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Un passionnant premier CD d’oeuvres symphoniques de Lucien Durosoir : « Déjanira »

07mai

A ce jour, ce mardi 7 mai 2019,
je n’ai trouvé sur le web
qu’un seul commentaire
du tout récent CD Déjanira
de Lucien Durosoir (1878 – 1955)
_ le CD Cascavelle VEL-1568 :
par le Taurida International Orchestra, dirigé par Mikhail Golikov ;
et les Salzburg Chamber Soloists, dirigés par Lavard Skou-Larsen _,
un commentaire un peu maladroit _ ici, je suis plutôt gentil ! _
dans l’expression à une ou deux reprises,
mais assez juste, me semble-t-il, dans l’écoute _ et c’est bien là le principal… _,
sur le blog La Musique des autres
d’un nommé Bertrand Ferrier, organiste,
publié le 11 avril dernier :



















Lucien Durosoir, « Dejanira » et plus, Cascavelle










Lucien Durosoir, « Dejanira » et plus, Cascavelle















Il a été violoniste à la fois virtuose _ oui ! _

et incapable _ mais c’était bien auparavant,

tout au début de sa formation… _ de se plier

aux fourches caudines du CNSM ; il a adoré

sa mère _ veuve précocement, et lui fils unique :

elle lui a consacré sa propre vie

(elle décède le 16 décembre 1934),

avec son oreille musicale de la plus haute

exigence… _,

fondé _ à la fois accessoirement, mais aussi

vitalement ! Il s’agissait d’essayer de survivre… _

un ensemble de cordes dans les tranchées

de la Grande guerre, et composé bon nombre

de pièces _ une quarantaine au total… _

que sa famille s’escrime _ formule bien peu

élégante !à faire jouer depuis sa mort

à 77 ans pile poil, en 1955 _ non, bien plus

tard, au tournant des années 2000

(cf le récit qui en est donné dans

Deux musiciens dans la Grande Guerre) ;

soit un résumé cavalier passablement brut

de décoffrage ! _ :

Lucien Durosoir continue d’être ce compositeur

inconnu _ pour qui ?qu’il est intrigant de

découvrir _ par qui ?

Cascavelle propose une compilation

_ ce n’est pas le mot justede quatre opus

_ symphoniques _ enregistrés en 2017 et 2018

_ que complètera la publication discographique

(à venir !) du  grand œuvre symphonique

de Lucien Durosoir : Funérailles.

En voici quelques aspects.






































1.
Dejanira








Violée par un centaure _ Nessus _, assassine de son cheum _ ce jargon m’est totalement étranger ! _, suicidée par pendaison : la vie cauchemardesque de Déjanire ne respire pas la petite pâquerette qui frémit dans le sous-bois printanier _ quel style ! À quel public peut s’adresser un pareil blog ?.. C’est pourtant autour de ce personnage _ Déjanire, l’ultime épouse d’Héraklès, et sa meurtrière ! _ des Trachiniennes de Sophocle _ œuvre que Lucien Durosoir a lue dans la traduction de Leconte de Lisle, il faut le souligner ! _ que Lucien Durosoir va broder, en 1923 _ tôt dans son parcours de création _, l’étude symphonique _ l’expression est parlante _ placée en ouverture de ce florilège _ de pièces symphoniques : les toutes premières de Lucien Durosoir à connaître la parution discographique ; c’est important à relever. Il ne reste plus que Funérailles, le grand œuvre, à donner maintenant au disque…

J’ai déjà signalé l’importance des motifs grecs (et pas seulement mythologiques, où apparaissent, et c’est à relever, les figures de centaures sagittaires : Nessus, Macarée et Chiron) dans l’imageance musicale de Lucien Durosoir ; cf ma seconde contribution au colloque Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955) au Palazzetto Bru-Zane à Venise en février 2011 : … ; et son résumé : « L’œuvre musical de Lucien Durosoir est en dialogue permanent et fondamental avec la poésie : pas seulement parce que la poésie – essentiellement celle de la seconde moitié du XIXe siècle – est, au plus haut des Arts, référence et modèle ; mais parce que la poésie est matrice même de sa création : un pôle consubstantiel du déploiement du discours musical. Un tel transfert d’imageance se révèle dès les intitulations des pièces de musique d’après des poèmes ; mais encore dans les vers placés en exergue des partitions, continuant ce dialogue. Et cela, alors que le compositeur répugne au genre de la mélodie, en déficience d’imageance musicale pour lui. Historiquement, entre les courants romantique, parnassien, symboliste et moderne de la poésie dont il est le contemporain, la préférence de Lucien Durosoir va, et avec fidélité, au modèle et idéal d’œuvre parnassien, dans la version de Leconte de Lisle surtout, tant sur un plan formel qu’ontologique. Avec aussi la fréquence de références thématiques à la Grèce, celle de Sophocle, Théocrite, Chénier, et Moréas. Ainsi que l’accomplissement, œuvre après œuvre, en la chair de la musique, d’une singulière puissante dynamique serpentine, au service du rendu le plus sensuel des forces de la vie. Et cela jusque dans le rapport de Lucien Durosoir aux œuvres de Baudelaire et Rimbaud. En même temps que, et alors que rien ne s’y réfère aux poètes du modernisme, selon la voie sereinement audacieuse d’une vraie modernité musicale, parfaitement libre, ouverte et renouvelée avec constance au fil des œuvres, magnifique en sa dense clarté d’affirmation« . Fin de l’incise.



Dès le lamento originel, l’orchestre est d’abord traité en bloc _ oui _, dont çà et là _ oui _ émergent _ oui _ quelques vents. L’écriture, touffue _ et c’est un trait en effet très important de l’écriture musicale des œuvres principales de Lucien Durosoir _, est soutenue par des percussions sporadiques… et orientée par une prise de son compacte, signée Sergey Sokolov. Défiant la torpeur apparente _ pas vraiment _ de cet espace en réalité grouillant _ oui, si l’on peut le qualifier ainsi : très richement foisonnant et d’une profusion multi-dimensionnelle… _, une fanfare secoue _ voilà _ par moments le corps des cordes. Le Taurida International Orchestra, placé sous la direction de Mikhail Golikov, tâche alors de _ et réussit pleinement à _ remplir une triple mission :


  • donner _ ou plutôt témoigner de la _ cohérence _ de fond _ au propos paradoxalement solide _ oui _ et décousu _ est-ce là l’adjectif adéquat ? non, pas du tout !.. _
  • rendre la profusion _ oui _ des notes sans la dissoudre dans le brouhaha _ non _ des ébats instrumentaux _ probablement… _, et
  • dessiner les lignes de perspective _ oui _ nécessaires pour guider l’auditeur _ mais pas seulement, ni même d’abord, à destination de quelque confort d’écoute de l’auditeur : il s’agit là, et bien plus fondamentalement, d’une dimension ontologique essentielle et capitale de l’œuvre même ; et de ce dont l’œuvre se donne la charge (parnassienne ? à la Leconte de Lisle, en poésie…) de rendre compte et donner à percevoir-écouter-ressentir en sa visée même d’œuvre : la vérité profonde du réel même, rien moins !!! _, à l’aide de certains pupitres ou de crescendi bien réalisés, dans ce brouillard dense _ d’où émane, en fusées diverses, le reste.


Dejanira _ l’œuvre musicale symphonique durosoirienne, pas l’héroïne mythologique tragique qui se trouve au cœur de son inspiration _ ne s’entend pas, elle s’écoute _ mais cela vaut pour (et est fondamentalement requis par) toute œuvre (toujours de la plus haute exigence poïétique !) de Lucien Durosoir ! _, ce qui est plus intéressant _ en effet. Comme pour contribuer à une narration _ puisqu’il s’agit bien au départ d’une aventure mythologique ; Lévi-Strauss, tes analyses  peuvent ici venir au secours de notre repérage du montage très riche du récit de base ! _ hypothétique, quelques ruptures _ fusant _ zèbrent _ oui _ la partition, vite cautérisées _ si l’on veut : le motif des blessures étant, en effet, prégnant en l’œuvre durosoirienne, et tout particulièrement ici ; un motif à creuser… _ par le collectif orchestral en dépit de vaines _ mais parfaitement volontaires et complètement assumées dans l’écriture musicale orchestrale si merveilleusement riche et profuse de Lucien Durosoir _ tentatives de leadership _ l’expression de ce commentaire n’est décidément pas d’un registre très soutenu... Le dialogue entre les pupitres _ oui, en tissu très nourri et tendu _ est abrasé _ oui _ par quelques réplications _ mais jamais systématiques-mécaniques, et toujours surprenantes : d’où le niveau d’intensité et infinie précision de l’écoute en permanence requis _ de motifs, promptes à s’évanouir _ si nous n’y sommes pas assez attentifs… Le compositeur paraît avoir souhaité traiter l’orchestre comme un organisme clos sur lui-même _ tel un chaudron ardamment bouillonnant _, presque enfermé _ sinon qu’il s’agit toujours pour lui, compositeur, de nous donner vraiment accès par là au plus réel-intensif du monde même. Aussi ses soubresauts grognons _ l’expression, substantif comme adjectif, est encore trop faible ; il s’agit là bien plutôt d’une sainte-sacrée et même sublime achiléenne colère ! _ ressemblent-ils autant à une forme de vieoui ! _, avec ses diastoles et systoles, qu’à une anticipation des tragédies – celle de Déjanire comme celle de notre finitude, dont les accents et la rigueur sombre de l’orchestre aideront sceptiques et optimistes à éprouver l’imminence _ oui : le fond tragique de tout vivant sexué (et par là mortel) est en effet intensément puissant ; nous sommes ici (et en 1923) aux antipodes du divertissement d’esthètes. Avivant l’intérêt, le dernier tiers de l’œuvre ne néglige pas les charmes de l’accélération du tempo ni ceux de la variation de timbres (clarinette, cordes, flûtes, cuivres, hautbois, cor anglais), comme si la course vers l’abîme _ oui _ était plus savoureuse – breaks relançant le discours – ou plus apaisante – tapis de cordes colorés par le cor aigu au finale – que la certitude résignée de notre mort _ saveur et paix formidablement chères à conquérir en son œuvrer fondamentalement musical pour Durosoir.

2.
Adagio pour cordes

La deuxième pièce _ reprise du troisième mouvement (Adagio) du premier quatuor (de 1920) de Lucien Durosoir _, gravée _ cette fois _ par les Solistes de chambre de Salzbourg sous la direction de Lavard Skou-Larsen et les micros de Moritz Bergfeld, ne siéra point davantage aux amateurs de youplaboum _ formule bien cavalière ! et guère appropriée… La gravité de la contrebasse ouvre _ en effet _ un cortège aux relents funèbres. Le même pupitre est bientôt renvoyé à ses pizzicati et à ses tenues puissants _ et c’est là un trait majeur, en effet, de tout l’œuvre durosoirien ! _, glas tristes habillant _ le verbe, superficiel, est maladroit _ la mélopée du violoncelle commentée par les cordes plus aiguës. Violons et altos s’emparent du deuxième tiers avant d’être rejoints par leurs collègues graves. Des lignes brisées _ oui, et fusantes _ se font écho sans vraiment se répondre _ cela est assez juste.



Le discours est si ensuqué dans sa mélancolie qu’il ne saurait être question de mélodie _ détachable en tant que telle par l’oreille. La déploration _ oui _ guide les notes qui frottent volontiers _ certes _, évoquant avec une nonchalance lasse une harmonie parfois susceptible d’évoquer _ pour nous _ Chostakovitch _ mais oui, c’est parfaitement perçu. Ici, ni les suraigus, ni l’ultragrave n’offrent de point de fuite _ en effet _ au compositeur. Le bref Allegretto « non troppo » se dissout vite dans la gravité alanguie _ dominante _ du propos, poursuivie jusqu’à la mort. En somme, cette musique exigeante _ oui _ refuse la séduction immédiate _ certes _, préférant imprégner _ lentement, durablement, et en profondeur _ l’auditeur _ oui ! _ par un ressassement triste dont le creusement orchestral _ voilà _ ne manque pas de profondeur _ et c’est même bien là, en effet, le principal.


3.
Poème pour violon, alto et orchestre


Adapté d’une version _ préalable _ de chambre _ à ce moment précoce (et encore parisien, ou plutôt vincennois) de son œuvrer (1920), Lucien Durosoir multiplie les versions de ses œuvres pour diverses formations d’instruments _, ce Poème s’ouvre sur une ondulation générale _ un mode d’être musical pleinement durosoirien, en effet, que cette forme serpentine… _, presque griegienne version de l’ouverture de la Première suite de Peer Gynt. Incapablessi l’on veut ! _ de dialoguer _ vraiment conversationnellement : à la Haydn _ entre eux, les pupitres et les solistes vont se faire _ tant bien que mal, seulement, et presque conflictuellement, chacun pour soi _ écho, formant une rumeur décousue _ ou plutôt brisée et éparse _ à force d’être déformée et _ aussi _ ressassée. L’impression de confusion _ de chaos, bien plutôt _ se juxtapose joliment _ étrange et forcément violent contraste ! l’adjectif « joli«  étant singulièrement inapproprié à l’œuvre durosoirien ! _ avec l’élégante sérénité qui habille _ habiller : une qualification (de modalité) mal appropriée encore _ la partition _ même si, en effet, sérénité et élégance (toute française) transparaissent finalement et l’emportent en fond, oui, Durosoir ne donnant jamais en un brut (et brutal) expressionnisme simpliste… Pourtant, les trompettes, intervenant sur un tremblement de cordes, semblent proches de fracasser _ oui : l’abîme fractal (et fatal) est musicalement ici (comme il  a été, militairement dans les tranchées de 14-18) longtemps cotoyé de très près _ cette quiétude piapiatante _ quel adjectif ! Les cordes remettent l’orchestre sur ses rails initiaux ; la confusion _ c’est-à-dire l’image remplie d’effroi du chaos de si près cotoyé _ revient, en alternance avec des tentatives d’envolées lyriques vite diffractées _ oui, éparpillées. Le discours est alors charpenté _ oui, ce sont là des repères _ par :


  • des motifs récurrents, circulant de pupitres en pupitres ;
  • des unissons aux cordes, tuttistes ou solistes ;
  • et les ondulations de la flûte.



Il réussit ainsi le tour de force _ compositionnel _ qui consiste à associer une profusion _ et c’est un élément de fond capital, en effet _ aux apparences indisciplinées _ fusantes, oui _ et une certaine lisibilité _ oui ! incontestablement française… _, que le groove quasi perpétuel des contrebasses contribue à rendre intrigant _ oui… Le dernier tiers, clairement marqué par un break orchestral, libère l’alto d’Alexander Diaghilev qui semble sourdiné, tadaaam, et se pare ainsi d’une sonorité étonnamment proche du saxophone (8’26). Le rejoint le violon d’Anton Starodubtsev, vibrant et émotif à défaut d’être toujours d’une justesse immaculée (8’34). Des effets d’écho _ oui _ animent les commentaires orchestraux, ponctués par les pizz des contrebasses et le grondement des timbales. La stabilité harmonique _ oui _ signale la coda où s’épanouit la péroraison des deux solistes jusqu’à l’accord qui clôt la pièce la plus immédiatement séduisante _ probablement _ du disque… à ce stade _ d’elle émane, en effet, un charme assez envoûtant et très intensément prenant, qui nous marque profondément…


4.
Suite pour flûte et petit orchestre


Œuvre testamentaire ? _ peut-être pas ; assez tardive seulement, en 1931. En tout cas, « dernière œuvre pour orchestre », stipule Georgie Durosoir _ en son livret ; et c’est à relever et retenir. Le Prologue, d’abord guidé par la clarinette basse, paraît s’éveiller _ oui _ sous la battue du chef, jusqu’à l’entrée en scène de la soliste _ flûtiste _ Varvara Vorobeva. L’indifférence de l’orchestre à son encontre _ à mille lieues du concerto romantique (et germanique) : Durosoir préfère le genre baroque (et français) de la Suite  _ crée de séduisants décalages _ oui _, que nourrit une grande liberté rythmique _ oui _ et que prolongent des échos entre vents. La flûte mâchonne sans cesse _ en son ostinato _ son motif-phare, clairement décalqué du Syrinx de Claude Debussy. Avec l’orchestre, la soliste tombe d’accord pour ne _ définitivement _ pas être d’accord – un accord scelle cette communauté _ diffractante _ de vue, ouvrant la voie au Divertissement.



Ce deuxième mouvement _ qu’est Divertissement _ détonne _ forcément _ dans le présent florilège _ qui n’en est pas un ! _, car il sautille, virevolte et voit d’abord un orchestre accompagnant la soliste sans volonté d’imposer _ jamais _ son propre propos. Pour autant, le discours se trouble _ voilà _ bientôt : les trompettes cristallisent cette inquiétude sous-jacente. La flûte reprend alors, plus paisible, ses ébats trillés (sur le volet, bien sûr). Néanmoins, l’énergie contradictoire _ volontaire et parfaitement assumée musicalement _ de l’orchestre cuivré refait surface _ forcément : à la Durosoir… Les envolées et baguenaudages de la flûte subvertissent ces à-coups via une coda échevelée jusqu’au sur-suraigu.


Le Chant élégiaque, plus long mouvement de cette petite suite, s’ouvre sur une trompette soliste dialoguant avec l’orchestre. Pas impressionnée, la flûte lui répond, tandis que des solistes s’en mêlent. Sans doute la prise de son manque-t-elle d’un soupçon d’équité pour rendre raison de l’écriture orchestrale de Lucien Durosoir dans sa globalité, certains pupitres paraissant momentanément survalorisés, ce qui nuit à l’équilibre. Cette tentative de surligner les échanges ne rend pas service à un compositeur roué… qui est aussi, viscéralement, violoniste, ainsi que le trahit joyeusement son souci de jouer sur maintes sortes d’attaques coll’arco.


Une belle émotion sourd de ces échanges _ non concertants _ entre tuttistes et soliste, débaroulant sur le bref et curieux Épilogue, dont l’ouverture sollicite grandement les trompettes. Puis la flûte reprend la barre sous le regard rythmé des contrebasses. La répétition du schéma signale l’arrivée de la coda brusquement apaisée… autant que cet oxymoron puisse prétendre avoir quelque sens.


En conclusion, un disque-découverte _ de l’œuvre symphonique de Lucien Durosoir, inouïe jusqu’ici au disque _ qui exige _ parfaitement ! mais c’est toujours ainsi avec Durosoir ! _ de l’auditeur une attention attentive _ certes ! _, seule susceptible d’exciter l’oreille à percevoir l’ambition _ très haute, en effet ! _ de cette proposition dont la richesse _ à très généreuse profusion _ dépasse _ en effet _ la simple distraction _ du divertissement. Sans doute le signe d’une œuvre qui vaut _ sûrement ! _ réécoute – on a connu pire projet _ assurément ! Et ré-écouter Durosoir est toujours, à chaque fois, une énorme richesse !


Quant à moi, 

en train d’écouter ce nouveau CD Durosoir _ soit le premier consacré à ses œuvres symphoniques ; suivront les majeures Funérailles.. _, pour la première fois,

je suis profondément heureux de la très grande qualité de l’interprétation par ces Russes.


Au passage,

je dois préciser que je suis moi aussi _ de même que Georgie Durosoir le signifie en son livret _ très sensible

à la paix joyeuse qui se dégage de la Suite pour flûte et petit orchestre, de 1931 :

un pan quasi inconnu, en effet, jusqu’ici

_ et donc très neuf à nos oreilles ; mais tout de l’œuvre durosoirien devra être très soigneusement ré-écouté quand tout aura été confié à l’enregistrement discographique ! _

de l’expression musicale de Lucien Durosoir :

et donc un très précieux apport, aujourd’hui, en 2019, à notre connaissance de son œuvre achevé ;

puisque chaque opus se caractérise par sa très remarquable singularité…


Tout particulièrement,

le Poème pour violon, alto et orchestre (de 1920) est une œuvre _ sa seconde, après Aquarelles _ splendide !!!

et merveilleusement interprétée ici en ce CD Cascavelle _ : quelle grâce… 

Quelle formidable humanité, décidément, que celle de Lucien Durosoir !

Chaque œuvre _ écoute après écoute _ nous le re-découvre,

et le ré-approfondit.


Ce mardi 7 mai 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Délicate balance, entre exigence de vérité et souci de délicatesse : quelques remarques préliminaires, en lisant « Mes Années japonaises » de René de Ceccatty

20avr

Désirant que l’article que je vais écrire sur Mes années japonaises de René de Ceccatty _ le livre est à paraître le 2 mai prochain au Mercure de France _,

soit à peu près à la hauteur de celui que j’ai composé pour Enfance, dernier chapitre

j’en suis à ma quatrième relecture minutieuse de ces Années japonaises de René de Ceccatty.
Et je trouve que la figure de R. _ de leur rencontre-coup de foudre au mois de mai 1978 à Tôkyô, à leur très pénible séparation en juillet 1994 à Paris, puis à la fin de leur collaboration de traducteurs du japonais en français, en 2014 ; R. étant rentré d’Europe au Japon en 2011 _
y est un peu _ trop ? _ escamotée, floutée _ et alors même que le prénom de R. apparaît 72 fois (en 51 pages, sur 246) ; et son nom, jamais ; à titre de comparaison, le prénom de Cécile, la compagne de René à Tôkyô, de leur arrivée ensemble le 26 septembre 1977, à son départ prématuré et seule (page 73) à l’automne 1978 (page 82), à 57 reprises (en 39 pages) ; René regagnant la France le 30 juin 1979 (page 152) _ ;
R. étant caractérisé ici par quelques très brefs épisodes de son ironie un peu froide _ mais en rien agressive : affectueuse en sa forme, sinon en son fond (tout de même critique) : « R. estimait que je perdais mon temps à écrire mes livres plutôt que d’approfondir ma connaissance de la langue japonaise et de la culture de son pays. « Tu scribouilles« , me disait-il avec un mélange d’affection et de mépris« , lit-on page 184 _ à l’égard de son ami René,
 plutôt que par des éléments sentimentaux de leur attachement réciproque durablement profond de plus de quinze années, de mai 1978 _ leur rencontre-coup de foudre à Tôkyô ; et nous n’en connaîtrons que la date approximative _ à juillet 1994 _ leur douloureuse rupture : évoquée seulement par la très rapide allusion, page 153, aux larmes de R. « dans un café des Invalides qui n’existe plus » (René ajoutant cependant ici : « Et c’était moins notre rupture qu’il pleurait que sa vie nouvelle déjà si difficile« , sans plus de précision, comme souvent ; nous n’en apprendrons pas davantage…) ;
sans compter la continuation de leurs travaux communs de traduction, poursuivie jusqu’en 2014, même après le départ d’Europe et retour de R. au Japon en 2011 _ je viens de le dire.
C’est d’ailleurs une des principales raisons de cette quatrième relecture de ma part ;
et bien des choses _ tapies dans des détails, comme toujours, dans l’écriture si détaillée et riche (toujours parfaitement fluide ! sans jamais la moindre lourdeur…) de René de Ceccatty _ m’échappent probablement encore…
Et je me demandais aussi pourquoi _ hormis un répété et longtemps tenace masochisme, peut-être : jusqu’à l’arrivée en la vie de René de Julien _ René avait quitté si brutalement R., en 1994, pour sa si calamiteuse histoire avec Hervé, comme cela est narré _ mais sans se focaliser jamais sur les sentiments (et le point de vue) de R., laissés dans l’ombre supposée protectrice du non-dit_ dans Aimer
Et cela, René de Ceccatty le laisse ici à nouveau dans le flou… Sans y poser son regard _ et encore moins s’y attarder si peu que ce soit ; mais René de Ceccatty, toujours fluide, ne s’attarde pesamment jamais.
J’imagine et comprends donc les irritations que pourrait éprouver R. à la lecture de ces Années japonaises de René de Ceccatty,
qui sont d’abord, et profondément même, Les années R. de René !!!
Lire vraiment René de Ceccatty
exige toujours _ et c’est un formidable plaisir de lecture !!! _ une attention patiente et sans relâchement aucun : un tout petit mot unique _ par exemple, page 306, l’hapax du terme télétransportation (un phénomène se produisant pour René, via « la merveilleuse lumière hivernale«  et « l’ombre chaleureuse poméridienne« , entre les collines de Montpellier et celles de Tôkyô) dans Enfance, dernier chapitre _ au sein des volutes détaillés de l’envol d’une phrase développée, pouvant constituer une clé décisive de l’intelligence du réel vécu évoqué… Mieux vaudrait donc ne pas le manquer…
Et j’aime tout particulièrement que la sagacité du lecteur soit ainsi, même un peu rudement _ mais sans jamais d’agressivité, simplement par un jeu infiniment léger avec le lecteur, ainsi provoqué à la vigilance par sa propre éventuelle curiosité, si l’aventure lui survenait de se laisser prendre à un tel jeu (de lecture chercheuse), et sans la moindre lourdeur, évidemment !, de la part de l’auteur ; le lecteur ainsi incité par sa curiosité, devenant lui aussi acteur actif, et non passif, de sa présente lecture _ sollicitée !!!
Montaigne agissait ainsi, lui aussi !
« Indiligent lecteur, quitte mon livre ! », prévenait-il en ouverture hyper-ironique de ses Essais
Et cela, alors que la mère de René, confidente particulièrement lucide _ toute sa longue vie _, était très critique sur les situations amoureuses à éviter _ pour elle-même comme pour tout autre _ :
notamment _ d’abord _ à propos de ses propres sœurs Solange et Colette.
René l’avait bien souligné _ probablement trop tard rétrospectivement pour lui-même. Que n’a-t-il mieux suivi lui-même ce lucide conseil, serait-on donc (bien vainement) tenté de dire, de l’extérieur… 
D’où un assez persistant sentiment _ gris _ de culpabilité en lui
envers ce qu’il a mal réglé en son passé : trahisons, égoïsmes, aveuglements, indifférences,
qui continuent de le travailler, lui maintenant si lucide…
L’œuvre d’écriture réussira-t-elle à en venir au moins partiellement à bout ?
Je peux donc fort bien comprendre ce que pourrait être le point de vue de R. lecteur aujourd’hui de ces Années japonaises de son ami René de Ceccatty ; qui sont pour beaucoup aussi _ voire le principal _ les Années R. de l’auteur…


Et R. rejoindrait ainsi le point de vue du Raphaël réel _ non percé à jour, lui, dans L’Hôte invisible et Raphaël et Raphaël, en sa réelle identité, à la différence d’Hervé _parvenant à faire retirer de la parution, in extremis _ le matin même du jour où allaient tourner les rotatives de l’imprimerie ! _Un Père, qui livrait son portrait, même crypté et flouté.
Même si ce Raphaël réel demeure, lui, in fine assez épisodique et peu profond _ me semble-t-il _ au sein du parcours sentimental de René de Ceccatty ;
à la _ colossale _ différence, précisément, de R. …
Et à cette différence, aussi, que R. _ même si seul le prénom est ici, dans le récit, prononcé ; et pas une seule fois le nom ! c’est à relever ; avant, du moins, la réduction à l’initiale R. … _ est un personnage public parfaitement identifié, lui.
Et même dans la saga d’Hervé, ouverte par Aimer, René s’est efforcé de flouter le mieux possible toutes les personnes réelles qu’il évoque ;
et il faut bien de la ténacité un peu sagace au lecteur un peu curieux pour parvenir à percer à jour pas mal _ certains continuant de résister à l’entreprise _ de ces floutages…
Il n’empêche, les années japonaises de René sont, via, et très fondamentalement, la personne de R., les Années R. de René de Ceccatty
_ cf ces mots éminemment révélateurs à la page 160, à propos de son écriture à Tôkyô de la troisième partie de son magnifique Jardins et rues des capitales :
« Dans ce style ciselé et net, prudent et conscient, dépouillé et sec, je décrivais ma vie intérieure _ telle qu’elle venait d’avoir été vécue à Paris et à Rome _ que je séparais des informations qui m’étaient fournies _ alors _ par mon séjour _ présent _ en terre étrangère, convaincu que je n’étais justement pas _ en ce Japon _ à l’étranger, mais au contraire dans mon propre pays _ voilà ! l’expression est puissante ! _, un pays intérieur _ une expression très proche de celle, décisive, de « paysage intérieur » dans Enfance, dernier chapitre  _
auquel me donneraient accès ces idéogrammes _ de l’écriture japonaise _ que j’avais tant de mal à mémoriser,
espérant un jour faire miens ces livres qu’on m’indiquait (et dont, en effet, d’Ôé, de Mishima, de Kunio Ogawa, de Dögen, je traduirais certains) et me fondre dans une vie _ à la japonaise_ qui me semblait être, elle aussi, la mienne.
Mais cela, je le savais aussi, ne pouvait se produire qu’à travers un être humain tel, justement, R. _, et non seulement des livres »
Alors,
il me semble qu’en effet René de Ceccatty expose le moins possible _ comme il le fait aussi pour son frère Jean dans Enfance _ la figure même de R. _ nous ne saurons quasiment jamais (à l’exception des larmes versées dans le café près des Invalides, qui n’existe plus, de la page 153) ce que R. éprouve _ ;
mais de toutes les façons, la longue collaboration suivie (ne serait-ce que par leurs traductions communes) de René de Ceccatty avec R., est suffisamment publique ;
sans compter ce qui transparaît aussi déjà de R. à travers bien des romans matinés de romanesque _ issus-inspirés de leur séjour anglais : dans le Devon et à Torquay, en 1980 _ de René ;
ainsi qu’à travers les cinq récits _ Aimer, Consolation provisoire, L’Éloignement, Fiction douce et Une Fin _ de la saga d’Hervé, tout particulièrement son premier volume, Aimer.
Déjà là, la figure de R. abandonné _ pour le définitivement fuyant Hervé _ en cette explosive rupture avait été assez étrangement _ pour le lecteur, du moins _ escamotée-floutée dans cet Aimer
A nul moment, en effet, la personne cruciale de R. n’y avait été exposée _ et encore moins surexposée : la surexposition (hystérisée) étant d’ailleurs parfaitement étrangère au mode d’écrire-peindre, toujours parfaitement délicat (et merveilleusement léger en le flux heureux de ses phrases), de René de Ceccatty _ ; au contraire son nom seulement pouvait apparaître, à l’occasion,
mais pas la figure _ ni les expressions _ de sa personne, demeurée(s) entièrement translucide(s), floutée(s).
Ici, forcément, en ces Années japonaises, il est bien difficile de se taire totalement sur R., personne-pivot essentiel tout au long de ces années japonaises – années R., de René de Ceccatty :
que ce soit à Tôkyô et au Japon, dans le Devon, à Torquay et Totnes, à Paris, ou à Brosses, dans le Nivernais _ où se trouve la grange qu’avait achetée R., et dans laquelle ont traduits ensemble René de Ceccatty et R., onze ans durant, de 1990 à 2001 ; y compris après leur rupture-séparation de juillet 1994…
Ainsi R. demeure-t-il quasiment transparent _ translucide, quasi invisible _ aux yeux du lecteur : d’où mon point de vue premier _ de lecteur naïf, donc…
René de Ceccatty a été vraiment plus que discret _ et supérieurement délicat _ sur sa personne ;
et leur attachement…
Et c’est toujours la vérité _ la plus honnête qui soit _ du réel que recherche _ impitoyablement pour lui-même d’abord _ en l’œuvre poursuivi d’écriture rétrospective de sa vie, René de Ceccatty,

puisque la mission de fond qu’il conçoit de l’écriture _ cf page 54 : « c’était déjà _ dès l’enfance _ une évidence prouvée que mon rapport au monde passait par la chose écrite et lue « … _ et de la littérature est bien celle-là :
par le style singulier le plus adéquat possible à la vérité désirée _ maintenant _ de ce réel vécu _ passé, mais dont bien des effets réels, souvent non dépassés, demeurent, de ne pas avoir été réellement réglés alors… _ à laquelle l’écriture et la _ vraie _ littérature seules _ et c’est là une thèse très puissante et décisive de René de Ceccatty, présidant même à toute son écriture d’aujourd’hui ; cf page 56 : « Durant l’été, les manuscrits insipides et maladroits que je lisais attentivement me révélaient la banalité de toute vie quand elle est mal racontée _ voilà ! par clichés _ et donc aussi de la mienne si je ne l’écrivais pas ainsi qu’il me semblait que je le devais «  _ permettent, par-delà _ et contre _ le temps écoulé, passé, d’essayer d’atteindre vraiment _ comme pour remédier, par ses propres moyens spécifiques, à ce qui s’était alors trop mal passé _,
et avec la plus grande finesse _ très vigoureusement recherchée : René de Ceccatty se malmenant lui-même fortement avec celui qu’il a été _ du rendu des sensations éprouvées alors, 
au-delà de la banalité des clichés sur les situations communément partagées : des lieux communs au sens propre… ;
et toujours, aussi, avec la plus grande délicatesse possible, afin de ne surtout pas blesser le moins du monde ceux qui s’y reconnaitraient (ou reconnaîtront) à la lecture
de ce à quoi René de Ceccatty est parvenu à cerner et développer dans le détail subtil et magnifique de sa remémoration de ce souvent douloureux _ et coupable, par ses trahisons, ses aveuglements ou son égoïsme d’alors _ vécu passé.
Et toujours René de Ceccatty, auteur, recherche la plus juste balance possible entre ce souci le plus exigeant de la vérité de ce qui fut vécu alors, à essayer d’atteindre, et celui de la délicatesse à avoir à l’égard de ceux qui pourraient en être aujourd’hui, par son présent récit-remémoration, blessés…
À suivre :
ceci n’étant qu’un avant-propos liminaire à mon article de fond à venir…
Ce vendredi 19 avril 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Les apprentissages d’amour versus les filiations, ou la lumière des rencontres heureuses d’une vie de Mathieu Lindon

14jan

Avec un lumineux très gracieux Ce qu’aimer veut dire,

qui parait ces jours de janvier 2011 aux Éditions POL,

Mathieu Lindon,

l’année de ses cinquante-cinq ans _ il est né en 1955 _,

nous offre,

avec la gravité éminemment légère _ et tendre ! _ de son écriture cursive

(sans la moindre lourdeur ! sa phrase (toujours !) « vraie » _ c’est là un de ses traits majeurs ! si jamais on s’avise d’y réfléchir un peu… car il n’y a certes là rien, ni si peu que ce soit, de l’ordre du didactique ! oh non ! tout y est jeune et constamment tout frais… _ ;

sa phrase (toujours !) « vraie« , donc,

va _ marche d’un bon pas vif : d’une jeunesse quasi constamment avivée… _

en des élans successifs toujours _ printanièrement en cette « fraîcheur«  même _ renouvelés :

des pas dansés souples assez rapides et relativement scandés, jusqu’à la rencontre, à l’occasion, parfois, et même souvent, mais sans jamais forcer quoi que ce soit _ tant tout est est toujours si splendidement fluide ! _ de plages (rencontrées !) de quelques figures-expressions un peu plus denses, alors, en leur étrangeté (légèrement _ telle une gaze _, méditative…) pour lui-même le premier : avec l’énigme se découvrant _ plutôt que découverte ; et sans avoir à être affrontée _ de ce qu’il apprend ainsi, au fil de cette écriture progressant et juste à peine _ un effleurement en douceur un peu grave… _ pensive…)

Mathieu Lindon nous offre, donc,

ses leçons apprises _ et non données _ (d’aimer)

et progressives _ en les diverses strates des « âges«  se vivant, successivement ; et déposant un limon qu’il faut un tant soit peu « reconnaître« , « assumer«  (tel un legs dont on serait le légataire : si l’on veut bien y consentir…), et aussi (à la Montaigne : c’est moi qui le « convoque«  maintenant et le dit, pas Mathieu Lindon lui-même : ses références ne sont presque jamais philosophiques…) « cultiver » _

d’une vie (la sienne : de cinquante-cinq années jusqu’ici) :

par la grâce

tant donnée que reçue _ ce sont aussi là des « arts«  qui s’apprennent : sur le tas ; face à de si improbables « visitations«  angéliques… _

de rencontres amoureuses _ courent-elles les rues ? et comment parvenir à ne pas les manquer ?.. _,

et cela quels que soient les écarts d’âge

des aimants (ou amants, ou amis

_ voire parents aussi, qui eux aussi « aiment« … :

et Mathieu Lindon de se pencher, et c’est l’autre des lignes de force de ce livre !, sur sa filiation paternelle (ses rapports de fils à Jérôme Lindon, son père) ;

de même qu’il se penche sur sa propre absence d’enfants biologiques : une absence qui l’interroge même puissamment ; et qu’il résout aussi à sa manière…) :

ainsi remarque-t-il _ tel un amer auquel s’orienter si peu que ce soit (et d’importance ! sublime !) parmi les flots sans marques, à perte de vue, de la vie océanique… _ les vingt-neuf années d’écart d’âge

entre l’ami _ et amour… _ (d’exception !) que lui fut (et lui est : à jamais !) Michel Foucault _ mort le 25 juin 1984 _

et lui-même,

et les vingt-neuf années d’écart d’âge

entre lui-même

et son ami _ et amour _ Corentin, rencontré en 2004 _ cf pages 291-292 : « La nuit où je rencontre Corentin, fin 2004, tout se passe merveilleusement, dans le bar puis à la maison.

On ne dort pas une seconde _ ça fait des années que ça ne m’est pas arrivé _, on s’aime et on parle« 


« Les chiffres me fascinent« ,

ponctue, par ce constat, Mathieu Lindon, page 295, sa réflexion sur les durées de temps passé avec les uns et avec les autres de ceux avec lesquels il a un peu (plus et mieux) appris (qu’avec d’autres) « ce qu’aimer veut dire » :

« Quelques années après sa mort _ il s’agit ici de l’ami Michel Foucault (15 octobre 1926 – 25 juin 1984) _,

je pensai que viendrait un moment où

le temps écoulé depuis la perte _ voilà ! _ de Michel _ voilà un terminus a quo de poids majeur ! _

serait supérieur à celui durant lequel je l’aurais connu _ soit six années : de 1978 à 1984 _ ;

et cette pensée a resurgi régulièrement _ par la suite : tel un amer, donc…

Quand Hervé  _ Hervé Guibert (14 décembre 1955 – 29 décembre 1991) ; cf sur eux ce que dit Hervé Guibert in L’ami qui ne m’a pas sauvé la vie... _ mourut,

ce jour _ « foucaldien«  d’échéance : calculé et retenu… _ était déjà _ depuis plus d’une année _ arrivé.

Et un autre jour est venu _ l’an 2004 _ qui fait que

même Hervé,

il y a plus longtemps qu’il est mort

que de temps _ « guibertien« , cette fois _ où nous avons été si proches _ treize années : de 1978 à 1991…

Avec mon père _ Jérôme Lindon (9 juin 1925 – 9 avril 2001) _,

évidemment, ça _ un tel jour d’« échéance«  : « lindonien«  cette fois... ; étant donné leurs quarante-six années de vie communes : de 1955, l’année de la naissance de Mathieu, le fils, à 2001, l’année de la mort de Jérôme, le père _ n’est pas près de se produire (si, un jour je _ né en 1955, donc _ deviens centenaire  _ ou presque : car c’est en 2047, soit 2001 + 46, que Mathieu, à l’âge de 92 ans, donc, verra(-it) se clore ce temps « lindonien«  paternel…).

Les six ans passés auprès de Michel représentent, en pourcentage, une part

de plus en plus infime _ quantitativement : à compter seulement (le nombre de jours) ! _

de mon existence

qui augmente cependant _ cette part-là ! qualitativement ! _ sans cesse

dans le plus sincère _ ou « vrai«  !.. probe ! _ de mon imagination _ mais pas sur le versant d’un pur et simple imaginaire, qui ne serait que fictif, ou nominal… 

Comparer des années à des années,

c’est _ certes _ additionner des tomates et des poireaux,

ça n’a rien à voir avec la mathématique _ affective existentielle : la seule qui importe vraiment ! _ de l’existence _ vécue : et c’est elle qui constitue en quelque sorte l’objet de réflexion (= les comparaisons) de ce livre si intensément sensible qu’est Ce qu’aimer veut dire

Mais les chiffres me fascinent«  _ à l’aune de sa propre vie qui s’augmente et, d’un même mouvement, passe, les deux : voilà le point d’arrivée de ce raisonnement des pages 294-295…


Avec son aboutissement, surtout, à Corentin :

« Cette première nuit _ de « fin 2004« , donc _, je m’informe sur lui

et Corentin m’apprend qu’il prépare l’École Normale supérieure, section philosophie.

Je l’interroge sur les philosophes contemporains

_ contemporains pour moi, il y a plus de vingt ans _ « fin 2004«  _ que Michel est mort _ le 26 juin 1984… _  _

et il me répond ne pas bien les connaître,

excepté Foucault

dont la lecture lui fait un bien fou.

Ce garçon me semble _ ainsi : voilà ! _ de mieux en mieux.

Je suis frappé de sa jeunesse.

Je lui demande son âge,

puis à la suite de cette réponse, sa date de naissance précise.

Il s’avère qu’il est né après la mort de Michel _ survenue le 26 juin 1984.

Je calcule vite que la différence d’âge _ voilà ! _ entre nous _ Mathieu Lindon est né en 1955 _

est la même _ soit vingt-neuf ans _ qu’entre Michel et moi« , page 295…


Et Mathieu Lindon de poursuivre :

« Au plus fort de mon affection pour Michel vivant,

j’avais espéré _ Mathieu avait entre vingt-trois et vingt-neuf ans : désirer (et aimer) être aimé est un trait de cet âge ; aimer s’apprend un peu mieux un peu plus tard… _ que,

lorsque j’aurais son âge,

il y aurait quelqu’un de l’âge que j’avais alors

pour m’aimer _ devenu âgé… _ autant

et m’être aussi dévoué

que moi _ en pleine jeunesse (d’état civil, au moins), alors _ envers lui.

Mais c’était une imagination _ voilà : un fantasme _ qui se projetait dans un si lointain avenir

que jamais je ne l’ai attendu pour de bon, comme une réalité.

C’était _ à l’imparfait d’un passé bien passé désormais…  _ surtout une manière de me complaire _ un peu égocentriquement… _ dans ma relation avec Michel,

de me repaître _ assez naïvement : mais c’est déjà une forme de force, en cet âge un peu neuf… _ de sa qualité _ qui n’est pas rien ! _,

une masturbation sentimentale _ voilà ! Mathieu Lindon est toujours d’une parfaite probité : lumineuse aussi pour nous qui le lisons…

Si bien que,

lorsque je me rends compte _ aujourd’hui ; ou du moins cette première nuit de « fin 2004«  alors évoquée, pages 295-296 _ de mon différentiel d’âge précis avec Corentin,

en réalité _ cette fois : voilà ! _,

ça ne m’évoque pas du tout Michel et moi :

il y aurait trop de prétention _ subjective _

et trop peu de vraisemblance _ objective _

à ce que je puisse m’identifier à lui,

ne serait-ce que sur ce point.

Ça m’apparaît plutôt comme une coïncidence,

une anecdote _ voilà : de pure conjoncture, ou quasi : rien de vraiment « historique«  !.. _

qui fait d’autant moins sens

que j’ignore _ à cet instant-là, de 2004… _ quel sera le futur de mon lien _ déjà… _ avec Corentin

avec qui je suis seulement en train _ ce jour de « fin 2004« , donc ! _ de passer une mémorable nuit,

même si j’ai tout de suite _ c’est à relever… _ l’impression

que ça débouchera _ dans la durée : seule vraiment significative (de quelque chose comme une profondeur, un relief de « vérité« )… _ sur autre chose _ de marquant : « vraiment«  !

Mais ce qui m’habite _ immédiatement et fort ! _ implicitement _ voilà… _

est que la différence d’âge _ factuelle _

n’a aucune influence _ dynamique _ néfaste,

qu’il n’y a pas _ comme la pression de la doxa y entraînerait… _ à la redouter.

Je suis confiant _ donc : voilà ! _ dans une telle relation,

je sais _ d’ores et déjà, sur le champ : par l’amer (et boussole) de la « relation«  d’« intimité«  vécue (« sentie et expérimentée« , dirait un Spinoza) avec Michel Foucault… _ que ça fonctionne.

Telle est une des leçons _ formidablement encourageante ! _ que j’ai retenues de Michel,

de Michel et de moi en fait _ en la « tension«  si chaleureuse et forte, puissante, de l’« intime«  : qui est une relation vectorielle… Cf ce qu’en analyse superbement l’excellent Michaël Foessel in La Privation de l’intime _,

et qui m’est même devenue si naturelle _ = consubstantielle de l’identité acquise en se formant peu à peu mais ferme désormais ainsi ! _

qu’il me faut la distance _ de regard (creuseur de « relief« ) _ de l’écriture

pour prendre conscience que j’aurais pu penser autrement« , page 296…

L’année suivante _ fin 2005, ou début 2006, et lors d’un voyage « de vacances à l’étranger » en compagnie de Corentin (page 296) _,

Mathieu manque mourir ;

et sa « survie«  _ grâce à une opération chirurgicale pratiquée très vite sur place… _

est « miraculeuse«  (page 298) :

« Je sors euphorique _ voilà ce qu’il conclut ! _ de ce voyage

 où j’ai gagné _ par aufhebung de ce qui a été « éprouvé », « dépassé« , « surmonté«  et « acquis«  désormais dans le détail de l’épreuve soufferte partagée… _ avec Corentin

une intimité plus forte

que celle que même le plus violent acide _ Mathieu Lindon se souvient ici d’un épisode particulièrement dramatique de la dernière année « rue de Vaugirard » de Michel Foucault : le détail de l’épisode (et de ce qu’il a apporté à la qualité de relation d’« intimité«  – complicité entre Michel Foucault et lui-même) est narré avec une belle précision et une émotion rare aux pages 129 à 143 _ peut offrir« 

Cette « intimité » « forte » _ et « vraie » ! _,

c’est

celle de l’amour « vrai » _ voilà ! Une force (« intégrée«  maintenant) pour la vie…

Mathieu l’évoque ainsi aussi, à nouveau, encore,

pour un autre de ses amours forts, Rachid _ l’écrivain Rachid O., qui vit à Marrakech… _ :

« une peur me lie à lui

depuis toujours,

une peur qui est l’amour« , page 305…

Et il poursuit :

« C’était pareil pour mon père

et Michel,

ça l’est aussi pour Corentin

et Gérard _ ami intime depuis 1978… _ :

la crainte _ la terreur _ de ne pas pouvoir _ par quelque faiblesse aussi de soi… _ empêcher

que le malheur s’attaque  _ à le détruire ! _ à l’être aimé« 

Et de commenter :

« Comme si je ne profitais pas

de _ la chance de _ ne pas être le père _ voilà la relation la plus difficile (tendue, « braquée« ) du point de vue de Mathieu… _

de ceux que j’aime,

de n’être pour rien, physiologiquement parlant, dans leur existence,

et que j’intégrais _ toxiquement, en quelque sorte _ malgré moi le mauvais côté _ trop pesant et mal sévère _ de la paternité,

une responsabilité qui braque _ voilà ! _

qui angoisse

et dénature _ l’intimité…

Il me faut _ tel l’enfant, mais pas vis-à-vis de ses parents _ l’aide _ amicale, amoureuse _ de l’autre _ ami, amour… _

pour _ en cette situation de faiblesse de l’« angoisse«  _ m’en tirer« , page 305…

« En tant que jeune

ou en tant que vieux,

entre deux êtres

que sépare une importante différence d’âge

_ et dont Mathieu se trouve être l’un de ces deux-là _,

c’est _ ainsi… _ toujours _ à chaque fois… _ moi

qu’on _ c’est-à-dire l’autre (que moi)… _ enseigne

_ et qui me trouve ainsi « enseigné« 

Je suis le héros _ en gestation indéfiniment : tel un fils à perpétuité… _ d’un roman d’apprentissage perpétuel,

de rééducation _ inquiète _ permanente« , page 306…

« Rachid et Corentin _ les plus jeunes amours de Mathieu _,

je perçois leur clairvoyance efficace

comme un lien générationnel

car c’est la norme que le plus jeune comprenne que tel comportement n’est pas justifié par la morale

mais par les obsessions et caractéristiques des plus âgés,

et se sente tenu (ou non) de faire avec,

protégeant ses aînés

comme j’ai eu cent fois le sentiment de le faire.

(Mais)

Je n’étais _ moi-même, alors, à leur âge de maintenant _ pas ainsi _ par moins de « clairvoyance efficace«  qu’eux deux… _ avec Michel.

J’aurais voulu qu’il _ Michel _ connaisse _ maintenant ! _ Rachid et Corentin

aussi pour les aider _ eux, comme Michel a aidé Mathieu de sa merveilleuse attention et délicatesse (d’ange ?) au temps de la « rue de Vaugirard«  _,

qu’il _ Michel toujours vivant, ou ressuscité ! _ fasse mieux que moi

_ mieux que moi, aujourd’hui, avec eux ; mieux que, autrefois, moi avec lui ;

et que lui (toujours vivant ; ou comme ressuscité d’entre les morts…) fasse encore aujourd’hui avec eux, aussi (et surtout), comme il fit (si merveilleusement) alors autrefois avec et pour moi :

Mathieu, peu narcissique, est infiniment profondément humble et modeste ; inquiet de ceux qu’il aime ;

et généreux !..

Bien sûr qu’il ne suffi pas d’avoir vieilli

pour être comme lui _ Michel Foucault avait cinquante-sept ans à la survenue de sa mort…

Et pourtant,

j’ai le sentiment que

Rachid et Corentin

et même moi

sommes dans la droite ligne de l’enseignement _ du « travail sur soi« _ qu’on peut tirer de L’Usage des plaisirs et du Souci de soi,

les deux livres parus quelques jours avant la mort de Michel

et sur lesquels il a tant travaillé,

Corentin les ayant lus

et Rachid sans.

J’aime la façon dont l’un et l’autre m’écoute

quand je parviens _ = réussis un peu mieux… _ à leur parler de lui.

J’aurais voulu être capable de répéter _ et faire rayonner _ l’enseignement de Michel,

j’ai été atterré de croire ça au-dessus de mes forces,

et c’est comme si une part de cet enseignement _ cependant, et en dépit des obstacles divers, dont l’humilité quasi janséniste de Mathieu _ se répétait de soi-même, mécaniquement _ presque sans Mathieu, en quelque sorte, donc… _,

de même que Michel m’a souvent laissé penser que, dans une psychanalyse, la qualité de l’analyste était secondaire par rapport au processus même.

Michel et mon père

m’ont

chacun

transmis _ très effectivement, les deux… _

une façon d’aimer, non ?

Chacun

deux _ même ! _ :

il y a la manière dont on aime

et celle _ aussi _ dont on est aimé«  _ transmises toutes deux _, page 307.

Sur cette comparaison

des deux rapports (intimes)

à l’ami-amour Michel Foucault, d’une part,

et au père Jérôme Lindon, d’autre part,

cette réflexion-ci, page 308 :

« Personne que moi

ne me demande d’être fidèle à Michel ;

alors que, mon père,

ne pas en déshonorer le nom

est mon affaire publique.

A dix, vingt, quarante-cinq ou cinquante-cinq ans,

j’ai toujours été fils,

tandis que Michel

n’aurait jamais été cet ami

pour un gamin de huit ans _ alors qu’il le fut pour le jeune homme de vingt-trois ans, en 1978…

Or telle est la paternité _ en sa noble pesanteur _ :

avoir déjà aimé l’enfant _ avant d’aimer l’adulte qu’il devient et sera devenu _,

l’avoir eu à sa merci _ d’éducateur viril sévère

surplombant…

En vis-à-vis de _ et opposition à… _ ce rôle paternel-là

(qui fut celui de Jérôme Lindon),

Mathieu Lindon de citer ce mot de (l’ami de l’âge adulte _ et des amours…) Michel Foucault

en son Usage des plaisirs:

« Que vaudrait l’acharnement du savoir

s’il ne devait assurer _ un objectif peut-être étroit _ que

l’acquisition _ capitalisée _ des connaissances

et non pas,

d’une certaine façon et autant que faire se peut,

l’égarement _ rien moins ! celui du questionnement éperdu de la recherche même (créative…) _

de celui _ sujet cherchant et créateur fécond, jouant… _ qui _ activement _ connaît ?

Il y a des moments dans la vie

où la question de savoir si on peut _ en terme de possibilité, mais plus encore de puissance ! _ penser autrement

qu’on ne pense

et percevoir autrement

qu’on ne voit

est indispensable

pour continuer _ seulement : cela ne pouvant pas être seulement répétitif ou mécanique… _

à regarder _ c’est une action aventureuse ! _

ou à réfléchir«  _ itou ! « vraiment«  !


Et de le commenter ainsi,

toujours page 308 :

« Penser autrement,

c’était aussi _ pour Michel Foucault, donc : ce vivant ! _,

en plus de ces moments _ ludiques et sérieux à la fois ! _ passés avec nous _ au premier chef desquels, en effet, Mathieu Lindon et Hervé Guibert, en leur âge de jeunes chiens fous… _,

ce qu’il cherchait

dans l’acide« 

_ et qui demeure encore étonnant (et détonant !)

pour le lecteur bien candide que je continue, à mon âge, d’être…

Mais, de fait :

« Vivre, c’est vivre autrement« , page 309 _ aventureusement et « vraiment«  : « en vérité«  et « relief«  !..

Aussi devons-nous convenir avec l’auteur

de cet intense, probe et généreux (et élégant ! en son extrême délicatesse du penser-méditer-se souvenir…) Ce qu’aimer veut dire,

que

« le legs _ non paternel, lui ; mais amoureusement amical, disons… _ de Michel,

c’est cette possibilité de créer _ ouvrir… _ des relations

_ avec d’autres humains « vrais«  : amoureuses et/ou amicales… _

inimaginables _ au départ : elles vont s’ouvrir, voilà !, pour fleurir considérablement… _

et de les cumuler _ en constellations ouvertes immensément fertiles… _

sans que la simultanéité _ ressentie et menée polyphoniquement, en quelque sorte… _ soit _ pour un tel sujet : formidablement courageux et généreux ! _ un problème« 

Avec ce commentaire pour soi, alors, de Mathieu, page 309 encore :

« D’un côté,

rien ne m’émeut autant que la fidélité _ amoureuse _ ;

d’un autre,

elle me paraît _ mais s’agit-il tout à fait de la même ?.. _ une immorale paresse

_ à mener une pluralité de liens forts et « vrais« , chacun, en sa vie affective pleine, ainsi de front

Michel s’amusait que les mil e tre partenaires

qui rendaient si monstrueux _ en effet ! _ Don Juan _ aimait-il ?.. _

étaient atteints par n’importe quel pédé sortant tous les soirs« 

_ quid de la qualité de l’« aimer« 

d’un « faire du chiffre« , cependant ?..

« Sortir«  et rencontrer ainsi suffit-il pour « aimer » « vraiment«  ? Voilà ce que, lecteur, je me demande…

Dans cette optique-là,

« il  m’arrive _ commente alors, pour lui, Mathieu Lindon _ de trouver l’exigence de fidélité sexuelle

une honte«  _ telle une lâcheté ! _ : dont acte ;

même si cela continue de demeurer quelque peu du chinois

pour le lecteur se le recevant que je suis…

C’est peut-être que l’absolu de l’amour (« vrai« , tout au moins…)

est, lui aussi,

et forcément sans doute,

en son « relief » si on le vit jusqu’au bout,

oxymorique !

Bravo l’artiste !

Ce qu’aimer veut dire est un très

très beau livre

« vrai » !

Titus Curiosus, le 14 janvier 2011

Post-scriptum :

Je m’avise a posteriori de la très grande pertinence de la « quatrième de couverture« _ en fait la reprise pure et simple d’un alinéa-clé (in extenso et sans modification aucune) de l’ouverture (« Les larmes aux yeux« , pages 9 à 26) du livre, à la page 15… _,

et en soi-même, d’abord _ magnifiquement synthétiquement ! de la part de l’auteur du livre _,

et, ensuite, en guise de « confirmation« , en quelque sorte,

des toutes simples « pistes de lecture » de mon commentaire

de ce très sensible Ce qu’aimer veut dire :

« En vérité _ oui ! _, la proximité la plus grande _ voilà ! toutes « proximités«  (d’« intimité«  inter-personnelle) aboutées et comparées… _ que j’ai eue _ = vécue ! _ fut avec Michel Foucault ; et mon père _ ici le contre-modèle : évidemment familier, par prégnance première (et basique) du familial… _ n’y était pour rien. Je l’ai connu six ans durant, jusqu’à sa mort, intensément _ le terme, appliqué à cette « connaissance«  (inter-personnelle) -ci, est très parlant : c’est cette « intensité« -là qui se hisse au-dessus de la simple rhapsodie des moments vécus ; et accède à une dimension (« transcendante« , si l’on veut) d’« éternité« , pour emprunter le vocabulaire (oxymorique : comment faire autrement ? pour désigner le « moins ordinaire« , mais « plus réel«  que le réel coutumier de l’« écume des jours« …) d’un Spinoza _, et j’ai vécu _ pas seulement « logé«  _ une petite année dans son appartement _ d’un huitième étage luxueusement vaste et immensément lumineux « rue de Vaugirard« 

Je vois aujourd’hui _ rétrospectivement et travaux de deuil aidant : par la méditation de l’écriture de ce livre-ci même… _ cette période comme celle qui a changé ma vie, l’embranchement _ voilà : la rencontre, sinon la « visitation« , de l’ange ! _ par lequel j’ai quitté un destin _ familialement un peu trop (lourdement : un rien suffit à faire pencher la balance) tracé… _ qui m’amenait dans le précipice _ d’une annihilation…

Je suis reconnaissant dans le vague _ sic _ à Michel, je ne sais pas exactement de quoi _ j’ai proposé le terme d’« amer » afin de « se repérer« « orienter«  si peu que ce soit dans l’un peu trop uniforme plaine (liquide) des flots océaniques des rapports humains… ; et l’écriture de ce livre a eu, parmi ses fonctions, d’éclairer ce « quoi« -là un peu mieux, pour Mathieu Lindon… _, d’une vie meilleure _ soit la finalité de toute philosophie comme « exercice spirituel« , aurait pu dire un Pierre Hadot : mais Mathieu Lindon ne se veut décidément pas « philosophe«  La reconnaissance _ voilà ! _ est un sentiment trop doux _ lénifiant ? jusqu’à l’écœurement ? seulement pour un porteur d’une un peu trop forte dose de masochisme ?.. et pour le fils d’un père (grand !) éditeur et ami très proche, par exemple, d’un génie tel que Samuel Beckett, aussi, parmi d’autres très grands écrivains qui ont été les « contemporains«  (et édités) de ce père : la contemporanéité m’apparaissant comme un des objets de méditation de ce livre-ci de Mathieu Lindon… _ à porter : il faut s’en débarrasser _ l’objectiver ! _ et un livre est le seul moyen honorable _ parfaitement à découvert et public _, le seul compromettant _ comme si seul le risque (ici celui du jugement du sublime tribunal de la littérature !) encouru et affronté validait « vraiment » l’« expérience« … A la façon de l’« épreuve«  de la corne du taureau pour le torero en la préface par Michel Leiris de L’Âge d’homme

Quelle que soit la valeur particulière de plusieurs protagonistes de mon histoire, c’est la même chose pour chacun dans toute civilisation : l’amour _ voilà _ qu’un père fait peser _ voilà ! via l’« Idéal du Moi » et le « SurMoi«  : surtout à pareille hauteur de « sublime » (via, ici, donc, la littérature, l’écriture : pour l’éditeur insigne qu’était Jérôme Lindon !)… _ sur son fils, le fils doit attendre _ eh ! oui ! _ que quelqu’un _ hors cercle de la famille _ ait _ et cela ne court pas forcément la rue _ le pouvoir _ d’un peu de biais _ de le lui montrer _ = faire voir, enseigner _ autrement _ voilà : avec la grâce, non fonctionnelle (ni a fortiori didactique), d’un minimum de « surprise » et de « gratuité«  : un « don«  gracieux (voire angélique !) à apprendre à « recevoir«  : tel ce qui est donné en une amitié et un amour « vrais«  _ pour qu’il puisse enfin saisir _ c’est toujours un peu tardif ; et rétrospectif (et chronophage), l’« expérience » (adulte)… : surtout mâtiné de « poétique« , comme, tout spécialement, ici… _ en quoi il consistait _ cet « amour«  (du père pour son fils)…

Il faut du temps _ mais oui ! à « passer » et « donner » (et aussi « perdre« ) ! ainsi que la chance de soi-même durer un peu longtemps… _ pour comprendre _ enfin et peut-être _ ce qu’aimer _ et cela en la variété plurielle (mais non innombrable, non plus) de ses formes : pas seulement paternellement et filialement, donc… _ veut dire«  _ voilà !..

Encore bravo !

et merci !

à Mathieu Lindon

pour ce si beau « s’exposer« 

en cette écriture au récit un peu tranquillisé _ = surmonté, mais sans didactisme : gracieux ! _

de telles cruciales _ formatrices… _ épreuves

par blessures de la vie…

De Mathieu Lindon,

je lis maintenant

Je t’aime _ Récits critiques,

publié aux Éditions de Minuit en mars 1993…

Peut-être le modèle (américain) de l' »as de la martingale de la drague » du « Fais-moi plaisir ! » d’Emmanuel Mouret

07juil

Sur le « Libération«  (édition papier) de ce jour,

le « Portrait » de la dernière page (page 36) est consacré, sous le titre « Drague King« ,

_ cet article n’est pas encore en ligne sur le site du journal ;

on peut cependant accéder à un précédent article (signé Xavier Renard) « Dragueurs de pointe sur le Net« , sous-titré « Rencontres. Sur la Toile, un mode d’emploi du parfait cyber-séducteur » (le 19 mars 2009), présentant le « professeur de drague« ,

et où apparaît, en personne, ce « professeur de drague«  de pointe, officiant à Los Angeles,

sur un sujet, la « drague« , que j’ai abordé en mon article du 22 décembre 2008 : « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne)« , à propos, lui, du livre de Dominique Baqué « E-Love _ petit marketing de la rencontre«  ;

à cette occasion, on pourra comparer le concept de « professeur de drague » avec celui de « professeur de désir » dans les assez merveilleux (et néanmoins hilarants ! aussi…) « Professeur de désir«  et « Ma vie d’homme » (titre originel « My life as a man« ) de l’excellentissime Philip Roth…), parus respectivement en 1982 et en 1993 en traduction française… : soit le cœur du sujet ici !!! _

le « Portrait » de la dernière page, donc, est consacré, sous le titre « Drague King« ,

à Neil Strauss,

« Ex-critique musical, cet Américain de 40 ans s’autoproclame « roi de la séduction » et fait commerce de ses recettes, entre coaching et best-sellers«  _ c’est le sous-titre de l’article…

Or, je me demande si l’œuvre de ce Neil Strauss

_ en commençant par son premier best-seller « The Game« , paru en 2005 aux États-Unis, et vendu depuis lors à ce jour à 700 000 exemplaires là-bas : une édition de poche vient de paraître en français, le 3 juin 2009, aux Editions J’ai lu : « The Game : les secrets d’un virtuose de la drague«  _

n’a pas « servi« , par un biais quelconque, de « source » au fantasme de la « martingale de la drague » qu’illustre le personnage du dragueur du délicieux et très réjouissant film d’Emmanuel Mouret

_ cf mon article du 3 juillet 2009 « Deux comédies épatamment délicieuses sur le jeu de la rencontre et du hasard, l’une à Paris, l’autre à New-York : “Fais-moi plaisir !” d’Emmanuel Mouret et “Whatever works” de Woody Allen » _

 « Fais-moi plaisir !« …

De ce même Neil Strauss, paraît aussi, en date du 11 juin _ à l’approche de la saison (de disponibilité accrue) estivale… _ un second best-seller, « Règles du jeu » (en anglais « Emergency« ), aux Éditions Au diable Vauvert (à Vauvert)…

Voici ce que rapporte la chroniqueuse Cordelia Bonal en son « Portrait » de Neil Strauss, page 36, de ce « Libération » du 7 juillet :

« Son éditeur, ayant eu vent d’une obscure communauté de dragueurs compulsifs et méthodiques, lui demande d’enquêter. Strauss, alors trentenaire _ il est né le 4 avril 1969 à Chicago _, s’exécute. Le voilà parti à Los Angeles intégrer la classe d’un nommé Mystery _ cela ne s’invente pas ! à moins que… _, à 500 dollars le « séminaire » de drague. Soir après soir, les élèves passent _ aussi _ à la pratique dans les boîtes de Sunset Boulevard, chasser tout ce qu’Hollywood compte d’apprentis actrices ou de mannequins. Auprès de Mystery, Strauss, qui tient tout de même à sa réputation, coupe tout contact avec sa vie d’avant. »

« Plus je les regardais faire, et plus je me disais : « Ça marche, ils savent s’y prendre. » J’ai décidé de devenir _ sic ; et pas de faire, d’agir _ comme eux : un pro de la drague. »


Strauss s’entraîne
_ donc _ sans relâche, apprend les codes, le jargon, la technique _ abordés en leur détail dans l’article de Cordélia Bonal. Ne jamais approcher la proie de face ou de dos _ ce qui la hérisserait et la mettrait sur ses gardes _, toujours de biais. S’adresser d’abord au groupe d’amis, se faire désirer. Ne jamais offrir un verre, ne jamais dire « excuse-moi » !

L’élève progresse jusqu’à _ bientôt _ dépasser son mentor. Il collectionne les « conclu-tel » (décrocher le numéro de la fille), les « conclu-sex », les Anya, Carrie, Stacy, Pétra, Sarah… Jusqu’à l’obsession. Où qu’il soit, l’ancien frustré repère ses proies, guette les « indicateurs d’intérêt », passe à l’attaque.

Pathétique ? _ demande Cordelia. « Certains naissent en sachant comment draguer, d’autres, non. J’ai découvert que ça s’apprend, ça se pratique, comme un sport » _ répond Strauss…


Misogyne ? Il répond qu’« au bout du compte c’est toujours la fille qui choisit ». Et que, « tant qu’il ne s’agit que d’un coup d’un soir _ le mot même dont j’ai usé dans mon article du 3 juillet _, personne n’est blessé »… » _ qu’en est-il dans l’intrigue ficelée par Emmanuel Mouret dans son « Fais-moi plaisir ! » ? Les blessures, là, sont « collatérales«  seulement…

Depuis, « douze personnes font tourner l’agence de coaching par Internet qu’il a fondée à Los Angeles. Le business a fait quelques émules en France, où Strauss est vu comme un pape du savoir séduire » _ une technique (plus qu’un « art« ) assez juteuse…

« L’homme _ cependant, ajoute encore Cordélia Bonal _ est un angoissé, un maniaque du plan B, toujours à repérer la sortie de secours« …

« Strauss est toujours à Los Angeles. Il n’a plus peur des femmes, n’a plus peur du monde. Que craint-il ? De ne pas savoir « construire une relation stable avec quelqu’un ». S’il trouve la clé _ mais est-ce bien là seulement une « technique » ?.. _, gageons qu’il en fera un livre » _ est le « mot-de-la-fin«  de l’article de Cordélia Bonal…

A verser au dossier des deux films d’Emmanuel Mouret, « Fais-moi plaisir !« , et « Whatever works » de Woody Allen,

sur lesquels je vais « revenir« …

On pourra consulter aussi mes articles sur l' »intimité » :

celui, « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace contre la démocratie« , consacré, le 11 novembre 2008, au livre important du philosophe Michaël Foessel : « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments » ;

et celui, « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne)« , consacré, le 22 décembre 2008, au dérangeant « E-Love _ petit marketing de la rencontre«  de l’historienne de l’Art et philosophe de l’Esthétique Dominique Baqué…

Titus Curiosus, ce 7 juillet 2009 

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