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Lire Diderot : qui, du marquis des Arcis et de Madame de la Pommeraye, trompe l’autre, dans le récit qu’en donne l’hôtesse du Grand-Cerf, dans le conte de « Jacques le fataliste et son maître » de Diderot ? : quelques précisions sur le personnage de l’Hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf…

08jan

L’art subtil et très plaisant de la complexité des récits admirablement enchâssés _ de façon à stimuler et tenir en haleine tout du long la curiosité du lecteur soucieux de connaître les péripéties, les ressorts, et la fin de l’histoire : à la façon de ce qui peut stimuler, attiser et entretenir l’amant en remettant toujours à un peu plus tard la venue à la satisfaction de son désir (ou entretenir son amour) ; cf le bien connu « Et le désir s’accroît quand l’effet se recule » de Corneille (en son « Polyeucte, martyr« , I, 1)  _ dans le « Jacques le fataliste et son maître » de Denis Diderot, est désormais bien connu, et même universellement admiré aujourd’hui.

Et tout particulièrement l’art magistral, si vivant, avec ses multiples très efficaces « effets de réel« , à destination du lecteur, de Diderot lui-même, l’auteur premier et final de cet ensemble de récits et dialogues enchâssés, d’entremêler si subtilement les discours de l’Hôtesse, bien occupée, d’abord, par l’urgence immédiate de ses divers offices, de l’auberge du Grand-Cerf, et de ses deux interlocuteurs très attentifs et curieux que sont Jacques et son maître ; mais aussi les interventions dans le récit de l’auteur lui-même _ Diderot _  de ce conte à très plaisants et astucieux enchâssements, que constitue, en ses suites à l’apparence de très réjouissants impromptus, ce roman assez singulier qu’est « Jacques le fataliste et son maître« 

Avec ses malicieux mais aussi on ne peut plus sérieux, et infiniment graves, enjeux de réalisme et de vérité, in fine :

avec, de la part de l’homme Diderot lui-même, le souci de l’auteur infiniment libre et inventif qu’il est, de  cerner au près et au plus juste, les paradoxales complexes vérités du cœur humain…

Ainsi Diderot à son écritoire, en homme pré-freudien... _ « accoutumé comme lui à examiner de près ce qui se passe dans les replis les plus _ infinitésimalement, à la Leibniz… _ secrets de son âme (et à ne s’en imposer _ non plus : sa liberté est essentielle ! _ sur rien)« ,

selon cette même capacité que lui, auteur, en s’aidant du plaisant discours si vivant et à rebondissements qu’il fait prononcer à son personnage virevoltant de l’Hôtesse, très occupée par les charges de son office à l’auberge du Grand-Cerf, mais aussi toute passionnée qu’elle est de raconter aux curieux et attentifs Jacques et son maître, qu’elle sait constamment tenir en haleine sous le charme de son art très délié de conteuse, car c’est celle-ci, la pérorante hôtesse (élevéee à la haute école de Saint-Cyr _ confie-t-elle, à la volée, à ses interlocuteurs, à la page 181 : « Je raconte volontiers les aventures des autres, mais non pas les miennes. Sachez seulement que j’ai été élevée à Saint-Cyr, où j’ai peu lu l’Évangile et beaucoup de romans. De l’abbaye royale à l’auberge que je tiens il y a loin« … ; indication de Diderot-auteur qui permet d’asseoir la vraissemblance (à la fois par l’extraction de celle-ci d’une noblesse pauvre (justifiant son éducation à l’école royale de Saint-Cyr), mais aussi de sa lecture assidue de romans…) de l’assez peu ordinaire capacité de pénétration du cœur humain (ainsi que des mœurs de la plus haute noblesse, telle celle de la marquise de La Pommeray et du marquis des Arcis) de ce personnage plantureux et volubile de l’hôtesse-aubergiste… _) qui prononce ces paroles pour caractériser Madame de La Pommeraye,

vient-il prêter cette assez rare capacité de penser _ à la page 160 de son « Jacques le fataliste et son maître » en l’édition Belaval du Foli classique n° 763 _ au personnage _ peu ordinairement à un tel degré de perspicacité _ introspectif _ et terrifiant, pour lors, en la perfidie du poids terrible des effets que celle-ci, la marquise, va, par la menée patiente et suivie de son complexe stratagème, provoquer et en retirer aux dépens de son (déjà ancien) amant, le malheureux marquis des Arcis, qu’elle piège en ce très « singulier mariage«  avec une catin, qui finit par se produire (« Il vaut mieux épouser que de souffrir. J’épouse. (…) Je ne puis être plus malheureux que je ne le suis« , finit par se résoudre ainsi le marquis des Arcis, à la page 204). Le piège ourdi par la marquise de La Pommeraye a ainsi fonctionné ; ce marquis des Arcis qui présente pas mal de traits de Diderot lui-même, en personne !.. _ de Madame de La Pommeraye,

dont cette hôtesse s’emploie à narrer, par le menu des ressorts patiemment mis en place, la machiavélique perfide machination dans cette « histoire du mariage singulier« , ou « bien saugrenu » _ les deux expressions se trouvent dans les paroles prononcées par l’hôtesse, puis par le maître de Jacques, à la page 146 _ qui constitue le fil conducteur de ce conte de l' »Histoire de Mme de La Pommeraye » et du marquis des Arcis, placé par Diderot au cœur même de son « Jacques le fataliste et son maître » :

 

la marquise de La Pommeraye, dit ainsi l’Hôtesse, à la page 160 :

« une femme accoutumée comme elle à examiner de près ce qui se passe dans les replis les plus secrets de son âme et à ne s’en imposer sur rien« …

Pour se parfaire une idée de la richesse du regard de Diderot-auteur sur les complexités et paradoxes du cœur humain,

il n’est que de constater l’intervention in extremis, tout à la fin du récit, aux pages 214 à 216, de l’auteur qu’est Diderot lui-même dans le récit de ce conte, pour « contrer » le parti-pris _ celui de l’hôtesse-narratrice… _ qui semblait l’emporter au regard du lecteur, de la défaite finale _ défaite délicatement accentuée dans le tout dernier plan de la séquence ultime du merveilleux film d’Emmanuel Mouret, dont les images montrent excellemment beaucoup de traits demeurés silencieux dans le récit de l’hôtesse rapporté par Diderot !!! Et c’est là le pouvoir du cinéma, comme ici à son meilleur ! _ de Madame de La Pommeraye, en un exposé s’employant à vanter aussi les mérites, en fait de singularité, et même d’héroïsme de caractère _ par rapport à ceux des deux protagonistes, assez héroïques, et chacun dans  son genre, de ce bien « saugrenu mariage » final qui constitue bien le fil conducteur de tout le récit de l’hôtesse… _, de cette dernière, je veux dire Madame de La Pommeraye, en sa formidable « vindicativité » vengeresse, et infiniment patient esprit de suite, à l’égard de ce que celle-ci estime avoir constitué la foncière fourberie malhonnête de celui qui l’avait vilainement trompée, le trop léger et lâche marquis des Arcis…

Pour ne rien dire, pour le moment du moins, de celle qui apparaît dans le récit de l’hôtesse _ et sous la plume de l’auteur, Diderot _, sous le nom de « Mademoiselle Duquênoi, ci-devant la d’Aisnon » ;

et sous celui de « Mademoiselle de Joncquières » dans le di beau film éponyme d’Emmanuel Mouret…

Mais qu’en est-il, en vérité ?

À suivre, par conséquent…

Ce dimanche 8 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La part du « tempérament anxieux » hérité, de Pierre Bergounioux, « cause, pour une bonne part, de ses ennuis » cardiaques persistants… _ ou deux types de « déterminations »…

21mai

Ce jour, à 19h 40,

fin de ma première lecture attentive des 917 pages du Carnet de notes (2016 – 2020) de Pierre Bergounioux.

Je retiens peut-être des remarques finales du dernier trimestre de l’année 2020,

la confirmation, par la plume même de Pierre Bergounioux,

de mon intuition de la place de ce que lui-même nomme _ à date du 30 novembre 2020, page 906 _ son « tempérament hérité »

dans la responsabilité de la permence quasi quotidienne de ses troubles cardiaques,

au point de « s’en sentir mourir« :

Déjà,

le 26 novembre 2020 _ page 904 _,

relisant les épreuves de ce Carnet 2016 – 2020, jusqu’à la date du « 6 juin dernier«  _ page 903 _, qu’il vient de recevoir _ à corriger… _, le 23 novembre, des Éditions Verdier,

Pierre Bergounioux note :

« Guère de jour, ces cinq dernières années, qui ait été exempt de troubles cardiaques,

où je ne me sois pas senti mourir.

C’est lundi prochain que je dois revoir le médecin qui m’avait prescrit, en août, l’IRM sous stress« …

Et voici ce que,

« reçu par le même jeune cardiologue qui m’avait prescrit l’IRM« ,

Pierre Bergounioux conclut, le 30 novembre 2020 _ à la page 906 _ de cette consultation au centre cardiologique de Massy,

à la page 906 de ce Carnet :

« Le verdict est « rassurant ».

Le tempérament anxieux dont j’ai hérité

serait cause, pour une bonne part _ au moins _, selon lui _ le cardiologue _, de mes ennuis.

Reste l’infarctus dont j’ai été victime, un jour, et qui pourrait récidiver.

J’en serai avisé par une douleur intolérable dans la poitrine« …

Voilà donc une première remarque, de ma part de lecteur, concernant à la fois

le final de ce cinquième volume du Carnet de notes, poursuivi depuis 1980, de Pierre Bergounioux,

et cette thématique constante, en effet _ sinon quasi quotidienne, en ses angoisses renversantes… _, de l’idiosyncrasie de son auteur…

Ce qui amène même Pierre Bergounioux,

évoquant ce qui constitue pour lui l’incroyable miracle de la présence à ses côtés de sa compagne Cathy,

à cette remarque-ci, le 28 septembre 2020 _ à la page 881 _ :

« Ce qui a pu la déterminer _ Cathy _ à souffir mon voisinage

continue de m’échapper.

Il me plaît de croire que le féroce dessein _ sien _ de combattre ma déplorable nature, mon imperfection, dont il paraissait peut-être _ immédiatement _ quelque chose _ quand ils se sont connus, très jeunes tous deux _,

a pu parler en ma faveur et qu’il y allait de ma vie.

Je me souviens d’avoir protesté, en secret, contre le sort qui nous faisait nous rencontrer après m’avoir fait tel _ idiosyncrasiquement _ qu’elle n’avait rien à attendre, quant à elle, d’un type de ma sorte.

J’avais envisagé, assez vite et avec un luxe terrifiant de détails, les voies et moyens d’abréger l’affaire

et, contre toute attente, n’ai pas eu à y recourir« …

Comme on peut le constater ici, il y a « détermination » et « détermination » :

la détermination _ subie _ de la causalité,

et la détermination _ ouverte, et qui peut s’avérer féconde et fertile _ du caractère.

À suivre…

Ce vendredi 21 mai 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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