Posts Tagged ‘droit

« Faire monde » face à l’angoisse du tout sécuritaire : la nécessaire anthropologie politique de Michaël Foessel

18jan

Pour présenter la conférence _ l’enregistrement dure 65 minutes _ de cet après-midi même,

mardi 18 janvier 2011, à 18 heures, dans les salons Albert-Mollat,

_ et dans le cadre de la saison 2010-2011 de la Société de Philosophie de Bordeaux _,

de Michaël Foessel :

« Les nouveaux modèles sécuritaires : vers une cosmopolitique de la peur ? »


Comment expliquer que l’affaiblissement des modèles de justice _ cf Mireille Delmas-Marty : Libertés et sûreté dans un monde dangereux (aux Éditions du Seuil) : un livre très important ! + mon article du 30 mai 2010 : Curiosité, inspiration et génie : splendeur de la conférence (artiste et rigoureuse) de Mireille Delmas-Marty au Festival Philosophia 2010 à Saint-Emilion _ s’accompagne de la montée en puissance des politiques sécuritaires ? Assiste-t-on aujourd’hui à un retour inattendu des États-nations et de leur souveraineté, comme semble l’indiquer le durcissement des politiques d’immigration ? Pourquoi la mondialisation libérale ne s’accompagne-t-elle pas d’une référence à un droit cosmopolitique ?

On montrera que le « monde » de la mondialisation se définit avant tout par la conscience du risque et la généralisation des peurs : un monde que l’on cherche seulement à préserver est aussi un monde que l’on a renoncé à transformer.

Ce renoncement pourrait bien être un écueil pour la démocratie…

voici, à nouveau

_ la première fois, ce fut le 22 avril 2010 : Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel _,

ma présentation de son _ excellentissime ! _ livre État de vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire (aux Éditions Le Bord de l’eau) :

Comme pour poursuivre le questionnement (et l’analyse !) sur les manières de résister _ intelligemment et efficacement ! _ aux ravages civilisationnels de l’étroitesse utilitariste _ dictatoriale ! subrepticement totalitaire ! _ du néolibéralisme

_ cf mon article précédent « Penser le post-néolibéralisme : prolégomènes socio-économico-politiques, par Christian Laval«  à propos de la conférence de Christian Laval « Néolibéralisme et économie de l’éducation« , mercredi dernier à la librairie Mollat _,

voici que paraît ce mois d’avril 2010, sous la plume de l’excellent Michaël Foessel _ l’auteur du lucidissime, déjà, La Privation de l’intime, aux Éditions du Seuil en 2008 : le sous-titre en était : « mises en scènes politiques des sentiments«  : un travail déjà très important et magnifique !.. _ un passionnant et très riche (en 155 pages alertes, nourries et incisives !) État de Vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire,

aux Éditions Le Bord de l’eau (sises _ après Latresne… _ à Lormont, sur les bords de la Garonne…),

et dans une collection, « Diagnostics« , que dirigent nos judicieux collègues bordelais Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc…

L’ouverture d’esprit ainsi que le champ d’analyse _ et de culture :

principalement philosophique : de Hobbes, excellemment « fouillé«  (entre Le Citoyen et Léviathan), à Hannah Arendt (La Crise de la culture) ou Hans Blumenberg (Naufrage avec spectateur, paru en traduction française aux Éditions de L’Arche en 1994) et Wendy Brown (Les Murs de la séparation et le déclin de la souveraineté étatique), ainsi que, et surtout, les dernières leçons au Collège de France de Michel Foucault (par exemple Naissance de la biopolitique, ou L’Herméneutique du sujet ; et aussi La Gouvernementalité, en 1978, disponible in Dits et écrits…) ;

mais pas seulement : cf, par exemple, la mise à profit par Michaël Foessel du tout récent et important travail de la juriste Mireille Delmas-Marty : Libertés et sureté dans un monde dangereux ; ou de celui du Prix Nobel d’économie Amartya Sen, in le rapport de l’ONU paru en 2003 La Sécurité humaine maintenant…) _

l’ouverture d’esprit ainsi que le champ d’analyse

de Michaël Foessel, n’ont, Dieu merci !, rien d’étroit ; ni de mesquin, d’avare 

Non plus que sa sollicitude _ passablement inquiète (sinon « vigilante«  !..), sans être excessivement dramatisée, voire hystérisée, cependant : à la différence des rhétoriques (sécuritaires) excellemment mises en lumière et critiquées ici, en leur banalisation même, à renfort quotidien, laminant, de medias et de communiquants, d’un « catastrophisme«  très complaisamment et non innocemment surjoué, lui !.. _

non plus que sa sollicitude, donc,

à l’égard de la santé de la démocratie et du « vivre ensemble » en notre histoire collective (sociale, économique, politique) désormais globalisée _ d’où l’expression du titre de cet article : « faire monde » !

La quatrième de couverture de État de Vigilance _ Critique de la banalité
sécuritaire
énonce ceci (avec mes farcissures ! si l’on veut bien…) :

« Nous vivons sous le règne de l’évidence _ à la fois matraquée par les medias et les divers pouvoirs ; mais aussi largement assimilée (et partagée) par bien des individus (je n’ose dire « citoyens« , tant ils se dépolitisent et « s’esseulent« …), qui y adhérent, donc, en nos démocraties… _ sécuritaire. Des réformes pénales _ telle « la loi sur la « rétention de sûreté » adoptée par le Parlement français en février 2008 » (cf page 51)… _ aux sommets climatiques en passant par les mesures de santé : l’impératif _ normé _ de précaution a envahi nos existences. Mais de quoi désirons-nous tant _ voilà la dimension anthropologique fondamentale que dégage magnifiquement le travail d’analyse, ici, de Michaël Foessel _ nous prémunir ? Pourquoi la sécurité produit-elle _ de fait, sinon de droit, en ces moments-ci de notre histoire contemporaine… _ de la légitimité _ socialement, du moins _ ? Et que disons-nous lorsque nous parlons _ ainsi que le relève aussi Mireille Delmas-Marty _ d’un monde « dangereux » ?

Le maître mot de cette nouvelle perception du réel est « vigilance » _ à laquelle sont expressément et en permanence « invités« , en leur plus grande « liberté«  (d’individus), et au nom du plus élémentaire « bon sens« , les membres de nos sociétés, au nom de leurs plus élémentaires (toujours : nous sommes là et demeurons dans le plus strict « basique«  ! du moins, apparemment !..), au nom de leurs plus élémentaires intérêts : « vitaux«  !.. Rien de plus « rationnel« , en conséquence !!!

L’état _ permanent : sans cesse (obligeamment !) rappelé : on s’y installe et on le réactive d’instant en instant le plus possible… _ de vigilance s’impose _ ainsi : avec la plus simple (et douce) des évidences ! « naturellement« , bien sûr ! _ aux individus non moins qu’aux institutions : il désigne l’obligation _ bien comprise ; mais non juridique ! _ de demeurer sur ses gardes _ apeuré _ et d’envisager le présent _ en permanence, donc _ à l’aune des menaces _ de tous ordres, et fort divers : Michaël Foessel en analyse quelques unes ; ainsi que l’effet (incisif) de leur conglomérat (pourtant composite : en réciproques contagions)… _ qui pèsent sur lui.

Cette éthique de la mobilisation _ apeurée, donc _ permanente _ voilà : à coup d’« alarmes«  et de « conseils de précaution«  (préventifs et réitérés) des plus aimable : du type « à bon entendeur, salut !«  _ est d’abord celle du marché _ tiens donc ! mais rien n’est gratuit en ce bas monde : tout a un « coût« , n’est-ce pas ?.. : la première évidence, et normative, est donc, par là, marchande ! _, et ce livre montre le lien entre la banalité sécuritaire et le néolibéralisme _ c’est là le point capital. Abandonnant le thème _ bien connu, lui ; et assez bien balisé _ de la « surveillance généralisée », il propose _ plus profondément et plus originalement _ une analyse des subjectivités vigilantes _ apeurées contemporaines : ce sont elles les acteurs-fantassins du premier « front«  On découvre la complicité _ politico-économico-sociétale _ secrète entre des États qui rognent _ oui ! en leur forme d’« État libéral-autoritaire«  : analysé dans le chapitre 1 du livre : « L’État libéral-autoritaire« , pages 27 à 55 : une analyse décisive !!! _ sur la démocratie _ voilà ! et l’enjeu est de taille !!! _ et des citoyens qui aiment _ voilà _ de moins en moins _ en effet _ leur liberté _ eh ! oui ! au profit du fantasme de leur « confort«  désiré, mis à mal (par toutes ces « inquiétudes«  !), mais encore moins satisfait ainsi : de plus en plus rabroué !!! au contraire…

L’équilibre (par définition instable : la dynamique de ce dispositif est conçue et voulue ainsi ! en spirale vertigineuse) des pratiques et de discours (rhétoriques) et de pouvoir bien effectif, lui (avec espèces bien sonnantes et bien trébuchantes à la clé !), des communiquants amplement mis à contribution et des détenteurs du pouvoir politique (ainsi qu’économique : mais ils sont en très étroite connexion, collusion) en direction du « public«  (des individus : chacun esseulé dans sa peur) ciblé se situe et se maintient (et cherche à s’installer et durer) en ce schéma mouvant et émouvant (affolant…) : dans la limite, à bien calculer-mesurer, elle, du supportable… Les élections et les sondages d’opinion (d’abord) en fournissant d’utiles indicateurs pour les pilotes décideurs et acteurs « à la manœuvre« 

L’État libéral-autoritaire produit _ ainsi _ des sujets _ assujettis, tout autant que s’assujettisant (d’abord, ou ensuite, ou en couple : comme on préfèrera), ainsi « manœuvrés«  en leurs affects dominants… _ et des peurs qui lui sont adéquats. C’est à cette identité nouvelle entre gouvernants et gouvernés qu’il faut apprendre à résister« 

_ par là, l’intention de ce livre-ci de Michaël Foessel rejoint le souci (de démocratie vraie !) qui animait aussi Christian Laval en sa conférence de mercredi dernier : Néolibéralisme et économie de la connaissance ; ou en son livre avec Pierre Dardot : La Nouvelle raison du monde

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié le passage d’analyse de la curiosité, pages 127 à 131 d’État de Vigilance _ à l’ouverture du chapitre 4 et dernier, intitulé « Cosmopolitique de la peur ? » (et explorant de manière très judicieuse « l’hypothèse d’une historicité de la peur«  : l’expression se trouve page 123) _ à partir d’une lecture fine de l’article « Curiosité«   de Voltaire dans l’Encyclopédie : à contrepied de l’interprétation par Lucrèce, au Livre II de De la nature des choses, de ce qui va devenir, à partir de lui, le topos du « naufrage avec spectateur« …

« Aussi longtemps que la sécurité a été une caractéristique de la sagesse et non une garantie politique, la peur était définie comme une faute imputable à l’ignorance. Dans la célèbre ouverture du livre II de son poème, Lucrèce présente ainsi le plaisir qu’il peut y avoir à se sentir en sécurité lorsque tout, autour de soi, s’effondre :

« Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense,

d’observer du rivage le dur effort d’autrui,

non que le tourment soit jamais un doux plaisir

mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons. »

Le sage jouit de savoir que sa position n’est pas menacée. Devant le spectacle de la tempête, il ne ressent pas de peur, précisément parce que sa sagesse est ataraxie, tranquillité et constance de l’âme. Il n’y a rien dans ce sentiment du spectateur face à la violence des flots qui ressemble à la « pitié » des modernes : le philosophe antique n’éprouve aucune émotion à contempler les malheurs d’autrui. La pitié est une passion démocratique _ en effet ! _, puisqu’elle suppose l’égalité entre celui qui souffre et le témoin de sa souffrance.

A l’inverse, Lucrèce chante ici la hauteur _ d’âme _ du sage _ épicurien, matérialiste _ qui sait qu’il n’existe pas de Providence _ rien que le jeu de la nécessité et du hasard, avec le clinamen _, et que la colère des Dieux ne peut pas s’abattre sur la Terre. Le philosophe est préparé à l’agitation du monde parce que son savoir le prémunit _ en son âme : en ses affects _ des désordres _ du réel des choses _ qui se laissent expliquer par le mouvement nécessaire des atomes. Son rapport contre la peur est de nature scientifique, construit avec la théorie d’Épicure.

Hans Blumenberg _ en son Naufrage avec spectateur _ a montré que l’histoire de cette image _ du naufrage avec spectateur »  » _ était aussi celle des rapports entre la raison _ voilà : en ses diverses acceptions : plus ou moins calculantes ; plus ou moins utilitaristes… _ et ce qui, dans le monde, est inquiétant. « Le naufrage, en tant qu’il a été surmonté, est la figure d’une expérience philosophique inaugurale » _ écrit Blumenberg, page 15 de ce livre (paru aux Éditions de l’Arche en 1994). La force de cette métaphore réside dans l’opposition entre la terre ferme (où l’homme établit ses institutions _ à peu près stables _ et fonde ses savoirs _ avec une visée de constance _) et la mer comme « sphère de l’imprévisible ». L’élément liquide symbolise le danger puisqu’il échappe aux prévisions, en sorte que le voyage en pleine mer permet de penser la condition humaine dans ce qu’elle a d’effrayant _ dans l’augmentation du risque de mortalité effective. Dans tous les cas, surmonter l’expérience du naufrage suppose de le « voir » du rivage, et de ne pas craindre pour sa vie _ ainsi qu’on l’a évoqué plus haut _ ce fut pages 89 à 91 _, ce sera encore le modèle de Kant dans son analyse du sublime

_ au § 28, Ak V, 261-263 de la Critique de la faculté de juger :

« il importe à Kant que le sublime soit autre chose qu’une épreuve du désastre pour que le déchaînement de la nature devienne l’occasion d’une prise de conscience d’une faculté qui, en l’homme, excède toute nature : sa liberté« , page 90 d’État de Vigilance.

Et Michaël Foessel poursuit alors : « A l’abri de la violence qu’il contemple, le sujet découvre en lui « un pouvoir d’une toute autre sorte, qui (lui) donne le courage de (se) mesurer avec l’apparente toute-puissance de la nature« . La liberté est cette faculté qui situe l’homme à la marge _ voilà ! _ du monde, en sorte qu’il n’a rien à craindre des tumultes naturels. Mais pour que le sujet puisse s’apercevoir _ voilà encore ! _ de sa liberté, il faut qu’il se sente en sécurité et que sa peur ne se transforme pas en angoisse«  _ une distinction cruciale, que Michaël Foessel reprendra plus loin, page 143, à partir de la distinction qu’en fait Heidegger.

Et pour montrer, page 145, avec Paolo Virno, en sa Grammaire de la multitude _ pour une analyse des formes de vie contemporaines, que « la ligne de partage entre peur et angoisse, crainte relative et crainte absolue, c’est précisément ce qui a disparu«  ; et que « c’est plutôt à l’« être au monde » dans son indétermination _ la plus vague qui soit : « Qu’est-ce que j’peux faire ? j’sais pas quoi faire…« , chantonnait en ritournelle la Marianne (confuse…) du Ferdinand de Pierrot le fou, de Godard, sur l’Île de Porquerolles, en 1965 _, c’est-à-dire à la pure et simple exposition à ce qui risque _ voilà _ d’advenir ou de disparaître _ les deux unilatéralement négativement… _, que renvoient les peurs angoissées _ voilà leur réalité et identité (hyper-confuses !) clairement déterminée ! _ du présent.« 

Avec cette précision décisive encore, toujours page 145 : « Les discours de la « catastrophe », une notion qui tend à se généraliser bien au-delà des phénomènes naturels, enveloppent nos craintes d’une aura de fin du monde. Apocalypse sans dévoilement _ et pour cause ! en une (hegelienne) « nuit où toutes les vaches sont noires«  _, la catastrophe devient la figure du mal sous toutes ses formes _ mêlées, emmêlées _ : injustice, souffrance et faute. Les théories de la « sécurité globale » se fondent précisément sur la généralisation _ indéfinie autant qu’infinie _ de ce modèle à toutes les formes d’insécurité, comme s’il n’y avait d’autre moyen d’envisager la résistance du réel qu’à l’aune de son possible effondrement« _ tout fond « cède« … : aux pages 145-146 ;

Michaël Foessel ne se réfère pas aux analyses de Jean-Pierre Dupuy ; par exemple Pour un catastrophisme éclairé

Fin ici de l’incise ouverte avec la référence au « sentiment de sécurité«  comme condition de l’expérience du « sentiment de sublime«  selon Kant ; et les remarques adjacentes sur l’opportunité de la distinction « peur« /« angoisse«  ; et le « catastrophisme« … Et retour aux remarques sur la « curiosité«  et la démarcation de Voltaire par rapport à Lucrèce, aux pages 125 à 128 du chapitre « Cosmopolitique de la peur ?« 

« C’est dans la modernité que l’on procède à une réinterprétation radicale de la métaphore du « naufrage avec spectateur » ; donc du statut anthropologique de la peur«  _ soit le centre de ce livre décidément important qu’est État de Vigilance _ Critique de la banalitésécuritairePour les penseurs des Lumières, il n’est plus question de valoriser la distance indifférente du spectateur, car celle-ci suppose une quiétude qui ressemble trop _ par son statisme, son inertie ; et son anesthésie doucereuse _ à la mort. Désormais, la vie est perçue comme ce qui reste _ bienheureusement ! _ en mouvement _ vital ! pardon de la redondance ! _ grâce à ce qui risque de lui être fatal : le danger devient une dimension positive _ dynamisante _ de l’expérience«  _ se construisant pour sa sauvegarde nécessaire : page 126. « En conséquence, il faut réhabiliter les passions qui, d’une manière ou d’une autre, ont toujours été la source _ nourricière, féconde, fertile _ de ce qui s’est fait de grand dans le monde«  ; et donc « il faut désormais s’intéresser à ce qui se passe sur le bateau afin d’éviter qu’un naufrage se reproduise _ le réel étant répétitif jusque dans ses accidents les plus rares (= un peu moins fréquents, seulement…) : commencent alors à prospérer les statistiques (par exemple dans la Prusse de Frédéric II) : Kant ne manque pas de le remarquer en ouverture de son article crucial Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, en 1784…

« C’est pourquoi Voltaire réinterprète l’image du naufrage avec spectateur dans l’article « Curiosité » de l’Encyclopédie » : « C’est à mon avis la curiosité seule qui fait courir sur le rivage pour voir un vaisseau que la tempête va submerger ! »

Le sentiment de sécurité du sage est contredit par un affect universel : le désir de savoir de quoi il retourne dans les catastrophes. Pour Lucrèce, un naufrage n’est jamais que le résultat d’un mécanisme naturel qui affectait par hasard les hommes. Pour l’éviter, il convenait donc surtout de ne pas prendre la mer _ liquide et mobile : éviter le risque de ce danger ; voire le fuir : en s’abstenant de courir le risque : « mieux vaut changer ses désirs que l’ordre du monde« , hésitait (et balançait…) encore un Descartes (avec un plus entreprenant « devenir comme maître et possesseur de la Nature« , en 1637 (en son « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences« )… _, et de demeurer sur la terre ferme _ solide et davantage stable _ décrite par la physique épicurienne. A l’inverse, le penseur des Lumières s’intéresse aux naufrages parce qu’ils atteignent ce qu’il y a de plus noble _ voire héroïque _ en l’homme : son désir _ faustien (cf tout ce qui bouge entre le Faust de Christopher Marlowe en 1594, pour ne rien dire de celui de l’écrit anonyme Historia von D. Johann Fausten, publié par l’éditeur Johann Spies, en 1587, et le Faust de Goethe…) _ de dépasser ses limites en apprivoisant _ = « s’en rendre comme maître et possesseur« , dit, à la suite d’un Galilée (« la Nature est écrite en langage mathématique« ), un Descartes, en 1637, donc : les dates ont de l’importance… _ la nature. Dès lors, il faudra se demander comment prendre la mer (c’est-à-dire civiliser le monde _ sinon le coloniser et mettre en « exploitation«  _), sans courir de risques inutiles _ le pragmatisme utilitariste a de bien beaux jours devant lui ; pages 127-128…

Quel est le rapport entre cette valorisation de la curiosité _ à ce moment des Lumières et de l’Encyclopédie _ et l’histoire de la peur ?

Avant les Lumières, Hobbes est le premier _ ou parmi les premiers : cf un Bacon… _ philosophe à réhabiliter la curiosité contre sa condamnation chrétienne. (…) La curiosité n’est rien de plus que « le désir de savoir pourquoi et comment » _ énonce Hobbes dans Léviathan, au chapitre VI. (…) Être curieux, c’est être amoureux _ oui _ de la connaissance des causes : l’homme doit à cette passion _ voilà _ toute sa science et ses plus hautes œuvres de culture. La curiosité est donc l’opérateur _ tel un clinamen de très large amplitude et fécond _ de la différence humaine«  _ par rapport au reste du vivant (et du règne animal) : moins « déployé« 

Et « pourquoi cette réhabilitation de la curiosité est-elle en même temps _ dans l’œuvre de Hobbes _ une valorisation de la peur ?« , page 129.

« Pour les penseurs de la modernité (…), le désir de savoir qui mène le spectateur sur le rivage et l’incite à analyser les causes du désastre s’explique, tout comme la peur _ voilà ! _ par un rapport inquiet au futur.

« C’est l’inquiétude des temps à venir » qui « conduit les hommes à s’interroger sur les causes des choses » _ énonce Hobbes dans Léviathan, au chapitre XI. La curiosité n’est une passion aussi vivace _ c’est aussi une affaire de degrés _ que parce que les êtres humains se trouvent dans l’ignorance de l’avenir, et cherchent par tous les moyens à remédier _ = prendre des mesures préventives tout autant efficientes qu’efficaces (soit prévoir & pourvoir ! pragmatiquement ! _ à leurs craintes«  _ on pourrait citer aussi, ici, le très significatif chapitre XXV du Prince de Machiavel ; avec la double métaphore de la crue catastrophique (faute, aux hommes, d’avoir ni rien prévu, ni rien pourvu !) du fleuve et des « digues et chaussées«  (à concevoir & réaliser) qui, si elles n’empêchent pas la-dite crue d’advenir et se produire, évitent du moins ses effets ravageurs catastrophiques sur les hommes et leurs biens institués ou construits : en les « sauvant«  de la destruction. A cet égard, la « précaution«  (active et efficiente) est plus « moderne«  que la simple « fuite«  (passive) à laquelle recouraient les Anciens…

 

C’est alors que Michaël Foessel compare (et confronte) les peurs contemporaines aux peurs modernes ; et la place changeante qu’y prend, tout particulièrement, en chacune, le remède politique de l’État ; ainsi que ce qu’il qualifie, page 131, de « l’histoire de la rationalisation _ calculante _ de la peur« …

Avec la modernité de Hobbes, « au moment où elle devient raisonnable, la peur acquiert le statut de passion politique _ quand se construisent les États-Nations de la modernité. La banalité sécuritaire se fonde _ alors _ sur cette équivalence entre une peur _ citoyenne _ qui cherche à se dépasser dans la tranquillité _ d’une part _ et _ d’autre part _ un État qui répond _ voilà ! _ à cette exigence par les moyens de la souveraineté » _ voilà !

« Mais qu’en est-il de cette équivalence aujourd’hui ?«  _ en cette première décennie de notre XXIème siècle, page 132.

Les dix-sept pages qui suivent vont y répondre :

et selon « l’hypothèse«  d’« une dépolitisation de la peur » _ dans le cadre oxymorique (à déchiffrer !) des « États libéraux-autoritaires« _ ; c’est elle « qui explique pour une part _ au moins _ les évolutions sécuritaires auxquelles nous assistons« … 

Michaël Foessel alors résume les trois apports du modèle moderne (hobbesien) _ soient :

« passion du calcul rationnel,

rappel à la finitude,

affect qui ne peut se dépasser que dans l’institution :

voilà les trois principales caractéristiques qui font de la peur un sentiment politique à l’intérieur de l’anthropologie classique«  _, afin d’y confronter ce qui se passe à notre époque :

« ce modèle est-il encore le nôtre ?« , demande-t-il, page 136. 

« Il semble que les peurs actuelles empruntent surtout au premier élément : la vigilance prônée dans les sociétés néolibérales est un appel constant à évaluer les risques _ voilà ! _ pour les intégrer à un calcul _ de plus en plus strictement utilitaire _ en termes de coûts et de bénéfices«  _ faisant devenir chacun et tous et en permanence des comptables de leur existence (réduite à cela) !!!

« Il est déjà moins sûr que la peur fonctionne encore comme un correctif à la démesure _ ah ! ah ! la cupidité du profit, de l’appât du gain (d’argent) n’ayant guère, déjà et en effet, de « mesure«  Les mesures sécuritaires _ en effet _ s’inscrivent dans un projet qui est celui de la maîtrise aboutie _ voilà ! _ du monde _ dont les hommes, s’agitant sans cesse _, comme si des technologies électroniques devaient tendanciellement se substituer aux évaluations humaines _ subjectives : par l’exercice personnel du juger… _ de la menace.« 

Et Michaël Foessel de commenter excellemment : « Ainsi qu’on le voit avec la biométrie, le rêve _ un terme qui doit toujours nous alerter ! _ sécuritaire est un rêve d’abolition de la contingence _ voilà l’horreur : le « rêve«  d’une vie enfin sans « jeu«  ! sans la marge d’incertitude d’une « création » éventuelle (= indéterminée, forcément) de notre part ; ce que Kant nomme aussi « liberté » du « génie«  ; ou qui, aussi et encore, est la poiesis _ dans lequel les identités individuelles sont réduites _ voilà ; et drastiquement : telle une implacable peau de chagrin… _ à des paramètres constants et infalsifiables _ une réification (= choséification) de l’homme ! La crainte (…) est _ alors _ plutôt le titre d’un nouveau fantasme de perfection : celui d’un monde régulé _ tel un lit de Procuste ! on y coupe ce qui dépasse _ par des informations dont il n’est plus permis de douter puisqu’elles ont été avalisées par la science _ et ses experts patentés ! en fait l’illusion mensongère (et ici servile et stipendiée !) du scientisme… La peur n’est rationnelle que si elle fait parvenir ceux qui l’éprouvent à un plus haut degré de perception _ pré-formatée _ du réel _ pré-sélectionné et bureaucratiquement breveté, ainsi, par quelques officines monopolistiques !

Mais les peurs actuelles peuvent plutôt être interprétées comme des angoisses _ sans contour ni objets identifiables : re-voilà ce concept crucial _ face au réel _ méconnu, lui, en sa diversité et spécificité qualitative : hors numérisation et comptabilité ! _ et à ce qu’il comporte de hasards _ bel et bien objectifs ! lire ici Augustin Cournot ; ou Marcel Conche : l’excellent L’Aléatoire (paru aux PUF en 1999)… _ et d’incertitudes » _ ludiques et glorieuses… Aux pages 136-137…

« Mais c’est surtout sur le dernier point, celui qui associe la peur et l’institution de la souveraineté, qu’il nous faut admettre ne plus vivre dans un monde hobbesien.« 

Car « la peur qu’éprouvent les sujets à l’égard des institutions est différente de la crainte raisonnable éprouvée face au Souverain«  _ énoncée et décrite dans Léviathan. « Dans un monde globalisé, les craintes _ désormais _ sont transnationales : c’est pourquoi les frontières classiques ne sont plus perçues _ par les individus _ comme des protections suffisantes« 

Et « des peurs contemporaines, on peut dire qu’elles sont « socialisées » en ce sens qu’elles renvoient à des attitudes _ larges et floues : voilà _ plus qu’à des actes illégaux _ spécifiés. Les citoyens ne sont donc pas seulement tenus de craindre les appareils étatiques de contrainte, ils doivent d’abord être vigilants face à _ tout _ ce qui, dans leur environnement immédiat _ infiniment ouvert et mobile _, les met _ subjectivement _ en danger« , pages 137-138.


Avec ce résultat que « le bénéfice de la peur politique, qui est de permettre aux individus de s’abandonner à _ la douceur presque insensible d’ _ une certaine confiance mutuelle _ oui : cette « civilité«  (« pacifique ») était l’objectif politique escompté, au final, du modèle d’État hobbesien _, est alors perdu au bénéfice d’une défiance _ rogue et perpétuellement malheureuse ; plus qu’intranquille : perpétuellement sur le bord de verser dans l’humeur querelleuse et agressive _ généralisée« , page 139. 

Avec aussi ce résultat, terrible : « les peurs d’aujourd’hui isolent _ voilà _ les individus parce qu’elles ne désignent pas un « autre » comme danger, mais se défient _ et fondamentalementdu réel social même _ en son entièreté. Les murs contemporains _ ceux qu’analyse Wendy Brown en son très remarquable Les Murs de la séparation et le déclin de la souveraineté étatique _ montrent _ cruellement, en leur réalisme ! _ que la peur n’est plus à l’origine d’un désir communautaire _ celui de « faire monde« , ou « société«  _, mais qu’elle est une invitation à faire sécession _ voilà ! en une « forteresse assiégée«  isolée du reste par ses barbacanes, fossés et douves… _ d’un monde jugé globalement pathogène«  _ (= toxique) : page 139…

Par là, « le modèle de l’aversion _ et de la fuite : mais jusqu’où ?.. _ semble plus adéquat _ en notre aujourd’hui d’« apeurement«  généralisé… _ que celui de la peur classique pour aborder les refus du présent« , en déduit Michaël Foessel, page 142.

Avec cette conséquence éminemment pratique que « confronté à un marché et à des risques qui ne connaissent plus de frontières, les souverainetés étatiques blessées _ et qui demeurent encore _ ne peuvent répondre autrement que sur un mode _ c’est à bien relever ! _ à la fois métaphorique _ ou magique ! d’où les palinodies d’incantations… _ et réactif au désir de monde clos qui anime la peur _ = l’angoisse, en fait… A force de discours _ et pas seulement ceux des communiquants et publicitaires, et autres propagandistes stipendiés _ qui affirment que le danger est partout puisqu’il est le monde lui-même _ voilà ! _, la peur a perdu _ et c’est un comble ! _ sa vertu de circonspection. N’étant plus en mesure de distinguer _ ni évaluer, ou mesurer, non plus ! _ le menaçant de l’inoffensif, elle tend à envisager _ fantasmatiquement _ toute chose _ à l’infini, continument ! _ comme un danger en puissance« , page 143. « Les peurs contemporaines ne font plus monde«  _ par là même : en un « esseulement«  (anti-social) proprement affolant…


Et « l’angoisse advient dans l’effondrement de ces significations _ qui furent jadis familières _ lorsque plus rien ne répond à nos attentes _ devenues seulement mécaniques et réflexes _ ou ne s’inscrit dans un horizon maîtrisé _ mécaniquement, aussi _ par nos actes«  _ selon quelque chose dont Kafka semble avoir, avec beaucoup, beaucoup d’humour, lui, exprimé très lucidement quelque chose…

D’où « les discours de la catastrophe » contemporains… Et « dans les politiques de la catastrophe _ qui se déploient si complaisamment _, il n’y a plus de différence de nature entre un monde qui menace de disparaître à cause de l’insouciance des hommes et une vie qui déraille » _ carrément ; page 146.

Certes « une catastrophe possède des remèdes, mais ceux-ci _ massifs, forcément… _ empruntent toutes leurs procédures à la science _ calculante, ainsi qu’à la techno-science (son compère), à partir de probabilités envisageables selon des moyennes… _ et aux mesures préventives _ techniques, mécaniques et automatisées _ qu’elle permet d’anticiper.

Sciences du climat, mais aussi du comportement, du crime, de la gestion des risques sanitaires et de la conduite _ envisageable, grosso modo, statistiquement… : le raisonnement se fait sur des ensembles, des masses, des foules ; et pas sur des singularités : non ciblables… _ des hommes _ coucou ! les revoilà ! _ : autant d’édifices théoriques qui figent l’avenir _ on en frémit ! tels des papillons promis (et condamnés) au filet, au formol et à l’épingle qui les immobilise pour l’éternité ! _ dans les prédictions _ ou prévisions ? imparables ?.. _ qui en sont faites.


Il faut _ très concrètement _ que la catastrophe _ massive !!! donc… _ soit un horizon _ incitatif suffisant ! pour les individus comme pour les gouvernants, par l’incommensurabilité de son caractère épouvantable ! sinon, on demeure insouciant ; et imprévoyant ! anesthésié qu’on est par le désir de confort et de routine ordinaire… _ pour que le monde et les vies deviennent prévisibles _ ceux qui contrôlent et calculent en étant à ce compte-là seulement, rassurés ! On ne maintient pas _ voilà ! _ les citoyens et les gouvernants dans la prévoyance active pour les lendemains si ceux-ci ne sont pas menacés _ rien moins que _ du pire. En sorte que les discours de la catastrophe ont tout de la prophétie autoréalisatrice : ils suscitent les peurs angoissées auxquelles ils proposent _ bien fort _ d’apporter une solution« , page 146.


Et « cette circularité _ voilà : auto-alimentatrice du système _ entre la peur angoissée _ sans objet nettement déterminé _ et la vigilance productive qu’elle induit _ voilà _ ne se limite nullement aux rapports entre les individus et les États. On n’expliquerait pas, sinon, qu’elle ait pu investir les vies jusque dans leur intimité _ mais oui ! _, réduisant toujours les espaces de quiétude. La peur incertaine _ angoissée, kafkaïenne… _ s’est transformée en élément _ productif _ de mobilisation permanente _ d’où la polysémie du titre de l’ouvrage : « État de vigilance«  : dont le sens, aussi, d’un état perpétué en permanence d’attention inquiète, voire stressée, des individus ; en plus de l’« État libéral-autoritaire« , adjuvant (et complice : bras séculier !) de l’économie néolibérale… _ dans un système global, que faute de mieux, nous appelons « néolibéralisme » _ voilà !

La vigilance ne serait jamais devenue un _ tel _ ethos majoritaire _ et continuant de se répandre _ si les trois dernières décennies _ après la fin des « trois glorieuses«  et la première grande crise du pétrole, en 1974… _ n’avaient pas été celles de l’introduction des horaires flexibles _ la flexibilité tuant la plasticité ; cf les excellents ouvrages là-dessus de Catherine Malabou… _, de l’affaiblissement des garanties liées au contrat de travail ; et de la sous-traitance à des entrepreneurs indépendants et socialement fragilisés«  _ en effet ! voilà des procédures empiriques diablement efficaces sur le terrain pour créer, multiplier et entretenir l’anxiété…


Et « le « management par la terreur » _ oui ! _ fait système _ lui aussi : par le haut ! _ avec ce réel angoissé _ oui ! _ où le fait de se sentir nulle part « chez soi » _ une barbarie ! _ est considéré _ managérialement ! Michaël Foessel cite ici une déclaration en ce sens de Andrew Grove, ancien PDG d’Intel : « la peur de la compétition, la peur de la faillite, la peur de se tromper et la peur de perdre sont des facteurs de motivation efficaces«  _ comme une vertu cardinale« , page 147 _ au bénéfice d’une nomenklatura, qui, elle, de fait, sait fort bien s’en exempter : cf les « retraites automatiques« , « parachutes dorés«  et « autres primes extravagantes« , précise Michaël Foessel, pages 147-148…

Le résultat étant que « dans les sociétés libérales, la majorité des individus est _ et de plus en plus : à moins qu’on ne s’emploie à y mettre fin !.. à inverser le processus ! _ soumise à une variabilité permanente _ dite « flexibilité«  : le contraire de la « plasticité«  artiste ; et des démarches souples et ouvertes à l’accident de l’imprévisibilité du « génie«  _ des formes de vie _ Michaël Foessel reprend ici l’expression de Paolo Virno ; cf aussi son Opportunisme, cynisme et peur _ ambivalence du désenchantement_ qui favorise l’apparition des craintes angoissées« , page 148. « Étrange procédure que celle dont on attend _ les néolibéraux ! du moins… _ qu’elle produise de la stabilité psychologique et sociale _ systémiques : une induration de l’habitus… _ par l’exacerbation des inquiétudes » _ des individus (pire que stressés)…

Et Michaël Foessel de conclure son chapitre « Cosmopolitique de la peur ? » :

« Dans tous les cas, il nous faut renoncer à nos espoirs _ sic ! _ dans une cosmopolitique de la peur _ pour reprendre le concept kantien… : soit la perspective d’un tel affect qui « ferait monde«  ! pour la collectivité des humains que nous sommes… Le cosmopolitisme n’est possible que là où _ décidément _ il y a des institutions et là où il y a un monde _ se faisant par nos coopérations effectives et lucidement confiantes (de vraies personnes sujets, et non réduites au statut d’objets) :

on aura depuis longtemps compris combien j’applaudis à ce « diagnostic«  de Michaël Foessel _ pour reprendre le titre (au pluriel : « diagnostics« ) de cette « collection » du « Bord de l’eau« , que dirigent Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc !


Or, les peurs angoissées sont solitaires et acosmiques
_ hélas ! _ : elles n’ont pas d’autre horizon que celui de la catastrophe » _ et font mourir les individus (isolés, s’isolant les uns des autres, désocialisés ; et sans œuvres !) de mille morts avant la mort biologique définitive… Ce ne sont pas là des vies vraiment « humaines » ! mais « inhumaines » ! barbares !

« Mais _ et ce sont les mots de Michaël Foessel en sa conclusion, page 155 _, entre l’audace _ téméraire _ de l’aventurier et la prudence _ calculante, comptable _ de l’entrepreneur _ ainsi, aussi, que la lâcheté (veule) devant la peur ; ou la soumission (maladive) à l’angoisse _, il y a le courage de l’action qui se mesure _ sans opération de calcul comptable, cette fois ! et joyeusement ! _ à l’imprévisibilité _ ludique _ du monde. Cette vertu collective _ et pas seulement personnelle et individuelle, par là ; mais civique (et civilisatrice !) _ est nécessaire pour que nos désirs politiques _ authentiquement démocratiques : à rebours des populismes démagogiques (bonimenteurs) menteurs ! _ osent à nouveau se dire dans un autre langage que celui _ apeuré et apeurant, avare et mesquin, aveuglément cupide ! _ de la sécurité _ soit le langage de la liberté créatrice d’œuvres authentiquement (= qualitativement !) « humaines« 

Un défi exaltant…

Existent d’autres régimes d’attention _ ou « vigilance« , avec d’autres rythmes… _que cette mesquinerie réductrice utilitariste néolibérale « coincée » ! D’autres désirs que de sur-vivre (soi, tout seul) biologiquement, et à tout prix ! Ou seulement s’enrichir _ gagner plus ! _ !.. Quelle pauvreté d’âme ! Quelle bassesse ! Quelle porcherie que cette cupidité exclusive !

Une attention un peu plus généreuse (et ludique _ jouer…) à l’altérité amicale (ou l’altérité amoureuse _ il y a aussi l’altérité des œuvres) ; et non inamicale _ Michaël Foessel cite aussi à très bon escient Carl Schmitt, et cela à plusieurs reprises _ ou concurrentielle !

Quelles terribles restrictions (et appauvrissements _ qualitatifs ! _) de l’humanité voyons-nous se déployer sous nos yeux avec cette économie politique néolibérale conquérante, exclusive, totalitaire ! en plus du ridicule infantile de son exhibitionnisme bling-bling !..

C’est cette anthropologie joyeuse-là qu’il vaudrait mieux, ensemble, en une démocratie ouverte, réaliser, joyeusement, souplement, et les uns avec _ et pas contre _ les autres…

Aider à advenir et s’épanouir une humanité mieux « humaine » !..

Titus Curiosus, ce 22 avril 2010

Post-scriptum :

Avec un cran supplémentaire de recul,

je dirai que la pertinence de l’analyse de l’état contemporain de l’État

(ainsi que du Droit : ici la réflexion de Michaël Foessel s’inscrit dans la démarche d’analyse lucidement riche d’un Antoine Garapon, comme dans celle de Mireille Delmas-Marty)

me paraît tout particulièrement redevable à la démarche de Michel Foucault _ en ses leçons au Collège de France, tout spécialement : leçons dont la lucidité fut sans doute en quelque sorte « accélérée«  par le sentiment de l’urgence de ce qui lui restait de temps, terriblement « compté« , à « vivre«  ! _ quant à l’historicité et des réalités et des concepts _ ensemble : ils font couple ! _ afin de les penser et comprendre :

à l’exemple _ encourageant ! _ de ce qu’une Wendy Brown retire de la méthode foucaldienne.

Soit un refus de la « substantialisation«  _ le terme est employé au moins à deux reprises dans le livre _ des concepts, de même qu’une critique reculée des « thèmes«  _ ce terme aussi revient à plusieurs reprises : les deux font partie de l’épistémologie critique foesselienne, en quelque sorte… La compréhension du réel, en son historicité même, requiert donc une telle mise en perspective à la fois cultivée et critique. 

C’est ainsi que la philosophie de l’État, ainsi que l’anthropologie _ classiques, toutes deux, en philosophie politique _ d’un Thomas Hobbes, doivent être relues et corrigées afin de comprendre ce qui change, ce qui mue, ce qui devient autre et se transforme à travers l’usage (faussement similaire) des mots, des expressions, des concepts, même, pour « suivre » et saisir vraiment ce qui « devient » (et mue) dans l’Histoire :

ici, en l’occurrence, comprendre « l’État libéral-autoritaire » et les « peurs angoissées » contemporains.

Comment la peur est « utilisée » autrement aujourd’hui qu’hier par un État _ avec ses appendices idéologiques _ qui, lui non plus, n’est plus le même ; et selon des affects qui eux-mêmes ont « bougé« . Et qu’il importe absolument de comprendre, en ce « bougé » même, pour mieux saisir le sens de ce qui advient maintenant ; et mieux agir au service d’un « humain » qui lui-même change (et se trouve « malmené » !)…

Ce qui _ nous _ impose _ aussi _ d’autres modalités d’action, notamment politiques, au service des valeurs d’épanouissement des humains : au lieu d’une « guerre _ même sous d’autres formes _ de chacun contre tous« .

Voilà comment Michaël Foessel, en son travail d’analyse philosophique, en ses livres publiés, comme en son travail d’articles dans la revue Esprit, au courant des mois et des années, nous offre un travail au service de l’épanouissement de l’humain…

Et d’un « faire monde » courageux : les deux étant liés…

Grand merci à ces contributions !!! Elles sont importantes !

C’est aussi une mission _ d’une certaine importance ! en effet… _ du philosophe _ faisant ce que sa démarche (d’intelligence comme d’action : en intense corrélation…) lui permet d’effectivement faire _ que de s’inscrire, avec son effort d’intelligence critique du réel, dans une démarche d’aide à la lucidité de la cité _ et des citoyens : tant qu’il en demeure, du moins ; mais le pire (ou la « catastrophe« ) n’est pas toujours le plus sûr, heureusement, peut-être !..

Tout cela me paraissant assez bien résister à la re-lecture,

neuf mois plus tard que le 22 avril 2010

de sa rédaction…


Le contexte des « événements » _ courageux ! _ de Tunisie

en ce moment même (!),

donnant à tout cela

_ et face à l’océan qui paraissait en expansion irrésistible des mensonges et des lâchetés !.. _

une perspective (d’espérance démocratique)

_ peut-être : nous verrons… _ un peu ravivée…

Titus Curiosus, ce mardi 18 janvier 2011

Curiosité, inspiration et génie : splendeur de la conférence (artiste et rigoureuse) de Mireille Delmas-Marty au Festival Philosophia 2010 à Saint-Emilion

30mai

Hier, sur la foi de la satisfaction de ma découverte l’an passé du Festival « Philosophia » (à Saint-Émilion),

avec, notamment les conférences (superbes !) d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler _ le « thème«  de cette cuvée-là était « le monde » (« à l’heure de la mondialisation« ) ; cf mon article (avec lien au podcast) de compte rendu, le 31 mai 2009 : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion«  _,

j’avais hâte de renouveler l’expérience,

d’autant que le « thème » de cette année-ci était « l’imagination » _ un mets de choix pour qui s’intéresse à la poïétique ! à la création par l’esprit (en acte et à l’œuvre !) : artistique et autre…

Un dilemme, toutefois, se posait à moi :

à l’heure de 15 heures 30,

et l’anthropologue Franco La Cecla

et la juriste, professeur au Collège de France, Mireille Delmas-Marty

proposaient simultanément deux (très prometteuses) conférences :

le premier, au Clos Fourtet, sur le sujet de « L’Imagination au masculin » ;

la seconde, répondant aux questions de l’excellent Nicolas Truong _ l’animateur de rencontres dans le cadre du Festival d’Avignon : Le Théâtre des idées : 50 penseurs pour comprendre le XXIème siècle_, sur le sujet de « Imaginaire et rigueur : imaginer un droit mondial« …

De Franco La Cecla _ aujourd’hui professeur d’anthropologie culturelle à Milan et Barcelone, ce natif de Palerme a aussi enseigné à la faculté d’architecture à Venise et été « consultant » auprès de Renzo Piano… _, j’avais découvert avec beaucoup de plaisir et d’intérêt, en 2004, d’abord le passionnant et très incisif Je te quitte, moi non plus _ ou l’art de la rupture amoureuse, puis, dans la foulée, Le Malentendu _ sur une question que j’estime cruciale, au sein des rapports humains ! et sur les conseils d’Isabelle, libraire au rayon « Sciences humaines » de la librairie Mollat : le livre est paru en 1997 aux Éditions Balland _, et Ce qui fait un homme, paru aux Éditions Liana Levi en 2002 ;

ce mois-ci, je me suis plongé avec satisfaction encore _ et je dois en rédiger, pour ce blog, un compte-rendu _ dans le délicieusement incisif, lui aussi, Contre l’architecture (aux Éditions Arléa) : c’est-à-dire vis-à-vis de certaines dérives du « gratin » des architectes les mieux (!) reconnus internationalement (= sur le marché !) au détriment du souci (et de la qualité) de l’urbanisme ! un enjeu d’importance, on peut (et on pourra) en juger… ;

quant à Mireille Delmas-Marty,

pour goûter tout spécialement _ et c’est un euphémisme ! _ la diffusion, le matin entre 6 et 7 heures (quand je prends la route pour gagner mon lieu de travail), de ses splendides cours au Collège de France ; de même que sa participation, parfois, à l’excellent « Le Bien public« , d’Antoine Garapon, le mercredi de 11 heures à midi ; les deux sur l’antenne de France-Culture

_ une exception (pour combien de temps encore ?) que ce France-Culture ! dans un paysage audio-visuel se dégradant (= dégradé !) à vitesse grand V, parmi les effluves nauséabonds triomphants (= « l’air du temps » !) de l’affairisme et du populisme conjugués de la com’, dans tant de médias, ces temps-ci…

je me suis précipité dès sa parution, sur son tout récent Libertés et sûreté dans un monde dangereux (aux Éditions du Seuil) _ j’y consacrerai aussi un article ; j’ai déjà indiqué que Michaël Foessel le citait en son important État de Vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire !

cf mon article du 22 avril dernier : « Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel«  _,

Mireille Delmas-Marty est, à mes yeux, un contemporain majeur !

Et sa conférence _ en la salle des Dominicains _ m’a comblé :

rien que pour des contributions de cette qualité-là, un Festival (de philosophie) tel que Philosophia se justifie !!!

Voici ce que, dès la première heure ce matin,

et pour remercier son remarquable interviewer _ les meilleures conférences étant les conversations vivantes !!! _

j’écrivais à Nicolas Truong :

De : Titus Curiosus

Objet : Philosophia hier à Saint-Emilion + des curiosités croisées
Date : 30 mai 2010 09:09:14 HAEC
À :   Nicolas Truong

Cher Nicolas Truong,

d’abord, j’ai plaisir à vous féliciter pour la qualité de votre « dialogue » avec Mireille Delmas-Marty,
même si l’
opération est, ici, éminemment facilitée _ et comment ! _ par la personnalité « d’exception » (= géniale ! tout bonnement ! cf le concept tel que le propose Kant en sa Critique de la faculté de juger) d’un interlocuteur tel que Mireille Delmas-Marty :
une personnalité
_ et un esprit ; et un auteur _ proprement admirable !

Avec et de l' »inspiration » et du « génie » (tout à la fois poïétique et conceptuel : mais les deux sont-ils, de fait, séparables ? _ peut-on séparer radicalement la métaphore du concept ? ce point a aussi été abordé, en la (très belle !) conférence, à 17 heures de Jean-Jacques Wunenburger : « L’Imagination au cœur de l’existence«  _),
car ils se sont fait parfaitement (= très clairement) « sensibles » _ au public hyper attentif ! _ cette heure et demie là, en la salle des Dominicains :

merci à elle ! et merci à vous de lui avoir permis

et d’en faire preuve, en son exposé en répondant à vos questions « centrales«  _ c’est important d’avoir su (si) bien préparer (sur le fond !) la rencontre _

et en sachant si bien en exposer quelques tenants et aboutissants « théoriques« , sinon « épistémologiques« , à l’œuvre en sa recherche juridique : toujours vivante ; continûment en chantier, ainsi qu’elle l’a elle-même indiqué à propos de nouvelles éventualités (= hypothèses, pistes, programmes) de recherche _ l’institution du Collège de France, par François Ier, en 1530, est une institution prodigieuse…


« Inspiration« , « Génie » : c’est d’ailleurs là
LA question de fond

(= LE fondamental !)

qui devait être « traitée » par une manifestation « philosophique » telle que « Philosophia« 

se donnant pour « thème«  (= matière à problématisations ! par les conférenciers invités : « à plancher » !) l’imagination…

Mireille-Delmas-Marty l’abordant, elle,

et à partir de vos excellentes questions, donc,
à partir de sa pratique propre _ particulière et empirique : juridique ! _

de ce qu’elle nomme les « forces imaginantes » du Droit ;

et pas « théoriquement » (ou philosophiquement, si l’on préfère),
ainsi qu’elle l’a précisé, en réponse à ma question _ à la fin _, de son « impasse« , en sa conférence, sur le « champ » plus spécifiquement « philosophique » (théorique ! voire épistémologique) de l’exploration _ c’est une dynamique ! _ de la faculté d’imagination :

le concept de « génie » tel qu’il est exploré par Kant en sa Critique de la faculté de juger,
L’Institution imaginaire de la société
, cet ouvrage majeur du XXème siècle, et l’exploration de Cornelius Castoriadis ;
mais aussi
, moins repérés, L’Invention intellectuelle de Judith Schlanger (aux Éditions Fayard, en 1983)

et La pensée vive _ essai sur l’inspiration philosophique de Marianne Massin _ la fille de Jean et Brigitte Massin, les musicologues…

Je pense aussi aux travaux (bien connus) d’Edgar Morin ;

ainsi qu’à ceux de Nicole Lapierre : Pensons ailleurs ;

ainsi que ceux d’un François Jullien : par exemple Penser d’un dehors (la Chine), en dialogue avec Thierry Marchaisse, ici : en 2000, un livre passionnant !..

J’étais d’autant plus « aux anges »
que je venais d’être déçu par le non professionnalisme de la conférencière que j’avais écoutée l’heure d’avant (en un exposé réduit à 40 minutes : à son plus grand soulagement !),
qui n’avait rien de vraiment senti, ni de personnel à « dire« ,
pas davantage que le (moindre) désir de susciter l’attention et la compréhension du public présent _ à un point caricatural d’égocentrisme (carriériste ? et germano-pratin ?) ! me suis-je dit en mon for intérieur : c’est ainsi que j’ai ressenti la « performance« …

Quelques ressucées _ à propos de Gaston Bachelard et d’Henry Corbin _ d’une thèse universitaire sienne (déjà ancienne, a-t-elle elle même avoué-proclamé) + quelques aperçus sur son dernier ouvrage publié (de plus fraîche mémoire, lui), lui suffisant apparemment !

D’ailleurs, ce dernier livre que je suis en train de lire est lui-même fort brouillon, à mon goût ; et je ne le recommanderai pas !

Heureusement,
la conférence à 17 heures de Jean-Jacques Wunenburger
(maîtrisant, lui, son sujet) fut tout à la fois et (bien plus) sérieuse (précise, éclairante) et (bien mieux) inspirée :

le conférencier non seulement avait « préparé« , lui, sa conférence _ et pas seulement « ramassé«  précipitamment (entre deux trains…) quelques anciennes « notes« , sans prendre la peine (ou si peu, de rien « situer » auprès d’un public non universitaire guère averti ni du bachelardisme, ni du soufisme décortiqué par Corbin !) : un défaut que ne se permettrait pas un professeur de Terminales de lycée!) _ mais il recherchait « vraiment » (et avec talent !) la compréhension réceptive du public (tel qu’il était) : il l’a trouvée ! en sachant « se faire pédagogique » et « vivant » ! _ encore faut-il au moins le désirer ! et désirer partager sa pensée, sa recherche, ses explications, ses lumières…

Au passage _ à propos de la sélection des intervenants à Philosophia _,
je regrette que les « décideurs » de Philosophia aient négligé de faire appel
à Marie-José Mondzain : sur l’image !


Bref,

vos questions

allaient à l’essentiel ;
et j’ai bien apprécié, déjà, votre question d’ouverture
de l’échange

invitant Mireille Delmas-Marty à présenter (= « situer » !!!)  ce qui dans son histoire personnelle avait pu l' »incliner » à ces (et ses) recherches _ quant à un « droit mondial« , tant « se construisant«  (de bric et de broc : très empiriquement ; et non sans dissensions, en son disparate !..), qu’« à essayer (de proposer) à construire«  ! _

et à leurs modalités idiosyncrasiques : assez originales (« artistes« ) dans le milieu juridique, en particulier…

Le faisceau du souci « protestataire«  (en faveur de la justice _ et à rebours des aspects de « conservation«  du Droit positif établi…) de l’héritage (familial) protestant,
et de la « curiosité » tous azimuts
_ et notamment en faveur de « singularités« , tout spécialement d’artistes ! en leurs gestes ! plus qu’en des « concepts » : d’artistes tels que Paul Klee (au Bauhaus), ou Vieira da Silva, parmi d’autres encore… _ de la personnalité propre de la conférencière

ainsi que sa « méthode » (bricolée « sur le tas« , et au fil des circonstances de ses rencontres, découvertes et « explorations« , surtout _ ainsi a-t-elle entamé, nous a-t-elle confié, des études de biologie, de médecine, de chinois (aux Langues Orientales : deux ans !), de même que de philosophie ; à côté de sa vive curiosité artistique ! _)

d’hypothèses de travail très « pratiques«  _ dans le champ du Droit (tant « fait« , que « se faisant« , et « à faire« , c’est-à-dire « à inventer« , « créer«  ! : dynamiquement !) et de son « analyse«  de tout cela _ résultant de « regards croisés« 


m’ont personnellement bien éclairé
quant au plaisir (passionné !) que j’éprouve chaque fois

à écouter les exposés de recherche de Mireille Delmas-Marty (au Collège de France) donnés sur France-Culture.

Mireille Delmas-Marty constituant pour moi, ainsi, un « contemporain majeur » !
….

Comme je vous l’ai dit très rapidement,
ma propre « curiosité« 

_ ainsi mon blog sur le site de la librairie Mollat a-t-il pour sous-titre : les « carnets d’un curieux » ;
cf son article de présentation, le 8 juillet 2008 :
« le Carnet d’un curieux »

voilà ! _

ma propre curiosité, donc,

est, elle aussi, « croisée » :
elle est née à la fois, les deux « se tissant« ,
du silence de mon père
, né le 11 mars 1914 à Stanislawow en Galicie (non loin de la Bolechow dont traite l’enquête _ superbe ! _ de Daniel Mendelsohn en ses Disparus),
ainsi que du tropisme argentin (éloigné : outremer) d’Adolfo Bioy Casares, cousin de ma mère (toujours vivante, elle : elle a 92 ans ; et une excellente mémoire !) ;
et nous avons de nombreux cousins passionnants en Argentine ;
tel Francisco Erize qui dirigea les Parcs Nationaux d’Argentine et est l’auteur de nombreux ouvrages sur la faune et la flore de son immense pays…
Sa mère, Jeannette Arata de Erize dirige encore (depuis les années 50) le Mozarteum Argentino, au Teatro Colon (qui vient de brillamment rouvrir) ;
elle connaît le « gratin » des musiciens-artistes, et pas seulement les Argentins tels que Marta Argerich ou Daniel Barenboim…

Mais mon côté Gascon, voisin de Montaigne _ j’ai vécu mon enfance à Castillon-la-Bataille, à moins de deux heures à pied de la tour de Montaigne) _
m’entraîne souvent vers la prolixité _ gaspilleuse du temps de qui me lit ou m’écoute : il me faut toujours mieux y veiller !!!

Aussi,
me contenterai-je à ce point de ce déjà bien trop long message
de vous adresser _ afin de donner à « pénétrer » un peu ma propre « curiosité«  _ les liens suivants d’articles de mon blog :

l’un concerne la session 2009 de « Philosophia » (avec les exposés d’Olivier Mongin et de Bernard Stiegler
_ dont le site « Ars Industrialis » a publié en avril 2008 mon article (je vous l’adresserai une autre fois !) « Pour célébrer la rencontre«  _ : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion »

deux autres, les travaux très percutants du très remarquable Michaël Foessel :

« La Privation de l’intime » (au Seuil) : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie »

et « Etat de vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire » (au Bord de l’eau) : « Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel« .


La « poiesis«  _ clé des « forces imaginantes » : c’est le concept qu’a magnifiquement proposé hier Mireille Delmas-Marty _ m’intéresse tout particulièrement.

Cf mes 2 articles sur le livre (puis la conférence chez Mollat, en compagnie de Michel Deguy) de Martin Rueff « Différence et identité«  (chez Hermann) à propos de la poétique de Michel Deguy :
« la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff _ deuxième parution »

et
« De Troie en flammes à la nouvelle Rome : l’admirable “How to read” les poèmes de Michel Deguy de Martin Rueff _ ou surmonter l’abominable détresse du désamour de la langue »


J’avais aussi, plus lointainement (= avant l’ouverture de mon blog : le 3 juillet 2008),
composé un article sur le livre majeur de mon amie Marie-José Mondzain « Homo spectator«  (chez Bayard),
en lui proposant de nommer « imageance » le processus (« imageant« ) qu’elle analyse…


Mon plus récent article porte sur l’admirable film « Copie conforme »
ainsi que sur l’essai de Frédéric Sabouraud « Abbas Kiarostami _ Le cinéma revisité« 
(aux Presses Universitaire de Rennes) :
« Jubilation de la déprise du cinéma d’Abbas Kiarostami : la question de l’amour du couple de “Copie conforme” ; et la profonde synthèse de la “lecture” de Frédéric Sabouraud en son “Abbas Kiarostami _ le cinéma revisité” »



Voilà.
J’espère ne pas trop vous importuner avec cette avalanche de lectures trop longues…

J’apprécie, cher Nicolas Truong, votre « regard croisé » !

Une autre fois,

je vous adresserai l’historique de mes curiosités : j’avais rédigé un CV pour France-Musique, à l’occasion d’une émission (de François Dru : « le kiosque des amateurs » _ pour le vingtième anniversaire du Centre de Musique Baroque de Versailles, en direct du Château de Versailles, le 22 septembre 2007) dont j’étais l’invité :
car je suis aussi passionné de musique ;
j’ai été « conseiller artistique » de La Simphonie du Marais (et Hugo Reyne) durant la décennie 90
(je suis le co-auteur (avec Hugo Reyne) du programme du CD « Un portrait musical de Jean de La Fontaine« , paru chez EMI en 1996 :
et à l’occasion des recherches duquel j’ai découvert un petit opéra de La Fontaine et Marc-Antoine Charpentier : « Les Amours d’Acis et de Galatée«  (donné à Paris en février 1678) ;
Catherine Cessac mentionne cette « découverte » en la seconde édition de son « Marc-Antoine Charpentier« , aux Éditions Fayard, parue en août 2004) ;

j’ai tenu une chronique d’esthétique pour l’éditeur de CDs Alpha (Jean-Paul Combet : un ami !) ;
ainsi que rédigé des livrets de CDs (« L’orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux« , par Gustav Leonhardt : CD Alpha 017 ;
« Le Sermon sur la mort » de Bossuet, par Eugène Green : CD Alpha 920)
;

et donnerai les 19 et 20 février prochain (2011) 2 conférences au colloque « Lucien Durosoir 1878-1955 »
qui se tiendra à l’Institut de la musique française romantique (la Fondation Bru-Zane), à Venise

Cf mon article « Musique d’après la guerre »

à propos du CD des « 3 Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125 : admirable ! sublimissime ! de la hauteur des Quatuors de Debussy et de Ravel, tragique en plus !).

De même que j’ai écrit 2 essais (inédits) :
« Lire « Liquidation » d’Imre Kertész _ ce qui dure d’Auschwitz« 
_ Imre Kertész (génial !) n’est pas assez lu en France, en dépit de (la célébrité seulement nominale ! de) son Prix Nobel en 2002 ! _
et « Cinéma de la rencontre _ à la ferraraise« , sous titré « Un Jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) _ à la Antonioni« …
dont j’ai présenté une « synthèse » (avec projection de la séquence ferraraise de « Par delà les nuages« , en 1995) à la galerie La Non Maison à Aix-en-Provence, le 13 décembre 2008.

Je suis un ami de Michèle Cohen, la galeriste de La NonMaison,
et de
(l’immense) Bernard Plossu _ plus et mieux célébré (jusqu’ici) à l’étranger : États-Unis, Italie, Espagne, Belgique, qu’en France _ :
« L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma” »


Enfin, il m’arrive aussi de « faire le modérateur » de conférences à la librairie Mollat :

cf ces podcasts récents :
avec mon ami Yves Michaud

(il a mis un lien vers mon blog sur son blog Traverses in Libération)
pour son « Qu’est-ce que le mérite ?«  (aux Éditions Bourin) :

pour la conférence d’Yves Michaud le 13 octobre 2009
« Où va la fragile “non-inhumanité” des humains ? Lumineux déchiffrage du “mérite” tel qu’il se dit aujourd’hui, par Yves Michaud le 13 octobre dans les salons Albert-Mollat »


et avec l’historienne Emmanuelle Picard

pour « La Fabrique scolaire de l’histoire«  (aux Editions Agone) :
pour la conférence d’Emmanuelle Picard le 25 mars 2010 

« De la latitude de faire comprendre la complexité de l’Histoire : l’éclairante conférence d’Emmanuelle Picard à propos de “La Fabrique scolaire de l’Histoire” »


De quoi vous noyer sous pareille avalanche !
J’ose espérer que vous aurez le temps d’y picorer si peu que ce soit…

Bien à vous,
et très heureux de vous avoir rencontré,
et ainsi « croisé » votre propre « curiosité« 
_ celle qui vous anime, aussi, à Avignon, dans le cadre d’un autre Festival…

Titus Curiosus


Voilà.

C’est dire si le dialogue de Mireille Delmas-Marty

sur l’invention (« se faisant » comme « à faire » : entre « technique du Droit » et « art du Droit » !)

d’un Droit mondial,

avec ses enjeux pour une humanité peut-être « moins inhumaine » _ ce fut un pan majeur de son intervention ! et ce qui anime et illumine son travail ! _

m’a passionné !


Démêler la complexité dans un esprit de justice et de justesse,

et en préservant (ou/et faisant progresser) les droits de l’indétermination et de la plasticité (= vraie liberté) de la singularité de la personne ! face à tant de pouvoirs _ cf Michel Foucault en la fécondité d’esprit de ses dernières années, luttant (en « pensant« …) contre la montre… _ qui les broient…


Voilà la flamme qui « inspire » Mireille Delmas-Marty en son œuvre d' »imageance«  _ je reprends ici le concept que j’ai proposé à Marie-José Mondzain : autre battante constructive et patiente !


Et quand le podcast de cette conférence sera disponible,

j’ajouterai un lien « en » cet article

afin de contribuer à sa plus large diffusion…


Titus Curiosus, ce 30 mai 2010

La décidément obligeante question « Qu’est-ce que l’homme ? » dans le numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit : « L’Etat de Nicolas Sarkozy »

20mar

Un passionnant numéro de réflexion de philosophie et histoire (contemporaine !) politiques, que le numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit _ que dirige Olivier Mongin _, intitulé « L’État de Nicolas Sarkozy« 


J’y relève tout particulièrement les contributions du philosophe Michaël Foessel, l’auteur de « La Privatisation de l’intime« , aux Éditions du Seuil _ cf mon article du 11 novembre 2008 « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie«  _ :

outre

deux très remarquables entretiens _ passionnants et cruciaux ! _ l’un avec la philosophe Myriam Revault d’Allonnes et l’autre avec la juriste (et professeur au Collège de France, à la chaire d’études juridiques comparatives et internationalisation du droit, depuis 2002) Mireille Delmas-Marty :

« Le Sarkozysme est-il la « vérité » de la démocratie ?« , pour le premier de ces deux entretiens, pages 43 à 53 ;

« Détruire la démocratie au motif de la défendre« , pour le second, pages 145 à 162 (Michaël Foessel étant accompagné ici, aux questions, par Clémence Lalaut et Olivier Mongin),

ainsi que la présentation générale (avec Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue) de ce numéro de mars-avril de la revue Esprit, intitulée, elle, « Les Nouveaux contours de l’Etat. Introduction« , pages 6 à 11 ;

Michaël Foessel présente une très remarquable contribution personnelle, aux pages 12 à 23, intitulée « La Critique désarmée« , et sous-titrée « L’Antisarkozysme qui n’ose pas se dire » ;

et dont voici les titres des étapes du cheminement :

_ après une présentation (sans titre) du « problème » à explorer (et formuler, penser, cerner, identifier), aux pages 12 à 14 ;

_ « L’Antisarkozysme qui ose se dire«  _ sur ce qui est le moins instructif, mais seulement superficiellement médiatique, journalistique : cf le livre récent de Thomas Legrand : « Ce n’est rien qu’un Président qui nous fait perdre du temps«  (paru aux Éditions Stock au mois de janvier 2010) que critique au passage Michaël Foessel… _, aux pages 14 à 16 ;

_ « Critique du sarkozysme et autocritique de la gauche«  _ probablement une contribution majeure ! qui m’a particulièrement impressionné ! et rencontre quelques unes de mes intuitions… _ :

« la gauche ne peut parvenir à retrouver son rôle d’opposition sans faire au préalable l’autocritique de ses propres conceptions du pouvoir, de l’économie et des réformes« , résume fort pertinemment l’auteur lui-même, page 1, au début du sommaire des articles ;

ajoutant : « Mais pourquoi est-ce si difficile ?«  Et il y répond ! ; cela, aux pages 16 à 21 ;

_ « Les Nouveaux horizons du conflit« , aux pages 21 à 23 ; dont je retiens surtout ceci :

« La crise de la social-démocratie dont on parle beaucoup est aussi une crise de ses élites qui s’étonnent de ne pas avoir perçu les effets néfastes de la globalisation, alors même qu’elles profitaient _ ces dites élites de la social-démocratie… _ de ses bienfaits. A cet égard, le devenir professionnel de Blair ou de Schröder (le premier dans la finance internationale, le second chez le géant russe de l’énergie gazière) est un peu plus qu’un détail _ comme c’est parfaitement jugé ! Même si une telle promiscuité avec les milieux d’affaires affecte moins _ à y regarder, tout de même, d’un peu près… c’est toujours dans les détails que le diable se cache… _ la gauche française, les pratiques hexagonales du « (rétro)pantouflage » ne garantissent pas un point de vue lucide sur le prix politique de la culture de marché« , page 22.

Le questionnement avance encore un pas plus loin, page 23, non sans s’être référé juste auparavant au travail (important !) de la philosophe américaine Wendy Brown (« Les Habits neufs de la politique mondiale« )… :

« Au-delà de la fausse alternative entre l’horreur économique et les vertus émancipatrices de l’individualisme, le débat se situe au niveau des normes que l’homo œconomicus fait peser sur la citoyenneté. Pour éviter la « mélancolie », la gauche réformiste devrait se pencher sur ce qui, dans le monde contemporain, s’est décidé sans elle en termes de valeurs » _ voilà bien le cœur du débat !!! comme c’est excellemment perçu, cher Michaël !

Et encore un peu plus loin,

après une réflexion sur « retrouver le sens de la conflictualité » _ la plus authentiquement démocratique ! le débat et la discussion véritablement informés : sur les fins et les moyens mis à leur service ; sans faire erreur sur leur hiérarchie ! à rebours des divers réalismes seulement machiavéliques ! _

et sur le caractère on ne peut plus « indésirable«  de « phénomènes indésirables«  tels que ceux que défend et promeut l’action du sarkozysme et des sarkozyens avec la mise en place d’un « système libéral-autoritaire« 

(avec « l’invocation de l’Etat en même temps que la culture de l’entreprise, le dirigisme régalien accordé à l’affaiblissement des institutions _ démocratiques _, le discours sécuritaire au service de la liberté _ débridée _ d’entreprendre : tous ces paradoxes s’éclairent lorsqu’on les confronte à la mise en place d’un système libéral-autoritaire« ),

ceci : « L’antisarkozysme conséquent devrait prendre la mesure des bouleversements que son adversaire exprime plus qu’il ne les cause. Cela veut peut-être dire inventer une nouvelle langue _ ou encore : problématiser à nouveaux frais… _ capable de traduire l’exigence de justice _ un point capital ! _ en d’autres termes que ceux de la maximisation des profits« .

Soit « à l’opposition, il revient désormais _ la tâche et le travail : c’est tout un ! _ de redécrire le réel _ = mieux le penser et ainsi mieux le faire comprendre ! toujours une affaire du mieux juger ! _ pour empêcher qu’une seule voix puisse s’en réclamer. Dans ce domaine aussi les territoires abandonnés sont irrémédiablement perdus ».


Michaël Foessel a on ne peut mieux raison de prendre à cet endroit-ci la question.

Je me permets de reprendre aussi ici la « présentation » (telle que la propose et résume le sommaire de la revue) des entretiens avec Myriam Revault d’Allonnes et Mireille Delmas-Marty,

dont les deux récents livres _ tout fraîchement parus, aux Éditions du Seuil, tous deux _ sont très importants, tout à la fois urgents et admirables, tous deux, chacun en son domaine :

« Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie«  ;

et « Libertés et sureté dans un monde dangereux«  !

Pour l’entretien de Michaël Foessel avec Myriam Revault d’Allones, cela donne ceci, page 1 :

« L’exercice actuel du pouvoir nous apprend-il quelque chose sur la démocratie ? Si le sarkozysme bouscule les équilibres instables de notre régime, n’est-ce pas vers celui-ci qu’il faut tourner les critiques? Les nouvelles formes de « gouvernementalité » et les conceptions sous-jacentes de l’individu qu’elles expriment vont-elles transformer, au-delà des pratiques du pouvoir, notre conception même de la démocratie ? Comment, dès lors, défendre notre attachement à ce régime ?«  ;

et pour l’entretien de Michaël Foessel, Clémence Lalaut et Olivier Mongin avec Mireille Delmas-Marty, ceci, encore, page 3, cette fois, du sommaire :

« En partant de l’analyse d’une décision troublante, la création d’une « rétention de sûreté », la juriste montre comment celle-ci témoigne d’une transformation internationale du rapport au droit et à la sûreté dans un monde plus dangereux. Si cette évolution est frappante dans le cas français, elle n’est néanmoins pas isolée et traduit une évolution plus large des grands régimes juridiques à travers le monde« 

_ ce qui n’excuse certes rien ; mais au contraire justifie les luttes et les résistances démocratiques, et sur tous les fronts, notamment celui du droit et celui de l’action politique dans les démocraties telles qu’elles existent encore…

Bref, comme on le constate, j’espère, à cette lecture de présentation rapide de ce numéro

« L’Etat de Nicolas Sarkozy« 

de la revue Esprit de mars-avril 2010,

une contribution particulièrement notable à la réflexion et au débat démocratique

de l’état présent et à venir (= à construire) de notre Etat, de notre république, de notre démocratie française !

L’enjeu de fond

étant de définir (sans réduction !!!) ce qu’il en est de l’homme.

Soit redéployer, pour aujourd’hui, une réflexion anthropologique ;

d’où la question « Qu’est-ce que l’homme ? » de mon titre…

Ici, je veux relever quelques mots particulièrement essentiels de l’analyse que mène Myriam Revault d’Allonnes, page 50 :

A la question de Michaël Foessel : « On a coutume d’interpréter le culte de la performance, la valorisation de la concurrence et du profit (« travailler plus pour gagner plus ») d’un point de vue économique ou moral. En quoi de telles pratiques jouent-elles aussi un rôle politique dans les formes contemporaines de « subjectivation » de l’homme démocratique ?« ,

voici ce que répond Myriam Revault d’Allonnes :

« Cette perspective va très loin. Certes elle tend à induire, comme je viens de le dire, un certain type de comportement économique et moral. Mais elle ouvre aussi la voie à l’élaboration d’une nouvelle anthropologie _ c’est cela qui me sollicite, et même passionnément ! _ où les notions d’intérêt et de concurrence régleraient aussi bien l’action individuelle que l’action collective, restreignant ainsi _ très gravement !!! mortellement ; c’est une régression barbare ! _ la pluralité des formes d’existence des individus.

Les modes de subjectivation des individus n’engagent pas seulement leur rapport au pouvoir, mais leur rapport à eux-mêmes, la façon dont ils se constituent _ rien moins ! nous touchons ici au fondamental de l’humanisation ! _ à travers ces rapports de pouvoir. Ce culte de la performance, de l’efficacité, de la rentabilité vise à instaurer un nouveau type de normativité morale et politique _ rien moins !

C’est ainsi que sous couvert de produire de la certitude, elle tend à effacer la figure du sujet-citoyen au bénéfice d’un sujet calculant, entièrement _ et pauvrement, misérablement même, par cette « réduction«  terrible et proprement terrifiante pour si peu qu’on se mette à y réfléchir… _ rationnel _ = comptable ! _, entrepreneur de lui-même, déconnecté de l’horizon du « commun » _ partagé.

Par exemple, la notion de « responsabilité » qui se caractérise classiquement par l’imputation d’un acte à son auteur _ encore un concept-clé ! _ est vidée de son sens au profit d’un calcul rationnel des conséquences (qu’ai-je _ moi, moi seul ; sans les autres, réduits, eux, à de stricts moyens ; ou concurrents ; voire ennemis ! voici venir un monde « sans autrui«  ; vide de « personnes » (et de ce qu’elles sont, les unes vis-à-vis des autres, et avec elles, et ensemble ; un monde sans amitié ni amour, donc ; qu’on y médite !.. _ à gagner ? qu’ai-je à perdre ?). Toute l’épaisseur morale _ ainsi qu’existentielle ; est-ce séparable ? _ de la responsabilité _ avec les dilemmes qui l’accompagnent _ disparaît au profit de choix purement stratégiques voire tactiques.

Cette tentative pour « conduire les conduites » est une rationalité globale qui vise à uniformiser _ voilà ! _ nos manières d’être et nos pratiques et à réduire la pluralité de nos expériences _ ici, on relira « L’Homme unidimensionnel » de Herbert Marcuse, écrit aux États-Unis en 1964 et paru en traduction française (aux Éditions de Minuit) en 1968 : une anticipation lucide de ce qui se profilait déjà ; il est vrai que Marcuse (Berlin, 19 juillet 1898 – Starnberg, 29 juillet 1979) avait été témoin de l’Allemagne sous le totalitarisme nazi…

Dans quel « monde » serions-nous si cette rationalité venait à s’accomplir : un tel « monde » _ à la Carl Schmitt (1888 – 1985 ; lui n’a pas quitté l’Allemagne nazie…) ; cf « Le Nomos de la Terre«   _ serait-il encore habitable ? « …

Myriam Revault d’Allonnes prend donc position, page 52, et au nom de « l’exigence démocratique« , en faveur d’« une anthropologie de l’indétermination _ souple face à la pluralité ouverte des possibles _, de la pluralité et du conflit«  _ de la discussion et du débat informés et pacifiques _ ;

une « exigence démocratique«  qui « ne s’épuise pas dans la forme procédurale«  _ avec ses dangers de pragmatisme utilitariste à courte vue _ ; même si cette dernière « est fondamentale, car, au-delà d’arguments strictement défensifs (défense des libertés individuelles, du principe de l’équilibre _ et d’abord de la séparation et de l’indépendance _ des pouvoirs) elle porte en elle le principe de l’affirmation des droits.« 

On ne peut donc certes pas « se débarrasser de la démocratie«  !

conclut Myriam Revault d’Allonnes cet entretien avec Michaël Foessel , page 53.

Les conclusions de l’entretien avec Mireille Delmas-Marty vont aussi dans ce sens :

« En somme, une communauté de destin, dans un monde imprévisible, c’est une communauté capable d’anticiper sans renoncer à l’indétermination _ voilà : celle de sujets existentiels libres et responsables… _ et de s’adapter _ mais aussi accommoder le réel à leurs projets  _ en innovant, dans le domaine technologique, mais aussi juridique _ et d’autres : je pense ici aux thèses de Cornelius Castoriadis en sa magnifique « Institution imaginaire de la société«  Dépasser la contradiction entre liberté et sûreté, entre anthropologie guerrière et anthroplologie humaniste, entre droits et devoirs, c’est le défi lancé aux « forces imaginantes du droit »« ,

comme aux autres « forces imaginantes » (et civilisationnelles), aussi, du génie humain…

Une lecture éminemment conseillée donc

en ce moment, ce samedi, de réflexion électorale aussi

que ce numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit : « L’État de Nicolas Sarkozy« 


Titus Curiosus, ce 20 mars 2010

Le livre va-t-il « survivre » à Internet ? une « alerte » et une stratégie de « riposte » de Bruno Racine (cf aussi Roger Chartier…)

31oct

Un très intéressant article dans l’édition de ce samedi 31 octobre du « Monde » _ « Il ne faut pas édifier de ligne Maginot«  _ « sous la plume » (ou par les doigts sur le clavier…) de Bruno Racine, Président de la Bibliothèque nationale de France ;

juste après une « libre opinion » passionnante dans ce même « Monde » il y a quatre jours _ intitulée « L’avenir numérique du livre«  _ par Roger Chartier,

Président du Conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France, ce très grand « historien des pratiques culturelles (qui) a pris pour objet principal de son étude la lecture, ainsi que le livre sous l’Ancien Régime et dans les temps modernes, y compris dans leurs aspects les plus matériels (diffusion, sociétés de pensée, bibliothèques, académies, imprimeries, etc.)« , auteur des « Origines culturelles de la Révolution française«  (aux Éditions du Seuil, 1990, réédité depuis), suivi de nombreux travaux scientifiques comme « Culture écrite et société. L’ordre des livres (XIVe -XVIIIe siècle) » (aux Éditions Albin Michel, 1996) ou « L’Histoire de la lecture dans le monde occidental » (avec Guglielmo Cavallo, aux Éditions du Seuil, 1997-2001)…

et dans le champ des explorations lucidissimes d’un Bernard Stiegler _ par exemple dans l’important « Pour en finir avec la mécroissance«  (avec les contributions éclairantes d’Alain Giffard et de Christian Fauré, aux Éditions Flammarion en 2009) ; cf mon article du 31 mai 2009 : « Très fortes conférences…«  _

et d’un Régis Debray en son « labourage » méthodique de la « médiologie » _ « Cahiers de médiologie : une anthologie« 

Voici cette contribution à l’action de connaissance, ainsi qu’au débat, de Bruno Racine, ce jour _ avec mes farcissures ! (ou sans : « Il ne faut pas édifier de ligne Maginot« , au choix…) _ :

« Après avoir bouleversé les industries de la musique et de l’audiovisuel, la lame de fond numérique _ voilà la « révolution en marche » !.. pas rien qu’un tsunami ponctuel ! une irréversible fractale qui modifie sans retour toute la géographie installée des continents !.. _ aborde au rivage du livre. Ne pleurons pas la fin d’un monde : l’histoire de l’écrit _ cf Roger Chartier et Régis Debray, passim _ est jalonnée d’évolutions techniques _ successives ; Bernard Stiegler renvoie régulièrement au travail-maître de Sylvain Auroux « La révolution technologique de la grammatisation« , paru aux Éditions Pierre Mardaga, le 1er avril 1995… _ qui en ont modifié le support, le contenu et les modes de lecture _ un objet d’analyse passionnant ! et aux enjeux (« civilisationnels« ) assez considérables (cf Bernard Stiegler…) que ces « modes de lecture«  ; ainsi que leur(s) « déstabilisation« (s) _, entraînant dans leur sillage les mutations culturelles et économiques successives qui fondent _ de fait ? de droit ? _ notre civilisation _ pouvant aussi l’effondrer ?.. Et ce ne sont pas (jamais) tout à fait les mêmes (personnes, classes, institutions, États, etc… : en tout cas des forces qui avancent leurs pions, se taillent des territoires…) qui en « profitent«  ; ou en subissent les conséquences… Des batailles féroces se livrant sur ces « champs » : « réformes«  (et « contre-réformes« ), « révolutions » (et « contre-révolutions« ), etc… Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle étape de cette histoire. Les maillons traditionnels de ce qu’il est convenu d’appeler en France « la chaîne du livre » s’en trouvent bousculés _ et doivent y réagir ; envisager, sinon une riposte, du moins une stratégie, non seulement de « survie » plus ou moins « précautionneuse« , mais d’« adaptation« , ou plutôt « accommodation«  (un distinguo crucial !) offensive ; de « mise à profit » (et « conquête » !) : en déterminant, au-delà simplement des moyens à mettre en œuvre, les finalités (essentielles !) à servir ; et selon quelles priorités (ou hiérarchie) !!!

L’arrivée en Europe du Kindle d’Amazon, l’annonce par Google de l’ouverture prochaine d’un service de librairie en ligne _ et à rien moins que l’échelle du monde : instantanément, quasiment, ainsi « googelisé » ?.. _ et, bien plus largement, la révolution de l’accès au savoir _ sans tri ? sans le tamis de quelque « krisis » (= une « critique« … ; relire, après le « Socrate«  rendu à jamais (en dépit de ses propres arguments : éternisés, in « Phèdre« , contre l’écrit !) accessible, en sa « voix« , par les « Dialogues«  de Platon (qui envisage et œuvre pour une autre forme de pouvoir ! que celle de Socrate…) ; relire, donc, Kant : sa décisive « Critique du jugement«  !..) ? _ rendue possible par les nouvelles technologies de l’information et de la communication _ Bernard Stiegler préfèrant, quant à lui, substituer à ces expressions (« obsolètes« , dit-il) celles de « technologies cognitives et culturelles«  _ suscitent des inquiétudes _ voire des paniques _ parmi lesquelles il importe de faire le tri _ voici l’apport que se propose de nous offrir en cet article Bruno Racine. Le numérique invite à reconsidérer la définition même de l’objet livre _ peut-être : en sa matérialité physique, manipulable : tourner ses pages au rythme de lecture et de notre œil et de notre intellect, du moins… _ et à repenser l’écosystème _ vaste, riche, complexe ; matérialisé, lui aussi, notamment, en des murs d’« entreprises«  ayant pignon sur rue ; investies dans de la pierre aussi… _ qui s’est construit autour de lui. La numérisation massive des fonds conservés par les bibliothèques _ oui ! _ et l’usage qui en est fait _ plus encore : il s’agit bien sûr de « services » (plus ou moins publics ou privés, aussi : les enjeux socio-politiques en sont considérables ! et « civilisationnels« , je ne dis pas !!! cf le jeu des forces qui s’y empoignent, à commencer électoralement ! mais à quels degrés de conscience ??? bien divers…)… _ par des opérateurs privés _ nous y voici ! et voilà ce qui mobilise aujourd’hui, en cet article-ci, et la réflexion et la plume de Bruno Racine _ transforment notre rapport _ à tous et à chacun : lecteurs alphabétisés (et plus ou moins « cultivés« , au participe passé, et « se cultivant« , au participe (actif et créatif !) présent !.. y compris ces « oisifs qui lisent«  que Nietzsche, en son indispensable (« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne« , Livre premier, chapitre « Lire et écrire« ), disait « haïr«  !.. : « je hais les oisifs qui lisent«  ; et « se crétinisent« , pourrions-nous préciser ; même si des moyens beaucoup plus performants en vitesse (audio-visuels) ont été depuis mis en place pour y aider… _ au patrimoine écrit _ que gèrent, notamment, des bibliothèques telle que celle (Nationale de France) dont Bruno Racine a présentement la responsabilité politique…


Parallèlement, les liseuses, téléphones intelligents et ordinateurs de poche se multiplient et offrent des supports de lecture supplétifs _ voilà _ du livre papier dont on aurait tort toutefois de prédire la disparition prochaine _ en effet : à preuve par l’exemple : une librairie performante comme la librairie Mollat est, en ce temps de crise, assez richement « achalandée«  ; on afflue en ses nombreuses allées… Enfin, la place prise dans l’économie de la culture par les grands opérateurs privés du numérique _ voilà ! _ et leur pénétration rapide _ oui _ des marchés français et européens abolissent les frontières des métiers du livre _ certes _ et en ébranlent les fondements économiques et juridiques _ un fait très important : une dynamique qui ignore le vide en s’y engouffrant…

Prenons garde à ne pas tomber dans la déploration prématurée _ sans rien faire contre ce qui la menace ? cf à nouveau Bernard Stiegler, « Pour en finir avec la mécroissance » et « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » ; même si celui-ci ne se tient certes pas dans le registre de la « déploration«  ! ni de l’inactivité !.. ce n’est pas un « mélancolique«  _ de la mort de la lecture attentive _ s’en soucier, cependant : à l’école ! tellement esquintée, cette école ; si peu (et mal) centrée sur l’activité exigeante et formatrice d’actants authentiquement dynamiques !.. _, de l’agonie des circuits de distribution et de médiation classiques _ l’édition, les librairies _, voire de la fin programmée de l’exception culturelle française _ assez mal en point sous les coups de boutoir des auto-prétendus « réalistes » « aux manettes«  en France comme à l’Union Européenne (et ailleurs aussi…)… _, sans voir aussi dans cette nouvelle donne _ offerte et imposée par les applications avancées de ces applications inventives et pragmatiques, elles-mêmes, du numérique _ un formidable élan vers des formes d’expression, de création et de partage inédites _ en effet ! à commencer par un blog tel que celui-ci !..

Nouvelle donne

Il n’y a là nul angélisme : le numérique interpelle _ dynamiquement ! _ la chaîne du livre et ses acteurs traditionnels _ et met au défi les ressources du « génie » (= l’ingéniosité ; appuyée sur l’ingénierie…) pour y « répondre » efficacement : autrement que par quelque « ligne Maginot » (en 39-40 ; lire ici Marc Bloc : « L’Etrange défaite«  : admirable analyse de la défaite…), si l’on s’appuie déjà sur la métaphore (militaire) du titre de l’article, mise en avant par Bruno Racine en son titre ici… La législation sur la propriété littéraire et le système de rémunération des auteurs ne pourront rester immuables _ sans doute. La question du prix du livre numérique, les modalités de réutilisation et de partage des fichiers, leur protection et leur sauvegarde, ou encore l’interopérabilité de leurs formats constituent autant d’enjeux majeurs _ certes ! _ qui doivent faire l’objet d’une concertation _ dont l’ordre est à préciser ! _ avec les pouvoirs publics _ à quel échelon ? que sont-ils ? que valent-ils (en terme de « démocratie« , veux-je dire…) ? _ et ne peuvent _ en droit ? selon quels fondements ? une question aussi « à creuser » d’urgence ! au secours Antoine Garapon ! et Mireille Delmas-Marty ! _ faire les frais _ certes ! _ de règles imposées _ sans répliques… _ par les seuls opérateurs privés _ qui ont aussi le bras assez long politiquement (cf les lobbies de Bruxelles, aussi ; et d’ailleurs…). La nouvelle donne numérique _ s’installant ainsi très vite _ implique de redéfinir _ et très urgemment _ les liens qui unissent ces acteurs _ certes ! « embarqués« , volens nolens, sur un même bateau… La Bibliothèque nationale de France (BNF) s’y est attelée depuis plusieurs années _ dont acte, Monsieur le Président…

Le signalement d’ouvrages de l’édition contemporaine dans « Gallica« , qui met en place une offre légale et payante de contenus sous droits, participe d’une volonté d’établir de nouveaux modèles économiques _ oui _ et de contribuer à fédérer _ certes : un concept utile… (en phase de faiblesse…) _ la chaîne du livre français. Les discussions menées _ maintenant _ par la BNF avec des partenaires privés s’inscrivent dans le dialogue nécessaire _ vitalement ! _ avec les nouveaux acteurs du numérique _ partenaires de « négociations«  devenus (bien) « obligés«  _ et ne constituent en aucun cas un renoncement _ nous notons bien le distinguo… _ à ses missions de service public _ officielles ; statutaires _ qui consistent notamment à diffuser ses fonds patrimoniaux _ un bien public fondamental, en effet.

Qu’ils s’appellent Google ou Amazon, les géants du numérique ont su _ de fait ! _ séduire l’internaute _ sur un marché d’offre « libre«  Ils font peur parce qu’ils sont dotés de moyens financiers sans commune mesure _ sur le marché de fait (voire la « guerre« ) de la concurrence _ avec les nôtres, et parce que leurs desseins, en profondeur _ voilà le principal : les finalités sous-jacentes ; et le plus souvent masquées : hors d’atteinte des décisions (et d’abord débats) politiques authentiquement (ou même pas, d’ailleurs !) « démocratiques«  !!! _, diffèrent de nos attentes. Alors, menace, concurrence ou complémentarité ? Tout dépendra du rapport de forces _ voilà ! et celui-ci dépend de ce que font (et avec quel succès) ou ne font pas (ou font mal) les divers « acteurs » de ce jeu (qui s’impose à eux) en situation (au départ du moins) défensive ; réagissant (avec un petit temps de retard) aux offensives d’autres, plus entreprenants et avec de remarquables succès… Ce qui est certain, c’est que l’on ne répondra pas à ce défi _ en effet _ en édifiant d’improbables « lignes Maginot« , comme l’a dit le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand _ le ministre de tutelle de Bruno Racine ; et dont l’oncle avait pu lire le « Vers l’armée de métier » d’un certain Charles de Gaulle, publié en 1934...

En France et en Europe, les libraires, les éditeurs, les bibliothèques sont loin d’être démunis _ certes _ : leur histoire, leur savoir-faire, leurs fonds sont des atouts de poids, mais ces atouts risquent d’être très amoindris _ voilà une donnée conjoncturelle, ou circonstancielle, si l’on veut, importante en une « guerre de mouvements » comme celle qui fait l’objet de l’article (et des soins, sur le terrain, plus encore !) de Bruno Racine… _ si chacun agit en ordre dispersé. La lame de fond numérique n’a pas encore _ voilà _ déferlé sur la chaîne du livre _ dont les maillons ont une « solidarité » factuelle ! _, mais tous les signes précurseurs sont là _ avec la conséquence que « à bon(s) entendeur (s), salut !«  Si, grâce à l’engagement de l’Etat et de l’Union européenne, les différents acteurs savent s’unir _ est-ce donc un « savoir » difficile ? y aurait-il, aussi, « des loups » déjà « dans la bergerie«  ?.. _ sur des positions communes _ et lesquelles ?.. _, il sera possible de faire prévaloir _ voilà ! _ la diversité des contenus _ une donnée factuelle, sinon « de droit« , importante jusqu’ici des cultures européennes _ et le rayonnement de notre culture » _ menaçant, lui, d’être de plus en plus « éteint«  ; toutefois, on peut aussi s’inquiéter du précédent de ce que déjà la France ou l’Europe n’a (ou n’ont) pas su faire dans l’immédiat après-guerre sur le front de l’industrie cinématographique (face à  l’entreprise « Hollywood« ) ; je me souviens bien d’avoir entendu, il y a quelques années à Mérignac, au « Pin Galant« , une intervention particulièrement judicieuse sur ce fait historique-là de Catherine Lalumière, lors d’une « rencontre« , autour de l’« Europe de la culture« , organisée par Sylviane Sambor (et le « Carrefour des Littératures« ) ; étaient présents aussi, je me souviens, José Saramago et Eduardo Lourenço…

Titus Curiosus, ce 31 octobre 2009

Post-scriptum :

A cet article (d' »alerte«  :

en faveur d’une action véritablement « commune » des acteurs concernés)

de Bruno Racine,

je joins ici l’article de Roger Chartier cité plus haut,

« L’avenir numérique du livre«  _ toujours avec mes farcissures ;

ou sans : « L’avenir numérique du livre« , au choix…) _ :

« Googlez « google » sur Google Recherche dans www.google.fr : l’écran indique la présence du mot et de la chose dans « environ 2 090 000 000 » documents. Si vous n’êtes pas inquiet du sacrilège, renouvelez l’opération en googlant « dieu » : « environ 33 000 000 » de documents vous seront alors proposés.

La comparaison suffit pour comprendre pourquoi, ces derniers mois ou ces dernières semaines, tous les débats à propos de la constitution de collections numériques ont été hantés _ voilà ! _ par les incessantes initiatives _ de légitimité à examiner _ de l’entreprise californienne. La plus récente, annoncée il y a quelques jours à la Foire du livre de Francfort, est le lancement de la librairie numérique payante Google Edition, qui exploitera commercialement une partie des ressources accumulées dans Google Books.

L’obsession « googlienne« , aussi légitime soit-elle, a pu faire oublier certaines des questions fondamentales _ ce sont celles-là que Roger Chartier commence dans cet article-ci à inventorier _ que pose la conversion numérique _ cf « La Grande conversion numérique«  de Milad Doueihi, aux Éditions du Seuil _ de textes existant dans une autre matérialité, imprimée ou manuscrite. Cette opération _ de numérisation _ est au fondement même de la constitution de collections numériques permettant l’accès à distance des fonds conservés dans les bibliothèques.

Bien fou serait celui qui jugerait inutile ou dangereuse cette extraordinaire possibilité offerte à l’humanité. « Quand on proclama que la bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant », écrit Jorge Luis Borges _ in « La Bibliothèque de Babel« , dans le (grand !) recueil « Fictions«  _ ; et c’est une même immédiate félicité que produit la nouvelle Babel numérique. Tous les livres pour chaque lecteur, où qu’il soit : le rêve est magnifique, promettant un accès universel aux savoirs et à la beauté _ wow !

Il ne doit _ cependant _ pas faire perdre raison. Le transfert du patrimoine écrit d’une matérialité à une autre n’est _ certes _ pas _ en effet _  sans précédents _ historiques. Au XVe siècle, la nouvelle technique de reproduction des textes _ par l’imprimerie _ se mit massivement au service _ forcément ! _ des genres qui dominaient _ déjà _ la culture du manuscrit : manuels de la scolastique, livres liturgiques, compilations encyclopédiques, calendriers et prophéties.

Dans les premiers siècles de notre ère, l’invention du livre qui est encore le nôtre, le codex, avec ses feuillets, ses pages et ses index _ un tournant décisif _, accueillit dans un nouvel objet les écritures chrétiennes et les œuvres des auteurs grecs et latins. L’histoire n’enseigne _ cf déjà Hegel… _ aucune leçon, malgré le lieu commun, mais, dans ces deux cas, elle montre un fait essentiel pour comprendre le présent, à savoir qu’un « même » texte n’est plus le même _ voilà !!! _ lorsque change le support de son inscription ; donc, également, les manières de le lire et le sens que lui attribuent ses nouveaux lecteurs _ soient ses « réceptions » actives ; soit toute une « constellation«  vibrionnante cruciale (= « contextuelle«  mouvante…) tout « autour«  de ce « texte« 

Les bibliothèques _ professionnellement, en quelque sorte… _ le savent, même si certaines d’entre elles ont pu avoir, ou ont encore, la tentation de reléguer loin des lecteurs, voire de détruire, les objets imprimés dont la conservation semblait assurée par le transfert sur un autre support : le microfilm et la microfiche d’abord, le fichier numérique aujourd’hui. Contre cette mauvaise politique, il faut rappeler que protéger, cataloguer et rendre accessible (et pas seulement pour les experts en bibliographie matérielle) les textes dans les formes successives ou concurrentes qui furent celles où les ont lus leurs lecteurs du passé, et d’un passé même récent, demeure une tâche fondamentale _ une mission de « droit«  universelle… _ des bibliothèques _ et la justification première _ voilà ! _ de leur existence comme institution et lieu de lecture _ publics ! et « universels«  (« de droit«  !)…

A supposer que les problèmes techniques et financiers de la numérisation aient été résolus ; et que tout le patrimoine écrit puisse être _ très effectivement _ converti sous une forme numérique, la conservation et la communication de ses supports antérieurs n’en seraient pas moins _ elles aussi _ nécessaires _ « de droit«  ! donc… Sinon, le « bonheur extravagant » promis _ aux « lecteurs » les plus curieux et boulimiques, du moins ; tels un Borges ; ou un Bioy… _ par cette bibliothèque d’Alexandrie enfin réalisée se paierait au prix fort de l’amnésie _ on ne peut plus effective : dans les têtes de millions de personnes !.. pas aussi curieuses, ni boulimiques qu’un Borges… _ des passés qui font que les sociétés sont ce qu’elles sont.

Et ce d’autant plus que la numérisation des objets de la culture écrite qui est encore la nôtre (le livre, la revue, le journal) leur impose une mutation bien plus forte _ aujourd’hui _ que celle impliquée _ jadis _ par la migration des textes du rouleau au codex. L’essentiel _ nous y voici !!! _ ici me paraît être la profonde transformation de la relation _ à effectuer ! par le « lecteur«  effectif… _ entre le fragment et la totalité _ cette dernière se trouvant alors « oubliée« , effacée des esprits ainsi « oublieux« 

Au moins jusqu’à aujourd’hui, dans le monde électronique, c’est la même surface illuminée de l’écran de l’ordinateur qui donne à lire les textes, tous les textes _ identiquement, ainsi… _, quels que soient leur genre ou leur fonction _ sans nul « relief« , ni « hiérarchie«  Est ainsi rompue la relation _ effective… _ qui, dans toutes les cultures écrites antérieures, liait étroitement des objets, des genres et des usages _ avec reliefs et hiérarchies, précisément ; rappelés par la matérialité même des « supports » et des « cadres » (de l’opération de « lecture« ) forcément sensiblement perçus… C’est cette relation qui organise les différences immédiatement perçues _ voilà ! par des personnes qui en soient (vraiment !) ; soient des « lecteurs« , et pas de simples « déchiffreurs » (d’« informations« ) _ entre les différents types de publications imprimées _ proposées ! _ et les attentes _ esquissées, avancées, construites _ de leurs lecteurs _ actifs _, guidés dans l’ordre ou le désordre des discours par la matérialité même _ voilà ! _ des objets qui les portent _ matériellement _ cf dans cet « ordre de choses« , la difficilement résistible expansion actuelle des feuilles de journaux « gratuits« 

Et c’est cette même relation qui rend visible _ au « lecteur«  un peu plus que « déchiffreur«  _ la cohérence _ et « consistance«  aussi … _ des œuvres _ au-delà de la « page«  lue _, imposant la perception _ par le « lecteur«  _ de l’entité textuelle _ intégrale _, même à celui qui n’en veut lire que quelques pages. Dans le monde de la textualité numérique, les discours ne sont plus inscrits dans des objets _ matériels spécifiques : le livre, la revue, le journal, etc… _, qui permettent de les classer, hiérarchiser _ voilà _ et reconnaître dans leur identité propre _ voire singulière. C’est un monde de fragments décontextualisés, juxtaposés _ épars, quasi brisés (schizophréniquement…)… _, indéfiniment recomposables _ en d’infinies alternatives (kaléidoscopiques !) dénuées le plus souvent de tout « relief« _, sans que soit nécessaire ou désirée _ ni même seulement envisagée !.. par qui « déchiffre«  à la va-vite… _ la compréhension de la relation qui les inscrit _ voilà ; et les « relie » avec une certaine « consistance » ainsi... _ dans l’œuvre dont ils ont été extraits _ ou « coupés«  (« schizés« …) : la signification même de la réalité (et « consistance« , donc) d’une « œuvre » pouvant aller, même, jusqu’à être « perdue de vue« , « noyée« 

On objectera qu’il en a toujours été ainsi dans la culture écrite, largement et durablement construite _ in concreto _ à partir de « recueils » d’extraits, d' »anthologies » de lieux communs (au sens noble de la Renaissance), de « morceaux choisis« . Certes. Mais, dans la culture de l’imprimé, le démembrement _ voilà ! la « mise en pièces«  par charcutage… _ des écrits est accompagné de son contraire _ tout aussi effectif _ : leur circulation _ physique _ dans des formes qui respectent leur intégrité et qui, parfois, les rassemblent _ toujours physiquement ; pour commencer, du moins… _ dans des « œuvres« , complètes ou non. De plus, dans le livre lui-même, les fragments sont nécessairement, matériellement, rapportés à une totalité textuelle, reconnaissable _ matériellement, donc _ comme telle..

Plusieurs conséquences découlent de ces différences fondamentales _ entre le jadis (le codex, puis le livre imprimé) et le maintenant « numérique«  L’idée même de « revue » devient incertaine, lorsque la consultation des articles n’est plus liée à la perception immédiate d’une logique éditoriale _ entreprise par un éditeur ou une équipe éditoriale : « responsable« … _ rendue visible _ in concreto _ par la composition de chaque numéro ; mais est organisée à partir d’un ordre _ seulement _ thématique _ inerte _ de rubriques. Et il est sûr que les nouvelles manières de lire _ le plus souvent proches du déchiffrage minimal… _, discontinues et segmentées _ kaléidoscopiques _, mettent à mal les catégories qui régissaient le rapport _ activement pensé, lui… _ aux textes et aux œuvres, désignées, pensées _ voilà ! _ et appropriées dans leur singularité et cohérence _ et mises en relation à des « auteurs« , responsables de leur signature, en bout de « ligne«  de ces diverses opérations et « acteurs« 

Ce sont justement ces propriétés fondamentales de la textualité numérique et de la lecture face à l’écran _ tels étant les facteurs à prendre ici en compte _ que le projet commercial de Google entend exploiter _ à divers égards. Son marché _ c’est là sa logique dominante ! _ est celui de l’information _ ponctuelle (et rapide : « Time is money«  ; comme « Money is time« ) ; pas celui de la pensée, de la méditation, de la réflexion, de la culture critique « filée« Les livres, tout comme d’autres ressources numérisables, constituent un immense gisement _ quasi immédiatement disponible _ où elle _ cette « information« , donc _ peut être puisée _ et livrée telle quelle, plus ou moins (et plutôt plus que moins…) brute… Comme l’a écrit Sergey Brin, l’un des cofondateurs de l’entreprise _ Google _ : « Il y a _ en soi, déjà là… _ une fantastique quantité _ juteusement intéressante ! _ d’informations dans les livres. Souvent, quand je fais une recherche _ au moins thématiquement « active » !.. _, ce qui se trouve _ déjà ; « placé«  là (pas n’importe comment !) par un « auteur«  : en effet !.. _ dans un livre est cent fois au-dessus de ce que je peux trouver sur un site électronique » _ faute de « vrais » « auteurs » ; de « vraies » « personnes« , commenterais-je…

De là, la perception immédiate et naïve de tout livre, de tout discours comme une banque de données _ la métaphore est déjà parlante… _ fournissant les « informations » à ceux qui les cherchent. Satisfaire cette demande et en tirer profit, tel est le premier but _ pragmatique à très court terme (faute de « patience«  sollicitée…) ; et très juteux : pour l’entreprise au premier chef ! _ de l’entreprise californienne ; et non pas construire une bibliothèque universelle _ à la Borges de la nouvelle de « Fictions«  _ à la disposition de l’humanité.

Google ne semble d’ailleurs pas très bien _ technologiquement _ équipé pour le faire, à en juger par les multiples erreurs de datation, de classification et d’identification produites par l’extraction automatique _ certes : algorithmique… _ des données et relevées avec ironie par Geoffrey Nunberg _ dans son article « Google’s Book Search: A Disaster for Scholars«  _ dans The Chronicle of Higher Education du mois d’août _ le 31 août précisément. Pour le marché de l’information, ces bévues sont secondaires _ statistiquement négligeables eu égard à la somme (= foultitude !) des « services rendus«  informationnels… Ce qui importe, c’est l’indexation et la hiérarchisation des données et les mots-clés et rubriques qui permettent d’aller au plus vite _ le temps et l’argent pressent !.. _ aux documents les plus « performants » _ « thématiquement » (et non « problématiquenent« , pour reprendre un distinguo très utile d’Élie During _ cf mon article du 17 avril 2009 : « élégance et probité d’Elie During…« … ;

voici la citation : « La pensée a une forme, mais elle doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés _ disait Elie During _ : c’est là le facteur décisif ; ce qui distingue irrémédiablement une problématique (effective : dynamisante !) d’une thématique (inerte ; et par là stérilisante, plombante : aveugle et sans filiation en aval) ; problématique où se donne à ressentir (et retentir, pour commencer) la complexité en jeu des modalités actives de l’espace et du temps, tout d’abord » ; fin de la citation de cet article du 17 avril…),

selon la satisfaction « de fait«  (et non « de droit«  !..) des « usagers« 

Cette géniale découverte d’un nouveau marché _ fructueux pour l’entreprise initiatrice _, toujours en expansion, et les prouesses techniques qui donnent à Google un quasi-monopole sur la numérisation de masse ont assuré le grand succès et les copieux bénéfices _ voilà ! tel étant l’« étalon«  de mesure de la valeur (marchande) ! _ de cette logique commerciale. Elle suppose la conversion électronique de millions de livres, tenus comme une inépuisable mine d’informations  _ voilà…

Elle exige, en conséquence, des accords passés ou à venir avec les grandes bibliothèques du monde _ principaux « lieux«  (et aisément repérables !) de ce « gisement« _, mais aussi, comme on l’a vu, une numérisation d’envergure _ c’est la « somme » totale qui « compte«  ; on ne regarde pas tant au « détail« … ; le raisonnement, quantitatif, fonctionne sur de « grandes masses«  _, guère préoccupée par le respect _ et selon quelles normes de droit ? là où tout, « sans tabous« , « se négocie » et « se marchande«  _ du copyright ; et la constitution d’une gigantesque base de données, capable d’en absorber d’autres et d’archiver _ aussi : vive la capacité mémorielle simplement algorithmique !… _ les informations les plus personnelles sur les internautes _ = un gigantesque fichier (à exploiter, comme à vendre…) de clients potentiels !.. _ utilisant les multiples services proposés par Google.

Toutes les controverses actuelles _ qui agitent les divers « acteurs » de ce « jeu«  aux enjeux capitaux ! du devenir et du « livre«  et de la « lecture«  elle-même… _ dérivent de ce projet premier _ de Google. Ainsi, les procès faits par certains éditeurs (par exemple La Martinière) pour reproduction et diffusion illégales d’œuvres sous droits ; ou bien l’accord passé entre Google et l' »Association des éditeurs » et la « Société des auteurs » américains, qui prévoit le partage des droits demandés pour l’accès aux livres sous copyright (37 % pour Google, 63 % pour les ayants droit)… Ce « settlement » inquiète _ en effet _ le Department of Justice puisqu’il pourrait constituer une possible infraction à la loi antitrust ; et il reviendra le 9 novembre devant le juge new-yorkais chargé de le valide _ puis à la Cour suprême des Etats-Unis…

Ou encore, le lancement spectaculaire de Google Edition, qui est, en fait, une puissante librairie numérique _ « en ligne« _ destinée à concurrencer Amazon dans la vente _ on ne peut plus effective… _ des livres électroniques. Sa constitution a été rendue possible par la mainmise de Google _ déjà _ sur cinq millions de livres « orphelins« , toujours protégés par le copyright _ certes _, mais dont les éditeurs ou ayants droit ont disparu _ et ne se plaindront donc pas ! _, et par l’accord qui légalisera _ par transaction « amiable«  _, après coup, les numérisations pirates _ d’abord « illégales » ; mais plus ensuite de cela : merci les avocats et les juges…

Les représentants de la firme américaine courent _ donc _ le monde et les colloques pour proclamer _ urbi et orbi _ leurs bonnes intentions _ rhétoriques _ : démocratiser l’information ; rendre accessible les livres indisponibles ; rétribuer correctement auteurs et éditeurs ; favoriser une législation sur les livres « orphelins« . Et, bien sûr, assurer la conservation « pour toujours » d’ouvrages menacés par les désastres qui frappent les bibliothèques _ comme le rappelle _ si opportunément : à la bonne heure !.. _ Sergey Brin dans un article _ « A Library to Last Forever«  _ récent _ le 8 octobre _ du New York Times, où il justifie l’accord soumis au juge par les incendies qui détruisirent la bibliothèque d’Alexandrie ; et, en 1851, la bibliothèque du Congrès _ de Washington : « pour durer éternellement«  ; enfin !.. ô la merveilleuse « assurance«  (contre la mort même)…

Cette rhétorique _ juridique, commerciale et idéologique : oui ! relire ici la force de la mise en garde de Socrate in le plus que jamais pertinent (et urgent) « Gorgias«  de Platon… _ du « service du public » et de la « démocratisation universelle » ne suffit _ hélas _ pas pour lever les préoccupations _ de droit, surtout _ nées des entreprises de Google. Dans un article _ « Google & the Future of Books«  _ du New York Review of Books du 12 février et dans un livre très bientôt publié « The Case for Books : Past, Present and Future » (Public Affairs), Robert Darnton convoque les idéaux des Lumières pour _ nous _ mettre _ tous _ en garde contre _ l’impérialisme de _ la logique du profit _ non désintéressé _ qui gouverne les entreprises googliennes. Certes, jusqu’ici une claire distinction est établie entre les ouvrages tombés dans le domaine public, qui sont accessibles gratuitement sur Google Books, et les livres sous droits, orphelins ou non, dont l’accès et maintenant l’achat sur Google Edition sont payants.

Mais rien n’assure que dans le futur l’entreprise, en situation de monopole _ avec ce qui en découle pragmatiquement… _, n’imposera pas _ de fait, et selon ce que devient, de par le monde (et les États…), la « Justice«  _ des droits d’accès ou des prix de souscription considérables _ en l’absence de concurrence effective alors… _ en dépit de l’idéologie _ doucereuse, sirénique… _ du bien public et de la gratuité qu’elle affiche _ généreusement _ actuellement. D’ores et déjà, un lien existe _ bien _ entre les annonces publicitaires, qui assurent les profits considérables _ voilà ! _ de Google, et la hiérarchisation _ essentiellement comptable… _ des « informations » qui résulte de chaque recherche _ d’« utilisateurs » internautes… _ sur Google Search _ certes : beaucoup le « savent«  déjà ; mais pas tous ; pardon pour l’euphémisme !..

C’est dans ce contexte _ historique : de court comme de long (et très long) terme : brûlamment « actuel«  donc !.. _ qu’il faut situer les débats suscités par la décision _ d’ores et déjà advenue _ de certaines bibliothèques de confier la numérisation de tout ou partie de leurs collections à Google, dans le cadre d’une convention ; ou, plus rarement, d’un appel d’offres _ concurrentiel, lui… Dans le cas français, de tels accords et les discussions ouvertes pour en signer d’autres ne concernent jusqu’à maintenant que les livres du domaine public _ ce qui, on l’a vu, ne protège pas les autres, scannés dans les bibliothèques américaines. Faut-il poursuivre dans cette voie ?

La tentation _ pragmatico-économique _ est forte dans la mesure où les budgets réguliers _ fort minces ; et le plus souvent en fortes baisses !.. _ ne permettent pas de numériser _ in concreto_ beaucoup et vite. Pour accélérer la mise en ligne, la Commission européenne, les pouvoirs publics et certaines bibliothèques ont donc pensé _ jugé… _ qu’étaient nécessaires _ plus qu’utiles : judicieux, financièrement d’abord… (et par là « légitimes«  !.. dans « le monde tel qu’il va«  désormais ; « réalistement« , donc !.. au moins eu égard à la pression des « comptables«  !..) _ des accords avec des partenaires privés et, bien évidemment, avec le seul qui _ de fait _ a _ présentement _ la maîtrise technique (d’ailleurs gardée secrète _ forcément !..) autorisant des numérisations massives _ inutile de le nommer… Au nom du « réalisme«  pragmatique le mieux entendu…

De là, les négociations, d’ailleurs prudentes et limitées, engagées entre la Bibliothèque nationale de France (BNF) et Google. De là les désaccords _ se faisant jour, de-ci, de-là… _ sur l’opportunité _ ou « légitimité » ?.. selon quels « fondements » ?.. _ d’une telle démarche, tant en France qu’en Suisse, où le contrat signé entre la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne et Google a entraîné une sérieuse discussion (_ « Google dévore les livres« _ Le Temps du 19 septembre).

A constater la radicale différence qui sépare les raisons, les modalités et les utilisations des numérisations des mêmes fonds lorsqu’elle est portée par les bibliothèques publiques et _ c’est là l’autre terme de l’alternative ! _ par l’entreprise californienne, cette prudence est plus que justifiée ; et pourrait, ou devrait, conduire _ par prudence quant à la détermination de qui dispose du « final cut » !.. ; et de qui s’en dessaisit… _ à ne pas céder à la tentation. L’appropriation privée _ voilà ! _ d’un patrimoine public, mis à disposition d’une entreprise commerciale, peut apparaître comme choquante _ bel euphémisme…

Mais, de plus, dans de nombreux cas, l’utilisation par les bibliothèques de leurs propres collections numérisées par Google (et même s’il s’agit d’ouvrages du domaine public) est _ d’ores et déjà _ soumise à des conditions _ acceptées par contrat signé par elles : un « passage«  par quelques « fourches caudines » ?.. _ tout à fait inacceptables, telles que l’interdiction d’exploiter les fichiers _ ainsi _ numérisés _ « de leurs propres collections« , donc !.. _ durant plusieurs décennies ; ou celle de les fusionner avec ceux d’autres bibliothèques. Tout aussi inacceptable _ eu égard au droit public des démocraties : dont le « souverain » demeure (en théorie) « le peuple« _ est un autre secret : celui qui porte sur les clauses _ notamment financières ; mais pas seulement, loin de là… _ des contrats signés avec chaque bibliothèque.

Les justes réticences _ avance donc Roger Chartier, s’en faisant ici le rapporteur… _ face à un partenariat _ cf Jean de La Fontaine : « Le Pot de terre et le Pot de fer« , « Fables« , V, 2… ; et « Les Animaux malades de la peste« , VII, 1 ; voire « Le Chat, la belette et le petit lapin« , VII, 16 _ aussi risqué _ telle la signature d’un chèque en blanc ?.. _ ont plusieurs conséquences _ quant à des mesures de garanties préventives à prendre impérativement et d’urgence ! D’abord, exiger _ pour les éventuels contrats à passer : mais comment l’obtenir concrètement, au-delà de (vagues, si elles sont seulement énoncées…) « promesses«  qui ne seront guère (ou pas du tout !) tenues… ; on ne peut plus cyniquement… _ que les financements publics des programmes de numérisation soient _ de la part des gouvernements des États ! _ à la hauteur des engagements, des besoins et des attentes _ des usagers les mieux exigeants _ ; et que les États _ que deviennent-ils donc, eux-mêmes, au fait (!), par les temps qui courent ?.. _ ne se défaussent pas sur des opérateurs privés _ comme cela se pratique pourtant de plus en plus ; et s’affiche même comme « ligne politique«  « saine«  !.. _ des investissements culturels à long terme qui leur incombent _ l’acceptent-ils donc ? ces États ?.. et devant les « peuples » ? dont ils ne sont, in fine, que les « représentants«  (strictement contractuels, « mandatés«  ; et pour une période strictement limitée) ?..

Ensuite, décider des priorités _ sans abandonner un tel pouvoir de décision (du choix de ces « priorités« …) à d’autres ; et contrôler ce qu’il en advient… _, sans nécessairement penser que tout « document » a _ en soi _ vocation à devenir numérique ; puis, à la différence du « gisement d’informations » googlien, construire _ d’intelligence « la meilleure » (en consultant « vraiment » des « autorités » « culturelles » incontestables compte tenu des formidablement majeurs ! enjeux « civilisationnels«  !) ; pas seulement l’intelligence performante technologiquement ; ou rien que rentable financièrement… : il s’agit là rien moins que de la responsabilité des « valeurs«  de référence de notre « monde commun«  à bâtir (cf Cornélius Castoriadis : « L’Institution imaginaire de la société » ; ou Bernard Stiegler : passim : par exemple « Mécréance et discrédit«  _ des collections numériques cohérentes, respectueuses des critères d’identification et d’assignation des discours qui ont organisé et organisent encore la culture écrite et la production imprimée _ un point capital !

L’obsession, peut-être excessive et indiscriminée, pour la numérisation ne doit pas _ non plus _ masquer un autre aspect de la « grande conversion numérique », pour reprendre l’expression du philosophe Milad Doueihi _ cf « La Grande conversion numérique« , aux Éditions du Seuil _, qui est sans doute, avec Antonio Rodriguez de las Heras _ l’auteur du livre électronique « Los estilitas de la sociedad tecnológica« , notamment… _, l’un de ceux qui insistent sur la capacité de la nouvelle technique à porter des formes d’écriture originales _ vraiment ! _, libérées des contraintes imposées, à la fois, par la morphologie du codex et le régime juridique du copyright _ c’est un facteur intéressant… Cette écriture palimpseste et polyphonique, ouverte et malléable, infinie et mouvante _ ce peut-être une richesse de vraie « création«  de la part du « génie » humain, en effet ; et de ses capacités formidables de « progrès«  (authentique !)… _, bouscule les catégories qui, depuis le XVIIIe siècle, sont le fondement de la propriété littéraire.

Ces nouvelles productions écrites, d’emblée numériques _ tels les blogs… _, posent dès maintenant la difficile question _ concrète et hypertechnologique _ de leur archivage et de leur conservation. Il faut y être attentif _ aussi ! _ ; même si l’urgence aujourd’hui _ et la priorité, selon Roger Chartier _ est de décider comment et par qui doit être faite _ et surveillée (contre des « abus«  de droit humain authentique) : l’enjeu (de « pouvoir« ) est, et au plus beau sens du terme, « politique«  !!!.. il concerne la Cité (mondiale, désormais…) d’un monde « commun«  et vraiment « humainement«  « partagé«  _ la numérisation du patrimoine écrit ; en sachant que la « république numérique du savoir » _ son concept est utile autant que beau ! _, pour laquelle plaide avec tant d’éloquence l’historien américain Robert Darnton _ de lui, par exemple : « Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIème siècle« , aux Éditions Gallimard… _, ne se confond _ décidément _  pas _ tristement réductivement… _ avec ce grand marché de l’information auquel Google et d’autres proposent leurs produits ».

Roger Chartier est professeur au Collège de France.

Mario Vargas Llosa et la « cité perverse » selon Dany-Robert Dufour

18oct

Comme pour illustrer l’analyse que l’excellent Dany-Robert Dufour,

l’auteur de « L’Art de réduire les têtes _ sur la nouvelle servitude de l’homme libéré, à l’ère du capitalisme total« , en 2003, « On achève bien les hommes _ de quelques considérations actuelles et futures de la mort de Dieu« , en 2005 et « Le Divin marché _ la révolution culturelle libérale« , en 2007 _ tous d’excellente lucidité _,

propose ce mois d’octobre-ci, 2009, avec « La Cité perverse _ libéralisme et pornographie«  (chez son éditeur Denoël) _ dont s’impose l’urgence, et pas rien que médiatico-circonstancielle (sur ce terrain, un clou chassant très vite l’autre : « tournez-manèges !« …), de la lecture !

voici, ce dimanche 18 octobre 2009, un article fort intéressant _ sur un regard autre que franco-français, en quelque sorte ; même s’il n’est pas non plus du point de vue « de Sirius« _ de Mario Vargas Llosa _ l’auteur de « La Ville et les chiens« , en 1963, et de « La Maison verte« , en 1966 ; ainsi que de « Conversation dans la cathédrale« , en 1969… _, en « tribune libre » de El Pais :

« Desafueros de la libido« ,

avec pour sous titre »Los casos del cineasta Roman Polanski, el ministro de Cultura francés, Frédéric Mitterrand, y el primer ministro italiano, Silvio Berlusconi, nos muestran el eclipse de toda moral« …

Le voici en espagnol :

« El cineasta Roman Polanski fue detenido en Zúrich, durante un Festival de Cine que le rendía un homenaje, por la policía suiza, a pedido de la justicia de Estados Unidos, debido a una violación cometida en 1977 (hace 32 años) en Hollywood, delito que el propio Polanski reconoció, antes de fugarse de California en pleno proceso cuando el tribunal que lo juzgaba aún no había pronunciado sentencia. Ahora, mientras espera que Suiza decida si acepta el pedido de extradición, se multiplican las protestas de cineastas, actores, actrices, intelectuales y escritores de Europa y América por el « atropello« , exigiendo su liberación. La moral de la historia es clara : emboscar, emborrachar, drogar y violar a una niña de 13 años, que es lo que hizo Polanski con su víctima, Samantha Geimer, a la que atrajo a la casa deshabitada de Jack Nicholson con el pretexto de fotografiarla, es tolerable si quien comete el desafuero no es un hombrecillo del montón sino un creador de probado talento (Polanski lo es, sin la menor duda).

Uno de los defensores más ruidosos del cineasta polaco-francés (tiene ambas nacionalidades _ Roman Polanski est né Raymond Roman Liebling le 18 août 1933 à Paris, de parents polonais immigrés) ha sido el ministro de Cultura de Francia, señor Frédéric Mitterrand, sobrino del presidente François Mitterrand y ex socialista _ appréciation qui est à nuancer : seulement « radical de gauche« , il y a un certain temps ; pour ne pas dire un temps certain _ que abandonó las filas de este partido _ non ! lui-même semble nier avoir été jamais encarté au parti socialiste…  _ cuando el presidente Nicolas Sarkozy lo llamó a formar parte de su Gobierno _ Frédéric Mitterrand avait déjà accepté sa nomination par le Président Sarkozy à la tête de la prestigieuse Villa Médicis, à Rome… De même, il avait fait savoir son vote en faveur de Jacques Chirac aux élections présidentielles de 1995 ; son oncle François Mitterrand étant encore de ce monde… No sospechaba el ministro que poco después de formular aquella enérgica protesta se vería en el corazón de una tormenta mediática parecida a la del realizador de « El cuchillo en el agua » _ « Le Couteau dans l’eau« , co-écrit avec Jerzy Skolimowski, et son premier long métrage, en 1962 _ y  » El pianista » _ « Le Pianiste« , « Palme d’or«  au festival de Cannes, en 2002.

En efecto, hace pocos días, la hija del líder del Front Nacional, Jean Marie Le Pen, Marine Le Pen, inició una ofensiva política contra el ministro Mitterrand, recordando que en 2005 éste publicó un libro autobiográfico, « La Mauvaise vie«  (« La mala vida« ), en el que confesaba haber viajado a Tailandia en pos de los chicos jóvenes de los prostíbulos de Patpong, en Bangkok. La confesión, muy explícita, venía adornada de consideraciones inquietantes, por decir lo menos, sobre los efectos turbadores que la industria sexual de adolescentes en el país asiático provocaba en el autor: « Todo ese ritual de feria de efebos, de mercado de esclavos, me excita enormemente« . La hija del líder ultra francés, y algunos diputados socialistas _ Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, etc... _, unidos por una vez con este motivo, se preguntaban si era adecuado que fuera « ministro de Cultura » de Francia alguien que, con su conducta, desmentía de manera categórica los declarados empeños del Gobierno francés por erradicar de Europa el « turismo sexual » hacia los países del Tercer Mundo como Tailandia donde la prostitución infantil, una verdadera plaga, golpea de manera inmisericorde sobre todo a los pobres.

El ministro Mitterrand, sin dejarse arredrar por lo que él y sus defensores consideran una conjura de la extrema derecha fascista y un puñado de resentidos del Partido Socialista, compareció en la hora punta de la Televisión Francesa. Explicó que « había cometido un error, no un delito » y que, naturalmente, no pensaba renunciar porque « recibir barro de la ultraderecha es un honor« . Aseguró que no practica la pedofilia y que los chicos tailandeses de cuyos servicios sexuales disfrutó ya no eran niños. « ¿Y cómo sabía usted, señor ministro, que no eran menores de edad?« , le preguntó la entrevistadora. Desconcertado, el señor Frédéric Mitterrand optó por explicar a los televidentes la diferencia semántica entre »homosexualidad » y « pedofilia« .

La defensa que han hecho políticos e intelectuales franceses del ministro de Cultura se parece mucho a la que ha cerrado filas detrás de Polanski, y hermana también, cosa significativa, como a los críticos, a gente de la derecha y la izquierda. Se recuerda que, cuando el libro salió, el propio presidente Sarkozy alabó la franqueza con que el señor Mitterrand exponía a la luz pública los caprichos de su libido, y afirmó: « Es un libro valiente y escrito con talento« . Con todo este chisporroteo periodístico en torno a él, es seguro que « La Mauvaise vie » (« La mala vida« ) se convertirá pronto en un best-seller _ certes… Tal vez no obtenga el « Prix Goncourt« , pero quién puede poner en duda que lo leerán hasta las piedras _ bel hispanisme ! Nadie parece haberse preguntado, en todo este trajín dialéctico, qué pensarían en Francia de un ministro tailandés que confesara su predilección por los adolescentes franceses a los que vendría a sodomizar (o a ser sodomizado por ellos) de vez en cuando en las calles y antros pecaminosos de la Ciudad Luz _ Paris. Moral de la historia : está bien practicar la pedofilia y fantasías equivalentes _ à mieux élucider, tout de même ! _ siempre que se trate de un escritor franco y talentoso y los chicos en cuestión sean exóticos y subdesarrollados _ soient à peu près les arguments (mais tus, non signifiés à lui noir sur blanc) qui ont probablement valu son exclusion d’antenne (de « collaborateur régulier« , tout du moins) de France-Culture (de l’émission de Philippe Meyer « L’Esprit public« ) à Yves Michaud, il y a dix jours : le lendemain, ce dernier réitéra son « appréciation«  des faits de l’affaire de droit « Polanski«  au micro de Nicolas Demorand, face à Alain Finkielkraut, lors du 7-10 de France-Inter, le vendredi 9 octobre : chacun peut en juger sur pièces…

Comparado con el cineasta Polanski y el ministro Mitterrand, el primer ministro de Italia, Silvio Berlusconi, es, en materia sexual, un ortodoxo y un patriota. A él lo que le gusta, tratándose de la cama, son las mujeres hechas y derechas y sus compatriotas, es decir, que sean italianas. Él ha hecho algo que de alguna manera lo emparienta con los 12 Césares de la decadencia y sus extravagancias descritas por Suetonio _ en sa « Vies des douze Césars«  _ : llenar de profesionales del sexo no sólo su suntuosa residencia de Cerdeña llamada « Villa Certosa » sino, también, el Palacio que es la residencia oficial de la jefatura de Gobierno, en Roma _ le Palazzo Chigi, piazza Colonna ; à moins que ce ne soit sa résidence privée à Rome, le Palazzo Grazioli, via del Plebiscito… Los entreveros sexuales colectivos y seudo paganos que propicia han dado la vuelta al mundo gracias al fotógrafo Antonello Zappadu _ en janvier 2009 _, que los documentó y vendió por doquier. Al estadista le gustaba disfrutar en compañía y en una de esas extraordinarias fotografías de « Villa Certosa » ha quedado inmortalizado el ex primer ministro checo, Mirek Topolanek _ du parti ODS, le principal parti de la droite tchèque ; le 24 mars 2009, son gouvernement est renversé par une motion de censure ; et cède la place le 8 mai à un gouvernement intérimaire dirigé par le social-démocrate Jan Fischer, du principal parti de centre-gauche… _, quien, de visita en Italia, fue invitado por su anfitrión a una de aquellas bacanales, donde aparece dando un salto simiesco, desnudo como un pez y con sus atributos viriles en furibundo estado de erección (¿lanzaba al mismo tiempo el alarido de Tarzán?), entre dos ninfas, también en cueros. ¿La moraleja en este caso? Que si usted es uno de los hombres más ricos de Italia, dueño de un imperio mediático, y un político que ha ganado tres elecciones con mayorías inequívocas, puede darse el lujo de hacer lo que a sus gónadas les dé la reverendísima gana

_ à confronter aux expressions de la « quatrième de couverture » de « La Cité perverse _ libéralisme et pornographie » de Dany-Robert Dufour : « Pornographie, égotisme, contestation de toute loi, acceptation du darwinisme social, instrumentalisation de l’autre : notre monde est devenu sadien. Il célèbre désormais l’alliance d’Adam Smith et du marquis de Sade. A l’ancien ordre moral qui commandait à chacun de commander ses pulsions, s’est substitué un nouvel ordre incitant à les exhiber, quelles qu’en soient les conséquences« , annonce ainsi Dany-Robert Dufour

Hablar de escándalo en estos tres casos sería impropio. Sólo hay escándalo cuando existe un sistema moral vulnerado por el hecho _ le concept crucial ! en ces diverses polémiques _ escandaloso. Eso es lo que subleva a toda o parte de la sociedad. Lo que vemos, en estos episodios, es más bien el eclipse de toda moral _ voilà ! _, simples espectáculos _ eh oui ! devant les caméras… _, utilizados, por quienes los defienden o los condenan, no en nombre de principios y valores sobre los que existiría alguna forma de consenso social _ qui « s’effrite«  _, sino de intereses políticos _ brutement pragmatiques _, reflejos condicionados ideológicos _ avec de moins en moins le temps de réfléchir, questionner _, frivolidad _ dangereuse en proportion de ses effets séducteurs _ y una chismografía mediática que los redime de toda connotación ética _ voilà le tour de passe-passe _ y los convierte en diversión _ doublement gagnante par ce qu’elle montre autant que par ce qu’elle cache _ para el gran público _ c’est moi, bien sûr, qui souligne… Para la cultura imperante, sólo es lícito condenarlos desde un punto de vista estético y sostener, sin caer en el ridículo, que es una vulgaridad violar niñas, ir a Tailandia como hace la plebe a alquilar muchachos y contratar hetairas para las fiestas palaciegas ¡y luego hacerlas candidatas al Parlamento Europeo! Todo eso revela _ seulement _ mal gusto _ mais tous les goûts ne sont-ils pas, n’est-ce pas, dans la nature ?.. _, una imaginación sexual burda y cochambrosa _ et pas davantage…

La generación a la que pertenezco _ Mario Vargas Llosa est né le 28 mars 1936 à Arequipa, au Pérou : il a donc soixante-treize ans _ dio varias batallas : por la revolución, el comunismo, la emancipación de la mujer, la libertad religiosa y la libertad sexual. Parecía que, habiendo perdido todas las otras, por lo menos en Occidente habíamos ganado esta última. Episodios como los que resumo en esta nota muestran que creer semejante cosa es una ilusión. ¿Qué clase de libertad sexual hay detrás de las villanías de este trío? Abusar de una niña de 13 años, gozar con adolescentes que son esclavos sexuales por culpa del hambre y la violencia y convertir en un burdel el poder al que se ha llegado mediante el voto de millones de ingenuos, son acciones que hacen escarnio de la libertad que precisamente clama porque en la vida sexual desaparezca esa relación de amo y esclavo que, en estos tres casos, se manifiesta de manera flagrante. La libertad sexual es en ellos una patente de corso que permite a quienes tienen fama, dinero o poder, materializar de manera impune sus deseos _ tout simplement « pervers« , les qualifie, après Freud et la psychiatrie classique, Dany-Robert Dufour _ degradando _ sadiquement (ou masochistement : relire Freud ; ou le « Vocabulaire de la psychanalyse«  de Laplanche et Pontalis… _ a los más débiles. Apuesto mi cabeza que los tres héroes de estas historias reprobaron escandalizados las violaciones y abusos sexuales de niños en los colegios religiosos que han llevado al borde de la ruina a la Iglesia Católica en países como Estados Unidos e Irlanda, por las sumas enormes con que han debido compensar a las víctimas. Ni ellos ni sus defensores parecen conscientes de que sus proezas son todavía menos excusables que las de los curas pedófilos por la posición de privilegio que tienen y de la que abusaron, envileciendo _ en effet : car la liberté n’est certes pas la licence ; relire dans « Gorgias » de Platon les raisons de Socrate face à Calliclès !.. _ con sus actos la noción misma de libertad. Cuánta razón tenía Georges Bataille cuando _ cf « L’Érotisme«  _ pronosticaba que la supuesta sociedad « permisiva » serviría para acabar con el erotismo pero no con la brutalidad sexual. »


A méditer par tout un chacun !


Titus Curiosus, ce 18 octobre 2009

Post-scriptum :

sur l’exhibitionnisme (et ses actuelles instrumentalisations !),

lire l’excellent « La Privation de l’intime » de Michaël Foessel ; 

cf mon article du 11 novembre 2008 sur cette « pulvérisation maintenant de l’intime _ une menace envers la démocratie« …

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur