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L’interprétation musicale des chefs d’oeuvre : Paul Lewis dans les dernières pièces pour piano de Brahms…

01fév

Les sublimes chefs d’œuvre de musique requièrent de toujours nouveaux chefs d’œuvre d’interprétation de la part de ceux qui s’efforcent de nous y faire accéder, au concert comme au disque, afin que, à notre tour, nous éprouvions-approchions un peu davantage l’infini des myriades de richesses que les compositeurs ont laissées en pauvres traces précipitamment notées, dans l’urgence de l’opération de création, sur les partitions qu’ils avaient sous la main.

Soit un défi perpétuellement recommencé, à leur tour, pour les interprètes.

Et encore faut-il, aussi, en aval, que notre accueil de réception, à nous qui nous contentons d’un peu activement écouter, soit lui aussi à semblables hauteurs…

Soit une conjonction toujours difficile… Et rare.

Or, ce jour,

voici que j’admire profondément l’interprétation que vient de nous donner-proposer le pianiste anglais Paul Lewis de ce chef d’œuvre _ au singullier ? au pluriel ? En quelque unité éprouvée in fine de leur diversité… _ si intensément émouvant _ sublime ! _ « Late Piano Works _ Opps. 116-119 » de Johannes Brahms (1833 – 1897).

Bien sûr, il existe déjà de bien belles interprétations au disque de cet Himalaya de piano…

Auxquelles il nous arrive, bien sûr, de revenir…

Mais aujourd’hui,

voici la très belle propositition que nous offre Paul Lewis, en un CD Harmonia Mundi HMM 902365.

Et telle que je l’ai apprise, avant de la découvrir sur ma platine, ce même jour, en un très juste article de Jean-Charles Hoffelé, en son Discophilia, un article intitulé « Journal intime« .



Or, il se trouve qu’à l’écoute répétée des 77′ 07 de ce CD, je dois convenir tout à fait partager le ressenti qu’y exprime le chroniqueur à l’égard ce cette interprétation si brahmsienne de Paul Lewis pour ces quatre opus 116-117-118-119 de Johannes Brahms,

presque au bout de sa vie, lui, quand il les a composés…

En leur crépusculaire fondamentale sobriété, aux bords si proches de silences chuchotés, sans pathos.

Mais de fait, tout vrai chef d’œuvre est fondamentalement oxymorique…

Et toute interprétation à sa hauteur, doit l’être aussi…

Ainsi que toute modeste et humble écoute vraie…

Il faut donc se laisser engager-conduire dans de pareilles essentielles _ en même temps que très simples, très sobres, très humbles _ expériences de perception…

JOURNAL INTIME

« Late Piano Works » proclame la pochette », et c’est bien dans un crépuscule _ de journée, de vie _ que Paul Lewis joue les quatre ultimes cahiers _ de piano _ d’un Brahms s’aventurant aux limites de la tonalité _ oui.

Pourtant, il ne le tire pas du côté des Modernes, comme le faisait Glenn Gould _ que j’exècre _ en herborisant dans les seuls Intermezzos _ cf, à ce propos, mes articles des 15 septembre « «  et 15 septembre 2019 « « , à propos du très beau travail d’interprétation de Johannes Koroliov… _, non, son Brahms reste dans le monde d’hier _ romantique, donc _, il ose un rapprochement assez inédit avec le monde des Lieder _ de Brahms pour la réception d’interprétations desquels j’ai toujours, décidément, il me faut l’avouer, personnellement bien du mal… Le bref de ces haïkus de clavier les y confronte de nature, mais je n’avais pas jusqu’ici perçu que se tissaient entre le piano et l’imaginaire vocal de telles affinités électives _ peut-être qu’il fallait à Brahms l’expression seulement pianistique, enfin, de tels Lieder ohne Worte

Cela chante, contre-chante, dit _ voilà ! _ autant qu’évoque, mais toujours dans ce crépuscule de sons _ oui _, dans ces _ si délicats et si ténus et finssfumatos où l’harmonie se diapre _ voilà : Johannes Brahms, même à Vienne, garde quelque chose des brouillards nacrés des bords de l’Elbe, de sa native Hambourg _, et lorsque la nuance appassionato paraît, lorsque même des tempêtes se lèvent – le Capriccio introductif de l’Opus 116, la Ballade qui ferme l’Opus 119 – c’est l’envers lyrique du texte qui s’impose _ voilà.

À mesure, l’album devient un univers total _ oui ! _, les cahiers ne sont plus individualisés _ en effet… _, je suis saisi par la main du voyageur qui m’emmène par ce sentier perdu, vers ces forêts sombres qu’ourle un crépuscule éternel.

Disque de poète assurément _ oui _, et que l’on doit entendre comme on lirait, dans le propre silence _ voilà _ imposé par la musique-même _ du très grand art, en sa fondamentale chaste simplicité-nudité-vérité…

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)


7 Fantasies, Op. 116
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119

Paul Lewis, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902365

Photo à la une : le pianiste Paul Lewis – Photo : © Kaupo Kikkas

 

Un essentiel CD.

Ce mardi 1er février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Parution du volume 5 de « The Complete Works for Keyboard » de Johann-Sebastian Bach par Benjamin Alard…

09déc

Avant de rendre compte, ce jeudi 9 décembre 2020, de la poursuite de l’Intégrale des Pièces pour divers claviers de Johann-Sebastian Bach, par le magnifique claviériste qu’est Benjamin Alard

_ nous en sommes au volume 5 ; et les volumes 6 et 7, déjà enregistrés, paraîtront au cours de l’année 2022, chez Harmonia Mundi ; et d’autres suivront… _,

je voudrais rappeler ici les précédents articles, que sur ce blog « En cherchant bien« , j’ai consacrés déjà à ce suprbe interprète :

_ l’article du 15 septembre 2009 : 

_ l’article du 20 mai 2011 : 

_ l’article du 19 février 2012 : 

_ l’article du 30 mars 2018 : 

_ l’article du 22 avril 2018 : 

_ l’article du 19 avril 2019 : 

_ l’article du 17 juin 2019 : 

_ l’article du 13 octobre 2020 : 

Ainsi que deux articles de chaleureux remerciements à son émouvante participation à la cérémonie très marquante des obsèques du cher Jacques Merlet,

à l’orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux,

le jeudi 7 août 2009.

Voici donc des liens à ces divers articles,

permettant de parcourir,

sinon l’exhaustivité de la carrière d’interprète de Benjamin Alard,

du moins l’histoire de mon écoute de ses interprétations, auxquelles j’ai eu accès :

_ l’article du 15 septembre 2009 : 

_ l’article du 11 décembre 2015 : 

Les 5 premiers coffrets _ soient les volumes 1, 2, 3, 4 et 5 _ de cette intégrale des Pièces pour divers clavier de Johann-Sebastian Bach, comportent à ce jour 3 + 4 + 3 + 3 + 3 CDs…

Benjamin Alard Alard manifestant un très vif désir de choisir pour chacune de ces diverses pièces l’instrument _ orgue historique, claviorganum, clavecin historique (ou copie d’après un instrument historique), clavicorde _ lui paraissant, bien sûr, le plus adéquat…

Et notre écoute, ainsi renouvelée, est, pour chaque pièce, une surprise qui, bien souvent, nous laisse pantois d’admiration…

Tant, forcément pour le génie du compositeur de la pièce, Bach, comme saisi lui-même à son clavier improvisant l’œuvre,

que pour la maîtrise inventive et fidèle de son interprète ici, Benjamin Alard…

Avant de me pencher d’un peu plus près sur ce volume 5 de 3 CDs,

demain,

voici,

en quelque sorte en hors d’œuvre musical,

une éloquente vidéo de 7′ 51 de la Toccata et fugue en Ré mineur BWV 565,

sur l’Orgue Quentin Blumenrœder (de 2009) du Temple du Foyer de l’Âme, à Paris…

À suivre…

Ce jeudi 9 décembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’art d’interpréter des transcriptions d’oeuvres de Beethoven, de Cyprien Katsaris : l’exemple des transcriptions pour piano seul des Sonates pour piano et violon « Le Printemps » et « A Kreutzer »

25fév

Le 13 février dernier,

en mon article ,

j’avais fait part de mon vif intérêt _ a priori, alors _

pour le coffret A chronological Odyssey Beethoven

_ un coffret de 6 CDS Piano 21, P21 060-N _,

qu’il me tardait d’écouter…

On connaît la qualité des interprétations

des transcriptions (par Liszt) des 9 Symphonies de Beethoven

déjà données par Cyprien Katsaris _ chez Teldec Classics, en 1990.

Cette fois,

Cyprien Katsaris se penche de très près sur l’histoire du travail de composition de Beethoven,

entre 1787 et 1827 ;

et principalement en la  période

entre 1799 (avec la Sonate pour piano n°10, en sol majeur, Op. 14 n° 2)

et 1809 (avec la Sonate pour piano n°24, en fa dièse majeur, Op.78, « À Thérèse »

Eh ! bien, 

il se trouve que je suis particulièrement séduit

par les interprétations des transcriptions pour piano seul

des Sonates pour violon et piano n°5, en fa majeur, Op. 24, « Le Printemps » (de 1800-1801)

_ transcription réalisée par Louis Winkler ; donnée dans le CD n°3 _,

et n°9, en la majeur, Op. 47, « À Kreutzer » (de 1803)

_ transcription anonyme pour les mouvements I et III, et réalisée par Carl Czerny pour le mouvement n°2 ; donnée dans le CD n°5.

Est-ce dû à un soin particulier _ mélodique, notamment _ porté par Beethoven

à cette série d’œuvres pour le piano et le violon ?


Peut-être.

Quelle séduction en tout cas,

ici sous les doigts virevoltants _ et sans affèterie _ de Cyprien Katsaris…

Et quelle leçon _ non didactique ! _ d’attention _ rendu si merveilleusement perceptible à l’auditeur ; et dans le plus grand naturel, surtout… _

au détail si précieux _ tout frais au sortir de l’improvisation…de l’œuvre de composition

du génie beethovenien…

Bravo !

Ce mardi 25 février 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Karol Beffa, Prix du Compositeur de l’année aux Victoires de la musique classique 2018, à Evian

07mar

Du compositeur Karol Beffa

_ qui vient de recevoir, le 23 février dernier, à la Grange-au-Lac, à Evian, le prix du compositeur de l’année, aux Victoires de la musique classiques 2018 _,

nous demeurons très attentif à l’œuvre, en la richesse de sa grande diversité.

Outre un superbe Bateau ivre, pour orchestre _ sous l’inspiration, forcément, puissante de Rimbaud ? _,

Karol Beffa a ajouté au nombre de ses créations récentes, un émouvant Tenebrae,

un quatuor pour flûte, violon, alto & violoncelle _ en deux mouvements, du moins pour l’instant : y aura-t-il une suite ? En cet état, Tenebrae dure 10′.

 

Nous connaissons bien Karol Beffa,

avec lequel je me suis déjà _ mais trop brièvement _ entretenu à la Station Ausone le 11 octobre 2016, pour son passionnant Comment parler de musique ? ;

sur ce livre,

ainsi que sur ses 8 merveilleuses Leçons au Collège de France (du 25-10-2012 au 17-1-2013),

cf mon article  » sur mon blog En cherchant bien en date du 1er juin 2016.

Ces 8 passionnantes et très riches Leçons étaient les suivantes _ et elles sont par ces liens aux vidéos, visibles et écoutables _ :

1) « Comment parler de musique ?«  (25-10-2012)

2) « Clocks and Clouds : le Clocks«  (22-11-2012)

3) « Qu’est-ce que l’improvisation ?«  (29-11-2012)

4) « Clocks and Clouds : le Clouds«  (6-12-2012)

5) « Musique et imposture«  (13-12-2012)

6) « Comment accompagner un film muet ?«  (20-12-2012)

7) « Bruit et musique«  (10-1-2013)

8) « Sur quelques mouvements lents de concertos de Mozart«  (17-1-2013)

Sept de ces conférences ont été publiées en mars 2017 en version papier sous le titre Parler, composer, jouer : 7 leçons sur la musique, aux Éditions du Seuil.

 

Maintenant,

j’attends avec curiosité de pouvoir bien écouter ces Tenebrae _ prolongée, ou pas, d’autres mouvements ?..au disque…


Et de m’entretenir, à nouveau, avec Karol Beffa

sur les joies (et anxiétés !) de son travail de compositeur,

pour prolonger les remarques du passionnant dernier chapitre, intitulé Créativité,

de son Par volonté et par hasard _ théorie et pratique de la création musicale,

paru le 15 février dernier aux Presses de la Sorbonne. 



Ce mercredi 7 mars, Titus Curiosus – Francis Lippa

La joie Bach : de sublimes sonates à l’orgue Aubertin de Saint-Louis en l’Île par un « solaire » Benjamin Alard

15sept

Des « Sonate a 2 Clav. & Pedal » (BWV 525-530) de Johann Sebastian Bach _ datées « des années 1723-1725« , à l’approche de la quarantaine du maître (1685-1750) _,

Gilles Cantagrel les présente, page 14 de ses « notes » du livret de ce CD Alpha 152 _ « Sonate a 2 Clav. & Pedal BWV 525-530 » de Johann Sebastian Bach par Benjamin Alard à l’orgue Pascal Aubertin de Saint-Louis en l’Île, Paris… _,

comme,

par « leur beauté intrinsèque comme leur puissance poétique« ,

« des chefs d’œuvre de la musique d’orgue« ,

tous auteurs confondus, si j’ose dire, et au-delà du seul génie de Bach lui-même ; et « devenues des pièces majeures des programmes de récitals » des plus grands organistes…

Gilles Cantagrel se ralliant par là même à l’avis du tout premier biographe de Bach, Johann-Nikolaus Forkel (1749 – 1818), en son décisif « Über Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke« , publié par Hoffmeister & Kühnel, à Leipzig en 1802 (soit la « Vie de Jean-Sébastien Bach » dans l’édition Flammarion de novembre 2000) :

« La copie la plus ancienne de ces œuvres est due pour partie à Wilhelm Friedemann Bach _ Weimar, 1710 – Berlin, 1784 _, fils aîné du compositeur, et pour partie à sa belle-mère, Anna Magdalena Bach, seconde épouse de Jean-Sébastien. Cette copie demeura en la possession de Wilhelm Friedemann, ce qui accrédite le propos de Forkel _ indique Gilles Cantagrel, page 15 des « notes«  du livret du CD _, premier biographe de Bach _ en 1802, donc _, tenant de la bouche même de l’intéressé _ Wilhelm Friedemann _ que

« Bach écrivit ces sonates pour son fils aîné Wilhelm Friedemann. C’est en les étudiant que Wilhelm Friedemann se préparait à devenir le grand organiste _ lui-même, à son tour ! sur les leçons de son père… _ que je connus _ dit Forkel, donc, en 1802 _ dans la suite.

Il est impossible de vanter assez le mérite de ces sonates, composées alors que leur auteur, parvenu à l’âge mûr _ peu avant ses quarante ans, donc _, se trouvait en pleine possession de ses moyens : on peut les considérer comme étant son chef d’œuvre en ce genre (…). Il existe de Bach d’autres sonates pour l’orgue : elles sont dispersées dans diverses mains et doivent être comptées parmi ses meilleures œuvres, sans qu’elles puissent égaler celles que je viens de mentionner » _ fin de la citation de Forkel.

Et « c’est là le seul témoignage historique que nous possédions sur ces œuvres« , précise encore Gilles Cantagrel, page 15, qui ajoute cependant que « il est possible d’en reconstituer avec vraisemblance la genèse à partir de ce document » même :

« On sait que Bach veilla avec le plus grand soin, un soin que l’on peut même qualifier d’écrasant, à l’éducation musicale de son fils aîné qui manifesta très tôt des dons exceptionnels. A la fin du siècle _ le XVIIIème… _, Cramer rapporte que Bach « n’était satisfait que du seul Friedemann, le grand organiste ». Il lui enseigna le clavecin, l’orgue, le violon, et toutes les disciplines de l’écriture musicale. A son intention, il écrivit ses premiers ouvrages didactiques, « Inventions » à deux voix et « Sinfonie«  à trois voix, qui sont tout autant un traité de contrepoint que des exercices pour les doigts. Puis le premier livre du « Clavier bien tempéré« . Et il n’est pas douteux que c’est dans l’« Orgelbüchlein« , le « Petit Livre d’Orgue«  de son père, que le jeune garçon, déjà claveciniste aguerri, put faire son apprentissage d’organiste. Peu après, les six « Sonates en trio«  _ enregistrées ici, en ce CD Alpha 152 _ allaient le rompre à la haute école instrumentale, ce qui devait lui permettre de participer aux exécutions des cantates dominicales _ à Leipzig _ en tenant la partie d’orgue obligé des œuvres composées au cours de l’année 1726. Il avait quinze ans.

Mais on sait le labeur harassant qui, à la même époque, dans les premiers temps de son cantorat à Leipzig, attendait Bach. En composant, faisant copier et répéter, puis exécuter une nouvelle cantate chaque dimanche, durant ses quatre ou cinq premières années leipzicoises, il allait constituer un répertoire qu’il pourrait exploiter les années suivantes.


Mais il ne lui restait guère de temps pour songer à d’autres œuvres nouvelles.
Aussi n’est-il pas possible qu’à ce moment il ait pu composer les
« Sonates en trio » _ voilà la déduction importante de Gilles Cantagrel, page 16.


A l’examen, au contraire _ poursuit celui-ci sa « déduction«  _, il apparaît _ voici l’enseignement majeur pour nous ! _ que leurs dix-huit mouvements sont, au moins en grande partie _ et cela s’entend ! se savoure ! et avec quelle sublime délectation, même !.. _, sinon en totalité, des adaptations de pages antérieures, de musique de chambre essentiellement _ pour la cour du prince, si délicieusement mélomane, de Cöthen, Léopold d’Anhalt-Cöthen, à l’excellentissime service musical duquel Bach demeura de 1717 à 1723. Seule la sixième Sonate pourrait être une création entièrement neuve. Pour certaines d’entre elles, du reste, des états originaux sont connus ; de même qu’on en connaît des résurgences ultérieures« 


Autre précision intéressante de Gilles Cantagrel, en son si riche, comme chaque fois, livret, page 18 :

« Les « Sonates » occupent une place tout à fait particulière dans l’œuvre de Bach, à côté des « Concertos » transcrits d’après des originaux ultramontains _ c’est-à-dire italiens : notamment Antonio Vivaldi ! _, puisqu’il s’agit de pièces pour l’orgue qui ne sont pas destinées à l’église _ ni au culte _ ; et ne sauraient y être exécutées, en tout cas pas dans le cadre d’une cérémonie cultuelle _ voilà ! _, messe ou vêpres _ ou autres encore… On n’y relève d’ailleurs pas trace _ en effet ! _ de motif de choral » _ d’après le legs canonique de Luther..


Cependant Gilles Cantagrel précise, et sur un mode interrogatif fort intéressant :

« Mais tel ou tel mouvement ne pourrait-il cependant trouver place dans le déroulement de ces grandes liturgies de la musique et de la parole _ sur le modèle des « Abendmusiken«  de Franz Tunder et Dietrich Buxtehude à Sainte-Marie de Lübeck, par exemple… _ qu’affectionnaient alors les luthériens allemands ?

Et _ de plus, en effet ! _ existe-t-il une frontière bien nette entre le sacré et le profane _ baroques _, en ce temps où « tout citoyen est sociologiquement chrétien » ? Il suffit de voir comment ces œuvres sont constituées de pages ici assemblées, ayant connu d’autres parures sonores ou appelées à d’autres usages _ oui !


Il n’empêche que le tout
_ de ces six « Sonates« -ci _ forme un ensemble d’une remarquable cohérence dans sa diversité oui ! c’est même un caractère fondamental du « Baroque«  ; qui n’est ni le maniérisme ; ni le rococo…

Certes, les six « Sonates » respectent toutes la coupe en trois mouvements de la « sonata di camera » italienne _ oui ! (…) De l’économie du matériau , Bach tire toujours la plus grande substance sonore et le plus miraculeux équilibre entre la densité et la transparence _ formulation magnifique de pertinence. C’est l’ineffable poésie des mouvements lents, dans les amples festons de la mélodie rêveuse du « Largo » de la Sonate 2 ; le chant désolé du « Lento » de la Sonate 6 ; et plus encore, peut-être, la poignante méditation du « Largo » de la Sonate 5. Mais que d’énergie vitale dans les mouvements animés : le « Vivace » vertigineux qui conclut la Sonate 3 ; ou l' »Allegro » final en coupe de rondo de la Sonate 6 qui referme le recueil, en un jubilatoire tournoiement de motifs bondissants ! », pages 18-19…

De la remarque suivante, page 19 du livret du CD : « contrairement à l’habitude de l’époque pour la musique d’orgue, que l’on notait sur deux portées seulement« ,

Gilles Cantagrel déduit encore ceci :

« les sonates sont _ ici _ notées sur trois portées, correspondant à la main droite, à la main gauche et aux pieds intervenant sur le pédalier, parfait reflet de l’écriture en trio _ des sonates de musique de chambre. C’est là sans doute _ et c’est tout à fait éclairant _ un souvenir _ ou même davantage ! _ de l’instrumentation d’origine de la plupart de ces pages ;

mais il y a plus,

puisque cette disposition isolant chaque partie

équivaut à la notation « en partition », que l’on pratiquait encore à cette époque, celle de « L’Art de la fugue » ou du « Ricercar » de l’« Offrande musicale« .

Cette écriture d’une parfaite lisibilité _ que sert ici si splendidement l’intelligence musicale de Benjamin Alard à « son«  orgue Aubertin de Saint-Louis en l’Île _ est pour Bach une façon d’inciter à prendre la plus grande intelligence du texte, de son réseau contrapuntique si serré, si étroitement maillé, tout en invitant l’interprète à individualiser chacune des trois parties, quant à sa couleur, à son phrasé, à son articulation.

Et c’est bien là l’un des défis techniques _ lumineusement relevé : quelle splendeur musicale que celle de Benjamin Alard ! _ lancés par le compositeur à l’exécutant _ servant sa musique _, chargé de traduire la vivante autonomie de chacune des voix en dialogue _ oui ! et comment ! à l’instar du « dialogue des Muses«  _ avec les autres. Il lui faut posséder une indépendance parfaite des doigts et des pieds, dans leur non moins parfaite interdépendance. Faire entendre comment un personnage renchérit sur un autre ou s’y oppose. On comprend bien la fonction didactique _ quelle chance eut le jeune Wilhelm Friedmann d’apprendre à un tel « matériau didactique » à un tel degré : royal !!! _ qui est aussi celle de ces chefs d’œuvre« 

Quel interprète splendide est déjà, lui aussi, aujourd’hui, le jeune et si merveilleux Benjamin Alard !!!

Que son professeur Elisabeth Joyé,

visible, ainsi que Jean-Paul Combet (et Hugues Deschaux) sur la dernière des photos prises lors de l’enregistrement de ce CD par Robin Davis, donnée page 50,

ait apporté aussi ici

son « aide précieuse & amicale » (page 5),

illustre l’importance de ces miraculeuses filiations musicales…

Grand merci à eux tous

pour ce qu’ils nous donnent si splendidement

_ « jubilatoirement«  :

c’est le mot de mon titre,

comme celui qu’utilise, page 3, Jean-Paul Combet en sa courte présentation de ce CD :

« la difficulté _ d’exécuter une sonate à trois voix pour un musicien soliste, tel que, ici, l’organiste _ ne demande pas une technique ostensiblement et vainement virtuose, mais une capacité cérébrale de totale indépendance des trois voix (main droite, main gauche, pieds).

Pour les avoir pratiquées autrefois, je peux témoigner _ indique donc Jean-Paul Combet _ à la fois de cette difficulté

et du plaisir jubilatoire _ soit la « joie » de mon titre d’article ! _

que procure la conduite d’un tel « attelage »,

qui traite l’orgue comme un ensemble de musique de chambre«  _ rien moins ; et le principal est là !.. _

Grand merci à eux tous

pour ce qu’ils nous donnent si splendidement, donc,

d’une telle si belle musique !!! 


Titus Curiosus, ce 15 septembre 2009

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