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Pour un parcours rétrospectif sur le legs musical de Serge Prokofiev, le coffret « Serge Prokofiev – The Collector’s Edition » de Warner Classics en mars 2023…

18avr

Afin de se remettre un peu dans l’oreille le bien intéressant legs musical de Serge Prokofiev (Sontsovka, 23 avril 1891 – Moscou, 5 mars 1953),

le coffret « Serge Prokofiev – The Collector’s Edition » de Warner Classics paru en mars 2023, en 36 CDs (Warner 0190296262715), vient nous offrir une assez commode proposition discographique…

Je me permets donc de renvoyer ici à deux intéressants aperçus, en date respectivement du 15 mars et du 17 mars 2023, de deux lucides discophiles, Pierre-Jean-Tribot sur le site du magazine belge Crescendo « Prokofiev en boîte » _ en un panorama un peu survolé _, et Jean-Pierre Rousseau sur son blog personnel « Prokofiev en boîte« , lui aussi _ plus détaillé en son avisé commentaire.

Les passionnantes répétitions de « Pierre et le loup » au Théâtre de la nature du Vallon de Salut de Bagnères-de-Bigorre, où enfant j’ai passé plusieurs étés des vacances, ont constitué ma première expérience de découverte de la musique :

une merveilleuse _ idéale !!! _ initiation, que je n’ai certes pas oubliée…

Assister (ou participer à) des répétitions de concerts est même plus enrichissant pour la formation de l’oreille musicale qu’assister au concert public lui-même…

De même qu’adolescent j’ai été abonné aux Concerts de musique de chambre au Grand Théâtre de Bordeaux :

je me souviens tout spécialement du Quatuor Parennin, ainsi que d’un récital de mélodies de Gérard Souzay, qui m’avaient fortement impressionné…

Récemment,

c’est mon intérêt pour l’extraordinaire _ et bien trop méconnu encore des mélomanes en France _ Quatuor Pavel Haas, qui m’ a fait commander et recevoir et apprécier le CD des « Quatuors à cordes n°1 et n°2 » de Prokofiev par le Pavel Haas Quartet, le CD Supraphon SU 3957-2,

un Quatuor dont j’ignorais jusqu’à l’existence à la parution de ce CD en 2009…

J’avais aussi beaucoup apprécié le double CD Melodya MEL CD 10 01944 « The Love for three Oranges » enregistré à Moscou en 1961 sous la  direction de Dzhemal Dalgat…

Prokofiev, oui.

Un compositeur passionnant.

Ce jeudi 18 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Au sein de mon tropisme tchèque, le vif plaisir du CD Supraphon « Jan Novak – Concertos » : une musique de joie, dynamique, heureuse, qui fait aimer la vie…

05avr

C’est un article du magazine Crescendo en date du 11 janvier dernier « Le tchèque Jan Novak honoré par l’authenticité familiale« , sous la plume de Jean Lacroix, qui m’a mis sur la voie de ce superbe CD Supraphon SU 4331-2 « Jan Novak – Concertos« 

_ regarder ici une éclairante rapide vidéo de présentation de ce CD par leurs excellents interprètes : ainsi Clara Novakova qualifie-t-elle la musique de son père Jan Novak d’« optimistic and splendid, conveying a positiv approach to life «  ; son père dont elle dit même qu’il était « a springtime person«  ; le chef Tomas Netopil parlant, quant à lui, d’un style « truly dynamic, very modern, very dancey« …  _,

à propos de l’œuvre de Jan Novak (1921 – 1984), un compositeur assez mal connu de moi jusqu’ici _ toutefois je l’avais découvert avec un précédent CD dirigé par ce même Tomas Netopil à la tête du Prague Radio Symphony Orchestra, le CD « Bohuslav Martinu – Bouquet of Flowers – Jan Novak – Philharmonic Dances« , le CD Supraphon SU4220-2, paru en 2017… _, mais disciple fervent de Bohuslav Martinu (1890 – 1959), que personnellement j’apprécie beaucoup…

Et une nouvelle fois, cela, dans l’attraction de mon fervent tropisme musical tchèque…

Le Tchèque Jan Novák honoré par l’authenticité familiale

LE 11 JANVIER 2024 par Jean Lacroix

Jan Novák (1921-1984) :

Concentus biiugis pour piano à quatre mains et orchestre à cordes ; Choreae vernales, pour flûte, orchestre à cordes, harpe et célesta ; Concerto pour deux pianos et orchestre.

Dora Novak-Wilmington et Karel Košárek, pianos ; Clara Nováková, flûte ; Orchestre symphonique de la Radio de Prague, direction Tomáš Netopil.

2022.

Notice en anglais, en allemand, en français et en russe.

71’ 46’’.

Supraphon SU4331-2.

Né en Moravie _ le 8 avril 1921 à Nová Říše _, le compositeur tchèque Jan Novák étudie la composition au Conservatoire de Brno, cursus contrarié par la guerre qui le contraint au travail obligatoire en Allemagne pendant plus de deux ans. Après le conflit, il poursuit sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Prague avec Pavel Bořkovec (1894-1972), un élève de Josef Suk _ 1874 – 1935. Une bourse lui permet de se perfectionner aux Etats-Unis dès 1947 auprès d’Aaron Copland à Tanglewood, puis de Bohuslav Martinů, exilé à New York, dont Novák est, selon Guy Erismann, le seul élève _ et c’est bien sûr à remarquer. Une rencontre fondamentale _ voilà _ pour ce jeune musicien que l’on retrouve ensuite à Brno, où, bientôt marié, il forme un duo de piano avec son épouse Eliska Hanouskovi, tous deux s’attachant à promouvoir l’œuvre de Martinů, en disgrâce avec le pouvoir. L’épouse se consacre à des concerts, pendant que le mari compose et écrit aussi de la poésie en latin. Mais il est souvent en opposition avec le régime en place, et il est même exclu de la Société des compositeurs tchèques. Lors du Printemps de Prague en 1968, il choisit l’exil au Danemark, avant d’opter pour l’Italie, à Rovereto dans le Trentin, jusqu’en 1977, puis de s’installer en Bavière jusqu’à son décès.

Novák laisse un catalogue orchestral de plusieurs concertos, de la musique de scène, de la musique vocale, dont l’oratorio Didon d’après Virgile que Rafael Kubelik a enregistré (Audite, 2001), de la musique de chambre et des pièces pour clavecin et orgue. On peut découvrir son art à travers des productions assez récentes, grâce aux labels Gallo (musique de chambre, 1999), Horizons (œuvres pour flûte par sa fille Clara Nováková, 2007), Supraphon (pages chorales, 2017), Dux (musique de chambre, 2022), Da Vinci Classics (Balletti a 9, en couplage avec Zandonai, 2023). Il est aussi souvent associé à des pièces de Martinů, et Toccata Classics a proposé en 2022 un premier volume de sa musique orchestrale, où figure le Concentus biiugis par des interprètes tchèques. C’est ce concerto au titre sibyllin qui ouvre le programme du présent album, qu’il faut considérer comme un hommage familial puisque ses filles, la pianiste Dora Novak-Wilmington, qui a étudié avec Vitaly Margulis à Freiburg et à New York avec Rudolf Firkusny, et la flûtiste Clara Nováková, qui a été soliste dans l’Orchestre de chambre de Paris, en sont les interprètes  _ voilà !

Le Concentus biiugis de 1977 est proposé ici en première mondiale dans une version révisée pour orchestre à cordes par Dora Novak-Wilmington. Jan Novák le destinait au duo formé avec son épouse, le terme « biiugis », comme l’explique la notice du compositeur Martin Flašar, étant un mot latin désignant deux animaux attelés ensemble. La fille du compositeur explique : Ce n’est pas une œuvre à quatre mains habituelle, écrite en divisant le clavier, avec le primo qui joue dans l’aigu et le secondo dans le grave : les deux pianos jouent sur le clavier entier. Il faut donc mettre au point une chorégraphie cohérente pour qu’on ne s’emmêle pas les mains et pour que les coups de coudes mutuels soient maintenus dans une limite supportable. Sans aller jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une partition pour « adversaires » virtuoses sur un même clavier, l’énergie et la fougue qui s’en dégagent, alliées à des réminiscences de Strawinsky, de Martinů et de folklore morave, sont communicatives _ oui _ et créent un climat jubilatoire _ voilà _, qu’un Lento lyrique avec évocation d’un cymbalum, atténue à peine, alors qu’un réel optimisme semble émerger de cette partition originale qui se termine de façon brillante.

Autre partition pour le clavier que le talentueux couple Novák créa en duo en 1955 à Brno, et dont on possède une émoustillante version live des époux, le 29 mars 1957, avec la Philharmonie tchèque sous la direction de Karel Ančerl, disponible dans un passionnant coffret consacré au chef (Supraphon, 15 CD, 2021). De facture plus classique, inscrit dans la tradition postromantique, le brillant et virtuose Concerto pour deux pianos et orchestre, écrit par un compositeur de 34 ans, installe une joie communicative _ lui aussi _, avec ses grands effets contrastés, ses rythmes emballants et son lyrisme parfois songeur. Bien accueilli par le public de l’époque mais malmené par la critique qui l’estimait conservateur, ce concerto, comme le Concentus biiugis, est magistralement mené par Dora Novak-Wilmington, qui a à chaque fois pour complice Karel Košárek (°1967), qui s’est lui aussi perfectionné aux Etats-Unis après sa formation praguoise.

C’est l’autre fille du compositeur, Clara Nováková qui est l’interprète des Choreae vernales ( ”Danses de printemps”), partition composée en 1977 après le long séjour en Italie du compositeur, qui aimait s’inspirer de poètes latins _ voilà : Catulle, par exemple, était lui aussi un familier du lac de Garde, comme les Novak…. Dédié au départ à Clara, alors adolescente, et à un ami guitariste, Novák l’a ensuite arrangée pour flûte et cordes, avec harpe, célesta. La dédicataire explique que l’on y retrouve la beauté ensoleillée et le parfum d’épices du lac de Garde. Une inspiration venant d’une ode d’Horace cisèle une inspiration largement bucolique, raffinée, rythmée avec élégance, qui procure un vrai plaisir d’écoute _ en effet.

Cet hommage familial, bien épaulé par l’Orchestre symphonique de la Radio de Prague, dirigé avec clarté par Tomáš Netopil (°1975), s’inscrit dans la discographie de Jan Novák comme une référence qui coule de source.

Son : 8,5  Notice : 10  Répertoire : 9  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Une très belle réalisation que ce CD « Jan Novak – Concertos » : une splendide musique de joie, heureuse, d’éveil qui fait aimer la vie…

Ce vendredi 5 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Apprécier le DVD du « Platée » de Jean-Philippe Rameau par Marc Minkovski et dans la mise en scène de Laurent Pelly dans la distribution superbement renouvelée de 2022…

23mar

« Platée » est un chef d’œuvre tout à fait singulier _ comique ! _ dans l’œuvre de Jean-Philippe Rameau.

J’avais assisté au Grand-Théâtre de Bordeaux à un déjà désopilant et très réussi « Platée«  sous la direction de Marc Minkovski ;

et, de plus, je porte l’œuvre entier de Rameau au pinacle…


Cette fois,

c’est le très laudatif article « Une nouvelle distribution vocale pour une irrésistible Platée de Rameau au Palais Garnier » de Jean Lacroix dans le magazine Crescendo d’avant-hier 21 mars,

qui m’a fait me procurer cet extrêmement réjouissant, et à tous égards, DVD Bel Air classiques BAC 224, qui vient de paraître :

pour mon entière satisfaction !..

Une nouvelle distribution vocale pour une irrésistible Platée de Rameau au Palais Garnier

LE 21 MARS 2024 par Jean Lacroix

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Platée, comédie lyrique (ballet bouffon) en un prologue et trois actes.

Lawrence Brownlee (Platée), Mathias Vidal (Thespis), Julie Fuchs (Thalie, La Folie), Jean Teitgen (Jupiter), Reinoud Van Mechelen (Mercure), Marc Mauillon (Momus), Nahuel Di Pierro (Un Satyre, Cithéron), Tamara Bounazou (L’Amour, Clarine), Adriana Bignani Lesca (Junon) ; Chœurs de l’Opéra national de Paris ; Les Musiciens du Louvre, direction Marc Minkowski.

2022.

Notice et synopsis en français et en anglais. Sous-titres en français, en anglais, en allemand et en espagnol.

153’ 00’’.

Un DVD BelAir BAC224. Aussi disponible en Blu Ray.

Voici un spectacle jubilatoire _ parfaitement ! _ qui méritait hautement d’être proposé sur un support visuel, même si une version de la mise en scène de Laurent Pelly à l’Opéra Garnier en 2002 (trois ans après la création qui avait fait date dans le lieu), déjà dirigée par Marc Minkowski, était disponible chez Arthaus. Il y a une vingtaine d’années, la distribution vocale, qui était de qualité, réunissait notamment Paul Agnew dans le rôle-titre, Mireille Delunsch, Vincent Le Texier et Laurent Naouri. Mais la reprise, filmée en juin 2022, la surpasse par son plateau vocal éblouissant _ en effet _ et par la direction des plus rodées de Minkowski, qui avait gravé sur disque, dès 1988, cette comédie lyrique pour Erato _ et je possède cet album CD.

C’est le 31 mars 1745, à l’occasion du mariage _ la circonstance justifiant le choix du thème de cette comédie lyrique _ du fils de Louis XV, le dauphin Louis Ferdinand, avec l’infante espagnole Marie-Thérèse (qui décèdera dès l’année suivante, à peine âgée de vingt ans, après avoir enfanté), que la création de Platée a lieu au Grand Manège du Château de Versailles. Au cours de ces festivités, Louis XV va prendre pour maîtresse la future Madame de Pompadour. Mais ceci est une autre histoire. Le très amusant livret est signé par Adrien-Joseph Le Valois d’Orville (1715-1780), d’après un ouvrage du poète, dramaturge et peintre Jacques Autreau (1657-1745), auquel Rameau avait racheté les droits. L’œuvre ne connaîtra que cette seule séance, avant d’être reprise quatre ans plus tard au Théâtre du Palais-Royal pour quelques représentations ; elle sera jouée pour la dernière fois en 1759 avec un succès que l’on qualifiera de moyen. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que Platée connaisse un regain d’intérêt, d’abord en Allemagne, avant son inscription au Festival d’Aix-en-Provence en 1956, sous la direction de Hans Rosbaud. La vraie reconnaissance ne remonte donc qu’à moins de quarante ans, avec l’enregistrement de Minkowski en fin de décennie 1980 _ oui. Le chef s’en est fait depuis une véritable et incontestable spécialité _ oui.

La nymphe batracienne Platée est aussi laide que bête, mais aussi crédule et quelque peu nymphomane. Sur le conseil du satyre Cithéron, Jupiter va s’en servir pour attiser la colère de Junon, jalouse jusqu’à l’excès, à laquelle il veut donner une leçon. Après des péripéties burlesques, un faux mariage entre Platée et Jupiter est mis en scène. Junon l’interrompt avec violence, avant de se rendre compte de l’identité grotesque de l’épouse potentielle et d’éclater de rire, alors que, humiliée et raillée de tous, Platée rejoint son marécage. Sur cette trame des plus réjouissantes, qui n’est pas exempte d’un côté cruel et émouvant, car on se prend parfois à plaindre la nymphe manipulée, Laurent Pelly a bâti une mise en scène d’une vitalité et d’un dynamisme absolus _ voilà ! _, malgré la curieuse idée, au prologue et à l’Acte I, de reconstituer, pour le décor, un grand amphithéâtre avec gradins qui ne caresse pas l’œil. Ce décor va se démembrer et se morceler pour les deux derniers actes, laissant ainsi un vaste espace disponible, où les danses et les voix vont se mouvoir de façon moins étriquée que dans la première configuration. Le fond du décor est assez sombre, mais on a vite compris qu’il est en relation avec l’endroit peu reluisant et peu attrayant _ la mare _ d’où vient la « digne » représentante de l’univers batracien.

Le spectateur est gâté sur le plan vocal : il a droit à un plateau éblouissant _ oui _, auquel s’ajoute une direction d’acteurs parfaite _ tout à fait. Le ténor américain Lawrence Bronwlee (°1972), réputé dans le domaine du bel canto, endosse le rôle de la vaniteuse Platée avec une aisance confondante _ c’est très juste. On aurait pu craindre que la langue française, où l’importance des mots est primordiale, ne lui pose quelques problèmes. C’est tout à fait le contraire : la diction est claire, la prononciation impeccable, la prosodie respectée _ oui, oui, oui. Les évocations batraciennes avec émission de « oi » ne seront pas _ bien sûr ! _ oubliées pour autant. Une énorme réussite _ voilà ! _, augmentée par une capacité comique qu’une sorte de robe aux couleurs délavées que personne ne voudrait porter, vient accentuer. Dans l’impeccable distribution multiple, on découvre le Jupiter de circonstance de Jean Teitgen, le vaillant Thespis de Mathias Vidal (qui a endossé le rôle de Platée à Zurich en décembre dernier, sous la direction d’Emmanuelle Haïm), le Cithéron malicieux de Nahuel Di Pierro, originaire de Buenos Aires _ et quel français il a ! _, le Momus railleur de Marc Mauillon, le Mercure au timbre solaire de Reinoud Van Mechelen, la Junon en furie, puis en joie, d’Adriana Bignani Lesca, originaire du Gabon, et l’Amour délicat de Tamara Bounazou. On baigne dans le bonheur vocal à chaque intervention.

Il y a aussi la prestation virtuose, avec vocalises subtilement aériennes, de Julie Fuchs _ oui _ dans le personnage allégorique de La Folie (Scène 5 de l’Acte II). SI le choix des costumes, signés Laurent Pelly, est globalement inscrit dans la modernité, en dehors de Platée, fagotée, Julie Fuchs, familière du rôle depuis 2015, est revêtue d’une robe longue extravagante, qui symbolise les pages d’une partition, dont elle va par moments détacher et jeter l’un ou l’autre morceau. Cette robe est une trouvaille esthétique de premier ordre. La cantatrice, au cours de sa prestation, interfère de façon primesautière avec le chef d’orchestre et les musiciens, qui jouent le jeu. On savoure ce moment avec délices. Mais ce n’est pas tout : un personnage revêtu en grenouille adulte va venir s’immiscer dans la suite de l’action. Après avoir interpellé Minkowski, du haut d’une loge, la créature vient titiller les instrumentistes, faire la nique à un public ravi et se mêler aux péripéties qui vont s’enchaîner. L’imagination est au pouvoir, et cet élan participatif, aussi bien de Julie Fuchs que de la grenouille, apporte un surplus de complicité pour le déroulement d’une action qui porte bien son nom de bouffonnerie _ certes. On est gâté aussi _ mais oui ! _ par la qualité _ superbe ! _ des multiples séquences de danse, enlevées et jouissives _ voilà _, par un orchestre millimétré, conduit de main de maître et par le geste de Minkowski, qui s’est vraiment approprié _ parfaitement ! _ l’œuvre jubilatoire de Rameau.

Il y a dans ce spectacle une évidence _ oui _ scénique, dramatique, vocale et chorégraphique que le public, conquis, accueille avec des manifestations de joie intense. Nous nous joignons à eux pour applaudir vivement _ oui ! _ ce spectacle bien filmé, qui fait désormais figure de référence dans la vidéographie de Platée.

Note globale : 10

Jean Lacroix

 

Un délectable régal : jubilatoire !!!

Ce samedi 23 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Pour une fois, un partage de déception et agacement, pour un CD passablement raté : le CD Hyperion « Notebooks for Anna-Magdalena » de Mahan Esfahani…

15mar

Il est rare que je prenne la plume pour dézinguer un CD qui me déçoit au point de passablemenl m’irriter…

Mais c’est hélas la cas pour le CD Hypérion CDA 68387 « Notebooks for Anna-Magdalena« , dont l’écoute au magasin m’avait scandalisé : comment un label de la qualité d’Hyperion avait-il bien pu autoriser la parution d’un tel CD, au son inaudible (!), qui ne rend en rien justice à ce si délicieux cahier de musique intime et familiale de la main de la seconde épouse, Anna-Magdalena, de Johann-Sebastian Bach ?..

Et si je me le permets,

c’est parce que je retrouve sous la plume de Christophe Steyne, pour le magazine Crescendo, à la date d’avant-hier 13 mars, en son article intitulé « Cahiers pour Anna Magdalena : bal des fantômes au logis du Cantor » ,

tout ce que j’avais éprouvé à l’audition irritée de ce CD…

Cahiers pour Anna Magdalena : bal des fantômes au logis du Cantor

LE 13 MARS 2024 par Christophe Steyne

Notebooks for Anna Magdalena. Oeuvres de Johann Sebastian (1685-1750), Carl Philipp Emanuel (1714-1788), Johann Christian (1735-1782) Bach, François Couperin(1668-1733), Gottfried Heinrich Stölzel (1690-1749), Johann Adolf Hasse (1699-1783).

Carolyn Sampson, soprano. Mahan Esfahani, clavicorde, clavecin. Juin 2021.

Livret en anglais, français, allemand.

TT 76’49.

Hyperion CDA68387

Après la parution chez le même label de plusieurs albums légitimement remarqués (Partitas, Toccatas…), Mahan Esfahani poursuit son parcours en Bach par la petite porte : les carnets pour la seconde épouse _ Anna-Magdalena _, datés de 1722 et 1725. Lesquels incluent principalement des pages du pater familias _ Johann-Sebastian _, mais aussi des jeunes membres de la fratrie _ des fils _, et d’autres compositeurs que la musicologie a progressivement identifiés, expliquant certaines mentions attributives. Le programme ici entendu s’avère conforme à l’inventaire de ces manuscrits. Malgré l’éviction des Partitas (BWV 827, 830), des Suites françaises (BWV 812-816) bien connues par ailleurs, et de certaines variantes de tonalité, l’essentiel est là, quasi exhaustif. On trouve même deux versions du Menuet BWV 841 & Anh 114, et du _ merveilleux ! _ Bist Du bei mir, chacun joué au clavecin et clavicorde.

Le parcours inclut les pages vocales, ici confiées à la soprano Carolyn Sampson, rappelant qu’Anna Magdalena était admirée comme chanteuse professionnelle auprès de la cour d’Anhalt-Cöthen. Même si une réputation domestique et didactique entoure ces deux recueils, et celle d’une simplicité d’exécution qui ne prétend pas au chef-d’œuvre, le livret du disque entend restituer un intérêt dégagé de toute misogynie à ces pages qui se pratiquaient dans le cercle familial : « ce ne serait pas si mal de nous essayer à la musique qu’ils considéraient assez dignes d’accompagner leurs pensées et actions les plus intimes ».

..;

Dans la discographie, quelques anthologies du Nötenbuchlein mêlaient clavier(s) et voix à un consort plus ou moins fourni : clavecin, orgue et viole (Gustav Leonhardt, Rudolf Ewerhart, Johannes Koch) autour d’Elly Ameling (Electrola DHM, 1966) ; clavecin, clavicorde, violoncelle (Nicolas McGegan, David Bowles) autour de Lorraine Hunt (Harmonia Mundi, 1991) ; luth, arpanetta, harpes, orgue, viole (Stephen Stubbs, Andrew Lawrence-King, Erin Headley) autour d’un panel de chanteurs (Teldec, 1991) ; clavecin et violoncelle (Luc Beauséjour, Sergei Istomin) autour de la soprano Karina Gauvin (Analekta, 1995) ; violon, viole, clavicorde, orgue positif, clavecin (Julien Chauvin, Christine Plubeau, Aurélien Delage, Olivier Baumont) autour d’Anne Magouët (Bayard, 2015).

Quant à lui, le présent enregistrement alterne un clavicorde d’après un exemplaire bavarois de Johann Heinrich Silbermann, et un clavecin de Miles Hellon (Londres, 1992) d’après Mietke. Dans un avertissement en page 11, teinté d’une ironie dont il cultive le malin plaisir au gré de la présentation de ses albums, Mahan Esfahani précise que l’art de Carolyn Sampson « est responsable de toute amélioration qui pût advenir dans mon jeu solo. Comme d’habitude, les insuffisances sont entièrement miennes ». Aucune insuffisance dans l’interprétation proprement dite, mais les deux instruments apparaissent aussi plats qu’insipides _ hélas ! hélas ! hélas ! _, et se trouvent encore miniaturisés par la prise de son _ indigentissime !!! Pâles spectres en perspective _ voilà…

Ces pages semblent alors émaner d’une fade boîte à musique _ en effet _, ce qui n’est pas pour extraire de l’insignifiante mignardise _ voilà ! _ le cortège de menuets, polonaises et autres musettes. Même la délectable Bergerie de Couperin devient un vain tripotage de fils de soie par une araignée neurasthénique _ ouaf, ouaf. En cette galerie de camées, la voix ample, délicate et suave de Carolyn Sampson, largement épanouie dans la réverbération, ne peine guère à s’imposer voire, par contraste, à se surexposer. Et même si le style cultive une humilité bienvenue. Heureusement, la mezza voce est de mise pour le Schaffs mit mir, Gott, sinon le clavicorde serait inaudible. Dommage que les louables intention et réalisation artistiques se trouvent mouchées par ces instruments si médiocrement captés _ voilà. Même dans l’optique da camera, cette réduction ectoplasmique ressemble trop souvent à une veillée un soir de chandelle morte. Le résultat déçoit, ennuie _ agace et irrite surtout _, et reflète une bien piètre image du foyer du Cantor, qu’on imagine laboratoire fertile et non futile _ voilà. Sur une thématique voisine, on reviendra _ bien _ plutôt aux _ excellentissimespénates de Francesco Corti (Arcana, 2020), autrement attrayantes _ et c’est même peu dire. Car ce nouveau CD, après Concerto nach italienischen Gusto que nous avions récompensé d’un Joker et qui crevait l’écran, ne passe hélas pas _ et même pas du tout _ la rampe.

Son : 4 – Livret : 9 – Répertoire & interprétation : 7

Christophe Steyne

Aller, et même courir, au délicieux CD « Little Books » _ le CD Arcana A 480 ; cf mon article « «  du 7 mai 2022 _ de l’admirable Francsco Corti.

Ce vendredi 15 mars 2024, Titux Curiosus – Francis Lippa

Un admirable concert de louanges sur l’admirable interprétation de Piotr Anderszewski de Bartok, Janacek et Szymanowski, au CD comme au concert choisi…

14fév

Ce soir _ et pour la cinquième fois depuis le 27 janvier dernier… _,

je tiens à solennellement célébrer un nouveau splendide hommage rendu au sublimissime CD _ ainsi que concert-récital, à Genève, sur ce même programme _« Bartok – Janacek – Szymanowski – Piotr Anderszewki » Warner Classics 5054197891274,

après mes articles «  » (du 27 janvier dernier,

avec la citation de l’article « Piotr Anderszewski, le promeneur songeur des sentiers escarpés » de Pierre-Jean Tribot, en date du 13 janvier 2024, sur le site de Crescendo),

«  » (du 29 janvier dernier),

«   » (du 30 janvier dernier),

et  «  » (du 3 février dernier,

avec la citation de l’article « A Genève, Un pianiste de classe : Piotr Anderszewski » de Paul-André Demarre, en date du 1er février dernier, 2024, sur le site de Crescendo)…

cette fois-ci l’hommage de Jean-Charles Hoffelé, intitulé « Modern Style« , sur son site Discophilia, en date d’hier, 13 février 2024…

MODERN STYLE

Choisir _ voilà ! _ est l’un des objets de l’art _ de composer superbement un programme (de récital-concert, ou de disque-CD) de Piotr Anderszewski : Sur un sentier recouvert de Janáček oui, mais le Second cahier seulement _ eh oui ! _, des Mazurkas de Szymanowski, mais pas tout l’Opus 50 _ mais le choix de seulement 6 d’entre elles… Ce qui pour le mélomane pourra, sur le papier, sembler _ a priori du moins _ frustrant, s’efface _ absolument ! _ à l’audition _ voilà l’exploit !

Le resserrement dramatique _ oui _ qu’il impose aux cinq pièces _ du Livre II _ de Sur un sentier recouvert, en faisant une quasi-sonate avec deux scherzos, convoque tout son art : phrasés éloquents, ampleur de la sonorité (l’Allegro conclusif vous a un de ces caractères, un hymne dansé !), l’aridité_ toute de splendide tendresse ! _ assumée des six Mazurkas, tour à tour minimalistes (le Moderato) ou fantasques, mais toujours dessinées de ce trait de crayon un peu cubiste, tout cela passe pourtant derrière la pure beauté_ voilà ! _ de ce pianisme gorgé d’harmoniques, vrai jeu à dix doigts qui ne laisse rien _ tu _  des _ subtiles _ nuances indiquées comme autant de didascalies par Janáček et Szymanowski, deux grands annotateurs de leurs partitions devant l’Eternel.

Mais au chapitre Bartók, Piotr Anderszewski a décidé de faire mentir mon propos liminaire : toutes les Bagatelles _ cette fois _ de l’Opus 6, ce laboratoire du nouveau piano qu’invente le Hongrois, sont bien là. Elles furent d’ailleurs parmi les premiers opus que le pianiste polonais inscrivit à son répertoire, soulignant d’emblée le regard particulier qu’il portait sur le répertoire, l’imposant à ses auditeurs. J’ai le souvenir très vif d’un concert à Radio France où l’œuvre le servait à un point incroyable pour un opus aussi peu public : elle exposait sa science pianistique et la hauteur _ justissime _ de son regard d’artiste _ incomparable _ , que je retrouve ici, inchangé, perçant, révélateur.

LE DISQUE DU JOUR

Leoš Janáček (1854-1928)…
Sur un sentier recouvert,
JW 8/17 – Second cahier


Karol Szymanowski
(1882-1937)


20 Mazurkas, Op. 50 (extraits : No. 3. Moderato ; No. 7. Poco Vivace – Tempo oberka ; No. 8. Moderato non troppo ; No. 10. Allegramente – Vivace – Con brio ; No. 5. Moderato ; No. 4. Allegramente, risoluto)


Béla Bartók (1881-1945)


14 Bagatelles, Op. 6, Sz. 38, BB 50

Piotr Anderszewski, piano

Un album du label Warner Classics 5054197891274

Photo à la une : le pianiste Piotr Anderszewski –
Photo : © Simon Fowler/Warner Classics

Un chef d’œuvre d’interprétation à la fois intériorisée, et donnée splendidement à partager, à notre tour :

au disque sur la platine comme au concert dans la salle…

Ce mercredi 14 février 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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