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Délicate balance, entre exigence de vérité et souci de délicatesse : quelques remarques préliminaires, en lisant « Mes Années japonaises » de René de Ceccatty

20avr

Désirant que l’article que je vais écrire sur Mes années japonaises de René de Ceccatty _ le livre est à paraître le 2 mai prochain au Mercure de France _,

soit à peu près à la hauteur de celui que j’ai composé pour Enfance, dernier chapitre

j’en suis à ma quatrième relecture minutieuse de ces Années japonaises de René de Ceccatty.
Et je trouve que la figure de R. _ de leur rencontre-coup de foudre au mois de mai 1978 à Tôkyô, à leur très pénible séparation en juillet 1994 à Paris, puis à la fin de leur collaboration de traducteurs du japonais en français, en 2014 ; R. étant rentré d’Europe au Japon en 2011 _
y est un peu _ trop ? _ escamotée, floutée _ et alors même que le prénom de R. apparaît 72 fois (en 51 pages, sur 246) ; et son nom, jamais ; à titre de comparaison, le prénom de Cécile, la compagne de René à Tôkyô, de leur arrivée ensemble le 26 septembre 1977, à son départ prématuré et seule (page 73) à l’automne 1978 (page 82), à 57 reprises (en 39 pages) ; René regagnant la France le 30 juin 1979 (page 152) _ ;
R. étant caractérisé ici par quelques très brefs épisodes de son ironie un peu froide _ mais en rien agressive : affectueuse en sa forme, sinon en son fond (tout de même critique) : « R. estimait que je perdais mon temps à écrire mes livres plutôt que d’approfondir ma connaissance de la langue japonaise et de la culture de son pays. « Tu scribouilles« , me disait-il avec un mélange d’affection et de mépris« , lit-on page 184 _ à l’égard de son ami René,
 plutôt que par des éléments sentimentaux de leur attachement réciproque durablement profond de plus de quinze années, de mai 1978 _ leur rencontre-coup de foudre à Tôkyô ; et nous n’en connaîtrons que la date approximative _ à juillet 1994 _ leur douloureuse rupture : évoquée seulement par la très rapide allusion, page 153, aux larmes de R. « dans un café des Invalides qui n’existe plus » (René ajoutant cependant ici : « Et c’était moins notre rupture qu’il pleurait que sa vie nouvelle déjà si difficile« , sans plus de précision, comme souvent ; nous n’en apprendrons pas davantage…) ;
sans compter la continuation de leurs travaux communs de traduction, poursuivie jusqu’en 2014, même après le départ d’Europe et retour de R. au Japon en 2011 _ je viens de le dire.
C’est d’ailleurs une des principales raisons de cette quatrième relecture de ma part ;
et bien des choses _ tapies dans des détails, comme toujours, dans l’écriture si détaillée et riche (toujours parfaitement fluide ! sans jamais la moindre lourdeur…) de René de Ceccatty _ m’échappent probablement encore…
Et je me demandais aussi pourquoi _ hormis un répété et longtemps tenace masochisme, peut-être : jusqu’à l’arrivée en la vie de René de Julien _ René avait quitté si brutalement R., en 1994, pour sa si calamiteuse histoire avec Hervé, comme cela est narré _ mais sans se focaliser jamais sur les sentiments (et le point de vue) de R., laissés dans l’ombre supposée protectrice du non-dit_ dans Aimer
Et cela, René de Ceccatty le laisse ici à nouveau dans le flou… Sans y poser son regard _ et encore moins s’y attarder si peu que ce soit ; mais René de Ceccatty, toujours fluide, ne s’attarde pesamment jamais.
J’imagine et comprends donc les irritations que pourrait éprouver R. à la lecture de ces Années japonaises de René de Ceccatty,
qui sont d’abord, et profondément même, Les années R. de René !!!
Lire vraiment René de Ceccatty
exige toujours _ et c’est un formidable plaisir de lecture !!! _ une attention patiente et sans relâchement aucun : un tout petit mot unique _ par exemple, page 306, l’hapax du terme télétransportation (un phénomène se produisant pour René, via « la merveilleuse lumière hivernale«  et « l’ombre chaleureuse poméridienne« , entre les collines de Montpellier et celles de Tôkyô) dans Enfance, dernier chapitre _ au sein des volutes détaillés de l’envol d’une phrase développée, pouvant constituer une clé décisive de l’intelligence du réel vécu évoqué… Mieux vaudrait donc ne pas le manquer…
Et j’aime tout particulièrement que la sagacité du lecteur soit ainsi, même un peu rudement _ mais sans jamais d’agressivité, simplement par un jeu infiniment léger avec le lecteur, ainsi provoqué à la vigilance par sa propre éventuelle curiosité, si l’aventure lui survenait de se laisser prendre à un tel jeu (de lecture chercheuse), et sans la moindre lourdeur, évidemment !, de la part de l’auteur ; le lecteur ainsi incité par sa curiosité, devenant lui aussi acteur actif, et non passif, de sa présente lecture _ sollicitée !!!
Montaigne agissait ainsi, lui aussi !
« Indiligent lecteur, quitte mon livre ! », prévenait-il en ouverture hyper-ironique de ses Essais
Et cela, alors que la mère de René, confidente particulièrement lucide _ toute sa longue vie _, était très critique sur les situations amoureuses à éviter _ pour elle-même comme pour tout autre _ :
notamment _ d’abord _ à propos de ses propres sœurs Solange et Colette.
René l’avait bien souligné _ probablement trop tard rétrospectivement pour lui-même. Que n’a-t-il mieux suivi lui-même ce lucide conseil, serait-on donc (bien vainement) tenté de dire, de l’extérieur… 
D’où un assez persistant sentiment _ gris _ de culpabilité en lui
envers ce qu’il a mal réglé en son passé : trahisons, égoïsmes, aveuglements, indifférences,
qui continuent de le travailler, lui maintenant si lucide…
L’œuvre d’écriture réussira-t-elle à en venir au moins partiellement à bout ?
Je peux donc fort bien comprendre ce que pourrait être le point de vue de R. lecteur aujourd’hui de ces Années japonaises de son ami René de Ceccatty ; qui sont pour beaucoup aussi _ voire le principal _ les Années R. de l’auteur…


Et R. rejoindrait ainsi le point de vue du Raphaël réel _ non percé à jour, lui, dans L’Hôte invisible et Raphaël et Raphaël, en sa réelle identité, à la différence d’Hervé _parvenant à faire retirer de la parution, in extremis _ le matin même du jour où allaient tourner les rotatives de l’imprimerie ! _Un Père, qui livrait son portrait, même crypté et flouté.
Même si ce Raphaël réel demeure, lui, in fine assez épisodique et peu profond _ me semble-t-il _ au sein du parcours sentimental de René de Ceccatty ;
à la _ colossale _ différence, précisément, de R. …
Et à cette différence, aussi, que R. _ même si seul le prénom est ici, dans le récit, prononcé ; et pas une seule fois le nom ! c’est à relever ; avant, du moins, la réduction à l’initiale R. … _ est un personnage public parfaitement identifié, lui.
Et même dans la saga d’Hervé, ouverte par Aimer, René s’est efforcé de flouter le mieux possible toutes les personnes réelles qu’il évoque ;
et il faut bien de la ténacité un peu sagace au lecteur un peu curieux pour parvenir à percer à jour pas mal _ certains continuant de résister à l’entreprise _ de ces floutages…
Il n’empêche, les années japonaises de René sont, via, et très fondamentalement, la personne de R., les Années R. de René de Ceccatty
_ cf ces mots éminemment révélateurs à la page 160, à propos de son écriture à Tôkyô de la troisième partie de son magnifique Jardins et rues des capitales :
« Dans ce style ciselé et net, prudent et conscient, dépouillé et sec, je décrivais ma vie intérieure _ telle qu’elle venait d’avoir été vécue à Paris et à Rome _ que je séparais des informations qui m’étaient fournies _ alors _ par mon séjour _ présent _ en terre étrangère, convaincu que je n’étais justement pas _ en ce Japon _ à l’étranger, mais au contraire dans mon propre pays _ voilà ! l’expression est puissante ! _, un pays intérieur _ une expression très proche de celle, décisive, de « paysage intérieur » dans Enfance, dernier chapitre  _
auquel me donneraient accès ces idéogrammes _ de l’écriture japonaise _ que j’avais tant de mal à mémoriser,
espérant un jour faire miens ces livres qu’on m’indiquait (et dont, en effet, d’Ôé, de Mishima, de Kunio Ogawa, de Dögen, je traduirais certains) et me fondre dans une vie _ à la japonaise_ qui me semblait être, elle aussi, la mienne.
Mais cela, je le savais aussi, ne pouvait se produire qu’à travers un être humain tel, justement, R. _, et non seulement des livres »
Alors,
il me semble qu’en effet René de Ceccatty expose le moins possible _ comme il le fait aussi pour son frère Jean dans Enfance _ la figure même de R. _ nous ne saurons quasiment jamais (à l’exception des larmes versées dans le café près des Invalides, qui n’existe plus, de la page 153) ce que R. éprouve _ ;
mais de toutes les façons, la longue collaboration suivie (ne serait-ce que par leurs traductions communes) de René de Ceccatty avec R., est suffisamment publique ;
sans compter ce qui transparaît aussi déjà de R. à travers bien des romans matinés de romanesque _ issus-inspirés de leur séjour anglais : dans le Devon et à Torquay, en 1980 _ de René ;
ainsi qu’à travers les cinq récits _ Aimer, Consolation provisoire, L’Éloignement, Fiction douce et Une Fin _ de la saga d’Hervé, tout particulièrement son premier volume, Aimer.
Déjà là, la figure de R. abandonné _ pour le définitivement fuyant Hervé _ en cette explosive rupture avait été assez étrangement _ pour le lecteur, du moins _ escamotée-floutée dans cet Aimer
A nul moment, en effet, la personne cruciale de R. n’y avait été exposée _ et encore moins surexposée : la surexposition (hystérisée) étant d’ailleurs parfaitement étrangère au mode d’écrire-peindre, toujours parfaitement délicat (et merveilleusement léger en le flux heureux de ses phrases), de René de Ceccatty _ ; au contraire son nom seulement pouvait apparaître, à l’occasion,
mais pas la figure _ ni les expressions _ de sa personne, demeurée(s) entièrement translucide(s), floutée(s).
Ici, forcément, en ces Années japonaises, il est bien difficile de se taire totalement sur R., personne-pivot essentiel tout au long de ces années japonaises – années R., de René de Ceccatty :
que ce soit à Tôkyô et au Japon, dans le Devon, à Torquay et Totnes, à Paris, ou à Brosses, dans le Nivernais _ où se trouve la grange qu’avait achetée R., et dans laquelle ont traduits ensemble René de Ceccatty et R., onze ans durant, de 1990 à 2001 ; y compris après leur rupture-séparation de juillet 1994…
Ainsi R. demeure-t-il quasiment transparent _ translucide, quasi invisible _ aux yeux du lecteur : d’où mon point de vue premier _ de lecteur naïf, donc…
René de Ceccatty a été vraiment plus que discret _ et supérieurement délicat _ sur sa personne ;
et leur attachement…
Et c’est toujours la vérité _ la plus honnête qui soit _ du réel que recherche _ impitoyablement pour lui-même d’abord _ en l’œuvre poursuivi d’écriture rétrospective de sa vie, René de Ceccatty,

puisque la mission de fond qu’il conçoit de l’écriture _ cf page 54 : « c’était déjà _ dès l’enfance _ une évidence prouvée que mon rapport au monde passait par la chose écrite et lue « … _ et de la littérature est bien celle-là :
par le style singulier le plus adéquat possible à la vérité désirée _ maintenant _ de ce réel vécu _ passé, mais dont bien des effets réels, souvent non dépassés, demeurent, de ne pas avoir été réellement réglés alors… _ à laquelle l’écriture et la _ vraie _ littérature seules _ et c’est là une thèse très puissante et décisive de René de Ceccatty, présidant même à toute son écriture d’aujourd’hui ; cf page 56 : « Durant l’été, les manuscrits insipides et maladroits que je lisais attentivement me révélaient la banalité de toute vie quand elle est mal racontée _ voilà ! par clichés _ et donc aussi de la mienne si je ne l’écrivais pas ainsi qu’il me semblait que je le devais «  _ permettent, par-delà _ et contre _ le temps écoulé, passé, d’essayer d’atteindre vraiment _ comme pour remédier, par ses propres moyens spécifiques, à ce qui s’était alors trop mal passé _,
et avec la plus grande finesse _ très vigoureusement recherchée : René de Ceccatty se malmenant lui-même fortement avec celui qu’il a été _ du rendu des sensations éprouvées alors, 
au-delà de la banalité des clichés sur les situations communément partagées : des lieux communs au sens propre… ;
et toujours, aussi, avec la plus grande délicatesse possible, afin de ne surtout pas blesser le moins du monde ceux qui s’y reconnaitraient (ou reconnaîtront) à la lecture
de ce à quoi René de Ceccatty est parvenu à cerner et développer dans le détail subtil et magnifique de sa remémoration de ce souvent douloureux _ et coupable, par ses trahisons, ses aveuglements ou son égoïsme d’alors _ vécu passé.
Et toujours René de Ceccatty, auteur, recherche la plus juste balance possible entre ce souci le plus exigeant de la vérité de ce qui fut vécu alors, à essayer d’atteindre, et celui de la délicatesse à avoir à l’égard de ceux qui pourraient en être aujourd’hui, par son présent récit-remémoration, blessés…
À suivre :
ceci n’étant qu’un avant-propos liminaire à mon article de fond à venir…
Ce vendredi 19 avril 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Entre « Recherche » et « recherche », le « flou » actif de l’esprit imaginant à l’heure des GPS…

17juil

Un très intéressant article, ce matin, de Pierre Assouline, sur son « irration » (de lecteur !) d’un « Vademecum«  _ en anglais « Companion to« … _ « pictural » pour la « Recherche » de Proust,

par un anglais un peu trop bien intentionné, selon Pierre Assouline, Eric Karpeles…

Voici l’article de Pierre Assouline, en date de ce 17 juillet

_ farci de mes commentaires, selon la coutume de ce blog-ci… _ :

« Les lecteurs de Proust ont-ils vraiment besoin d’un guide de musée ?« 

     « Prenez un grand roman, disons « A la recherche du temps perdu« . Prenez chacune des évocations d’œuvres d’art que vous y trouverez. Prenez le moteur de recherche du site du Louvre. Mettez les uns dans l’autre, remuez, faites revenir à feu doux et servez quand c’est prêt. Cela donne un beau plat qui a un drôle de goût.

Au départ, une vraie idée d’éditeur ; à l’arrivée une fausse bonne idée. C’est « Le Musée imaginaire de Marcel Proust«  (traduit de l’anglais par Pierre Saint-Jean, 350 pages, 32 euros, Thames and Hudson). On espère que ce n’est pas le début d’une collection ; et que nous ne sommes pas menacés d’un Balzac ou d’un Stendhal du même tonneau. Pourtant son auteur Eric Karpeles, peintre et auteur de textes sur l’esthétique, a crû bien faire. Constatant que la  « Recherche«  était profuse en références picturales, et imaginant sans peine que la mémoire visuelle, pour ne rien dire de la culture artistique, de ses contemporains avaient des limites, il a donc entrepris de mettre le portrait de Mehmet II par Gentile Bellini en face du _ voilà le procédé de ce livre : et ses économies de « recherche documentaire«  pour le lecteur, même à l’ère d’Internet ! _ passage où Proust dit que le jeune Bloch lui ressemble étrangement, un cardinal par Le Gréco en face d’une évocation de Charlus en “grand inquisiteur peint par Le Gréco”, le « Déjeuner sur l’herbe » de Manet en face d’une allusion métaphorique à un déjeuner sur l’herbe, la « Procession de mariage« de Giotto en regard d’une procession, et bien sûr l’évanouissement de Bergotte face au petit pan de mur jaune à la seule vue du Vermeer ! Il semble que l’on ait échappé de justesse à un lit de Caillebotte en face de “Longtemps, je me suis couché de bonne heure”…

Un extrait du roman sur la page verso, une reproduction de l’œuvre censée lui correspondre _ l’enjeu de cet article (de Pierre Assouline en son blog) ainsi que le bien-fondé, ou pas, du livre de Karpeles, se situant en cette visée de « correspondance« -là !.. _ sur la page recto, tous les tableaux du roman dans leur ordre d’apparition. C’est là une conception _ éditoriale, eu égard à un « marché«  (et à une « demande«  de la part de certains lecteurs, désirant parer au plus pressé (de « besoins » d‘ »identifications«  des allusions du texte)… _ très anglaise, et assez américaine _ l’éditeur du travail de Karpeles est Thames and Hudson _, qui consiste à toujours expliquer, rationaliser, dans un esprit positiviste, sinon pratique _ pour ne pas dire immédiatement (et économiquement) utilitaire (ou utilitariste). D’ailleurs, il n’est pas anodin de relever que là-bas, le livre s’intitule « Paintings in Proust. A visual companion to « In Search of lost time«  ». Un “companion”,delft1.1247783924.jpg c’est exactement cela, spécialité typique des librairies britanniques. Asseyez-vous, posez votre roman, on vous aide à le comprendre _ par des « identifications » ponctuelles : éliminant le « flou«  en votre esprit. C’est parfois utile pour les étudiants ou les chercheurs, pratique surtout _ c’est-à-dire économique en temps, en énergie, et en dépenses de tous ordres… Le procédé est déjà _ littérairement, et poïétiquement : pour l’élan de l’imaginaire ! ce que Baldine Saint-Girons appelle si justement « l’acte esthétique« , en son si judicieux « L’Acte Esthétique« , aux Éditions Klincksieck ; et autour de quoi tourne le tout aussi majeur « Homo spectator«  (« spectator«  en action ! pas passif !!!) de Marie-José Mondzain, aux Éditions Bayard : deux ouvrages indispensables pour mieux comprendre tous les enjeux d’une civilisation de l’audiovisuel hypertechnologisé : ici, lire les travaux de l’ami Bernard Stiegler ; en commençant, par exemple, par le plus récemment publié : « Pour en finir avec la mécroissance« , aux Éditions Flammarion… : voilà pour un bon « équipement«  (de lecture et d’intelligence) sur les enjeux actuels (« civilisationnels«  !) de l’« aisthesis«  _ ; le procédé est déjà lourd en soi ; il pèse _ et gravement : pardon pour la redondance ! _ sur la poésie-même des plus belles pages de ce roman par endroits si incroyablement léger_ oui : en sa lecture, comme en son écriture : des affaires de « souffles«  (et inflexions terriblement véloces, car fines ! ou « dansées« ) : c’est une affaire de « rythme« , une fois encore !!! Cf aussi la phrase unique (de 517 pages), sur ce modèle de prestesse proustien, du si merveilleux « Zone« , de Mathias Enard, paru en fin d’été dernier, 2008… : cf, sur lui, mon article du 3 juin dernier : « Le miracle de la reconnaissance par les lecteurs du plus “grand” roman de l’année : “Zone”, de Mathias Enard » _ alors qu’il a tout d’une brique. Le lecteur de la « Recherche«  n’a pas besoin _ du tout : voilà la raison de l’intervention ici de Pierre Assouline _ qu’un conservateur de musée lui prenne la main pour le guider _ fut-ce avec les « meilleures œillères » du monde ! ah ! la terrible soumission à ce que l’on prend aveuglément pour des « autorités«  !.. Autant obliger tout visiteur _ en rang d’oignons et file indienne, ou pas ! _ des Offices à porter et utiliser l’un de ces casques audio _ même démilitarisé… _ qui vous expliquent _ vous devenant passif : tel un utilisateur de GPS !!! dans le dédale pourtant charmant d’une ville encore pas trop connue… : « passif » et « captif » (satisfait ! cf l’illustration de la bêtise chez Flaubert, dans le « contentement de soi » béat d’un Monsieur Homais, in « Madame Bovary«  !) de ce qui devient pur réflexe à un stimulus pré-formé… _ ce qui se passe ! Le fait est que ça parle beaucoup « peinture » chez Proust. Tableaux, dessins, gravures et sculptures sont partout dans la « Recherche« . Ils ont toutes sortes _ oui ! _ de fonction : ils reflètent, authentifient, métaphorisent _ peut-il donc exister un mode d’emploi « sécurisé«  (en stéréotypes) des métaphores ?.. Mais le problème de ce « Musée imaginaire de Marcel Proust est dans son principe même _ coupant l’herbe sous le pied de toute recherche effective par l’imagination (mise en action) du lecteur lui-même : ainsi « assisté«  passivement !.. C’est cette recherche personnelle qui est l’œuvre (irremplaçable !) et du « regardeur » et du « lecteur«  vrais : pas réduits à une consommation préformatée d’images devenant de très réducteurs « clichés«  ; et « réducteurs de têtes« , ajouterait Dany-Robert Dufour (en son important « Art de réduire les têtes«  !)…

On croirait le trousseau de clés _ mécanisé _ d’un prétendu roman-à-clefs. Or un roman est fait pour laisser vivre _ et prospérer en un vagabondage libre : libéré ! avec un « jeu«  enthousiasmant ! _ l’imaginaire du lecteur. Tant mieux s’ils se trompe ou s’égare, là n’est pas la question _ en effet : bravo ! et merci ! Pierre Assouline ! de mettre si bien un peu les points sur les i du métier éditorial, du point de vue de ce que risque de devenir l’« in-activité«  de lire (de la part de lecteurs devenus ainsi  « non-lecteurs«  !), avec de tels « compagnons«  trop bien intentionnés : cela me rappelant la morale, délicatement incisive, de ce génie de La Fontaine, dans « L’Ours et l’amateur de jardins » !.. (« Fables« , VIII, X _ en 1678) : que je me permettrai d’adapter ainsi : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant (= ici « mal savant »…) ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi«  _ ; à lui _ lecteur ; et à lui seul ! en une liberté construite, et non renoncée, surtout ! _ d’interpréter _ en cherchant !.. ; c’est un jeu jouissif ! _, de traduire les mots en sensations _ et vice versa Proust n’avait pas conçu sa cathédrale de papier _ (et de mots et phrases imprimés) : l’expression est à prendre au pied de la lettre _ comme un beau-livre illustré _ en effet ! Lorsqu’il écrit que la lumière se dégradait dans les escaliers d’un hôtel et convertissait leurs degrés “en cette ambre dorée, inconsistante et mystérieuse comme un crépuscule, où Rembrandt découpe tantôt l’appui d’une fenêtre ou la manivelle d’un puits”, a-t-on vraiment envie de retrouver sur la page en regard une reproduction du « Philosophe en méditation » (1632) ? Non, d’autant que ce pourrait être _ tout autant ! _ un autre tableau _ le « Rembrandt » de Proust étant lui aussi (et cela, « fondamentalement«  !) fort composite, le réduire ainsi à un exemple unique (et, d’autant, là où Proust, lui, les multiplie : « tantôt« , « ou«  !..), c’est couper les ailes au déploiement de son imaginaire en train de s’activer « dans le temps«  : pour quelle économie instantanée ? ; le contresens est alors tout à fait grave, en effet !., cher Pierre Assouline ! Merci de nous en prévenir ainsi en votre blog de salubrité publique  (pour une vraie « république des livres«  et de lecteurs « vrais« , en tout cas : pas trop « décérébrés«  encore, en voie d’être eux-mêmes réduits à de purs « arcs-réflexes« )Pareillement lorsque, à propos du baron de Charlus, l’écrivain évoque _ le mot impliquant du « flou«  _ ”une harmonie noir et blanc de Whistler”, on n’a nullement envie d’être dirigé bellini_mehmet_ii.1247783957.jpg_ illico presto et comme sur rails de voie unique _ vers la reproduction de « Arrangement en noir et or : le comte de Robert Montesquiou-Fezensac » du même peintre. Car ces choix figent _ voilà le crime ! _ notre imaginaire _ de poïesis en action _ et c’est le pire service _ magnifique expression ! _ que l’on puisse rendre tant au romancier qu’à ses lecteurs.

Nous qui avons vécu des années dans l’ignorance de la « Vue de Delft » _ il nous fallait « essayer«  de nous la « représenter«  : que de joie en cette incertitude (et son « tremblé« …) ; et cette « confiance«  accordée au talent d’ekphrasis de Proust ! _ tout en vibrant à l’émotion _ vibrée, dans la phrase même, ondulante, de Proust… _ de Bergotte, pourquoi nous obligerait-on _ robotisés (« à voie unique«  : c’est un comble !) que nous deviendrions _ à mettre les points sur les i ? Rien n’est émouvant comme la découverte et la rencontre inopinées _ bien plus tard qu’à la lecture… _, un après-midi de printemps à la faveur d’un égarement dans un musée, entre ce que l’on avait lu et ce que l’on voit enfin par hasard _ remerciant alors (personne ! ou plein d’intermédiaires…) la grâce de ce « hasard » de rencontre… Avis aux “companions” les mieux intentionnés : nous sommes encore _ mais pour combien de temps, cependant ?.. Que fait ici, et que ne fait pas, l’École, pour les nouvelles générations ?.. un certain nombre à ne pas prendre ombrage lorsque, relisant « A la recherche du temps perdu«  avec une volupté inentamée _ en effet ! sa « fraîcheur » s’enrichissant, même !.. _, nous ignorons _ mais oui ! ah cette stupidité (à la Homais !) de « craindre de mourir idiot«  au sens de non-savant, d’ignorant : l’ambigüité du terme étant très joliment dans ce cher La Fontaine (de « L’Ours et l’amateur de jardins » : « ignorant«  opposé à « sage« …)… _ ce qu’est la noblesse d’une « buire » de Venise, ou le sens de “mazulipatan”…   Qu’importe puisque Proust, comme ses personnages, étaient à la poursuite _ ouverte ; et non figée (et pour cause !) _ d’un rêve _ un « rêve«  est-il jamais « à satisfaire«  ? : là est tout ce qui sépare le libre désir du lourd besoin : rassasiable, mais très temporairement, lui… _ et que la puissance _ oui ! _ de la fiction _ le substantif émanant du verbe (et de l’activité) de « feindre«  : c’est tout le « jeu«  du faire-semblant, avec tout son « bougé » en acte… _ étant ce qu’elle est, nul ne pourra l’objectiver _ et la tuer en la figeant : ne serait-ce qu’en clichés !!! (et toute leur solennelle « bien-pensance«  N’a-t-il pas écrit _ Proust… _ que l’essentiel est dans “cette lumière  _ un principe de connaissance qui passe aussi, et nécessairement, par l’activité de l’esprit : biologiquement, en quelque sorte ; et le processus existe aussi, c’est même une fonction ô combien capitale du vivant et de la survie, chez les animaux ! _ qui fait tout le jour la beauté des objets et le soir tout leur mystère _ on notera le splendidement discret décalage proustien entre « tout le jour«  et le passage furtif, lui, du « soir« , avant la nuit _, qui en se retirant d’eux _ « eux«  : les objets disponibles pour l’activité d’un sujet _ modifie à tel point leur existence _ de choses inertes, en dehors de notre appréhension (à commencer par perceptive, et attentive : il faut aussi que le regard, en son mouvement même, en son flux, se focalise un tant soit peu _ mais pas à les figer ! _ sur eux ; et pas forcément programmatiquement !) _ que nous sentons bien qu’elle _ cette « existence«  d’« objets« -pour-nous, et en-dehors-de-nous, aussi… _ en est le principe _ extérieur, transcendant : avec toujours son « mystère«  (pour nous !) ; et le « flou« , forcément, et à l’infini (à des degrés variant…), de toute perception qualitative ; et non pas pragmatiquement utilitariste seulement : là-dessus, lire les analyses décisives de Bergson, auxquelles on doit bien davantage revenir… _ et qu’eux-mêmes semblent passer, dans ces minutes si inquiétantes et si belles _ les deux étant intimement liés : c’est une des clés de l’œuvre proustien : de son intense et permanente, oui, « vibration«  ! à la lecture ! pour peu qu’on fasse confiance à l’élan du souffle long et splendide de sa phrase… _, par toutes les affres de la mort” _ et « dans le temps« … : le dernier mot (de gratitude !) à la toute dernière page du « Temps retrouvé«  _ ?.. Et cette lumière _ infiniment vibrante pour le lecteur acceptant de se livrer à sa « vibration«  : sans clichés ! _, l’artiste qui l’a créée et nous l’a transmise _ par le dispositif écriture-lecture exclusivement _ après l’avoir rêvée _ oui ! = imaginée activement ! en son génie d’auteur ! _ n’était pas peintre, mais écrivain » _ en effet !

(”Arrangement en noir et or : le comte Robert Montesquiou-Fezensac« , par James Abbott McNeill Whistler 1891-1892 ; “Vue de Delft” de Jan Vermeer 1659-1660 ; “Le Sultan Mehmet II” de Gentile Bellini, 1480)

Voilà pour ce bel article de Pierre Assouline.

Bref, un « Vademecum » (« Companion to…« , en anglais) assez peu utile poïétiquement : c’est même un euphémisme…

Titus Curiosus, ce 17 juillet 2009

Le « n’apprendre qu’à corps (et âme) perdu(s) » _ ou « penser (enfin !) par soi-même » de Dominique Baqué : leçon de méthodologie sur l’expérience « personnelle »

23déc

Retour réflexif sur la lecture de

E-Love _ petit marketing de la rencontre“, par Dominique Baqué, aux Éditions Anabet ;

de Méfiez-vous, fillettes d’Yves Michaud, en son blog « Traverses » (sur le site de Libération) ;

ainsi que de mon propre « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne)« , mon article tout frais d’hier soir, sur ce même blog, « les carnets d’un curieux« …

Ma perspective, cette fois, « réflexive« , sera méthodologique ;

et portera

_ dans la perspective du « se conduire »

(et « conduire« , comme faire se peut, et tant bien que mal, à la va comme je te pousse, « sa vie« ) _

sur les modalités de l' »apprendre » ;

je veux dire de l' »apprendre par soi« ,

et seulement (= rien que !) à son corps

_ « corps et âme« ,

ainsi que le dit Nietzsche en son important « Des contempteurs du corps« , du début d’« Ainsi parlait Zarathoustra » _ ;

sur les modalités de l' »apprendre par soi« , donc,

et seulement (= rien que !!!) à son corps _ « corps et âme« , donc _ défendant…

Ainsi que le pratique Dominique Baqué elle-même

dans son (très) courageux et rageur _ ou rageur et (très) courageux _ « E-Love » : « petit marketing de la rencontre« ,

ainsi qu’il est sous-titré sur la couverture du livre ;

ou encore « E-Love » : « Amours & Compagnie« ,

ainsi que cela apparaît, comme variante (à noter !!!), en page 1 du livre…

A mes yeux, cet « essai » « à cœur et corps perdu« 

_ ainsi qu’elle-même l’écrit à l’ouverture même (page 3) de son livre :

je relis ce début :

« Divorcée. Me voici donc divorcée. Je répète ces mots avec incrédulité comme s’ils ne me concernaient pas, comme s’ils n’avaient pas pu _ les mots ? la chose ? l’ambiguïté, déjà, est bien intéressante _ m’arriver, à moi. Surtout avec cet homme que j’avais aimé à corps et cœur perdus.« _  ;

cet « essai » « à cœur et corps perdu« , donc, représente un modèle

_ oui ! par son simple et tout à fait modeste exemple : l’« essai » n’est-il pas qualifié, sur sa propre couverture, de « pamphlet » ?.. ;

et je voudrais méditer, aussi, sur l’exemplarité ! _

cet « essai » « à cœur et corps perdu«  représente un modèle, donc

_ je reprends et continue ma phrase… _,

de ce qu’est l' »apprendre à penser » : par soi-même ;

en apprenant _ learning _ de son expérience tâtonnante (de l' »apprendre » à se conduire soi-même ; se conduire : raison et appétits « humainement«  emmêlés ;

prendre garde, cependant _ et Montaigne, et Pascal, nous en avertissent ! _ à « ne pas faire la bête » à trop « vouloir faire l’ange« …)

Étant « enfants avant que d’être hommes« ,

ainsi que le dit _ et à plusieurs reprises en son œuvre _ Descartes ;

et pour commencer en la seconde partie de son « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences » ;

voici le passage :

« Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes,

et qu’il nous a fallu _ par incontournable « passage«  ! _ longtemps être gouvernés _ il faut bien des boussoles à qui subit l’attraction des aimants (et des sirènes) !.. _ par nos appétits

et nos précepteurs,

qui étaient souvent contraires _ indice avertisseur d’incertitude et, forcément, erreur ! _ les uns aux autres,

et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut être pas toujours le meilleur _ invite pressante ! à nous y ajuster… _,

il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu’ils auraient été,

si nous avions eu _ oh ! l’idéalisation ! _ l’usage entier _ mais sera-ce jamais le cas ? même à suivre l’œuvre entier de Descartes ? _ de notre raison dès le point de notre naissance,

et que nous n’eussions jamais été conduits _ nous, « humains«  (en notre condition de l’« union intime de l’âme et du corps« ) _ que par elle.

Il est vrai que nous ne voyons point

_ en 1637, nous n’en sommes qu’à l’orée de la modernité ; et son endémique prurit de « réformes«  (ou « réformite« ) !..

Et les terriblement sanglantes « Guerres de religions« , en voie de s’achever en 1648 (au « Traité de Westphalie« ), vont peu à peu s’apaiser, tout de même, en seulement (moins brutale) « Querelle des Anciens et des Modernes«  _

qu’on jette par terre toutes les maisons d’une ville,

pour le seul dessein _ esthétique : Descartes le prend peu au sérieux… _ de les refaire d’autre façon _ = de pure forme _,

et d’en rendre les rues plus belles ;

mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs pour les rebâtir,

et que même quelquefois ils y sont contraints,

quand elles sont en danger _ technique : critère plus sérieux, pour Descartes ! _ de tomber d’elles mêmes,

et que les fondements n’en sont pas bien fermes

_ ce que Descartes prend au sérieux, c’est la très concrète (et imminente) menace de ruine : l’écroulement !

A l’exemple de quoi

je me persuadai (…)

que pour toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance,

je ne pouvais mieux faire que d’entreprendre, une bonne fois, de les en ôter,

afin d’y en remettre par après,

ou d’autres meilleures,

ou bien les mêmes,

lorsque je les aurais ajustées _ voilà le criterium : l’ajustement ! par la sagacité !!! _ au niveau de la raison _ la faculté fondatrice.


Et je crus fermement que, par ce moyen,

je réussirais à conduire ma vie _ c’est l’enjeu ! _ beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements,

et que je ne m’appuyasse _ pratiquement _ que sur les principes que je m’étais laissé persuader en ma jeunesse,

sans avoir jamais examiné s’ils étaient vrais…« .

J’en reviens à la démarche _ en son « essai » _ de Dominique Baqué ;

à son courage (acquis : sur sa témérité) ;

à sa sagesse (acquise : sur son « innocence« , sa bêtise, et ses aveuglements _ ou « illusions« , dirait un Freud _ ;

de même que pour tout un chacun, bien sûr ! nul n’ayant _ pareil prodige se saurait (et se célèbrerait !) vite !!! _ la sagesse infuse !..

et tant que la techno-science demeure(ra) impuissante à greffer (tout) un cerveau (!) _ et avec « mode d’emploi » « incorporé« , qui plus est (ou « serait« ) !!!

En quoi a donc pu consister sa niaiserie-naïveté-innocence ?

Sinon d’avoir « envisagé » de (= « cherché à« ) rencontrer, via un « site de rencontre » du Net, à l’âge de 51 ans (elle en affichera « 45« ), « un homme (40-50 ans), cultivé et curieux, tendre et cérébral,

pour construire une relation authentique« , (page 14) _ voilà la réalité escomptée :

« il me fallait un compagnon ; et vite«  (page 8), a-t-elle constaté « décidément« , « après une telle épreuve de plusieurs mois » (page 5) de « silence » « minéral«  (page 5) de solitude : « la réalité était sans appel : il n’y avait personne à mes côtés » ; « rien, absolument rien ne se présentait _ force m’était de le constater«  (page 6).


Avec l’aide _ « généreuse » _ d’« un ami » _ Jean-François _ d’« une de » ses « meilleures amies » _ Sandrine _,

la « véritable stratégie de séduction » de l’annonce en quoi consiste « l’inscription sur un site de rencontres » (page 11) donne lieu à une « séance » qui « va être une épreuve pour moi », anticipe rétrospectivement en son récit, Dominique, au chapitre « L’annonce, la photographie« , page 12. « Séance«  qui permet de faire alors « réalistement«  le point sur ce que « cherche«  réellement Dominique ;

sur ce

à quoi, grâce à l’avisé Jean-François, elle va pouvoir, sinon savoir, du moins apprendre (= découvrir), à quoi « s’attendre«  un peu « réalistement« , donc ;

ainsi qu’à la « présentation«  d’elle-même qu’elle doit alors (ici et maintenant) échafauder et mettre au point pour le site…

« Jean-François, homosexuel, drôle, extraverti, ayant le goût du théâtre et de la mise en scène«  (page 12) dispose ainsi de « tout ce qui peut m’aider« , fait ainsi le point Dominique.


« Jean-François me demande ce que je recherche exactement. Un peu prise de court, je réponds spontanément : « Un compagnon ». Voilà qui est on ne peut plus clair.

« _ Peut-être, mais ton compagnon, tu ne vas pas le trouver _ soit le mot-clé ! _ la semaine prochaine

_ non plus que « sous les sabots d’un cheval au galop« , pourrait-on ajouter…

_ Oui, j’imagine ».

En fait, je n’imagine rien : je ne sais rien _ en effet ! _ de ce monde _ des « sites de rencontres« .

_ « Il faut _ et c’est de la plus élémentaire prudence… _ que tu saches _ et le mot veut bien dire ce qu’il dit ! _ qu’il y a plein de mecs qui vont sur le Net pour baiser. Et beaucoup sont mariés. Ils ne te le diront pas… ».

Pour être franche, l’information est rude. J’accuse le coup _ (page 13) : ce monde des annonces du Net est lardé de chausse-trapes…

 Etc… Le détail du récit est tout bonnement passionnant.

Après l’épreuve (« d’une heure d’écriture et de retouches« ) de la rédaction de l’annonce

et avant celle de « la séance photo« ,

« Jean-François, qui a bien conscience que je n’entends rien _ d’où danger ! _ au réseau, me prodigue ensuite quelques _ réalistes _ conseils et avertissements :

_ « Il arrivera peut-être que tu aies une histoire avec un mec, mais cela ne l’empêchera pas de continuer à être _ actif, et même hyper-actif _ sur le site ».

Je suis offusquée de cette mise en garde : j’ignore encore à quel point elle s’avèrera pertinente…

_ « Certains vont te demander de chatter. Laisse tomber. (…) Comme tu frappes lentement, tu vas t’énerver, et eux ils vont quitter le chat ».

(…)

_ « Enfin, tu ne fais jamais venir un homme chez toi la première fois ».

Mais on n’apprend (après entendre !) jamais « vraiment«  que sur le tas, à l’épreuve frontale (et blessante) du réel lui-même ; le reste ne faisant que « glisser«  au vent…

C’est ce que va faire aussi notre encore assez « innocente« , à tout du moins « inexperte« , « Alice« -« Cendrillon« 

en ce pays des fausses merveilles du virtuel (et du mensonge) affiché sur l’écran, en avant du « réel« 

Sur « Alice » et les pays du « virtuel«  et du « réel« , lire _ au delà de l »Alice au pays des merveilles » de Lewis Caroll _ ; lire la passionnante lecture qu’en propose le _ plus que jamais, combien nous pouvons nous en rendre compte aujourd’hui ! sagace Gilles Deleuze en son « Logique du sens » (en 1969) … Fin de l’incise carollo-deleuzienne !


« D’autant

_ comme j’y ai insisté en mon article précédent : « le bisque ! bisque ! rage ! de Dominique Baqué : « E-Love » _ l’impasse amoureuse du rien que sexe » _

que la haine _ ou la rage ! _ se nourrit de vengeance, et que, oui, je voulais me venger de ce bonheur trop expansif que D. affichait, jusque dans les rues, m’avait-on rapporté«  (page 8) ; et que cette « donnée«  participe d’un certain aveuglement de Dominique,

qui désire tellement « rendre«  à son « ex-mari«  « la monnaie de sa pièce«  d’un « compagnonnage«  trop complaisamment exhibé !!!

« Nul n’est exempt de dire des fadaises. Le malheur _ ou le ridicule ! _ est de les dire curieusement« 

_ c’est à dire avec un trop grand soin (= efforts de sérieux, componction, fatuité ; manque d’humour) ;

alors que ce qui échappe, avec légèreté, à la vigilance (par nonchalance),

est (beaucoup) plus excusable par l’interlocuteur, ou lecteur.

Montaigne, entamant avec son humour coutumier, le troisième livre _ ce sera le dernier _ de ses « Essais« , en 1592, demande au lecteur-interlocuteur un symétrique recul (d’humour) en sa lecture par rapport à l’humour que lui-même revendique en l’écriture de ces « essais » de son esprit

_ sur l’esprit, lire de Bernard Sève, le merveilleux et prodigieux (de sagacité) « Montaigne. Des Règles pour l’esprit« , paru aux PUF en novembre 2007 ;

ainsi, en forme d’hommage, que mon article du 14 novembre : « Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le “tissage” de l’écriture et de la pensée de Montaigne« 

Je poursuis, pour le pur plaisir, le discours de présentation de Montaigne :

Montaigne cite d’abord l‘ »Heautontimoroumenos » de Térence (auteur comique !) :

« Assurément, cet homme va se donner une grande peine pour dire de grandes sottises« .

Et il poursuit : « Cela ne me touche pas. Les miennes m’échappent aussi nonchalamment qu’elles le valent. D’où bien leur prend. Je les quitterais soudain, à peu de coût qu’il y eût. Et ne les achète, ni les vends que ce qu’elles pèsent. Je parle au papier comme je parle au premier que je rencontre. Qu’il soit vrai, voici de quoi… »

Et il entame la réflexion sur son sujet (« De l’utile et de l’honnête« ) :

« A qui ne doit être la perfidie détestable, puisque Tibère la refusa à si grand intérêt… »

Etc.


Fin de l’incise montanienne sur les fadaises (de la niaiserie)…

Il faudra bien (forcément !..) inlassablement et sans trop de relâche se coltiner aux efforts (et écorchures plus ou moins graves _ et cicatrisables !.. _ en résultant…) de l’apprentissage : par la méthode des essais _ et rectifications des erreurs :

parce que si « errare humanum est« , en revanche « perseverare diabolicum » !

C’est par là que

le « teaching » _ de l’enseignant, du maître _ peut sans doute un peu un petit quelque chose

à l’égard du « learning » _ de l’enseigné (actif), de l’élève (en voie de « s’élever« …) _

de tout un chacun ;

et là se trouve l’enjeu majeur des tâches d’éducation et enseignement

(ainsi _ car cela en est rien moins que le noyau ! _ que d’acculturation) ;

et des responsabilités

tant individuelles et personnelles _ je les distingue _,

que collectives : sociales, économiques et politiques ;

tout particulièrement à l’heure de la particulièrement grave « crise » de « démocratie« 

_ versus « gouvernance«  (de raffarinienne mémoire !) _

auxquelles tâches

(d’éducation et enseignement _ et acculturation :

versus décérébration à méga échelle de l’entertainment marchand _)

et responsabilités

(sociales, économiques, et surtout politiques)

nous nous trouvons, de par le monde entier (« mondialisation » aidant), tout spécialement confrontés en ce moment même ; et pas qu’en France, en Grèce, ou ailleurs encore en Europe, ce mois de décembre-ci…

La « crise » dépassant largement la « crise financière«  des banques et du capitalisme (« de spéculation » des actionnaires et, en amont, des entrepreneurs investisseurs marchands),

pour faire bien clairement ressentir à tous,

et d’abord aux jeunes mêmes,

que la « crise » (ou « tournant de l’Histoire« ) de ce moment-ci porte sur l’échelle même des valeurs ;

et que c’est bien de cette « réalité« -là dont il s’agit,

de la valeur du (vrai) travail,

des (vrais) efforts,

du (vrai) temps et de la (vraie) attention et du (vrai) soin

investis dans de (vraies) activités qui soient aussi de (vraies) œuvres…

Une des ironies du phénomène étant, par ailleurs _ à la marge _, le retour « à la mode » d’un Karl (et pas Groucho) Marx…

Aussi,

et au-delà de l’investissement financier en direction des faiblesses _ de fiabilité (et de confiance) _ soudainement « avérées« 

_ et en cascade, à partir de la déclaration (forcément peu discrète !) de faillite, le 15 septembre dernier, de la banque Lehman Brothers, à New-York _

des établissements bancaires de par le monde entier,

s‘agirait-il de se mettre à réfléchir

enfin

un peu (= beaucoup !) plus sérieusement

à de profonds investissements culturels et éducatifs

_ loin des seules logiques de « bouclage«  (à la Éric Woerth) strictement d’« économie budgétaire«  des États…

Soit une affaire de (vrai) « pouvoir«  : entre les hommes…

« Yes, we can » : sera-ce un peu plus qu’un slogan électoral (même à succès) pour un 4 novembre d’un Barack No Drama ?..

Nous _ sur toute la planète _ allons y être forcément attentifs…

De vraies grandes (larges et profondes) « réformes » s’imposent ici ;

et pas à la marge

_ ainsi que feint de s’étonner, en France, le ministre en charge de l’Éducation,

devant l’ampleur des « résistances » lycéennes à sa pourtant « bien modeste » _ dixit lui-même _ « réforme » de la seule classe de « seconde » des lycées…

« Réformes » qui devraient mettre en cause aussi et d’abord _ en le débranchant quelque peu _ l’ignoble outil de propagande par l’entertainment qui crétinise à longueur de temps des millions et milliards de cerveaux

(et leur « temps disponible« 

_ selon la parole (d’expert) de Patrick Le Lay, répercutée par la fameuse dépêche AFP du 9 juillet 2004 _

qui n’est pourtant pas infini, ce « temps disponible » : « Memento mori !« )

par connection, techno-économiquement à la portée de la plupart, sur toute la planète

et les conditionne à l’addiction aux marques _ « Coca-Cola« , etc. _ et à une peu réfléchie consommation (marchande) de masse…

Mais, je reviens à mon sujet :

le courage versus la témérité ;

la lucidité versus l’aveuglement

de Dominique Baqué

les « cinq mois de pratique intensive du Net« ,

ainsi qu’elle le formule à l’ouverture du chapitre final (« Une affaire de marketing…« ), page 119, de son « pamphlet » « E-Love« ,

afin, aussi, de mettre en garde contre l’addictivité aux pratiques des « sites de rencontre« , et de ce qui s’ensuit _ bien réellement, via un « sexuellement » effectif, bien qu’éphémère, et si superficiel (en surface, sans « attachement« ) : « on » « passe » immédiatement à « autre chose« , en passant « au suivant ! » ; et si peu différent de la série de tous ceux qui viennent de le précéder (sur ce « marché » via le Net) !.. _ ;

et de ce qui s’ensuit, donc,

de destructeur de (et pour) la personne qui tombe

_ et pour quelque raison que ce soit : la rage (féroce) d’un divorce très mal subi ; la jalousie (panique) d’un « bonheur » (de remplacement) si complaisamment « affiché » (et plus ou moins innocemment « rapporté » par d’autres…) _

dans ces rets-là ;

et de destructeur de « l’intimité« ,

ce si précieux (gratuit, généreux, incalculé) « lien à l’autre« ,

ainsi que l’analyse brillamment Michaël Foessel dans son très important

_ démocratiquement ; et « civilisationnellement » _

« La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru aux Éditions du Seuil, ce mois d’octobre dernier ;

et comme je le rapporte dans mon article du 11 novembre : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » …

En lieu et place du (vrai) désir,

le désir mimétique de l' »envie » (de l' »envieux » : cf les œuvres de René Girard : « Vérité romanesque et mensonge romantique« , « La Violence et le sacré« , « Le Bouc-émissaire« , ou « Shakespeare : les feux de l’envie« , par exemple…).

Apprendre, c’est toujours se déniaiser ; et c’est en cela, aussi, que le critère de l’amour authentique, est de connaître vraiment _ = en vérité et plénitude ! _ l’autre ; de même que s’y découvrir, en même temps, et par là même, soi-même, par cette ouverture que constitue le lien _ et don : gratuit et généreux _ de l’intimité :

« à cœur et corps perdu« , comme l’énonce si bien elle-même Dominique Baqué…

L’amour vrai n’est certes pas aveugle ;

ce qui est aveugle, ce n’est que

l’illusion amoureuse (ou « rêve d’un amour« ) : sa (triste) contrefaçon ;

son envers ; et sa caricature…

Quant à la bêtise, c’est la fatuité ; le contentement de soi ; le refus de chercher à comprendre en cherchant bien, plus loin, et un peu mieux…

« La bêtise, c’est _ ainsi _ de conclure« , l’a mieux dit que d’autres, Flaubert, en son « Dictionnaire des idées reçues« …

On lira aussi, là-dessus, l’excellent « Bréviaire de la bêtise » d’Alain Roger…


Reste l’abîme terrifiant de la trahison,

que ce soit la trahison d’un amour, ou la trahison d’une amitié ;

voire des deux à la fois ;

ainsi qu’en dessine un portrait singulièrement brûlant, le grand, l’immense, Sandor Maraï, dans un de ses chefs d’œuvre : « Les Braises« 

Qu’en était-il

_ rétrospectivement,

pour nous qui nous le demandons, maintenant, au présent, et face à un passé qui vient de nous « lâcher » _ ;

qu’en était-il donc de nos propres sentiments, quand tout s’effondre, et que nous découvrons bernés ;

peut-être d’abord par notre propre bêtise ; par l'(incroyable !) aveuglement de nos illusions ?..


C’est ce cauchemar rétrospectif _ et mélancolique _ là

que rencontre et affronte Dominique Baqué,

trahie, ici, par son mari…

C’est déchoir

de l’espèce (infiniment profuse et généreuse, à l’infini) de l’éternité

à l’espèce aride d’une temporalité soudain devenue pingre (et comptable) pour nous…

Pour le reste, il n’y a rien à chercher ;

encore moins rechercher ;


seulement se tenir disponible,

afin d’accueillir _ avec pureté et générosité _ une nouvelle rencontre…

Quant à l' »apprendre par soi-même« , que met en œuvre assez superbement, et à son corps défendant, a posteriori, Dominique Baqué dans « E-Love« ,

il me rappelle

le très beau travail de penser (et d' »essai« ) de Stanley Cavell, que, sur les conseils de Layla Raïd, je viens de découvrir _ au cours de mon aller-retour Bordeaux-Marseille et Aix (du week-end autour du 13 décembre dernier), par le train : « Un ton pour la philosophie _ Moments d’une autobiographie » _ :

en voici la 4ème de couverture, afin de comparer ce qu’on peut en retirer

aux « leçons » de mon article à propos des démarches d’auteur(e) _ et philosophe ? _, de Dominique Baqué en son « E-Love » :

Rechercher « le ton de la philosophie« , c’est avant tout s’interroger sur
la voix du philosophe, sur sa prétention à parler au nom de tous, à
s’universaliser. C’est la question du statut de l’intellectuel qui est
alors posée, de sa capacité à dire «nous» à partir du «je», à être
représentatif. Cette question est au cœur du travail philosophique,
puisqu’elle accompagne son « arrogance »
_ ou du moins son « audace«  _ fondamentale, sa prétention _ son ambition _ à
éduquer et à parler pour.


Stanley Cavell nous livre ici le récit de certains moments fondateurs
de sa propre existence
, convaincu que l’autobiographie est un des
fondements de la philosophie. Dans le «nous» du philosophe, il y a
toujours un «je»
_ oui ! Comme pour un Montaigne; ou un Nietzsche : Cavell, lui, cite d’abord Emerson (et Thoreau)…

Revenir à la voix, c’est aussi inévitablement s’intéresser à nos
énoncés et à nos accords
_ avec les autres _ de langage, et donc finalement à la
démocratie, qui repose sur la capacité de chacun d’avoir ou, tout au
moins, de revendiquer une voix
_ qui soit écoutée ; et retenue, aussi…

C’est enfin rechercher une voix pure, une parole exemplaire, à travers le cinéma et l’opéra _ soient des Arts de la voix, qui touche…

C’est au prix de ces multiples détours _ l’autobiographie, le langage,
l’opéra
_
que l’on peut repenser l’acte même de philosopher et inventer
un nouveau ton pour la philosophie, celui de l’ordinaire.

Nous retrouvons bien, aussi, le sens même de la démarche de Dominique Baqué…

Titus Curiosus, ce 23 décembre 2008

Sur la crise (de confiance et aveuglement) : la méthode d' »attention intensive » de Titus Curiosus

30oct

Petite réflexion-bilan (de Titus Curiosus : sur 4 mois de blog « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« )
sur les enjeux de « la crise«  (confiance et aveuglements « graves » en tous genres),
par rapport à la vérité et aux œuvres vraies des artistes, philosophes, historiens, chercheurs de diverses disciplines
que proposent les livres (et disques _ vive la musique !) qui nous attendent, si nous les « dénichons », sur les rayons d’une grande librairie, telle que la Librairie Mollat, à Bordeaux…

A confronter avec mon article d’ouverture de ce blog, le 4 juillet dernier :

« le carnet d’un curieux« …


Par sa méthode (d' »attention intensive »),
en ce blog « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« ,
Titus Curiosus se propose de
(s’essaie à)
_ en ses phrases longues, complexes, « cahoteuses » parfois

(c’est le mot _ « cahoteux » _ par lequel Maxime Cohen qualifie le « style » de Montaigne même, en ses « Essais« , à la page 43 de ses « Promenades sous la lune » ; cf mon article « Sous la lune : consolations des misères du temps« )

par lesquelles l’écrivant se confronte, un peu dans le détail,

au style de l’écrivain, du peintre, du musicien, du photographe,

bref de l’artiste, ou du philosophe, ou de l’historien, etc…

car « le style, c’est l’homme même« , retenons-nous de Buffon, en son « Discours sur le style » (prononcé à l’Académie française, lors de sa réception, le 25 août 1753 _ et qui n’a pas pris une ride !) _

Par sa méthode (d' »attention intensive »), donc,

Titus Curiosus se propose de (s’essaie à)

et propose à
ses lecteurs (en ce blog-ci)

d’essayer (et prendre envie) de
mieux regarder, écouter, lire

de « vraies » œuvres d’auteurs (« véritables » ; et pas des « faisant-semblant de » ; quand s’étalent et se répandent presque partout les impostures)…

Et, par là, de « rencontrer » « mieux » ces auteurs (d’œuvres),
en tant qu' »humains »

_ « non » encore (trop) « in-humains« 

(j’emprunte ce mot-concept de « non-inhumain« au Bernard Stiegler de « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » _

« rencontrer » mieux ces auteurs « non-inhumains« , donc,

en leur expérience (d’artistes)
du « réel », leur « réel »

le plus « réel »,
celui auquel ils ont « réellement » affaire,
auquel ils se coltinent « vraiment »
(= « en vérité », le plus « réellement » possible _ et pas seulement fantasmatiquement, tel un « réel » qui ne serait que « rêvé » ;

et pas en faisant rien que des moulinets, ronds-de-jambes, « bulles-de-savon » et autres « ronds-de-fumée », en prenant des poses _ de paroles _ cajoleuses et racoleuses « vendeuses »)…


un « réel », pour chacun d’eux

_ ces artistes (écrivains, peintres, photographes, cinéastes, etc…), ces philosophes, historiens, chercheurs _,

chaque fois _ un par un _,

spécifique (précis, particulier, singulier)

_ et parfois
(ou même assez souvent ; mais pas à tous les coups : l' »œuvre vraie » n’est jamais « mécanique » !)

« de génie »

(tel qu’ils le « montrent », ce « réel » : tel qu’il leur apparaît, « en vérité » la plus objective ; et selon leur style…) _,

c’est-à-dire de les « rencontrer » vraiment, « en vérité »,

ces auteurs-là, en ces œuvres particulières-là ;

et cela, en allant _ à leur « réception-rencontre » _ un peu (plus et mieux : par le regard, par l’écoute, par la lecture « attentifs » et « intensifs »)

à la rencontre des traces
qu’en ces œuvres

_ livres, disques (que l’on trouve en un « antre » débordant tel que la librairie Mollat) ;

telles d’improbables « message(s) in a bottle » (de la grande, belle, chanson du groupe Police, tirée de l’album « Reggatta de blanc » en 1979) ;

confiés par eux, ces auteurs « vrais », à quelque « bouteille », donc,

elle-même confiée à la mer, vers, sur d’autres rivages, d’improbables lecteurs ;

ou, encore (autre océan !) enfouies « dessous des cendres » : comme dans l’indispensable « Des voix sous la cendre » édité par Georges Bensoussan et le Mémorial de la Shoah (qu’on lise seulement ce que nous a « légué », de son « enfer » si improbable (mais si « réel ») et très court sursis (!), « en témoignage » « pour toujours », un Zalman Gradowski !

Que son nom et que son « message » (de ces « bouteilles » de « sous la cendre« ) survivent ! Un livre peut aussi remplir cet « office »-là !… Car il n’est pas vrai que, ainsi que beaucoup « pensent », et Staline l’a dit (à Moscou, au général de Gaulle, en 1945, il me semble), « à la fin, c’est la mort qui gagne !«  _

en allant à la rencontre des traces
qu’en ces œuvres

_ livres, disques _, donc,

ils _ ces auteurs « vrais » _ ont adressées _ les « traces » ! _ aux spectateurs-regardeurs-écouteurs-lecteurs éventuels que nous sommes
_ déjà potentiellement, en effet, en arpentant les rayons de la librairie _ ;

et devenant _ revenus chez nous _, « en acte » par notre regard (de regardeur, d’écouteur, de lecteur effectif :

« attentif intensif« , dis-je…),

devenant un peu plus « réels » et effectifs nous-mêmes, ainsi _ que d’ordinaire :

l’ordinaire dominant et commun, disons « social »,
anesthésié qu’est cet « ordinaire » (socialisé) _ et nous-mêmes aussi, en conséquence : anesthésiés _,
par les valeurs (sociales : intimant du silence et de l’acceptation)

et les propagandes (asphyxiantes, à force, sans qu’on en prenne réellement conscience :

telle la grenouille, au final ébouillantée, dans la casserole dont on a monté insensiblement _ traitreusement, pour la dite grenouille _, degré après degré, la chaleur) ;

l’ordinaire anesthésié
par les « valeurs« , donc,

des seuls « intérêt »
(pour le « travail« )
et « agréable »
(pour le « loisir« )…

_ ou « Panem et circenses« ,

selon la formule (ayant fait ses preuves) de pouvoir (sur les autres ; et de la relative tranquille « paix sociale »

_ ou plutôt « apathie » ; il n’y a de paix effective que par des actes et des engagements actifs _

qui en résulte) d’autres potentats…


devenant un peu plus « réels » et effectifs nous-mêmes

en allant

_ je reviens au lecteur « actif », dés-anesthésié, r-éveillé : telle « la belle-au-bois-dormant » (cent ans plus tard !!!) du conte _,

en un « acte esthétique »
_ ainsi que le nomme(
nt), assez génialement, Baldine Saint-Girons (en son « Acte esthétique« , paru aux Éditions Klincksieck), et Marie-José Mondzain (en son « Homo spectator« , paru aux Éditions Bayard)_,

en allant

vers ce « réel » vrai, via

_ médiation nécessaire, indispensable, pardon d’y insister ! _

via les œuvres (« vraies ») de vrais _ et pas des imposteurs, pas des camelots _, « au charbon » (= à l’œuvre » !),

de « vrais artistes »,
et « vrais » philosophes »,
« vrais historiens »,
« vrais chercheurs (scientifiques) »
de toutes disciplines « vraies »,

en s’y salissant _ nous, lecteurs, après eux, auteurs :

« honnêtes », « vaillants et courageux« , dit Marie-José Mondzain en ouverture de son « Homo spectator« , page 12 _ ;

en s’y salissant (un peu : nul lecteur-regardeur-écouteur-spectateur « vrai »
n’en sort tout à fait le même _ indemne ! _ qu’il était avant de s’y coltiner)
en les « rencontrant », ces œuvres « vraies » ;

en s’y salissant (un peu) nos mains, nos yeux, nos oreilles _ un peu de notre propre corps (et de notre âme) _ ;

de même que l’artiste « vrai »
s’est, déjà, lui,
lui-même le premier,
« engagé »
_ et « mouillé » ; et « sali », aussi ! _ dans le « réel » d’une « œuvre de vérité » à la rencontre « vraie » de son « réel » singulier
(où court l’aimantation du désir vif

_ pour un autre ; et, de toutes façons, pour l’altérité du « réel » même !!!..) ;

en une époque de « règne » _ « empire » ? _ du « virtuel »,
des « faux-semblants », mensonges, illusions en tous genres
_ à commencer par ceux des (ou, du moins, de pas mal de) « décideurs »
financiers, économiques, politiques et autres
gens de pouvoir, « aux manettes« , comme ils disent :

nous découvrons (mieux),

en ces jours de « crises » (des valeurs boursières d’abord,
mais pas seulement elles, les valeurs boursières : ce n’est qu’un sommet d’iceberg…),

en quels vides (abîmes, gouffres) ils mènent, ces « décideurs »-là,
les (majorités du moins d’) aveugles
qui leur font d’ordinaire assez « aveuglément », bonnassement, confiance…

Parler d' »économie réelle« , déjà

_ au-delà de l’économie « virtuelle« , elle (= irresponsable ?..) _,

est assez vertigineux,

par rapport aux millions de dollars, ou d’euros, ou de livres sterling, et autres monnaies, que des traders (et des banquiers _ l’expression « banque » est la même à la roulette du casino !) jouent

à la roulette (russe ?),

des fluctuations de jeu de yo-yo

des côtes des Bourses mondiales…


On jettera un œil
sur la « Parabole des aveugles » de Breughel
(à la Renaissance) ;

et autres « Vanités«  _ à « tabagies » et « bulles de savon » _, un peu après (au XVIIème siècle), du Baroque…


Car (quelques uns) des artistes savent dire (exprimer et montrer) parfois _ ou souvent, quand ils sont vrais et « véridiques » _ la vérité…

A l’autre bout _ de l’œuvre _,

il faut _ aussi _ le regard vif et actif

(et « véridique », non, sans « vaillance« , ni « courage » _ comme l’indique Marie-José Mondzain en son « Homo spectator« , dès l’introduction du livre, page 12 : le livre est paru aux Éditions Bayard en novembre 2007) _,

il faut aussi le regard vif et actif, donc,

du spectateur-regardeur-écouteur-liseur,

pour la part d’acte

(« esthétique« , dit Baldine Saint-Girons _ cf tout « L’Acte esthétique« , paru aux Éditions Klincsieck, en janvier 2008)

qui lui revient, du moins, si peu que ce soit

_ mais nul, non plus, ne peut regarder, écouter, lire (ni expérimenter, ainsi que vivre), à la place d’un autre !!!) ;

il faut un « vrai » regardeur, écouteur, liseur ;

un tant soit peu vraiment « curieux » de ce que mettent à sa disposition

de vrais (et « véridiques ») auteurs.

Contre les impostures qui « occupent » la « place » ; tiennent, avec morgue et arrogance, ou avec inertie, le « haut-du-pavé » _ sans même parler (d' »occupation » et « tenue ») des médias…

Voilà ce que la « crise » des « valeurs » m’a « arraché » ce matin

pour souligner un peu, ici et maintenant, les modestes ambitions (= propositions, sinon « attentes », de lecture…) de ce blog-ci, « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« …

en relais

de ce qu’est _ en matière de « services » _ une excellente librairie (avec d’excellents libraires : actifs !) ;

en relais du travail, en amont, des éditeurs ;

et en relais d’abord _ et surtout _, à la source,

_ car c’est cette transmission-ci qui importe, pour la communauté d' »humains » que, tous, nous formons, embarqués sur un seul et même bateau ! _,

de ce qu’offrent à « consulter » les auteurs…

Soit une « chaîne » improbable de « personnes » (« vraies » : véridiques et honnêtes),

où et quand « flambent », encore, bien des imposteurs (et impostures

_ les plus discrètes n’étant pas les moins efficaces, comme cela se sait)…

Mais lire Machiavel

(« Le Prince » ;

on peut lire aussi,

sur « Léonard et Machiavel« , de Patrick Boucheron (le livre est paru aux Éditions Verdier au mois de juillet dernier), mon précédent article : « l’agudezza du temps juste _ art rare et ô combien précieux« ) ;

mais lire Machiavel, donc,

ne suffit certes pas _ à soi seul, du moins _, à prévenir (= parer) de pareilles manœuvres

et de tels circuits bien institués ;

et incrustés dans des habitudes…

Titus Curiosus, ce 30 octobre 2008

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