Posts Tagged ‘finesse

Absolument stupéfiant : le « Bolero » parfait de sensualité en sa plus stricte scrupuleuse justesse, et vie, de François-Xavier Roth et Les Siècles…

17juin

En la série superbe de ses enregistrements raveliens,

François Xavier Roth et son ensemble Les Siècles, viennent de nous offrir _ avec « L’Heure espagnole«  _ un « Boléro » de Ravel absolument parfait ! _ en écouter ici les sublimissimes 15′ 16 du podcast !!!

À un point tout simplement stupéfiant…

Soit l’album Harmonia Mundi HMM 905361.

Voici ce que de l’ensemble de cet album _ et surtout, d’ailleurs, de « L’Heure espagnole«  _, sur son site Discophilia,

et sous l’excellent intitulé « Fantaisie française« ,

en dit l’excellent Jean-Charles Hoffelé :

FANTAISIE FRANÇAISE

Qu’on ne s’y trompe pas, l’Espagne de fantaisie _ tout à fait ! _ qu’illustre Maurice Ravel dans son orchestre épicé (et pas seulement horloger), est un pur prétexte _ voilà… _ à l’Esprit français de _ finesse de _ la conversation _ clarissime _ qu’illustre avec un brio canaille _ mais dénué de la moindre vulgarité… _ le formidable livret de Franc-Nohain.

Il y faut mettre une prononciation vive et subtile _ oui _, infiniment mouvante _ voilà _ à l’égal d’un orchestre pensé en partenaire de chambre, ce que Les Siècles font entendre mieux qu’aucune autre formation _ voilà ! c’est là on ne peut plus excellemment dit. À ce jour, le disque n’aura capturé que des formations dont le format sonore était souvent trop opulent, seulement idéalement apparié avec le quintette final _ soit la sublime scène XXI (voir ici la vidéo) de cette « Heure espagnole« -ci…

Les timbres des instruments français peu ou prou de l’époque de Ravel _ et c’est un formidable plus ! _ rétablissent un _ magnifique, époustouflant... _ équilibre _ idéal ! _ entre la finesse _ subtilissime de cocasse… _ des parties vocales et l’art tour à tour évocateur (écoutez comment les instruments « frisent » autour de l’entrée de Gonzalve, qui chante d’abord sous le balcon), ou impétueux, de l’habillage orchestral _ somptueux, idéal, de ce sublime orchestrateur qu’était Ravel… Quelle cambrure dans l’air de Concepcion et quel caractère chez Isabelle Druet. Aurait-elle entendu Fanny Heldy, amoureuse avec cravache ? C’est possible, elle n’en est pas à sa première horlogère, y compris au disque, mais elle a encore raffiné son personnage depuis son enregistrement lyonnais pour Leonard Slatkin.

Subtilités dans la restitution des fantaisies _ oui _ de Franc-Nohain, exactitude absolue _ oui _ pour les notes et la prosodie de Ravel, surtout aucune caricature _ en effet _, ce que l’œuvre risque souvent à force de grossissement des personnages.

Merveilleux Loïc Félix dont on sent la tendresse pour son épouse infidèle, formidable Jean Teitgen dans un Don Inigo Gomez plus amoureux que potentat – sa petite aria avant d’entrer dans l’horloge est délicieuse –, déménageur certes amateur mais surtout bon garçon et jamais benêt selon Thomas Dolié. La palme revient surtout au Gonzalve, juste lunaire comme il faut, de Julien Behr qui varie son personnage : on le comparera à lui-même en réécoutant la version d’Asher Fisch (voir ici) _ tout cela rendant parfaite justice à ces si savoureux et intelligents chanteurs.

François-Xavier Roth et Les Siècles ajoutent en _ plus que luxueuse… _ coda le Boléro, hypnotique _ oui, oui, oui _ revue de détail de la machine orchestrale qui rayonne _ à la perfection !!! _ de timbres épicés et de rythmes brillants. Magnifique, et au tempo giusto _ voilà. La perfection !

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)


L’Heure espagnole, M. 52
Boléro, M. 81

Isabelle Druet, mezzo-soprano (Concepcion)
Julien Behr, ténor (Gonzalve)
Loïc Félix, ténor (Torquemada)
Thomas Dolié, baryton (Ramiro)
Jean Teitgen, basse (Don Inigo Gomez)

Les Siècles
François-Xavier Roth, direction

Un album du label harmonia mundi HMM905361

Photo à la une : le chef d’orchestre François-Xavier Roth – Photo : © Holger Talinski

Et voici aussi

ce que,

impatient, lui aussi, comme moi, d’entendre en toute priorité le « Bolero » de Ravel de François-Xavier Roth et ses Siècles en ce tout nouvel album de sa magnifique Intégrale Ravel en cours,

dit de cet extraordinaire « Bolero« -ci de François-Xavier Roth à la tête des Siècles,

Bertrand Balmitgere, sur l’excellent site de Crescendo, en un article intitulé, lui, « François-Xavier Roth en Hispanie : l’Intégrale Ravel à l’heure de Bolero » :

François-Xavier Roth en Hispanie : l’intégrale Ravel à l’heure de Bolero

LE 17 JUIN 2023 par Bertrand Balmitger

Maurice Ravel (1875-1937) :

L’Heure espagnole, M.52 ; Bolero, M.81 (Version originale Ballet 1928).

Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Julien Behr, ténor ; Lotte Félix, ténor ; Thomas Dolié, baryton ; Jean Teitgen, basse.

Les Siècle, direction : François-Xavier Roth. 2021.

Livret en : français, anglais et allemand.

Texte chanté en français, traduction en anglais.

64’36.

Harmonia Mundi. HMM905361.

Nous l’attendions avec ferveur _ oui _ depuis de longues semaines… le voici enfin ! _ voilà ! Le nouvel opus de ce qui est sûrement le cycle le plus excitant du moment _ oui : quelle interprétation de pareille sublime musique ! _, à savoir les tribulations de François-Xavier Roth au sein de l’œuvre de Maurice Ravel. Ce dernier vole de succès en succès _ oui ! _ pour le plus grand bonheur de nos cœurs et de nos oreilles. Alors forcément quand s’annoncent l’Heure Espagnole et le Bolero, on ne tient plus en place !  _ mais on se précipite sur l’objet disque…

A tout seigneur tout honneur. Commençons donc par le totem de la musique orchestrale hexagonale. « Un ballet à caractère espagnol », tel est le Bolero de Maurice Ravel, interprété ici dans la version originale ballet 1928 (avec, entre autres, des castagnettes) restaurée par la RAVEL EDITION _ voilà. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture que nous en donnent François-Xavier Roth et son Orchestre des Siècles ne manque pas de caractère et d’identité. C’est un véritable diorama du Piel de Toro. La réussite est totale _ oui ! _ et ne trouve d’équivalent que chez John Wilson (Chandos) ou Igor Markevitch (RTVE/Decca), c’est dire ! _ avec, en plus, la merveille des instruments choisis, et idéalement servis par une somptueuse prise de son de Jiri Heger et Alice Ragon.

Le résultat est à la hauteur de nos espérances et de notre attente _ c’est dit. Clarté, lucidité et intelligence _ oui : au service le plus humble de la plus scrupuleuse sensualité ravelienne ! Comme, bien sûr, cela se doit ; sans le moindre pathos, ni écart à l’égard du texte musical extrêmement précis de Maurice Ravel, l’horloger suisse… _, Roth est encore et toujours au sommet de son art _ oui ! tout simplement, oui ! La rigueur et la minutie _ voilà ! _ qui caractérisent sa direction n’empêchent en rien _ et surtout pas _ la vie, les couleurs chatoyantes et une petite dose subtile de folie _ tout cela est, voilà, parfaitement senti et dit ici…

Ces mêmes qualités sont indispensables dans la seconde œuvre de cet opus, L’Heure Espagnole. En effet, si on en exagère trop les traits, c’est très rapidement le dérapage, la faute de goût ou, pire, le grotesque _ exactement. Ravel est de la famille musicale de François Couperin ; et exige le plus parfait tact de la plus parfaite justesse et délicatesse, à vif mais sans pathos, ni écart de goût… Cette comédie est poétique _ oui _, un petit trésor de subtilité _ oui ! ; Ravel est toujours de la plus fine subtilité, dans le plus parfait sentiment naturel d’évidence…  _ et non un vaudeville. Elle requiert donc à sa tête un alchimiste capable d’allier _ voilà _ les sourires _ nets, mais jamais gros, ni encore moins grossiers, du texte _ et l’émotion _ profonde, en son extrême discrétion et politesse (très française)… _ qui naît de la musique. Nous savons pouvoir compter sur François-Xavier Roth pour préserver l’esprit ravélien _ si singulier _ dans toutes ses dimensions _ voilà : feuilletées, en effet, et oxymoriques, sans jamais le moindre chichi, ni préciosité incongrue, mal venue… Saluons bien évidemment la performance de haute volée de l’ensemble de la distribution vocale : Isabelle Druet, Julien Behr, Loïc Félix, Thomas Dolié, Jean Teitgen et Mathieu Pordoy _ chef de chant.

Vous l’avez compris c’est encore un total succès _ oui ! _, un de plus dans ce qui apparaît de plus en plus comme un parcours quasi sans faute.

Son : 10 – Livret : 10 –  Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Bertrand Balmitgère

Une réussite incomparable, donc, que ce stupéfiant « Bolero« -là de Maurice Ravel par François-Xavier Roth…

Et j’ai préféré, pour ma part, réserver à demain, l’écoute-désouverte de cette « Heure espagnole« -ci de François-Xavier Roth et ses Siècles.

À demain dimanche, donc…

Ce samedi 17 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour conclure sur le parcours présent de rétrospection (provisoire…) de François Noudelmann, enfant rétrospectif du cimetière bouleversé et rénové de Cadillac, en 2020 : le sentiment d’ « à part – tenance » et le désir d’ « a – s- similation » – intégration – « a – grégation » – « incorporation » à la France, en ses filiations chahutées par l’Histoire ; et les « modalités et intensités » et « harmonieuse complicité » d’affinités adventices heureuses, de François Noudelmann…

27mai

Ce samedi 27 mai,

je conclus l’élan des commentaires de ma lecture du splendide et profond « Les enfants de Cadillac » de François Noudelmann, à la suite de mes 6 articles précédents :

_ du dimanche 21 mai : « « 

_ lundi 22 mai : « « 

_ mardi 23 mai :  « « 

_ mercredi 24 mai : « « 

_ jeudi 25 mai : « « 

_ et du vendredi 26 mai : « « 

Sur le complexe et difficile « sentiment d’appartenance« , dans lequel s’entend nécessairement, comme une sorte d’implacable répétitif destin, et en même temps, un très tenace sentiment d’ « à part – tenance » _ à sa « francité« , du fait de la « judéité«  héritée de sa marquante branche familiale paternelle (par son histoire personnelle de fils très très proche, par « cette vie avec mon père, plus conjugale que familiale » (l’expression se trouve à la page 174 des « Enfants de Cadillac« …), un bon bout de temps seuls, et isolés, tous les deux, à Lyon, « pendant notre vie commune » (l’expression se trouve à la page 59), entre les huit ans et les treize ans du petit François, de 1967 à 1972) ; et de génération en génération, comme répétivement, chez ces Noudelmann-ci, le lien à la mère (et a fortiori aux branches maternelles) est soit carrément rompu, coupé, tranché vif, soit extrêmement distendu et lache… _ de François Noudelmann,

on retiendra pas mal de lucidissimes expressions sur le fait d' »en être » ou « ne pas en être » vraiment, de cette « francité » par « a – s -similation » si ardemment désirée par son père et, avant, son grand-père, en leur difficile, et in fine tragique, parcours de vie (en Lithuanie, 1891 – Cadillac, 1941), pour Chaïm _ mort de cachexie, c’est-à-dire de faim, en un asile de fous, sous le régime de Vichy, en 1941 _, et Paris 18e, 1916 – Limoges, 1998, pour Albert _ avec un passage ultra-violent de « cinq années allemandes », en Silésie, entre 1940 et 1945 ; et in fine suicidé, alors qu’il n’avait aucune maladie, avec un pistolet à grenaille _)… 

Ce sont donc ces très belles expressions-là, sous la plume de François Noudelmann, en ce profond et lucidissime « Les enfants de Cadillac« , que je tiens ici et maintenant, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures et relectures, à la loupe, le plus possible attentives aux plus infimes détails dans lesquels se niche et se tient caché, comme c’est bien connu, le diable, l’essentiel du message crypté, d’abord à lui-même, bien sûr _ mais c’est le travail patient et inspiré (= d’« imageance« ) d’écriture qui vient porter à la conscience de l’auteur, qui va l’assumer, point après point, jour après jour, détail (et mot prononcé) advenu par détail (et mot prononcé) advenu, et avec l’expérience de l’âge, le sens ainsi porté à un peu plus et un peu mieux de lumière ; et c’est bien cela seul qui fait advenir une œuvre vraie, véridique et véritable, et pas un simple produit de marketing, promis à obsolescence rapide, tel qu’un « roman«  divertissant, à consommer juste pour le fun, et très vite digérer… : « Je hais les oisifs qui lisent« , s’exclame Nietzsche en le magnifique « Lire et écrire » de son indispensable « Ainsi parlait Zarathoustra«  _, ce qu’il y a apprendre vraiment des vies, à commencer par la sienne propre, et celles de ses proches, et d’abord ceux auxquels nous sommes généalogiquement affiliés comme fils ou fille, petit-fils ou petite-fille, arrière-petit-fils ou arrière-petite-fille, etc. : nous n’y échappons – coupons pas…

Voici donc ce qu’ici, ce samedi 27 mai, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures suivies, je me permets de retenir des expressions de François Noudelmann sur le feuilletage de ses doubles liens personnels, et plus ou moins hérités de sa filiation paternelle, à la « francité » et à la « judéïté » _ avec, aussi, l’appoint de mes farcissures de commentaire, en vert _ :

Pages 164-165 :

« Je lui _ Albert, le père bien aimé _ ai longtemps tourné _ en pensée, surtout après son suicide (à Limoges, le 16 juillet 1998) et la cérémonie de la dispersion de ses cendres en un ruisseau du Limousin, et jusqu’à ce jour qui a suivi le choc de l’expérience du cimetière de Cadillac, le 19 septembre 2020… _ le dos, avant de réfléchir _ ce fut « au moment _ à la toute fin, donc, de l’été 2020 _ où j’avais pris mes résolutions, où j’avais établi les réglages _ tant géographiques que mentaux _ entre ma vie de Français à l’étranger _ résidant désormais, probablement depuis 2019, à New-York ; là-dessus, de même que sur la précision des dates, François Noudelmann demeure très discret… _ et mon pays de naissance _ la France, donc : François Noudelmann est né à Paris, à l’hôpital Rothschild, le 20 décembre 1958 _ que la mémoire familiale se rappella à moi, de manière inattendue, alors que le monde s’était figé dans ses frontières à cause de la pandémie de covid. (…) Voilà que je fus invité dans le cimetière français qui avait retrouvé la trace de mon grand-père Chaïm. (…) Ce fut donc pour assister _ à Cadillac, en Gironde _ à la rénovation d’un cimetière abandonné que je revins _ ce fut le 19 septembre 2020, je le répète ici _ sur les traces funéraires de mon fou grand paternel « , lit-on page 223 _ au défaut _ répété, peut-être endémique… _ de transmission, dans ma lignée, des pères aux fils. Refusant d’hériter du moindre bien qui me rappellerait le corps paternel _ le corps de ce père, Albert, dont François avait été pourtant (mais justement…) si physiquement proche de 1967 à 1972, quand ils vivaient, et c’était même une « vie, avec mon père, plus conjugale que familiale« , lit-on page 174 ; et page 172 : « Depuis mon jeune âge, j’avais pris en effet l’habitude de dormir avec lui et de chercher son contact, restant sur ses genoux après le déjeuner, reniflant l’odeur de son pyjama dans le lit. Il faut dire aux lecteurs suspicieux qu’un père juif est souvent une mère normale« …) _, je ne revins jamais sur ses traces, son absence de tombe _ les cendres d’Albert ayant été dispersées, selon sa volonté expresse, dans un ruisseau du Limousin… _ facilitant le détachement de tout lieu. Il m’a fallu la mémoire _ après la cérémonie au cimetière des fous de Cadillac, le 19 septembre 2020 _ de son propre père _ Chaïm Noudelmann _ pour le retrouver _ lui, Albert _ et tenter de comprendre ce que succéder veut dire _ et cela, en toutes ses acceptions _, si cette notion doit être maintenue. Entre Chaïm et Albert, un récit a bégayé, celui de l’assimilation des Juifs, le fils _ Albert _ oubliant son père _ Chaïm, interné comme fou : d’abord à Sainte-Anne, puis en 1929 à Cadillac _ et poursuivant _ pourtant, malgré cet oubli-refoulement de la figure paternelle _ le même désir _ que celui de son père _ de fuir ses origines juives _ voilà ! _ et de s’incorporer _ le mot est très puissant _ à la France, quitte à recevoir son passé _ autour de son histoire personnelle, avec la place qu’y ont occupé les marques les plus sensibles de sa judéité : la prononciation bien sonore de son nom, et le signe corporel bien visible, une fois mis à nu, de sa circoncision… _ en pleine face, comme un boomerang _ en 1940, sur minable antisémite dénonciation… La superposition de leurs histoires, l’une _ incurablement _ sans parole, l’autre confiée _ un jour unique de 1980, et dix heures durant, à un enregistrement sur un petit magnétophone… _, redouble le paradoxe de ces vies tragiques, le destin _ du retour à l’Est des pogroms quitté très jeune par Chaïm _ se réalisant par le souhait même d’y échapper _ en devenant, pour Albert, un soldat français passant cinq années de prisonnier-esclave juif des Nazis en Silésie… Mais de Chaïm et d’Albert à moi François _que s’est-il transmis de leur judéité et de leur francité ? _ telle est là la question de fond de ce très grand livre… En décidant d’exhumer _ par le travail de recherche et de penser _ le premier _ Chaïm (1891 – 1991) _ de la fosse commune de Cadillac, en écrivant la confidence _ enregistrée sur le magnétophone, en 1980 _ du second _ Albert (1916 – 1998) _ sur ses cinq années allemandes mai 1940 – février 1945 _, j’ai l’intuition qu’être français doit _ beaucoup, pour François _ à  leurs souffrances et désillusions _ aussi : tout cela est inextricablement mêlé…. Même si nos vies demeurent _ de fait _ incomparables car je n’ai connu ni la guerre ni la relégation. Né en France, n’ayant jamais été menacé, je ne saurais porter ni revendiquer cette mémoire sans imposture« …

Page 166 :

_ « L’histoire de nombreux Juifs venus d’Europe de l’Est est sans doute _ et c’est certes là plus qu’un euphémisme ! _ marquée par leur désir d’intégration _ voilà ! _ et leur éloignement _ assez souvent radical _ de la tradition _ liée à bien trop de tragédies et malheurs… _, au point qu’ils donnèrent volontiers des prénoms français à leurs enfants _ ainsi, moi-même  ai-je reçu le prénom de Francis… _, et le mien, François, remplit au mieux cette condition. (…) François, je porte le prénom de mon pays« .

Page 174 :

_ « Parmi les questions posées à un individu sur son identité, on lui demande d’où il est, car il est censé connaître ses origines, sa famille, sa ville, sa région ou son pays. La difficulté que j’ai toujours éprouvée, et que j’éprouve encore aujourd’hui, à définir ces affiliations, et le recours à des périphrases pour y répondre bien que je sois français, doivent sans doute à cette vie avec mon père _ à Lyon, de 1967 à 1972 _ plus conjugale que familiale j’y reviens ici encore, car cela fut en effet crucial pour la formation de l’idiosyncrasie de François Noudelmann. Lui seul _ Albert _ fut ma patrie, celle qui a fait de moi un fils et un compatriote«  _ en ces années sensibles de sortie de l’enfance et entrée dans l’adolescence, entre les huit et treize ans du petit François.

Page 175 :

_ « La paternité ne se réduit pas au partage des gènes et elle repose sur un élan _ affectif, affectueux même _ réciproque de l’enfant et du père. Le mien m’a reconnu deux fois, à la naissance _ le 20 décembre 1958 _ puis en obtenant ma garde juridique _ lors du prononcé du jugement de divorce d’avec la mère de François, en 1967 ; et page 184, François Noudelmann ajoutera ceci : « J’ai dit qu’il m’a reconnu deux fois, mais il m’aura quitté deux fois aussi, en se (re-) mariant _ en 1972 _ puis en se suicidant » _ le 16 juillet 1998. Les recompositions familiales qui s’ensuivirent _ à commencer par le malencontreux remariage d’Albert avec sa troisième épouse en 1972, et le déménagement consécutif du couple formé par le père Albert et son fils François, de Lyon à Limoges _ modifièrent toutefois mon sentiment de l’appartenance _ et de l’« à part -tenance«  _ comme l’éprouvent les enfants dont les racines se troublent à mesure que leurs foyers se fracturent et se transforment _ se recomposent, comme cela se dit maintenant. Cette expérience de vie dans des mondes différents leur enseigne le relativisme, que j’appris très tôt » _ dès les âges de huit et treize ans, par conséquent.

Pages 191-192 :

_ « La fréquentation des universités me conduisit à devenir docteur, non en médecine comme l’auraient compris mes parents, mais en philosophie _ ce fut le 11 juillet 1995, à l’université Paris 4. Cependant la charge symbolique de ma réussite vint _ un peu plus tôt _ du concours  qui, visant simplement à recruter des professeurs, me rendit « agrégé de français » _ de Lettres modernes… _, ainsi que je l’annonçai fièrement à mon père qui n’avait aucune idée de cette promotion. Si je devenais le premier fonctionnaire de la famille, toutes branches comprises, je pouvais surtout afficher qu’en moi s’étaient agglomérés, agglutinés assez de savoirs pour être un français « agrégé », ayant la densité _ rassurante _ d’une molécule. Cette agrégation à la française signait le parachèvement d’un désir _ familial des Noudelmann, depuis Chaïm, venu à Paris, non sans difficultés, « à l’âge de dix-huit ans«  (page 16), en 1909 donc, en carriole à cheval, de Lithuanie… _ de France, commencé avec la naturalisation _ »par décret du 16 juin 1927″ (comme indiqué page 25) _ de mon grand-père _ Chaïm _, juif _ de nationalité _ russe, et confirmé cinquante ans plus tard _ j’en ignore la date précise _ par celui dont le nom figurait désormais au tableau de ceux qui « apprendraient le français » aux jeunes Français. L’étude du latin m’avait même permis de repérer dans le mot d’agrégé la racine étymologique de grégaire, grex, le troupeau. Ainsi avais-je rejoint la troupe des Français, non pour y tenir un fusil, comme Chaïm _ entré dans l’armée française en 1911 (lit-on page 16) _, mais comme passeur de la langue et de sa culture. Ce résultat marquait aussi une fin, l’effacement des origines s’étant réalisé _ principalement _ grâce aux parentés adoptives _ ce serait à préciser, du moins eu égard à cette date de l’agrégation de français… _ qui m’avaient embarqué dans leurs mondes parallèles où les histoires de shtetl, de génocides – on ne disait pas encore Shoah – n’étaient pas déterminantes. Ce passé tragique faisait partie de l’Histoire universelle et ne définissait pas mon identité, d’autant moins que les témoins ne souhaitaient pas en parler. L’assimilation _ a- s -similation… _ au pays ne pouvait être mieux prouvée que par l’entrée dans un corps d’État« .

Page 221-222 :

_ « Bien que j’abbhorre les identifications _ mensongèrement réductrices _, lorsque je suis à l’étranger _ hors de France, par conséquent _, c’est le mot de Français qui me vient en premier. Comme pour tous les exilés – un terme que je préfère à celui d’expatrié -, des événements politiques et culturels ravivent de temps à autre l’appartenance au pays natal, quand bien même on a décidé de ne plus lire les journaux ni de regarder les télévisions françaises. (…) Avec l’éloignement, et dans la langue qui ordonnera _ et c’est fondamental _ pour toujours mon rapport au monde, bien que je découvre des émotions inédites _ et enrichissantes… _ en moi grâce aux images, aux sensations et aux idées recelées dans une autre langue, je m’interroge sur ce qui me fait _ de fait, si, tellement _ français, et ce sont moins des fromages ou des terroirs que des œuvres _ voilà ! _ qui surgissent _ avec une joyeuse vivacité. Lorsque je lis Montaigne ou Marivaux _ deux de mes auteurs absolument préférés à moi aussi ! _, leurs tournures de phrase _ voilà ! _ agissent sur mes poumons et mes nerfs, et elles déclenchent, par le rire, la raison et les sons, une harmonieuse complicité _ ou connivence radieuse, nous y sommes en plein… Plus encore que toute configuration langagière _ mais oui ! Et comment ! _, la musique _ si délicate, fine, et si subtile en son plus parfait naturel dépourvu d’affectation : tempérée… _ de Fauré, de Debussy et de Ravel me dit, sans les mots _ mais oui ! _ que je suis français, même si je peux pleurer _ en effet _ avec des compositeurs italiens, allemands, russes ou espagnols. J’y reconnais mes modalités et intensité » _ voilà le secret magnifiquement dégagé ici par François Noudelmann : des modalités et des intensités sonores idiosyncrasiques partagées au plus intime, crucial et essentiel de soi…

Toute une philosophie fondamentale se trouve ainsi merveilleusement exprimée là, en sa rétrospection _ provisoire : mais qu’est-ce donc qui ne l’est pas ? du moins tant qu’existe de l’encre et du papier, ainsi que de la vie (et de la lucidité), pour penser et écrire, et éventuellement ré-écrire et retoucher… _ de trois parcours géographico-sentimentaux, plus ou moins désirés, plus ou moins bousculés, et parfois violemment chahutés par l’Histoire, de trois générations _ Chaïm (1891 – 1941), Albert (1916 – 1998), François (1958) _ de Noudelmann,

entre Lithuanie et New-York, et surtout un attachement français peut-être indéfectible, viscéral, à la France _ en sa culture, si sensible et si fine, de climat idéalement doux et tempéré : sa littérature et sa musique tout spécialement, en tout cas en premier, pour le petit-fils de Chaïm et fils d’Albert, François… _, par François Noudelmann,

lui qui a l’oreille si fine _ et je viens de me procurer, je l’avais commandé, son « Penser avec les oreilles« , paru le 29 août 2019, un an avant l’expérience renversante du 19 septembre 2020 à Cadillac, et l’admirable rétrospection dont celle-ci a été la source nourricière féconde de mémoire et de recherche, et de penser, encore et toujours…

Ce samedi 27 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pancrace Royer (Turin, 1703 – Paris, 1755), Suites orchestrales extraites de ses Opéras : Christophe Rousset persiste et signe…

08mai

Un troisième CD d’œuvres _ cette fois-ci des Suites orchestrales puisées en 4 de ses opéras : « Pyrrhus » (de 1730), « Zaïde, reine de Grenade«  (de 1739), « Le Pouvoir de l’Amour » (de 1743), et « Almasis » (de 1748)… _ de Pancrace Royer (Turin, 12 mai 1703 – Paris, 11 janvier 1755),

soit le CD Aparté AP 298 « Surprising Royer Orchestral Suites« , par Christophe Rousset cette fois-ci à la tête de son orchestre des Talens lyriques, enregistré en décembre 2021,

paraît ce printemps 2023,

après le CD « Pièces de clavecin. 1746 » sur un superbe clavecin Hemsch de 1751 ; enregistré à Castres en août 1991 _, paru chez L’Oiseau-Lyre _ soit le CD Oiseau-Lyre 436 127-2 _ en 1993 ;

et le CD « Premier Livre de Pièces pour clavecin. 1746 » _ sur un clavecin Goujon/Swanen d’avant 1749 – 1784, hélas plus acide… ; enregistré à la Cité de la Musique à Paris en février 2007 _, paru chez Aparté _ soit le CD AParté AP 298 _, en 2008.

L’exploration du répertoire françaiss de l’époque dite baroque m’intéresse tout spécialement,

et j’admire l’esprit de découverte qui anime Christophe Rousset, avec beaucoup d’esprit, tant à son instrument, le clavecin, qu’à la direction de son orchestre Les Talens lyriques ;

mais à mon oreille _  et je le regrette _, Royer est assez loin de la finesse admirable

et d’un François Couperin (Paris, 10 novembre 1668 – Paris, 11 septembre 1733),

et d’un Jean-Philippe Rameau (Dijon, 25 septembre 1683 – Paris, 12 septembre 1763)…

De même,

en son opéra « Pyrrhus » (de 1730),

du moins tel qu’enregistré en septembre 2012 au château Versailles, par Les Enfants d’Apollon, dirigés par MichaEl Greenberg et Lisa Goode Crawford, pour le label Alpha _ soit le double CD Alpha 953 _, paru en 2013..

 

La recherche de la singularité virtuose _ cf l’article « Royer, le stupéfiant » de Jean-Charles Hoffelé le 1er mai dernier ; cf aussi l’article de Julian Sykes « Christophe Rousset revisite les Pièces du compositeur Pancrace Royer« , paru dans Le Temps, le 6 septembre 2008, à propos des 2 CDs des mêmes œuvres pour le clavecin… _ afin de se distinguer de la concurrence, ne me paraît guère un critère bien pertinent de goût _ et tout particulièrement en France…

Mais explorer le répertoire musical, comme continue de le faire Christophe Rousset, est toujours enrichissant, au moins pour la connaissance,

et l’affinement du goût…

Ce lundi 8 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La joie Telemann (Suite) : le CD « Suites & Concerto » de l’Altberg Ensemble, dirigé par Peter Van Heyghen…

31mar

La personnalité magnifiquement généreuse de Georg-Philipp Telemann (Magdebourg, 14 mars 1681 – Hambourg, 25 juin 1767) irradie à foison sa superbe musique…

Aujourd’hui le CD _ polonais, Dux _ « Suites & Concerto » _ le CD DUX 1761 _ de l’Ensemble Altberg placé sous la direction de l’excellent Peter Van Eyghen _ cf cet article mien du 10 mars dernier « « , consacré à son très réussi, lui aussi, CD Telemann, avec cette fois l’Ensemble Il Gardellino placé sous sa fine et très alerte direction, le CD Passacaille PAS 1132 « Die Befreiung Israels«  _, en fait à nouveau foi ;

avec  un programme de trois superbes très festives Suites _ en ré majeur TWV 55: D18, en la mineur TWV 55: a4, et en ré majeur TWV 55: D23 _ et un Concerto _ « Polonois« , en sol majeur TWV 43 G7… _ dans lequel abondent, en effet, les airs polonais,

que Telemann a découverts et beaucoup appréciés lors de ses séjours _ en sa jeunesse, en 1705-1706 : il avait 24 et 25 ans, et voyageait déjà pas mal… _ à Sorau (Zary), Cracovie et Pless (Pszczyna), en Pologne…

Sur les 600 et quelques Suites pour orchestre que Telemann a écrites,

134 nous sont parvenues :

nous avons donc, encore, l’embarras du choix, et le plaisir vraiment renouvelé, surtout, de la surprise, tant Telemann s’enchante à constamment découvrir et se renouveler, voilà, dans la joie la plus communicative _ alliée à la finesse et l’élégance (françaises de ce genre bien français qu’est la Suite…), aussi… _ et la fête des sens et de l’esprit…

Et Peter Van Eyghen sait magnifiquement conduire sa troupe polonaise ici, l’Altberg Ensemble, sur ce très festif chemin qui est celui des merveilleusement dynamiques Suites de Telemann…

Ce vendredi 31 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’admirable premier volume des « Sonates & Partitas » pour violon de Johann-Sebastian Bach, de Franck-Peter Zimmermann chez Bis…

25jan

Autant les deux doubles albums du « Clavier bien tempéré » du claveciniste Andreas Staier pour Harmonia Mundi

m’ont déçu _ cf mon article «  » du 20 janvier dernier _,

autant je suis enthousiasmé par l’admirable finesse _ et absolue justesse _ du premier volume des « Sonatas & Partitas«  _ la Sonate N°2 BWV 1003, la Partita N°3 BWV 1004, et la Partita N°3 BWV 1006 _ que vient de magistralement nous donner cet immense musicien qu’est le violoniste Frank-Peter Zimmermann _ soit le CD BIS-2577 – SACD.

Quel art prodigieux !!!

Ce CD est tout simplement, et déjà, un indispensable !

Ce mercredi 25 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur