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Un juste regard (de 2020) sur le lumineux « Piccola » (de 1994) de Rosita Steebeek, sur le blog vocal Paludes…

19sept

Sur le blog vocal Paludes _ sur les ondes de Radio-Campus Lille _, et en date d’hier vendredi 18 septembre,

voici une synthèse très juste _ et très justement enthousiaste _ de Piccola, le roman-témoignage de Rosita Steenbeek, paru _ en néerlandais _ en 1994, et que vient de traduire _ de l’italien, sur une traduction de Rosita Steenbeek elle-même, qui vivait à Rome, Via del Sudario… _ en français René de Ceccatty, pour sa collection « Compagnons de voyage« , qu’il inaugure aux Éditions Vendémiaire,
qui met excellemment le focus sur l’interconnexion subtile des personnalités des quatre principaux protagonistes,
et tout particulièrement _ sans narcissime aucun, ni la moindre lourdeur : légèreté et gaîté règnent lumineusement, à la romaine… _ sur celle de Rosita.
Cf mes 4 articles des 21, 22, 23 et 24 août derniers :
L’auteur _ Nikola _ de ce blog vocal semble jeune,
et on comprend que le contexte présent du politiquement correct contraste pas mal, pour lui, avec les mœurs bien plus ouvertes (post 68) du siècle passé…
Car il s’agit aussi d’une éducation sentimentale pour une jeune femme étrangère, venant, d’ailleurs, d’un pays un peu plus puritain (calviniste) que l’Italie d’alors (d’un catholicisme disons de façade)…
Ne perdons pas de vue que Rosita Steenbeek est aussi une jeune femme très cultivée,
qui a même fait aussi quelques études de théologie _ même si cela n’est guère évoqué (ni a fortiori souligné !) dans son texte
L’émancipation _ méditerranéenne, surtout à Rome et un peu en Sicile _ loin du père a importé aussi, en effet, dans le parcours de Rosita Steenbeek, qui « s’est trouvée » elle-même à Rome, au point d’y demeurer très longtemps : on la comprend…
L’auteur de ce blog vocal a donc tout a fait raison de mettre l’accent sur ce que s’apportent réciproquement, en effet, Rosita et ses 3 partenaires masculins, dont deux créateurs d’exception (Federico Fellini et Alberto Moravia) :
l’éducation sentimentale n’est donc pas _ pas complètement _ à sens unique.
Rosita leur apporte elle aussi, à chacun d’eux, quelque chose de précieux, en leurs jours de vieux mâles déclinants.
Cela me fait penser à l’image de je ne sais plus quelle sainte qui nourrissait au sein son vieux père, enfermé en prison… Mais là je pousse un peu loin le bouchon…
Et en cela, ce témoignage (très peu romancé : il s’agissait, semble-t-il, de maintenir une légère distance avec le témoignage brut !) de Rosita, republié ici (ainsi que traduit de l’italien) par les soins de René de Ceccatty à 26 ans de distance de son édition originale, en 1994, et en néerlandais,
éclaire aussi ce qui a passé entre les époques…
Charme et vivacité éclairent donc de la belle lumière méditerranéenne ce bien riche Piccola
Une ultime remarque concernant ce blog vocal :
un autre trait d’époque (de 2020) : cette manie d’angliciser les prononciations de tous les noms étrangers (Stinbik, pour Steenbeek)… Lille n’est pourtant pas très éloignée d’Utrecht…
Ce samedi 19 septembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

« Dark », d’Edgardo Cozarinsky, ou comment l’irruption d’un « Hollywood sauvage et sans sous-titres » dans la vie d’un adolescent argentin accouchera d’un écrivain et cinéaste

12août

Poursuivant ma lecture des récits d’Edgardo Cozarinsky,

après Loin d’où

_ cf mon article du 8 août dernier : Admirable Loin d’où d’Edgardo Cozarinsky  _,

je viens de lire Dark (publié en 2016 ; et chez Grasset en traduction française, le 11 janvier 2017) ;

et commenterai ici la très juste critique qu’en a donné l’excellent Mathieu Lindon

dans le Libération du 20 janvier 2017:

Edgardo Cozarinsky, mineur de bas-fonds

EDGARDO COZARINSKY, MINEUR DE BAS-FONDS

Dark est un roman d’aventure et d’apprentissage _ oui, mais qui n’est pas vraiment ni une éducation sentimentale, ni sexuelle : seulement une importante ponctuation, durablement marquante en ses impacts à long terme, de la prime jeunesse _ auquel, indépendamment des faits précis, on _ c’est-à-dire nous, lecteurs _ accorde un caractère si autobiographique _ pour ce qui concerne le lien de l’auteur même à son personnage principal, qui s’auto-prénomme fictivement Victor en la fiction, et qui sera devenu un auteur « soixante ans plus tard« , au présent même du récit, en 2015 ou 16… _ qu’on le lit comme une vaste réponse _ de l’auteur à soi-même, d’abord : mais qui demeure ouverte, béante ; encore non classée… _ à la fameuse question : «Pourquoi écrivez-vous ?» _ oui. L’intrigue _ du passé de jeunesse rapporté _ se déroule dans les plus ou moins bas-fonds de Buenos Aires dans les années 50 _ oui ; un certain nombre de lieux (bars, bouis-bouis, bordels, cinémas, etc.) sont évoqués (et ainsi visités), en divers quartiers et faubourgs de la ville. Il y a deux personnages principaux. L’un apparaît sous deux avatars : âgé, il est dénommé «le vieil écrivain» ; adolescent, «poussé par un désir de fiction» _ l’expression, en effet très significative, se trouve à la page 28 _, il dit s’appeler Victor à l’autre héros, un inconnu _ inquiétant autant que fascinant du début à la fin _ quadra ou quinquagénaire, Andrés _ qu’un autre personnage, Franca (une croate), nommera plus loin, à la page 68, « Fredi«  _, qui lui adresse la parole dans un bar _ « l’Union Bar, aujourd’hui démoli, au coin de la rue Balcarce et de l’avenue Independencia« , à Buenos Aires (page 23, pour être précis dans la localisation)… «L’écrivain ne sait pas _ et ne s’en soucie guère ! _ si la chronologie de ce qu’il essaye _ c’est important : la tentative demeure toujours fragmentaire et partielle, grandement lacunaire _ de raconter _ rétrospectivement _ respecte celle des faits rappelés» _ page 65 ; « En revanche, il sait que la mémoire efface plus qu’elle ne garde. L’imagination, rusée, récupère tout ce que la mémoire a effacé et l’attrape _ très heureusement _ dans les filets de la fiction«  : ce que personnellement je nomme, en lisant bien Marie-José Mondzain, « l’imageance« . Et tel est bien le point (de ce récit) qui me paraît crucial !.. Pour le principal, il n’y a pas trop de doute, s’il s’agit _ pour l’auteur, suggère fortement le critique _ de faire comprendre _ tout en délicatesse, et sans la moindre lourdeur ; avec beaucoup de raccourcis ! et toujours fragmentairement _ comment l’adolescent est devenu _ voilà ! _ l’écrivain. Victor a aussi une cousine _ Cecilia, de trois ans plus âgée que lui. «Et avec ça, comment tu te débrouilles ?» demande-t-elle après quelques regards sur la braguette de son cousin _ page 47. C’est elle qui l’aidera «à atteindre _ in concreto _ la prestance _ purement technique _ nécessaire» _ page 48 _, lui indiquera «les mouvements qu’il trouverait très vite spontanément», et il se souviendra du «parfum de sa cousine, qui imprégnait draps et oreiller, et que de toute sa vie il ne retrouverait en aucun autre» _ pages 48-49. Andrés est au courant, car l’adolescent et l’homme mûr acquièrent vite une intimité _ entre eux deux _ reposant sur la vie _ passablement _ aventureuse _ et c’est peu dire ! _ de celui-ci, sur les découvertes _ à connotations érotiques, bien qu’indirectes, tout particulièrement _ qu’il propose à son jeune ami. Andrés est un homme à femmes, apparemment _ selon ses dires et ce qu’en laissent paraître aussi ses actes _, qui ne déteste rien tant que les hommes à hommes, mais un mystère, quand même _ c’est sûr ! _, pèse sur l’intensité de sa relation _ complexe à qualifier frontalement _ avec l’adolescent _ ce qui pose aussi, forcément, question : que cherche-t-il à ménager, et pour quelles raisons, en le jeune homme ?

Edgardo Cozarinsky est né en 1939 à Buenos Aires _ de parents et grands-parents émigrés d’Europe de l’Est _ qu’il quitta en 1974 pour Paris. Enrique Vila-Matas le présente ainsi en 2003 dans Paris ne finit jamais _ page 164 _, après avoir écrit le rencontrer souvent au cinéma : «Cozarinsky, un borgésien tardif selon Susan Sontag _ ?!? _ , était un exilé argentin qui semblait avoir fini par se sentir à l’aise dans son rôle _ un rôle ? ce n’est guère juste !… _ de personne déplacée _ ?!? Cf plutôt, outre les pages qu’il lui consacre en son indispensable Mes Argentins de Paris, l’article de René de Ceccatty Edgardo Cozarinsky, le voyageur sans terre cité en mon article du 8 août dernier : Admirable Loin d’où d’Edgardo Cozarinsky. Ecrivain et cinéaste _ c’est très important ! l’imageance et le fictionnel ne sont pas que littéraires ou romanesques, mais aussi cinématographiques !!! _, il vivait entre Londres et Paris, j’ignore où il vit maintenant, je crois qu’il ne vit plus qu’à Paris _ écrivait alors Vila-Matas, en 2003. Je me souviens que je l’admirais parce qu’il savait concilier _ voilà _ deux villes et deux activités artistiques […], je me souviens aussi que j’avais vu certains de ses films et lu son essai sur Borges et le cinéma, ainsi que son étude sur le ragot comme procédé narratif et d’autres textes, tous très captivants. Dix ans après avoir quitté Paris, j’ai admiré tout particulièrement son livre Vaudou urbain [traduit chez Bourgois, ndlr], un livre d’exilé, un livre transnational dans lequel il utilise une structure hybride […] A noter aussi cet étonnant dialogue entre l’auteur et un supposé interwiever, au chapitre 3 (pages 20 à 22 de Dark) : Dialogue sur le «kintsugi» dans Dark, avant qu’on en vienne à l’histoire de Victor et Andrés : «C’est l’art japonais qui consiste à remplir les fissures d’un objet brisé, de porcelaine par exemple, avec de la résine où on a dilué de la poudre d’or. Au lieu de dissimuler la fente, on la souligne avec une substance lumineuse, qui a parfois plus de valeur que l’objet même. C’est ainsi qu’on ennoblit l’objet : au lieu de cacher les cicatrices de sa vie _ expression à relever ! _, on les exhibe. – N’est-ce pas ce que fait _ rabouter-repriser et embellir-ennoblir… _ tout romancier avec sa propre vie ? – C’est ce qu’il tente de faire» _ page 22. L’expression « exhiber les cicatrices de sa vie«  est bien sûr à mettre en rapport avec l’expression ultime du texte, page 142 : « surnagent les restes d’un naufrage« 

Sexe, politique, exotisme, il s’en passe, dans Dark, et sous diverses perspectives _ plus ou moins intriquées, mais toujours très sobrement traitées. C’est cette multiplicité des points de vue qui fait aussi l’écrivain, qui en fait un privilégié, comme Andrés _ ou Fredi _ le dit à l’adolescent _ pages 98-99. «Ce pays _ l’Argentine des années cinquante _ est un cas désespéré. […] Mais ne te gâche pas la vie avec la politique, toi tu t’en sortiras, tu fais des études, tu auras une profession, qui sait, si ça se trouve tu deviendras un écrivain célèbre, respecté. Moi, en revanche, je suis un type qui n’est que de passage _ à jamais un migrant _, je l’ai toujours été et le serai toujours. Va savoir où je me retrouverai demain. Toi, si l’ordure t’éclabousse, tu t’en débarrasseras rien qu’en secouant les épaules. Moi, elle se colle à moi, elle me marque, si je ne fais pas attention elle m’écrase.» Alors, pour que «surnagent les restes d’un naufrage» _ c’est sur cette expression-ci que se termine justement le livre, page 142 _, il faudra que l’adolescent devienne écrivain _ et s’essaie, à sa façon singulière, tâtonnante, à « retrouver » à raviver-rédimer, tel le Proust de la Recherche, son propre « temps perdu«  _ cet écrivain qui, dans les premières pages du texte, victime d’une crise de panique, résiste à s’en remettre à un psy de quelque obédience que ce soit, «comment confier son âme à quelqu’un qui n’a pas lu Dostoïevski ni saint Augustin» _ page 8 _, prêtant à certains une inculture exagérée. On prétend que chacun se souvient de la première fois où il a dit «je t’aime». Mais la tâche de l’écrivain est à la fois plus simple et compliquée : il s’agit ici de remettre en scène la première fois où il a entendu _ entendu se dire à lui, jeune homme _ ces mots _ ici : « Je t’aime, morveux !« , page 139 _, dans quelles circonstances, avec quelle oreille, et quel autre mot _ « morveux« , donc… _ accompagnait cette très étrange déclaration _ in extremis : Andrès et Victor ne se reverront jamais plus de leur vie.

Mathieu Lindon 

Edgardo Cozarinsky
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-Marie Saint-Lu. Grasset, 142 pp.

Mathieu Lindon, je remarque, n’évoque ni le Vautrin, ni le Lucien de Rubempré, ni le Rastignac, de Balzac

dans cette genèse de cet écrivain _ et de sa sexualité, aussi… _ qu’est Edgardo Cozarinsky.

Il faudrait lire ou relire ici aussi Edmund White, qui lui aussi, a croisé notre auteur,

et en parle _ un peu…

Ce dimanche 12 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le buzz sur Call me by your name

10mar

Suite à la très récente cérémonie des Oscars 2018,

divers clips vidéos sur le bien intéressant film Call me by your name (Chiamami col tuo nome) de Luca Guadagnino

(et à partir d’un scénario de James Ivory _ oscarisé pour la peine ! et, à 90 ans, pour la première fois de sa très brillante carrière de cinéaste (avec, entre autres réussites, Chambre avec vue, en 1986, Maurice, en 1987, Retour à Howards End, en 1991, etc.)… _, d’après le roman Appelle-moi par ton nom d’André Aciman né le 2 janvier 1951 à Alexandrie, en Egypte, écrivain américain d’origine Italo-turque : à découvrir ! )

ont captivé mon attention ;

et cela, alors même que je n’ai pas le temps de me déplacer pour aller voir le film en salle en ce moment :

probablement parce qu’il s’agit là, même seulement entr’aperçue à travers ces simples clips,

d’une représentation assez réussie _ même ainsi tronquée, faute de voir vraiment le film en son entièreté ! je le répète !… _ de la naissance et du déploiement plus ou moins timide ou audacieux du désir, et de la séduction _ au moment de l’adolescence, principalement (et de l’ouverture à la sexualité adulte) : le jeune Elio a 17 ans cet été-là (choisi par le film), en 1983 (au lieu de 1987 dans le roman) _,

et cela,

quels que soient les sexes des deux personnes _ le désirant et le désiré, l’amant et l’aimé aurait dit Platon ; ou aussi, d’un seul et même mouvement, de la part des deux amants, à la fois désirants et désirés, les deux, l’un de l’autre : cela arrive aussi, heureusement… _ en cette situation et moment de naissance et déploiement du désir amoureux _ plus ou moins réciproque et plus ou moins simultané.

Soit une éducation sentimentale _ en 1983, donc ; moment où la fixent en ce film le scénariste James Ivory, et le réalisateur Luca Guadagnino ; alors que l’auteur du récit de départ, André Aciman, avait, lui, choisi 1987…

Et via le regard d’Elio, âgé de 17 ans ce lumineux été-là de 1983 _ Oliver, lui, l’objet de son désir, en a alors 24 ; puisque tel est l’écart d’âge fixé par le roman…

Et les acteurs du film, tant Timothée Chalamet (Elio), qu’Armie Hammer (Oliver),

sont stupéfiants de vérité _ en ce délicat cheminement amoureux vers Cythère _ : magnifiques !!!

Au point de carrément crever l’écran _ chacun à sa façon, bien sûr : de sujet et d’objet du désir ; même si l’objet du désir est loin de demeurer inerte en l’évolution de la situation amoureuse ; il n’est certes pas qu’un objet : l’objet vit et réagit ! Et le voici bientôt séduit… de leur magique présence…

Quelles magnifiques incarnations de leurs personnages d’Elio et d’Oliver

offrent de tels acteurs, à pareil degré de charisme…

_ sur cette incarnation des personnages,

voir mon article du 25 septembre 2011 à propos de La Voix des personnages de Martine de Gaudemar : «  ;

et, à titre de rappel, et à propos de la construction même (ouverte) du sujet, qu’est la subjectivation,

cet autre article-ci, du 4 février dernier :  »

Or, rien _ bien an contraire ! _ dans le film n’assigne quelque identité sexuelle _ close et définitive _ à aucun des personnages protagonistes de ce récit _ parents compris, d’ailleurs… _ ;

nous sommes à mille lieues, dans ce film parfaitement intelligent et sensible _ juste ! _, de tout ghetto, et de tout communautarisme _ et de quelque propagande que ce soit : c’est bien seulement d’amour (et de sa part d’effarement face à son apparition et à ses ouvertures) qu’il s’agit là _ ;

d’ailleurs, le mot gay _ pas plus que ceux d’homo- et d’hétéro- sexualité, non plus _ n’est jamais prononcé…

Il ne s’agit pas là, en effet, d’une initiation à la sexualité _ et moins encore à l’homosexualité _,

mais simplement de la naissance et du déploiement d’un premier amour _ et cela quels que soient les genres des personnes qui vont s’aimer et s’aiment…

A comparer, sur ce point, à mon article-critique du 31 janvier dernier «  …

Voici, aussi _ en une sympathique vidéo (de 13′) _, une intéressante et significative analyse du film, en italien : Il significato di Chiamami col tuo nome, par un jeune Italien d’aujourd’hui, Lorenzo Signore

un point de vue de quelqu’un d’une autre génération que la mienne ;

ainsi que de celles des James Ivory (né à Berkeley, le 7 juin 1928 : 89 ans), le scénariste officiel, André Aciman (né à Alexandrie, le 2 janvier 1951 : 67 ans), l’auteur du roman de départ, ou Luca Guadagnino (né à Palerme, le 10 août 1971, d’un père sicilien et d’une mère algérienne : il a 46 ans), le cinéaste.

Quant aux acteurs, Timothée Chalamet est né à New-York le 27 décembre 1995, et a donc 22 ans ; et Armie Hammer, à Los Angeles, le 28 août 1986, et a 31 ans : ils ont un écart d’âge de 9 ans, au lieu des 7 ans de leurs personnages, Elio et Oliver. Au moment du tournage du film, en mai-juin 2016, Timothée avait 20 ans, et Armie 29. Mais cela gêne-t-il notre adhésion à leur incarnation ? Pas le moins du monde, tant le charisme, certes différent, de chacun d’eux, irradie, rayonne, triomphe ; emporte en nous bouleversant notre conviction…

Une dernière remarque : alors que le scénario définitif situe l’été (six semaines aux mois de juillet et août) de la rencontre des personnages en 1983,

le roman avait choisi, lui, de le situer quatre ans plus tard, en 1987 ; l’angoisse du sida était passée par là…

Pour le solaire et tendre été de son film, Luca Guadagnino n’a pas voulu de l’ombre diaboliquement rongeuse de ce noir-là…

Ce sur quoi, pour ma part _ et quelle que soit l’insuffisance de la position de qui n’a pas vu une seule fois, le film, mais seulement divers clips !!! _, je désire mettre l’accent,

c’est sur l’extraordinaire jubilation heureuse qui se dégage au vu de ces images _ au passage, écouter l’amusante confidence d’Armie Hammer sur son vécu (« the most uncomfortable« , dit-il) du tournage de la séquence proprement dyonisiaque (orgasmique !) splendide (à commencer par le jeu de ses chaussures, des tennis blanches, sur le sol) quand il s’éclate, les yeux fermés, sur la piste de danse du dancing, sur la chanson Love my way ; et cela par comparaison avec son vécu d’acteur du tournage des (pourtant plus délicates, a priori !) scènes d’intimité sexuelle ; mais c’est sur la tendresse de celles-ci qu’a désiré mettre l’accent, à l’image sur nos rétines, Luca Guadagnini… _,

à commencer par la pénétrante _ infiniment douce _ sensualité des lieux _ la belle et grande maison (la splendide Villa Albergoni, à Moscazzano) et son luxuriant jardin-parc,

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la délicieuse tranquille petite ville de Crema,

Image associée

..

la riche campagne lombarde environnante,

le bord de mer (ou plutôt de lac : Garde ;

à la différence de la côte ligure de B. (Bordighera ou Bogliasco) dans le roman d’Aciman…),

la montagne (les éclaboussures de la grande cascade du Serio, à Valdombione, dans les Alpi Orobie, au nord de Bergame)… _,

Call Me by Your Name, Luca Guadagnino, Armie Hammer, Timothée Chalamet

Cascate Del Serio

des décors,

de la lumière _ principalement celle de l’été italien, surtout dans les environs de Crema (mais pas seulement…) où eut principalement lieu, quasi familialement, le tournage, au plus près du domicile même de Luca Guadagnino, à Crema, en mai-juin 2016 _,

ô combien merveilleusement saisie par  le directeur de la photographie, Sayombhu Mukdeeprom (collaborateur régulier du si grand Apichatpong Weerasethakul)…

Pour ne rien dire de la douceur et même tendresse du jeu _ précis au cordeau, et dans la dynamique magiquement fluide et amoureuse (même réfrénée) de leurs gestes _ des acteurs.

Ils sont proprement prodigieux ! Quel sublime casting !

Sensualité bienheureuse

qui me rappelle celle, merveilleusement épanouie elle aussi, de l’émilien (de Parme) Bernardo Bertolucci, tout particulièrement dans l’éblouissant (et mozartien) La Luna _ de lui, j’avais adoré (et c’est un euphémisme !), à sa sortie française, Prima della Rivoluzione

Ou celle de certains Francesco Rosi,

tel, pour n’en choisir qu’un, le merveilleux Trois frères.

Oui, un bonheur ! italien…

Ce dimanche 10 mars 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

l’inéducation sentimentale, ou l’art de la déglingue affective de Dominique Baqué (suite : en remontant vers l’amont, soit de 2005 à 1995 !)

26avr

Cette fois-ci _ il s’agit du dernier « récit«  paru de Dominique Baqué : Désintégration d’un couple, aux Éditions Anabet, en février 2010 _,

à nouveau _ après (et en remontant dans le temps : vers l’amont de l’histoire personnelle de la narratrice-auteur : il s’agit d’un parcours autobiographique…) E-Love, petit marketing de la rencontre, intitulé « pamphlet« , alors, paru à ces même Éditions Anabet, en juillet 2008 _,

c’est un article _ appétissant, comme toujours ! _ d’Yves Michaud (intitulé la cougar qui ne pouvait pas grandir) _ sur son blog Traverses, sur le site de Libération (en date du 7 avril dernier),

qui m’a fait découvrir l’existence _ ainsi que l’intérêt (à ses yeux d’abord !) _ de l’ouvrage de Dominique Baqué Désintégration d’un couple :

sinon non chroniqué,

du moins non repéré par moi-même,

dans les medias que je « suis » régulièrement.

Pour E-Love, petit marketing de la rencontre, l’article d’Yves (c’était le 7 décembre 2008) s’intitulait Méfiez-vous, fillettes : et il m’avait assez fort intrigué, puisque je me rendais à La Non-Maison à Aix-en-Provence, afin d’y donner _ ce fut le samedi 13 décembre 2008 : une bien belle journée ! _ une conférence sur le sujet, précisément, de « Pour un Non-art du rencontrer« , pour que je m’en mette en chasse illico presto :

j’avais fini par dénicher _ je suis opiniâtre _ le livre _ E-Love _ à ma troisième librairie seulement à Aix (sur le cours Mirabeau) : il est vrai que six mois venaient de s’écouler depuis la parution du-dit « pamphlet » aux Éditions Anabet (et le livre n’était pas présent alors non plus à la librairie Mollat à Bordeaux : je l’avais constaté aussitôt, avant de partir pour Aix) ; et j’étais amusé de découvrir l' »abord » présenté là par son auteur pour de telles « rencontres » _ assez éloignées des miennes : plus chastes !.. Mais il me plaît de baliser « au mieux«  le terrain, en sa plus large amplitude, quant à ce que peut être une « rencontre« … Une question de méthode ; et de fidélité (à soi), aussi : on ne se refait pas ; ma curiosité est boulimique et perfectionniste, en son genre…

Sur ce E-Love, j’avais écrit dans la foulée rien moins que deux articles,

publiés les 22 et 23 décembre 2008,

et intitulés « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne)« 

et « Le “n’apprendre qu’à corps (et âme) perdu(s)” _ ou “penser (enfin !) par soi-même” de Dominique Baqué : leçon de méthodologie sur l’expérience “personnelle”« 

_ deux intitulés « parlants« , déjà, il me semble…

Et y revenir (les relire) est aussi assez intéressant, m’apparaît-il…

La question de l’intimité m’intéressant bougrement, si j’ose dire _ j’aurais pu dire « diablement« … : elle est au cœur de la situation civilisationnelle contemporaine (et sa pente au nihilisme)…

Cf mon compte-rendu du livre _ important ! à mes yeux _ de Michaël Foessel, La Privation de l’intime, en mon article du 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » _ cela aussi « parle« , si on me lit…

Ainsi que celui-ci encore, écrit dans l’élan, le 18 novembre 2008 :

« Conversation _ de fond _ avec un philosophe : sans cesse (se) demander “Qu’est ce donc, vraiment, que l’homme ?” Pas un “moyen”, mais un sujet ; un (se) construire _ avec d’autres _, pas un utiliser, jeter, détruire« …


Tout cela comportant bien des harmoniques et des résonances :

formant une musique qui ne me lâche décidément pas…

Nous sommes ici au cœur même des choses cruciales…

Et de leurs enjeux personnels et collectifs, dont leur aspect politique : une affaire de rapports plus ou moins, ou à divers degrés (selon une très grande échelle), « humains » et inhumains« …

Après ce préambule ciblant le « problème » sur lequel mener l’investigation,

j’en viens à ma lecture même de Désintégration d’un couple

Dominique Baqué raconte, en quatre chapitres (intitulés de ses adresses respectives, mais présentés à l’envers de l’ordre chronologique :

_ « 89, boulevard Magenta« , pages 129 à 136 _ de 1993 à 1995

_ « 125, boulevard de Ménilmontant« , pages 109 à 126 _ de 1995 à 1997

_ « 229, avenue Gambetta« , pages 61 à 107 _ de 1997 à juillet 2001

_ « Puteaux« , pages 7 à 59 _ de juillet 2001 à 2005 _)

l’échec _ « désintégration » !.. _ d’une relation de « couple » contemporaine…

Le dernier chapitre de Désintégration d’un couple,

et le premier chronologiquement de ce « récit » narré à l’envers,

s’intitule, donc, « 89, boulevard Magenta » (le domicile qu’elle partageait avec son compagnon précédent, Damien, avec lequel elle a vécu « huit ans« , de 1985 à 1993 _ ou bien de 1987 à 1995 : il y ambigüité dans le texte, entre les expressions des pages 129 et 133 _  :

« un superbe cinq pièces de pur style haussmannien avec hauteur de plafond, cheminées de marbre, admirables moulures« , page 129) :

« J’aime plus que tout cet appartement, comme si j’avais enfin trouvé un lieu où vivre _ voilà !

Et j’aime y vivre avec Damien.

La vie y ait paisible, feutrée, sans aucun accroc ou presque, dans une entente que facilitent nos goûts communs et l’argent partagé _ Damien est journaliste de « reportage«  : ces divers éléments ont, chacun, leur poids dans la « balance«  comptable…

Je pense _ alors,

en cet « avant-récit«  de la désintégration de son (futur alors) couple bancal avec Ariel (couple qui durera, lui, dix ans : « dix ans de vie commune« , est-il énoncé page 4 de E-Love ; soit de 1995 à 2005)… _

je  pense _ à tort ! nous venons de lire pourquoi et comment en les 128 pages précédentes : ce récit est l’histoire-confession d’une « mésestimation«  !.. _ que Damien sera « le dernier homme », que nous vieillirons ensemble, tranquillement _ mais vieillir peut-il être tranquille, pour la narratrice-auteur ?..

Peut-être est-ce aussi la vie dans cet appartement _ voilà : à la manière d’un chat ! _ que j’aime en _ comment entendre cet « en«  + participe présent ? Est-ce concomitance ? est-ce cause, ou condition ?.. _ aimant Damien«  _  page 129.

« Une ombre, pourtant, assombrit ce tranquille _ l’adjectif ne cesse de revenir, tel un obstinato… _ bonheur : Damien, qui a plus de cinquante ans _ la narratrice (et auteur) en a probablement trente-sept, alors : nous sommes en 1993 ; et elle est née en 1956 _, s’abîme physiquement _ voilà !

Lui que j’ai connu svelte et élancé, racé, s’est, au fil des ans, lourdement épaissi ; les rides se sont creusées sur son visage, autour de ses yeux _ ah ! les visages : obsédants ; qui changent…

Il m’est difficile de m’avouer _ ce que pourtant, avec le recul du récit, elle, narratrice-auteur, fait ici : seize plus tard que ce moment, de 1993… _ que je le désire moins _ lui ; pas seulement son visage : est-ce grave , docteur ? En tout cas, ça l’est pour l’auteur l’écrivant en 2009 _, pourtant la vérité est là, brutale _ ah ! bon ! D’ailleurs, compte tenu de ses voyages répétés, nous faisons peu l’amour,

et cela me suffit«  _ se reproche-t-elle, par là-même, encore en 2009…


Et c’est alors, à la rentrée universitaire _ de septembre-octobre 1993 probablement : Dominique est « maître de conférences dans une université pauvre de la banlieue nord« , page 130 _ qu‘ »un jour, alors que je m’essaye à restituer l’esthétique nietzschéenne, soudain, un visage émerge

_ Dominique s’attache tout spécialement au(x) visage(s) ; dans ses deux récits (jusqu’ici) autobiographiques ; comme en son œuvre d’analyse esthétique : cf son essai Visages _ du masque grec à la greffe du visage, paru en 2007, aux Éditions du Regard : une couverture kitch éminemment répulsive m’a dissuadé de le lire, l’hiver 2008-2009…

Comment avais-je pu ne pas le voir _ = le détacher du reste _ ? Des cheveux très bruns, légèrement ondulés, une peau d’albâtre, des yeux en amande, un nez très droit, une bouche infiniment sensuelle.

Érotique » _ une détermination cruciale ! Indépendamment du reste de son corps ; ou de toute détermination contextuelle ou historique ? « Ariel«  (ou « D.«  dans E-Love) apparaît pour la première fois (en cette rentrée universitaire de 1993) à la narratrice, page 130.

« Le voyant ainsi ma parole se brouille. Je peine à reprendre le fil du cours _ nietzschéen _, m’en excuse. Le visage _ toujours lui ! _ me fixe, à la limite de la provocation. A-t-il aperçu mon trouble ?«  A la fin du cours, il s’approchera _ de la chaire ? _ pour poser une question au professeur : « _ Vous avez écrit sur la kénose du Christ. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. _ Ah, je vois que vous avez lu mon article dans Art-Press…« 

Tentant « d’expliquer un concept théologique en effet assez ardu, je ne peux m’empêcher, presque à la dérobée, de scruter ses traits. Ce jeune homme me bouleverse plus que de raison. Je rentre chez moi troublée. »

Ce jeune homme « a vingt-cinq ans _ en 1993, donc. Se prénomme Ariel. Habite Puteaux«  _ page 131.


« Pendant deux ans _ deux années universitaires _, Ariel va se montrer d’une assiduité parfaite à mes cours. Pendant deux ans, je vais regarder son visage comme une douleur, un interdit _ est-ce le visage qui est l’interdit ? Jusqu’à ce jour de 1995 où Paris, en proie à la grande grève nationale _ de novembre-décembre _, charrie des flots de piétons. Je reviens, assez péniblement, de l’hôpital Cochin où je me fais soigner pour mes migraines, lorsqu’à l’approche des Halles je me heurte presque au corps _ tiens ! le voilà ! _ d’Ariel, qui traverse la rue en sens inverse«  _ page 132.

« Le lendemain« , au courrier, « une enveloppe oblongue, une écriture au stylo plume que je reconnais pour l’avoir vue sur les copies que me rend Ariel lors des examens. Ariel m’écrit qu’il m’a trouvée blême dans la rue. Que si j’étais malade, il en deviendrait fou. Que je le rassure en toute hâte.

Je suis surprise, et doublement : par l’audace de la missive, et par son contenu. Ai-je donc l’air d’une morte vivante ? Que répondre ? Pendant une semaine, absente à la vie quotidienne, je relis sans cesse la lettre, au point que l’encre déteint sur mes doigts. Je sais qu’à elle seule cette lettre menace tout l’équilibre _ fragile, donc… _ d’une vie que j’ai mis huit ans _ ou dix ? Deux ans se sont écoulés depuis la rentrée universitaire de 1993 : la mention des « huit ans«  (de vie commune avec Damien) est répétée page 129 (pour 1993) et 133 (pour 1995)… _, patiemment _ tiens donc ! pourquoi ces efforts ? _ à  construire«  _ seule ?.. Pas au moins à deux ? Dominique a une conception bizarre de ce que pourtant elle s’obstine à nommer (comme cela se pratique tant, il est vrai), « un couple » : jusqu’au titre même de ce « récit«  !.. Et cette même patience unilatérale va se reproduire pour l’espèce de « couple«  qu’elle va essayer de former, dix ans durant, ensuite (de 1995 à 2005) avec Ariel (ou « D.« )…


« Qu’ai-je à reprocher _ sur la colonne du « passif«  ; en regard de la colonne de l’« actif«  : Dominique fait mentalement sa liste ; cf mon article « Un moderne “Livre des merveilles” pour explorer le pays de la “modernité” : le philosophe Bernard Sève en anthroplogue de la pratique des “listes”, entre pathologie (obsessionnelle) et administration (rationnelle et efficace) de l’utile, et dynamique géniale de l’esprit » sur le « De Haut en bas _ philosophie des listes » de Bernard Sève… ; la narratrice procède ni plus ni moins qu’à un calcul (d’intérêt) ! _ à Damien ? Rien, sinon quelque chose de profondément injuste : la déchéance physique que lui promet _ rien qu’à lui ?.. la narratrice a, elle, trente-neuf ans, alors… _ la proche vieillesse… _ quel cliché (de « d’jeun’ « ) ! et c’est un auteur de cinquante trois qui le profère : sans encore assez de maturation ?.. La « vieillesse«  n’est pas un état ! c’est un processus qui se « prend«  diversement : comme tous les processus..

 Avec un ou deux autres griefs _ dont, « de façon plus archaïque, plus obscure, moins avouable, aussi, d’avoir en partage avec moi un enfant qui n’a pas vécu« , page 133 ; « un bébé de plus de quatre mois« , a-t-elle déjà avancé, page 87 _ :

« Cela vaut-il _ c’est un calcul ! _ de rompre ? Certainement non, comme m’y enjoignent mes amies _ étrange configuration amoureuse ! Étonnez-vous alors des cafouillages ! Qu’est-ce donc, en ces cervelles-là, qu‘ »un couple« , ainsi qu’elles disent ? _, proprement effarées _ elles sont raisonnables, elles _ que je sois prête à tout détruire pour la seule contemplation _ à demeure, il est vrai… _ d’un visage« … _ page 133.


« Mais soudain

_ les décisions (affectives) de la narratrice ne manquent pas de brutalité : « avec cette brutalité qui caractérise souvent mes choix« , dit-elle à la page 52 de ce livre, au moment de décider de se faire lifter le visage ! mais ces malheureux « traits liftés n’y feront rien« , conviendra-t-elle presque aussitôt, page 55, quatre pages à peine avant la rupture définitive (qui adviendra en 2005) : la « désintégration« , cette fois irréversible, de « son » couple (à elle : l’autre _ Ariel ! cet ange décidément évanescent : aérien… _ n’en étant guère « partie prenante« , sauf dans les tout débuts, torridement érotiques : l’autre élément de ce « couple«  bancal prenant très vite l’« aspect« , en effet, d’« un gigolo«  _ « Mais c’est un gigolo, ton mec, ou quoi ? Il fout rien« , lui dira Vincent, un des « ex«  de la narratrice, qui l’aidera à faire bouillir la marmite, déjà, vers 1997-98, page 64… _ ; Ariel est, en effet, dix ans durant, de moins en moins « impliqué » ; il s’absente de plus en plus et en permanence : jusqu’à un épisode psychotique !) : un « couple« , donc, auquel il sera on ne peut plus facile de se « désintégrer« , vu qu’il n’a jamais réellement « fonctionné«  (car il s’agit bien là, avec ce concept-fantasme de « couple« , d’une « fonction » ; pas d’un amour !)… _

mais soudain, déraisonnablement, je choisis de brûler mes vaisseaux _ eu égard au vieillissant Damien _ : je donne rendez-vous à Ariel dans un café de la gare du Nord, près de chez moi _ « 89, Boulevard Magenta« La réponse, sur répondeur, ne tarde pas : Ariel vient au rendez-vous«  _ toujours page 133…

« _ Pourquoi êtes-vous là ?

_Parce que je vous aime. Depuis deux ans. Depuis que je vous ai vue entrer dans l’amphithéâtre.
_ …

_ Voilà. C’est simple.

_ Vous savez que j’ai trente-neuf ans ? Et vous vingt-cinq ? _ la scène a lieu en décembre 1995 _ Ça ne vous fait pas peur ?

_ Non.

Il a répondu très calmement. J’ai bu mon kir très vite, comme pour m’étourdir. Je le regarde en silence. Toujours ce visage, dont je ne veux plus, ne peux plus, être séparée _ un visage, ça se regarde _, au-delà de toute rationalité.

L’espace de quelques minutes, je me remémore _ encore une liste de calcul, entre avantages et inconvénients… _ Damien, la vie douce que je mène avec lui, la stabilité _ apparente _ de notre couple _ voilà : des habitudes à peu près installées ! Mais soudain, avec la violence qui caractérise toujours mes choix amoureux _ une expression bien significative : cf plus haut la citation de la page 52… _, je lance la question qui va sceller mon avenir :

_ Vous m’accompagnez chez moi ?

_ Oui.
Damien est parti en reportage, l’appartement est vide
« 
_ de lui, au moins ; pages 134-135.

Le lendemain : « J’écris un mot bref, d’une cruauté sans nom _ voilà ce que c’est que de ne pas aimer ; et de ne jamais, non plus, commencer à l’apprendre… _, à Damien : « J’ai rencontré un homme. Cet homme compte _ voilà ! _ définitivement pour moi. Je te quitte ». Et je rejoins Ariel à Puteaux. Il m’a laissé les clefs de l’appartement : je m’y installe pour achever un essai« … _ page 135.


« Tout quitter pour un visage, pour une image _ voilà : fantasmatique _, puisque d’Ariel je ne sais rien, ou si peu _ voilà ! Aucun contexte ! Rien que cette focalisation fétichiste !

Vertige de ce choix, qui demeure comme l’impensé de mon histoire«  _ fin du chapitre chronologiquement le premier (1993-1995), placé en quatrième position : après les trois chapitres consacrés aux trois (ou quatre) domiciles (car deux, en fait, et pas un seul, à Puteaux : le temps d’une brève séparation, la narratrice emménage, avec sa fille, Salomé, « rue Lavoisier« , page 26, puis d’un retour au domicile conjugal, « 69, avenue du Général de Gaulle« , page 30 : à peine « trois mois« , page 28…) en clôturant le livre…

Soit l’histoire de la dégringolade

_ de domiciliation en domiciliation s’éloignant progressivement du cœur même de Paris, et découvrant bien vite, mais trop tard (page 62, dès les premiers jours de 1996, en recherchant où se loger avec Ariel) :

« me reviennent, comme par flashes _ et mêlées d’un regret que je ne peux plus me cacher _, les images de l’immense appartement haussmannien _ voilà ! _ que j’occupais avec Damien : cinq vastes pièces au parquet centenaire, aux murs hauts, si hauts, aux somptueuses moulures et aux miroirs en enfilade… J’étais faite _ voilà ! voilà ! _ pour cette vie-là » ;

avec cette conséquence, déjà, alors qu’Ariel et elle ne se sont pas encore installés chez un véritable « chez eux«  : « et j’en voulais soudainement à Ariel de ne pas être en mesure _ et il le sera de moins en moins ! d’année en année, et de domicile en domicile (conjugal) _ de me la procurer« , « cette _ belle _ vie-là« , donc !.. _

soit l‘histoire de la dégringolade _ ainsi que l’art de la déglingue : tant face au principe de réalité que face à ce que peut être (en vérité ! et honnêteté !) un véritable amour ! _ d’une normalienne, qui n’a pas vraiment compris ses classiques : notamment Marivaux…

Le site autofiction.org (concernant le répertoire de l’autofiction) d’Isabelle Grell nous révèle que E-Love va être porté au cinéma, pour la chaîne Arte…

Nul doute que Dominique Baqué va en éprouver une satisfaction…

Quant au prochain épisode de cette autofiction _ d’impeccables écriture et auto-lucidité a posteriori (au moins !) _ de Dominique Baqué,

constituée jusqu’ici, en remontant dans le temps de E-Love et de Désintégration d’un couple, jusqu’ici donc,

ainsi que l’envisage avec sa coutumière finesse et acuité d’esprit Yves Michaud, en son excellentissime article la cougar qui ne pouvait pas grandir,

il pourrait concerner peut-être,

probablement même,

et toujours en « remontant » un cran plus amont,

sinon l’histoire des « partenaires » (de « couples » !) précédents de Dominique Baqué

_ puisque le quinquagénaire Damien, avant Ariel, était « pensé« , en 1993-95 comme, probablement, « le dernier homme« , au terme d’une certaine (indéterminée) « série«  : page 129 ;

« série«  parmi lesquels, jusque vers 1987, le généreux (mais aussi toxicomane) Vincent _ cf pages 63 à 67 _, mais Vincent lui-même n’était pas présenté, alors, dans le récit, comme « unique«  de son espèce, avant Damien : « le dernier« , jusqu’alors…

du moins le récit de sa propre filiation :

celui des rapports avec ses parents,

et notamment son père : qui la vient secourir régulièrement

au moment de payer ses impôts ou de régler les dettes de son « ménage« , bancal et dispendieux… 

C’est probablement l’empirisme d’Yves Michaux,

et sa curiosité on ne peut plus probe, quasi sévère, pour « les faits« ,

qui lui fait se pencher avec cette belle qualité d’attention

et de lucidité !

sur les mésaventures affectives d’une normalienne, brillante agrégée de Philosophie,

et plasticienne bien reconnue et appréciée sur la place…

Titus Curiosus, ce 26 avril 2010

de quelques symptômes de maux postmodernes : 1) en Italie, selon Erri De Luca

28avr

Deux forts articles de journaux, encore : afin d’un peu bien « décrypter » et « mettre à (un peu meilleure) lumière du jour » les impostures _ graves ! _ du « monde comme il va« ,

et depuis pas mal de temps, maintenant ; ou ce que Nietzsche appelle _ le présent lui convient toujours ! _ la « maladie«  _ endémique ; et suicidaire _ du nihilisme :

une (magnifique !) interview d’un Erri De Luca dans un très grand jour, descendu, exprès de la région du lac de Bracciano, où il vit désormais, en un café_ soit le Café Rosati ; soit le Caffè Canova : ils se font face sur la Place… _ de la Piazza del Popolo, à Rome, se prêter à un « entretien » avec le journaliste d' »El Pais« , Miguel Mora : « Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« ,

à l’occasion de la parution de la traduction espagnole (« El día antes de la felicidad« , paru aux Éditions Siruela le 22 avril 2009) de son « Il giorno prima la felicita«  (paru, lui, aux Éditions Feltrinelli le 1er janvier 2009) ;

dans « El Pais » du samedi 25 avril ;

et une « tribune libre » : « L’Etat français : dernier refuge de la « culture du résultat » ?..« , du philosophe Michel Feher dans « Le Monde » du dimanche 26 avril 2009.

« Une interview très intéressante : remarquable même !..
Erri de Luca était dans un très bon jour, ce jour-là, à ce moment-là,
Piazza del Popolo, en dégustant (au Rosati ? au Canova ?) un excellent café
_ même si pour ma part, je préfère prendre le café au Sant’Eustachio
ou à Tazza d’Oro, les deux tout à côté du Panthéon…
Ou à Campo dei Fiori !

En italien, le livre dont il s’agit s’appelle « Il Giorno prima la felicita«  »…

Titus

écrivais-je sur l’instant à l’ami Bernard Plossu en découvrant (puis en le lui adressant illico presto) cet article-ci d' »El Pais » :

ENTREVISTA : LIBROS – Entrevista Erri de Luca

« Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« 


MIGUEL MORA 25/04/2009

Ex militante revolucionario y ex obrero de Fiat, el autor italiano ha obtenido con sus obras anteriores el aplauso de la crítica y hoy le llega el del público con « El día antes de la felicidad« .

Erri de Luca es un tipo misterioso. Tiene cara de lord inglés, pero es napolitano y viste como un agricultor. Traduce obras del hebreo antiguo y del yiddish, pero asegura que tampoco es judío y que lo aprendió para leer la poesía de primera mano. Su cara de no haber roto un plato encubre un pasado agitado y comunista : fue militante revolucionario en Lotta Continua, y dice no arrepentirse en absoluto de haber vivido « el tiempo en que los obreros follaban« . Sus manos enormes y curtidas remontan también a ese momento : él mismo fue obrero en Fiat (montaba motores de camiones), y albañil, aunque sostiene que llegó tarde a la fiesta.

« En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia »

Hoy, a los 58 años, De Luca es un escritor, poeta y cuentista fuera de normas y etiquetas con títulos como « Aquí no, ahora no » _ « Une fois, un jour » _ y « Montedidio« . Alpinista ocasional, vive en el campo, cerca del lago de Bracciano, a 50 kilómetros de Roma. Su última novela encabeza la lista de los libros más vendidos del país. Es « El día antes de la felicidad«  (Siruela) _ on traduit donc Erri De Luca bien plus vite _ 1er janvier – 22 avril !!! _ en espagnol qu’en français !.. Es un relato sencillo y poético, con toques de historia y de humor napolitanos. Narra la educación sentimental de un joven huérfano, que crece en los años sesenta protegido por un portero de finca. Don Gaetano, sabio y memorioso, le explica cómo escondió a un judío durante la ocupación nazi, cómo fue la revuelta y la liberación. Mientras le escucha, el héroe va forjándose un carácter; el amor y el futuro los encontrará lejos.
La protagonista es Nápoles, ciudad de la que De Luca se largó a los 18 años. Hoy ha bajado a Roma, y llega antes de la hora a su café preferido _ le Rosati ? le Canova ? _ de Piazza del Poppolo.

PREGUNTA. ¿ Se siente italiano o napolitano ?

R. Como escritor y hablante, vivo en la lengua italiana. La lengua italiana es mi patria, pero no tengo sentimientos patrióticos respecto a mi país. Si suena el himno no se me acelera el pulso, con la bandera tampoco. Pero la lengua me gusta. Nací y crecí en napolitano y me convertí en un escritor en italiano. No soy un escritor italiano, sino en italiano. Acabé dentro de la lengua de mi padre.

P. ¿ Cambió de patria ?

R. De lengua. Mi padre pretendía que en casa hablásemos italiano sin acento. La mamma hablaba en napolitano. Ella era el lugar, era Nápoles.

P. Sé que murió hace unos días y vivía con usted. ¿ Tenían buena relación ?

R. Una relación tardía, adulta, pero buena, fuerte. Vinieron los dos a vivir conmigo porque no les llegaba el dinero.


P. ¿ Cómo era Nápoles cuando se fue ?

R. Una ciudad del sur del mundo. Tenía la más alta mortalidad infantil y la más alta densidad de Europa, vivíamos apezuñados. Era una ciudad tomada por los americanos, la sede de la VI Flota _ ce que raconte magnifiquement Ermanno Rea, à propos de la vie et de la mort de la militante Francesca Spada-Nobili, dans « Mystère napolitain » ; ou Domenico Starnone, à propos de ses parents, dans « Via Gemito » : deux grands livres sur la Naples d’alors… _ y estaba siempre abierta y vendida para las salidas de los miles de militares americanos, que eran la mayor fuente de renta. Vendida porque, si cometían un delito, respondían ante sus jueces militares. Era una ciudad entregada. Se parecía a Manila, a Saigón…

P. Una colonia…

R. Con toda la ilegalidad secundaria que eso comporta. Era el mayor burdel del Mediterráneo y el centro del contrabando europeo. Hoy es uno más entre tantos matices del norte, aunque sigue siendo una ciudad poco italiana, más bien española _ les Napolitains continuant superbement d’ignorer que leur chère « Via Toledo«  porte depuis pas mal de temps officiellement le nom de « Via Roma«  Los españoles estuvieron mucho tiempo _ avec les Aragon, les Habsbourg, puis les Bourbon _ y se hicieron napolitanos _ comme le troisième fils de Carlos III, Ferdinando ; son père (un grand roi !) parti occuper le trône de Madrid, en 1759, à la mort de son frère aîné, le roi Fernando VI… Et laissant le trône de Naples (ou plutôt « du Royaume des Deux-Siciles« ) à ce troisième fils… Los reyes que triunfaban hablaban el dialecto. Nápoles es _ en conséquence (peut-être ?..) en partie de quoi… _ anárquica y monárquica. Siempre le gustó tener un rey para los domingos _ c’est largement assez !.. Los otros seis días le gusta estar a su aire y que el rey _ suffisamment bonasse _ deje hacer.

P. ¿ La Camorra _ là-dessus, cf le grand « Gomorra« , de Roberto Saviano (ainsi que le tout récent « Le Contraire de la mort _ Scènes de la vie naplitaine« , du même Saviano… _ es española o americana ?

R. La palabra es española, la práctica es toda nuestra. Nada que ver con la Mafia, no tiene unidad de mando. Son 200 familias que se reparten el terreno en pequeños trozos, en permanente bronca entre ellas. Por eso es ingobernable. Existía con los españoles, se adaptó a los americanos, y cuando se fueron los americanos se volvió a adaptar.

P. ¿ Quién le contó la ocupación nazi ?


R. Mi madre. La historia la contaban las mujeres porque los hombres o estaban en el frente o en la cárcel o emboscados. Nápoles fue la ciudad más bombardeada de Italia. En ese momento en que se preparaba la batalla militar entre los alemanes y los norteamericanos surgió la insurrección, por pura acumulación de tensión. Fue una mezcla de pequeñas historias _ cf aussi Curzio Malaparte : « La Peau« 

P. ¿ Alguna heroica ?


R. En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia. Fue una combinación de miedo, cotilleos y cosas cómicas. Todo junto les hizo vencer _ la force (de vie comme de destruction) de Naples est terrible…


P. ¿ Por qué contó la historia a través de Don Gaetano ?


R. Porque uno escucha a las mujeres pero aprende de los hombres. Las mujeres son la fuente de información, pero la herencia _ surtout au Sud ?.. _ es un acto masculino, paterno. Es el padre el que transmite y entrega la pertenencia a un lugar. A través de ese relato masculino el chico se da cuenta de no ser un huérfano sino el hijo de una ciudad _ oui… _ de la que debe aprender a marcharse.

P. ¿ Nápoles es padre o madre ?

R. En mi caso fue una ciudad-causa. Fui consecuencia de ella, me transmitió una precisa educación sentimental nerviosa. Aprendí los sentimientos constitutivos del hombre, la cólera, la compasión y la vergüenza. Y me templó el sistema nervioso una octava por encima de lo normal _ ou le « tempérament », pas seulement musical, en l’occurrence… En eso Nápoles se parece a Jerusalén. Tiene esa misma tensión nerviosa. Disimula, no quiere escrutarte, finge ignorarte, pero en realidad te percibe _ toi… _ con todos los demás sentidos, con el olfato, las orejas, la vibración del cuerpo…

P. ¿ Sintió pena al irse ?

R. Me despegué como pude _ c’est là le drame de la plupart (tel Domenico Starnone, qui me l’a personnellement confié, en son passage à Bordeaux) des Napolitains qui doivent absolument la fuir pour respirer vraiment et pouvoir créer (à la notable exception près d’un Giuseppe Montesano : cf ses très beaux « Dans le corps de Naples«  et « Cette vie mensongère« ). Tenía encima una mole que me expulsaba. Me arranqué como un diente de una encía _ la formule est parlante ! Luego no pude reimplantarme _ vraiment _ en ningún sitio. Cuando me fui supe que no volvería, pero allí no podía seguir _ c’était l’asphyxie. Estaba solo. Luego _ juste après 68 _ encontré a mi generación _ pas tout à fait une famille _ en la calle, rebelde primero y revolucionaria después, y ahí sentí otra pertenencia, en vez de a un lugar, al tiempo _ c’est-à-dire « l’époque«  ; l‘ »esprit du temps«  Soy _ en cela _ un producto del tiempo, del 900 _ le XXème siècle.


P. Y de la revolución fallida.


Ici, on passe à l’après-Naples d’Erri de Luca, les
« années 68« 

R. Fui revolucionario a tiempo completo todo el decenio de los setenta. Milité en « Lotta Continua » hasta 1976, y cuando acabó me hice obrero y seguí _ dès lors _ solo. Fue la herencia del tiempo, y hoy lo veo con lealtad _ une vertu assurément importante. No me gusta la nostalgia, pero soy leal _ sans reniement _ con las razones de aquel tiempo. Pienso que aquel hombre joven que fui reconocería en mí a la continuación de sí mismo _ ce n’est certes pas rien ! Quiero pensarlo.

P. ¿ Hizo la cosa justa ?

R. Cuando las cosas hay que hacerlas, justo o injusto, no hay elección.

P. Pero no tomaron el poder.

R. Era una revolución rara. Era más cuestión de entorpecer al poder y hacer crecer a la sociedad _ que de prendre le pouvoir. No fue inútil. Fue necesario, y dio resultados _ sans précision de plus. No en las vidas personales, ahí lo pagamos caro porque fuimos la generación más encarcelada de la historia, incluida la que vivió el fascismo.


P. ¿ Usted hizo cárcel ?

R. Poca y muy temprano, en 1968 o 1969.

P. ¿ Y lucha armada ?

R. Prefiero no contestar _ les plaies demeurent ouvertes ; et pas seulement du fait du pouvoir de la droite italienne (Sivio Berlusconi, Gian-Franco Fini, etc…). Pero toda revolución prevé recurrir a las armas.

P. ¿ Defiende todavía el 68 ?

R. La historia la escriben los vencedores, no los condenados _ certes ; mais il faut aussi voir à long terme…. El 68 fue sólo _ et pas davantage _ el momento de la salida, la campana que sacó a los estudiantes de clase _ pour une brève récréation ? Era el periodo en que los obreros follaban. Ser obrero era una posición social de prestigio _ en effet. Eran un punto de referencia _ une sorte d’aristocratie (du travail). La vanguardia. Tenían poder y encanto _ soit du prestige et du charme…

P. ¿ Usted folló mucho ?

R. Yo no, me hice obrero tarde. Y entonces no teníamos derecho al amor, el amor era… un pretexto para retirarse.

P. ¿ Fue una guerra civil ?

R. No desde el punto de vista de las pérdidas, pero sí de las condenas : 5.000 condenados por banda armada. No existía la responsabilidad individual. Por eso esa generación hizo los hijos muy tarde. Yo ni eso, porque soy estéril como un mulo. Pire : Muchos compañeros míos se mataron con la heroína para ajustar cuentas rápido. Y unos pocos se hicieron periodistas o cambiaron de chaqueta _ sans commentaire.

P. ¿ Usted ajustó las cuentas ?

R. Hay todavía prisioneros, las cuentas sólo están suspendidas.

P. ¿ Y no piensa que Berlusconi es en parte consecuencia de esa lucha ?

R. No, es la alegre consecuencia de que hemos pasado de ser un país de emigrantes a un país de propietarios de casas, primera y segunda. Italia es un país de nuevos ricos, con todos los tics del nuevo rico. Por eso elige como primer ministro al más rico _ Silvio Berlusconi à trois reprises (1994-1995 ; 2001-2006 ; et depuis 2008) _, como presidente de la República _ Carlo Azeglio Ciampi (de 1999 à 2006) _, a un ex dirigente del Banco de Italia _ de 1979 à 1993 _, y como opositor, a un profesor de economía _ Romano Prodi. Italia ha idolatrado la economía, sólo piensa en el dinero. Es como Suiza, pero con más gente.

« El día antes de la felicidad« . Erri de Luca. Traducción de Carlos Gumpert. Siruela. Madrid, 2009. 132 páginas. 13,90 euros.


+ , en bonus, un article :

« La felicidad del héroe sin batallas » sur ce même livre (« El día antes de la felicidad« ) dans « Publico » (22 avril 09)

La felicidad del héroe sin batallas

El escritor italiano Erri De Luca cuenta en ‘El día antes de la felicidad’ la pérdida de la inocencia de un huérfano en plena Segunda Guerra Mundial

y participa hoy en un espectáculo sobre don Quijote.

El escritor italiano cree que la felicidad es pasajera.

REYES SEDANOPEIO H. RIAÑO – Madrid – 22/04/2009 22:59

Los invencibles se levantan una y otra vez, visten con camisa a cuadros y tienen manos tan grandes como sus botas para caminar por la montaña. Los invencibles son quijotes que lucharon en 1969, como Erri De Luca, que a los 18 años formaba parte de una generación insubordinada y rebelde a la que acompañó dentro del movimiento « Lotta Continua » hasta que fueron conscientes de que no podían cambiar el mundo. Un héroe que durante 39 años creyó que la revolución se hacía en la calle hasta que escribió, hace ahora 20 años, su primera novela, « Aquí no, ahora no » (Editorial Akal) _ en français « Une fois, un jour« , peut-être son plus beau livre (aux Éditions Verdier) _, acerca de su infancia napolitana.

Desde entonces, su arma cambió ; y esas manos gigantes que se frotan una contra otra con detenimiento y fruición, como buscando forzar sus pensamientos, se empeñan en predicar que la enseñanza es la base de la libertad de los pobres, de los trabajadores, porque como dice uno de los personajes de su nuevo libro « El día antes de la felicidad » (Siruela) : « La instrucción nos daba importancia a nosotros los pobres. Los ricos se habrían instruido de todas las formas. La escuela daba peso a quien no lo tenía, lograba la igualdad. No abolía la miseria, pero entre sus muros permitía la igualdad« .

Esas palabras que Erri De Luca pone a la deriva en el relato de una Nápoles convulsa y rebelde contra la ocupación alemana, donde un muchacho huérfano aprende a trompicones entre las enseñanzas de don Gaetano ; y el encuentro con el primer amor ; y la huida de su ciudad, también son las del propio autor. « En mi ciudad después de la guerra, la escuela pública era el lugar donde sucedía la igualdad« , explica el escritor a Público, en el Círculo de Bellas Artes de Madrid, a donde ha llegado para presentar hoy un espectáculo « Don Quijote y los invencibles« .

A fuerza de cultura

Una biblioteca nutrida consigue que el ciudadano llegue a otras posibilidades que no le estaban pronosticadas : « Fuera de la escuela, todo eran opresores y oprimidos, uno sobre el otro. Pero en la escuela todos estábamos juntos, los hijos de la burguesía con los hijos de la pobreza que no marchaban a trabajar. Es así como un chico pobre puede asumir una nueva condición y abrirse un nuevo camino que cuestione los confines designados por los avatares de la vida. »

« La felicidad es un golpe imprevisto, una cita sin preparar« 

Algo así buscó don Quijote, un personaje que Erri De Luca (Nápoles, 1950) considera irreductible, porque tras encajar reiteradas derrotas jamás se rinde, ni se acobarda. Por eso el homenaje en escena, por eso Don Quijote y los invencibles, con una puesta en escena en la que él cuenta las historias de un ser que jamás ganó una batalla, pero que no se dejó de plantear seguir peleando por el mundo que había imaginado, junto con un guitarrista y cantante y un clarinetista.

« ¿ Que por qué darle carne al relato y hacer teatro ? Porque yo soy un tipo que cuenta historias y las cuento oralmente y también por escrito« , explica para aclarar que los tres se benefician del noble lugar del teatro, pero simplemente se sitúan en torno a una mesa, hablando y cantando. « No hay ninguna otra acción« .

« Invencible » es una de las palabras que persiguen a alguien que ha luchado toda su vida por imponerse a su destino. De Luca es un Quijote sin batallas en su haber, porque como él mismo dice « los invencibles no son los que ganan las batallas, sino aquellos que continuamente derrotados, nunca dejan de levantarse para afrontar otra batalla« . Los invencibles tienen otra virtud, que les hace moverse sin tener nada fijo, sin saber qué será de ellos, y es que buscan la felicidad aunque son conscientes de que si llegan a conocerla alguna vez, deberán olvidarla inmediatamente. Esa es la esencia de la novela « El día antes de la felicidad« .

Esto de la felicidad

Erri de Luca se recoge las mangas de su camisa azul y blanca a cuadros, vuelve a frotarse las manos y explica que la felicidad « es un golpe imprevisto« . Esa es la razón por la que no se puede contar con ella para nada, « porque a lo sumo es un empujón de alegría« . De hecho, está convencido de que la mayor parte de las veces que pensamos en la felicidad es para referirnos al pasado, como memoria. « La felicidad es una cita para la que uno nunca está preparado, aunque sabe que la va a tener« , remata.

« En la escuela pública es el  lugar donde sucede la igualdad »

Aparentemente « El día antes de la felicidad » es el diario de alguien que recuerda su historia en un « cuaderno de rayas mientras el barco se encamina hacia la otra punta del mundo« . El personaje en esta maravillosa novela lucha por tratar de reconocer la felicidad, pero el autor le hace pasar por agravios que le harán comprobar en sus carnes que hay que olvidarla tan rápido como llegue, « porque como viene se va« .

En ese sentido, podríamos entender que toda una vida es el día antes de la felicidad, siempre a la espera de su aparición. Pero Erri De Luca lo niega: « No, porque si no sería como una zanahoria delante del caballo. Y eso no es la felicidad« . De hecho, el autor italiano se emplea a fondo en sus imágenes, en las que hay siempre un sentido poso autobiográfico: « El día antes de la felicidad yo era un alpinista que derrapaba en el descenso« , le hace decir al protagonista.

Diálogo en las cumbres

La referencia a la montaña en la anterior cita no es casual. Erri De Luca es un apasionado montañero, que ya ha dejado testimonio en algunos relatos como los que componen « El contrario de uno » (2005) _ « Le Contraire de un » _  y en « Tras la huella de Nives » (2006) _ « Sur la trace de Nives » _, donde se metió en la mochila las reflexiones de la alpinista Nives Meroi (Bérgamo, 1961) _ una de las tres mujeres que han ascendido siete de los catorce ochomiles _, con quien habló de la fascinación del alpinismo, de la aventura, la muerte… el viaje sin fin.

« El terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika »

« En realidad mi escritura tiene poco que ver con mis paseos por el monte. Sí compararía mi relación del monte con la lectura más que con la escritura« , nos cuenta. Hablamos de la naturaleza y es inevitable ver en su cara morena y afilada las huellas de un gran paseo reciente. Sus pequeños y audaces ojos azules se mueven con tranquilidad, charla pausado. « Me gusta ver en la montaña cómo sería el mundo sin nosotros _ dice dibujando un lugar sin habitantes. Allí escasea el hombre y además se acentúa la sensación de estar de pasada, de no habitar. Porque subir una cumbre es como dar un paseo en el desierto.« 

Curiosamente, Erri relaciona esos paseos solitarios con sus lecturas diarias del « Antiguo Testamento » al amanecer. « Entro no como creyente, sino como transeúnte ; y salgo con las mismas. Así hago en la montaña, entro y salgo« .

Terrorismo y revolución

No podemos dejar de preguntarle por la posibilidad de llevar adelante hoy una revolución por las generaciones más jóvenes, hay motivos. Él es rematadamente franco : « Podríais hacer la revolución, pero no queréis« . « El siglo XIX fue un siglo de revoluciones, de insurrecciones del pueblo que cambiaron las relaciones de fuerza entre opresores y oprimidos. Yo provengo de este siglo, donde la Historia aplastó las historias personales y dividió familias, separó pueblos… Fue un siglo muy invasivo« , recuerda.

Es pesimista con nuestras responsabilidades. « Hoy no veo ninguna solidaridad con la insurrección. Cuando nosotros, Occidente, invadimos Irak, Afganistán… no pasa nada, no veo entre los jóvenes la solidaridad con las luchas independentistas armadas de estas culturas islámicas que no quieren que nosotros vayamos a arreglar nada. Todo viene tachado como terrorismo y nadie quiere entender nada, ni oponerse a esa definición« , afirma. Para Erri De Luca, que conoce los relatos de Nápoles, la ciudad más bombardeada de Italia en la Segunda Guerra Mundial, terrorismo es un bombardeo sobre civiles. Por eso dice que « el terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika. »

La suite de cette réflexion, (sur quelques symptômes de maux postmodernes)

en un second volet : 2) « de quelques symptômes des maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher« …

Titus Curiosus, ce 28 avril 2009

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