financier) au final des manœuvres spéculatives (financières, est-il besoin de le spécifier ?) de quelques margoulins, mais de haut vol… _ une œuvre dite d’« art contemporain »,

sont comparables à ceux qui, dans l’immobilier comme ailleurs, permettent de vendre n’importe quoi et parfois même, du presque rien«  _ mais pas tout à fait ici dans l’acception (ultra-fine, elle) qu’en fait un Vladimir Jankélévitch…

Page 99-100, un exemple : « Soit un veau coupé en deux dans sa longueur et plongé dans un bac de formol. Supposons à cet objet de curiosité un auteur _ Damien Hirst, pour ne pas (alors) le nommer _, et supposons du coup que ce soit là une œuvre d’art, qu’il faudra _ voilà l’objectif _ lancer _ voilà…

Quel processus _ factuel : à monter et mettre en œuvre… _ justifiera _ du moins en apparence ! de facto ; et non de jure ! _ son entrée _ effective : nous avons affaire à des réalistes hyper-pragmatiques ! pas à de doux rêveurs « bohèmes« _ sur le marché ?

Comment, à partir d’une valeur nulle, lui assigner un prix et le vendre _ de facto _ à quelques millions d’euros l’exemplaire, et si possible _ quelle magique multiplication ! c’est la formule même (et le filon !) du « veau d’or«  !.. _ en plusieurs exemplaires ? Question de créance _ voilà !!! _ : qui fera crédit à cela ; qui croira _ voilà ! _ au point d’investir ?«  _ tel est bien l’enjeu de fond et fondamental, en effet ! de cette « opération commerciale«  ambitieuse

« Hedge funds et titrisations _ boursières _ ont offert un exemple parfait _ nous y voici ! _ de ce que la manipulation financière pouvait accomplir _ en création de plus-value ! _ à partir de rien _ en l’absence d’œuvre qui soit réellement tangible, même parfois… On noiera d’abord la créance douteuse dans un lot de créances un peu plus sûres. Exposons le veau de Damien Hirst près d’une œuvre de Joseph Beuys, ou mieux de Robert Morris _ œuvres déjà accréditées, ayant la notation AAA ou BBB sur le marché des valeurs, un peu plus sûres que des créances pourries. Faisons-la entrer par conséquent dans un circuit de galeries privées, limitées en nombre et parfaitement averties _ condition sine qua non, mais qui se trouvent ! _, ayant pignon sur rue, qui sauront _ habilement _ répartir les risques encourus _ il y en a toujours un minimum… Ce noyau d’initiés, ce sont les actionnaires, finançant le projet, ceux qui sont là pour « éclairer », disent-ils : spéculateurs de salles de vente ou simples amateurs, ceux qui prennent les risques. Ils sont au marché de l’art ce que sont les agences de notation financière mondiale, supposés guider _ de leurs conseils d‘ »experts«  hyper-compétents et avérés… _ les investisseurs, mais qui manipulent en fait _ eh ! oui … _ les taux d’intérêt et favorisent _ très efficacement, en sous-main _ la spéculation.

Promettons par exemple un rendement d’un taux très élevé, vingt à quarante pour cent à la revente, pourvu que celle-ci se fasse, contrairement à tous les usages qui prévalaient dans le domaine du marché de l’art fondé sur la longue durée _ certes _, à un très court terme, six mois par exemple. La galerie pourrait même s’engager, si elle ne trouvait pas preneur sur le marché des ventes, à racheter l’œuvre à son prix d’achat, augmenté d’un léger intérêt.

On obtiendra enfin
_ but not at least _ d’une institution publique, un grand musée de préférence, on l’a vu, une exposition _ bien médiatisée _ de cet artiste : les coûts de la manifestation, transport, assurances, catalogue, mais aussi les frais relevant de la communication et des relations publiques (cocktails, dîners de vernissage, etc.) seront discrètement _ toujours… _ couverts par la galerie ou le consortium qui le promeuvent.

Mais surtout _ clé de voûte de l’opération _ (…), c’est le patrimoine des musées, les collections « nationales » exposées ou mises en réserve, comme l’or de la Banque est gardé en ses caves, qui sembleront _ voilà : la clé du succès est dans le jeu de perspective (de l’ingénieux trompe-l’œil)… _ selon cet ingénieux stratagème _ voilà, voilà _ garantir _ = le socle de la confiance ! _ la valeur des propositions _ au départ très virtuelles et éminemment volatiles… _ émises sur le marché privé » _ avec ce tour de passe-passe (magistral) et confusion (de prestidigitation) du (secteur) « public«  (il conserve donc de l’utilité !) et du (secteur) « privé« , le tour (auprès de l’acheteur-spéculateur) est joué ! : au jeu (embrouilleur virtuose) du bonneteau…

« Bien sûr, le terme de « valeur » ne signifiera jamais valeur esthétique _ mais qui s’en soucie, ici ? Chacun (et tous) a (et ont) bien mieux à faire ! (que cette ringardise…)… _,

qui ressortit à la longue durée,

mais valeur _ marchande (ou d’échange : financière) _ du produit _ le terme d’« œuvre«  n’a plus cours ! Et le qualificatif « d’art«  devient un pur effet de marque, c’est-à-dire de standing social… _ comme « performance économique » _ = profit (en espèces sonnantes et trébuchantes !) à la re-vente _, fondée sur le court terme ; d’un mot, « performance », qui a pris lui aussi , cependant, un sens figuré d’ordre artistique.

Ce n’est en rien la « valeur » _ ni en soi, ni d’usage _ de l’œuvre,

c’est seulement le « prix » de l’œuvre _ en fait un pur et simple « produit« , voire un quasi rien, passant de main en main, de coffre en coffre et compte en compte… _

qui est pris en compte _ c’est le cas de le dire ! _,

tel qu’on le fait _ si habilement ! _ monter dans les ventes« .

Et Jean Clair de citer en note de bas de page ici, page 101,

le « principe _ sans prix; et donc à jamais impayable ! _ de dignité« ,

énoncé par Kant en ses Fondements de la métaphysique des mœurs, en 1785 :

« Tout a, ou bien un prix, ou bien une dignité.

On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ;

en revanche, ce qui n’a pas de prix, et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède une dignité« …


Et Jean Clair de conclure le raisonnement , page 101-102, par cette conséquence

notable :

« Bien sûr aussi, comme dans la chaîne _ ou « pyramide »_ de Ponzi,

le perdant _ car il y en a toujours en ces tractations (de crédulité, qui plus est) !.. _ sera celui qui, dans ces procédés de cavalerie _ voilà le fond de la tractation ! _ ne réussira pas à se séparer de l’œuvre _ tel un mistigri poisseux et collant _ assez vite pour le revendre : le dernier perd tout« …

Nous sommes là bien au cœur de la mise en lumière par Jean Clair,

en cet essai lucidissime qu’est L’Hiver de la culture,

des malversations _ rien moins ! même si très légalement contractuelles _ en jeu ici,

en bien des pratiques dominantes _ même si elles ne sont pas absolument généralisées _ de l' »art contemporain« ,

et de leur participation active _ oui, oui : elles ont des effets idéologiques non négligeables ; quant aux procédures d’« autorité«  de fait, sinon de droit, ayant cours : en les échanges sociaux entre personnes… _ au système nihilisme-cupidité…

Page 102, Jean Clair déduit (et synthétise) donc cette (très réelle) histoire-ci :

« Du culte à la culture

de la culture au culturel,

du culturel au culte de l’argent,

c’est tout naturellement, on l’a vu, qu’on était tombé

au niveau des latrines :

Jeff Koons, Damien Hirst, Jan Fabre, Serrano et son Piss Christ ;

et, avec eux, envahissant, ce compagnon accoutumé, son double sans odeur : l’or,

la spéculation,

les foires de l’art,

les entrepôts discrets façon Schaulager,

ou les musées anciens changés en des show rooms clinquants, façon Palais Grassi,

les ventes aux enchères, enfin, pour achever le circuit,

_ faramineuses, obscènes… »

Et « au-dessus des corps réels _ et du travail ! _ de l’économie réelle

plane l’image désincarnée

des échanges virtuels,

d’une économie volatile

sortie du monde des idées pures«  _ où règne l’intelligence opérationnelle aux manettes (conceptuelles) de la manœuvre… _,

page 104 .

Résultat (fort concret, mais discret _ pas trop affiché au plein jour… _) :

« Une étrange oligarchie financière mondialisée,

comportant _ en ces circuits dominants d’« art contemporain » dans les arts plastiques… _

deux ou trois galeries parisiennes et new-yorkaises,

deux ou trois maisons de vente,

et deux ou trois institutions publiques responsables du patrimoine d’un État,

décide ainsi de la circulation et de la titrisation d’œuvres d’art

qui restent limitées _ « réservées« , ainsi, en un quasi monopole de ce marché : efficacement dissuasif pour la plupart des autres !.. _ à la production, quasi industrielle, de quatre ou cinq artistes…

Cette microsociété d’amateurs prétendus _ ce n’est qu’une posture (d’imposture !!! voilà !) _

ne possède rien, à vrai dire _ voilà le propos de base, l’alpha et l’oméga (de l’amateur homme-de-goût et connaisseur vrai qu’il est !) de Jean Clair ! _,

sinon des titres immatériels ;

elle ne jouit _ mais non… _ de rien,

n’ayant _ en vérité _ goût à rien _ sinon à ce jeu (pervers : sadique, ou plutôt sado-masochiste, plus profondément…) de pouvoir…

Elle a remplacé l’ancienne bourgeoisie riche et raffinée

qui vivait _ elle, vraiment _ parmi les objets d’art, les tableaux et les meubles qu’elle se choisissait _ pour cadre au quotidien de sa vie ; et la nimbant de leur aura _

et dont elle faisait parfois don à la nation :

les Rothschild, les Jacques Doucet, les Noailles en France,

comme les Hahnloser en Suisse, les Stein en Amérique, les Tretiakov en Russie.

Mais surtout société cultivée

qui prenait son plaisir _ vrai : de la joie ! _ à fréquenter, à côtoyer, à devenir à l’occasion l’amie _ vraie, et non factice _,

non d’un homo mimeticus, trader ou banquier lui-même,

qui lui aurait renvoyé au visage sa propre caricature _ voilà la situation de l’impérialisme du mensonge, et de la tyrannie ! _,

mais d’un homme différent d’elle,

étrange _ vraiment (= réellement) singulier ; et pas idéologiquement (= en posture factice) décalé _,

un artiste _ voilà ! _,

un « original » _ au double sens du mot _,

dont elle appréciait l’intelligence et le goût,

comme Ephrussi, Manet.

Cette histoire-là,

qui conclut celle qui commence lorsque Léonard meurt dans les bras de François Ier  

et se continue lorsque Watteau s’éteint entre les bras du marchand Gersaint,

cette longue histoire des protecteurs et des créateurs,

des mécènes et des bohèmes,

des connaisseurs et des artistes

_ voilà ce que fut la richesse culturelle (civilisationnelle) de tels échanges personnels artistiques ; pas de tractations d’ectoplasmes

comptabilisateurs de (pauvres : misérables !) rien que comptes en banque financiers : à pleurer !.. _,

a été l’histoire de l’art de notre temps _ = les « Temps modernes« 

Elle est finie.« 

Et Jean Clair d’y méditer, page 105 :

« C’est là où l’art

peut apporter une lumière décisive sur le sens d’une crise

qu’on dit économique

mais qui est réalité morale et intellectuelle » _ en effet, cher Jean Clair !

Car « l’art produit

non des idées,

non des transactions électroniques,

non des valeurs virtuelles,

mais des objets _ éminemment _ matériels, physiques, substantiels.

Et ces objets _ ce sont des œuvres ! _ ne relèvent pas d’un capital intellectuel ou cognitif,

mais d’un capital spirituel _ voilà ! _,

terme désuet qui ne se rencontre pas dans le vocabulaire de l’économie de l’immatériel »,

page 105

« Un artiste qui meurt

laisse après lui un vide _ de création ! vraiment sans-pareille ! et « incorporée«  à lui, en son « vivant«  plus activement vivant que celui des autres, par la qualité spécifique (élaborée le long de son œuvre) de son « sentir«  _

bien différent

de celui que laisse un autre homme, quelle qu’ait été son importance _ pratique _ dans la société.

La mort de l’homme du commun, vous et moi,

provoque la souffrance de ses proches, de ses amis.

Mais la mort d’un artiste _ vrai ; pas celle d’un imposteur ! _

est plus irréparable

car elle endeuille _ en puissance effective ! et à dimension, non de postérité, mais d’éternité… _

tous les hommes ».


Car : « c’est tout un monde
_ voilà : un « monde«  humain,

via une aisthesis qui s’est élaborée en son rapport au monde (singulier : poétique !) de créateur (vraiment original : pas décalé !) d’œuvres « vraies«  ! ce qui n’est ni immédiat, ni facile : c’est l’aventure longue, patiente et complexe, très fine et très riche, en la finesse infinie de son détail, de l’œuvre (d’Art) d’une vie d’un artiste « vrai«  : pas un vulgaire commercial !!!.. _

qui disparaît avec lui.

Sans doute _ aussi _ laisse-t-il une œuvre _ « vraie« , donc _,

là où d’autres, bien plus célèbres _ car mieux identifiés, ceux-là, de la plupart des autres, en leur « commun« , faute d’une telle singularité (de créateur d’œuvres d’art)… _ de leur vivant,

hommes politiques, leaders d’opinion, chefs d’entreprise, patrons d’industrie,

ne laisseront rien » _ de cette qualité-intensité d’éternité vraie : vraiment singulière !..

« Il _ l’artiste qui meurt _ laisse des objets

auxquels on _ certains « amateurs«  un peu mieux attentifs et lucidement sensibles (que d’autres), ceux-ci… _ attribuera,

un peu légèrement sans doute _ par confusion avec l’« éternité«  : lire ici Spinoza ; et Deleuze… _, la vertu de l’immortalité,

mais des objets pourtant _ soient des œuvres ! _ qui, sans utilité, sans usage _ immédiatement pratique à l’évidence commune, rudimentaire, du moins… _,

sortis du circuit commercial _ c’est-à-dire du profit spéculatif _,

sont des témoins uniques et admirables,

dans leur fragilité et leur vulnérabilité _ du profond à découvrir, délicatement, de la vraie « humanité«  : qualitative, elle ; pas comptable ! _,

empreints de ce sens, comme les vases de Babylone, d’un certain sacré » _ celui, « sens« , et celui, « sacré« , auquel accèdent (seuls, sans doute…) les créateurs d’œuvres d’art « vraies«  _, page 106.

Voilà pourquoi la cupidité nihiliste

qui mène principalement le monde maintenant

est une nef des fous-aveugles

entraînant _ en une régression sadique-anale perverse ?.. _ le reste de la chaîne des non-voyants _ à la Breughel _ vers l’abîme

misérable

du _ merdiquement ! _ rien… 

Voilà donc une contribution admirable à la civilisation humaine non-in-humaine

que cet incisif et lucidissime Hiver de la culture

de Jean Clair,

aux Éditions Flammarion, dans la collection Café Voltaire :

nous y parle très directement une lucidité vraie, de très haute tenue, en sa profonde et essentielle probité

de ce qui fait vraiment (= sensiblement) « monde » pour des humains

non encore in-humains,

en une aisthesis à partager

et cultiver…

Merci d’un tel livre si important !

Titus Curiosus, le 12 mars 2011

Elégance et probité d’Elie During _ penseur du rythme _ en son questionnement « A quoi pense l’art contemporain ? » au CAPC de Bordeaux

17avr

C’est avec grande élégance et probité de penser qu’Elie During nous a donnés à partager ses interrogations et réflexions (de philosophe actif

_ se concentrant tout particulièrement sur l’étrangeté interrogative des complexités du temps et de l’espace)

face au travail (de penser à l’œuvre dans des formes sensibles) des artistes plasticiens contemporains,

pour la sixième et dernière conférence de la (riche et très réussie) saison 2008-2009 de la Société de Philosophie de Bordeaux,

que recevait, en sa très belle salle de conférence du second étage, le CAPC Musée d’Art contemporain de Bordeaux

_ avec une chaleureuse présentation de Yann Chateigné Tytelman (« responsable de la programmation culturelle » du Musée), mardi 7 avril à 19 heures…

Outre

« L’Âme« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1997 ;

« La Métaphysique« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1998 ;

et  » La Science et l’Hypothèse : Poincaré« , aux Éditions Ellipses, 2001 ;

le philosophe Elie During a publié

_ en collaboration avec Alain Badiou, Thomas Bénatouïl, Patrice Maniglier, David Rabouin, Jean-Pierre Zarader : « Matrix, Machine philosophique » aux Éditions Ellipses, en 2003 ;

et 

_ en collaboration avec Bernard Stiegler : « Philosopher par accident. Entretiens avec Elie During« , aux Éditions Galilée, en 2004.

C’est en effet à partir des fondamentaux de l’aisthesis,

depuis Baumgarten (1717-1762 : son « Esthétique » fonde la discipline)

et Kant (cf et sa « Critique de la raison pure » et sa « Critique de la faculté de juger« ),

qu’Elie During réfléchit à ce qu’expose (et (se) donne à « penser ») « l’art contemporain » ;

et tout particulièrement eu égard aux cadres a priori de l’expérience que forment pour le sujet _ en l’exercice de ses facultés (de perception et connaissance) _ l’espace et le temps…

L’esthétique kantienne sollicitant, fort judicieusement, en l’exercice même de la faculté de l’imagination _ et pas seulement artistique _, le dynamisme ouvert du « génie« …

Elie During, avec beaucoup de probité ainsi que de précision (et même délicatesse) en son analyse _ mais est-ce séparable, dans l’ordre du qualitatif, tout du moins !? _, a commencé par indiquer « quatre chemins » que ne prendrait pas son exploration (personnelle) de l' »art contemporain » ;

ainsi que les formes de cet « art contemporain » auxquelles il allait consacrer son attentation, sa focalisation, son analyse, donc :

principalement l’œuvre de Marcel Duchamp (28 juillet 1887, Blainville-Crevon en Seine-Maritime – 2 octobre 1968, Neuilly-sur-Seine)

et « l’art conceptuel » ;

sans exclure d’autres artistes _ nous l’allons voir… _ ;

en privilégiant plutôt la « Mariée mise à nu par ses célibataires, même« , ou « Grand Verre« , réalisée sur panneau de verre (1915-1923, exposée au musée de Philadelphie) que les ready-mades,

pour le premier _ Duchamp _ ;

et plutôt l’œuvre _ les séries _ de Sol La Witt que celle de Joseph Kosuth,

pour le second _ « l’art conceptuel » :

pour leur meilleure dynamique.

Ce sont en effet,

ainsi que le formulait le texte de présentation de la conférence,

la « machine artistique« 

et sa « puissance d’invention formelle« 

qui sollicitent l’intérêt, la curiosité, voire la passion d’Elie During à l’égard de (et face à) la production plasticienne des artistes contemporains,

livrés _ ou se livrant _ à la force

(ou faiblesse, pauvreté, se cherchant… ;

je pense ici au concept d' »impouvoir« , de Georges Bataille)

de leur génie singulier en leur rapport

(de concept autant que de sentir

_ mais non « romantique » !)

au réel même ;

et à la tâche,

en conséquence de quoi, ainsi que concomitamment,

de « monstration »

qu’ils (artistes qu’ils sont) se donnent ;

à laquelle ils se « vouent », en quelque sorte (en réponse à quelque « appel » de « formes« …) ;

et dont ils nous proposent,

proprement effectivement,

quelques « monstrations » sensibles ;

en des « dispositifs »,

davantage qu’en des œuvres proprement dites,

closes et arrêtées (voire « achevées »)

_ soit, si l’on y tient, en des « œuvres ouvertes« , si l’on s’autorise à se saisir du concept qu’a proposé, en son temps, le sémioticien Umberto Eco : « L’Opera aperta » _ « L’Œuvre ouverte » _ a été publiée en 1962…

« Il y aurait une plastique du concept« , disait en sa présentation Elie During,

dans la lignée (appliquée ici aux Arts Plastiques) de la conception deleuzienne de la philosophie, comme capacité

(« pouvoir » _ ou « dynamis » _ se mesurant à son effectivité _ et à elle seule ! face au réel, lui-même constitué de « forces », de « dynamiques »…)

de créer, mettre en place, des concepts facteurs d’opérativité…

Le reste n’étant que flatus vocis, ou imposture : tant pour les philosophes (discourant) que pour les plasticiens (exposant), d’ailleurs…

« La pensée a une forme, mais elle doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés«  : c’est là le facteur décisif ; ce qui distingue irrémédiablement une problématique (effective : dynamisante !) d’une thématique (inerte ; et par là stérilisante, plombante : aveugle et sans filiation en aval) ;

problématique où se donne à ressentir (et retentir, pour commencer) la complexité en jeu des modalités actives de l’espace et du temps, tout d’abord.

Et au-delà de Duchamp et Le Witt,

Elie During nous a confrontés à quelques images _ sur l’écran de la salle de conférence obscurcie _

des travaux de Dan Graham

_ passionnants d’inventivité, en ses jeux du temps sur l’espace, et réciproquement _ ;

et de Tatiana Trouvé

_ dont Elie During avait rédigé une approche, « Tatiana Trouvé : la stratégie de l’implicite« , pour l’exposition de 2003 de cette artiste au CAPC : « Aujourd’hui, hier, ou il y a longtemps…« ,

dont le commissaire était François Poisay…

Bien sûr, (bien) d’autres approches de l’art contemporain sont possibles (et compossibles) ;

et il ne fallait certes pas s’attendre, de la part d’un philosophe,

à quelque vademecum de quelque « Art contemporain pour les Nuls« , si j’ose pareille expression,

de la part d’un philosophe qui ne se prête en rien

_ pas davantage que la Philosophie ni que l’Art ! quand ils sont authentiques _

à la réduction à des formules de « résumé »..


Pour ma part,

j’ai été particulièrement sensible à cette mise en relation de l’analyse, du penser, d’Elie During, avec les fondamentaux de l' »aisthesis » ;

afin de rappeler à la curiosité (bienveillante, ouverte, ludique) de l’amateur d’Art

(et d’Art contemporain, en l’occurrence)

toujours fondamentalement ouvert (et accueillant) aux œuvres _ je veux dire à l’œuvre, même, « naturante », avant que d’être que « naturée » _ du « génie » de l’artiste au travail ;

rappeler, donc _ si besoin s’en faisait jamais ressentir… _,

l’exigence radicale de vérité et de nécessité _ tout à la fois _ de l’Art

_ exigence autre que celle du prurit d’une expression narcissique  (« romantique« ) de soi…

La découverte de l’Art est, pour tout un chacun qui vient s’y livrer

_ « Passant _ ainsi parle le Musée selon Paul Valéry _, il dépend de toi que je sois tombe ou trésor ; n’entre pas sans désir !«  _,

une découverte radicale de l’altérité ;


de l’altérité qui vient à passer plus ou moins à proximité de nous-même

(mais non sans distance ! toujours ! déjà que le « soi » n’est pas clos !),

et s’offrir, éphémèrement

_ pour un moment qu’il s’agit pour nous d’étirer ; en un « dialogue » avec l’œuvre rencontrée _,

à quelque accueil de notre part, de « spectateur », à qui consent à s’ouvrir à elle ; à la ressentir ; en sortant de sa propre fermeture, narcissique, à un ego arrêté, déjà fossilisé…

Quand cette rencontre-là a lieu,

avec son cortège d’exigences réciproques (de la part de l’œuvre et du lieu d’exposition _ tel qu’un Musée _ comme, et surtout, de soi),

c’est une chance _ ou une grâce _

qui nous donne _ de manière désintéressée _ de l’expansion…

Titus Curiosus, ce 17 avril 2009

En complément,

voici « Intermondes« , un texte d’Elie During consacré à Tatiana Trouvé

(in Bing, n°7, Galerie Emmanuel Perrotin, 2008, à la page 58 : les pages consacrées à Tatiana Trouvé _ avec photos des œuvres _ allant de la page 54 à la page 65),

à l’occasion de l’exposition « Time Snares » _ « Pièges à temps« , cela peut se traduire… _ de l’artiste à la Galerie Emmanuel Perrotin de Miami, du 4 décembre 2007 au 23 février 2008

_ auquel je me permettrai d’ajouter quelques « commentaires » de mon cru… :

Pour rendre compte de l’espèce de dualité ou de « double bind » qui traverse cette œuvre, il faudrait imiter le geste d’Alighiero Boetti scindant son nom en deux. Il faudrait écrire : « Tatiana et Trouvé : artistes parisiennes d’origine calabraise, nées en 1968 ». Il y a Tatiana qui travaille en solitaire, comme une « sauvage » (Van Gogh disait « comme un bœuf »), maniant la scie à métaux et le fer à souder dans son atelier de Pantin ; et puis il y a Trouvé, absorbée dans l’anamnèse rêveuse de sa propre activité artistique, constamment suspendue entre deux mondes, ou deux dimensions. La face chtonienne et la face lunaire : diurne et nocturne, activité et passivité, frénésie productrice et mélancolie du projet. Peu importe d’ailleurs qui d’elles d’eux est Tatiana ou Trouvé. Les jumelles (T&T, pour faire bref) travaillent de concert. Et l’œuvre témoigne de cette dualité : pour qui sait voir, pour qui sait écouter, ces installations et sculptures qu’un regard distrait nous fait dire désaffectées, désertées, mutiques, frémissent d’une sourde activité. Ici le sable envahit un module qui doucement s’éteint, là une structure tubulaire agencée à une sorte de secrétaire _ en son « Bureau d’activités implicites » (ou BAI) _ est près d’être submergée par une coulée de gravats ; le silence règne, mais en même temps tout est chargé, tout est tendu, tout vit _ voilà ! _ d’une agitation microscopique _ à l’infra-scintillement duquel il faut apprendre (vite) à se prêter... _ sous la lumière vibrante des néons. Le temps _ de la rencontre avec l’œuvre ; et de sa « contemplation » ; celui de l’« acte æsthétique » (cf Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique« )… _ n’est pas suspendu, mais infiniment ralenti _ et c’est très important. Sous l’apparence glaçante et même spectrale de ce « Bureau sans maître » _ cf le « Marteau sans maître » (René Char, en 1934 ; et Pierre Boulez, en 1955… _, ce sont des durées larvaires, incommensurables aux nôtres _ coutumières, du moins ; mais qui nous sont données à « ressentir«  ici _, tout un monde grouillant de schémas dynamiques _ encore une expression qui vérifie ma propre intuition (vectorielle) _, d’opérations mentales, de devenirs virtuels _ oui ! qui peuvent (et doivent) passer à l’acte : par notre concours…

Ce monde n’a rien de particulièrement opaque ou compliqué, mais il est impliqué, implicite (Valéry aurait dit « implexe » _ dans « Mon Faust«  _), c’est-à-dire plein de plis et de replis _ et que l’œuvrer de l’artiste nous offre à « déplier«  ici… Il faut prendre le temps de le déplier _ voici immédiatement l’opération « invitée » ! _, il faut se faire à ses rythmes _ un concept décidément fondamental de tout exister ! _ : Le « Bureau d’Activité Implicite » était le Cerveau et la Mémoire de l’artiste. Il n’a pas besoin d’être présenté dans son intégralité pour continuer à disséminer _ l’opération se poursuivant… _  ses effets : les polders lovés dans les recoins de l’espace d’exposition ouvrent _ oui : il n’y a d’œuvre vraie qu’ouvrante ! et avec précision… _ de nouvelles dimensions _ inaperçues jusqu’alors _, tandis que les conduits de cuivre connectent _ oui _ les pièces, gagnent (!) le plafond, percent (!!) les cimaises et suggèrent _ donnent à penser _ une circulation _ oui _ perpendiculaire à la déambulation _ bien sûr _ naturelle du « regardeur » _ encore un concept en acte, un modus operandi, fondamental ! Ainsi cet univers qu’on dit volontiers replié sur lui-même et autosuffisant ne cesse de s’étendre, de contaminer l’espace environnant _ un Art ne saurait être anodin : il « inspire«  et « modifie«  _ sous les formes les plus les plus diverses : il cherche _ en se faufilant _ les passes (portes ou grilles d’aération _ quel beau concept que celui de « passes«  ! _), il s’immisce _ voilà ! _ entre les mondes, entre les dimensions. « Intermondes » est l’autre nom des limbes. Ici, il désigne l’équivalent formel d’espaces psychiques : espaces des attentes, des latences, des rémanences et des réminiscences _ qui nous travaillent _, espaces des imminences ou des transformations lentes qui opèrent _ oui, c’est cela, la puissance d’un Art authentique _ en silence _ pour ce qui concerne les Arts (Plastiques, en l’occurrence). Les objets qu’ils renferment sont moins présentés que projetés : même construits en volume, ils sont toujours dessinés. Quoi qu’on en dise, ils offrent peu de prises à la « fiction », si l’on associe ce mot aux vagabondages _ de fuite _ de l’imagination ou au fantasme _ par opposition au « réel » qui intéresse l’artiste courageux ! Maintenus en réserve, en latence, ils ne sont _ certes _ pas en sommeil : ils sont en veille _ oui : et malheur aux un peu trop assoupis et aux congénitalement endormis : il sera bientôt trop tard ! Kairos ne repasse pas… _, comme on le dit des appareils ménagers ou de la « Lampada Annuale » de Boetti. Car le temps perdu _ Proust nous l’a appris : cf la merveille (absolue !) du « Temps retrouvé » !.. _ peut être ranimé à tout instant _ l’étymologie de l’expression « être ranimé » étant mieux que parlante…

La force _ qu’est un art sans conséquences ? _ de T&T tient à la manière dont elle parvient, au-delà de toute « atmosphère », à imposer l’évidence _ plastique : sentie et pensante _ d’un univers autonome, consistant, et néanmoins parfaitement étranger aux coordonnées et aux échelles habituelles _ formant clichés… Cette consistance _ d’une œuvre vraie _ tient avant tout à la temporalité propre du projet _ en avant _ et de la mémoire _ vers l’arrière : d’une culture assumée _ artistiques. T&T a fait de cette trame_ vivante, vibrante _ son matériau. Sans relâche _ un artiste (et un philosophe) vrai(s) se fatigue(n)-t-il(s) jamais ?.. _, de raccord en raccord, elle imagine et construit un espace de concentration _ c’est décisif _ de son activité qui ne serait pas un théâtre _ réduit à un plateau et un décor (plats)…

« A quoi pense l’Art contemporain ? », une conférence d’Elie During pour la Société de Philosophie de Bordeaux, au CAPC, Musée d’Art Contemporain de Bordeaux, mardi 7 avril à 18h30

05avr

Dans le parfait prolongement du sujet (et questionnement) de l’article précédent _ « Energie, joie, reconnaissance _ et amitiés aussi : la grâce des oeuvres et de l’Art : François Noudelmann, Gilles Tiberghien, Bruce Bégout« , à propos de l’articulation entre Art et Philosophie,

mardi 7 avril prochain, à 18h 30, au CAPC

_ Musée d’Art Contemporain de Bordeaux, Entrepôt Laîné, 7 rue Ferrère à Bordeaux _ ;

dans la salle de conférence,

la Société de Philosophie de Bordeaux

recevra pour la dernière conférence de sa saison 2008-2009

Elie During,

sur le sujet de « A quoi pense l’art contemporain ?« …

En voici l’argumentaire :

 Que l’art, cosa mentale _ selon la formule de Léonard de Vinci _, ait quelque chose à voir avec la pensée, et même la philosophie ; qu’il dispose des éléments sensibles en vue de faire « penser plus », comme disait Kant, nous le savons depuis longtemps. S’il y a à cet égard une spécificité du régime « contemporain » de l’art _ voilà l’objet sur lequel va se focaliser notre attention _, c’est dans la manière dont il réarticule les termes du problème en faisant de la pensée son objet _ rien moins ! C’est à tort qu’on s’imagine que la théorie est convoquée par les artistes contemporains comme un discours de surplomb censé apporter un « supplément d’âme » _ selon la formule bien connue de Bergson dans « Les Deux sources de la morale et de la religion«  _ à des productions sans consistance : même chez les mauvais artistes, c’est d’une tout autre relation qu’il s’agit _ une relation latérale, mais effective, beaucoup plus intéressante que celle que prescrit le commentaire ou l’illustration. La théorie y est d’emblée envisagée comme partie prenante de la machine artistique et de sa puissance d’invention formelle. Il y aurait ainsi une plastique du concept _ formule cruciale ! _, qui ne relèverait ni de l’exemplification ni de l’allégorie, ni du schème ni du symbole. Les concepts s’exposent : il faut l’entendre littéralement. La pensée a une forme, mais la forme elle-même doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés _ concepts à explorer… Deux exemples historiques, Marcel Duchamp et l’art conceptuel, permettront de préciser la portée de ces remarques, avant d’en examiner les prolongements sur quelques cas plus récents.

Elie During est Maître de conférences à Paris X – Nanterre et chargé de séminaire à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Ses recherches sur les formes de l’espace-temps le conduisent à l’intersection de la philosophie des sciences, de la métaphysique et de l’esthétique. Il a consacré plusieurs articles et textes de catalogues à des artistes contemporains _ dont Tatiana Trouvé : « 4 between 3 and 2« _, mais aussi au cinéma _ cf sa participation au recueil « Matrix : machine philosophique«  _ et à la musique. Son édition critique du livre de Bergson sur la relativité, « Durée et simultanéité« , paraîtra en 2009 aux Presses Universitaires de France.


Titus Curiosus, ce 5 avril 2009

Ce que j’apprends d’un blog (2) : confirmation qu’il commence enfin (!) à se dire que le roi (d' »Art ») est nu

29nov

Ce que j’apprends d’un blog (2) :

confirmation qu’il commence enfin à se dire que le roi (d' »Art ») est nu ! Cette fois-ci, il ne s’agit pas tout à fait d’un blog, mais d’une « libre opinion », exprimée, en tant que (simple) « point de vue » sur une page du Monde, et signée d’un (simple) professeur : « agrégé, plasticien et conférencier en histoire de l’art (Ecole normale supérieure-prépa HEC)« .

Ce qui change aussi, ici encore

_ je veux dire sur le site (Internet) d’un journal tel que Le Monde _,

ce sont les réponses des (« simples ») lecteurs _ même « abonnés du Monde »… _, qui commencent à oser « répondre », et autrement que par quelques « clichés » (populistes), à quelque solennelle intimidante tribune de l' »anti-conformisme » ayant « pignon sur rue » _ et « accès aux media…

D’abord, je me permettrai de citer mes propres articles de cet été, sur ce même blog-ci _ les 10 & 12 septembre _, consacrés à la brillante (de strass) expo Koons à Versailles :

_ « De Ben à l' »atelier Cézanne » à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles« , le 10 septembre ;

_ « Decorum bluffant à Versailles : le miroir-aux alouettes du bling-bling« , le 12 septembre…

Conformément à ma méthode _ pas nécessairement aisée à déchiffrer, faute de telles habitudes de « mises en dialogue » _,

je me permettrai de truffer l’article de mes « commentaires » (plutôt amicaux)…

Point de vue :

Art contemporain, le triomphe des cyniques,

par Olivier Jullien

LE MONDE | 26.11.08 | 13h31  •  Mis à jour le 26.11.08 | 13h31

Jeff Koons trône au château de Versailles et en permanence _ la « durée », en effet, importe, « compte » en ces « affaires » : elle impose, au moins, l’ersatz d’autorité de l’habitude, sinon plus « haut » « fondement » _ à l’entrée de la Fondation Guggenheim de Bilbao comme au Palazzo Grazzi à Venise. Damien Hirst lui tient compagnie dans ce même palais à Venise et partout. Jan Fabre triomphe au Musée du Louvre, éléphant suspendu dans les galeries de Fontainebleau, voiture de course en marbre dans les jardins du même château. La grosse langue autrefois transgressive des Rolling Stones est tracée _ vivent les « marques » ! cf là-dessus le travail de Naomi Klein, in « No logo _ la tyrannie des marques« , en janvier 2000 (et paru en traduction française aux Editions Actes-Sud en juin 2002) _ dans les jardins du château de Chambord…

Les châteaux et les palais seraient-ils pris d’assaut par des œuvres plébéiennes ? Certains discours voudraient faire croire _ ou le triomphe aggravé, ces deniers temps-ci, de Gorgias (et de la rhétorique) sur Socrate (et l’amour-désir de la la vérité et de la justice _ que « signifie » le vocable « philo-sophie« ) _ qu’il s’agirait de cela, de confronter un art vivant _ mieux encore que « moderne » : « contemporain » !!! « up-to-date », que diable !!! _ à des galeries poussiéreuses et endormies, des institutions conservatrices et des grandeurs passées ; que les réactionnaires seraient du côté des outragés, des frileux et grincheux, soucieux de préserver la noblesse _ tout juste « patrimoniale », à l’ère de la « fin des pères », cf ce qu’annonçait Alexandre Mitscherlich, dans les années 60, en son « Vers la société sans pères » (en 1963 ; la traduction française est parue en 1969)… _ de lieux de prestige.

Homard, lapin, en forme de ballons gonflables réalisés en aluminium, toutou gigantesque garni de fleurs, comme un mauvais « rond-point » de triste « carrefour » pour Jeff Koons. Crâne gigantesque en seaux à champagne accumulés devant le Palazzo Grazzi, moulage d’un crâne humain incrusté de diamants d’une valeur de 74 millions d’euros, l’œuvre est la copie en platine d’un crâne du XVIIIe siècle parsemé de 8 601 diamants, dont l’origine a été vérifiée pour s’assurer qu’ils ne proviennent pas d’un marché de contrebande (on a la morale qu’on peut !).

Agneau recouvert d’or, citation pesante des primitifs flamands ; centaines de milliers de scarabées, urines, couteaux et sang pour Fabre, le bon à tout ; la provocation rusée garantie et la transgression spectaculaire _ comment régner sans jeux, sans spectacles, sans fêtes ? (cf ici les pistes offertes par Guy Debord : « La société du spectacle » ; ou Philippe Muray : « Festivus festivus » ; ni transgressions (cf Georges Bataille : « La Part maudite« ) ; surtout un tant soit peu « canalisées »…  _ et outrée comme système, inaugurée par la reine de Belgique ! Si Fabre est ébouriffant et même parfois pertinent et drôle, quel est réellement le propos de l’installer princièrement au Louvre ? Comment penser raisonnablement qu’un artiste _ à préciser… _ soit en mesure de dialoguer avec des siècles d’histoire et de pensée comme de pratiques complexes ?

On voit que même Picasso, de toute sa vie, n’a établi que des liens assez pauvres avec ses maîtres, des couleurs standards de Formica des années 1950 et une approche virtuose et systématique, quoi qu’en disent les médias soumis _ pour raisons d’audibilité ? _ aux principes des expos spectaculaires. Sa pratique la plus géniale, le cubisme analytique, est absente de ces confrontations au passé, car cela se joue ailleurs _ ici alors _ ; et tant mieux.

Hélas !, peu d’articles critiques et peu d’auteurs _ pas même sociologues ?… _ pour chercher à décoder cette inflation de moyens comme les principes de quantité et du spectaculaire. De même, déplorons la complaisance des « Conservateurs » _ en titre ! _ des lieux, qui ouvrent leurs palais à des faiseurs, quand ils ont le soutien des grands argentiers, Pinault par exemple.

Pourtant le message est clair. Quelques représentants omniprésents d’un art dit « contemporain » _ vivent le nominalisme ; et la tautologie : sur ce dernier point, cf le très vivifiant travail d’Alain Roger « Bréviaire de la bêtise » !.. (paru en février dernier) _ sont tous, sans exception, les nouveaux artistes pompiers et académiciens bourgeois, la naïveté en moins _ sachant en imposer en épatant avec un alliage bien efficace de puissance et componction !.. De nombreux artistes contemporains vivants et créatifs utilisent aussi l’installation, la monumentalité, et parfois les références au luxe. Il y a des innovateurs dans des domaines variés et des sculpteurs pleins d’intelligence et d’humour. Certains proposent des œuvres complexes et déroutantes, mais avec un grand humour et des bricolages inventifs.

Quelques-uns encore continuent discrètement à recouvrir des surfaces par des moyens de leurs choix ; si Dubuffet et Reyberolle sont morts dans un silence assourdissant _ des media _, il existe encore des peintres _ ou « derniers des Mohicans » ?.. _, mais je gage qu’une personne sur mille, y compris dans un milieu éclairé de classe moyenne cultivée, soit capable de nommer trois artistes peintres, contemporains de 40 à 60 ans ! Même Garouste, Blais, Cognée, Favier pour ne citer qu’eux, sont inconnus, sans parler de plus âgés, comme Fromanger, Hucleux, Télémaque, Titus-Carmel… ; et je ne cite ici que ceux résidant en France.

Pendant ce temps, tous les lieux sont envahis et réellement colonisés par des productions spectaculaires, arrogantes, réalisées dans une débauche de moyens _ facteurs d’autorité du fait ; quand manquent, ou ne sont guère audibles les instances d’appréciation du « droit de l’Art » : au moins les pairs ; mais qui les connaît ? consulte ? ou écoute ?) _, installées dans les boudoirs et les salons _ de Palais ; ou de méga-Musées _, signes non pas d’une vieille aristocratie cultivée, mais de palais dorénavant squattés _ « squatt » : voilà le terme chirurgical qui analyse le fond du dispositif (de grandiose imposture !) _ par les parvenus les plus arrogants, qui, par des fortunes et des situations conquises par la fréquentation _ et occupation prolongée, tel le droit de l’occupant que nul ne vient remplacer : on s’y fait… ; il devient « partie intégrante » du « décor » _ des milieux du pouvoir, s’en arrogent l’usage.

Ces nouveaux maîtres des lieux _ par l’argent, la fortune, ou par l’élection populaire _ s’appuient justement sur des productions artistiques absconses pour décourager quiconque de s’identifier et de se les approprier. Le peuple se sent exclu de ces allées de châteaux (est-ce l’objectif ? _ oui : d’un côté de la « rampe », ou de « l’écran », ceux qui font ; et qu’on regarde ; de l’autre, le public, cantonné à regarder rien que ce qui lui est montré) qui doivent rester des allées de pouvoir. Paradoxalement, on l’y invite _ à « voir », vite et de pas trop près ; et sans toucher _ par le tapage médiatique, la provocation et le spectaculaire, mais pour l’en exclure quant à la saisie des enjeux _ il (le peuple !) tourne autour (un peu et vite : cela ne demande ni d’être détaillé, ni d’être contemplé), impressionné surtout, comme face au gigantisme (écrasant) des Pyramides ! Quant aux « objets », ils ont le goût amusant, pour certains, de la dérision ludique du nihilisme…

Les crânes de Hirst, les voitures de sport en marbre, les gigantesques babioles de Koons, ont un sens clair et précis, celui de l’arrogance de classe _ certes ! Perversité : ce sont des messages de même nature _ of course ! _ que ceux du président, au Fouquet’s, sur son yacht ou dans les piscines que lui prêtent ses commanditaires, où la vulgarité se drape dans le luxe pour amadouer _ anesthésier (cf le très remarquable « La démocratie immunitaire«  d’Alain Brossat, à La Dispute, en septembre 2003) ; autant que séduire et complaire, avec et par l’épate et le rire (méchant) de connivence : cf les comiques engagés dans ces palais du pouvoir… : jusqu’au Vatican ! (cf ici Olivier Mongin : « De quoi rions-nous ? notre société et ses comiques » _ ce qu’ils pensent être le peuple, lui intimant par là de se taire, de fuir ces lieux la tête basse, puisque leurs nouveaux maîtres possèdent et dominent leurs références _ cf mes articles de septembre sur les dispositifs à l’égard du « peuple » au XVIIème siècle (Louis XIV d’après son parrain « baroque romain » Mazarin !)… L’idée est la même, quand Nicolas Sarkozy entraîne Bigard et Johnny, comme Clavier, pour s’approprier ce qu’il croit être la « culture populaire » ; de même, crânes, bagnoles, petits chiens, jouets, vulgarité, sont sans doute les stéréotypes, les clichés que se font des classes populaires les faiseurs contemporains.

Ce kitsch _ parfaitement : et son « triomphe » même ! _ se réfère donc pour parfaire son arrogance provocatrice à certains codes habituels des quelques signifiants des classes populaires, les « nains de jardin » et les « toutous », les objets en ballons gonflables, les méchants canevas de mercerie, les crânes, des tatouages de bidasse, la bagnole de sport, le porno (Koons et la Cicciolina), la culture pop bon marché (la langue des Rolling Stones _ rachetée récemment comme logo…).

Manière de se gausser du mauvais goût des classes dominées, manière de s’approprier leurs icônes _ étrangères à l’Art ; idéologiques seulement _ pour les abrutir _ ah ! _ encore plus et se les soumettre en les passant à la moulinette de la monumentalité et du luxe _ bravo ! _, ce que « eux » ne pourront jamais se payer, même pour valoriser leurs propres signes _ d’appartenance sociale. Il s’agit d’établir la frontière, le mur _ la rampe et l’écran, en matière de « spectacle » ; les barrières mobiles, en matière d’organisation de la circulation sur la voie publique  _, entre des mondes, destinés à ne plus se rencontrer _ rien à toucher. L’esprit, la connaissance, le goût, la sensibilité, la culture et les références n’ont plus cours dans ces œuvres _ nihilistes _ de pouvoir _ loin, loin du « Partage du sensible«  dont a le souci un Jacques Rancière. Le signe de reconnaissance est le postmodernisme luxueux _ la richesse (d’où émane un tel luxe) ne pouvant que « faire (et si aisément !) sens »… Il faudrait maintenant, en manière d’art, prendre son parti que, là aussi, il n’y a plus de sens à chercher _ ou le « nihilisme » ! _, plus d' »évolution » _ d’aventure du « génie », préfèrerais-je _, ni d’esprit de sérieux ou d’enthousiasme, ni de quête, ni d’idéal, ni bien sûr d’émotion au pays du cynisme roi _ jolie formule ! le seul jeu étant celui, social, du pouvoir : et malheur aux vaincus !..

Art de gamins blasés et de bébés rassasiés, d’enfances gâtées _ infantiles et infantilisées. Surcharges pondérales _ et c’est peu dire _ du goût. Insulte délibérée de classe, ces _ pseudo _ artistes sont complices. La complicité va encore plus loin, quand l’architecture et les institutions s’en mêlent, faisant fleurir des fondations et des musées luxueux, audacieux et architecturalement bavards, comme le Musée d’Orsay en avait montré le chemin, aux missions obscures _ toujours pyramidalement en imposer !!!

Même à Beaubourg, architecture cohérente, démocratique et lisible, qui à l’origine, en tant que musée, devait abriter, sélectionner et proposer à l’esprit des collections permanentes, permettant de réfléchir, comparer, prendre du recul, évaluer et enfin penser notre époque, c’est le tourbillon spectaculaire _ circulez ! _ des collections et des œuvres, comme au Palais de Tokyo et dans tous les musées contemporains. Même au Havre, où il est dorénavant impossible de voir des Dubuffet, constamment remplacés par des gloires éphémères _ « tout passe, tout casse, tout lasse » : ou le turn-over des gondoles de « marchandises » des modes…

Ne parlons pas des machines à monumentalité et à spectacle des grandes fondations et des musées récents dont personne n’est en mesure de dire ce qu’elles abritent, le Musée Guggenheim de Bilbao en étant le plus flagrant _ on l’a « vu » : on ne pouvait pas le manquer ; non plus que l’oublier… _  modèle. Le bilan est celui d’une époque qui ne se donne plus les moyens de réfléchir, de penser, de comparer, de prendre du recul, de voir, revoir et assimiler ; mort des musées _ et de l’« Homo spectator » de Marie-José Mondzain…

Je ne dis pas ici que les grands bourgeois aient forcément mauvais goût, les fondations, Gulbenkian de Lisbonne et Thyssen de Madrid, Saatchi à Londres, entre autres _ ou les grandes collections américaines, telle, parmi bien d’autres, la collection Frick, fondée par Henri Clay Frick (1849-1919), à New-York _, le montrent, à l’évidence, mais de même qu’un capitalisme financier repose de plus en plus sur des bulles spéculatives et des valeurs virtuelles _ on voit ce qu’elles deviennent, quand elles n’ont rien « anticipé » pour se « solidifier » un peu mieux… _, une esthétique, un art de la spéculation, de l’artifice et de l’excès _ du faux _ voient le jour _ et prospèrent.

Je dirai deux mots de ce qui me motive : enseignant et conférencier en arts plastiques et culture artistique, artiste modeste et sincère, connaissant des dizaines de compagnons et compagnes d’anonymat, comme des centaines de jeunes créateurs, destinés à former les futurs acteurs de l’art contemporain, je suis scandalisé par l’arrogance de certaines postures et de la place significative qui leur est accordée _ au sein des jeux de pouvoir socio-économico-idéologico-politiques _, je suis atterré par l’absence totale de réactions _ ou d' »offensives » ; de pas mal, au moins (sinon tous) _ des sociologues, des penseurs, des critiques, des journalistes _ existe au moins un inlassable et inintimidable Jean Clair ! _, et certainement frustré, comme des milliers d’artistes de tous horizons des inégalités _ pis encore : injustices _ de traitement médiatique et marchand _ mais une justice est-elle ici à entendre de tels « spéculateurs » ? D’où vient la « juste » reconnaissance ? D’autres que de pairs ?.. De « regardeurs » (et acheteurs, collectionneurs) mieux lucides ?


Olivier Jullien est agrégé, plasticien et conférencier en histoire de l’art (Ecole normale supérieure-prépa HEC)…Quand la « croyance » en « les habits neufs » du roi cesse, bien des règnes _ et jusqu’à des empires _ s’écroulent tout soudain… Une vraie confiance paraît, elle, se mériter mieux, et autrement, que selon les modes d’emploi pressés _ how to… en 80 leçons _ de ces manipulateurs d’illusions : en Art, en finances, comme en pouvoir politique… L’Art est objet d’amour profond et d’infinie passion, seulement ; pas de modes (changeantes autant qu’éphémères)… Et d’une vraie et durable pratique d’œuvres : qui demande une réelle disposition du temps, pour s’y livrer… Rien qui obéisse au caprice ; et au doigt et à l’œil… Sub specie æternitatis, en vérité (et en réalité), seulement…
…Cette prise de position _ d’Olivier Jullien _  n’est certes pas parfaite ; et présente _ un peu naïvement _ quelques défauts de cuirasse _ qu’on identifiera en parcourant les « réactions » de quelques lecteurs-commentateurs de l’article du Monde _, contre les dangers desquels, déjà, un fin politique tel que Disraëli aurait prévenu : « never explain, never complain« … Mais elle a le mérite minimal de mettre avec courage en lumière le degré insupportable d’outrecuidance d’impostures en matière de fondement des valeurs, de croyance (entre crédulité niaise et confiance fondée) ; en Art aussi.

Et l’Art n’est pas le pire terrain pour se former le jugement (de goût esthétique), en dépit _ et précisément à cause !!! _ de l’absence de critères quantitatifs (faciles à « suivre »)… Les malheurs des spéculations de « marché » _ et cette « heure » même de « crise » ! qui risque de durer… _ pouvant (?) re-mettre un peu (peut-être fais-je , à mon tour, preuve ici de naïveté ?) les « pendules » à l’heure : car, en Art, règne _ et très implacablement ! _ le souci de la justesse ; pour l’artiste, au premier chef, forcément ; et son « génie » créateur _ tel un Cézanne sans cesse « cherchant » ; pour les amoureux des œuvres, ensuite ; au premier rang desquels des acheteurs (et bientôt collectionneurs) saisis par l’enthousiasme des (très hautes) exigences des valeurs _ sans équivalence : d’où le « sans prix » (ou « folie », même) de leur admiration ! _ d’Art…

Que, fuyant le suicidaire miroir-aux-alouettes collectif du bling-bling, on en (re-)vienne un peu plus au vrai risque du courage et de la sagesse d’un tel mieux « juger », afin d’un peu mieux,

et « nous faire conduire », ensemble ;

et, chacun, « se conduire », soi..

En cela, le jugement esthétique de goût artistique peut être un paradigme d’honnêteté du goût,

et pour le jugement (de goût) politique démocratique,

et pour le jugement (de goût) éthique existentiel :

apprendre à mieux juger…


Titus Curiosus, ce 27 novembre 2008

Post-scriptum :

avec une sélection de réponses _ au moins significatives (au-delà de la diversité de leur qualité) _ de lecteurs-abonnés du Monde :

ROBERT C.
28.11.08 | 10h41
Ouf ! Merci Olivier Jullien. Koons, c’est le triomphe du fric et du pouvoir. Le stade Dubaï de l’Art. Il faudra trouver un mot plus fort que « snob », ou « cynique », pour décrire cet « Art » qui n’est qu’un attrape-gogo fortuné. En ce sens, ce ne serait pas grave (qu’ils payent !) ; mais hélas cette chose occupe et occulte la scène culturelle. Car ce n’est pas seulement du mauvais goût, mais un manifeste : « Mort aux pauvres ! »

la huronne
27.11.08 | 19h19
Les « instances » publiques qui proclamant que l’idée dans l’art est plus importante que l’œuvre, et montrent des homards, des veaux en gelée, font qu’une fois de plus le pékin se dit que les artistes sont décidément des farceurs ; qu’ils sont là pour causer des sensations et faire rire le bourgeois ! on ne le choque plus, le bourgeois ; et l’Art, il s’en fout.

Juliannes
27.11.08 | 19h17
L’Art contemporain est une énorme escroquerie. Ce sont des artistes du vide. Quel est leur message ? Rien. On ne devrait même pas parler d’eux.

CHARLES B.
27.11.08 | 18h24
Excellent. Comme ça fait plaisir de lire ça ! Enfin quelqu’un d’assez courageux pour dire que le roi est nu…

nicolas f.
27.11.08 | 15h44
Quelqu’un qui signe « artiste modeste et sincère« , ça fait vraiment peur ! Depuis quand juge-t-on les artistes sur leur sincérité ou leur modestie ? Mozart était-il sincère et modeste ? Charles Le Brun, le peintre de Louis XIV, était déjà un sacré opportuniste, et je crois qu’ils ont vraiment eu raison de lui associer Jeff Koons. Marre d’entendre les mêmes bêtises sur l’Art. L’Art, c’est vivant ! Si vous voulez juste adorer et vous prosterner, il faut aller à l’église, pas au musée…

Thomas Lévy Lasne
27.11.08 | 14h42
Si les « bons » artistes ne sont pas plus présents sur la scène nationale, n’est-ce pas aussi parce qu’au lieu de se regrouper, s’organiser, se créer un public, ils font la queue individuellement des FRAC, DRAC, institutions, en espérant y être, tout en jouant le jeu de la féroce concurrence ? Dire qu’il n’y a pas de bons critiques en France, c’est faux (le très consolant Olivier Céna, le très systémique Yves Michaud, le très philosophe Alain Chareyre-Méjan, le très jouisseur Hector Obalk…)

Thomas Lévy Lasne
27.11.08 | 14h40
Puisqu’il faut faire court (obligation du site) : Pierre Auguste Renoir _ dont je ne suis pas fan _ disait « qu’il ne pouvait pas y avoir de bons artistes si il n’y avait pas de bons amateurs d’art« . Son « Koons » à lui s’appelait Bonnat. Il passait beaucoup de son temps à éduquer le goût des amateurs. Sa réaction face aux institutions d’État, ce fut d’abord de se regrouper avec d’autres artistes pour créer le Salon des Impressionnistes (avec Pissarro, Monet et Degas). Pourquoi jouer encore le jeu ?

MAURICE M.
27.11.08 | 13h50
De quoi parle-t-on quand on parle d’Art aujourd’hui ? Qu’en sait-on ? Qui en a entendu parler ? En tout cas ni à l’école, ni au lycée, ni par les récents ou actuels « Ministres de la Culture » (il paraît qu’il y en a au gouvernement), ni par les media fascinés par le gigantisme, le sensationnel, le « jamais vu » ? Vous avez dit « Art » ? Disons plutôt « mauvais goût généralisé« , « kitsch universel« , « fric« , « bulle financière » et, effectivement, « triomphe des cyniques » ! Au secours, Malraux !

vincent s.
27.11.08 | 13h15
Ce que M. Jullien voit dans les œuvres de ces artistes dévoile un esprit ombrageux. Le verbe est amer et ne dénote qu’une vive réaction à l’époque. Réduire l’Art contemporain à une guéguerre entre le soldat Koons et le soldat Garouste n’est la preuve que d’une absence totale de goût. On n’affirme rien, on crache. L’Art d’aujourd’hui est plus riche et mérite mieux qu’une énième élucubration de peintre maudit. Combien de temps encore allons-nous être emmerdé avec ces débats du siècle passé ?!

Lunettes
27.11.08 | 12h28
Ah, le beau discours ! Dénoncer le complot des financiers et des snobs, démontrer que l’Art contemporain n’est qu’esbroufe et manipulation : quel succès vous aurez auprès du bon peuple. D’ailleurs, tous les commentaires renchérissent sur votre propos. Il faut arriver à la signature pour comprendre : un plasticien aigri qui n’expose nulle part, un prof qui détourne les élites intellectuelles (ENS) vers le commerce (HEC), qui dit des stupidités poujadistes sur Picasso et qui écrit « Grazzi« .

Patricia G.
27.11.08 | 12h18
MERCI !!!!!!!!!!!!!

Mais j’erre.
27.11.08 | 11h53
Versailles et Koons, la rencontre peut néanmoins être intéressante. Un art à la botte du monarque absolu, doré et prétentieux à souhait, contre un art qui pratique l’humour, la dérision, l’éphémère, le scandale. Si Versailles s’en sort mieux, c’est qu’on est peut-être vampirisé par Louis le 14°. Au fait, Louis, c’était pas ce type maquillé et perruqué, avec plein de nœud-nœuds partout, avançant une jambe provoquante, quillé sur ses hauts talons. Quel mauvais goût !

Chiara R.
27.11.08 | 09h39
Très bien. Mais le palazzo, c’est Grassi, veuillez corriger s’il vous plaît ! Aussi, au lieu de dénoncer les nouveaux pompiers, et en parler encore et toujours, il serait temps peut-être maintenant de les ignorer, pour laisser la place, dans les médias, dans les musées, dans les lieux d’expositions, aux artistes. Ceux qui font leur œuvre comme on fait une résistance.

Marc D.
27.11.08 | 09h38
Bravo! oui, un certain Art comtemporain est bien le pompiérisme de nos jours, un art de parvenus. Les riches fin XIXe recherchaient la respectabilité pompeuse ; nos riches font dans le bing-bling. Tout cela repose sur une fantastique spéculation financière (une autre bulle !). Exposer dans des musées nationaux est une publicité qui ne peut qu’augmenter la cote des « artistes »-spéculateurs. Espérons au moins que la RMN participe à la plus-value…

jojo+
27.11.08 | 08h45
Le plus grave est le mépris du public que cela révèle : on va visiter Versailles pour faire connaître Louis XIV à ses enfants ; et on vous fout Koons devant pour qu’ils n’y comprennent rien ! Cette rage de l’ « élite » contre les simples gens est véritablement répugnante.

Rodolphe I.
27.11.08 | 01h46
Picasso est fascinant, justement pour avoir réussi _ lui _ à faire réellement de l’Art avec des moyens pauvres. Mais tous ces autres !… qui épatent le bourgeois (et rien que lui), et les critiques terrorisés à l’idée de passer pour de vieux cons. Tout ça relève du terrorisme intellectuel. La bêtise a de l’avenir. Comme toujours. Je suis un fou de peinture. Mais j’ai des exigences moins puériles que Pinault. Libre, lui ? Parce que la richesse est une preuve de goût ? Il le croit probablement.

Catherine M.
26.11.08 | 22h42
Un réseau d’acteurs (du monde de l’Art) liguent leurs intérêts pour faire monter la cote d’un artiste, ils récupèrent ensuite pour leur propre compte les bénéfices (symboliques, financiers, etc….) de l’opération. La plupart des « événements » de l’Art contemporain sont obtenus par consentement du spectateur. Celui qui se rebelle est viré du système. La plupart des « événements » de l’Art contemporain sont obtenus par « fabrique du consentement » des spectateurs, c’est de la pure com’.

Artiste Lambda
26.11.08 | 21h44
D’accord à 97 % avec votre constat : juste 3 petits bémols sur la confrontation de Picasso aux maîtres anciens, Orsay et Bilbao : critiquables certes, mais ne pas jeter les bébés avec l’eau du bain…

noelle b.
26.11.08 | 20h30
Merci, il fallait que cela soit aussi bien dit. Je communique votre article à mes amis »galeristes » et collectionneurs qui s’ébaudissent devant ce mauvais goût…

@ EtLaMusiqueDonc
26.11.08 | 20h24
Que les ballons de Koons soient en acier plutôt qu’en alu, ne les rend pas plus beaux et ne rend pas plus intéressante la démarche soi-disant artistique de leur auteur. « Auteur » (entre guillemets) devrait-on dire, car sans les dizaines de graphistes et d’ingénieurs de son bureau d’études, on se demande ce que pourrait « créer » ce Koons chéri des nouveaux riches. Lesquels n’en ont rien à cirer de l’Art, qui pour eux est pure spéculation financière.

natacha
26.11.08 | 20h19
Avoir le courage de braver le complot des bien-pensants et des bureaucrates culturels pour dénoncer les foutaises de certains artistes-business avec leurs homards et autres, c’est plutôt rare. A la place de Fabre et de Koons, allez donc, puisque c’est encore ouvert, jusqu’à la fin de la semaine, visiter le Salon des Indépendants au Grand-Palais, pour découvrir qu’il existe encore une vraie création artistique, qui n’a rien à voir avec la « daube » qu’on nous impose à Versailles.

Plein des poches
26.11.08 | 18h38
Avec la crise, rien ne va plus ; et demain, ce sera encore pire. Les chefs-d’oeuvre de Pinault et consorts ne vaudront plus un clou. Dans le meilleur des cas, ils seront entassés dans des garages aux toits crevés, dans le pire, jetés à la décharge. C’est donc demain qu’il faut acheter pour pouvoir faire la culbute. Le marché de l’Art, c’est comme la Bourse, on peut gagner très gros ; et il n’existe aucune valeur objective. La seule réalité est la loi du marché.

Hum_Hum
26.11.08 | 17h25
Merci et bravo pour cet article.

Atchoum
26.11.08 | 17h06
C’est comme ça, les pompiers se font des millions, et les purs crèvent la faim. En ces temps de crise, je pense avec dégoût à toutes les centaines de millions prélevées sur les résultats des entreprises de MM Arnault et Pinault aux dépens de leurs employés et englouties dans des homards gonflables !

EtLaMusiqueDonc
26.11.08 | 16h27
Un critique qui utilise encore des clichés comme « silence assourdissant »… et qui ignore que les ballons de Koons sont en acier. C’est vrai, ça, tous ces farceurs qui ne savent même pas dessiner ! Ah, Madame, on parle de Picasso, maintenant, mais les prédécesseurs trouvaient Picasso épouvantable ! Et que dire de Duchamp ? D’ailleurs, c’est bien simple, on devrait interdire la foire de Bâle, et interner Gehry…

Mona
26.11.08 | 16h25
MERCI pour ce point de vue vivifiant ! Nous vivons une époque où plus que jamais les « monnayeurs » l’emportent sur les « créateurs », pour reprendre une distinction chère à Julien Gracq .

MARTINE D.
26.11.08 | 14h52
Vous avez dit « cynique« , et vous avez raison. Le musée Picasso a besoin d’argent pour payer les travaux. Seul intérêt que l’expo Grand Palais : quelques toiles « de maîtres » ; le reste : infâme. Rothko et Bacon à Londres, c’est autre chose. Turner était en voyage… Je n’ai pas les mêmes points de vue que Jean Clair, mais au moins il sait de quoi il parle.

ajax
26.11.08 | 13h56
Comme vous avez raison : mais le temps tranchera ; nous traversons dans l’Art l’équivalent de la bulle de la Bourse. Bientôt nous verrons un krach de cet art-baudruche.


thierry g.
26.11.08 | 13h56
On ne peut que partager ce sentiment quand on entend le porte-serviette de Pinault qui gère (présider !…hum ) Versailles dire que Koons a _ dans un galimatias digne d’une devanture de fleuriste branché _ posé le même problème que Le Nôtre et donné une réponse d’aujourd’hui à ce que faisait le Nôtre à Versailles ! On sait bien que sa formation de maitre-aux n’en fait pas un grand intellectuel, mais quand même ! à partir du moment où les bornes sont franchies, il n’y a pas de limite : D’ac, Duchamp ?



Lire chaque jour les pages du Monde _ d’El Pais, de La Repubblica, du New-York-Times, et quelques autres _ est riche de significations… Des paroles un peu moins « pré-vendues » accèdent à la possibilité de la lecture ; et du débat, grâce aux sites des journaux (et des blogs), sur Internet… Charge à chaque lecteur d’apprendre à s’y orienter, avec recherche de « justesse »… Le pire n’est pas chaque fois le plus sûr…

De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles

10sept

Suite aux « petites réflexions » sur « Art et Tourisme » (« à Aix _ et ailleurs« ) ; puis sur « Tourisme et Environnement _ dans le massif du Mont-Blanc » : à propos de l' »installation » _ visible dès demain _ d' »œuvres » de Jeff Koons au Château de Versailles…

Sur une des blogs invités par le journal Le Monde _ le blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » _ , on trouve, en date d’aujourd’hui, ceci _ selon mon habitude, je mets en gras ce qu’il me plaît de souligner :

09 septembre 2008

Jeff Koons au château de Versailles

jeff-koons-lobster.1220945639.jpg Demain, c’est l’ouverture de la rétrospective Jeff Koons au château de Versailles. Au total, 16 pièces ont ainsi pris place, et jusqu’en décembre prochain, entre les appartements du roi et la Galerie des Glaces. « Art contemporain » versus « Ère du Roi-Soleil » ? Avouons-le, de ce côté-ci de l’Atlantique, on attendait l’artiste américain, phare du flashy et fan du kitsch plutôt à Londres, et dans le très grand « Hall des Turbines » de la Tate Modern…

Mais à la “surprise” générale, c’est à Versailles, dans le château XVIIe siècle du Roi-Soleil, au cœur même des appartements du Roi et de la Reine, qu’il faudra donc se rendre pour prendre la mesure de cette rétrospective, première du genre sur le sol français. Parmi ces 16 pièces, une seule, Split Rocker, avec ses 12 mètres de haut et son installation interne de 90.000 plantes, est postée à l’air libre devant l’ »Orangerie ». Les 15 autres s’égrènent dans les pièces du château : Lobster, une langouste en acier et aluminium peint et pendu comme un jouet gonflable, dans le « Salon de Mars » (voir image ci-dessus) ; Rabbit, un lapin en acier chromé placé dans le « Salon d’Abondance » ; Balloon Dog dans le « Salon d’Hercule », un bouquet de fleurs en bois polychrome dans la « Chambre de la Reine » ; enfin, une Marilyn scotchée à une panthère rose baptisée « Pink Panter » dans le « Salon de la Paix ».

“Les habitués seront étonnés […], confiait Jeff Koons dans le dossier de presse. Mais j’aimerais qu’on ait le sentiment d’embrasser le futur. Le temps est une ligne continue qui se perpétue à travers les Arts et les artistes. […] Versailles ? Oui, je suis emballé par ce défi royal, c’est mon plus beau projet.”

Une récente adjudication à New-York de l’une de ses pièces à plus de 23 M$, et le tableau de cette exposition versaillaise se fait plus précis ; d’autant que, pour cet événement, François Pinault est le mécène principal, présent à hauteur de quelque 2 M€. Cela ajoute sans doute à l’enthousiasme ambiant.

Pourtant, cette exposition ne fait pas l’unanimité.

Jeff Koons à Versailles, certes, le ton est donné : du grand, de la démesure, des installations imagières rigolotes et narcissiques, le tout bien coté et valant une petite fortune, car appartenant aux plus grandes collections de la planète (Pinault, Joannou, Fearnley, Broad). A y regarder de plus près, ce profil d’artiste ressemblerait aussi et de plus en plus à son feu compatriote pop, grand brasseur de business lui aussi : Andy Warhol. Pour l’anecdote, dans le « Salon d’Apollon », Jeff Koons a choisi d’exposer son autoportrait tout en marbre…

Au-delà d’une œuvre chère et en apparence simplette qui plaît aux grands comme aux petits, que peut bien chercher Jeff Koons : la notoriété ? l’argent ? les femmes ? Il semble que sa période sexe et picturale, inspirée de son idylle avec la Cicciolina son ex-épouse, qui fit scandale en son temps à la Biennale de Venise (1990), soit du passé. Cet artiste de 53 ans, cravaté et corseté dans son beau complet tout neuf, se concentre visiblement maintenant sur la réussite de ses affaires et la trace artistique qu’il souhaite laisser.

Pour avoir quelques clés et mieux appréhender ces œuvres ainsi que l’engouement qu’elles peuvent susciter, il est sans doute préférable de pointer le jeu volontaire et décalé de leur l’échelle, les matériaux hétéroclites qui, agencés selon les soins de ses ateliers bien organisés, troublent un instant (est-ce un ballon gonflé ? de l’acier ? du bois ? de la peinture ?). Mais quoi qu’il se passe, le recours à une représentation qui fait référence quasi systématiquement à un univers enfantin et populaire renvoie aussi au style Disney.

09 septembre 2008

Commentaires

  1. Non, non… il n’y a pas du tout de “surprise générale”… Jeff Koons en France et à Versailles, c’est dans l’ordre des choses…
    Il y a 10 ans ou plus, Alisson Gingeras arrivait au Centre Pompidou, dont le président était Jean-Jacques Aillagon, avec le projet d’une expo Koons… Aujourd’hui et depuis plusieurs années, Alisson Gingeras, à la suite de Jean-Jacques Aillagon, gère la collection Pinault, grand collectionneur de Koons.
    10 ans donc que le milieu de l’art contemporain attend cette rétrospective : le rêve. « Rédigé par Sylvie Philippon« 
  2. Où est la “vision” ?
    Où est l’âme ?
    Que cette œuvre “gentiment” régressive et “poliment” nihiliste soit l’expression servile du pouvoir de l’argent, n’indispose donc personne !
    Faut-il que ces messieurs nous aient fait dégorger toute notre mœlle pour que nous nous vautrions gaiement là-dedans !f »Rédigé par Bats and Swallows« 
  3. Quand on sait que l’un des principaux collectionneurs de Jeff Koons est François PINAULT, au demeurant il a bon goût, et que le responsable du Château de Versailles est Jean Jacques AILLAGON, ancien ministre de la culture, mais aussi proche collaborateur de PINAULT quand celui ci imaginait installer sa fondation d’art contemporain sur l’Île Seguin à Boulogne, et aujourd’hui à Venise, on se dit qu’il y avait sans doute un intérêt réciproque à la rencontre de Versailles, son château et Jeff Koons.Cela étant, on ne peut s’empêcher de craindre dans cette histoire un quelconque intérêt _ voire affaire de gros sous _ pour glorifier la rencontre du Kitsch US et celle du classicisme Français.Allez, la vipère n’est pas bonne conseillère, quand elle utilise sa langue ! »Rédigé par  Thierry« 
  4. Le lien que vous faites entre Warhol et Koons me semble judicieux (je le fais aussi !). J’avais vu la rétrospective Warhol à Bruxelles il y a quelques années. Ce qui m’avait le plus ému, c’étaient ses photos en noir et blanc et ses petits films, notamment celui consacré à sa petite égérie de la Factory (dont le prénom m’échappe sur le moment). Je n’ai jamais vu, “en vrai” du moins, une œuvre de Koons, et, pour être honnête, je ne me déplacerai pas spécialement à Paris pour voir la rétrospective de Versailles (à moins que quelque mécène, Jean Jacques Aillagon peut-être, m’offre le séjour !). J’ai plutôt tendance à penser ainsi : de Warhol à Koons, une Amérique enfantine et grandiose, certes, mais peut-être dérisoire ? J’ai envisagé de publier sur mon propre blog (L’Amour délivre), une fois n’est pas coutume s’agissant d’un blog littéraire, un article sur le sujet… De la même façon que beaucoup se rendent compte aujourd’hui que Picasso était probablement plus un virtuose qu’un génie (si j’en crois le dossier Bacon du Monde 2 de samedi dernier, Francis Bacon semblait le penser aussi…), il est probable que la trace laissée dans l’histoire de l’Art par nos deux acolytes américains ne sera pas celle que reflète leur cote du moment ! D’autres, dont on parle un peu moins (Marc Rothko par ex.), prendront leur place, insensiblement : c’est souvent ainsi ; il y a les œuvres du moment, et celles qui grandissent dans la durée, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes, loin s’en faut ! mais vous savez cela aussi bien que moi. J’apprécie vos articles, mesurés, bien écrits et… “instructifs”, comme on disait autrefois, dans ma tendre enfance ! Bravo.
    Joël Bécam « Rédigé par: joelbecam « 

Comme pour les commentaires des lecteurs de l’article de « Libération » de vendredi 5 septembre « Le Mont-Blanc broie du noir » à propos des dangers de la « surfréquentation touristique »

_ cf mon « Du tourisme (suite) : une surfréquentation destructrice » _,

les commentaires des lecteurs du blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » ne nécessitent guère de commentaire, pour prolonger les réflexions que j’esquissais à partir de la présence d’une expo Ben _ et du panneau « L’Art m’emmerde » _ aux portes du « sanctuaire » qu’a pu être le « Musée-Atelier » du Chemin des Lauves (et atelier de Paul Cézanne, entre 1902 et 1906)…


Corinne Rondot interrogée à propos de l' »expo Koons » à Versailles dans l’émission _ d’Arnaud Laporte _ d’entre 12 heures et 13 heures 30 sur France-Culture ce mercredi, se demandait qui avait le plus à « gagner » de l' »Art classique » et de l »Art contemporain » à pareille « installation », « confrontation », « cohabitation »… Une réflexion que je livre ici telle quelle…


Michel Fraisset, Directeur de l' »Atelier Cézanne » (d’Aix-en-Provence), fait _ cf mes 4 articles « Art et Tourisme à Aix » _ du « lieu » internationalement attractif, à Aix, dont il a la responsabilité (« touristique »), un « lieu de culture ouverte » _ caractérisé « surtout » par sa « convivialité« , le « partage » et des « émotions«  : dont profitent les artistes (et les œuvres) invités ;

mais qui peut retentir aussi sur le regard (titillé malicieusement par un « L’Art m’emmerde« ) posé par les visiteurs-amateurs sur un maître admiré, voire vénéré, tel que Paul Cézanne…

Dans le cas des « Galeries », « Salons » et « Chambres » (royaux et royales) de Versailles, existe aussi une « mise en mouvement » à double-sens _ du présent vers le passé ; et du passé vers le présent _ des regards (et pensées) des regardeurs-spectateurs _ du moins potentiellement, « en puissance », dirait Aristote…

Cependant, l’aura _ et la cote sur le marché international _ de Jeff Koons s’augmente(nt) passablement de pareille « rétrospective » en un tel lieu ; davantage que s’enrichit la gloire de Versailles…


Soit un avatar de plus de ce qui se passa ici en 1870, en 1919, et même en 1940, avec le « passage » en ces mêmes « Galeries » et « Salons », non seulement d’un Bismarck ou d’un Foch, mais aussi d’un certain Adolf Hitler…

« Le Roi s’amuse » aussiauraient dit un Victor Hugo _ en son théâtre _ ;

un Pascal _ en ses « Pensées » _ ;

ainsi qu’un Giono _ dans le terrible « Un roi sans divertissement« …

Qu’on relise surtout les « Lettres » de Madame de Sévigné sur ses visites « enchantées » _ et les éblouissants « medianoche » en musique _ à Versailles ;

et le duc de Saint-Simon, en ses « Mémoires« …


Titus Curiosus, ce 10 septembre

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