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La très rare délicatesse de François Couperin idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait et si bien nommé « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin »

26oct

La très rare délicatesse de François Couperin _ si difficile à vraiment bien « attraper » et donner… _, est idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin« ,

en un CD sonamusic SONA 2305,

enregistré au mois de juin 2018 à Bra-Sur-Lienne, en Belgique…

Cf le bel article, très juste, « Couperin selonMichèle Dévérité« , d’Olivier Vrins, le 15 octobre dernier, sur le site Crescendo :

Couperin selon Michèle Dévérité

LE 15 OCTOBRE 2023 par Olivier Vrins

François Couperin (1668-1733) : L’âme en peine. Pièces pour clavecin.

Michèle Dévérité, clavecin ; 2018.

Notice en anglais, français, néerlandais et allemand.

80’57’’.

Sonamusica SONA2305.

C’est une jolie surprise que nous réserve le label belge Sonamusica avec ce florilège de pièces pour clavecin de François Couperin, réunies avec goût et transcendées _ voilà _ par Michèle Dévérité, sur un instrument historique de premier choix. Un disque auquel L’âme en peine, dernière pièce du Treizième Ordre, dans la tonalité de si mineur décrite par Marc-Antoine Charpentier comme “solitaire et mélancolique”, donne son titre. Enregistré en 2018, il nous parvient enfin, en dépit du Covid et de la disparition successive de Thierry Bardon, Robert Kohnen et Jean-Pierre Nicolas -respectivement directeur artistique du projet, ancien professeur et mari de l’interprète. De quoi conférer à ce disque attachant une touche _ sans nul doute _ d’émotion supplémentaire.

Les aficionados d’orgue et de clavecin se souviendront sans doute de l’enregistrement entrepris par Michèle Dévérité d’une anthologie de musique italienne pour clavier du 17e siècle (chez Arion) et d’une intégrale de l’œuvre des Forqueray père et fils (chez Harmonia Mundi), encensées par la critique. Cette dernière réalisation dépeignait déjà “Les tourments de l’âme” avec pudeur et sincérité, sans emphase ni dramatisme _ voilà.L’âme en peine” est d’une veine comparable.

Le séduisant instrument sur lequel Michèle Dévérité a jeté son dévolu pour cet enregistrement se prête à merveille au répertoire. Il s’agit d’un clavecin anonyme construit en France aux alentours de 1650, récemment restauré. La sonorité en est d’une rondeur envoûtante dans tous les registres. Le médium est généreux, les basses, charnues. Les aigus sont chatoyants, quoique plus discrets -mais qu’importe, puisque, dans ses pièces de clavecin, Couperin aime particulièrement à s’attarder sur la moitié gauche du clavier _ la plus grave, oui.

“Dans cet enregistrement, nous avons spécialement soigné l’accord en l’adaptant à chaque tonalité”, nous précisait, il y a peu, Michèle Dévérité.

De fait, l’accord de l’instrument bouscule quelque peu nos habitudes d’écoute : au tempérament égal, qui s’est imposé en Occident depuis la fin de la période baroque, la protagoniste de ce disque a, en toute logique, préféré le tempérament “ordinaire”, qui prévalait encore France au 17e siècle et au début du 18e siècle. Ce tempérament, issu du tempérament mésotonique, agrandit inégalement certaines tierces et certaines quintes pour pouvoir jouer dans des tonalités éloignées. L’éloquence, l’expressivité exacerbées qui caractérisent la musique baroque sont rehaussées par ces tempéraments inégaux, à l’aide desquels les compositeurs -au premier rang desquels les clavecinistes français- érigeaient des œuvres chargées d’”affects”. Comme nous l’a judicieusement fait observer l’interprète de ce disque, qu’une pièce telle que La Convalescence soit à ce point “grinçante” n’est donc ni le fruit du hasard ni le résultat de ce que nous aurions trop vite tendance à qualifier aujourd’hui d’ “intonation défectueuse”, mais au contraire un effet recherché _ oui, en toute discrétion _ par Couperin, qui, très malade à l’époque de sa composition, se savait probablement condamné.

Cet enregistrement, dont Les Folies françoises ou les Dominos constituent le plat de consistance, offre un condensé des plus belles pièces pour clavecin de François Couperin, sans s’astreindre à ressasser coûte que coûte les plus connues (exit, donc, Les Baricades Mistérieuses !).

Publiées en quatre recueils entre 1713 et 1730, rassemblées par tonalités en vingt-sept suites ou “ordres”, les pages pour le clavecin du neveu de Louis Couperin sont, pour la plupart, d’une profonde mélancolie _ voilà, mais jamais larmoyante. On ne s’étonnera pas, dès lors, que l’interprète ne hâte pas le pas -pas même lorsque le compositeur l’invite à jouer “sans lenteur”. Encore fallait-il, pour faire une réussite de ce disque, faire davantage que “prendre le temps de l’expression” : traduire, par la délicatesse _ et c’est bien là le mot couperinien par excellence… _du toucher et des ornements, cette intimité, cette tendresse, cette fragilité _ oui, oui, oui _ qui sous-tend l’œuvre entier du compositeur. Et ne pas oublier que, si le clair-obscur règne en maître sur un pan non-négligeable de la production couperinienne, l’art de Couperin Le Grand est avant tout celui d’un coloriste. L’humour et la fantaisie ne faisaient d’ailleurs _ certes _ pas défaut à l’auteur du _ sublimeConcert dans le goût théâtral, comme en témoignent Les Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx, petite comédie en cinq tableaux qui égaie le programme en son centre, Les Amusemens, ou encore les intitulés évocateurs de nombreuses partitions.

J’avouerai de bonne foi que j’aime beaucoup mieux ce qui me touche que ce qui me surprend”, confessait ce peintre des sentiments qu’était François Couperin. Ce disque ne peut que ravir ceux qui partagent sa pensée. Michèle Dévérité imprègne les trente-trois pages qui défilent sous ses doigts de grâce, rêve et nostalgie _ voilà… Le langage favori de Couperin n’est-il pas, après tout, celui qui n’affirme rien mais insinue, pour reprendre la belle expression de Philippe Beaussant ?

Soulignons, pour finir, la clarté et le relief de la prise de son _ en effet _, ainsi que la beauté de l’objet en lui-même, serti dans une pochette à l’effigie du compositeur _ au regard introspectif _ et accompagné d’une notice quadrilingue, richement illustrée et documentée. Il n’y manque qu’une biographie de l’interprète _ très discrète elle-même.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Olivier Vrins

Ce jeudi 26 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La délicieuse surprise d’un plus-que-parfait bonbon Locatelli par la formidable Isabelle Faust et un très incisif sans rugosité aucune Giardino Armonico de Giovanni Antonini…

10sept

C’est une vraie surprise d’un plus-que-parfait bonbon Locatelli par la formidable Isabelle Faust et un très incisif, sans rugosité aucune, Giardino Armonico de Giovanni Antonini,que le CD « Pietro Antonio Locatelli il virtuose, il poeta – Violin Concertos – Concerti grossi« , que nous proposent ces inspirés interprètes, avec ce CD Harmonia Mundi HMM 902398 _ écoutez ici et vous serez conquis !_ ;

que vient de fort justement chroniquer, sur son site Discophilia, le 31 août dernier, Jean-Charles Hoffelé, sous l’intitulé « Le violon de l’ange » :

LE VIOLON DE L’ANGE

Tartini ou Locatelli _ le démon contre l’ange… _, s’il faut préférer de garder l’un contre l’autre _ de ces virtuoses du violon baroque _, alors Locatelli. Mon choix est tranché depuis longtemps, Locatelli, aussi virtuose soit-il, est d’abord un poète _ oui _, et comme les poètes son art ne veut pas épater, mais surprendre et toucher _ comme le suggère si bien François Couperin…

Isabelle Faust le sait bien qui fait entendre dans le délirant jeu à la chanterelle qui parcourt tout l’Allegro et le Finale du Concerto en la majeur ce rossignol têtu, un peu ivre. Et comme elle portera le grand chant du Largo où passe le souvenir de Vivaldi : un vrai aria d’opéra _ oui.

L’album est magnifique _ vraiment, en effet… _ d’autant qu’il a le goût de trop peu. Deux Concertos seulement choisis dans le beau bosquet de L’Arte del violino, détaillés et envolés par un archet capricieux et tendre _ oui, d’une tendresse merveilleusement juste _, alternés avec deux Concertos grossos, dont l’un des opus les plus saisissants coulés de la plume de Locatelli, cette Pianto d’Arianna, scène dramatique _ quasiment opératique _ en six sections qui fait entrer tout un théâtre dans le petit orchestre et où Arianna est un violon.

Album touché par la grâce _ oui !!! Comme c’est assez rare ainsi… _, magnifié par cette poésie diseuse _ oui _ que partagent _ mais oui !Isabelle Faust, Giovanni Antonini et son Giardino magique ; vite !, une suite.

LE DISQUE DU JOUR

Il virtuoso, il poeta

Pietro Antonio Locatelli(1695-1764)


Concerto grosso en ut mineur, Op. 1 No. 11
Concerto pour violon et orchestre en la majeur,
Op. 3 No. 11

Concerto grosso en mi bémol majeur, Op. 7 No. 6 « Il pianto d’Arianna »
Concerto pour violon et orchestre en ut mineur, Op. 3 No. 2
Concerto grosso en fa mineur, Op. 1 No. 8 (extrait : VI. Pastorale)

Isabelle Faust, violon
Il Giardono Armonico
Giovanni Antonini, direction

Un album du label harmonia mundi HMM 902398

Photo à la une : la violoniste Isabelle Faust et le chef d’orchestre Giovanni Antonini – Photo : © D 

Mais mieux encore que ces chronicages,

c’est l’interprétation parfaitement emballante du génie musical de Pietro Antonio Locatelli qu’offre ce CD qui emportera votre conviction…

Bravissimo !


Ce dimanche 10 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La somptueuse beauté, tendre et discrète, et qui touche, de François Couperin en ses Messes (II) : la « Messe pour les paroisses » (toujours en 1690), par Olivier Latry sur les Grandes Orgues de la Chapelle Royale de Versailles, et l’Ensemble vocal « Chant sur le Livre alterné », dirigé par Jean-Yves Haymoz…

11mai

En suite et continuité avec mon article d’avant-hier mardi 9 mai « « ,

je veux dire, ce jour 11 mai, mon égale admiration éperdue pour le second volet discographique des deux Messes de François Couperin (toutes deux de 1690) que propose l’excellent label Château de Versailles Spectacles _ dirigé par Laurent Brunner _,

cette fois le CD Château de Versailles CVS 083, consacré à la « Messe pour les Paroisses« , avec, pour le plain-chant alterné, cette fois-ci la Messe IV « Cunctipotens genitor Deus » _ choisie (et recommandée, donc) par François Couperin lui-même _,

toujours dans l’interprétation somptueuse et d’Olivier Latry, aux Grandes Orgues (de 1710) de la Chapelle Royale de Versailles, et de l’Ensemble vocal « Chant sur le Livre alterné« , sous la direction idoinement inspirée de Jean-Yves Aymoz…

Ces deux CDS constituant le n° 10 et le n° 11 de la collection « L’Âge d’or de l’Orgue français » de ce label CVS de la plus haute qualité.

Avec rappel de ces précisions extrêmement intéressantes- ci, 

rédigées de manière superbement détaillée et appropriée, pour Arques-la-Bataille en août 2018 _ pour les festivités organisés sous les aupices de l’ami Jean-Paul Combet _, par Michel Boesch,

à propos de ces deux sublimes Messes si délicates et prenantes en leur douceur, de François Couperin : 

Messes – Couperin

Messes - Couperin©Michel Boesch

Dire avec des sons ce que lisent les mots

Dans son Dictionnaire de Musique (1764), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) affichait une double définition de l’exécution (= interprétation) musicale. La première relève de la perfection technique lorsque l’interprète « exécute correctement, sans hésiter et à la première vue, les choses les plus difficiles ». La seconde exige de sa part d’entrer « dans toutes les idées du compositeur, sentir et rendre le feu de l’expression ». Forcément réductrices, ces deux approches pourraient cependant catégoriser l’ample discographie consacrée aux Pièces d’orgues consistantes en deux Messes _ c’est là leur intitulé officiel, en 1690 _ composées par François Couperin (1668-1733) en 1690.

Une première catégorie d’enregistrements (souvent les plus anciens) privilégie le contenu purement musical et l’intelligence de l’œuvre. Si André Marchal (1894-1980), organiste né aveugle, fait figure de précurseur avec le label Erato (1959), il annonce des interprètes aussi emblématiques que Marcel Dupré (1886-1980), Michel Chapuis (1930-2017) ou André Isoir (1935-2016). Sur ces disques, la prise de parole est réservée _ exclusivement _ à l’orgue. L’instrument y intervient dans une succession de courtes séquences aux couleurs changeantes. Ce style reflète d’ailleurs les goûts d’une époque qui, comme en littérature, abandonne les longs développements de la première moitié du XVIIème siècle au profit d’œuvres brèves mais denses comme les fables de Jean de La Fontaine (1621-1695), les contes de Charles Perrault (1628-1703) ou les portraits moraux de Jean de La Bruyère (1645-1696).

En revanche, les parutions plus récentes, notamment à partir de la dernière décade du XXème siècle, ajoutent souvent _ voilà _ une dimension vocale à la musique d’orgue. Certains s’arrêtent à mi-chemin, comme Frédéric Desenclos et l’Ensemble Pierre Robert (collection Tempéraments, 2001). Ils glissent dans la suite des pièces d’orgue quelques petits Motets soutenus par des cordes. D’autres tentent l’expérience d’une reconstitution liturgique aussi proche que possible du cadre de référence de Couperin. Précédé par l’enregistrement de Marie-Claire Alain (1926-2013) et de la Compagnie Musicale Catalane (Erato, 1998), celui de Michel Bouvard et de la Schola Meridionalis (Diapason, 2015) semble considéré aujourd’hui comme l’un des plus réussis _ c’est à relever. Des plages de plain-chant et des séquences instrumentales se relayent pour tisser son programme. Ce procédé ancien est également connu sous le nom d’alternatim (dialogue) _ voilà _ : chaque partie de l’ordinaire d’une messe romaine (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei) est fragmentée en sections qui seront ensuite réparties, par alternance pair/impair, entre les voix et l’instrument. Ce dernier paraphrase alors par des sons _ voilà _ le sens des paroles que la voix aurait prononcées par le chant.

C’est précisément dans ces pas que Jean-Luc Ho et l’ensemble vocal Les Meslanges ont choisi de poser les leurs durant deux concerts donnés dans le cadre du vingtième Festival de Musique Ancienne en Normandie (21 au 25 août 2018) organisé par l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille (Seine-Maritime). Pari d’autant plus audacieux que la musique d’orgue est réputée n’intéresser qu’un public averti, et que le plain-chant semble relégué au rang des antiquités, en compagnie de son complice, le latin d’église. Un pari risqué ? En tout état de cause, un défi remarquablement relevé à en croire les commentaires d’un public passé de surprises en découvertes. Avec cependant l’expression d’un regret. Celui de ne pas avoir été assez préparé _ ce public à ces deux concerts d’Arques _ à l’écoute d’un répertoire plutôt difficile et quelquefois énigmatique. Car, avec le plain-chant, c’est tout un pan des musiques du Grand Siècle qui sort timidement de l’ombre _ voilà _ écrasante des polyphonies d’inspiration versaillaise. Mais, pour en goûter pleinement le suc et le parfum, il est nécessaire de disposer au préalable de connaissances particulières. A nos yeux, un Festival peut être ce lieu d’initiation. D’ailleurs, l’Académie proposait, comme chaque année, quelques conférences consacrées à des répertoires atypiques inscrits au programme des concerts : sur la pratique du consort anglais, la poésie et la musique dans les œuvres de Guillaume de Machaut ou la musique de Santa Cruz de Coimbra. Alors, pourquoi ne pas livrer quelques clés pour faciliter l’entrée dans le monde mystérieux du plain chant et des modes ecclésiastiques ?

Car c’est une histoire mouvementée qui se dessine en filigrane des sons qui ont résonné ce 22 août 2018. Lorsque, dans sa Dissertation sur le chant grégorien (1683), Guillaume-Gabriel Nivers (1632-1714) analyse la position d’Aelred de Rievaulx (vers 1110- 1166 ?) sur la musique à l’église, il pose en réalité les termes majeurs d’un débat passionné qui rebondit précisément au XVIIème siècle. Ce moine « admet le son, pourvu qu’il ne soit pas préféré au sens des paroles sacrées ; et en admettant le son, il s’ensuit évidemment qu’il approuve l’Orgue (J’entends toujours pourvu qu’elle soit dans les Règles prescrites par les conciles et les Saints Pères) ». Ainsi, loin de laisser libre cours à la créativité et à l’inventivité des compositeurs et interprètes, la musique se voit solidement encadrée _ voilà _ par une double autorité : celle de la « parole sacrée » portée par le chant, et celle des « règles » s’appliquant à l’écriture musicale et à son exécution _ prescriptions tout à fait essentielles, en effet…

Même un compositeur âgé de moins de vingt-deux ans, comme François Couperin _ né le 10 novembre 1668 _, ne pouvait rien ignorer _ certes ! _ de ce faisceau de prescriptions _ et c’est bien là le terme adéquat. Juan David Barrera décrit remarquablement la « triple influence normative » à laquelle était alors soumis notre compositeur: « premièrement, la réglementation du cérémonial parisien de 1662 (conforme à l’esprit de la Réforme tridentine) qui cherche à circonscrire les prestations des organistes dans la liturgie ; deuxièmement, les préfaces des Livres d’orgue publiés à l’époque, textes explicatifs qui fixent les canons théoriques et esthétiques pratiqués ; finalement, comme résultat implicite des deux sources prescriptives précédentes, le principe de convenance _ voilà _, qui détermine la nature formelle et expressive du répertoire » (Bienséance et vraisemblance : le phénomène normatif dans la production musicale des organistes français de l’époque classique, Strathèse, Université de Strasbourg, juillet 2018).

Le Cæremoniale Parisiense ad usum omnium Ecclesiarum… aliarum urbis et Dioecesis Parisiensis (Cérémonial parisien en usage dans toutes les églises… de toutes les villes et du diocèse de Paris) se présente sous la forme d’un « code » à l’usage des maîtres de cérémonie chargés de coordonner les différents acteurs intervenant lors d’un office religieux. Observant que « chacun faisoit des cérémonies à sa mode, et introduisoit des coustumes nouvelles selon son esprit particulier », son auteur, le prêtre parisien Martin Sonnet, est chargé par l’archevêché « d’y apporter un ordre convenable » par la voie d’une uniformisation des pratiques. Le chapitre 6 de ce cérémonial traite De organista et organis (De l’organiste et de l’orgue). Les prescriptions qu’il contient sont de diverses natures. Morales dès le premier article (Organista bonis moribus praeditus/ l’organiste est doté de bonnes mœurs), elles s’insinuent jusque dans l’écriture musicale et la manière d’interpréter la partition : « on prendra garde de ne jamais toucher l’orgue de manière lascive ou impure». Elles précisent ensuite les parties de l’office durant lesquelles l’orgue est autorisé à sonner. Enfin, elles édictent les modulations que doit adopter l’organiste (« gravement », « suavement ») afin de « stimuler la dévotion des âmes du clergé et du peuple ». Seuls les moments de l’Offertoire, de l’Elévation et du Deo gratias annonçant la fin de l’office échappent quelque peu à ce cadre directif. Ils constituent alors de brefs moments de libre expression de l’organiste. En définitive, l’organiste français se trouve encadré par un système exigeant qui tranche _ et c’est intéressant à relever _ avec la liberté surveillée accordée aux organistes germaniques.

..;

Mais les organistes eux-mêmes s’érigent en prescripteurs de normes. Contentons-nous d’un exemple, celui du Livre d’orgue contenant cent pièces de tous les tons de l’Eglise (1662) de Guillaume-Gabriel Nivers. Dès la première page, il explique le rôle de l’orgue (« L’orgue étant institué dans l’Eglise pour l’ornement de la solennité et pour le soulagement du cœur ») et précise l’intérêt des huit tons de l’Eglise : « il est à propos de distinguer les Tons pour les voix basses, des Tons pour les voix hautes telle que sont celles des Religieuses en faveur desquelles il faut transposer ». D’ores et déjà apparaît la distinction parfaitement intégrée par Couperin _ en effet _ lorsqu’il compose ses deux Messes, l’une pour les paroisses, l’autre pour les couvents. Il donne ensuite une leçon à distance sur le toucher de l’orgue : le positionnement des doigts, l’art des tremblements, le façonnage des agréments, le mouvement des fugues ou la meilleure manière de combiner les jeux. Des enseignements qui, au fil du temps et de la parution de livres d’orgue comme ceux de Nicolas Lebègue (1631-1702) ou d’André Raison (1640-1719), finissent par acquérir une valeur de référence. Pour les organistes également, le processus de modélisation est en marche.

Mais pour être appréciée, encore fallait-il que cette musique corresponde _ aussi _ aux goûts de son temps. Certes, le cérémonial de 1662 interdisait de « produire aucun chant dont le caractère profane ou superficiel ne convienne pas à l’office ». Cependant, outre les styles associés de longue date à la musique d’église (comme le cantus firmus ou la fugue), les compositeurs se risquent néanmoins à concilier la tradition grégorienne avec l’actualité mondaine. Ainsi, dans ses Messes, Couperin acclimate des figures rythmiques propres aux danses, des passages lyriques caractéristiques de l’opéra et même des sonorités martiales échappées des fanfares de la Musique de la Grande Ecurie versaillaise. Pratique contrôlée mais non prohibée. Pourvu qu’elles obéissent aux règles de bienséance et de convenance ecclésiastiques _ voilà _, explique en substance André Raison lorsqu’il admet la transposition de rythmes de danses dans la musique d’orgue : « exceptée qu’il faut donner la cadence un peu plus lente à cause de la Sainteté du lieu ».

Un « cahier des charges » pointilleux pour Couperin et ses collègues organistes _ oui. Pourtant, malgré ce programme imposé, ils réussissent tous à faire œuvre originale _ oui. Leurs talents respectifs les distinguent, bien entendu. Un talent détecté précocement _ en effet _ pour François Couperin. Orphelin à onze ans, les marguilliers (membres du conseil de fabrique) de l’église Saint-Gervais, à Paris, tenaient tant à s’attacher ses services qu’ils réussirent à convaincre Michel-Richard de Lalande (1657-1726) d’assurer un intérim de plusieurs années jusqu’à ce que le jeune François atteigne sa majorité et puisse alors être nommé officiellement titulaire des orgues d’une église dans laquelle prêche parfois Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) et que fréquente Madame de Sévigné (1626-1696). De Lalande n’oubliera ni Saint-Gervais, ni Couperin. En effet, c’est au Surintendant de la Musique de la Chambre du Roi qu’échoit le soin de rédiger le texte du certificat qui accompagnera chaque partition commercialisée : « Je certifie avoir examiné les présentes pièces d’Orgue du sieur Couperin,… que j’ai trouvé fort belles, et dignes d’être données au public ».

Mais le talent n’est rien _ non plus _ sans l’instrument _ et chacun d’entre a sa singularité. D’ailleurs, Evrard Titon de Tillet le place au sommet de la hiérarchie des instruments : « L’Orgue doit être regardé comme le premier et le Roi de tous les instruments, puisqu’elle seule les contient tous » (Le Parnasse François, 1732). Or, l’orgue de l’église Saint-Gervais sur lequel Couperin a certainement mis ses partitions au banc d’essai, offre un large potentiel. Il dispose de quatre claviers (le Positif, le Grand Orgue, le Récit et l’Echo dont Couperin ne se servira pas) et d’un pédalier. Chacun de ces éléments est associés à des jeux (ou registres), le Grand Orgue étant le plus fourni (16 jeux) alors que le Récit n’en comporte qu’un seul, le Cornet. La science de la registration consiste à produire les sonorités voulues en combinant ces jeux. Une manière, en quelque sorte, de créer sa propre « orchestration ».

La musique de Couperin s’illustre par les effets de contraste produits par les deux claviers principaux : la puissance et la brillance du Grand Orgue et la sonorité plus sage du Positif. Quant aux parties solistes, elles sont généralement affectées au Récit tandis que le cantus firmus est interprété à la Pédale.

Cependant, aussi éclatant soit-il, l’orgue « n’intervient jamais qu’en intrus au sein d’un rituel « rempli » intégralement par le chant et les récitatifs » tient à préciser _ et c’est bien sûr à relever _  Jacques Viret (Le chant grégorien et la tradition grégorienne, 2012). Car c’est par le chant seul _ et le logos articulé en mots et phrases qu’il porte _ que se diffusent le message divin et les doctrines associées _ oui, et c’est fondamental pour son office sacré. En revanche, si le chant liturgique doit être accompagné, ce rôle est dévolu _ d’abord _ au serpent. Aujourd’hui quasiment disparu _ en effet _, voici comment le décrivait le Dictionnaire liturgique, historique et théorique du plain-chant (1864) de Joseph d’Ortigue (1802-1866) : « instrument à vent dont on se sert particulièrement dans les églises et dans la musique militaire, où il forme la basse… Gerbert dit que le serpent a été nommé ainsi à cause de sa forme ». Malgré les services rendus dans les lieux de culte dépourvus d’un orgue, sa réputation n’est pas flatteuse. Dans ce même Dictionnaire, le compositeur Adrien de La Fage (1801-1862) en donne _ au XIXe siècle, il faut le relever _ une description épouvantable : « Mon but principal en introduisant l’orgue dans le chœur, était l’abolition de cet abominable et honteux usage connu seulement en France, d’accompagner le chœur par le serpent, instrument grossier, si contraire aux voix, au goût et au bon sens ». C’est pourtant avec le serpent que Volny Hostiou a accompagné les parties vocales de nos deux concerts _ d’Arques. Avec une certaine grâce et beaucoup de virtuosité.

Ces quelques repères étant posés, nous pouvons maintenant pénétrer, en meilleure connaissance de cause, à l’intérieur de ces deux Messes. Si notre lecteur voulait approfondir l’étude technique et théologique de ces deux opus, nous l’invitons vivement à consulter la thèse de doctorat de Juan David Barrera (La musique pour l’orgue en France à l’âge classique : une représentation du sacré) soutenue le 3 mars 2017 à l’Ecole doctorale des Humanités de l’Université de Strasbourg. Par bien des aspects, elle nous a guidé dans la rédaction de notre _ bien utile _ compte rendu.

Messe à l’usage ordinaire des Paroisses pour les Fêtes solennelles

Ce titre appelle d’ores et déjà quelques préalables. Car, si l’ordinaire de la messe (ordo missae, l’ordonnancement d’une célébration de l’office divin) reste uniforme dans sa structure (toujours cinq mêmes pièces sont chantées), les mélodies doivent s’adapter aux particularités du calendrier _ oui. Ainsi, les antiphonaires (livres liturgiques rassemblant les partitions grégoriennes) et plus tard les missels consignent-ils dix-huit messes chantées différentes, classées de I à XVIII. Couperin a choisi _ pour cette Messe des Paroisses _ de mettre en musique la Messe IV Cunctipotens genitor Deus (Tout-puissant Dieu créateur), « base de toutes les messes d’orgue données dans le cadre séculier » précise Thomas Van Essen dans le texte de présentation des concerts de Dieppe et d’Arques-la-Bataille.

En outre, l’organiste devait avoir une connaissance précise du calendrier liturgique. Les fêtes y sont hiérarchisées et l’organiste est tenu « d’approprier son style et son jeu aux caractères des diverses solennités » (Joseph d’Ortigue). Ainsi, chaque degré de festivité porte un nom. Celui qu’emploie Couperin (fêtes solennelles) correspond aux fêtes doubles majeures dans le langage romain, « celles dont l’office est plus solennel et plus complet que celui des autres » expliquent les abbés Antoine Banier (1673-1741) et Jean-Baptiste Mascrier (1693-1760) dans leur Histoire Générale des cérémonies, mœurs et coutumes religieuses (1741).

Pour leur part, les chantres servent un répertoire en latin qui n’est plus guère pratiqué de nos jours : le plain-chant _ voilà. Ce terme traduit l’expression latine planus cantus, littéralement « chant qui plane », qui avance à pas égal, sans rupture ni altération. Dans son Traité théorique et pratique du plain-chant, appelé grégorien (1750), l’abbé Léonard Poisson (1695 ?-1753) le définit comme « le chant le plus grave, le plus simple, le plus naturel,… qui n’admet point cette multitude d’inventions de mélodie, et qui rejette cette variété d’harmonie, dont la plupart sont peu propres à la majesté de l’Office divin ». Le chant grégorien, né au VIème siècle _ voilà _, en constitue le socle. Mais au-delà, le plain-chant restera longtemps une musique vivante qui se renouvelle _ oui _ au gré de la refonte des bréviaires et des missels. Les plus talentueux musiciens du Grand Siècle participeront à sa rénovation _ voilà. Pour ce concert _ d’Arques-la-Bataille _, Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) livre deux pièces de sa composition.

L’Ensemble Les Meslanges a choisi d’interpréter les cinq parties d’un office extrait du Graduale Parisiense illustrissimi et reverendissimi in Christo patris D.D Francisci de Harlay…autoritate… editum (1689). Ce Graduel de Paris, conservé à la Bibliothèque Mazarine, a été publié sous l’autorité du quatrième archevêque de Paris, François Harlay de Champvallon (1625-1695). Celui-ci est à l’origine d’une réforme du plain-chant en réaction au courant conservateur prêchant le maintien d’une certaine austérité et au mouvement moderniste ouvert à l’intégration d’ornements empruntés à la musique profane contemporaine. En arrière-plan, deux partis enfiévraient le débat : les jansénistes furieusement traditionalistes et les ultramontains attachés aux rites définis par l’Eglise de Rome. Profondément gallican (favorable à l’Eglise de France) et réformateur, Monseigneur de Harlay lutte contre ces deux tendances et révise en profondeur Bréviaire (1680), Antiphonier (1681), Missel (1684) et Graduel (1689). C’est de ce dernier livre que sont extraites les séquences de plain-chant alternant avec les pièces d’orgue de Couperin.

Il est 11 heures à Dieppe. L’horloge de l’église Saint Rémy sonne les onze coups au moment même où Jean-Luc Ho fait résonner les premières mesures de cette première messe pour orgue. Une conjonction de sons délicatement complémentaires.

« On chante par neuf fois, à l’honneur des neufs Chœurs Angéliques, Kyrie eleison ; ce qui exprime les sentiments des Anges et des Prophètes au temps de l’ancienne Loy », explique Jean-Jacques Olier (1628-1657) dans son Explication des cérémonies de la grand’messe de paroisse selon l’usage romain (1687). Sur ces neuf versets, cinq sections sont interprétées à l’orgue (versets impairs), les autres étant confiés à Thomas Van Essen accompagné du seul serpent. Ces suites instrumentales sont construites en forme d’arche. Celle-ci est soutenue par deux puissants Grand Plein Jeu joués sur le Grand Orgue (1er et 5ème Kyrie). Conformément aux prescriptions du Cérémonial de Paris de 1662, un cantus firmus à la basse décline, en valeurs longues augmentées, la mélodie grégorienne de la Messe IV. La clé de voûte (3ème Kyrie) est dominée par un Récit de Cromorne au timbre doucement rauque (appelé « cruchement »). Juan David Barrera observe une simultanéité de l’emploi du Cromorne avec l’évocation de la figure du Christ. Une évocation mise en scène dans le 4ème Kyrie où le dialogue entre la Trompette au Grand Orgue et le Cromorne à la pédale pourrait évoquer le combat de Jésus (Cromorne) contre les forces du Mal (Trompette).

Le Gloria se distingue par son expressivité et concentre tout un répertoire de figures de style et de symboles. D’une façon encore plus apparente que dans la partie précédente, les notes traduisent exactement _ voilà _ le sens des mots inscrits dans le texte confié à l’orgue. Dès la première séquence en Plein Jeu, deux mondes s’unissent pour chanter de louange in excelsis Deo (à Dieu dans le ciel) : aux claviers, une écriture en imitation représente la multitude des cohortes célestes tandis que le monde terrestre murmure le cantus firmus au pédalier. La séquence suivante, celle du Benedicimus te (Nous vous bénissons), choisit la forme d’une petite fugue pour mêler deux sentiments. Le premier exprime au Cromorne la joie de la délivrance promise par le Christ ; le second s’effraye, par des chromatismes ténébreux, du prix à payer pour effacer le péché originel. Mais le passage le plus démonstratif est sans doute celui qui récite en musique le verset Domine Deus, Rex caelestis, Deus, Pater omnipotens (Seigneur Dieu, Souverain Roi du ciel, ô Dieu, Père tout-puissant). Dans ce récit associant basse et dessus, la fanfare des Clairons, Trompettes et Tierces célèbre sur le Grand Orgue le roi des cieux. Soudain, une tension s’exprime par un passage en mode mineur et la dislocation de la ligne mélodique : le pécheur craint Deus pater omnipotens, à la fois père exigeant et tout-puissant. Puis la fanfare s’impose à nouveau pour célébrer la majesté trinitaire.

Le Gloria « exprime que la pénitence des Anges n’altère point leur béatitude » explique Jean-Jacques Olier. Acquis à cette béatitude, Couperin va tenter de la faire partager par les fidèles. Pour pénétrer leur âme, il leur parle un langage familier. Déjà, le verset Glorificamus te (Nous vous glorifions) avançait au rythme d’une gigue. Maintenant, le Qui tollis peccata mundi (Vous qui effacez les péchés du monde) puise dans la tradition musicale des « sommeils » _ tel celui de l’Atys de Lully… Un Fond d’orgue joué sur une pédale de flûte somnole paisiblement tandis que le Cornet réalise son examen de conscience. Cette pièce mêle béatitude et mysticisme : d’une part, un corps au repos ; d’autre part, une âme qui s’élève au contact du divin. Une union qu’illustre également la séquence suivante (Quoniam tu solus Sanctus/ Car vous êtes le seul saint) dans un dialogue conduit par le registre Voix Humaine. Mouvements ascendants et descendants se croisent, rapprochant peu à peu les mondes célestes et terrestres. Le tout s’achevant dans la célébration d’un In Gloria Dei Patris (dans la gloire de Dieu le Père) sur les Grands Jeux. Cette séquence est divisée en trois parties comme si Couperin tenait à saluer, à tour de rôle, chacune des personnes de la Trinité par une couleur sonore singulière : la puissance du grand clavier pour le Père, la fragrance caressante du Cornet pour saluer la bienveillance du Fils et l’explosion sonore pour exalter l’Esprit _ voilà.

« On joue des Orgues pendant le Gloria in Excelsis, pour dire que l’Eglise du Ciel représentée par les mêmes orgues, et celles de la Terre sont unies dans la louange de Dieu. Au Credo les Orgues ne jouent point, parce qu’il n’y a point de Foy au Ciel, mais seulement sur la Terre » justifie Jean-Jacques Olier. Il était en effet de tradition que, s’agissant de la profession verbale de la foi chrétienne, le texte devait être récité ou chanté dans son intégralité, mais sans intervention des orgues _ voilà.

Avec l’Offertoire, l’orgue signale l’ouverture de la seconde partie de la messe : l’Eucharistie. Il commémore trois moments de l’histoire du Christ : la présentation au Temple, la Passion et la Résurrection. Aussi Couperin propose-t-il trois tableaux contrastés _ voilà _ correspondant à ces trois temps liturgiques. Le premier est habillé en majesté par le Grand Jeu, le Cromorne et le Cornet. L’allure est solennelle et les sonorités éclatantes. L’écriture musicale d’une grande densité multiplie les effets de contraste et fait varier les plans sonores en changeant régulièrement de clavier pour y prononcer de courtes phrases. Le second adopte la technique du clair-obscur. Sur un mode mineur, le Cornet ouvre la séquence par un cri puis adopte un ton plaintif, comme effrayé devant la cruauté du sacrifice. Tandis qu’une pédale de flûte sanglote au loin, des chromatismes déchirants et des altérations rageuses suggèrent un tableau violemment coloré. Avec la Résurrection vient le moment du triomphe sur le péché. Une fugue enthousiaste redonne au Cornet tout son éclat. Peu à peu, elle prend de l’assurance, associant le Grand Orgue enfiévré par un rythme pointé. Ainsi, l’Offertoire s’achève-t-il en apothéose _ voilà.

« L’Orgue, qui signifie la musique du Ciel et les louanges des Bienheureux, joue au Sanctus : Il chante par deux fois Sanctus, pour représenter que cette louange est la louange du Ciel » analyse Jean-Jacques Olier. Couperin choisit la forme d’un canon interprété sur le Plein-jeu pour figurer l’union du ciel et de la terre. Comme cela lui est prescrit, le thème du plain-chant est interprété à la basse. Ouvert sur un jeu doux, le second Sanctus distingue un chœur céleste qui exprime sa félicité dans un récitatif joyeux joué au Cornet tandis que le chœur terrestre l’accompagne à la basse par des accords tranquilles aux graves profonds.

Juan David Barrera signale que, « dans la pratique liturgique de l’Eglise gallicane, le Benedictus était considéré comme un verset indépendant du Sanctus, placé soit pendant lElévation, soit immédiatement après ». Ce 22 août, le Benedictus de Couperin faisait suite au Sanctus, afin de permettre à Thomas Van Essen de rejoindre la tribune de l’orgue. Car, pour l’occasion, le concepteur du programme avait confié à Marc-Antoine Charpentier le soin de saluer la consécration du pain et du vin par l’un de ses nombreux motets pour l’élévation : Ascendat ad te Domine (Je m’élève vers toi, Seigneur). Une délicate mélodie aux reflets changeants, aux ornements perlés et aux mots soulignés par une diction parfaite.

Autant le Benedictus apparaissait comme une longue méditation dirigée par le Cromorne, autant l’Agnus Dei reprend des allures solennelles. La première invocation répond aux prescriptions du Cérémonial de 1662 (qui exige le Plein jeu). Mais sa tonalité contredit l’analyse de Jean-Jacques Olier qui y voit un appel à la « compassion de misère et de mon état ». Le Grand Orgue ouvre la séquence en imitation puis croise les lignes mélodiques tandis que le pédalier décline le thème de la Messe IV par un cantus firmus venu des profondeurs. Le second Agnus Dei adopte une allure plus légère et chantante. Le thème est d’abord énoncé sur le Positif puis amplifié par le Grand Orgue. Il glisse ensuite d’un clavier à l’autre, créant un contraste sonore par un jeu d’alternances piano et forte.

Tout office s’achève, en France, par l’hymne national royal appelant la protection de Dieu sur le Roi. Ici, le Domine Salvum fac Regem est de la main de François de La Feillée (vers 1700-1763), un élève et disciple de Nivers. C’est ainsi, accompagné du seul serpent, que cet hymne devait résonner dans la plupart des paroisses françaises. Hymne salué par une volée de cloches annonçant l’heure de midi. Comme pour le début du concert, cette convergence sonore tout à fait involontaire produit un effet saisissant.

Le chantre ayant lancé un mélodieux Ite missa est, le Deo gratias joué à l’orgue apporte sa note finale à l’office. Point de triomphalisme ici. C’est le Petit Plein jeuqui ordonne cette dernière génuflexion. Ecrite sur un mode mineur, elle honore un Dieu puissant autant qu’un Fils sacrifié pour le bien des croyants.

Messe propre pour les Couvents de Religieux et de Religieuses

A bien des égards, les deux Messes présentent des airs de ressemblance : même principe d’alternance, mêmes références spirituelles, mêmes instruments. Pourtant, une écoute attentive signale quelques différences notables _ certes.

Certaines sont liées au contexte de leur création. D’abord, la partition intéresse un lieu fermé _ le couvent _, dédié à la prière tout au long de la journée. Il en ressort un sentiment d’intimité plus marqué _ oui !!! _ et une dimension plus modeste _ oui : ce que j’ai en effet relevé en mon article d’avant-hier 9 mai. En outre, le Cérémonial de Paris ne s’applique pas aux couvents. Ceux-ci sont régis par les Règles spécifiques _ voilà _ de leur Congrégation. Le compositeur y trouve, par conséquent, une plus grande liberté d’expression _ oui. A titre d’exemple, il ne sera pas tenu par l’obligation d’évoquer systématiquement le thème grégorien par un cantus firmus. La tonalité peut donc être plus homogène. Enfin, l’organiste choisira la registration en fonction de sa propre lecture du texte dont il interprète le sens par des sons.

D’autres marges d’initiative, contemporaines cette fois, résultent du choix des concepteurs du programme _ de ce  concert d’Arques, en cette occurrence-là. Ils associent aux Pièces d’orgues de Couperin la troisième des Trois messes en plain-chant musical pour les festes solemnelles propres aux Religieux et Religieuses qui chantent l’office divin publiées en 1687 par Paul D’Amance (vers 1650-1718), religieux de l’ordre de la Sainte Trinité et rédemption des captifs de Lisieux. Pour mémoire, « le plain-chant musical » s’inscrit dans le prolongement des Cinq Messes en plain-chant… propres pour toutes sortes de Religieux et Religieuses, de quelque ordre qu’ils soient, qui se peuvent chanter toutes les bonnes festes de l’année publiées par Henry Du Mont en 1660 _ oui. Avec Nivers, Du Mont travaille activement au renouveau du plain-chant _ oui _ en le dotant de mélodies nouvelles et plus souples (plus « musicales ») sans pour autant trahir la rigueur et la simplicité _ voilà _ de la forme traditionnelle du grégorien.

Ce dialogue de l’orgue et du plain-chant _ oui _ est serti _ pour ce concert d’Arques _ dans une suite de motets de la plume de ces rénovateurs. Pour le Credo, Jean-François Lalouette (1651-1728) les rejoint avec un extrait de la Messe italienne qu’il aurait composée pendant ou à l’issue de son séjour à Rome, en 1681. Pour leur donner vie, cinq chantres prennent place autour d’un magnifique aigle-lutrin. Faisant suite à la remarquable démonstration soliste du matin, c’est en chœur qu’ils interprètent consciencieusement ce « plain-chant (qui) étant employé pour l’Office Divin, doit être chanté avec gravité, avec décence et piété » (Léonard Poisson). Cependant, pour le Credo, ils gratifient le public de la démonstration d’une forme nouvelle qu’emprunte ce chant si particulier. Celle-ci « renverse tout ce bel ordre, parce qu’en chantant à l’unisson, les basse ne pourraient se faire entendre », constate le Traité de Léonard Poisson. Ce nouveau-venu qui rompt l’unisson, c’est le Faux-bourdon. La partition s’enrichit alors de nouvelles harmonies (à quatre voix) et s’ouvre davantage à l’improvisation et à l’ornementation. L’Ensemble Les Meslanges en donnera une illustration absolument éblouissante.

Il est 20 heures. Le serpent donne le ton, aussitôt suivi par les cinq chantres interprétant lIntroït a capella. Première pièce chantée lors d’un office, elle célèbre le saint du jour. Ici, Guillaume-Gabriel Nivers a doté d’une ligne mélodique aux accents grégoriens un texte destiné à la célébration des Vierges et Martyrs, Sainte Cécile, en l’occurrence. La belle homogénéité des voix fixe l’attention des auditeurs, impressionnés par la gravité et la souplesse du chant.

Le premier Kyrie, joué au Petit Plein Jeu, s’avance majestueusement. Il se compose assez distinctement de quatre phrases qui se rejoignent dans une parfaite harmonie : les phrases extrêmes sonnent avec majesté tandis que les phrases intermédiaires sont traversées de dissonances. Une manière subtile d’évoquer la grâce et le péché qu’elle étreint. Les autres interventions de l’orgue, en alternance avec le plain-chant, conservent la même tonalité en la nuançant. Autant le second Kyrie lance une fugue au caractère triomphal, autant le premier Christe offre au Cromorne le soin de décrire le Christ par une mélodie pénétrée de tendresse. Si Couperin n’omet pas d’invoquer la figure trinitaire dans un Trio à deux dessus (4ème Kyrie), c’est pour mieux célébrer son triomphe dans un dernier Kyrie à la registration illustrative : la victoire finale sur le péché est interprétée par la Trompette sur le Grand Orgue quand la divinité trinitaire se manifeste sur le Positif par l’union de trois jeux : le Montre, le Bourdon et le Nazard.

L’hymne joyeux du Gloria s’annonce au Grand Plein Jeu. Les trois natures du Christ sont illustrées dès cette première intervention de l’orgue : une entrée puissante matérialise sa divinité, une ligne descendante évoque son Incarnation tandis qu’une succession d’altérations préfigure sa Passion. Couperin y multipliera ces images sonores. La joie que procure la bénédiction divine est magnifiée dans un duo aux allures de gavotte dans le Duo sur les Tierces. « Une écriture dessinant des demi-cercles, cherche à figurer la perfection divine » dans la Basse de trompettes, suggère encore Juan David Barrera. Sans omettre le métissage de la gravité et de la suavité dans le confondant récit du Cromorne commentant le 5ème verset du Gloria. Le Christ y est décrit dans un mouvement de joie mêlée de vénération signifiée par un paisible Fond d’orgue. Gravité et suavité qui révèlent « les mystères cachés… par le moyen de ces choses extérieures et sensibles », assure Jean-Jacques Olier.

Mystères sacrés que célèbrent les trois temps d’un majestueux Offertoire sur les Grands jeux. Enonçant successivement de courtes phrases sur les deux claviers principaux, il marie magistralement la profondeur du Positif à l’éclat du Grand Orgue. En pleine euphorie rythmique, l’âme de l’auditeur est aspirée vers le monde céleste. Une méditation sur le mode mineur évoque les souffrances du Christ, appelant le fidèle à un court moment d’introspection sur une suite d’accords à peine secoués par quelques trilles. Le Grand Jeu s’annonce maintenant en fanfare, couvert d’un habit de triomphe : le péché est vaincu. Enfin, un dernier mouvement, noté « Lentement », invite à rendre grâce au Sauveur.

Cette dominante jubilatoire marquera d’ailleurs les dernières pièces de cette Messe. Si le premier Sanctus résonne dans un Plein Jeu grandiose, le second s’anime délicatement au chant du Cornet. Les doubles croches de l’Elévation invitent l’âme à une ascension spirituelle que le pas tranquille du premier Agnus Dei ne viendra pas contrarier. Le second, en revanche, retrouve une allure fervente que sublimera un bref Deo gratias d’une admirable luminosité.

..;

Lorsque l’orgue s’est tu, un long silence a suivi. Le concert est-il achevé ? Ce n’est que lorsque Jean-Luc Ho a éteint l’éclairage du buffet de l’orgue que les applaudissements fusent. Signe manifeste de la découverte d’un versant méconnu _ voilà _ de la musique du Grand Siècle. Mais expression d’une gratitude pour avoir pu en apprécier quelques reflets, le temps d’une journée dédiée à la célébration du 350ème anniversaire de la naissance d’un compositeur que la feuille hebdomadaire L’avant-coureur désignait comme « le rival du grand Marchand, l’aigle de l’orgue » (17 juin 1765). De toute évidence, le champ des connaissances musicales s’est largement élargi _ ce soir-là, à Arques _ pour bon nombre d’auditeurs : un répertoire de musique d’orgue rarement inscrit au programme des concerts ; une forme de chant grégorien qui résonnait jadis à bien plus d’oreilles que les Grands Motets versaillais ; le serpent, cet instrument largement oublié mais dont la sonorité se propageait autrefois dans la très grande majorité des lieux de culte dépourvus d’un orgue. Les ovations ont donc salué la performance des artistes, tout à fait remarquable, autant que leur contribution à l’enrichissement de la culture musicale du public.

Publié le 15 sept. 2018 par Michel Boesch

Une musique sublime, ici à nouveau.

Ce jeudi 11 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

La somptueuse beauté, tendre et discrète, et qui touche, de François Couperin en ses Messes : la « Messe propre pour les couvents » (en 1690), par Olivier Latry sur les Grandes Orgues de la Chapelle Royale de Versailles, et l’Ensemble vocal « Chant sur le Livre alterné », dirigé par Jean-Yves Haymoz…

09mai

C’est un peu pour me nettoyer l’ouïe de la musique trop peu naturelle de Pancrace Royer (Turin, 1703 – Paris, 1755) _ cf mon article d’hier 8 mai « «  _ que je suis venu, très vite, rechercher le réconfort de la sublime discrétion et tendresse d’intimité de François Couperin (Paris, 1668 – Paris, 1733) en ses sublimissimes Messes _ pour orgue _ de 1690.

Ce François Couperin qui affirmait : « J’aime beaucoup mieux mieux ce qui me touche, que ce qui me surprend » ; une parole que Laurent Brunner _ le directeur de la Collection Château de Versailles Spectacles _ commente très justement : « un manifeste de sa musique, et son ancrage dans la tradition française« …

Et cela en partie sous l’encouragement du bel article de ce jour même, de Frédéric Muñoz, « Les Messes pour orguee de Couperin, avec Olivier Latry et Jean-Yves Haymoz, à Versailles« , sur le  site de ResMusica.

Dans la magnifique et généreuse nef de la Chapelle royale de Versailles, les deux Messes pour orgue de François Couperin rehaussées d’un plain-chant lumineux _ emprunté pour l’occasion au grand Henry Dumont (Looz, 1610 – Paris, 1684) _ sonnent en gloire sous les doigts inspirés d’Olivier Latry.

Les Messes pour orgue de François Couperin sont largement représentées au disque. De nombreux organistes intéressés par l’orgue classique français ont proposé leur version, traduisant souvent de fort belles réussites par le choix des instruments _ un élément toujours, bien sûr, capital _ et des diverses propositions de plain-chant alterné. En effet, depuis les années 1950 et la naissance d’une discographie vinyle en plein essor, on a vu fleurir au fil des années une trentaine de versions, mettant en valeur tel ou tel orgue historique. André Marchal fut l’un des premiers, à l’orgue du Prytanée militaire de La Flèche (Sarthe). Cette période fut celle de la redécouverte des répertoires classiques français et surtout d’une manière de jouer qui se voulait déjà historiquement informée, avec en particulier Michel Chapuis en tête _ oui _ qui révéla alors ces œuvres à la fin des années 60 sur le magnifique instrument historique de Saint-Maximin _ oui. D’autres musiciens suivirent cette voie, y compris certains peu habitués à ce répertoire. Pierre Cochereau, initié aux notes inégales (manière particulière de rythmer les croches), enregistra suivant ces enseignements ce livre d’orgue à Notre-Dame de Paris. Par la suite, ces pièces, devenues familières aux mélomanes, tentèrent de nombreux organistes jusqu’à nos jours, offrant un choix discographique abondant _ en effet.

Vers l’âge de vingt ans, François Couperin compose deux Messes pour orgue qui resteront _ en effet… _ ses seules compositions dédiée à cet instrument. La première dite « à l’usage ordinaire des paroisses pour les fêtes solennelles » s’adresse à un orgue d’importance, de 16 pieds, tel que l’on pouvait en trouver dans les cathédrales ou de grandes églises comme Saint-Gervais à Paris où il était titulaire _ oui ! _, comprenant un pédalier de large tessiture. L’écriture réclame des caractéristiques bien précises sur le type d’instrument, l’auteur indiquant les mélanges de jeux à utiliser. La seconde Messe dite « propre pour les couvents de Religieux et Religieuses » est écrite pour un orgue de plus petite taille (8 pieds) que l’on trouvait habituellement dans les abbayes, avec un pédalier plus court, ce dont Couperin tient compte dans son écriture.

A Versailles, les proportions de l’orgue sont intermédiaires, et conviennent pour ces œuvres dans leur ensemble. Olivier Latry offre ici une très belle version _ oui !!! _, par une utilisation très mesurée et véridique de l’orgue, à la fois rayonnante et intime _ et là l’essentiel est magnifiquement dit. Les tempi sont parfaitement adaptés _ et c’est aussi important, bien sûr _ à l’acoustique généreuse de la chapelle, et l’ornementation chatoyante qui agrémente le discours renforce l’émotion _ forte, en sa délicatesse _ de cette musique, notamment dans les pièces méditatives que sont les Tierces ou les Cromornes en taille. L’orgue est utilisé suivant _ bien sûr _ l’une ou l’autre des Messes à l’échelle _ différente _ d’un instrument de cathédrale ou de couvent.

Chaque cathédrale, chaque diocèse, utilisait un plain-chant qui pouvait varier dans sa présentation. Les mélodies, l’ornementation, l’homophonie ou la polyphonie étaient autant de paramètres qui fluctuaient _ oui _ en fonction des lieux et des traditions. Au XVIIᵉ siècle, le compositeur Henry Du Mont écrit plusieurs Messes royales en plain-chant musical. Ces œuvres sont idéales _ voilà _ pour la pratique de « l’Alternatim », c’est à dire un dialogue alterné entre les versets de l’orgue et l’ordinaire de la messe, suivant ici la technique du chant sur le livre _ voilà _ qui rajoute une ou plusieurs voix, dont certaines sont improvisées _ tout cela étant important… Ainsi, tout le texte de la liturgie est _ ainsi _ exposé soit à l’orgue, soit au chœur. C’est la Messe du 6ᵉ ton de Dumont qui a été choisie ici pour s’insérer harmonieusement avec les interventions musicales de Couperin pour sa Messe pour les Couventset la Messe IV « Cunctipotens genitor Deus » choisie par Couperin lui-même pour celle « à l’usage des Paroisses ».

Fidèle à cette pratique du chant sur le livre, Jean-Yves Haymoz dirige le groupe vocal _ éponyme _ en mettant l’accent sur la variété des interventions : plain-chant tantôt à la basse, au ténor, à une ou plusieurs voix, faisant de cette version une découverte _ généreuse et superbement venue _ dans toutes les possibilités que peut offrir une simple ligne de mélodie latine. Les six voix mixtes du petit groupe vocal _ Clémence Carry, Marthe Davost, Jeanne Lefort, Cyril Escoffier, Marc Mauillon, Jean-Marc Vié _ forment ainsi un ensemble équilibré _ oui _ qui joue à parts égales _ oui _ avec l’orgue. Le déroulement musical de la Messe est ainsi complet, y compris le motet incontournable placé à la fin de la cérémonie, juste avant la conclusion de l’ensemble : le fameux Domine salvum fac Regem (Seigneur, sauvez le Roy).

Cet enregistrement devient désormais _ voilà ! _ l’une des références _ discographiques _ de l’œuvre en ce lieu emblématique _ qu’est la Chapelle Royale du Château de Versailles, achevée de construire en 1710 _ où François Couperin fut lui-même organiste titulaire. Sa musique rayonne _ oui, en tendresse et humilité _, portée par des musiciens spécialistes de cet art baroque français. Encore un très bel ensemble dans la collection autour de l’orgue historique du Château de Versailles, enrichi par une prise de son véridique et une iconographie très soignée.

Pour commencer,

j’écoute en boucle le merveilleux CD Château de Versailles CVS082 de la sublimissime discrète « Messe propre pour les couvents«  _ avec, intercalé, le plain-chant tiré de la « Messe du Sixiesme ton«  de Henry Dumont _, par Olivier Latry aux Grandes Orgues de la Chapelle royale du château de Versailles, et l’Ensemble vocal « Chant sur le livre » dirigé par Jean-Yves Haymoz _ un CD enregistré du 5 au 9 janvier, et /ou bien du 4 au 6 avril 2022…

Avec ici en court extrait (de 3′ 39) cette vidéo-ci

Une réalisation musicale et discographique splendide ! _ quelle élévation de tout ! _,

d’Olivier Latry et Jean-Yves Haymoz, donc…

Ce mardi 9 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour préciser et approfondir un peu l’écoute du très intéressant CD « François Couperin _ the Sphere of Intimacy » de Christophe Rousset et ses Talens lyriques, avec le ténor Cyrille Dubois…

25avr

Afin d’approfondir un tantinet davantage l’écoute du très intéressant CD « François Couperin _ the Sphere of Intimacy » de Christophe Rousset et ses Talens lyriques, avec le ténor Cyrille Dubois _ soit le CD Aparté AP 281 _,

telle que commencée à aborder le 14 janvier dernier en un article mien un peu trop rapide :

« « ,

je désire y revenir davantage,

avec cet article-ci, en date du 20 avril dernier, lui,

et intitulé « Couperin chez lui« ,

de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia :

COUPERIN CHEZ LUI

« Couperin intime » ? Pléonasme _ bien sûr ! Quasi tout chez Couperin ressort du soi _ le plus intime et délicat _, d’un univers intérieur qui entrouvre _ légèrement, sans la moindre pesanteur aucune, jamais… _ sa porte, clavecin, orgue, il faudra y ajouter les Airs, si rarement _ en effet _ enregistrés, non pas coulés dans l’abondante source des airs de cour, mais bien dans un autre registre _ plus personnel _, même si les airs sérieux en reprennent parfois les canons, Couperin jouant la carte du simple _ oui _ contre les raffinements qui les avaient envahis.

Rien de plus naturel, de plus évident, que les six Airs sérieux mâtinés de références antiques, on s’imagine bien devant le ton intime que leur donne Cyrille Dubois, Couperin les chantant, s’accompagnant lui-même au clavecin. C’est_ très _  heureux de les chanter ainsi, sans maniérisme jusque dans les ornements qui décorent la délicate Brunette (« Zéphire, modère en ces lieux »), couchant les notes dans les jolies poésies des textes, de les faire sans façon.

Les pièces de clavecin tirées du cahier que Ballard publia en 1707 leur font écho, portraits _ eux aussi délicats _ avant tout de silhouettes féminines brossés avec poésie et tendresse _ voilà _ par Christophe Rousset, comme pour faire écho aux poésies galantes des Airs, les trois Sonates fatalement moins ; tout écrites pour la chambre qu’elles soient, elles élargissent _ davantage _ l’horizon, le petit clairon de hautbois et de violon de La Steinkerque surtout, mais elles sont si finement _ oui _ réalisées et s’ajoutent avec bonheur à une discographie plutôt mince, mettant un émouvant nuancier à ce disque soudain versicolore _ voilà.

LE DISQUE DU JOUR

The Sphere of
Intimacy

François Couperin
(1668-1733)


Les Pèlerines. Air sérieux, 1712
« Qu’on ne me dise plus ». Air sérieux, 1697
La Sultane. Sonate en quatuor, ca. 1695
« Doux liens de mon cœur ». Air sérieux, 1701
La Pastorelle. Air sérieux, 1711
« Doux liens de mon cœur ». Air sérieux, 1701
La Superbe. Sonate en trio, ca. 1695
Les Solitaires. Air sérieux, 1711
Brunette. Air sérieux, 1711
La Steinkerque. Sonate en trio, ca. 1692
« Souvent dans le plus doux sort ». Air à boire
etc.

Cyrille Dubois, ténor
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album du label Aparté AP281

Photo à la une : le claveciniste et chef Christophe Rousset –
Photo : © Eric Larrayadieu

Une très réussie réalisation discographique, donc…

 

Ce mardi 25 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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