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Le passionnant Hors-Série « Plossu expérimental ? ! » de la revue Mettray : une poiesis du photographier à la fois singulier en même temps que très normal (voire universel) de Bernard Plossu ; ou son art d’accueillir ce qui se présente dans l’acte même du photographier, d’abord ; mais aussi dans l’opération de reprise et sélection des images, face aux planches-contact, chez lui, à La Ciotat…

21oct

Ce mois de septembre 2002,

en plus de son numéro annuel pour l’année 2022,

la très riche et originale revue Mettray de Didier Morin

publie un passionnant Hors-Série de 55 pages, intitulé « Plossu expérimental ? !« ,

de 40 photos de Bernard Plossu,

avec un judicieux texte de présentation, éclairant, de 5 pages, de Patrick de Haas,

avec les chapitres aux titres déjà un peu parlants suivants :

« Expérimentation, Expérience« , « Observer, Expérimenter« , « Photo ratée-réussie« , « Hasard », « Enfance« , « Sandwich« , « Supports, outils » et « Expérimentation, Expérience (bis)« ,

qui éclairent donc un peu une proposition de parcours, parmi d’autres, à mener par nous les regardeurs de ce riche, dense, et jouissivement toujours un peu surprenant _ pour qui, du moins, n’est pas encore familier de l’œuvre multiforme et tellement formidablement ouverte de Bernard Plossu _ fascicule…

Un opus de papier souple indispensable _ rien moins ! _ à qui s’intéresse si peu que ce soit à ce qui sous-tend et innerve consubstantiellement la pratique assez singulière en même temps que très normale et même quasi universelle du photographier si impactant de Bernard Plossu

_ cf par exemple aussi, en cette veine, « L’Abstraction invisible » le podcast de (50′) de notre entretien sur et à partir de ce livre le 31 janvier 2014, dans les salons Albert Mollat de la Librairie Mollat ; ainsi que mon article du 16 février 2014 « « … _ ;

avec la largesse infinie de son art d’accueillir, y compris a posteriori aussi de son geste de photographier, tout ce qui vient se présenter à lui,

y compris donc au moment _ « expérimental » si l’on veut ; toujours second, et jamais forcé... _ à la fois encore inquiet mais surtout rasséréné et jouissif, chez lui, de passer en revue et contempler à la volée, maintenant, avec son regard incisif, rapidissime mais auquel rien n’échappe, les planches-contact des photos qu’il a su saisir, auparavant, en ses « campagnes » photographiques plus ou moins organisées, et parfois pas du tout _ Bernard Plossu ayant en permanence avec lui, à portée de sa main, au moins un appareil photographique, en une sorte de « campagne » ouverte de photographier permanente, face à ce qui va survenir… _  dans l’instantanéité toujours surprenante de son geste intensément ouvert et hyper-accueillant de photographier…

Oui, tout un art d’accueillir :

 

d’abord, bien sûr, sur le champ même de l’acte ultra-rapide et surprenant de photographier ce qui advient et se présente à son regard et à son objectif ;

mais, aussi, en un second, voire un troisième temps, aux moments un plus sereins, cette fois, chez lui, à La Ciotat, du passage en revue des séries réunies de planches-contacts en vue

ou bien d’un recueil en livre (et de son ultra- décisive mise en pages !),

ou bien d’un montage (tout aussi ultra-décisif !) à commencer à concevoir pour réaliser, une fois sur place, nécessairement, la composition la plus intelligente et plastique possible des panneaux sur cimaises d’une exposition à monter de ces images advenues et puis choisies à garder et montrer, partager… 

Toute une poiesis, donc, du « trouvé-créé« ,

selon la superbe expression d’Alain Bergala, pour Mettray, en 2020, à propos des photos de Françoise Nuñez, citée par Patrick de Haas, à la page 4.

Un grand merci !

Ce vendredi 21 octobre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. D’abord le pourquoi du choix de la couleur plutôt que du noir et blanc…

06nov

Hier, je me suis résolu à un choix de 13 images, parmi les 80 du récent admirable « Tirages Fresson » de Bernard Plossu,

paru chez Textuel :

Il va donc me falloir mettre quelques mots et phrases sur ces prédilections singulières…

Mais à l’instant,

peut-être pour me rassurer un peu avant d’affronter cette singularité de chacune de ces 13 images,

et aussi commencer à me mettre en jambes sur les raisons de cette option plossuïenne de la couleur,

je viens de relire le chapitre terminal (pages 195 à 202) de l’excellent entretien de Bernard Plossu avec Christophe Berthoud, « L’Abstraction invisible« ,

paru en septembre 2013,

le chapitre intitulé, justement, « Couleur & noir et blanc« .

Le choix de la couleur _ plutôt que du noir et blanc _ est pour Bernard Plossu essentiellement une affaire d' »ambiance » _ absolument spécifique, chaque fois _

et de « raisons poétiques » _ propres _ (page 95).

« Parce que je recherche avant tout _ par la photo, l’obtention de la restitution finale d’ _ une ambiance _ celle de ce réel surprenant à l’instant si puissamment ressenti : exactement, d’ailleurs, comme avec le noir et blanc ! _,

je ne vois _ tout d’abord pas _ pas la différence avec la manière dont le cerveau _ photographique _ fonctionne en noir et blanc« , commence Bernard par répondre à la question _ en effet basique _ de Christophe Berthoud : « Qu’est-ce qui t’incite à opter pour la couleur ou pour le noir en blanc ?« .

Juste avant d’ajouter :

« Ceci dit,

c’est vrai qu’il y a un « réflexe _ une impulsion immédiate _ couleur » _ je vais contredire ce que je viens d’énoncer _ où tout à coup tu vois _ ce qui s’appelle voir !!!  _ une tâche jaune _ qui rencontre et accroche ton regard _ où c’est effectivement la couleur _ plus que la forme, ici _ qui t’attire _ voilà : et c’est la spécificité de cette « ambiance«  colorée-ci, en son étrange singularité, qu’il s’agit, maintenant, de saisir et servir : le mieux possible, photographiquement ; telle une réponse immédiate, ici et sur le champ, à un défi iconique ! ; agir photographiquement sur le champ le plus adéquatement possible, en vue de ce qui sera le rendu le plus juste, le plus vrai, de cette émotion (et « ambiance » propre et unique), en l’image photographique qui va en résulter… _, et tu fais _ alors _ une image que tu n’aurais pas forcément faite en noir et blanc. (…)

Je crois que les deux cas se rencontrent. Parfois tu es vraiment dans la similitude _ du cas du noir et blanc et du cas de la couleur _, parfois tu es dans le détail _ archi-singulier _ de couleur _ même. (…)

Quand c’est une question d’ambiance, il m’arrive _ même, parfois _ de faire les deux, comme un jeu _ juste pour voir ludiquement, puis comparer, ce qui pourra sortir chaque fois en fait de justesse du « rendu«  photographique final, à venir, de cette émotion originelle éprouvée ici au plus vif de l’archi brève bourrasque kinesthésique déclencheuse, éprouvée, sur ce vif, telle l’opportunissime alerte formidablement bienveillante d’une piqûre de guêpe, fonctionnant comme l’éclair fulgurant d’un formidablement judicieux avertissement du geste photographique à avoir, ici et maintenant (et pas ailleurs ni plus tard : trop tard !), en vue de la plus parfaite charge intensive possible de « vérité poétique«  de l’image photographique qui viendra en résulter. L’épreuve d’un tel formidable jeu (à plus ou moins long terme éreintant, aussi…), sous les auspices follement généreux du diaboliquement malin et terriblement cruel Kairos (sans rattrapage possible de ce qui n’aura pas été, sur le champ même, saisi !), étant, bien sûr, on ne peut plus décisif dans la pratique photographique, face à l’inépuisable trésor offert et disponible du réel si merveilleusement sensible, hyper-kinesthésique, de Bernard Plossu : par la qualité singulière rare de sa vigilance supérieurement attentive. Quel œil il a !

Mais je produis _ quantitativement, à la différence d’un Saul Leiter, par exemple _ plus de noir et blanc que de couleur. » (pages 197-198).

Et page 201, à la question « Comment archives-tu tes images ?« ,

Bernard Plossu répond : « Il n’y a que moi qui m’y retrouve.

En général, je classe par année,

parfois non, dans le cas de commandes par exemple, comme les vêtements Woolrich ou les commandes d’architecture : il existe un dossier Ricciotti, un dossier Fuksas, un dossier Hondelatte…

Sinon oui,

j’archive par année, par pays _ c’est tout ce que je supporte comme légende de toute façon _ voilà qui rejoint parfaitement mes remarques d’hier, au seul souvenir de commentaires d’accrochages d’expos de Bernard…

J’essaye aussi de constituer des dossiers par thèmes _ en vue de futurs petits livres cohérents, par exemple _ : les chats, les arbres, les natures mortes. (…)

J’ai également des dossiers de choses plus abstraites, comme l’amour, la lune, la mort… des énormes dossiers. »  

Ainsi, pour ce qui me concerne,

ne m’attaquerai-je que demain à affronter la passablement difficile haute question de la passionnante singularité _ fascinante _ des images choisies ici en ma prédilection…

Ce vendredi 6 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un nouveau Fresson de Bernard Plossu !

22oct

Chouette !

Paraît _ le 28 octobre prochain _ un nouveau Couleurs Fresson de Bernard Plossu, aux Éditions Textuel !

Plossu couleur Fresson : exposition, Nice, Théâtre de la photographie et de l'image, 21 déc. 2007-16 mars 2008

Et lui s’intitule « Tirages Fresson « …

Bernard Plossu : tirages Fresson

Pour commode rappel, ceci :

Mon amitié avec Bernard Plossu remonte à notre rencontre, à la librairie Mollat, en décembre 2006.
Et le 31 janvier 2014, j’ai reçu Bernard Plossu dans les superbes salons Albert-Mollat
pour un très riche entretien (de 60‘) à propos de son « L’Abstraction invisible », déjà aux Éditions Textuel _ le livre était paru le 18 septembre 2013.
Pour écouter cette mine richissime d’informations sur le parcours photographique de ce sublime regardeur pudique qu’est Bernard Plossu,
voici un lien au passionnant podcast de cette conversation d’une heure entre nous deux, en janvier 2014, dans les salons Albert-Mollat, à Bordeaux : https://www.mollat.com/podcasts/bernard-plossu.
Ainsi que l’article que j’ai consacré, le 16 février suivant, à cet entretien merveilleux et si riche sur le parcours d’une vie de création photographique de Bernard Plossu :
Depuis l’ouverture, le 3 juillet 2008, de mon blog En cherchant bien sur le site de la librairie Mollat,
j’ai multiplié les articles concernant les expositions _ tout particulièrement celles à la Galerie Arrêt sur l’image, de notre amie Nathalie Lamire-Fabre, à Bordeaux, parmi lesquelles, du 3 décembre 2015 au 26 janvier 2016, la magique exposition intitulée « Italie Couleur Fresson« … _ et les livres de photos de Bernard Plossu ;
parmi lesquels articles, ceux-ci :
_ le 15 juillet 2008 : «  »
Voilà donc l’article un peu détaillé que j’avais à cœur de consacrer au si merveilleux travail _ sublime ! _ des tirages Fresson de mon ami Bernard Plossu,
que je place _ Bernard, qui le sait, me le dit lui-même en notre entretien (lien), chez Mollat, le 31 janvier 2014, à 52’45 très précisément ! _ au pinacle de la photographie !!! J’adore cette sensualité si extraordinaire (et pudique) des tirages Fresson…
Et depuis 52’30 jusqu’à 55’ 50 de ce podcast d’une heure (lien),
Bernard Plossu parle très précisément de ce somptueux procédé Fresson,
ainsi que de l’histoire familiale des Fresson :
Théodore-Henri _ le fondateur de la maison : Enghien-les-Bains, 18 juin 1865 – Neuilly-sur-Seine, 15 juillet 1951 _, son fils Pierre _ Puteaux, 19 avril 1904 – Longjumeau, 5 décembre 1983 _, son petit-fils Michel _ il avait 74 ans en 2014 : né à Rueil-Malmaison le 23 mars 1936, il vient hélas de décéder tout récemment, à Créteil, ce 24 août 2020 _, et maintenant son arrière-petit-fils Jean-François Fresson _ âgé de 35 ans en 2014, au moment de notre entretien avec Bernard Plossu chez Mollat… _,
dont le laboratoire se trouve à Savigny-sur-Orge, 21 rue de la Montagne Pavée ;
soit l’histoire d’une amitié et absolue confiance entre eux de 45 ans, à la date de cet entretien, le 31 janvier 2014 : Bernard Plossu travaille avec les Fresson depuis le mois de mars 1967, nous dit-il.
Nous pouvons donc y rajouter aujourd’hui 6 ans et demi de plus d’amitié et absolue confiance entre Bernard et les Fresson, de pères en fils…
La parution de ce Tirages Fresson aux Éditions Textuel constitue donc un événement à marquer d’une pierre blanche dans le monde de la photographie.
Voilà ! C’est dit !
Ce jeudi 22 octobre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

la justesse ludique d’un photographe « à l’air libre » : Bernard Plossu en deux entretiens, « L’Abstraction invisible », avec Christophe Berthoud ; et la conversation avec Francis Lippa, dans les salons Albert-Mollat, le 31 janvier 2014

16fév

A Nathalie Lamire-Fabre et Michèle Cohen : deux fées

_ galerie Arrêt sur l’Image, Bordeaux ; galerie La Non-Maison, Aix-en-Provence

 

L’œuvre photographique de Bernard Plossu

est à la fois formidablement saisissante _ en sa double puissance de justesse et de poésie vis-à-vis du réel à expérimenter (enfin !) _ pour quiconque accepte d’y accrocher un instant plus ou moins long, et surtout intense, son regard _ ici, toujours en revenir à ce que mes amies Baldine Saint-Girons, en son L’Acte esthétique, et Marie-José Mondzain, en son Homo spectator, nomment , l’une, « l’acte esthétique« , et, l’autre,  l’« imageance« .. _ et s’en délecte avec profondeur,

et extraordinairement insaisissable

pour qui tente de la décrire et s’essaie à en proposer quelques (toujours trop pauvres et insuffisants) critères d’identification : la tâche en est joyeusement infinie, tant l’œuvre singulière de Plossu est elle-même, en son unicité, prodigalement _ c’est-à-dire avec une générosité sans fond ! _ inépuisable.

Non immobilisable.

Ce qui est le cas de tous les chefs d’œuvre de l’art vrai,

mais l’auteur-artiste, afin d’accéder à ce pouvoir (de maîtrise sans maîtrise : c’est la voie de la création vraie !) si singulier-là, doit, et cela à chaque fois, réussir à, en sa poiesis créatrice, s’abstraire de tout ce qu’il a déjà pu apprendre, et des autres, et de soi, quasi virginalement, comme toujours la première fois vraie, et qui menace endémiquement de le guider un peu trop, jusqu’à venir, se rigidifiant, se figer en recette un peu trop mécanique,

pour surmonter librement et avec fécondité ce tout à jamais provisoire et en sursis (de dépassement à venir) de son précieux bagage ; ce tout qui tout à la fois l’aide, et dont il a, en même temps, toujours à s’alléger…

La probité étant une condition absolue de la justesse !

On ne saurait badiner là-dessus…


C’est au mystère de cet oxymore somptueux plossuïen

que s’attaquent _ si j’ose le dire ainsi ; mais c’est aussi un vrai défi de l’aisthesis ! _, à la fois,

et le merveilleux livre d’entretien qu’est L’Abstraction invisible _ entretien avec Christophe Berthoud, de Bernard Plossu et Christophe Berthoud, paru aux Éditions Textuel en septembre 2013,

« fruit de plusieurs conversations qui ont eu lieu à La Ciotat et à Marseille entre novembre 2012 et mai 2013, complétées par de très nombreux échanges de courriels. Elles se sont nourries d’un important corpus de textes, articles, préfaces, notes du photographe, cités en bas de page, qui couvre plus d’une quarantaine d’années de la carrière de Bernard Plossu. Ce dialogue s’inscrit dans une relation d’amitié et de confiance qui a débuté à Paris le 16 juin 1994 sur un quai de la gare de Lyon, au départ d’un train de nuit pour Marseille » _ page 13, en conclusion du superbe et très éclairant Avant-Propos de Christophe Berthoud _ :

ce livre est un somptueux et très précieux (et rare !) sésame pour l’œuvre entier de Plossu, en son complexe et richissime parcours de par, et l’histoire existentielle de l’individu Bernard Plossu, et la géographie du monde et des personnes rencontrés et photographiés par le « photographe à l’air libre » _ ainsi que l’ont inscrit on ne peut plus officiellement les Espagnols, lorsqu’il s’est agi d’indiquer sur des papiers très officiels le statut professionnel de l’individu Bernard Plossu, lors des années qu’il a passées en Andalousie... _,

et l’entretien de Francis Lippa avec Bernard Plossu, une joyeuse heure durant, dans les salons Albert-Mollat, le vendredi 31 janvier dernier,

dont voici un lien vers le podcast (de juste une heure).

Bernard et moi nous sommes rencontrés le 22 décembre 2006, à 18h 15 très précisément, au rayon Beaux-Arts de la librairie Mollat, où Bernard était venu pour une séance de signature _ elle dura un quart d’heure… _ du merveilleux Bernard Plossu Rétrospective 1963-2003, un ouvrage crucial !, accompagnant la très importante exposition éponyme conçue par Gilles Mora, qui allait se tenir au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, du 16 février au 28 mai 2007 ; et début décembre, en liaison avec les travaux de mon atelier Habiter en poète, et de son projet de voyage napolitain, après Rome et Lisbonne, j’avais acheté son merveilleux, aussi, L’Europe du sud contemporaine, dont je me délectais… :

trois-quart d’heure durant, ce 22 décembre 2006-là, nous avons alors parlé passionnément de l’Italie _ j’avais donc en projet d’amener mon atelier Habiter en poète à Naples, prendre des photos autour du stupéfiant Je veux tout voir, de Diego De Silva _ de littérature et d’écrivains italiens _ et tout particulièrement d’Elisabetta Rasy, que nous avions longuement rencontrée à Rome, tout près de sa maison d’enfance, pour le travail de notre atelier de pratique artistique (avec le photographe bordelais et ami Alain Béguerie), autour du fascinant roman (romain), en partie autobiographique Entre nous d’Elisabetta Rasy : Elisabetta et sa mère (et son petit frère) habitaient dans un quartier charmant non loin de la Via Nomentana et juste à côté du parc de la Villa Paganini)… _,

et Bernard se mettant à me tutoyer au bout d’un quart d’heure… ;

et ainsi débuta une correspondance frénétique de courriels, chacun dans son style _ une correspondance dont les trois premiers mois faillirent même faire l’objet d’une publication : projet heureusement avorté ! _,

et notre amitié…

On pourra aussi se reporter à mon article du 27 janvier 2010

sur les deux magnifiques expos Plossu-Cinéma au Frac de Marseille, que dirige Pascal Neveux, et à La Non-Maison d’Aix-en-Provence, de la fée, et notre amie, Michèle Cohen,

aux vernissages desquelles expositions je m’étais rendu en janvier 2010 :

L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre « Plossu Cinéma » 

Au-delà de « la liberté sans cesse en mouvement«  (page 9) qui caractérise si bien Bernard Plossu _ en exergue du livre, est placée cette phrase de Bernard : « Dans ce qui était prévu pour moi, il y avait le fait d’être de tel pays, telle ville, tel village ; je fais partie des gens qui ont besoin de se tirer«  _,

et au-delà « des photographies imparfaites du point de vue d’une certaine orthodoxie,

tremblées, bougées, sombres ou surexposées,

mais traductions fidèles d’une expérience » généreusement offerte à nos regards émerveillés, qui la partagent ainsi _,

c’est « tout un pan lumineux, et net, de sa production,

un classicisme revendiqué,

une filiation avec le photographe Paul Strand _ oui ! cf cet absolu petit bijou qu’est French cubism _ Hommage à Paul Strand, que la Non-Maison a publié en juin 2009 _ ou des peintres comme Corot _ oui… _ et Leroy« 

que Christophe Berthoud amène, en cet entretien avec lui, l’auteur Bernard Plossu,

a contrario _ mais sans renier l’autre pan… _,

à mettre mieux en lumière.

Car toujours « cet abandon à l’expérience _ dans l’acte du photographier _

reposait en réalité sur une vision extrêmement maîtrisée et structurée » _ en cet acte même et son instantanéité.

La « pensée » _ photographiante _ de Bernard Plossu ne procède jamais « par exclusion, mais par glissement,

pas nécessairement contre, mais ailleurs » (page 10) :

en douceur…


En conséquence, ce livre abordera parallèlement au Plossu bien connu « en rupture de ban« ,

« une autre aventure,

spirituelle, esthétique _ et tout aussi prosaïquement matérielle que poétiquement métaphysique, si l’on peut dire : les deux allant consubstantiellement, et même charnellement, de pair en l’acte photographique de Bernard Plossu _,

celle d’une vision qui apparaît « spontanément », écrira un Denis Roche, dans toute la maîtrise de son expression _ cf le miracle du Voyage mexicain, qui paraît en 1979, mais à partir de photos réalisées en 1965 et 1966 : oui, oui !..  _,

mais qui mettra une dizaine d’années _ à partir de 1975-76 ; cf le chapitre « L’appel du livre« , pages 57 à 61, qui le détaille… _ à comprendre sa force

et à se libérer des influences d’une époque dans ce qu’elles ont _ la mode est ce qui se démode… _ de plus éphémère et périssable. (…)

Cet arrachement aux concessions du moment, aux effets faciles du grand angle, aux séductions des points de vue spectaculaires,

pour revenir à la justesse et à la vérité _ absolument !!! _ des débuts

_ ceux du merveilleux (et virginal) Voyage mexicain : l’éblouissement aujourd’hui est plus fort que jamais !  _,

Plossu en parlera constamment par la suite.

Cette distance et ce ton juste,

c’est l’objectif 50 mm, répète-t-il à satiété,

au risque de résumer la force de son œuvre à ce détail technique, ou ce qui pourrait sembler tel.

En fait, il y a une profonde cohérence,

et ce livre ambitionne à le montrer,

entre sa vision qui s’exprime à travers cette focale « sans esbroufe » _ à l’opposé d’un Sebastiao Salgado, par exemple : « Salgado et moi nous avons la même étiquette de photographe, mais on ne fait pas du tout le même métier. Je n’ai rien à voir avec lui. C’est un autre langage » ; Bernard se sentant, en revanche, bien « plus proche d’un artiste comme Patrick Sainton«  ; et Bernard d’évoquer alors sa propre pratique du dessin (en son œuvre, sa poiesis même, photographique…) : « Dessiner est ma façon d’enclencher un processus de réflexion autour de l’image qui passe chez moi par le geste, par le jeu. Cela participe des expérimentations visuelles qui me rendent plus proche d’un artiste comme Patrick Sainton que d’un Sebastiao Salgado« , page 151 _

et une attitude plus générale dans la vie qui peut s’interpréter comme une forme de puritanisme«  (page 11) _ toute de pudeur et de profonde modestie, et inquiète.

«  »Vision », ici, a le sens plus large de « conception du monde ».

Elle s’emploie à ramener à des proportions modestes _ comme c’est juste ! _ ce qui tendrait au sublime, au grandiose, au grandiloquent ;

à l’inverse, Plossu exhausse des détails _ du quotidien le plus apparemment trivial ;

et ici il s’inscrit dans la filiation esthétique d’un Walter Benjamin et d’un Siegfried Kracauer ; sur ce dernier vient de paraître un très intéressant Kracauer, l’exilé, de Martin Jay _,

promeut les instants « non décisifs » _ sur le rapport de Bernard Plossu à Henri Cartier-Bresson, cf les pages 120 à 122 ; cf aussi le passionnant et magnifique album de Clément Chéroux Henri Cartier-Bresson ici et maintenant, sur l’expo qu’il nous offre au Centre Pompidou… _,

réhabilite des lumières dont les photographes se défient.

Ceci vaut pour les motifs qu’il photographie

comme pour les moyens techniques qu’il se donne _ l’appareil jetable en est l’exemple le plus parlant«  (pages 10-11).

Ainsi, pour Bernard Plossu, « la haute culture sera toujours un objet soumis à l’épreuve _ cruciale et basique pour lui _ de l’expérience.

Voir _ lui, prenant la photo, puis nous, la regardant _ un Morandi ou un Malévitch

devant un vieux mur ou dans l’agencement d’une palissade,

équivaut à faire entrer l’art dans la sphère _ simplement fondamentale _ du quotidien.

L’aventure qui traverse l’œuvre de Plossu

est cette perpétuelle fécondation du réel par l’art,

mais en retour une perpétuelle vérification de l’art sur le banc d’essai du réel _ oui !

Le séjour à Taos, sur les plateaux du Nouveau-Mexique, représente un moment clé dans cette histoire, à 2000 mètres d’altitude,

dans un décor qui ressemble davantage à un tableau hivernal de Bruegel qu’à un cliché de l’Ouest américain, dira le photographe.

Taos, c’est la rencontre _ on ne peut plus contingente en son improbabilité ! en ce désert-là !.. _ de Plossu, autodidacte,

avec Corot, l’expressionnisme allemand, l’école romaine _ qu’il dévore en bibliothèque : celle « de la fondation Harwood, riche d’ouvrages d’art que beaucoup de gens cultivés ayant vécu au Nouveau-Mexique avaient légués à leur mort. Il n’y avait pas beaucoup de livres de peinture chez mes parents, c’est à Taos que je m’y suis mis vraiment. » De même que « c’est à Taos que j’ai lu les deux grands livres qui comptent énormément pour moi : La Connaissance de la douleur de Carlo Emilio Gadda et La Conscience de Zeno d’Italo Zvevo » (page 83).

Pour autant, Plossu ne reniera pas ses premiers engouements,

et, revenant sur la notion de vision « spontanée »,

rend hommage à ces influences qui l’ont marqué très jeune,

la bande dessinée,

le cinéma _ cf le merveilleux Plossu-Cinéma, à partir d’une intuition initiale de Michèle Cohen avec Bernard Plossu : j’étais présent à La Ciotat à la première séance de travail, avec Pascal Neveux aussi, qui mena à la double exposition merveilleuse du Frac de Marseille et de la NonMaison d’Aix-en-Provence… _,

les dessins satiriques,

les tableaux qu’il s’efforça à l’âge de 12, 13 ans de reproduire en peinture«  (page 12).

Et « la pratique du flou« 

sera remise « dans la perspective d’une écriture visuelle inventive et _ joyeusement ludique _ en perpétuelle recherche« ,

mettant l’accent sur le caractère « a-contemporain » _ à dimension d’éternité, ajouterai-je, spinozistement : d’où le sentiment de la joie, comme accomplissement des potentialités ; très loin des philosophies tristounettes de la finitude… _ de Bernard Plossu auteur.

Car « retracer le parcours de Bernard Plossu,

un demi-siècle de prises de vues,

ce n’est pas évoquer en effet le passage du temps,

mais le nier, ou plutôt le plier _ Hegel parlerait ici du processus de aufhebung _ au rythme d’une œuvre qui se déploie avec sa logique étrangère aux modes.

Une photographie réalisée en 1963 joue avec une photographie prise en 2004,

des obsessions et des thématiques enjambent les décennies,

et des images inédites réalisées en 1974 sont publiées en 2013 avec une charge visuelle intacte, actuelle«  (pages 12-13), par la grâce de la prodigieuse mémoire photographique de Bernard Plossu…

Les capacités à la fois d’analyse (du détail) et de synthèse (de ce qui ressort de l’ensemble de l’œuvre Plossu envisagé en sa quasi intégralité !) de l’ami Christophe Berthoud

afin de mettre en évidence, et révéler, en ses arcanes, la singularité de l’idiosyncrasie de Bernard Plossu, auteur photographe « à l’air libre« ,

sont remarquables de perspicacité en l’amplitude et la justesse de leur empathie…

Chapeau le regardeur !

Titus Curiosus, ce 16 février 2014

Post-scriptum :

en feuilletant d’anciens agendas,

en tête de celui de 2009-2010, et en réponse à quelques questions de Gwénaël Lemouée, du Provençal,

« Est-il différent de photographier l’ailleurs et le lieu où l’on vit ?« ,  « Avez-vous toujours le même plaisir à travailler ? » et « Qu’est-ce qu’une bonne photo ?« ,

je retrouve ceci, de Bernard Plossu :

_ « Pour moi, c’est pareil : en tant que photographe, on est prêt à saisir _ voilà : saisir ; et puis donner _ le hasard partout et tout le temps ; l’œil n’est jamais en repos. Je ne peux plus ne pas voir » ;

_ « La photographie me plaît toujours autant : c’est LE langage du réel. On y comprend _ rien moins ! voilà l’intelligence prodigieuse du créateur ! _ le monde et tout ce qu’il s’y passe, soit dans le contexte social ou écologique, soit tout simplement dans la poésie _ eh oui ! « Ce qui demeure, les poètes le fondent« , dit Hölderlin… _ des moments et des lieux ou des situations » _ hic et nunc _ ;

_ « Souvent une bonne photo est mystérieuse. C’est même impossible de dire pourquoi elle est bonne. Il y a même des photos qui peuvent être bonnes, car remplies de poésie. C’est peut-être ça que j’essaye de capter  _ par la magie de la photo prise. Le mystère des choses, du temps, de la vie.« 

Tout y est dit.

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