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Sur l’admirable CD des « Sacrae Cantiones Livre I » de Carlo Gesualdo, dirigé par le magnifique Giuseppe Maletto (le CD Aparté AP 312), la confirmation d’un nouvel article…

04juin

Comme confirmation de mon article « « , du 30 mars dernier _ Carlo Gesualdo (Venosa, 8 mars 1566 – Gesualdo, 8 septembre 1613) est une cime de la musique occidentale, pour moi : je le vénère… _, à propos du sublime CD Aparté AP 312 des « Sacrae Cantiones Livre I » de Carlo Gesualdo par le Il Pomo d’Oro Choir dirigé par Giuseppe Maletto _ écoutez ici cet extrait-ci de 3′ 40…_ ;

Frédéric Muñoz signe ce dimanche 4 juin 2023 sur le site de ResMusica, un nouvel article intitulé, lui, « Carlo Gesualdo au plus profond du dépouillement avec l’ensemble il pomo d’oro« …

Chargé d’une réputation _ romanticisante ; et assez peu musicale… _ pour le moins sulfureuse, occupe une place importante dans l’histoire musicale de la Renaissance en particulier _ mais beaucoup plus largement : au sein de toute la musique occidentale ! _ pour ses audaces harmoniques très particulières, remarquées et qui lui ont permis _ mais pas seulement elles… _ de ne pas sombrer dans l’oubli. , à la tête de son ensemble vocal _ est-ce tout à fait le sien ?.. Probablement pas ; même si c’est lui qui ici le dirige (et merveilleusement !) _ Il pomo d’oro, restitue avec une intense intériorité _ et c’est encore trop peu dire _ les dix-neuf motets du Premier livre des Sacrae Cantiones. Un parcours aride _ pas vraiment : de braise bien plutôt… _ et initiatique.

On retient en général de la personnalité de Gesualdo le fait qu’il assassina son épouse et son amant pris en flagrant délit d’adultère _ certes : un crime d’honneur à cette époque.  Au-delà de cet évènement tragique, sa musique a traversé les siècles _ cf l’oeuvre de Stravinsky _, car elle se distingue assez sensiblement _ par la puissance de son idiosyncrasie _ de celle des autres compositeurs de son temps _ en effet ! _ par des qualités d’écriture novatrices.

nous propose une lecture très _ justement _ épurée des Motets du premier livre de chants sacrés. Quatorze chanteurs sont au service d’une polyphonie à cinq voix _ nues, voilà, a cappella : sans accompagnement instrumental aucun _ qui s’appuie essentiellement sur un climat de douleur _ éminemment tragique, donc _, évoquant au travers des textes de motets, le péché, la repentance et le pardon _ voilà. C’est un signe également de la forte croyance _ oui _ en ce début du XVIIᵉ siècle italien de Don , le prince de Venosa. L’écriture de ces Motets à cinq voix est limpide et austère _ radicale _, reposant sur des paroles de pénitence. La personne de Marie y est très présente, comme protectrice et consolatrice _ voilà _ du pauvre pécheur. Ils parlent aussi _ mais oui _ de cette lumière salvatrice venue du ciel.

L’ensemble Il pomo d’oro conduit par son chef _ au moins pour cette occasion-ci _ et ténor Giuseppe Maletto offrent une vision idéale _ oui ! _ pour ces pièces savantes encore écrites dans l’antique langage du XVIᵉ siècle, avant que Gesualdo n’entreprenne ses audaces harmoniques inédites et déroutantes en ce début du XVII° siècle _ oui. Giuseppe Maletto a travaillé ce CD jusqu’au bout d’une démarche où il a pris en charge la direction artistique, mais aussi la prise de son, le montage et toutes les étapes techniques pour sa réalisation. Dans une acoustique équilibrée où l’on ressent le grain de la pierre de l’église de Cumiana, le chant céleste de Gesualdo se développe, comme familier à cet environnement, et ainsi harmonieux et complice à nos oreilles modernes _ voilà.

Carlo Gesualdo (1566-1613) :

Sacrarum Cantionum Quinque Vocibus (Liber Primus 1603).

Chœur Il pomo d’oro, direction : Giuseppe Maletto.

1 CD Aparté.

Enregistré du 19 au 23 mai 2021 à la Confraternita dei santi Rocco e Sebastiano, Cumiana, Italia.

Notice de présentation en italien anglais et français.

Durée : 65:00

Article à comparer au mien en date du 30 mars 2023 :

«  » ;

ainsi qu’avec, toujours sur mon blog « En cherchant bien« , celui du 3 avril suivant, qui venait en quelque sorte compléter celui du 30 mars :

« « …

Un CD indispensable que ce CD Aparté AP 312,

pour ce compositeur génialissime qu’est le décidément unique Carlos Gesualdo !

Ce dimanche 4 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’extraordinaire réussite du chef John Nelson en sa réalisation discographique berliozienne de ces chefs d’oeuvre que sont « Roméo et Juliette » et « Cléopatre » : un très réjouissant éblouissement…

15avr

Le degré éblouissant de réussite musicale du double CD Erato 5054197481383 de la magnifique _ et très originale _ symphonie dramatique « Roméo et Juliette » et de la percutante et frémissante scène lyrique « Cléopatre » d’Hector Berlioz, sous la direction électrisante de vie, en même temps qu’infiniment délicate, claire et juste, du chef d’orchestre John Nelson,

a quelque chose de très surprenant et formidablement réjouissant à la fois,

qui nous emporte…

Comme si nous redécouvrions en leur vérité musicale la plus intense et la plus profonde ces deux formidables chefs d’œuvre de Berlioz qui nous ont pourtant déjà enchantés…

Que l’on écoute ainsi le presque inaugural _ soit la plage 3 du premier CD de ce double album Erato _ sublime « Premiers transports que nul n’oublie » de Joyce DiDonato _ ici en sa prise en concert public à Strasbourg le 7 juin 2022 _ de « Roméo et Juliette« , pour un tout premier avant-goût de cette si merveilleusement  réussie interprétation collective de l’œuvre :

la direction dynamique, fluide, inspirée, claire, souple, tellement juste, de John Nelson _ idéal berliozien dans chacune de ses réalisations ! _,

à la tête d’un hypersensible vivant et délicat à la fois Orchestre Philharmonique de Strasbourg,

le Coro Gulbenkian et le Chœur de l’OnR _ au rôle si important dans cette œuvre (de « symphonie dramatique » riche et complexe (en même temps qu’évidente et si naturelle…), de Berlioz _,

et bien sûr les superbes chanteurs solistes que sont la mezzo-soprano Joyce DiDonato, le ténor Cyrille Dubois _ qu’on écoute les 2′ 44 de son idéal (quel jeu ! quelle diction ! quel charme !) « Scherzetto de la reine Mab«  à la plage 5 du premier CD... _ et le baryton Christopher Maltman…

Ce dont rend très bien compte l’excellent détail de l’article de Charles Sigel, le 7 avril dernier, sur le site de ForumOpéra.com

pour ce qui concerne la « Cléopatre » extraordinaire, elle aussi _ un must discographique ! _, du second CD de ce double album, dans l’interprétation-incarnation absolument superlative (!!!) _ au moins au niveau de celles de la merveilleuse Janet Baker _ de Joyce DiDonato…

Un généreux double album indispensable…

Ce samedi 15 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une absolument splendide « Psyche » de Matthew Locke, par Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances

20déc

L’assez récent CD « Psyche » de Matthew Locke par Sébastien Daucé à la tête de son _ toujours _ très remarquable Ensemble Correspondances,

est une enchanteresse réussite.

M’en avaient déjà prévenu les articles,

le 23 septembre dernier, de Jean-Charles Hoffelé « Restauration et Restauration » sur son site Discophilia ;

et, le 30 octobre dernier, de Cécile Glaenzer « Psyche de Locke, des rives de la Seine à celles de la Tamise« , sur le site Discophilia.

 Et puis voici, en date d’hier 19 décembre, l’article « La Psyche de Matthew Locke, l’opéra emblématique de la Restauration anglaise » de Jean Lacrois sur le site Crescendo.

Voici donc ces 3 recensions _ avec mes farcissures _ de ce superbe très réjouissant double CD :

RESTAURATION ET RESTAURATION

La musique de Draghi est perdue, part probablement considérable de ce « dramatic opera in five acts » qui sacra l’apogée du nouveau style musical florissant avec la Restauration entreprise par Charles II. Foin du puritanisme _ cromwellien _, les théâtres rouvraient, les musiciens s’émancipaient des rigueurs de la morale, le plaisir et la licence reprenaient possession des planches _ le roi Charles II (1630 – 1685) était une digne petit-fils du Vert-galant, son grand-père maternel, Henri IV… Matthew Locke (Exeter, 1621 – Londres, 1677) sera le parangon de cette renaissance des plaisirs _ oui ! _, partageant la mise en musique de la pièce de Shadwell avec un confrère italien _ Giovanni-Battista Draghi (Rimini, 1640 – Londrres, 1708) _, pratique courante qu’il avait déjà mise en œuvre dans son Cupid and Death où la plume de Christopher Gibbons avait pris sa part.

Si le spectacle de Psyché se veut anglais, ses sources dramatiques sont françaises, Molière, puis Molière vu par Quinault pour la Psyché de Lully _ représentée pour la première fois le 19 avril 1678 à l’Académie royale de musique, à Paris _, et jusque dans sa musique transparaissent des couleurs versaillaises, ce que Sebastien Daucé et sa brillante troupe suggèrent _ superbement…

Puisque les portées de Draghi ont disparu, ils iront chercher un peu d’ultra-montain dans le Lamento de la Psyché de Lully, choix logique et éclairant. Ailleurs, tout sera pris au bord de la Tamise, danses d’anonymes pleines de caractère, les cahiers de musique instrumentale de Locke augmentant considérablement les parties vocales que Philip Pickett assemblaient sur un seul disque pour L’Oiseau-Lyre en 1994 _ je viens de le ré-écouter : l’interprétation manque beaucoup du relief et des vives couleurs que savent y mettre Sébastien Daucé et son excellent Ensemble Correspondances ! _, les paysageant de brèves pièces instrumentales de Draghi fatalement exogènes à Psyché. Seul avantage de la version pionnière, un anglais plus naturel _ mais c’est bien mince…

Revisité ainsi dans de vastes largeurs _ certes _, l’ouvrage prend toute l’ampleur d’un opéra en cinq actes inspiré par la tragédie lyrique, mais dont la structure est infiniment plus libre, annonçant l’univers de haute fantaisie des Masques, rendant à Psyché son caractère pionnier où John Blow (Newarck-on-Trent, 1649 – Londres, 1708) et Henry Purcell (Londres, 1659 – Londres, 1695) tremperont leurs plumes de théâtre _ en effet ! Et, pour moi, ce moment des rois Stuart de la Restauration offre le plus sublime moment de la musique anglaise…

La reconstitution est fastueuse _ oui : vraiment !!! _, vraie restauration qui permet de prendre la mesure de cette œuvre _ en effet _ magnifique. L’élan, les inventions, les caractères, la grâce _ oui _ des musiques de Locke trouvent dans le regard tendre et brillant que leur adressent Sébastien Daucé et ses amis, un souffle, une éloquence, une poésie qui ne voudront plus vous faire quitter ses enchantements _ voilà le mot le plus juste qui soit !

Allez, maintenant Cupid and Death, qui depuis l’ancienne proposition madrigalesque d’Anthony Rooley espère retrouver un tel théâtre.

..

LE DISQUE DU JOUR

Matthew Locke (1621-1677)
Psyché. The English Opera

Caroline Weynants, soprano (Première Furie, Première Nymphe, Premier amant Élyséen)
Caroline Bardot, soprano (Seconde Furie, Première Femme, Seconde Nymphe, Trosième amant Élyséen)
Deborah Cachet, soprano (Seconde Femme, Troisième Furie, Proserpine, Deuxième amant Élyséen)
Lieselot de Wilde, soprano (Vénus, Seconde Furie)
Lucile Richardot, mezzo-soprano (Le grand Prêtre, Une femme affligée, Dieu de la Rivière, Quatrième Furie)
David Tricou, contre-ténor (Premier Cyclope, Premier Chanteur, Cinquième Démon)
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor (Second Chanteur, Troisième Démon, Apollon)
Marc Mauillon, ténor (Second Homme, Troisième Cyclope, Mars, Sixième Démon)
Antonin Rondepierre, ténor (Premier Homme affligé, Praesul, Premier Chanteur)
Davy Cornillot, ténor (Second Chanteur, Quatrième Démon)
Nicolas Brooymans, basse (Pan, Premier Homme, Deuxième Homme affligé, Quatrième Cyclope, Pluton)
Renaud Bres, basse (Jalousie, Deuxième Cyclope, Deuxième Démon)
Étienne Bazola, basse (Vulcain, Premier Démon, Bacchus)

Ensemble Correspondances
Sébastien Daucé, direction

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 905325.26

Photo à la une : le chef Sébastien Daucé – Photo : © DR

Puis :

Psyche de Locke, des rives de la Seine à celles de la Tamise

Une nouvelle fois, Sébastien Daucé fait oeuvre de découvreur, en reconstituant _ oui _ la partition de Psyche Matthew Locke : un opéra emblématique de la Restauration anglaise.

L’opéra anglais de la fin du XVIIᵉ siècle est une forme hybride unissant musique et dialogues parlés. Il doit beaucoup à l’influence des tragédies-lyriques et des comédies-ballets de Lully, appréciées par le roi Charles II pendant son exil à la cour de France _ oui. La Psyché de Lully en 1671 connut un succès dont l’écho dépassa les frontières. C’est le roi lui-même qui commande sur ce thème ce qui sera le premier opéra anglais, sollicitant Shadwell pour le livret, Locke et Draghi pour la musique, ce dernier se voyant confier la musique des danses. Malheureusement, l’édition de 1675 qui nous est parvenue ne comprend que la musique de Locke, celle de Draghi semble perdue. Sébastien Daucé est allé puiser dans la musique instrumentale de Locke et dans un recueil de danses anonymes de l’époque pour compléter les lacunes de la partition originale _ voilà _ et ainsi reconstruire une nouvelle Psyché dans son intégralité musicale _ oui.

Si la Psyche anglaise emprunte à la musique de Lully et au texte de Molière/Quinault/Corneille presque littéralement traduit, elle comporte _ aussi _ des éléments typiquement britanniques : grounds, pompes martiales, hymnes, et surtout scènes grotesques qui rapprochent le semi-opéra du théâtre shakespearien _ oui. Un mélange de tragédie antique et de féérie baroque _ oui. Si on rajoutait à l’œuvre les textes parlés qui lui appartiennent, le spectacle en cinq actes durerait près d’une demi-journée… Les nombreuses didascalies du livret d’accompagnement permettent d’imaginer toute la magnificence des représentations, de palais en forêts, de jardins féériques en grottes infernales. Et l’absence de Psyché parmi les rôles chantés (elle fait partie des personnages dont le rôle est exclusivement parlé) et son omniprésence dans l’histoire font de l’héroïne une autre Arlésienne. A la fin du second acte, le chef a choisi d’ajouter en guise d’intermède la Plainte italienne (de 10′ 53) extraite de la Psyché de Lully, pour faire écho au magnifique quatuor des Amants désespérés qui la précède. Dans le rôle de la Femme affligée, la voix incomparable de Lucile Richardot y fait merveille _ oui.

Sébastien Daucé a réuni pour cet enregistrement une distribution vocale éblouissante _ mais oui ! _, la fine fleur de l’opéra baroque, déjà convoquée pour le _ sublime CD du _ Ballet Royal de la Nuit : Caroline Weynants, Deborah Cachet, Caroline Bardot, Lucile Richardot, Étienne Bazola, Nicolas Brooymans, Marc Mauillon, Paul-Antoine Bénos-Djian … il faudrait les citer tous tant ils sont remarquables et d’une diction irréprochable. La truculence des voix de basses dans les intermèdes comiques ou guerriers, la souplesse des pupitres aigus, la théâtralité assumée par tous font de cette interprétation un modèle du genre _ oui. Deux voix sont à mettre en exergue pour leur belle maîtrise d’un ambitus exceptionnellement étendu : celle du ténor Marc Mauillon qui incarne le dieu Mars et un Homme désespéré, et celle de Lucile Richardot (successivement Grand Prêtre, Femme affligée, Dieu de la rivière et Furie) qui passe avec l’aisance qu’on lui connait du grave chaleureux aux aigus solaires. L’orchestre et le continuo font preuve d’une très grande variété dans la dynamique _ oui _, pour rendre toute l’inventivité et la rythmique de cette écriture riche _ en effet _ en surprises. Une œuvre dont on découvre de nouvelles richesses à chaque réécoute _ absolument ! Et que l’on rêve de voir un jour sur scène avec tous les fastes qui l’accompagnent.

Matthew Locke (1621-1677) / Giovanni Battista Draghi (c. 1640 – enterré en 1708) :

Psyche, opéra dramatique en 5 actes.

Livret de Thomas Shadwell d’après Molière, Quinault, Corneille et Lully (Psyché).

Lucile Richardot, mezzo-soprano ; Marc Mauillon, ténor ; Nicolas Brooymans, basse ; Renaud Bres, basse ; Caroline Weynants, soprano ; Caroline Bardot, soprano ; Lieselot de Wilde, soprano ; Deborah Cachet, soprano ; Antonin Rondepierre, ténor ; Étienne Bazola, basse ; David Tricou, contre-ténor ; Davy Cornillot, ténor ; Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor ;

Ensemble Correspondances ;

Sébastien Daucé : orgue, clavecin et direction.

2 CD Harmonia Mundi. Enregistrés à St Omer en juillet et août 2020.

Livret français/anglais.

Durée totale : 1h47’

 …

Et puis celle de tout juste hier :

La Psyche de Matthew Locke, l’opéra emblématique de la Restauration anglaise

LE 19 DÉCEMBRE 2022 par Jean Lacroix

Matthew Locke (c. 1621-1677) :

Psyche, opéra dramatique en cinq actes.

Caroline Weynants, Caroline Bardot, Lieselot de Wilde et Deborah Cachet, sopranos ; Lucile Richardot, mezzo-soprano ; et Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténors ; Marc Mauillon, Antonin Rondepierre et Davy Cornillot, ténors ; Etienne Bazola, Nicolas Brooymans et Renaud Bres, basses ;

Ensemble Correspondances, direction Sébastien Daucé.

2022. Notice en français et en anglais. Livret complet en anglais, didascalies comprises, avec traduction française. 107.00. Un album de deux CD Harmonia Mundi HMM 905325.26.

Le futur Charles II (1630-1685), cousin germain de Louis XIV et fils du Roi Charles Ier, décapité en janvier 1649, est battu par Cromwell, qui va établir un Commonwealth républicain d’Angleterre, et est contraint de fuir son pays. Après des années passées en France et dans les Pays-Bas espagnols, Charles II récupère son trône en 1660 _ voilà _, deux ans après la mort de Cromwell. Une ère nouvelle commence : après des années d’interdiction puritaine des représentations théâtrales, les salles de spectacles londoniennes purent enfin reprendre leurs activités, précise la musicologue Katherina Lindekens dans sa notice. Cette Restauration va avoir un effet bénéfique, avec l’émergence d’une nouvelle forme de drame musical hybride -appelée plus tard « dramatick opera »- qui allait devenir le genre dominant à Londres jusqu’à la fin du siècle. Malgré l’une ou l’autre tentative timide, des réticences à adopter la forme d’un opéra totalement chanté subsistent. La Psyche de Matthew Locke, créée à Londres le 27 février 1675, sera donc un compromis, chant et parole y étant mêlés.

Lors de son séjour en France, Charles II a été baigné dans _ et enchanté de _  l’atmosphère de la culture musicale du ballet de cour et de la comédie-ballet. Cela l’incite à mettre en place en Angleterre un ensemble instrumental, à inviter des compositeurs français _ en effet nombreux à y venir... _ et à envoyer à Paris le comédien shakespearien et auteur Thomas Betterton (c. 1635-1710) qui y a probablement vu, en 1671, les représentations de la tragédie-ballet Psyché de Lully, sur un texte de Molière, Corneille et Philippe Quinault. Le même sujet va faire le bonheur de Matthew Locke, devenu compositeur du Roi Charles II à la Restauration et déjà auteur de musiques de scène ou pour le théâtre, dont des masques, ainsi que d’anthems ou de chants sacrés. Sa Psyche sera sa dernière grande partition avant sa mort _ au mois d’août 1677. Le dramaturge Thomas Shadwell (c. 1642-1692) est chargé de la traduction du livret qui a servi à Lully, travail qui l’inspire et qu’’il accomplit presqu’à l’identique de l’original. La musique est confiée à Locke et à Giovanni Battista Draghi (c. 1640-1708), d’origine italienne, établi dans les années 1660 en Angleterre, où il passera le reste de son existence.

Mais, comme l’explique Sébastien Daucé, lorsque le livret, très détaillé en indications diverses, et une partition sont publiés en 1675, la partie musicale qui revient à Draghi ne s’y trouve pas. Elle est hélas, de ce fait, définitivement perdue _ oui. On lira la réflexion de Daucé quant aux solutions adoptées pour la présente reconstitution, la musique de Draghi ayant été remplacée par des pages de Locke et d’anonymes du temps. Un extrait de dix minutes de la Psyché de Lully, la « plainte italienne », a par ailleurs été ajouté comme intermède à la fin de la scène 2 de l’Acte II, en guise d’hommage au favori du Roi Soleil. Le texte de la partie chantée, qui est, répétons-le, une traduction presque littérale du livret destiné à Lully, est intégralement reproduit ici, l’éditeur ayant choisi d’y ajouter en italiques les didascalies et compléments qui résument la partie théâtrale. Une initiative des plus judicieuses, que l’on salue comme elle le mérite, car elle laisse libre cours à l’imagination. Le résultat est d’une homogénéité remarquable, et l’intensité est au rendez-vous _ oui ! _ pour un peu moins de deux heures de bonheur musical et vocal _ oui. L’intrigue est connue. Elle est tirée des Métamorphoses d’Apulée (L’Âne d’or) et date du IIe siècle avant notre ère. La déesse Vénus est jalouse de la beauté de la princesse Psyche et envoie Eros pour lui trouver un époux, mais le messager en tombe amoureux. Des épreuves vont être soumises à Psyche qui sera en fin de compte admise parmi les dieux et unie à son amant. Dans ce contexte, il y a de la magnificence _ oui _, des moments voués aux palais, forêts, jardins féeriques ou grottes infernales, avec un concert de danses subtiles et raffinées, mais aussi rustiques, de couleurs séduisantes et de rythmes qui se révèlent dynamiques ou languissants _ voilà. Le tout servi par une instrumentation imaginative, riche en trouvailles quant aux violons, violes, sacqueboutes et autres luth, harpe, flûtes, hautbois ou percussion _ absolument. Un feu d’artifice de nuances distillées par un Ensemble Correspondances en grande forme, mené avec vigueur et fougue par Sébastien Daucé, dont l’investissement comme chef rejoint celui qu’il a mis pour mener à bien ce projet dont il peut être fier _ tout cela est d’une partaite justesse.

Le riche plateau vocal fait appel à treize chanteurs. Récitatifs et airs se succèdent avec bonheur au milieu des interventions instrumentales. Les chanteurs, dont on appréciera l’excellence globale de la prononciation anglaise, endossent plusieurs rôles, mais il n’y a pas de Psyche, celle-ci étant à l’origine un rôle parlé. Il faudrait détailler toutes les présences de ces voix, toujours en situation. Epinglons celles de Nicolas Brooymans, sensible dans l’hymne à la beauté de Psyche au début de l’Acte I, de Lucile Richardot qui, dans l’air Let’s to Apollo’s Altar now repair (Acte II, scène 1), atteste d’un sens absolu de l’éloquence et de la déclamation, d’Antonin Rondepierre, vaillant dans l’Acte III (Great God of War), ou de Marc Mauillon dans un air de contemplation (Behold the God) de l’Acte V. Mais tout le monde est à sa place (délicate Deborah Cachet, distinguée Lieselotte de Wilde, subtile Caroline Bardot…), avec une hauteur de style et une joie de chanter _ oui ! _ exploitées dans les ensembles accomplis qui parsèment l’opéra. On ne manquera pas de souligner à quel point l’intermède italien de la Psyché de Lully par lequel Daucé a choisi de conclure l’Acte II (Lucile Richardot, Antonin Rondepierre et Nicolas Brooymans) trouve une place dramatique et glorieuse. L’œuvre s’achève dans une sorte d’ivresse par All joy to this Celestial Pair, les chœurs, impeccables, et les instrumentistes se lançant dans un irrésistible éloge des pouvoirs de l’Amour et de la Beauté _ oui.

Les mélomanes qui ont acquis _ je l’ai fait _ en 1995 la production, sous étiquette de L’Oiseau-Lyre, du New London Consort dirigé par Philip Pickett, avec un plateau vocal de qualité, en ont gardé un _ assez _ beau souvenir. Ils seront transportés cette fois _ oui !!! _ par le haut niveau de la nouvelle gravure, captée avec soin dans la chapelle des Jésuites de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, en juillet et août 2022. C’est un enregistrement à marquer d’une pierre blanche, qui rend justice à ce qu’il faut considérer comme le premier opéra anglais digne de ce nom.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Et de fait à l’écoute intégrale des 107′ de ce double CD Harmonia Munsi HMM 905325-26 de Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances,

un extrême plaisir est bien au rendez-vous !

Ce mardi 20 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?..

03nov

Pour commencer,

et avant de répondre précisément à la question savoureuse _ et délicate _ de mon titre annoncé,

voici, en ouverture de mon « propos« ,

une sorte d’Avant-propos,

afin de situer un peu ce nouvel opus plossuien, de 2020, consacré à ses si fascinants « tirages Fresson« ,

en une série

comportant déjà, au moins

_ d’autres m’échappant possiblement, voire probablement !.. _

deux autres albums qui m’avaient, en 2008 et 2013,

ébloui,

fasciné,

enthousiasmé,

enchanté ;

et dont les exemplaires comportent chacun, de la main de Bernard, une dédicace personnelle :

« Pour mon ami Francis,

ces 41 années en couleur » ;

et « Pour Francis et sa famille,

with love et en couleur« …

Le voici donc, ce petit Avant-propos : 

En regardant bien soigneusement les 80 images du merveilleux « Tirages Fresson » de Bernard Plossu,

qui vient tout juste de paraître aux Éditions Textuel, ce mois de septembre 2020,

j’ai à la fois repris

le splendide « Plossu Couleurs Fresson » (catalogue d’exposition, à Nice, au Théâtre de la Photographie et de l’Image, en décembre 2007)

et le magnifique « Couleurs Plossu _ séquences photographiques 1956 – 2013 » (aux Éditions Hazan, en juillet 2013),

à des fins, déjà, de confrontation des images ;

et, surtout, je me suis demandé lesquelles de ces images,

et pour quelles raisons,

je préférais,

entre toutes, en ce nouveau somptueux opus-Plossu…

Bernard Plossu lui-même se méfie pas mal des critères d’appréciation des images _ et des siennes, aussi, forcément… _,

rejetant le critère _ bien trop esthétisant (à la Sebastiaõ Salgado…) _ des « belles images« ,

au profit des « bonnes images » ;

qu’il prend soin, d’ailleurs, aussi, et tout aussitôt, de relativiser _ il me semble l’entendre le dire ! _ :

car de « mauvaises images« 

peuvent bien s’avérer mille fois plus intéressantes,

saisissantes,

que les « bonnes« , et a fortiori _ bien trop _ « belles« …

Car c’est la vertu de vérité poétique _ invisible, pudique, cachée, et donc inaperçue jusqu’alors _ du réel _ le plus prosaïque ou quotidien, pas du tout spectaculaire… _ qu’il s’agit,

et presque par hasard, et même par _ génial _ ratage,

qu’il s’agit d’aider à _ lui-même, ce réel ; et paradoxalement sans soi (= sans narcissisme, ou exhibitionnisme aucun, de la part du photographe) _ se manifester,

par la médiation la plus fine et légère possible,

et instantanée _ l’espace d’un éclair ! _,

de la capacité d’acuité du regard du photographe qui vient la « prendre« , la « capter« ,

la « cueillir« , « accueillir » et « recueillir« , sur la pellicule elle-même très fine de son appareil-photo, 

avec la plus grande douceur, pour ne pas la briser _ la heurter, lui faire violence… _,

cette « vérité poétique » de l’image réelle approchée et ainsi entr’aperçue, 

en son mystère secret,

à la volée _ dansante _ miraculeuse de son fulgurant geste photographique…

Il y faut beaucoup d’attention-concentration,

et sérénité…

D’où la puissance d’émotion _ poétique, elle-même aussi, à son tour : venant partager un petit quelque chose de ce que vient proposer de follement délicat et ténu, mais incroyablement puissant, pour qui s’y penche, l’image contemplée… _ du regardeur

_ là, sur la page du livre ou sur la cimaise d’exposition, s’offrant, en un présent intense, à son regard de regardeur de ces images disposées là et offertes _,

de cette improbable, et modeste, nécessairement humble _ et dénuée de brusquerie : j’ai déjà parlé de la « douceur Plossu«  _, image :

qui nous saisit, nous, regardeurs de ces images,

d’étrange heureuse admiration…

Ce mardi 3 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et la joie Monteverdi !

24mar

Bien sûr, je ne saurais passer sous silence la très irradiante éblouissante joie Monteverdi !

Claudio Monteverdi : Crémone, 15 mai 1567 – Venise, 29 novembre 1643.

Mon article du 31 mars 2016 est venu me secourir

dans mon appel aux souvenirs :

J’y avais cité le très beau DVD _ Alpha 705 _ des Vespro della Beata Vergine

_ quel chef d’œuvre ! _

dirigées par John Eliot Gardiner à la Chapelle royale du château de Versailles.

Je me souviens aussi de mon tout premier concert Monteverdi,

c’était au Temple du Hâ, à Bordeaux, le 26 septembre 1986

_ et je possède une cassette de l’enregistrement de cet éblouissant concert qu’avaient donné les Arts Florissants,

grâce à la très efficace et fécondissime Association Le Carré.

Il s’agissait pour l’essentiel de pièces extraites de la Selva Morale et Spirituale

Un émerveillement !

De ce très riche recueil de 1640-1641,

je recommande la radieuse version en un coffret de 3 CDs de La Venexiana :

le coffret Glossa GCD 920943.

Je pense aussi au madrigal,

par exemple, Zefiro torna,

par la Venexiana

_ beaucoup de ses chanteurs font aujourd’hui partie de l’admirable Compagnia del Madrigale _,

dans le merveilleux coffret de 11 CDs The Complete Madrigal Books de Claudio Monteverdi,

le coffret Glossa GCD 920929 :

un absolu indispensable !

Indispensable pour son inépuisable _ infini _ trésor de joies !

La joie Monteverdi n’étant comparable à nulle autre : 

une radieuse paix, pleine, archi-vivante, lumineuse…


Ce mardi 24 mars 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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