Posts Tagged ‘Baldine Saint-Girons

La pénétrante puissance et la force de poésie d’Isabelle Rozenbaum en l’aventure de sa campagne de 30 mois de photographie du chantier de la Cité du Vin, de Bordeaux

17juin

Jeudi 9 juin dernier, à 18h 30, à la _ magnifique _ salle d’Exposition _ et très grande : quels superbes espaces ! _ de la _ toute neuve _ Cité du Vin de Bordeaux :

éblouissement radieux des 88 photos, de très grand _ ô combien justifié ! _ format, et d’une époustouflante netteté, et force, jusqu’au sublime, des couleurs !

_ « à mes yeux, écrit magnifiquement Isabelle Rozenbaum, page 117 de son Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais, la couleur est plutôt un défi qui permet de donner à la photographie sa dimension charnelle _ et c’est tout simplement là un aspect fondamental de l’idiosyncrasie rozenbaumienne ! (…) La couleur permet un champ perceptif plus large _ oui ! _ : elle donne sa véritable épaisseur à l’image _ oui ! c’est là encore un élément très important de la puissance (rare !) et force de poésie (michel-angelesque !) de cette artiste _, mais également son expression, sa lumière, sa profondeur, sa personnalité « _,

de la moisson photographique d’Isabelle Rozenbaum _ une « aventure  » : sans garanties institutionnelles formelles au départ… _ sur le chantier de construction de la Cité du Vin, à Bordeaux ;

une moisson photographique profondément généreuse : quelques 500 très belles, voire sublimes, photos _ sur le trilemme des concepts de beauté, de sublime et de grâce, lire le décisif travail de Baldine Saint-Girons : Le Pouvoir esthétique, paru aux Éditions Manucius, en 2014ayant été au final sélectionnées ce printemps 2016, à montrer,

d’une part en l’éblouissante _ rien moins ! _ exposition Carte blanche à Isabelle Rozenbaum _ le regard d’une photographe sur l’aventure du chantier de la Cité du Vin (en la très vaste et très belle Salle d’Expositions de la Cité du Vin, du 1er juin 2016 au 8 janvier 2017),

et d’autre part dans les splendides et passionnants livres accompagnant cette merveilleuse exposition, et qui physiquement lui survivront ! :

La Cité du Vin

et Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais _ Architecture et photographie au XXIe siècle La Cité du Vin) ;

500 photos sélectionnées parmi des milliers d’autres prises trente mois durant (d’octobre 2013 pour les premières _ in le chapitre Photogénie _, à mars 2016 pour la toute dernière, un _ stupéfiant ! _ panorama sur le fleuve, présente _ in extremis _ à l’exposition, mais absente des deux livres, car réalisée postérieurement à la rédaction du tout dernier chapitre, Ouverture, daté du 11 février 2016, de Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais d’Isabelle Rozenbaum ; le chantier (dont sont encore visibles sur cette ultime photo les Algeco pas encore démontés…) n’allait être bouclé que cinq ou six jours plus tard… ;

toutes ces photos, donc,

les 88 de l’exposition, comme les 495 des deux livres (les 231, de très grand format _ quelle réussite ! _, de La Cité du Vin, le grand et très beau livre _ quel choc ! plus j’y regarde et m’y délecte, plus je l’admire ! _, le livre en quelque sorte officiel _ et idéalement réussi : un absolu chef d’œuvre de livre de photos !!! _ marquant, comme l’exposition, l’inauguration de la Cité du Vin ; et les 264, de petit format, de l’intime et réflexif Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais _ Architecture et photographie au XXIe siècle La Cité du Vin),

ont été prises, shootées, dans l’immédiateté _ inquiète ? jouissive ? patiente ? tendue ? _ de la sensation-intuition de qu’il y avait à saisir _ sur le champ ! _ et ne pas manquer de ce chantier de trente mois de construction ;

le champ d’action du shooting de la photographe n’étant autre, en effet et aussi, que le territoire d’action et la chasse gardée du divin Kairos, ce terrible petit dieu malicieux qui prodigue souverainement ses cadeaux à ceux qu’il croise, et veulent bien les saisir à son passage, mais coupe la main de ceux qui voudraient prendre ce qu’il offrait quand c’est trop tard, qu’il est passé, irrattrapable, et sans retour…  _ mais il y a certes aussi à méditer sur le concept cartier-bressonnien d’« instant décisif « , ainsi que le fait excellemment l’ami Bernard Plossu, par exemple en son L’abstraction invisible (cf aussi le très riche podcast de mon entretien avec Bernard Plossu le 31 janvier 2014)… _ ;

toutes ces photos

ont été prises lors des 33 _ ou 34 : en comptant celle, panoramique, saisie le 8 mars 2016 _ visites d’Isabelle Rozenbaum sur et dans _ en totale immersion ! _ le chantier,

quand, et même si, apparemment rien de vraiment décisif, pourtant, ne semblait s’y passer, comme, par exemple, au début, à l’automne 2013,

dans le quotidien humble et quasi anonyme, discret _ loin, a priori, de l’héroïque… _, des travailleurs du chantier ;

George Perec, dans la sobre introduction à son Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, en 1975, présente, page 10, son propos _ « l’épuisement«  évoqué par Perec n’étant certes pas celui du lieu lui-même (!), mais celui de sa « tentative« , à lui, d’écrivain (« tentative« , ou essai (à la Montaigne), mais dès le départ, pour Perec, l’auteur de W ou le souvenir d’enfance, voué (à la Sisyphe, en quelque sorte) à l’échec, en son défi (à rien moins qu’à de l’impossible !) d’artiste (de l’Oulipo) de s’essayer à une description qui se voudrait (absolument) exhaustive ! de ce lieu… _ :

« mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de décrire (…) ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe _ quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages « ;

soit ce que l’on peut qualifier d' »infra-ordinaire » _ cf de Georges Perec, aussi, L’infra-ordinaire _ :

eh bien ! voilà ce sur quoi _ cet infra-ordinaire même _ se focalise, à la suite et dans les pas de Georges Perec, le regard photographique d’Isabelle Rozenbaum, quant à l’efficace quasi invisible _ au moins eu égard à la visibilité finale insigne (et admirée) de l’œuvre d’architecture, achevée, durable, et brillante ! surtout, d’Anouk Legendre et Nicolas Desmazièresde l’œuvre au quotidien, aussitôt recouverte, passée, et oubliée ensuite, des ouvriers de ce chantier ;

toutes ces photos ont été prises sur le champ, à la fois bousculant et espéré-désiré, de la rencontre (sous les auspices du divin Kairos) de ce qui là surgissait, offert à la saisie, au quart de seconde, du regard ultra-ouvert à l’inouï et à l’invu, et qui soit nécessairement, et même puissamment, significatif (c’est ce qui était espéré-désiré !), de ce réel _ profond, jusqu’au vertige : que viennent montrer certaines photos ! ; en même temps que charnel : il faut y insister ! _ à rencontrer-accueillir et appréhender-cueillir en des shoots photographiques, du working in progress des travailleurs du chantier _ cf Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer _, en sa vérité et beauté (et sublime, même) ;

de ce réel se présentant, donnant, offrant (et dans le risque permanent, aussi, pour la photographe, de le manquer), de quart de seconde en quart de seconde, en sa traque photographique, en quelque infime et quasi invisible, mais formidablement puissante, accroche _ charnelle _ à saisir par la photographe et son objectif, à l’instant même (et pas trop tard !), de l’étincelle de la rencontre de ce regard et de ce capté visuellement et photographiquement _ nous offrant à percevoir à notre tour, en spectateurs un peu attentifs de l’image photographique qui en résulte, ce que le regard photographique de l’artiste (en son aptitude à quelque génie de la prise de vue…) apporte de singulièrement plus que le regard brut, hâtif, du simple quidam, fut-il aidé par quelque smartphone ; et a fortiori que la capture mécanique des images (vidéos) de rue… _ ;

un réel à dimension potentielle, via ce qu’offre à regarder et recevoir par ses images la photographe, d’éternité (c’est-à-dire de hors temps _ ainsi que le dit tranquillement Spinoza en son Éthique _) ;

un réel fondamental rare _ parce qu’infime, et extrêmement fugitif, et difficile à percevoir hors de cette saisie d’image-là, artiste ! _, se présentant, donnant, offrant à retenir ainsi, par et dans ce shoot photographique d’artiste, et via le dispositif dont fait partie l’appareil avec sa mécanique, en simple prolongement, alors, du corps et du regard en tension _ corps et regard _ parfois vertigineuse, de l’artiste ;

un réel à dimension d’éternité, donc, qui se présentera (puis donnera à percevoir-ressentir) in fine _ quand le miracle de la rencontre advenue avec l’objet est d’abord bien présent là, dans l’image ainsi recueillie _, sur (et dedans) l’image, ainsi captée, qui en résultera ;

avec, encore, donc, à son éventuelle suite, l’impact incisif décisif que celle-ci _ image d’artiste, mais sans la moindre affèterie ! qui briserait tout ! _ pourra avoir sur nos regards de spectateurs de l’image, pour peu que nous y soyons, au bon moment, à notre tour, adéquatement attentifs et happés, carrément, par la profondeur _ du fait du champ ouvert par le cadre (cf par exemple page 48 de Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais : « Je délimite et découpe dans le réel plusieurs vues presque irréelles de la situation. Lorsque je cadre ainsi des scènes en plan rapproché et que je les visualise ensuite sur l’écran de mon appareil, celles-ci semblent représenter davantage un monde en destruction qu’en construction. La terre laisse ressortir ses strates, ses entrailles, sa chair humide et collante« …), et du fait, aussi, de la profondeur que confère le traitement puissant, ici, de la couleur (cf plus haut) _

de ce qui, ainsi, de la chose même saisie, surgit et paraît _ et charnellement, même !(cf là-dessus les bouleversantes analyses, en même temps qu’infiniment pertinentes, jusqu’au frisson à les lire, de l’amie Baldine Saint-Girons en son merveilleux L’Acte esthétique, et celles de l’amie Marie-José Mondzain en son indispensable Homo spectator _ voir, faire voir…) ;

mais un réel (celui, infra-ordinaire, des actes mêmes de travail du chantier) à dimension d’éternité, du moins en puissance _ quant à sa perceptibilité (sur le champ) par la photographe en ses shootings, d’abord ; puis par nous, à sa suite, en regardant vraiment ses photos… _, se présentant au départ on ne peut plus humblement et discrètement, à ce regard susceptible de devenir à la seconde même épidermiquement « halluciné », de l’artiste photographe, à ce moment de sa campagne photographique, au fil de sa quête de prise d’images justes (impliquant, en regard (et à sa suite), pour les accueillir et cueillir, ses propres gestes adéquats de photographe), de ce qui physiquement, geste par geste de travail accompli sur et en ce chantier, se construisait ainsi et s’élevait peu à peu, durant trente mois, de la Cité du Vin, sur le terrain d’abord chaotique (et très souvent boueux), de ce titanesque et héroïque, à certains autres égards, chantier ;

et cela, avec la plus grande (et même extrême !) justesse d’image requise, en permanence _ c’est là tout simplement une condition artistique sine qua non ! _, nonobstant fatigues, doutes et angoisses du quotidien du (ou de la) photographe en son _ épuisant ? en son extrême exigence… _ travail photographique comme en sa vie tout court, face au quotidien (infra-ordinaire, donc) du travail se donnant à cueillir-saisir là, en ce terrain, ce chantier, de ces milliers de gestes infra-ordinairement professionnels, eux aussi, effectués par chacun des acteurs-artisans opérant (chacun à sa manœuvre, et tous, en partie du moins, à main d’hommes et femmes, humainement, donc, outils et machines aidant _ que de splendides photos d’eux ! _ ) de ce chantier,

à tenter de capter et mettre en lumière _ photographie signifiant « écriture de la lumière« , nous rappelle Isabelle page 97 de son Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais…  _ sur l’image photographique à réaliser, des milliers de fois ;

éblouissement radieux, donc _ je reprends l’élan de ma toute première phrase, et du point de vue du regardeur… _ des 88 photos, de très grand format _ c’est capital ! _,

et d’une époustouflante netteté _ même quand la luminosité de certains jours, trop forte et quasi aveuglante, pose comme un filtre général cotonneux sur tout ou partie de l’image

(par exemple, dans de magnifiques photos au ciel blanc :

celle, non légendée, en double-page, pages 94-95 ; celles intitulées « une mise en place de tours d’échafaudages« , pages 96-97 ; celle intitulée « des cages d’armature en attente« , en double-page, pages 98-99 ; celles intitulées « Le coulage du béton« , pages 114-115 ; celle intitulée « Une banche avec ses contreventements« , page 121 ; la grandiose « le camion-grue avec le tuyau pompe qui achemine le béton », en double-page, aux pages 128-129 ; celle intitulée « La préparation avant le coulage du plancher bas d’un étage« , page 144 ; ou encore la prodigieuse « La pose des premiers arcs de la tour« , en double page, aux pages 176-177 ; et encore l’affolante image des « alpinistes«  défiant la pesanteur en leurs acrobaties, à la double-page 234-235, au sein de la superlative série légendée « La pose des verres sérigraphiés de la vêture«  ; etc. ;

et aussi, voire surtout, mais sans ciel cette fois, les deux magiques photos (on dirait de purs crayonnages de Cy Twombly !) légendées « Un plancher bas et des voiles montés« , page 153) ;

il faut bien souligner que ce facteur de la netteté est tout spécialement décisif  dans la puissance de l’art d’Isabelle Rozenblaum ! _

et époustouflante force, jusqu’au sublime, aussi, des couleurs ! _ que j’ai immédiatement souligné, comme facteur de profondeur du rendu de l’image, lui permettant d’atteindre la chair même (et le mot apparaît, on ne peut plus adéquatement !, à quelques reprises, sous la plume d’Isabelle…) du réel ainsi somptueusement capté… _,

de la moisson photographique d’Isabelle Rozenblaum ;

résultant de la rencontre _ renouvelée à 33 reprises de quelques heures chaque fois _ avec les gestes du chantier, de la radicalement attentive, et hyper-intense, traque photographique _ à rebours de la fatigue physique pouvant aller, parfois, jusqu’à l’épuisement ! _ des 30 mois passés sur et en ce chantier de construction de la Cité du Vin,

qu’a suivi, avec un très pressant permanent sentiment de nécessité et urgence (artistiques), Isabelle Rozenbaum.

Nécessité et urgence (artistiques), en effet,

d’une singulière « mission » d’artiste impérativement échue, à elle, Isabelle Rozenbaum

_ « La mission de photographier un chantier n’est vraiment pas une mince affaire «, écrit-elle page 66 de Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais ; « Je vis donc cette mission _ voilà le terme ! _ avec désir et exigence, presque avec nécessité, comme s’il s’agissait finalement _ ah ! _, pour moi _ artiste s’il en est, des processus… _, de répondre à un besoin impérieux _ besoin à déchiffrer (et défricher), œuvre à œuvre… _ qui dépasserait à la fois l’architecture et la photographie « _ c’est bien intéressant ! _ ;

et « Je sens (au fur et à mesure de « l’écriture des mots » de ce carnet de bord, crucial donc pour l’artiste, qu’est Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais) que la pratique même de ma photographie, cette « écriture de la lumière », devient, au fur et à mesure de cette mission, plus ambitieuse, plus forte _ oui ! à la Michel-Ange… _, plus rigoureuse également «, écrit-elle aussi page 97, au chapitre Écriture de ce carnet de bord, avec lequel la photographe peut dialoguer et avancer… _ ;

une singulière « mission » de « révélation » (photographique, en l’occurrence) du réel le plus profond et le plus vrai (et le plus beau, aussi !) _ qui soit rendu le plus justement possible, et en beauté active, dynamique (et non en document passif, inerte), sur chaque photo à réaliser _, de ce chantier de construction de la Cité du Vin de Bordeaux

_ ces divers mots, spécialement ceux de « mission « et « révélation «, revenant significativement à diverses reprises sous la plume d’Isabelle Rozenbaum en ce passionnant carnet de bord évolutif qu’est Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais : aux pages 33, 64, 66, 97, 125, 129 (en un chapitre qui s’intitule « révélation « !), 137… _,

à destination de quelque vrai regardeur (à venir)  qui viendra contempler vraiment (et jouir à son tour de) de ce réel _ du chantier de construction, tel qu’il eut lieu, en amont du bâtiment achevé d’aujourd’hui… _ qu’a su si superbement percevoir le regard photographique d’artiste d’Isabelle Rozenbaum, et que donnent à percevoir désormais aussi  à qui sait vraiment les regarder, ces sublimes images-photos, qui en demeurent :

en quelque exposition et en quelque livre, à venir, eux aussi _ je me place ici au tout début de cette improbable (au départ) aventure photographique _ ;

exposition et livres qui soient les médiateurs, à leur tour, de ce que la photo, sur le chantier même, aura su, en (et de) l’infra-ordinaire des gestes, des corps, des outils, des matières, apercevoir et recueillir et garder (pour longtemps, pour toujours) du travail s’accomplissant, et maintenant accompli ;

et sublimes images-photos que voici, à nous offertes aujourd’hui, qui avons la chance et la joie insignes de pouvoir les regarder-contempler-scruter vraiment et à loisir, en cette splendide exposition Carte blanche à Isabelle Rozenbaum _ le regard d’une photographe sur l’aventure du chantier de la Cité du Vin, à la Cité du Vin,

de même _ et différemment, encore _ qu’en ces deux livres eux-mêmes dissemblables, et chacun singulier, La Cité du Vin et Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais _ Architecture et photographie au XXIe siècle La Cité du Vin, que le magnifique éditeur d’Elytis, Xavier Mouginet, a su offrir, en magicien à son tour, à notre bonheur!.. ;

en l’urgence, déjà alors _ au moment des actes de photographie, sur le chantier _, des métamorphoses _ permanentes et finalement rapides, en ces 30 mois de chantier (et à raison d’une visite à peu près mensuelle de la photographe)… _ de ce chantier de construction de cette Cité du Vin, à Bordeaux :

métamorphoses rapides _ paradoxalement, eu égard à la tâche à certains égards titanesque de ses acteurs mobilisés sur le terrain, en leurs divers corps de métier, au quotidien de leurs gestes professionnels de constructeurs, ainsi que l’avèrent aussi ces photos _ ;

et métamorphoses perceptibles _ non seulement en l’élévation architecturale progressive, mois après mois, de ce superbe bâtiment-monument en dur de la Cité du Vin, au-dessus du fleuve et des quartiers, en chantier eux aussi, de Bacalan et des Bassins à flot ;

mais aussi et désormais pour toujours, dans les images-photos que nous donne à contempler-scruter en toute sérénité, Isabelle Rozenbaum, tant en sa présente lumineuse exposition à la Cité du Vin, qu’en ces deux lumineux livres ! ;

mais l’artiste photographe, venue à 33 reprises (plus une toute dernière le 8 mars 2016) sur le chantier (sources des 33 chapitres de son Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais) ces 30 mois, redoutait aussi de manquer, entre-temps (c’est-à-dire entre deux de ses visites au (et sur, et dans le) chantier) ;

de manquer la moindre étape décisive significative des processus et des changements cruciaux pouvant avoir eu lieu dans quelque entre-deux de ses visites (à peu près mensuelles, donc) au chantier, qui aurait, ainsi, pu échapper à l’ouverture-inquiétude-jouissance amoureusement attentive de son regard photographique, et donc à ses photos… _ ;

en l’urgence, déjà, alors, des métamorphoses permanentes, et finalement rapides, mais aussi irréversibles,

de ce vaste et diversifié chantier en travail, sans cesse en évolution, au fur et à mesure des contributions de chacun des acteurs des divers corps de métier s’y succédant, au fil de ces 30 mois, et de ce que chacun d’entre ces divers professionnels du bâtiment réalisait, du bâtiment final, en sa tâche spécifique et peut-être unique, ce jour, cette heure et à cette seconde-là ;

et qu’avait à saisir, pour l’éternité _ celle-là même de l’art (en l’occurrence photographique), en sa capacité de justesse (probe et dépourvue du moindre maniérisme ; mais charnelle aussi, et ô combien !..) à l’égard de ce réel, en sa vérité et beauté (et parfois, voire souvent, sublime !) _, la photo d’Isabelle Rozenbaum.

Les premières photos du chantier, quasi vide au tout début (sauf, très bientôt, des monceaux chaotiques de terre, et la boue _ donnant lieu très vite, en effet, à de sublimes photos ! Par exemple, la très noire (à la Louise Bourgeois)  araignée de terre grasse de la page 47 de La Cité du Vin (légendée « Terrassement autour des longrines «) ; ou bien les deux photos en double-page, et non légendées, aux pages 36-37 et 40-41 ; et d’autres encore, telles, par exemple, celles, de nuit et légendées « Début des forages pour les pieux de fondation «, de la page 34 _),

datent du lundi 21 octobre, du mercredi 30 octobre et _ pour celles prises de nuit _ du mardi 12 novembre 2013 ;

et la toute dernière _ présente au terme même du parcours de l’exposition, mais absente des deux livres _, un sublime _ oui ! _ panorama _ simplement assorti d’un cartel la datant : « 8 mars 2016 » _, où la vue sur le fleuve Garonne prend des allures de Bergen, en Norvège, ou de Vancouver, en Colombie britannique, au Canada,

date du mardi 8 mars 2013.

Le titre complet de l’exposition est : Carte blanche à Isabelle Rozenbaum _ le regard d’une photographe sur l’aventure du chantier de la Cité du Vin

_ aventure, donc, architecturale, pour Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, les architectes-concepteurs de l’Agence XTU, ainsi que Dominique Zentelin, le directeur opérationnel du cabinet XTU ;

et aventure de construction, bien sûr, pour les membres de tous les divers corps de métier des entreprises Vinci Construction et SMAC, tout d’abord ;

mais aussi aventure photographique, pour Isabelle Rozenbaum ;

aventure éditoriale, pour Xavier Mouginet, le directeur des Éditions Elytis ;

et aventure, encore, d’exposition, pour Philippe Massol, directeur de la Cité du Vin, Laurence Chesneau-Dupin, directrice culturelle de la Cité du Vin, et Marion Eybert, responsable des Expositions à la Cité du Vin…



Puis, hier jeudi 16 juin, à 18h, à l’Auditorium Thomas Jefferson de la même Cité du Vin de Bordeaux :

conférence de présentation de cette exposition Carte blanche à Isabelle Rozenbaum _ le regard d’une photographe sur l’aventure du chantier de la Cité du Vin,

en un entretien de Francis Lippa, philosophe (et vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux) _ spécialement curieux de poïétique, c’est-à-dire des arcanes de la création ; cf sur ce blog En cherchant bien son récent article du 1er juin à propos du compositeur Karol Beffa : L’intelligence très sensible de la musique du magnifique Karol Beffa : de lumineuses Leçons au Collège de France _,

avec l’artiste Isabelle Rozenbaum

_ on peut écouter le podcast de leur entretien (jubilatoire !) du 3 décembre 2013, à la librairie Mollat, à propos du (passionnant) précédent travail d’Isabelle Rozenblaum, l’extraordinaire Les Corps culinaires... _,

et avec Xavier Mouginet, l’éditeur (aux Éditions Elytis) des deux livres superbes et indispensables pour bien regarder encore ces photos, et bien méditer, à notre tour, sur elles,

telles qu’elles sont issues de cette campagne de photographies de 30 mois, et de cette _ éblouissante _ exposition _ ouverte du 1er juin 2016 au 8 janvier 2017 : à découvrir en même temps que la Cité du Vin _ :

La Cité du Vin, d’une part, le (très beau) grand livre (officiel),

comportant 231 photos couleurs de très grand format _ pleine page souvent ! et c’est aussi nécessaire que mérité ! _, et avec des cadrages parfois époustouflants _ oui ! _, mais sans le moindre maniérisme :

au service infiniment probe de la plus grande justesse, seulement, mais pas moins !, du rendu (par l’image merveilleusement cadrée) de ce qui, vu et surtout ressenti par l’artiste, nous est donné à voir et intensément ressentir, via et en ces formes-là (d’images belles ou sublimes), à notre tour ! ;

en un acte esthétique, pour reprendre l’expression de Baldine Saint-Girons, en son indispensable et magnifique L’Acte esthétique… ; cf aussi, là-dessus, le tout aussi indispensable et tout aussi passionnant et juste Homo spectator _ voir, faire voir, de Marie-José Mondzain) ;

et, d’autre part, Tentative d’épuisement d’un lieu bordelais _ Architecture et photographie au XXIe siècle La Cité du Vin,

un carnet de bord (et de méditation) intime (comportant, aussi, 264 photos, mais de petit format _ toutes différentes des 231 images du très beau grand livre officiel, et au nombre de huit sur une page, chaque fois (8 x 33 = 264) _) ;

carnet tenu, quasi in situ, par la photographe Isabelle Rozenbaum réfléchissant-méditant par cette écriture même sur son travail alors en cours de photographe, face au (et dans le) chantier, du 21 octobre 2013 jusqu’au 11 février 2016 ;

et carnet aménagé et re-travaillé un peu, quasi in situ encore, et toujours au fur et à mesure, en 33 chapitres _ correspondant au nombre de ses interventions photographiques successives sur le chantier : les dates et heures de ces écritures sont chaque fois données, ainsi que le temps qu’il faisait, et la qualité de la lumière, la luminosité ce moment-là ce jour-là… _, muni chacun d’un titre, et conclu chacun par une citation d’un photographe ou d’un philosophe ayant réfléchi sur la photographie ;

sur le modèle, au départ du moins, du Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, de George Perec, paru en 1975.

J’ai personnellement eu la chance de parcourir tranquillement, à mon rythme, et à mon complet loisir, deux fois jusqu’ici, l’exposition, en son accrochage magnifique (et ô combien lumineux !), et selon des formats de très grande ampleur, parfaitement adéquats à cela même (de grand _ y compris pour les images de simples outils ! _) que ces photos nous montrent.

Et bien sûr le regard de ma seconde visite va plus loin _ et plus profond : que d’images-mondes, ici… _ que le regard de la première visite, au cours de laquelle, par exemple, je n’avais pas remarqué les cartels _ discrets, il est vrai, mais constants ; et certainement indispensables ! _ indiquant la date de chacune de ces photos…


Je remarque _ et le communique à Xavier Mouginet et Isabelle Rozenbaum qui m’accompagnent lors d’un dernier tour de l’expo, juste avant notre entretien-conférence à l’Auditorium _ que la grande photo que j’admire tant des « alpinistes » lors de « la pose des verres sérigraphiés de la vêture », virevoltant très en hauteur sur la façade du bâtiment de la Cité du Vin, et image admirée aux pages 234-235 de l’éblouissant La Cité du Vin,

et qui se trouve, dans l’exposition, présentée à droite en un extraordinaire tryptique consacré à ces opérations quasi dansées des « alpinistes » _ mais dans ce spectaculaire et acrobatique tryptique, la photo placée au centre, plus grande que celle qui me plait tant dans le livre, vole en quelque sorte la vedette à celle qui m’a ô combien plu sur la pleine double-page du livre, et qui, donnée ici un peu plus petite (que sa voisine du tryptique), est placée à droite et en léger contrebas… _,

ne me fait pas le même effet (de sidération) que sur la double page, et sans bord, dans le livre :

c’est que tout regard sur l’image dépend aussi de son contexte, comme de sa taille,

commentent Isabelle et Xavier ;

d’où l’importance du montage, dans l’exposition comme dans le livre,

de ce qui sera montré être regardé…

Et les images d’Isabelle Rozenbaum,

en leur extraordinaire netteté _ qui apparente à mes yeux, et pour prendre un exemple, la sublime ! sculpturale photo (non légendée) de la double-page 32-33 des deux mains gantées posées sur un plan dessiné du bâtiment de la Cité du Vin déployé à terre (ainsi qu’un pied chaussé un peu boueux, empiétant sur ce plan, légèrement déchiré là ; sans rien d’autre de perceptible du corps de cet homme)

aux deux mains (à la rencontre) de Dieu-le-Père et Adam, de Michel-Ange, au plafond de la chapelle Sixtine ! _

et en leurs impressionnantes couleurs _ par exemple celles de la photo (sans légende) de la double-page 126-127 ; ou celles de la photo légendée « mesures et contrôles ponctuent la vie sur le chantier « , page 135 ; ou aussi celles de la photo, si étrange, de la « préparation des platines qui soutiendront la vêture «, à la double page 214-215 _,

respirent merveilleusement, et s’approfondissent aussi, dans le format le plus large possible

_ tel, aussi, celui de l’écran de l’Auditorium où quelques unes d’entre ces splendides images-photos étaient projetées pendant notre entretien-conférence de jeudi 16 juin dernier !

D’où la très grande importance,

non seulement du tirage des photos, bien sûr !,

mais aussi du montage de ces photos,

tant dans les soins portés à l’accrochage de l’exposition,

que dans ceux portés à la mise en page du livre : éblouissante, elle aussi.

Ainsi le travail éditorial de Xavier Mouginet est-il proprement époustouflant !!!

Aussi, pouvoir revenir et se reporter sans cesse aux détails des images qu’offre le livre _ et un livre aussi beau et riche que ce magnifique La Cité du Vin ! _ est proprement extraordinaire ;

chaque nouveau parcours de ces images au fil du livre,

de même que chaque nouveau parcours de la salle d’Expositions de la Cité du Vin,

nous faisant découvrir et contempler chaque fois de nouvelles merveilles !


C’est admirable !

Titus Curiosus, ce vendredi 17 juin 2016

 

6 ans d’entretiens d’un curieux, Francis Lippa, à la librairie Mollat _ et comment accéder à leur écoute…

22oct

Voici _ pour commodité _, la liste, au nombre de 23 à ce jour, de 6 ans d’entretiens d’un curieux, Francis Lippa _ alias Titus Curiosus sur son blog En cherchant bien _, à la librairie Mollat, à Bordeaux,

avec des auteurs _ et le plus souvent amis _ passionnants ;

accompagnée des moyens d’accès à l’écoute des podcasts de ces 23 entretiens :

LISTE DES PODCASTS DE 6 ANS D’ENTRETIENS DE FRANCIS LIPPA A LA LIBRAIRIE MOLLAT

DU 13 OCTOBRE 2009 AU 13 OCTOBRE 2015

_ 1) Yves Michaud : Qu’est-ce que le mérite ?  52’ (13-10-2009) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=17594


_ 2) Jean-Paul Michel : Je ne voudrais rien qui mente dans un livre 62’ (15-6-2010) :

http://www.mollat.com/player.html?id=318053

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=318053


_ 3) Mathias Enard : Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants 57’ (8-9-2010) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=2512739


_ 4) Emmanuelle Picard : La Fabrique scolaire de l’Histoire 61’ (25-3-2010) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=34608


_ 5) Fabienne Brugère : Philosophie de l’Art 45’ (23-11-2010) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=7055323


_ 6) Baldine Saint-Girons : La Pieta de Viterbe 64’ (25-1-2011) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=10986789


_ 7) Jean Clair : Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture 57’ (20-5-2011) :

http://www.mollat.com/player.html?id=21320675

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=21320675


_ 8) Danièle Sallenave : La Vie éclaircie _ ou réponses à Madeleine Gobeil 55’ (23-5-2011) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=21323127

_ 9) Marie-José Mondzain : Images (à suivre) _ de la poursuite : au cinéma et ailleurs 60’ (16-5-2012) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=50277305


_ 10) François Azouvi : Le Mythe du grand silence 64’ (20-11-2012) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=64650171


_ 11) Denis Kambouchner : L’Ecole, question philosophique 58’ (18-9-2013) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65161369


_ 12) Isabelle Rozenbaum : Les Corps culinaires 54′ (3-12-2013) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65169118


_ 13) Julien Hervier : Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle 58’ (30-1-2014) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65170632


_ 14) Bernard Plossu : L’Abstraction invisible 54’ (31-1-2014) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65170633


_ 15) Régine Robin : Le Mal de Paris 50’ (10-3-2014) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65173414


_ 16) François Jullien : Vivre de paysage _ ou l’impensé de la raison 68’ (18-3-2014) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65173409


_ 17) Jean-André Pommiès : Le Corps-franc Pommiès _ une armée dans la Résistance 45’ (14-1-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65186924


_ 18) François Broche : Dictionnaire de la Collaboration _ collaborations, compromissions, contradictions 58’ (15-1-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65186916


_ 19) Corine Pelluchon : Les Nourritures _ Philosophie du corps politique 71’ (18-3-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65189833


_ 20) Catherine Coquio : La Littérature en suspens : les écritures de la Shoah _ le témoignage et les œuvres & Le Mal de vérité, ou l’utopie de la mémoire 67’ (9-9-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65195005


_ 21) Frédéric Joly : Robert Musil _ tout réinventer 58’ (6-10-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65200102


_ 22) Ferrante Ferranti : Méditerranées & Itinerrances (expo à la Base Sous-marine) 65′ (12-10-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65200126

_ 23) Bénédicte Vergez-Chaignon : Les Secrets de Vichy 59 ‘ (13-10-2015) :

http://www.mollat.com/app_rewritting/launcher/launcher.aspx?sub=podcast&action=get_podcast&id=65200109

Echanger de manière ouverte et parfaitement libre avec un auteur, un créateur, est plus que passionnant : enthousiasmant ! ;

et ouvre l’appétit de la curiosité au partage, par l’écoute de l’entretien vivant…

Ecouter (et ré-écouter) la voix et ses tonalités, les silences, les rythmes, les intonations de pareille conversation exigeante, est, en effet, irremplaçable, et défie très heureusement le temps.

Car c’est aussi comme un _ très humble, forcément _ sillage d’écume encore vibrante de l’œuvre _ en toute modestie, cette écume, cet écho de paroles échangées… _ qui demeure, par le podcast, accessible ;

et par là, constitue un possible relais _ avec toute sa fragilité parfaitement audible… _ de l’œuvre même ; telle une bouteille à la mer, confiée au hasard, un jour, des recherches à venir de quelque autre improbable curieux, à l’autre bout de la terre…

Titus Curiosus, ce 22 octobre 2013

P.s : à la date du lundi 26 octobre,

les divers liens _ Ecouter Télécharger Podcast iTunes Exporter _ aux podcasts cités ci-dessous

sont directement accessibles sur le site de la librairie Mollat :

en cliquant sur les liens aux livres cités ici pour les auteurs et livres suivants :

Yves Michaud, Qu’est-ce que le mérite ? (52′)

Jean-Paul Michel, Je ne voudrais rien qui mente dans un livre (62′)

Mathias Enard, Parle-leur de rois, de batailles et d’éléphants (57′)

Emmanuelle Picard, La Fabrique scolaire de l’histoire (61′)

Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (45′)

Baldine Saint-Girons, La Pieta de Viterbe (64′)

Jean Clair, Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture (57′)

Danièle Sallenave, La Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil  (55′)

Marie-José Mondzain, Images (à suivre) _ de la poursuite au cinéma et ailleurs  (60′)

François Azouvi, Le Mythe du grand silence (64′)

Denis Kambouchner, L’École, question philosophique (58′)

Isabelle Rozenbaum, Les Corps culinaires (54′)

Julien Hervier, Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle (58′)

Bernard Plossu, L’Abstraction invisible (54′)

Régine Robin, Le Mal de Paris (50′)

François Jullien, Vivre de paysage _ ou l’impensé de la raison (68′)

Jean-André Pommiès, Le Corps-franc Pommiès _ une armée dans la Résistance (45′)

François Broche, Dictionnaire de la collaboration _ collaborations, compromissions, contradictions (58′)

Corine Pelluchon, Les Nourritures _ philosophie du corps politique (71′)

Catherine Coquio, La Littérature en suspens _ les écritures de la Shoah : le témoignage et les œuvres & Le Mal de vérité, ou l’utopie de la mémoire (67′)

Frédéric Joly, Robert Musil _ tout réinventer (58′)

Ferrante Ferranti, Méditerranées & Itinerrances (65′)

Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Secrets de Vichy  (59′)

 

Voilà,

pour l’accessibilité d’écoute à l’ensemble des podcasts de ces 23 entretiens _ à ce jour : du 13 octobre 2009 au 13 octobre 2015, jour pour jour ! _

d’auteurs invités à la librairie Mollat,

avec Francis Lippa,

alias Titus Curiosus sur son blog En cherchant bien.

On peut écouter aussi les podcasts de deux conférences _ et non pas deux entretiens _

de deux philosophes que j’apprécie tout particulièrement

et ai proposé, en tant que vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux, d’inviter dans le cadre des conférences de notre Société de Philosophie, données dans les salons Albert Mollat, en janvier 2011 et en février 2015,

et à propos de sujets, aussi, qui me tenaient spécialement à cœur :

Michaël Foessel, à propos de son livre Etat de vigilance _ critique de la banalité sécuritaire  (65′)

et Bernard Sève, à propos de L’Instrument de musique : une étude philosophique (49′) ;

mais il ne s’agit pas là d’entretiens ;

et je n’en suis pas l’interlocuteur :

les conférenciers sont simplement présentés par les présidentes (successives) de notre Société de Philosophie de Bordeaux,

Céline Spector, dans le cas de la conférence de Michaël Foessel, le mardi 18 janvier 2011

et Kim Sang Ong Van Cung, dans le cas de la conférence de Bernard Sève, le 3 février 2015.

Plusieurs articles de mon blog En cherchant bien sont d’ailleurs consacrés à ces philosophes amis :

_ pour Michaël Foessel :

Sur un lapsus (« Espérance »/ »Responsabilité ») : le chantier (versus le naufrage) de la démocratie, selon Michaël Foessel

« Faire monde » face à l’angoisse du tout sécuritaire : la nécessaire anthropologie politique de Michaël Foessel

« L’Indignation, une passion morale à double sens » : un appendice à l’anthropologie politique de Michaël Foessel

Le courage de « faire monde » (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel

et pour Bernard Sève :

Sur Montaigne musicien à son écritoire : Bernard Sève à propos de l’indispensable « Montaigne manuscrit » d’Alain Legros

Un moderne « Livre des merveilles » pour explorer le pays de la « modernité » : le philosophe Bernard Sève en anthroplogue de la pratique des « listes », entre pathologie (obsessionnelle) et administration (rationnelle et efficace) de l’utile, et dynamique géniale de l’esprit

Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le « tissage » de l’écriture et de la pensée de Montaigne

 

Quant à mes entretiens antérieurs au 13 octobre 2009,

notamment à propos de musique et de musiciens,

ils n’étaient pas alors enregistrés, et n’ont donc pas donné lieu à des podcasts…

François Jullien, Vincent Descombes : aventuriers-explorateurs de l’impensé des usages de la raison

13avr

Après la réception, le mardi 18 mars de François Jullien, pour son tout récent Vivre de paysage, ou l’impensé de la raison _ cf le podcast (de 68′) de sa conférence ; qui n’a pas été vraiment un entretien, comme l’aurait désiré celui qui le recevait, Francis Lippa ; et alors même que François Jullien fait dans son livre l’éloge vibrant de l’entretien ! _, aux Éditions Gallimard,

la Société de Philosophie de Bordeaux reçoit mardi prochain 15 avril à 18 heures, toujours dans les beaux salons Albert-Mollat,

Vincent Descombes pour son très riche Les Embarras de l’identité, lui aussi aux Éditions Gallimard.

Au-delà de la première apparence qui semble éloigner leurs styles d’écrire-penser,

plus poétique apparemment pour l’un _ l’auteur du passionnant Philosophie du vivre _,

plus (classiquement, peut-être, quoique…) méthodique apparemment pour l’autre _ l’auteur du très scrupuleux Le Complément de Sujet _ Enquête sur le fait d’agir de soi-même : livres lus, tous et en leur temps, avec une très grande attention _,

il m’apparaît surtout que tant l’objet visé :

soit la construction du sujet pensant et son identité,

ou, aussi bien et encore, le processus même de la subjectivation en toute sa complexité à tenter passionnément d’un peu démêler-éclairer,

que la démarche entreprise d’analyse-exploration : soit une très riche aventure d’auteur !,

dans Les Embarras de l’identité de Vincent Descombes comme dans Vivre de paysage, ou l’impensé de la raison de François Jullien,

s’apparentent beaucoup…

Car l’un comme l’autre de ces deux auteurs philosophes

pratiquent une très consistante et très cohérente, en sa persévérante audace de recherche, poiesis

que j’ose qualifier ici d’aventureuse,

et qui les fait, d’œuvre en œuvre, chacun,

patiemment et très heureusement,

progresser

en leur exploration de l’impensé…

J’ose, aussi, ici personnellement espérer

que cette fois _ soit mardi prochain 15 avril : après-demain ! _,

à la différence frustrante _ un peu trop pressée par le défaut de temps _ de la conférence de François Jullien _ celui-ci m’a avoué (en courant à son taxi) n’avoir pas encore pris le temps de visiter si peu que ce soit notre belle ville de Bordeaux, lors de ses cinq conférences, à ce jour, à Bordeaux ! :

sur ce temps ouvert de la déambulation (ou entretien activement réceptif avec un paysage),

cf mes propres articles sur déambuler à Venise : par exemple Ré-arpenter Venise : le défi du labyrinthe (involutif) infini de la belle cité lagunaire… ; je viens d’y faire allusion dans mon article sur Le Mal de Paris de Régine Robin ; cf aussi le podcast (de 50′) de mon entretien avec elle à propos de ce superbe livre de déambulation dans le grand Paris, le lundi 10 mars dernier, au 91 de la rue Porte-Dijeaux _,

un peu d’entretien (ouvert) avec Vincent Descombes

poursuivra (un peu) l’exposé de sa conférence, mardi prochain…


Pour ma part,

j’ai découvert grâce à ces riches Embarras de l’identité de Vincent Descombes,

l’œuvre d’Erik Erikson _ l’auteur d’Adolescence et crise : la quête de l’identité _, ainsi que ses débats avec la riche école de Chicago, autour de l’œuvre d’Erving Goffman (l’auteur de La Mise en scène de la vie quotidienne) ;

et j’ai pu, une nouvelle fois, vérifier l’importance philosophique majeure de l’œuvre de Cornelius Castoriadis, l’auteur du décidément plus que jamais immense L’Institution imaginaire de la société

Je rattache aussi le travail de penser l’impensé

auquel s’attachent, chacun à sa manière, Vincent Descombes comme François Jullien,

à la démarche de sérendipité qu’analyse Sylvie Catellin en son magnifique (et archi-nécessaire !) Sérendipité _ du conte au concept (cf mon article du 3 mars 2014 : Les enjeux de pouvoir de la curiosité libre et ouverte : le passionnant « Sérendipité _ Du conte au concept » de Sylvie Catellin, un livre salutaire !…) ;

ainsi qu’à ce à quoi travaille (à Inria, à Talence) le roboticien-ingénieur Pierre-Yves Oudeyer, et qu’il expose en partie en son Aux sources de la parole _ auto-organisation et évolution.

Ainsi qu’aux travaux sur ce que je nomme le travail d' »imageance« 

de mes amies Marie-José Mondzain _ cf son indispensable Homo spectator _

et Baldine Saint-Girons _ cf son indispensable L’Acte esthétique



A mardi avec Vincent Descombes !


Titus Curiosus, ce 13 avril 2014

P.s. : avec ce lien au podcast de la conférence de Vincent Descombes le mardi 15 avril.

la justesse ludique d’un photographe « à l’air libre » : Bernard Plossu en deux entretiens, « L’Abstraction invisible », avec Christophe Berthoud ; et la conversation avec Francis Lippa, dans les salons Albert-Mollat, le 31 janvier 2014

16fév

A Nathalie Lamire-Fabre et Michèle Cohen : deux fées

_ galerie Arrêt sur l’Image, Bordeaux ; galerie La Non-Maison, Aix-en-Provence

 

L’œuvre photographique de Bernard Plossu

est à la fois formidablement saisissante _ en sa double puissance de justesse et de poésie vis-à-vis du réel à expérimenter (enfin !) _ pour quiconque accepte d’y accrocher un instant plus ou moins long, et surtout intense, son regard _ ici, toujours en revenir à ce que mes amies Baldine Saint-Girons, en son L’Acte esthétique, et Marie-José Mondzain, en son Homo spectator, nomment , l’une, « l’acte esthétique« , et, l’autre,  l’« imageance« .. _ et s’en délecte avec profondeur,

et extraordinairement insaisissable

pour qui tente de la décrire et s’essaie à en proposer quelques (toujours trop pauvres et insuffisants) critères d’identification : la tâche en est joyeusement infinie, tant l’œuvre singulière de Plossu est elle-même, en son unicité, prodigalement _ c’est-à-dire avec une générosité sans fond ! _ inépuisable.

Non immobilisable.

Ce qui est le cas de tous les chefs d’œuvre de l’art vrai,

mais l’auteur-artiste, afin d’accéder à ce pouvoir (de maîtrise sans maîtrise : c’est la voie de la création vraie !) si singulier-là, doit, et cela à chaque fois, réussir à, en sa poiesis créatrice, s’abstraire de tout ce qu’il a déjà pu apprendre, et des autres, et de soi, quasi virginalement, comme toujours la première fois vraie, et qui menace endémiquement de le guider un peu trop, jusqu’à venir, se rigidifiant, se figer en recette un peu trop mécanique,

pour surmonter librement et avec fécondité ce tout à jamais provisoire et en sursis (de dépassement à venir) de son précieux bagage ; ce tout qui tout à la fois l’aide, et dont il a, en même temps, toujours à s’alléger…

La probité étant une condition absolue de la justesse !

On ne saurait badiner là-dessus…


C’est au mystère de cet oxymore somptueux plossuïen

que s’attaquent _ si j’ose le dire ainsi ; mais c’est aussi un vrai défi de l’aisthesis ! _, à la fois,

et le merveilleux livre d’entretien qu’est L’Abstraction invisible _ entretien avec Christophe Berthoud, de Bernard Plossu et Christophe Berthoud, paru aux Éditions Textuel en septembre 2013,

« fruit de plusieurs conversations qui ont eu lieu à La Ciotat et à Marseille entre novembre 2012 et mai 2013, complétées par de très nombreux échanges de courriels. Elles se sont nourries d’un important corpus de textes, articles, préfaces, notes du photographe, cités en bas de page, qui couvre plus d’une quarantaine d’années de la carrière de Bernard Plossu. Ce dialogue s’inscrit dans une relation d’amitié et de confiance qui a débuté à Paris le 16 juin 1994 sur un quai de la gare de Lyon, au départ d’un train de nuit pour Marseille » _ page 13, en conclusion du superbe et très éclairant Avant-Propos de Christophe Berthoud _ :

ce livre est un somptueux et très précieux (et rare !) sésame pour l’œuvre entier de Plossu, en son complexe et richissime parcours de par, et l’histoire existentielle de l’individu Bernard Plossu, et la géographie du monde et des personnes rencontrés et photographiés par le « photographe à l’air libre » _ ainsi que l’ont inscrit on ne peut plus officiellement les Espagnols, lorsqu’il s’est agi d’indiquer sur des papiers très officiels le statut professionnel de l’individu Bernard Plossu, lors des années qu’il a passées en Andalousie... _,

et l’entretien de Francis Lippa avec Bernard Plossu, une joyeuse heure durant, dans les salons Albert-Mollat, le vendredi 31 janvier dernier,

dont voici un lien vers le podcast (de juste une heure).

Bernard et moi nous sommes rencontrés le 22 décembre 2006, à 18h 15 très précisément, au rayon Beaux-Arts de la librairie Mollat, où Bernard était venu pour une séance de signature _ elle dura un quart d’heure… _ du merveilleux Bernard Plossu Rétrospective 1963-2003, un ouvrage crucial !, accompagnant la très importante exposition éponyme conçue par Gilles Mora, qui allait se tenir au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, du 16 février au 28 mai 2007 ; et début décembre, en liaison avec les travaux de mon atelier Habiter en poète, et de son projet de voyage napolitain, après Rome et Lisbonne, j’avais acheté son merveilleux, aussi, L’Europe du sud contemporaine, dont je me délectais… :

trois-quart d’heure durant, ce 22 décembre 2006-là, nous avons alors parlé passionnément de l’Italie _ j’avais donc en projet d’amener mon atelier Habiter en poète à Naples, prendre des photos autour du stupéfiant Je veux tout voir, de Diego De Silva _ de littérature et d’écrivains italiens _ et tout particulièrement d’Elisabetta Rasy, que nous avions longuement rencontrée à Rome, tout près de sa maison d’enfance, pour le travail de notre atelier de pratique artistique (avec le photographe bordelais et ami Alain Béguerie), autour du fascinant roman (romain), en partie autobiographique Entre nous d’Elisabetta Rasy : Elisabetta et sa mère (et son petit frère) habitaient dans un quartier charmant non loin de la Via Nomentana et juste à côté du parc de la Villa Paganini)… _,

et Bernard se mettant à me tutoyer au bout d’un quart d’heure… ;

et ainsi débuta une correspondance frénétique de courriels, chacun dans son style _ une correspondance dont les trois premiers mois faillirent même faire l’objet d’une publication : projet heureusement avorté ! _,

et notre amitié…

On pourra aussi se reporter à mon article du 27 janvier 2010

sur les deux magnifiques expos Plossu-Cinéma au Frac de Marseille, que dirige Pascal Neveux, et à La Non-Maison d’Aix-en-Provence, de la fée, et notre amie, Michèle Cohen,

aux vernissages desquelles expositions je m’étais rendu en janvier 2010 :

L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre « Plossu Cinéma » 

Au-delà de « la liberté sans cesse en mouvement«  (page 9) qui caractérise si bien Bernard Plossu _ en exergue du livre, est placée cette phrase de Bernard : « Dans ce qui était prévu pour moi, il y avait le fait d’être de tel pays, telle ville, tel village ; je fais partie des gens qui ont besoin de se tirer«  _,

et au-delà « des photographies imparfaites du point de vue d’une certaine orthodoxie,

tremblées, bougées, sombres ou surexposées,

mais traductions fidèles d’une expérience » généreusement offerte à nos regards émerveillés, qui la partagent ainsi _,

c’est « tout un pan lumineux, et net, de sa production,

un classicisme revendiqué,

une filiation avec le photographe Paul Strand _ oui ! cf cet absolu petit bijou qu’est French cubism _ Hommage à Paul Strand, que la Non-Maison a publié en juin 2009 _ ou des peintres comme Corot _ oui… _ et Leroy« 

que Christophe Berthoud amène, en cet entretien avec lui, l’auteur Bernard Plossu,

a contrario _ mais sans renier l’autre pan… _,

à mettre mieux en lumière.

Car toujours « cet abandon à l’expérience _ dans l’acte du photographier _

reposait en réalité sur une vision extrêmement maîtrisée et structurée » _ en cet acte même et son instantanéité.

La « pensée » _ photographiante _ de Bernard Plossu ne procède jamais « par exclusion, mais par glissement,

pas nécessairement contre, mais ailleurs » (page 10) :

en douceur…


En conséquence, ce livre abordera parallèlement au Plossu bien connu « en rupture de ban« ,

« une autre aventure,

spirituelle, esthétique _ et tout aussi prosaïquement matérielle que poétiquement métaphysique, si l’on peut dire : les deux allant consubstantiellement, et même charnellement, de pair en l’acte photographique de Bernard Plossu _,

celle d’une vision qui apparaît « spontanément », écrira un Denis Roche, dans toute la maîtrise de son expression _ cf le miracle du Voyage mexicain, qui paraît en 1979, mais à partir de photos réalisées en 1965 et 1966 : oui, oui !..  _,

mais qui mettra une dizaine d’années _ à partir de 1975-76 ; cf le chapitre « L’appel du livre« , pages 57 à 61, qui le détaille… _ à comprendre sa force

et à se libérer des influences d’une époque dans ce qu’elles ont _ la mode est ce qui se démode… _ de plus éphémère et périssable. (…)

Cet arrachement aux concessions du moment, aux effets faciles du grand angle, aux séductions des points de vue spectaculaires,

pour revenir à la justesse et à la vérité _ absolument !!! _ des débuts

_ ceux du merveilleux (et virginal) Voyage mexicain : l’éblouissement aujourd’hui est plus fort que jamais !  _,

Plossu en parlera constamment par la suite.

Cette distance et ce ton juste,

c’est l’objectif 50 mm, répète-t-il à satiété,

au risque de résumer la force de son œuvre à ce détail technique, ou ce qui pourrait sembler tel.

En fait, il y a une profonde cohérence,

et ce livre ambitionne à le montrer,

entre sa vision qui s’exprime à travers cette focale « sans esbroufe » _ à l’opposé d’un Sebastiao Salgado, par exemple : « Salgado et moi nous avons la même étiquette de photographe, mais on ne fait pas du tout le même métier. Je n’ai rien à voir avec lui. C’est un autre langage » ; Bernard se sentant, en revanche, bien « plus proche d’un artiste comme Patrick Sainton«  ; et Bernard d’évoquer alors sa propre pratique du dessin (en son œuvre, sa poiesis même, photographique…) : « Dessiner est ma façon d’enclencher un processus de réflexion autour de l’image qui passe chez moi par le geste, par le jeu. Cela participe des expérimentations visuelles qui me rendent plus proche d’un artiste comme Patrick Sainton que d’un Sebastiao Salgado« , page 151 _

et une attitude plus générale dans la vie qui peut s’interpréter comme une forme de puritanisme«  (page 11) _ toute de pudeur et de profonde modestie, et inquiète.

«  »Vision », ici, a le sens plus large de « conception du monde ».

Elle s’emploie à ramener à des proportions modestes _ comme c’est juste ! _ ce qui tendrait au sublime, au grandiose, au grandiloquent ;

à l’inverse, Plossu exhausse des détails _ du quotidien le plus apparemment trivial ;

et ici il s’inscrit dans la filiation esthétique d’un Walter Benjamin et d’un Siegfried Kracauer ; sur ce dernier vient de paraître un très intéressant Kracauer, l’exilé, de Martin Jay _,

promeut les instants « non décisifs » _ sur le rapport de Bernard Plossu à Henri Cartier-Bresson, cf les pages 120 à 122 ; cf aussi le passionnant et magnifique album de Clément Chéroux Henri Cartier-Bresson ici et maintenant, sur l’expo qu’il nous offre au Centre Pompidou… _,

réhabilite des lumières dont les photographes se défient.

Ceci vaut pour les motifs qu’il photographie

comme pour les moyens techniques qu’il se donne _ l’appareil jetable en est l’exemple le plus parlant«  (pages 10-11).

Ainsi, pour Bernard Plossu, « la haute culture sera toujours un objet soumis à l’épreuve _ cruciale et basique pour lui _ de l’expérience.

Voir _ lui, prenant la photo, puis nous, la regardant _ un Morandi ou un Malévitch

devant un vieux mur ou dans l’agencement d’une palissade,

équivaut à faire entrer l’art dans la sphère _ simplement fondamentale _ du quotidien.

L’aventure qui traverse l’œuvre de Plossu

est cette perpétuelle fécondation du réel par l’art,

mais en retour une perpétuelle vérification de l’art sur le banc d’essai du réel _ oui !

Le séjour à Taos, sur les plateaux du Nouveau-Mexique, représente un moment clé dans cette histoire, à 2000 mètres d’altitude,

dans un décor qui ressemble davantage à un tableau hivernal de Bruegel qu’à un cliché de l’Ouest américain, dira le photographe.

Taos, c’est la rencontre _ on ne peut plus contingente en son improbabilité ! en ce désert-là !.. _ de Plossu, autodidacte,

avec Corot, l’expressionnisme allemand, l’école romaine _ qu’il dévore en bibliothèque : celle « de la fondation Harwood, riche d’ouvrages d’art que beaucoup de gens cultivés ayant vécu au Nouveau-Mexique avaient légués à leur mort. Il n’y avait pas beaucoup de livres de peinture chez mes parents, c’est à Taos que je m’y suis mis vraiment. » De même que « c’est à Taos que j’ai lu les deux grands livres qui comptent énormément pour moi : La Connaissance de la douleur de Carlo Emilio Gadda et La Conscience de Zeno d’Italo Zvevo » (page 83).

Pour autant, Plossu ne reniera pas ses premiers engouements,

et, revenant sur la notion de vision « spontanée »,

rend hommage à ces influences qui l’ont marqué très jeune,

la bande dessinée,

le cinéma _ cf le merveilleux Plossu-Cinéma, à partir d’une intuition initiale de Michèle Cohen avec Bernard Plossu : j’étais présent à La Ciotat à la première séance de travail, avec Pascal Neveux aussi, qui mena à la double exposition merveilleuse du Frac de Marseille et de la NonMaison d’Aix-en-Provence… _,

les dessins satiriques,

les tableaux qu’il s’efforça à l’âge de 12, 13 ans de reproduire en peinture«  (page 12).

Et « la pratique du flou« 

sera remise « dans la perspective d’une écriture visuelle inventive et _ joyeusement ludique _ en perpétuelle recherche« ,

mettant l’accent sur le caractère « a-contemporain » _ à dimension d’éternité, ajouterai-je, spinozistement : d’où le sentiment de la joie, comme accomplissement des potentialités ; très loin des philosophies tristounettes de la finitude… _ de Bernard Plossu auteur.

Car « retracer le parcours de Bernard Plossu,

un demi-siècle de prises de vues,

ce n’est pas évoquer en effet le passage du temps,

mais le nier, ou plutôt le plier _ Hegel parlerait ici du processus de aufhebung _ au rythme d’une œuvre qui se déploie avec sa logique étrangère aux modes.

Une photographie réalisée en 1963 joue avec une photographie prise en 2004,

des obsessions et des thématiques enjambent les décennies,

et des images inédites réalisées en 1974 sont publiées en 2013 avec une charge visuelle intacte, actuelle«  (pages 12-13), par la grâce de la prodigieuse mémoire photographique de Bernard Plossu…

Les capacités à la fois d’analyse (du détail) et de synthèse (de ce qui ressort de l’ensemble de l’œuvre Plossu envisagé en sa quasi intégralité !) de l’ami Christophe Berthoud

afin de mettre en évidence, et révéler, en ses arcanes, la singularité de l’idiosyncrasie de Bernard Plossu, auteur photographe « à l’air libre« ,

sont remarquables de perspicacité en l’amplitude et la justesse de leur empathie…

Chapeau le regardeur !

Titus Curiosus, ce 16 février 2014

Post-scriptum :

en feuilletant d’anciens agendas,

en tête de celui de 2009-2010, et en réponse à quelques questions de Gwénaël Lemouée, du Provençal,

« Est-il différent de photographier l’ailleurs et le lieu où l’on vit ?« ,  « Avez-vous toujours le même plaisir à travailler ? » et « Qu’est-ce qu’une bonne photo ?« ,

je retrouve ceci, de Bernard Plossu :

_ « Pour moi, c’est pareil : en tant que photographe, on est prêt à saisir _ voilà : saisir ; et puis donner _ le hasard partout et tout le temps ; l’œil n’est jamais en repos. Je ne peux plus ne pas voir » ;

_ « La photographie me plaît toujours autant : c’est LE langage du réel. On y comprend _ rien moins ! voilà l’intelligence prodigieuse du créateur ! _ le monde et tout ce qu’il s’y passe, soit dans le contexte social ou écologique, soit tout simplement dans la poésie _ eh oui ! « Ce qui demeure, les poètes le fondent« , dit Hölderlin… _ des moments et des lieux ou des situations » _ hic et nunc _ ;

_ « Souvent une bonne photo est mystérieuse. C’est même impossible de dire pourquoi elle est bonne. Il y a même des photos qui peuvent être bonnes, car remplies de poésie. C’est peut-être ça que j’essaye de capter  _ par la magie de la photo prise. Le mystère des choses, du temps, de la vie.« 

Tout y est dit.

Après l’entretien avec Julien Hervier sur son passionnant « Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle : une intéressante appréciation de Hannah Arendt en 1950″

31jan

Simplement,

et avant un article détaillé sur le Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle, de Julien Hervier, paru ce mois de janvier 2014 aux Éditions Fayard,

voici un extrait du courriel que je lui adresse ce matin,

suite à notre _ riche et remarquable _ entretien d’hier soir, jeudi 30, dans les salons Albert-Mollat :

Hier soir, en arrivant à la librairie Mollat, vers 17h15,
mon premier geste a été de me procurer le volume II des « Journaux de guerre » (1939-1948) d’Ernst Jünger,
et en vous attendant, sur la table du 2d étage, j’ai parcouru rapidement votre Introduction (de XXV pages),
et y ai découvert, à la dernière (page xxxiv), cette très belle citation de Hannah Arendt à propos d’Ernst Jünger,
accessible dans Penser l’événement (aux Éditions Belin), in Après le nazisme, en 1950.

La voici, précédée de votre phrase d’introduction :

« C’est à cette cohérence et à cette honnêteté _ de Jünger _ que rendait hommage Hannah Arendt lorsqu’elle écrivait dans « Reportage d’Allemagne » :

« Le Journal de guerre d’Ernst Jünger apporte sans doute le témoignage le plus probant et le plus honnête de l’extrême difficulté que rencontre un individu pour conserver son intégrité et ses critères de vérité et de moralité dans un monde _ de violence totalitaire meurtrière _ où vérité et moralité n’ont plus aucune expression visible.

Malgré l’influence indéniable des écrits antérieurs de Jünger sur certains membres de l’intelligentsia nazie,

lui-même fut du début jusqu’à la fin un antinazi actif,

et sa conduite prouve que la notion d’honneur, quelque peu désuète mais jadis familière aux officiers prussiens, suffisait amplement à la résistance individuelle« .

Et vous ajoutez _ c’est votre phrase de conclusion à cette superbe Introduction _ :

« Mais Hannah Arendt constate aussi les limites d’une telle résistance intérieure,

qui déchire la conscience de manière cauchemardesque

entre les pôles contradictoires de l’activité de survie dans le monde diurne

et du jugement moral exercé aux moments de solitude nocturne« …

Or, jusqu’ici de ma lecture, le nom de Hannah Arendt _ je l’avais chaque fois recherché ! _ n’était pas apparu
dans votre biographie de Jünger qui paraît chez Fayard ;
pas davantage, d’ailleurs, que dans l’Index de ce Pléïade II.

Ce matin, mon premier geste a donc été de lire attentivement les 25 pages de cette Introduction,
que je trouve rien moins qu’admirable(s) !

Admirable en la double précision-concision de cette synthèse _ lumineuse ! _ qu’elle propose au lecteur
qui s’apprête à arpenter ces très riches en même temps que si beaux Journaux de la Seconde Guerre Mondiale de Jünger.

Par votre capacité d’articuler si magnifiquement clairement
la démarche de Jünger face à l’Histoire

qui, à lui aussi _ même si c’est d’une autre façon que pour Hannah Arendt _, lui tombe à nouveau, ou encore, ou toujours, dessus,

avec sa démarche si merveilleuse d’en écrire aussi lumineusement l’expérience qu’il reçoit et construit ;
expérience du réel forcément complexe, mais aussi si riche :

celle qui fait de lui l’écrivain vraiment exceptionnel qu’il est,
par cette singulière qualité d’extrême « acuité de la vision
qui fait du monde un enchantement«  _ je reprends votre expression de la page 423, que j’ai lue hier soir à la conférence.

Comme je vous l’ai dit ensuite, c’est cet auteur-là, celui de ces Journaux,
ou encore celui de ses Correspondances adressées _ dans l’intimité du privé _ à divers interlocuteurs, surtout, bien sûr, de ses amis, auxquels il livre le plus intime de son « juger » _ au sein même de son percevoir et ressentir ! _,
qui m’intéresse le plus,
en sa formidable capacité de vérité, de justesse _ y compris poétique : ou plutôt, justement, parce que poétique (mais sans le pathos qu’on associe trop souvent à la poésie : et alors ce n’est plus du tout de vraie poésie qu’il s’agit !)… _

de l’art de détailler-analyser…


C’est pour cela que j’ose espérer que vous réaliserez une édition

_ par exemple à nouveau en Pléïade, et sans nécessairement l’occasion
(certes commode : et en effet le monde de l’édition fonctionne ainsi, par le repère aisé si évident des dates des anniversaires… : ah le fétichisme des chiffres !!!)

des commémorations des Guerres mondiales _,
des Journaux de la grande maturité de Jünger,

c’est-à-dire les 5 volumes de Soixante-dix s’efface.

 

Soit le chef d’œuvre de la maturité encore mieux accomplie,

dans la sérénité des trente-deux années que la prodigalité de la vie allait lui donner encore,

à Wilflingen, en Souabe, où il s’installe le 15 juillet 1950,

ainsi qu’en ses voyages de par le monde entier : « frappé par la profusion, la variété, la prodigalité et même le gaspillage insensé qui règnent dans la nature« ,

écrivez-vous magnifiquement page 422 de votre biographie-portrait de l’auteur…

Car « les beautés que le voyage nous apporte à profusion

réclament donc aussi une prédisposition _ et celle-ci doit s’apprendre à cultiver ! _ à les recevoir.

Plus encore que le pittoresque des êtres ou des lieux

compte la qualité du regard que l’on porte sur eux. (…)

Pour lui, c’est bien plutôt l’acuité de la vision

qui fait du monde un enchantement ;

Soixante-dix s’efface abonde en instantanés émerveillés,

son récit est émaillé par des sortes de flashs où l’écrivain se concentre _ voilà ! _ sur une vision qu’il tente de fixer à l’aide du langage _ par son travail de précision… _,

au lieu, comme la plupart des touristes, de l’enregistrer mécaniquement par la photographie,

avant de passer précipitamment à autre chose« , écrivez-vous ainsi page 423.

Cela n’est pas sans me rappeler le bonheur d’écriture et de jouissance du vivre _ mêlés _ d’un Montaigne

en son sublimissime essai final De l’expérience (Essais III, chapitre 13) ;

ou l’acmé du bonheur musical (expression d’une semblable gratitude infinie du vivre) d’un Händel

en la jubilation de son chœur : « Tout bon, il a fait tout bon » _ Deus sive Natura…

Mais c’est aussi ce que Nietzsche nomme très justement l’épreuve _ très simplement surmontée _ de l’éternel retour du même

Et Spinoza, l’accomplissement de la joie.

A propos de cet art profondément crucial (!) de l’acuité du regard,

je voudrais vous signaler les très beaux livres de deux de mes amies,
dont les analyses, chacune à sa façon, rejoignent cette « acuité du regard » de Jünger :

Homo spectator de Marie-José Mondzain (aux Éditions Bayard),
et L’Acte esthétique de Baldine Saint-Girons (aux Éditions Klincksieck).

Voici aussi deux podcasts d’entretiens que j’ai eus avec elles deux dans les salons Mollat :

celui avec Baldine Saint-Girons, le 25-1-2011, à propos de son Le Pouvoir esthétique (aux Éditions Manucius)
et celui avec Marie-José Mondzain, le 16-5-2012, à propos de son Images : à suivre _ au cinéma et ailleurs (aux Éditions Bayard).

Merci encore, cher Julien Hervier, de ces excellents moments…

Titus Curiosus, ce 31 janvier 2014

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur