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« Austérité et sensualité, rigueur et liberté » : les oxymores de la musique de César Franck, en un nouveau singulier CD (PDD 033) du Palais des Dégustateurs, de l’ami Eric Rouyer…

30oct

Outre la qualité de son oreille musicale, la fidélité amicale et musicienne est une des vertus d’Éric Rouyer,

l’âme éditoriale du passionnant label, toujours exigeant, Le Palais des Dégustateurs…

Ce mois d’octobre-ci 2023, paraît le CD PDD 033 de ce label, consacré à « César Franck et Blanche Selva« , par le piano toujours délié de Jean-Claude Vanden Eynden…

Outre un article très positif sur ce CD sous la plume de Jacques Bonnaure, à la page 82 du numéro 257 du Classica de ce mois de novembre, dont je retiens les excellentes expressions de « austérité et sensualité, rigueur et liberté » pour caractériser la singularité musicale de César Franck,

voici deux autres commentaires très laudatifs,

l’un de Michel Tibbaut :

« Bien cher Éric,

Votre CD Franck – Selva – Vanden Eynden est une pure merveille ! Aucune interprétation du Prélude, Choral et Fugue ne me satisfaisait vraiment entièrement… jusqu’à l’écoute de cette miraculeuse version ! Les tempos sont idéaux, ce qui est essentiel dans cette œuvre. Quant à l’émotion…
Les deux pages de Blanche Selva m’ont rappelé que Déodat de Séverac était son musicien de cœur » ;

et l’autre de Jean Lacroix _ dont on apprécie la plume et le jugement en ses articles de Crescendo _ :`

« Cher Monsieur Rouyer,

Après audition du disque de Jean-Claude Vanden Eynden, je partage tout à fait l’avis de Michel Tibbaut.
Le pianiste donne de Franck une magistrale vision personnelle, qui fouille la partition jusque dans son âme même, avec une sonorité ample et chaleureuse. Il y a beaucoup de sincérité chez Vanden Eynden, et l’on sent, comme il le dit dans sa note du 5 octobre, qu’il a une réelle intimité avec l’œuvre et que son interprétation résulte d’une véritable recherche de sens.
Le plaisir est grand aussi de découvrir sa lecture de Blanche Selva que je connais bien grâce, notamment, à Monsieur Guy Selva, avec lequel j’ai des échanges depuis quelques années déjà. Non seulement la transcription des Trois Chorals est éloquente, mais le charme de ses deux pièces ajoutées agit à plein régime.
Voilà un très beau CD, que je ne manquerai pas de saluer comme il le mérite dans mon futur texte sur le Palais des Dégustateurs. »
Ainsi que le podcast d’un entretien (de 31′ 28) entre Jean-Claude Vanden Eynden et Éric Rouyer, dans l’émission « Isère classique » de RCF radio, diffusée le 22 octobre dernier…

Une très belle réalisation discographique, donc…

Ce lundi 30 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sur la réception par la critique de « Vêpres de la Vierge » de Monteverdi en Cinémascope, technicolor et relief, par Pygmalion : quelques écoutes un peu diverses…

18oct

Le double CD Harmonia Mindi HMM 902710.11 des « Vespro della Beate Vergine » de Claudio Monteverdi _ ce chef d’œuvre magistral et renversant de 1610, composé à Mantoue, mais destiné à Venise… _ par l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, a reçu des appréciations un peu contrastées de la critique ;

par exemple, sous la plume de Frédéric Degroote à page 84 du Diapason n° 726 de ce mois d’octobre-ci (3 étoiles),

et sous celle de Philippe Venturini à la page 84 du Classica n° 256 de ce même mois d’octobre (5 étoiles).

Frédéric Degroote, dans Diapason :

« Dès le martèlement de l’invitatoire Deus in adjutorium, le ton est donné : celui d’un Vespro vocalement et orchestralement opulent, alignant plus de 35 choristes et 25 instrumentistes, sans compter les solistes.

(…)

Tout dans sa relecture millimétrée est surligné en jaune fluo, à coups de vifs contrastes ou de superpositions d’instruments.

L’Ave maris stella accuse une lenteur à faire suffoquer les chanteurs ; l’Amen final, pourtant noté sans changement de tempo, s’étire davantage encore, dans un crescendo à l’extase superlative. Dans le Gloria Patri du Magnificat, Pichon passe outre les chiavette _ ces clefs indiquant qu’il faut transposer une quarte plus bas, et non jouer dans le ton écrit _ et se targue de faire chanter des sol aigus aux deux ténors pour « décupler l’impact émotionnel ». La fin prévue par Monteverdi semblant ne pas lui suffire, il calque sur le Fidelium animæ la toccata d’ouverture sous prétexte d’arguments doxologiques.

Si l’on s’étonne de ces libertés philologiques, on ne peut que louer la réactivité des forces en place pour défendre cette vision à la loupe, ce Monteverdi en réalité augmentée. Au moins cette expérience sonore, où règne un mysticisme de pacotille, reflète-t-elle fidèlement l’une des définitions que le chef donne des Vêpres de Monteverdi : « la première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« . Au point que l’on croit aisément être revenu d’un péplum« .

Et puis Philippe Venturini, dans Classica :

« Depuis le concert de février 2019 à la chapelle royale du château de Versailles, capté puis publié en DVD par Château de Versailles Spectacles (…)Raphaël Pichon conserve une conception foisonnante et recueillie à la fois, nourrie du faste de l’église comme de la vitalité du théâtre, du tumulte du Tintoret comme de la richesse chromatique de Véronèse. L’effectif fourni du chœur (une trentaine de chanteurs) et la variété de l’orchestre, permettent de souligner _ et non pas surligner, ici _ les styles ancien et moderne, de distinguer les pièces polyphoniques chorales (les 5 psaumes) des motets solistes (les 4 concerti sacri annoncés sur la partition), d’éclairer cette « première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« .

Contrairement à René Jacobs (Harmonia Mundi, 1995), Gabriel Garrido (K617, 1999) ou Jordi Savall (Alia Vox, 1988), Raphaël Pichon ne recourt pas aux interpolations en grégorien, sauf pour la conclusion (Domine, exaudi orationem meam), qui récite la toccata d’ouverture, et insère le motet Sancta Maria, succurre miseris SV 328.

La prise de son généreuse d’Hugues Deschaux, permet de disposer d’une matière sonore onctueuse qui, heureusement, ne brouille pas la polyphonie et maintient les solistes dans un espace global.

Comme à son habitude, Raphaël Pichon prête attention au texte, que ce soit dans la torrentielle réponse à l’appel initial, les différents épisodes du Dixit Dominus (les temps forts bien marqués sur « conquassabit« , la fluidité du « De torrente« ), ou du Magnificat qui investit un vaste espace.  La grâce surnaturelle du Nigra sum d’Emiliano Gonzales Toro, la sensualité du Pulchra es de Céline Scheen et Perrine Devillers, l’énergie du Fecit potentiam de Lucile Richardot, participent à cette « expérience de l’extase » _ orgasmique ? _ que cherche le chef« .

Cf aussi l’article, uniment laudatif, lui, intitulé « Ode mariale » de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, en date du 15 setembre dernier.

ODE MARIALE

En février 2019, la Chapelle Royale résonnait de fulgurantes Vêpres à la Vierge, Monteverdi investissait le temple du Grand Siècle sous la conduite ardente _ voilà _ de Raphaël Pichon. Ceux qui étaient présents ont gardé de cette aventure des souvenirs pour la vie, heureusement le label du Château de Versailles a publié la captation filmée de ces soirées historiques.



Mais Raphaël Pichon est en constant « work in progress ». Adieu l’image, ces nouvelles Vêpres seront toute entières sonores, et gardent des solistes prestigieux des concerts de Versailles les seuls Lucile Richardot – son Fecit potentiam est historique -, Nicolas Brooymans et le saisissant doublé des ténors, Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder, le premier atteignant au sublime ici plus qu’encore qu’à Versailles pour Nigra sum.

Adieux les mises en espaces, au Temple du Saint-Esprit à Paris, dans la roideur post-pandémique de janvier 2022, Raphaël Pichon réinvente « ses » Vêpres, assumant leur caractère disparate, les espaçant de plain-chant, dorant à force cornets et saqueboutes les icônes, et célébrant, dans une spatialisation savante qui songe toutes oreilles ouvertes aux espaces oniriques de San Marco _ forcément… _, les polyphonies gabrielliennes _ oui. La nudité des a capella adossés aux fastes des célébrations, tout rend compte des multiples visages de ces Vêpres qu’on sait composites.

Miracle, elles coulent enfin d’une seule ligne, tour à tour ténue ou spectaculaire, comme elles ne l’avaient plus fait depuis la version princeps _ celle de 1964, celle de 1989 ? _ de John Eliot Gardiner, ce n’est pas sous ma plume un mince hommage à l’art de ce jeune homme qui n’aime se confronter qu’aux chefs-d’œuvre, l’année passée une Saint Matthieu bouleversante, aujourd’hui ces Vêpres éloquentes, à quoi pense-t-il pour demain ?

LE DISQUE DU JOUR

Claudio Monteverdi
(1567-1643)

Vespro della Beata Vergine,
SV 206

Pygmalion
Raphaël Pichon, direction

Céline Scheen, soprano
Perrine Devillers, soprano
Lucile Richardot, mezzo-soprano
Emiliano Gonzalez Toro, ténor
Zachary Wilder, ténor
Antonin Rondepierre, ténor
Étienne Bazola, basse
Nicolas Brooymans, basse
Renaud Brès, basse

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902710.11

Photo à la une : le chef Raphaël Pichon – Photo : © DR

Des regards tous trois intéressants,

en harmonie aussi avec ma propre écoute, impressionnée… 

Ce mercredi 18 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dans l’actualité discographique Ravel, une interprétation du Trio pour piano, violon et violoncelle, en la mineur (de l’été 1914), de Maurice Ravel, par le Trio Metral, à La Dolce Volta…

13oct

Au sein d’une assez riche actualité discographique _ et c’est déjà un phénomène tout à fait notable… _ Ravel,

une nouvelle interprétation du Trio pour piano, violon et violoncelle, en la mineur, de Maurice Ravel _ composé en 1914 à Ciboure et Saint-Jean-de-Luz _,

par le Trio Metral (à La Dolce Volta) _ soit le CD LDV 122 _, a retenu mon attention…

Deux CDs surtout m’ont convaincu de cette brillante et justissime actualité discographique Ravel cette saison :

_ d’abord le merveilleux et totalement convaincant CD Avi-Music 855 3526 _ enregistré à Baden-Baden au mois de septembre 2022 _ « Maurice Ravel in Search of Lost Dance« , du formidable Linos Piano Trio

_ cf mes 3 articles des

13 juillet « « ,

14 juillet «  »

et 19 août 2023 «  »

dont les titres, déjà, parlent on ne peut plus clairement… _ :

je découvrais vraiment pour la toute première fois la vérité de ce chef d’œuvre ravélien jusque là pas assez clairement servi par les autres interprètes qu’est ce sublime « Trio pour piano, violon et violoncelle » de 1914… ;

puis l’excellentissime merveilleux double album La Dolce Volta LDV 109.0 _ enregistré à Metz au mois d’avril 2022 _ « Maurice Ravel L’Œuvre pour piano » de Philippe Bianconi…

_ cf mes 2 articles des

27 septembre « « ,

et 29 septembre 2023 «  »

dont, à nouveau, les titres disent déjà presque tout… _ :

rarement le piano de Ravel avait sonné aussi clairement et aussi justement…

Un tel élan d’enthousiasme ravelien _ justesse, clarté, force même et incisivité tranchante de la musique (à la Janacek ou à la Bartok, mais oui !), par-delà la timidité et pudeur de l’homme Ravel en son quotidien des jours un peu trop souvent gris, quand il ne se trouvait pas à ses Ciboure et Saint-Jean-de-Luz… _ était là donné

que je me suis demandé s’il ne me fallait pas devenir bien plus attentif aux présentes réalisations discographiques raveliennes…

Il me faut dire d’abord que la déception que j’ai éprouvée à la première écoute de ce CD « Chausson – Ravel – Piano Trios » du Trio Metral a été probablement due à l’ordre d’écoute de ces deux œuvres en ce CD : d’abord le « Trio » Op. 3 de Chausson (Paris, 20 janvier 1855 – Limay, 10 juin 1899), composé _ en Suisse _ durant l’été 1881 , avant le « Trio pour piano, violon et violoncelle » de Ravel (Ciboure, 7 mars 1875 – Paris, 28 décempbre 1937), composé, lui, à Saint-Jean-de-Luz _ cf les précisions de mon article «  » du 14 juillet 2023 : « l’œuvre fut conçue à Saint-Jean-de-Luz, de fin juin à fin août 1914, à la maison Ongi Ethori, 23 rue Sopite, où réside alors Ravel (ainsi que sa Corrrespondance, de la page 374 à la page 388 de la somme magnifique publiée par Manuel Cornejo, en fait parfaitement foi)…« … _ ; or cette œuvre de relative jeunesse d’Ernest Chausson _ l’été 1881, le compositeur, d’abord autodidacte en musique, avant de recevoir, en 1878, les leçons de Jules Massenet et,  peu après, celles de César Franck, avait 26 ans _ ne possède pas tout à fait la maturité ni la perfection achevée du chef d’œuvre de Maurice Ravel de l’été 1914 _ Ravel, lui, était alors âgé de 39 ans…

Et ensuite que mon écoute de ce « Trio » de Ravel par le Trio Metral, ce mois d’octobre, a souffert de mon ravissement de l’interprétation éblouissante du Linos Piano Trio, au mois de juillet dernier :

jamais ce chef d’œuvre de Ravel _ il y tenait beaucoup ! _ n’avait été ainsi révélé en toute sa splendeur et richesses avant cette interprétation somptueuse de vie et de justesse du Linos Piano Trio !!!

Mais après comparaisons attentives avec 8 autres interprétations du « Trio » de Ravel,

par l’Altenberg Trio Wien (CD Challenge Classics, enregistré en janvier 1997), le Trio Wanderer (CD Harmonia Mundi, en janvier 1999), Pascal Rogé, Mie Kobayashi et Yoko Hasewaga (CD Onyx, en juin 2002), le Trio Chausson (CD Mirare, en mai 2007), le Trio Cérès (CD Œhms Classics, en juin 2008), le Trio Dali (CD Fuga Libera, en juillet 2008) et le Linos Piano Trio (CD Avi-Music, en septembre 2022),

il me faut ré-évaluer cette interprétation du Trio Metral : juste en dessous de celle du Linos Piano Trio…

De même,

j’ai procédé à une comparaison attentive de l’interprétation du « Trio » Op. 3 de Chausson par le Trio Metral en ce CD La Dolce Volta LDV 122,

avec 3 autres interprétations en des CDs de ma discothèque personnelle, celles du Trio Wanderer, de janvier 1999 ; celle de Pascal Rogé, Mie Kobayashi et Yoko Hasewaga, de juin 2002 ; et celle du Trio Chausson, de mai 2007 : elle me paraît tout à fait honorable, en cette comparaison…

Il me faut aussi mentionner aussi les avis diamétralement opposés des critiques Gérard Condé, plutôt assassin pour ce CD du Trio Metral _ en particulier pour sa prise de son et le mixage de Ken Yoshida (« les questions d’équilibre devraient être du seul ressort des instrumentistes« ) ; mais aussi : « Il y aurait quelques réserves à formuler sur l’attention portée au phrasé. Certes, ça avance… mais on se sent davantage poussé qu’entraîné vers un but«  _, aux pages 71-72 du n° 726 (octobre 2023) de Diapason,

et Gérard Belvire, élogieux, lui _ « Le trio fondé par le pianiste Victor Metral signe un troisième disque attestant que ce jeune ensemble reste l’une des meilleures formations hexagonales. (…) Le couplage Ravel/Chausson ne fait plus figure de rareté (…) mais, à l’ombre du Trio (1914) du premier, la partition juvénile (1881) du second paraît quelque fois laborieuse. Très marqué par l’influence de César Franck, ce Trio en sol mineur recèle pourtant une générosité d’inspiration qui ne requiert qu’une interprétation attentive et engagée pout toucher l’auditeur. Or le souffle, la vitalité des Metral transformeraient le plomb en or !«  _, à la page 86 du n° 256 de Classica (octobre 2023).

Oui, la qualité de l’interprétation est un medium tout à fait décisif pour l’accès du mélomane discophile _ en dehors du concert _ à la singularité même, en son idiosyncrasie, de l’œuvre laissée notée sur le papier, et à partager à part (ainsi qu’après…) lui, par le compositeur.

Et la qualité de la comparaison, par nous qui y accédons ainsi, de ces interprétations, est elle aussi très importante et décisive : il ne faut certes pas se contenter de la seule première écoute, partielle et par trop subjective, pour que notre accès à l’œuvre même, gagne, écoute après écoute de diverses de ses interprétations, en justesse et justice, tant à l’égard de la qualité de ces interprétations ainsi expérimentées, qu’à l’égard aussi et surtout, de la reconnaissance, voire connaissance, de l’œuvre elle-même du compositeur, en son unicité…

Ce magistral « Trio » de Ravel, de l’été 1914, est un immense chef d’œuvre, qui assurément se mérite, tant pour ce qui concerne les interprètes qui se confrontent à lui, avec leurs instruments, que pour les auditeurs qui y accèdent par leur écoute, au concert comme au disque…

À suivre…

Ce vendredi 13 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sublime Benno Moiseiwitsch (1890 – 1963), le pianiste « magicien » venu d’Odessa : « Tout pour la musique et la poésie, rien pour l’esbroufe et le brio »…

09mar

Ce sont les articles dans le Classica n° 249 du mois de février dernier, et dans le Diapason n° 720 de ce mois de mars 2023, sous les plumes respectives, page 101, de Jean-Charles Hoffelé (« Tout pour la musique et la poésie, rien pour l’esbroufe et le brio » _ « Rien ne devait faire obstacle au contact direct avec l’œuvre. En cela, ce virtuose est en fait un anti-virtuose« , précise même excellemment cet article… _) et, page 64, Laurent Muraro (« Moisiewitsch le magicien« ),

ainsi que, et plus et mieux encore,  les deux extraits, respectivement le  »Langsam getragen ; Durchweg leise zu halten » (de 8′ 28), le troisième mouvement de la Fantasie Op. 17  ; et les trois premiers mouvements « Des Abends« , « Aufschwung » et « Warum ? »  (de 6′ 55) de la Fantasiestücke Op. 12 de Robert Schumann, proposés à l’écoute sur le CD accompagnant de ces deux magazines,

qui m’ont immédiatement incité à chercher à me procurer le plus vite possible le coffret de 19 CDs SC837 que le label Scribendum vient de publier cet hiver 2022-2023, me faisant accéder, enchanté, à ces merveilles d’interprétation de Benno Moiseiwitsch (Odessa, 22 février 1890 – Londres, 9 avril 1963), miraculeux pianiste…

Tout un monde nous est, en effet, ici restitué,

magiquement révélé par la gracile légèreté de touche, qui va si profond,

de ce parfait tranquille et merveilleusement humble vrai poète de la musique...

Une rencontre unique à ne pour rien au monde laisser passer,

en ce rare trésor d’interprétation vraie, justissime, de la musique de piano…

 Ce jeudi 9 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un très réjouissant bienvenu coffret de 3 CDs de « Complete Songs » de Gabriel Fauré par les très délectables Cyrille Dubois, ténor, et Tristan Raes, au piano…

03juin

Les Mélodies de Gabriel Fauré (Pamiers, 12 mai 1845 – Paris, 4 novembre 1924) constituent un élément très important du merveilleux patrimoine musical français…

Et ce 27 mai 2022 vient de paraître, au label Aparté, un superbe très riche coffret de 3 CDs, intitulé « Fauré Complete Songs« , par l’excellent ténor Cyrille Dubois et son parfait compère pianiste Tristan Raes.

Sur de précédents CDs de Cyrille Dubois et Tristan Raes,

cf de précédents articles de mon blog :

_ le 5 novembre 2019 : «  » ;

_ le 25 novembre 2019 : «  » ;

_ le 26 février 2020 : «  » ;

_ le 2 mars 2020 : « «  .

Or voici qu’un intéressant article du n° 243 de ce mois de juin du magazine Classica sous la plume de Jacques Bonnaure, fait tout à fait excellemment l’éloge de l’art, ici _ pour ce superbe coffret Aparté des Mélodies de Gabriel Fauré _, de ces deux interprètes,

soulignant très justement (!) du ténor Cyrille Dubois « une texture vocale légère, un timbre clair et agréable, une émission d’une grande subtilité et variée, une tessiture longue, une prononciation parfaite, avec même un brin de préciosité » _ tout cela est magnifiquement juste ! _ ;

avec cette conclusion tout à fait éloquente :

« Cyrille Dubois donne une image particulièrement séduisante de cette musique« .

Et sur le Net, sur le site de ForumOpera.com,

j’ai aussi trouvé un article très détaillé _ et un poil sourcilleux… _ d’Yvan Beuvard, intitulé « Une somme en forme de pari fauréen« ,

que je reproduits ici, avec quelques farcissures miennes _ en vert…

Une somme en forme de pari fauréen

CD
Fauré : Complete songs
Par Yvan Beuvard | lun 30 Mai 2022 |

Après Charles Panzéra, créateur de l’Horizon chimérique, Pierre Bernac, Camille Maurane, Bernard Kruysen, Jacques Herbillon, tous barytons, et un ténor transfuge, Gérard Souzay, faudra-t-il _ une question plutôt suspicieuse, d’entrée ! _ ajouter un ténor, Cyrille Dubois ? De Lully et Rameau à Britten, il a illustré à peu près tous les répertoires, avec un égal bonheur et une prédilection pour ceux en langue française _ oui. En compagnie de Tristan Raës, notre chanteur a formé le duo Contraste, qui se produit régulièrement dans le répertoire de la mélodie française.

De sa seizième année jusqu’à l’ultime confession de l’Horizon chimérique, Fauré _ né le 12 mai 1845 _ ne cessa d’écrire des mélodies. Il aura porté le genre de la romance à l’expression la plus épanouie, d’une richesse d’invention harmonique, d’une élégance retenue _ oui : on ne peut plus française… _, où l’écriture pianistique le dispute à la voix. Les récitals où Fauré occupe une place de choix sont nombreux et l’on ne peut que s’en réjouir _ absolument ! Si plusieurs intégrales collectives ont été réalisées, associant des chanteurs de tessitures différentes, nous n’en connaissions qu’une enregistrée par le même duo, chanteur et pianiste, celle de Jacques Herbillon, baryton dont ce fut le grand œuvre, accompagné par Théodore Paraskivesco (6 vinyles, chez Calliope, il y aura bientôt cinquante ans). Evidemment, tous les amateurs de mélodie française connaissent celle à laquelle présida Dalton Baldwin, avec Elly Ameling et Gérard Souzay, version de référence, superbe de musicalité et de poésie _ oui ! Un must… _, fréquemment rééditée. Depuis, est parue en 2018, certainement la plus intéressante des intégrales collectives, toujours disponible, sous le label canadien ATMA. Quatre solistes étaient accompagnés par le même pianiste jouant un Erard de 1859, accordé à 435 Hz. Forumopéra en avait rendu compte (« Fauré tel qu’en lui-même »). C’est dire si ce nouvel enregistrement est bienvenu et mérite une attention toute particulière.

Il faut déjà saluer l’exploit technique qui aboutit à réduire à 3 CD, pleinement remplis, cette somme : l’intégrale de 103 mélodies est riche des trois recueils publiés par Hamelle, de tous les cycles, mis aussi des pièces isolées, des éditions posthumes ou empruntées à des musiques de scène (Shylock, le Bourgeois gentilhomme). Evidemment, les duos n’en font pas partie _ en effet. Hélas, de multiples erreurs d’édition affectent l’exemplaire (destiné à la presse) qui nous est parvenu. Ainsi la Sérénade toscane (opus 3 n°2) est-elle rebaptisée « andalouse » _ cette erreur a été heureusement corrigée depuis… _, outre quelques titres erronés, absence d’informations, que le livret devrait comporter… Passons, ce sera corrigé _ c’est fait ! _, espérons-nous. Plus gênant, l’attention de l’auditeur sera surprise par la permutation fréquente des pièces d’un même opus (opus 1, 4, 6, 8 ,76, 83) sans justification claire (la chronologie ?). Cette altération ne concerne pas les cycles, chacun figurant dans son intégralité sur un même CD, ouf !

« Je rêve de vous faire entendre [mes mélodies] avec des interprètes parfaits, et je n’en connais pas parmi les professionnels. Ce sont les amateurs qui me comprennent et me traduisent le mieux ». (Lettre de Fauré, novembre 1902). Voilà qui interroge. Malgré les travaux de Jean-Michel Nectoux, nous savons peu de choses sur les interprétations que Fauré connut de ses mélodies, sinon à travers les témoignages tardifs de Panzera. Vraisemblablement fades, voire sirupeuses, correspondant aux attentes du public d’alors. Puis vinrent les Bernac, Panzera et leur descendance, qui rendirent leur expression élégante, recherchée, à ces pièces. Oublions _ oui ! _ le mauvais procès que Roland Barthes intenta à Gérard Souzay : le raffinement, la délicatesse, la pudeur comme la force de l’art de Fauré s’adressent à une aristocratie éduquée, évidemment.

Le chant de Cyrille Dubois, parfaitement maîtrisé _ oui _, d’une fidélité scrupuleuse aux textes, vaut déjà pour la conduite de la ligne, avec ses nuances marquées _ oui. La voix se montre expressive, sans outrance _ parfaitement. L’émission est très claire _ et c’est bien agréable. Un vibrato savamment sollicité pourra surprendre dans ce répertoire, comme une certaine affectation qui ne tombe jamais _ et c’est heureux _ dans le maniérisme. L’intelligence _ oui, et c’est parfaitement décisif _ du texte littéraire et de l’écriture fauréenne est manifeste, qui rend justice aux mélodies. La diction est claire _ en effet, et c’est très agréable _, sans pour autant retrouver toujours celle des grands anciens.  L’évolution de Fauré vers un langage épuré, transparent, où les contrastes se font pudiques _ oui _, est traduite avec art. Mais celui de Fauré n’est-il pas le plus complexe, le plus difficile à pénétrer et à traduire ? Entre le prosaïsme et l’expressionisme, la palette est large. L’émotion affleure sans toujours s’épanouir, y compris dans les Mélodies de Venise ou dans les plus connues. La perfection du métier, le raffinement, la pudeur seraient-ils antinomiques avec l’effusion ?

Que les premières romances soient conventionnelles est indéniable, même marquées du sceau de Fauré. La discrétion, la fraîcheur, la simplicité sont parfois reléguées pour une approche scrupuleuse, où l’artifice du métier estompe l’émotion naturelle. Tristesse d’Olympio prend tout son relief avec la plus large palette. Les Matelots est frémissante, C’est l’extase, aussi extatique que langoureuse, Au cimetière, intensément dramatique… chaque mélodie appellerait un commentaire _ c’est dire la richesse de ce coffret en cette passionnante interprétation-ci…

Tristan Raës nous vaut un beau piano, au jeu toujours clair, opulent, chantant, coloré à souhait _ oui. Complice attentif, lui aussi d’une fidélité remarquable au texte, il s’accorde idéalement _ c’est très juste _ au chant de Cyrille Dubois.

Malgré la cohérence de l’approche, malgré les indéniables qualités du chanteur et du pianiste, bien que très familier de ces mélodies, nous restons souvent en retrait _ pour quelles raisons ? d’humeurs subjectives ?_ de ce que nous offrent les deux artistes. L’enregistrement bouscule nos habitudes _ ah ! voilà… _, où les barytons, et plus rarement les mezzos, chantent Fauré. L’intelligence des textes, l’éloquence du mot, le souci de la diction, alliés à une santé vocale indéniable, comme à un jeu pianistique exemplaire font de cette nouvelle intégrale une publication appelée à faire date _ tout de même… _, sinon à convaincre tous les passionnés, imprégnés _ un peu trop ? _ des versions « historiques » _ diverses propositions d’interprétation pouvant parfaitement coexister, pour nous faire percevoir des facettes jusqu’ici non parcourues de ces si belles Mélodies de Gabriel Fauré…

Un excellent apport, très bienvenu, et de la plus grande qualité, à la précieuse discographie fauréenne.

Pour notre plus grande, et intime à la fois, délectation.

Ce vendredi 3 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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