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Un aperçu italo-centré irrité sur le « Piccola » de Rosita Steenbeek, sur le site « L’Italie à Paris »

01nov

M’enquérant de la réception du « Piccola » de Rosita Steenbeek, en sa traduction française par René de Ceccaty (aux Éditions Vendémiaire),

je découvre un article récent _ en date du 25 octobre dernier _ de Riccardo Borghesi _ qui travaille à l’IRCAM depuis 1996, et semble toscan : « né et grandi à Cecina, entre Maremme et Livourne«  _,

sur le site de L’Italie à Paris,

et intitulé très simplement « Piccola, roman de Rosita Steenbeek« …

Cet article m’a amusé

par une certaine irritation _ italo-centrée… _ qu’il exprime

envers l’auteur, Rosita Steenbeek _ néerlandaise, calviniste et ayant fait des études de théologie ; et gérontophile, selon lui… _,

en sa façon de présenter le machisme invétéré des hommes italiens dont la narratrice-auteur fait ici le portrait ;

et sa façon de s’en présenter comme une victime, elle,

en réalité la prédatrice _ selon lui _ de ces hommes tous les trois vieillissants :

le titre originel _ en néerlandais _ du roman,

ainsi que de sa traduction italienne, aussi _ par Rosita Steenbeek elle-même ! _,

n’étant autre que « La dernière femme » _ celle que chacun des trois aura « eue« , « possédée« , juste avant de mourir…

Riccardo Borghesi semblant ignorer par là

que Rosita Steenbeek _ extrêmement italophile ! _ a vécu de très nombreuses années à Rome,

et dans l’appartement même, Via del Sudario, dans lequel le récit nous la montre justement en train de s’installer…

Et cela, bien longtemps après la disparitions de ces trois vieux mâles italiens machistes qu’elle avait pu approcher

et auxquels elle avait pu plaire alors _ sans chercher à toute force à les séduire…

Voici donc cet article bien intéressant _ par son point de vue de lecteur vilainement agacé _ de Riccardo Borghesi, italien de Paris :v

Publié le dimanche, 25 octobre 2020 à 10h09

Piccola, roman de Rosita Steenbeek

Par Riccardo Borghesi

Piccola - couverture

La « Piccola » qui donne son titre au livre est une très jeune étudiante hollandaise, Suzanne, qui s’installe à Rome à la fin des années quatre-vingt pour chercher fortune dans le monde du cinéma. Un monde du cinéma en déclin, comme d’ailleurs à cette époque l’étaient toute la culture et le monde politique italiens qui vivaient les dernières années de la pax démo-chrétienne. Le personnage de Suzanne, qui n’est autre que l’auteur du livre, nait de la friction entre sa culture puritaine et sévère (elle est fille d’un pasteur protestant _ professeur d’université _ et est étudiante en théologie) et son désir d’une Italie à ses yeux sans vertus mais imprégnée d’une sensualité et d’une vitalité disruptives _ voilà le point de vue exacerbé de ce lecteur.

Je vous avoue que son personnage, bien que cohérent et bien dessiné, m’a dérangé _ certes ! _ dès le début, en raison de son regard voilé de préjugés _ sans doute : en débarquant d’Utrecht, tout au moins… _ et d’un certain mépris nordique pour cette Italie à ses yeux corrompue et sans valeurs _ c’est tout de même très exagéré : Rosita adore au contraire l’Italie, au point d’y passer presque toute sa vie, à Rome, Via del Sudario…

Comme si cela ne suffisait pas, dans sa bouche on retrouve souvent des expressions lourdes de sens telle « il s’est comporté comme un Arabe » _ à propos du psychiatre sicilien de Catane… _ avec tout ce qui va avec (à un moment donné, elle affiche son amitié pleine d’admiration pour le réalisateur raciste et antisémite Theo Van Gogh, tué en 2004 par les islamistes). Bref, beaucoup de petites allusions qui m’ont rendu inconfortable l’identification au personnage _ mais s’agit-il jamais de s’identifier à un personnage de roman ?.. C’est là une profonde (et très grave) étroitesse de lecture !

Au cours de la lecture, je me suis demandé à plusieurs reprises si ces aspects lourds et désagréables relevaient du choix littéraire ou du bagage culturel. Je n’ai pas trouvé la réponse, parce que Suzanne est ambiguë _ ah ! Elle se voit et se raconte comme une personne de cœur, généreuse et romantique, mais dans les faits elle est toujours en équilibre entre l’aventurière sans scrupules et la petite fille naïve à la merci de forces plus grandes qu’elle _ pourquoi pas, du moins au départ de l’aventure…

..

Dès les premières pages, Suzanne se lance dans ce qui sera finalement le cœur du roman et de son activité en Italie : séduire des vieux messieurs _ est-elle donc si active ? Des vieillards riches en argent et en pouvoir certes, mais qui restent des vieux _ certes ! _, et même très vieux par rapport à son très jeune âge. Le prénom Suzanne est-il une référence à l’épisode biblique qui porte le nom de « Suzanne et les vieillards« ** (« Susanna e i vecchioni » en italien)? Mais dans la Bible, Suzanne est la victime innocente de la concupiscence sénile , tandis qu’ici, elle est actrice et moteur _ c’est du moins le point de vue de ce lecteur...

Sa chasse aux vieillards _ à ce point ?.. Non ! _ commence en se prostituant contre de l’argent _ cela n’est pas tout à fait faux, du moins au tout début de ses séjours en Sicile… _ à un vieillissant playboy sicilien, riche et superficiel. Cette partie du roman m’a un peu embarrassé à cause du voyeurisme sans empathie et de l’érotisme maladroit _ probablement ; mais la personnalité de ce personnage va, elle aussi, s’infléchir… Mais la suite, avec ses proies bien plus intéressantes _ en effet ; mais pour de tout autres motifs que libidineux… _, accompagne le roman dans une véritable accélération tant dans le rythme que dans l’inspiration _ ce n’est pas faux _, comme si l’auteur avait finalement trouvé une évidence poétique _ face à deux génies artistiques un peu sur le retour (de leur libido)…

L’identité des deux vieillards principaux est à mon avis la véritable raison de la publication du livre _ ce n’est pas faux ! Parce que, bien que cachés derrière deux chiches pseudonymes qui en vérité n’essaient même pas d’en dissimuler la véritable identité _ en effet _, il ne s’agit rien moins que de l’octogénaire Alberto Moravia et du septuagénaire Federico Fellini _ oui. Et ici la violence du temps qui passe, pour le mâle dominant et narcissique _ Moravia n’avait rien de narcissique _, explose dans toute sa brutalité et nous montre hélas combien de dégâts peut faire le désir vampirique de la jeunesse désormais perdue _ en des vieillards libidineux, en quête de leur « dernière femme » à posséder…

Bien que j’aie été un peu attristé de voir deux monuments de la culture italienne réduits _ c’est assez discutable ! _ à de tragiques caricatures lubriques et concupiscentes (ce qu’ils étaient probablement _ aïe ! _), cette partie du roman a la force magnétique du rite révélateur _ d’une certaine machitude méditerranéenne. Avec l’accumulation méthodique et hypnotique d’épreuves toutes plus embarrassantes les unes que les autres, de pathétiques escarmouches amoureuses à de véritables violences sexuelles _ à l’aune des critères de 2020, du moins _, il montre hélas que l’amour « transgénérationnel » n’est qu’un tragique et inutile malentendu _ on devrait en discuter : Rosita étant à mille lieues de faire de Moravia et Fellini de telles ignobles caricatures…

La lecture de « Piccola » confirme aussi, que de la vie des grands hommes, il vaut mieux en savoir le moins possible _ qui est alors le puritain ?..


** Voir par exemple au Louvre le très beau tableau du Véronèse : Suzanne et les vieillards

Ce dimanche 1er novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

La tâche infinie de l’intelligence des choses à infiltrer-pénétrer-percer : comprendre et s’entrecomprendre, ou Hélène Cixous, à nouveau, dans « 1938, nuits »

06fév

C’est à l’infini de la disponibilité « de l’encre et du papier en ce monde« 

_ pour reprendre un élément crucial de la situation que se donnait Montaigne en sa Tour d’écriture (Essais, III, 9, De la vanité) _

que continue de s’affronter, avec une immense générosité, la tâche que s’assigne,

depuis en quelque sorte toujours

_ tel un destin passionnément et librement assumé, et cela dès sa toute première enfance, ainsi qu’elle même le note, page 124 de 1938, nuits : « Toute ma vie ou presque, j’ai pris des notes, je ne sais pas pourquoi avant d’écrire j’écrivais, déjà dans les années soixante _ ou plutôt bien avant ! _ je notais des phrases d’Omi ma grand-mère, je ne relisais pas, ce n’était pas de la littérature, je ramassais des feuilles encore vivantes, je ne laissais pas tomber » : voilà !.. : « ne pas laisser tomber » ; jamais : la tâche (et avec, bien entendu, ses reprises, afin de toujours mieux comprendre) est en effet proprement infinie… Comme l’écriture via ses relectures infinies (et ajouts, en encres diverses), de Montaigne… _

Hélène Cixous,

cette année-ci _ 2018, en sa maison d’Arcachon _

dans l’écriture _ plus que jamais miraculeuse _ de 1938, nuits (aux Éditions Galilée).

Á propos de la frénésie d’écriture qui prend certains auteurs _ tel (pas mal par accident : il lui fallait vider son sac, et donner à l’avenir le maximum de détails de son précieux témoignage de l’horreur nazie qu’il venait de vivre) ; tel un Fred Katzmann, en mars 1941 _ qui narrent leur Erfahrtung _ le très important concept benjaminien dExpérience _ de l’horreur subie,

Hélène Cixous écrit, page 33 :

« L’auteur _ Fred Katzmann, au mois de mars 1941, à Des Moines, Iowa _ ne voulait pas perdre une seconde de parole _ à prendre maintenant, ou/et à noter du passé récent, encore frais dans la mémoire, pour se défendre du gouffre terriblement effaceur de l’oubli qui le menaçait… _,

il n’y aurait jamais assez de papier en ce monde _ voilà l’expression montanienne _ pour décrire _ voilà ! avec un maximum de précisions ; et la tâche, bien sûr, est immense _ toute la vérité _ en sa pleine et plus riche extension possible _,

ça se voyait ce que l’auteur voulait faire, disons Fred : un mémoire  _ Bericht _ qui ne négligerait pas un  _ seul _ instant, pas une _ seule _ goutte de sang, pas une virgule acérée,

 

car ce fut le temps Unique dans l’Histoire,

certains ont tout oublié, certains se souviennent de chaque minute de l’Unique, personne ne sait avec exactitude ce que c’est qu’oublier, ce que les souvenants oublient, ce que les oubliants n’oublient pas, combien de temps dure l’oubli, le souvenir,

l’auteur se souvient-il une fois pour toutes afin de pouvoir _ enfin, lui, pour se remettre à vivre en mettant tout cela à distance vivable… _ oublier,  » _ lit-on pages 33-34 ; on ne dira jamais assez combien la phrase-souffle d’Hélène Cixous est admirable !

Témoigner de cet Unique-là

constitue donc une nécessité et un devoir

absolus

pour les rares qui ont réussi à pouvoir en réchapper !

_ Primo Levi a dit, lui : Les Naufragés et les rescapés

Et déjà pour ceux qui n’en réchapperaient pas _ lire ainsi, parmi tant d’autres témoignages d’outre-tombe sacrés,

l’admirable Des Voix sous la cendre

Comme je l’ai, au passage pointé, dans mon article introductif d’avant-hier,

,

cet opus-ci, d’Hélène Cixous, 1938, nuits,

est à certains égards une simple suite _ -poursuite _ à _ de _ son dialogue-conversation continué(e) _ infernalement poursuivi (et paradisiaquement enchanté) _ avec quelques uns de ses plus proches _ dont sa fille et son fils, au présent de l’écriture, l’été 2018 à Arcachon ; mais aussi ses défunts bien aimés (sa mère Ève Klein-Cixous et sa grand-mère Omi Rosie Jonas-Klein) avec lesquels la conversation se poursuit très intensément _ ;

 

et, au tout premier chef, pour commencer, bien sûr, sa mère, Ève Cixous, née Klein (Strasbourg, 14 octobre 1910 – Paris, 1er juillet 2013) _ la reine pour jamais des interlocuteurs vibrants d’Hélène _ :

une redoutable et plus encore hyper-efficace interlocutrice,

avec son formidable inépuisable allant et répondant ! Quel extraordinaire punch !!! jusqu’en ses 103 ans…

Mais aussi, en un peu _ ou beaucoup _ moins loquace _ et répondante _,

sa tendre et chère _ et infiniment discrète (via les épreuves traversées de profondes meurtrissures) _ grand-mère, Omi : Rosalie (Rosie) Klein, née Jonas (Osnabrück, 23 avril 1882 – Paris, 2 août 1977),

parvenue dare-dare, et tant bien que mal, et avec quelques bagages, et presque in extremis, chez les Cixous, à Oran, à la fin du terrible mois de novembre 1938 _ du moins à ce qu’il me semble pour ce qui concerne sa date d’arrivée à Oran ; il faudrait mieux le vérifier ; mais cela me semble être juste…

Et c’est à Osnabrück surtout _ mais pas seulement, bien sûr ; probablement à Dresde aussi ; du moins pour Omi (et sa sœur Hete-Hedwig, et son beau-frère, Max Stern) _

que s’est jouée une partie importante du sort tragique de la famille maternelle _ côté Jonas, pas côté Klein _ d’Hélène,

durant les terribles années du nazisme

_ Osnabrûck, qui ne venait tout juste de s’ouvrir à des résidents juifs que depuis deux années à peine, en 1880, lors de la naissance de Rosie, en 1882 ; très peu avant qu’y naisse, en effet, le 23 avril 1882, la petite Rosalie Jonas, au foyer d’Abraham Jonas (Borken, 18 août 1833 – Osnabrück, 7 mai 1915) et son épouse Hélène Meyer (décédée à Osnabrück le 21 octobre 1925) : oui, en 1880 seulement. Jusqu’alors les Jonas, juifs, vivaient un peu plus loin d’Osnabrück, à Gemen-Borken ; les Juifs étant demeurés jusque là indésirables comme résidents à Osnabrück…

Comprendre !

Oui, c’est bien là le maître mot de la vie et de l’œuvre _ d’écriture, poursuivie depuis toujours _ d’Hélène Cixous, face aux énigmes et mutismes du monde, y compris _ ou peut-être même surtout _ le plus proche.

Ainsi, page 101, Hélène Cixous se confronte-t-elle à l’énigme de « ceux qui ne sont pas partis« , voire « sont partis puis revenus » ; tel son grand-oncle _ « Oncle André« , le frère aîné d’Omi : il lui est, en effet, assez emblématique de pas mal d’autres, dont le parcours semble lui être demeuré un peu plus obscur _ Andreas Jonas _ dit « l’oncle André«  par Ève _, parti en, puis revenu de, Palestine (ou Eretz-Israël) _ en 1936, après dispute avec sa tendre, pas si tendre que cela, fille Irmgard, qui vivait dans un kibboutz près du Lac de Tibériade, en Eretz-Israël _, se mettre « dans les mâchoires du Léviathan » (l’expression se trouve page 58 de Gare d’Osnabrück, à Jerusalem).

Page 58, mais cette fois de 1938, nuits, se trouve,

et à propos de Walter Benjamin _ dont le parcours a pu croiser celui de Siegfried Katzmann : peut-être « à Paris, en 1937, dans le café près de l’ambassade des États-Unis« , page 62 ; ou peut-être à une autre date (1935 ?) le doute demeure… _,

la phrase :

« Et pourquoi Benjamin reste ici où là _ réfugié en France _ jusqu’à ce que les dents du crocodile se referment sur lui _ cf sur son parcours si maladroit de fuite, le sublime Le Chemin des Pyrénées, de Lisa Fittko (paru aux Éditions Maren Sell, en 1987) _,

il a eu le temps d’écrire l’essai sur le charme des mâchoires… » ;

et page 107 :

« Il y en a qui partent, mais pas assez loin, c’est comme si on se déplaçait soi-même d’un KZ à un KZ,

quand Frau Engers va se réfugier à Amsterdam, c’est comme si elle venait cacher ses petits dans la gueule du loup » ;

et encore, page 116 :

« La grande Mâchine ouvre ses mâchoires et referme. Clac ! Cyclope amélioré » ;

 

et page 145 :

« la gueule de la mort« …

Ainsi, page 102, Hélène constate une fois de plus que

sa « mère _ Ève Cixous née Klein _ n’a jamais compris comment pourquoi sa _ propre _ mère Rosi Klein née Jonas ne comprenait pas » ;

quoi donc ? qu’il devenait _ en 1929, 1933, 1934, 1935, 1938… _ de plus en plus vitalement urgent de fuir ! Fuir, et au plus vite, et Osnabrück, et Dresde, et l’Allemagne. Fuir les mâchoires des Nazis !

Et Hélène en conclut _ et cela la chagrine passablement ! voire la poursuit… _ :

« je n’arrive pas à entrer dans l’intérieur d’Omi » ;

un peu plus loin, pages 109 à 119,

c’est « dans l’intérieur de Fred » que _ à défaut, donc, d’« entrer dans l’intérieur d’Omi » elle-même…vient

_ « mais faire Fred, c’est _ seulement, et par défaut… _ une excursion » (page 109), pour Hélène ;

même si c’est à cette principale et très essentielle, pour Hélène, fin de mieux comprendre (enfin ?) Omi, demeurée si longtemps en Allemagne, et se trouvant à Osnabrück (ou plutôt Dresde ? l’ambigüité demeure !) au mois de novembre 1938, dans la « mâchoire«  des nazis !, qu’Hélène s’est décidée, ici à cette « excursion«  qu’est « faire Fred«  ! _

se placer l’auteure :

« Je n’aurais jamais pu m’imaginer que je me glisserais _ ici, et cet été 2018, dans l’écriture de ce 1938, nuits _ dans l’intérieur de Fred »

_ un personnage peu pris au sérieux de son vivant par Hélène, ni même, déjà, par sa mère, pour laquelle Fred n’était qu’un commode compagnon (sur le tard de leur vie de retraités) de voyage d’agrément de par le vaste monde… _,

même si « faire Fred, c’est _ seulement _ une excursion » _ j’insiste, j’insiste : soit seulement un détour de l’écriture et l’imageance, à défaut de (et afin de, surtout), mieux comprendre vraiment, enfin, Omi « de l’intérieur« .

Laquelle Omi, toujours page 102, « ne voyait pas _ vraiment _ qu’elle ne voyait pas _ avec lucidité _ ce qu’elle voyait » _ de ses yeux ; oui, ce qui pourtant, là, sous ses yeux, aurait dû lui crever les yeux ! faute de comprendre vraiment ce qui s’offrait, là, à sa vue, juste sous ses yeux (« je n’arrive pas à entrer dans l’intérieur d’Omi, Nikolaiort 2, par la fenêtre _ à Osnabrück « Nikolaiort 2, par la fenêtre« , du moins, comme c’est fort bien spécifié là, page 102 ; mais Omi ne se trouvait-elle pas bien plutôt alors à Dresde ? Il y a une ambiguïté persistante pour moi _ elle donnait _ voilà ! depuis sa fenêtre de la maison osnabrückienne des Jonas _ sur l’horlogerie-bijouterie Kolkmeyer NSDAP en chef, elle ne voyait pas qu’elle voyait la bannière du Reich pendre jusqu’au sol, elle ne voyait pas qu’elle ne voyait pas ce qu’elle voyait « , page 102, toujours), mais bêtement (sans vraiment voir !), ce qui crevait pourtant les yeux d’autres un peu plus lucides qu’elle, Rosie ; mais pourquoi ? Faute d’en échanger un peu, si peu que ce soit, là-dessus avec d’autres ? Et de « s’entrecomprendre«  (le mot est prononcé page 101) avec eux ?.. Manquant cruellement de la plus élémentairement vitale lucidité, par conséquent.

Et je poursuis l’élan de la phrase que je viens de commencer à citer :

« Depuis 1938, elle ne voyait ni 1933 ni _ se profiler très vite, sofort... _ 1942

_ et la mort à venir à grands pas, cette seule année 1942, à venir si vite, de deux de ses frères et de deux de ses sœurs (à part l’oncle André, mort à Theresienstadt le 6 septembre 1942, je n’ai pas encore réussi à identifier de quel autre des frères Jonas et de quelles deux sœurs nées Jonas d’Omi, il s’agit là (même si son beau-frère, le mari de sa sœur Hete-Hedwig, Max Stern, le banquier, est effectivement décédé à Theresienstadt en 1942 (le 8 décembre 1942)… ; manque ainsi, pour les Jonas, l’éclairage d’une généalogie, telle celle donnée pour les Klein, aux pages 193-194, dans le cahier final, avec aussi des photos, de Photos de racines) _,

une femme si distinguée« …

« Tu m’écoutes ? dit _ une page plus loin, page 103 _ ma mère _ décédée depuis cinq ans (le 1er juillet 2013), cet été de l’écriture de 1938, nuits _,

à ces mots je me réveille de ma rêverie éloignée,

je n’ai pas écouté, quand ma mère me raconte _ le verbe est bien au présent ; c’est que la conversation avec Ève, décédée, oui, depuis cinq ans, se poursuit très effectivement ; Hélène converse bien et régulièrement avec elle ; même si c’est non sans de menues intermittences, qui ne manquent pas d’angoisser, voire de mettre en colère, Hélène (cf l’épisode narré à la page 10 du voyage en Cadillac d’Ève et Fred, à partir de Des Moines (en 2000)… _ la famille Flatauer, les Nussbaum _ de futurs assassinés d’Osnabrück _,

plus tard je ne pourrai si le fil, coupé, est perdu _ plus jamais remonter le temps _ pour, le retrouvant, en écrire-témoigner de ce qui a été autrefois si précieusement mais fragilement témoigné par quelques uns, parfois même un unique (cf Carlo Ginzburg : Un seul témoin ; où est superbement analysé et merveilleusement commenté l’adage du droit : Testus unus, testus nullus _

et à jamais je ne saurai pas comment finit l’histoire _ de ces personnes-ci, dont les noms prononcés n’ont pas été, une fois le fil de témoignage rompu (ne serait-ce que par inattention ou distraction), retenus, c’est-à-dire sauvés !.. (…)

Dans L’Iliade, tous les noms sont sauvegardés _ voilà ! par le récit, qui les retient, d’Homère _,

ici dans le poème effiloché _ magnifique expression ! _ d’Osnabrück, il y a des trous _ des lacunes ;

cf mon article du 17 juillet 2008 sur mon blog En cherchant bien, de la librairie Mollat :  : à propos de l’enquête menée à Objat, en Corrèze, par Jean-Marie Borzeix en son passionnant Jeudi saint, à propos de Juifs raflés par des nazis en 1944… _ partout,

on n’écoute pas _ le constat est assez général, et assez significatif, si l’on y réfléchit trois secondes ; si vient à manquer quelque témoin narrateur… ;

cf aussi, à propos de ce travail pour inlassablement combler les lacunes voulues par les assassins,

le magnifique travail du Père Patrick Desbois en son indispensable Porteur de mémoires _,

quarante ans nous séparent,

pas seulement entre temps et générations,

dans la rue même, dans la maison, à table,

il y a toujours ces épaisseurs _ quelle écriture admirable ! et quelle justesse du penser ! _ entre nous _ qui ne nous entrecomprenons pas assez à la façon des idiosyncrasiques monades de Leibniz, qui n’ont « ni portes, ni fenêtres«  _,

Omi n’écoute pas ma mère _ sa fille Ève, si pragmatique, invariablement, elle _,

ces larges étendues neutralisées qui entourent le moi d’une bande _ formidablement dangereuse _ d’indifférence _ anesthésie, cécité, surdité, inattention coupable, imbécile légèreté… : quelle qualité phénoménale d’expression ! _,

même la manifestation _ nazie _ de 1935 qui rassemble 30 000 Osnabrücker sur la place Ledenhof, c’est-à-dire toute la ville en âge de s’exprimer, ne propage pas jusqu’aux tympans de l’âme _ celle seule à même de comprendre vraiment les signaux (muets, hors discours) qui parviennent du corps _ son effroyable vacarme de mort

_ mais Omi se trouvait-elle alors à Osnabrück, au Nikolaiort 2 ? ou bien plutôt à Dresde ?.. _,

on n’écoute pas les nazis disent certains, on n’écoute pas les Juifs,

on n’écoute personne » voilà la terrifiante erreur, qu’il faudrait encore et toujours et en permanence avec le plus grand soin méditer : s’entrécouter et « s’entrecomprendre«  vraiment les uns les autres…

Ici, sur la mécompréhension,

et les terribles difficultés à « s’entrecomprendre » _ le terme, capital !, apparaît, en hapax, au bas de la page 101 _,

je veux remonter un tout petit peu plus haut, aux pages 100-101 :

« Mais on n’entendra jamais les réponses ou les explications de ceux-qui-ne-reviennent-pas à Osnabrück

parce qu’ils ne sont pas _ du tout _ partis _ et se sont bientôt trouvés pris, capturés, puis massacrés, enfermés-englués qu’ils étaient dans la nasse

(ou « la cage« , ou « le coffre, le Safe… », page 76, et c’est alors Ève qui parle avec une ironie acerbe

refermée (« Clac !« ) sur eux.

Les Nussbaum,  par exemple ? Et les Jonas. Et Raphael Flatauer ?

C’est à ceux-là _ les massacrés, privés de tombes, ceux-là, avec leurs noms gravés dessus _ que je m’adresse depuis des années

_ clame ici Hélène : au moins depuis l’écriture d’Osnabrück, en 1998 _,

à ceux qui sont restés _ encalminés, poissés, à quai _ quand leurs amis _ tel son ami Gustav Stein pour Andreas Jonas, le 23 octobre 1935 (voir les deux terribles tranquilles photos du cahier final de Gare d’Osnabrück à Jérusalem _ ont commencé à partir,

ceux qui ont accompagné leurs enfants ou leurs frères à la gare d’Osnabrück _ un lieu éminemment stratégique : la voie de salut de la fuite ; et ce n’est évidemment pas pour rien qu’un volume suivant d’Hélène Cixous, écrit l’été 2015,  s’est intitulé Gare d’Osnabrück à Jérusalem ! _ _,

ceux qui ont regardé _ du quai _ partir _ sans eux, qui restaient _ les trains vers toutes les directions de correspondance avec la France ou avec Amsterdam, car Osnabrück est un nœud ferroviaire (…),

ils sont restés sur le quai ils ont agité la main et souri (…),

et en rentrant à pied de la gare à Nikolaiort _ que surplombe, au n°2,  la belle, large et haute demeure des Jonas (Abraham, puis son fils aîné Andreas) à Osnabrück _,

que pensait _ donc, en son for intérieur _ Omi ma _ discrète et intériorisée _ grand-mère? (…),

ceux qui sont rentrés « à la maison« alors qu’objectivement on ne pouvait plus rentrer à la maison,

je ne cesse de me dire que je ne les comprends _ eux tous _ pas

_ et ce point-là est bien sûr décisif ! Et mieux encore : carrément obsédant-torturant pour Hélène.

Et pourquoi mon esprit revient-il _ en effet ! _ depuis tant d’années _ obstinément _

cogner à la vitre _ trop muette _

de cette scène ?« 

_ quelle langue admirable ! Nous sommes confondus d’admiration !

Et nous nous reporterons aussi, j’y insiste, au terrible (en sa pleine assassine innocence) cahier de photos offert en conclusion de Gare d’Osnabrück à Jérusalem, après la page 160 :

aux deux terriblement innocentes photos d’adieux d’Andreas Jonas à son ami Gustav Stein, le 23 octobre 1935, sur le quai de la gare d’Osnabrück….


Avec ce nouveau terrible constat de l’auteure, aux pages 101-102 :

« Selon moi, les Juifs d’Osnabrück fin 1938 ne comprennent pas _ non plus _ les Juifs 1940,

les Juifs selon les dates _ à nouveau quelle sublime cixoussienne expression ! _ s’entrecomprennent _ et ici plus encore !!! _ de moins en moins,

ils se font des signes _ mais pas assez parlants ; ou sans les bonnes phrases (d’un peu lucide avertissement ; ou de vraie compréhension rétrospective des tenants et aboutissants de l’idiosyncrasie, toujours complexe, des diverses situations…) ! _ sur les quais des trains, sur les montagnes, sur les rives,

ils s’appellent,

ils ne s’entendent pas »

_ faute de pouvoir déplier vraiment, en phrases, et en phrases effectivement prononcées, et si possible aussi vraiment entendues, leurs pensées et arrière-pensées, demeurant ainsi non pensées, faute d’être exprimées dans de vraies phrases, réellement déployées, et réellement échangées, et réellement entendues, c’est-à-dire vraiment comprises.

Mais était-il seulement possible de se représenter un peu lucidement en 1938 ce qui adviendrait en 1940 ? L’uchronie ne peut être hélas que fantasmatique ; et ne peut décidément pas être efficacement à 100 % prospective…

Une part, même si ce n’est pas le principal, du processus de la tragédie, réside aussi là : réussir à « s’entrecomprendre«  vraiment.

Ainsi, page 104, Hélène conclut-elle que

« jusqu’en 1938, Omi ne s’est pas _ vraiment _ rendue compte de la réalité d’Osnabrück (ou peut-être de Dresde) et l’Allemagne sous Hitler _,

sinon elle serait partie avant« …

Mais _ et cela sans cuistrerie, ni lourdeur, aucune _ un concept plus précis va bientôt apparaître et intervenir, cependant, dans l’intelligence un peu profonde de ce qui fut,

et via un auteur

avec lequel un des personnages, Siegfried Katzmann, a tenté d’établir un contact,

par lettre adressée à Vienne, probablement en 1938, mais hélas un peu trop tard _ Freud va quitter Vienne (pour gagner Londres) le 4 juin 1938 _,

en vue d’en recevoir un conseil ;

et lui aussi, Siegfried-Fred Katzmann, est peut-être, au moins alors, victime de ce que Hélène qualifie magnifiquement, page 95, de « démon du contretemps« 

_ quelle sublime expression, ici encore ! _

auquel, presque tous _ ajoute-t-elle _,

« nous obéissons comme des insensés«  ;

sauf Ève, toujours si lucide-réaliste-pragmatique, vive, et surtout prête, elle :

« ready, the readiness is all« , aime-t-elle proférer ;

même si elle attribue à Heine ce qui revient à Shakespeare (Hamlet, V, 2), page 10 de 1938, nuits :

cet auteur qu’a effectivement cherché à joindre par lettre Siegfried Katzmann

_ mais sans en obtenir de réponse : le « démon du contretemps«  ayant cette fois encore, en 1938, frappé ! _

étant Sigmund Freud

_ Freiberg (aujourd’hui Příbor, en Moravie), 6 mai 1856 – Londres, 23 septembre 1939.

À suivre…

Ce mercredi 6 février 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Admirable « Loin d’où » d’Edgardo Cozarinsky

08août

Venant de lire en traduction française _ Loin d’où, aux Éditions Grasset, paru en août 2011 _ Lejos de donde, de l’argentin Edgardo Cozarinsky,

qui m’a énormémentément plu,

je recherche sur le web quelque critique,

et tombe sur celle-ci, de Julio Espinosa Guerra, le 1er mars 2010, sur le site de la Revista de Libros,

dont j’apprécie les analyses détaillées,

mais me situe à l’exact opposé de l’appréciation finale !!!

Buenas intenciones (fallidas)

por Julio Espinosa Guerra
Tusquets, Barcelona
166 pp.

Antes de comenzar la lectura de Lejos de dónde, de Edgardo Cozarinsky, encontramos la siguiente afirmación de René de Ceccatty : « Cozarinsky esboza destinos representativos de ese “horror político” que recorrió el siglo XX » . Una sentencia de este tipo no puede más que incentivarnos a leer con el interés que provocan obras como La hora veinticinco, de Gheorghiu, o Matadero Cinco, de Vonnegut _ sont-ce là de réelles références de chefs d’oeuvre ? Et d’abord, est-ce la thématique d’un livre qui constitue son fondamental intérêt ?… Nos jugements nous jugent ! _, además de motivarnos a encontrar algo que nos desvele una perspectiva nueva _ ici encore : est-ce là un critère décisif de justification de lecture ? Je crains que non… _ de lo sucedido.

En su primera parte, situada en enero de 1945 _ et en effet les Nazis avaient tous fui Auschwitz le 27 janvier 1945 ; de fait la chronologie (« janvier 1945« , « novembre 1948« , « août 1960« , « février 1977«  et « décembre 2008«  constituent les titres des 5 chapitres du livre) a pas mal d’importance dans ce roman _, la novela no defrauda. Cozarinsky nos traslada a la huida _ voilà : c’est un livre de fuites ! au loin de divers lieux de tragédies ; et mortellement dangereux ! _ de Therese Feldkirch de Auschwitz _ dont le nom n’est pas alors prononcé ; il ne le sera que bien plus tard, à l’antepénultième page, et d’abord dans l’orthographe polonaise : « Oswiecim« , page 190 de l’édition française .. _, donde trabaja eliminando los rastros que puedan identificar _ voilà : il s’agit d’effacer et détruire les moindres traces d’identité qui permettraient de trop dangereuses identifications… _ a los judíos exterminados. Lo hace con un pasaporte judío a nombre de Taube Fischbein. Su objetivo es llegar a Génova y desde allí embarcarse a Argentina para evitar _ voilà _ la persecución y juicio posteriores a la guerra. El motivo del viaje, esta vez reflejado en la fuga, se trabaja de manera eficaz. Los diferentes hechos van encadenándose de forma natural y, aunque es mucha la casualidad como para que a la protagonista no le suceda nada negativo en su periplo (no se le llagan los pies, el hambre apenas está presente, nunca se queda aislada, no llega a comer nieve o tierra _ le critique ici commence à exagérer ! _), la urdimbre, reflexiva y a la vez carente de tensión _ c’est discutable _, refleja, más que el resentimiento del narrador, la necesidad de comprender lo sucedido. Debido a ello el lector se deja envolver por el flujo textual en su sensualidad carente de violencia. A esto también ayuda la fácil visualización de las situaciones, siempre muy concretas y relacionadas entre sí, y alguno que otro guiño a situaciones reales, como la historia del fotógrafo Yevgeni Khaldei (presente en todo el libro), recursos cercanos al documental que Cozarinsky también ha utilizado en sus películas y que sirven como anclaje _ en effet _ de las situaciones a un determinado momento histórico.

Pero en la segunda y la tercera partes, debido al amplio período histórico que abarcan (1948 y 1960, respectivamente), la textura de la novela va deshaciéndose poco a poco _ pour la mise en danger tragique finale de la protagoniste, qui finit par abaisser bien trop imprudemment son seuil (vital !) de vigilance : elle sera écrasée par une voiture au sortir du restaurant du Bavarois, rue Maipu : « alors qu’elle traverse la rue Maipu au coin où la place San Martin s’achève près de l’avenue Leandro Alem, une voiture passe à toute allure et la renverse sans s’arrêter« , page 128. Fin du chapitre 3 et fin du personnage de Thérèse Feldkirch alias Taube Fischbein. Les chapitres 4 et 5 se focaliseront sur son fils, Federico Fischbein Las acciones que antes eran parte de una cadena bien planeada, ahora deambulan entre un pasado, un presente y un futuro nunca expuestos con claridad _ mais c’est parfaitement volontaire de la part de l’auteur ! L’identité et les circonstances du devenir de Federico Fischbein sont particulièrement troublées, secouées, violentes : et cela dès le viol d’une nuit, dont il sera le fruit. Muchas veces hechos que serán fundamentales para el devenir de la trama se resumen en exceso, mientras que otros coyunturales, si no superfluos, se desarrollan con precisión _ là encore, c’est parfaitement volontaire et assumé par l’auteur : la vision-lucidité des personnages est toujours très partielle, même si Federico est beaucoup plus conscient et lucide, et instruit, que sa mère. Ejemplo de esto es que el nacimiento de su hija _ avant même de travailler au camp d’Auscwitz-Birkenau _ y la entrega voluntaria a una familia de campesinos _ polonais _ poco antes de ser aceptada en la Wehrmacht se reseña en apenas un párrafo (p. 75 _ pages 85-86 dans l’édition française). Sucede lo mismo con la violación de la protagonista en Buenos Aires, que tendrá como consecuencia el nacimiento de Federico, protagonista de las dos últimas partes de la novela (p. 77 _ pages 87-88 : mais ce sont là deux épisodes de sa vie sur lesquels la protagonistes n’a guère plaisir et goût à s’attarder !). Por el contrario, se profundiza _ le traumatisme et la peur qui l’accompagne seront profonds pour Federico, qui ne cesse d’y repenser !.. La vie sera en permanence très dangereuse pour lui, en ses fuites renouvelées et perpétuelles, d’un continent à l’autre _ en un intento de secuestro del niño a los doce años una noche que sale a caminar por la ciudad, hecho muy bien plasmado, pero que, siendo intrascendente para el desarrollo de la historia, ocupa demasiadas _ pas du tout : ce critique est d’une naïveté stupéfiante ! _ páginas (pp. 105-107 _ pages 121-123 de l’édition française). Esta insustancialidad _ !!! _ de la trama (en el sentido de tejido significativo) lleva al lector a dudar de qué es y qué no es lo realmente importante _ comme dans la vraie vie ! Ce critique n’a donc pas lu les grands auteurs ? A commencer par Faulkner ? _, perjudicando la sensación de confianza que debe inspirar el narrador _ aux lecteurs paresseux et bien peu futés des romans de gare… Si a ello sumamos las constantes elipsis y el nulo desarrollo del carácter de Therese, el resultado es una narración fijada en la anécdota _ mais c’est dans les détails que le diable se cache ! et sans mode d’emploi préalable ! _, que avanza por medio de empujones y flashes de escenas cuyo resultado es más un collage _ mais oui ! au lecteur d’opérer les raccords ! _ que una estructura desarrollada a conciencia _ que de naïvetés ! Que d’ignorance de la littérature… Même si ce critique semble être un écrivain (chilien, né en 1974).

La cuarta parte, centrada en un Federico que piensa que es judío y su madre una víctima del horror nazi _ ce n’est pas si simple : sa mère lui a dit aussi qu’elle s’appelait Thérèse Feldkirch ; page 154 : « Plus d’une fois le soir _ après la mort de sa mère, survenue une nuit de septembre 1960 _, il avait fouillé les tiroirs et le fond d’une armoire _ de la chambre qu’il partageait avec sa mère, à la pension que tenait Frau Dorsch _ en quête d’un indice du passé inconnu de cette femme qui parfois disait s’appeler Therese Feldkirch et qui, après sa mort, ne pourrait se défaire de celui de Taube Fiscbein » ; et page 156 : « Il constatait simplement, une fois de plus, qu’il savait très peu de choses, presque rien, de celle qui avait été Therese Feldkirch ou Taube Fischbein«  _, adolece de un grueso error estructural : el lector _ à lui d’être si peu que ce soit vigilacnt (et adulte) ! _ asume que el comienzo coincide con la fecha del subtítulo (febrero de 1977), pero en realidad se corresponde con el final del mismo, lo que nos hace leer de una forma equivocada _ quelle naïveté aveugle, une fois encore ! A pesar de ello, se recupera el tono y la concreción de la primera parte, lo que vuelve a dotar a la novela de la sustancia perdida.

Nuevamente es la búsqueda de una identidad que el personaje no está seguro de poseer _ mais sa mère Therese-Taube était-elle elle-même si sûre d’être la fille du mari de sa mère (et pas de son employeur viennois, le joailler juif Ezechiel Lanzmann, dont sa mère était la maîtresse ?.. Le doute dans l’esprit même du personnage de Therese affleure, même si c’est très discrètement ! : page 28 : « Sa mère et un Juif«  _ la que centra el desarrollo del texto. Lamentablemente_ quelle étrange pauvreté-cécité de lecture ! Que de contresens de la part de quelqu’un qui serait lui-même écrivain ! _, cuando el autor debe abordarlo, vuelve a utilizar el recurso del resumen, la elipsis y la divagación de ideas y acciones _ hélas ! le critique s’enfonce dans ses aveuglements ! _ tan características de la segunda y tercera partes. Por el contrario, la última, que se corresponde con una sola escena, es donde mejor plasma su capacidad de concreción y visualización, esa urdimbre densa y reflexiva a la cual nos referíamos al inicio de este comentario. Trata ésta del encuentro de los dos hijos de Therese _ Federico et sa sœur aînée abandonnée à des paysans polonais _ en la estación central de Dresde, aunque ellos no lo saben _ et ne l’apprendront pas. Esto produce una tensión narrativa casi inexistente _ c’est fou ! _ en el resto del libro _ un livre sur des fuites et des peurs permanentes !!! El problema es que dicho encuentro se reduce a la anécdota _ quelle lourdeur, ici encore, en la lecture _ y un novelista no puede apostar todas sus cartas a un final espectacular que, aun tratándose de una metáfora del tema principal, no justifica la ineficacia orgánica _ !!! _ del resto del texto.

Cozarinsky realiza un intento _ Monsieur est bien bon… _ por plantear el choque de realidades, la farsa de la Historia _ certes _, la hipocresía de las instituciones religiosas _ nous l’avons peu à peu appris, en effet; et les complicités demeurent ! _ y la tragedia de los individuos que tuvieron que negar toda seña de identidad para poder sobrevivir al descalabro del siglo XX. Pero la buena idea, la buena intención y una prosa correcta no bastan _ tiens donc ! Un autor, por genial que sea, no puede narrar en 155 páginas más de sesenta años de historia, menos si se ven involucradas dos generaciones _ que de cuistrerie ridicule ! Recuerdo ahora la cita del crítico de Le Monde _ René de Ceccatty faisant autorité ! _ y pienso que ese « esboza destinos representativos » no es más que una manera sutil de no decir « resume lugares comunes » _ pas du tout ! La historia narrada, el tema que subyace en ella y los protagonistas de la misma merecen un tratamiento mayor y mejor _ Monsieur est décidément bien bon ! _, no un mero collage, que los dignifique _ c’est navrant d’imbécillité.

01/03/2010

En complément,

voici un entretien _ celui-là même qu’a lu le décidément bien malheureux lecteur qu’est Julio Espinosa Guerra _ de René de Ceccatty avec Edgardo Cozarinsky paru dans Le Monde à l’automne 2002,

sous le titre Edgardo Cozarinsky, le voyageur sans terre :

Edgardo Cozarinsky, le voyageur sans terre

Le cinéaste argentin, qui vit à Paris depuis trente ans, publie un recueil de nouvelles où il prolonge et enrichit ses enquêtes-fictions sur les exils, les voyages intérieurs et l’ « horreur politique » du XX siècle _ qui n’a certes rien d’un cliché en son écriture.

C’est à Henry  James qu’Edgardo Cozarinsky a consacré son premier essai, Le labyrinthe de l’apparence : 1964, il avait vingt-cinq ans. Il a été introduit, quelques années auparavant, dans le petit cercle de la célèbre revue Sur, que dirige Victoria Ocampo _ la sœur aînée de Silvina Ocampo (1903-1993), l’épouse de mon cousin Adolfo Bioy Casares (1914-1999). Pour un jeune homme cultivé, on ne pouvait rêver mieux. A Buenos Aires, dans la librairie Letras qu’il fréquentait assidûment et qui était toute proche du siège de Sur, il a fait la connaissance du secrétaire de rédaction, Jose Bianco, en disant tout haut son opinion, tranchante — car il n’a pas encore vingt ans — sur Balzac qu’il a à peine lu. Frappé par la fermeté de la pensée du jeune Edgardo, Bianco l’invite à approfondir ses lectures et nuancer ses jugements : c’est le début d’une amitié et la naissance d’une vocation. En 1974, paraîtra son essai Borges et/sur le cinéma.

Edgardo Cozarinsky sera ainsi partagé entre sa découverte du cinéma et sa passion de la littérature, placée sous le signe protecteur de Borges, de Bioy Casares _ mon cousin argentin _ et de Silvina Ocampo, et bien entendu de Victoria qu’il connaîtra mieux à Paris où il s’installe en 1974. Cinéaste indépendant, il a une œuvre singulière entre _ voilà ! _ fiction et documentaire, reconnue dans le monde entier pour sa force émotionnelle, la qualité de ses recherches d’archives et surtout son originalité esthétique : son Citizen Langlois (1994), consacré au fondateur de la cinémathèque française— dont il retracera par ailleurs l’histoire, dans le film Les Cahiers du cinema, Cinquante ans d’amour du cinéma, 2000,(voir l’article de Jean-Michel Frodon, du 19 mai 2001)—, ses portraits de Cocteau (Autoportrait d’un inconnu, 1983), Sarah Bernhardt, Borges, Calvino, Stefan Zweig, Van Gogh, Ernst Junger (La guerre d’un seul homme, 1981), (même s’il s’agit parfois de commandes du Ministère de la Culture ou de la série de Bernard Rapp, Un siècle d’écrivains) ont fait date : il s’agit toujours plus que d’une simple évocation érudite. La très forte personnalité du cinéaste, qui s’est également exprimée dans des films plus traditionnels, comme Guerriers et captives (1989) avec Dominique Sanda, donne à ses approches une tonalité intérieure _ voilà _, une délicatesse envoûtante _ je retiens l’expression ! _, qui tiennent probablement à son naturel très empathique _ une puissante qualité.

Exilé, comme tant d’autres Argentins, Edgardo Cozarinsky a beaucoup de diasporas _ oui _ derrière _ et avec _ lui : celle du peuple russe, celle du peuple juif, celle du peuple argentin. Et c’est précisément le thème des nouvelles qu’il publie aujourd’hui (1) et qui toutes témoignent du périple de ces voyageurs sans terre _ migrants perpétuels. Les spectateurs de son chef-d’œuvre Le violon de Rothschild (1996) (où est tracée la figure de Chostakovitch) retrouveront dans le style de l’écrivain, celui du cinéaste : la suspension de l’émotion _ et la totale absence de pathos et de kitch _, dans ce va-et-vient _ ultra-rapide dans le rendu de l’écriture : à la vitesse de la lumière et d’un tel penser _ entre la rêverie et l’enquête _ sérieuse et approfondie, en amont. Cet admirateur de Jean Renoir, de Jean Cocteau, de Chris Marker, mais aussi de Godard et de Lubitsch, cherche, dans ses textes et dans ses images, à pénétrer au plus profond _ voilà _ de la solitude des êtres que l’histoire malmène _ voilà ; et en leur singularité de personnes. Il se défend de toute nostalgie, de toute amertume. Sans atteindre un vaste public dont il ne veut pas flatter les goûts _ ouf ! _, il est reconnu par ses pairs du milieu cinématographique, mais a décidé d’écouter l’ordre de son compagnon Alberto Tabbia,  qui en mourant, il y a cinq ans, lui laissait ce mot, dans une enveloppe qui portait pour inscription « à ouvrir, si je meurs avant l’an 2000 » : « Qu’est-ce que tu attends pour écrire ? Ecris, écris ! »

Quand on l’interroge sur l’étrange mélange de l’imaginaire _ celui de l’imageance ? Pas celui de la fuite… _ et du réel dans ses films et ses nouvelles, Edgardo Cozarinsky répond qu’il « déteste tout ce qui est pur : art pur, poésie pure et… cela va de soi, race pure. Ça me dégoûte profondément, poursuit-il. J’y sens la présence de la mort. Les gens les plus beaux sont métissés. Et puis, on le sait, les fictions des années trente, par exemple, nous parlent de la réalité de ces années-là et tout documentaire a une part d’invention » _ celle de l’imageance féconde et lucide en ses audaces. Bien qu’il ait suivi les cours de Roland Barthes à son arrivée à Paris et qu’il ait lu Freud et Jung, il s’est toujours défié de la théorie _ pour la théorie _ et a toujours aimé, comme en témoignent ses nouvelles, la force poétique du hasard _ à la fécondité de la rencontre giboyeuse duquel en partie se livrer. On dégage pourtant aisément de son œuvre une nette thématique liée à la lutte contre le totalitarisme (nazi, militaire et stalinien), mais Cozarinsky qui a souvent traité de la question juive se défend violemment de toute tentation _ séparatiste, communautariste _ sioniste : « Mon identité juive est liée à la diaspora. Je ne suis allé en Israël qu’une fois et nulle part ailleurs je m’y suis senti aussi étranger _ enfermé entre des murs _ que dans cet Etat. » Et l’Argentine ? Il y retourne une fois tous les deux mois. « Mais le meilleur passeport est le billet de retour pour la France… » _ on y respire encore un peu.

Tout manichéisme lui fait horreur : c’est la raison pour laquelle il s’est intéressé à Ernst Jünger : « il y a des antipathies politiques et des perspicacités personnelles. Survivre dans une situation intenable ne signifie pas être complice.» Cozarinsky rappelle qu’en Argentine, une grande confusion régnait quand Peron revint « sous un déguisement de gauche, soutenu parfois par des militants socialistes… » Mais il précise aussitôt : « Je ne m’intéresse pas à la politique pour elle-même ; seulement, hélas, la politique s’intéresse à moi ; et j’ai du mal à faire la distinction entre l’individuel et le politique. »

Lecteur de Cioran, il a fait sienne l’expression « exercice d’admiration », comme on le sent dans chacun de ses portraits pour le cinéma ou la télévision, aussi bien dans les monographies que dans les films-tableaux (Boulevard du crépuscule, 1992 ou Les Fantômes de Tanger, 1997). La dernière nouvelle de la Fiancée d’Odessa, met précisément en scène, à travers une enquête, toute une population d’artistes émigrés _ nombreux : une des rares portes de sortie encore ouvertes alors  _ qui, pendant la guerre, passèrent par Lisbonne : texte typique du « ton Cozarinsky ». « Je pose des questions à la réalité », dit-il pour résumer sa démarche. 

Louvoyant entre des souvenirs familiaux et personnels, des confidences d’amis et une analyse historique systématique, il ébauche des destins représentatifs _ simplement, et sans dogmatisme prêcheur ou donneur de leçons _ de cette « horreur politique » qui a parcouru le XXe siècle. Bien entendu, l’errance _ pour échapper à la nasse, à toutes les nasses ; et il n’en manque pas ! _ demeure le thème majeur. « Qu’allons-nous trouver là-bas ? demande la fiancée d’Odessa avant de partir pour l’Argentine. Des vipères ? Des Indiens ? Des plantes carnivores ? » Cette jeune fille, rencontrant par hasard un jeune homme mal marié, propose de se substituer à l’épouse réticente, pour l’exil vers l’Amérique du sud. Echange d’identité _ ouverte ou à ouvrir… _, autre thème troublant du recueil. 

Les personnages sont tous des voyageurs dont les « fragments _ forcément : toute conscience est partielle tant dans l’espace que dans le temps _ de conscience, les souvenirs, les voix _ oui ! _ et les images _ aussi : quand elles sont ouvertes _ de l’existence qui s’éteint » sont peut-être, imagine l’écrivain-cinaste, rassemblés sur des « îles à la dérive sur une mer nocturne ». Un pianiste de cabaret, des écrivains, des artistes, des rêveurs, de vieilles érudites, des amants sans partenaire, des proscrits miraculeusement protégés par des sortes d’anges sans ailes se croisent, se côtoient _ voilà : parfois se rencontrent _ et constituent une patrie secrète _ et chaude, chaleureuse et respirable _, sans frontière, sans autre définition que leur profonde humanité _ non inhumaine !

René de Ceccatty

(1) La fiancée d’Odessa (traduit par Jean-Marie Saint-Lu, postface d’Alberto Manguel), Actes Sud, coll. « Le cabinet de lecture », 160p.

Bonnes lectures !

Ce mercredi 8 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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