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L’art du merveilleux air de cour à la française, trop rarement servi au disque…

31juil

L’air de cour à la française est un pur enchantement des sens et de l’esprit.

Ces dernières décennies, peu de réalisations discographiques, hélas.

Or, voici qu’un article de Jean -Charles Hoffelé sur son site Discophilia vient opportunément nous signaler de très intéressantes récentes parutions.

L’article s’intitule Portrait de femme.

Il me plaît de m’en faire ici l’écho.

PORTRAIT DE FEMME

La belle idée, réunir sous les plumes si diverses et si éloignées dans le temps, de Sébastien Le Camus à Jean-Baptiste Weckerlin, les mises en musiques des poèmes d’Henriette de Coligny au long de deux siècles. Mine de rien, ce voyage dans le temps permet à Marc Mauillon et ses amis de dresser un portrait vivant de l’évolution de la monodie, des airs pour la cour ou les salons à la mélodie romantique, en même temps que s’incarne la poésie si touchante et si juste de la Comtesse de La Suze.

L’entreprise est menée avec art, elle aura paru trop tard pour que Thierry Bardon, cheville ouvrière de ce beau projet, ait pu le voir et l’entendre. Est-ce aussi pour cela que le chant si sensible de Marc Mauillon se fait souvent si émouvant ? Il est, le plus clair de ces deux disques, seul devant ces poèmes qui auront tant inspiré les maîtres des airs de cours au long des XVIIe et XVIIIe siècles, Céline Scheen et Antonin Rondepierre le rejoignant parfois pour quelques rares poèmes à plusieurs voix, trouvant la veine lyrique si particulière que la Comtesse aura inspirée aussi bien à Sébastien Le Camus qu’à Michel Lambert auquel elle aura dicté ce chef-d’œuvre d’émotion qu’est Laissez moi soupirer, importune raison qui ouvre le deuxième disque.

Les découvertes abondent, paysagées par quelques pièces instrumentales dont l’élégante Suite en la mineur de Dufaut dont s’empare la harpe triple d’Angélique Mauillon. Merveille, un quasi petit air d’opéra, la mise en musique de Laissez durer la nuit par Jean-Benjamin de La Borde, proche de Marie-Antoinette et compositeur fécond d’opéras et d’opéras comiques, donne envie d’en savoir plus sur cet homme de cour monté à l’échafaud en 1794, victime de la Terreur, brillant lettré dont Jean-François Parot aura fait un des personnages récurrents de ses romans.

Prolongez les plaisirs de cet attachant double album et retrouvez Marc Mauillon au sein des Arts Florissants pour le troisième volume de la série dédiée au genre de l’air de cour : William Christie et ses amis herborisent dans les trente-sept Livres édités par Ballard, airs sérieux ou à boire majoritairement pris dans le _ premier _  Grand Siècle, avec même un Moulinié en italien qui vient soudain ébrouer son soleil.

Merveille, l’air de Boesset qui nomme l’album, « N’espérez plus mes yeux », où Emmanuelle de Negri est fabuleuse de nostalgie, mais tous seraient à citer, jusqu’au luth si suggestif de Thomas Dunford.

J’espère bien que la collection connaîtra de nombreux futurs volumes dans cette belle prononciation historiquement informée et qui ajoute également son sel au long de l’album de Marc Mauillon.

LE DISQUE DU JOUR


Je m’abandonne à vous
Airs et chansons sur des poésies d’Henriette de Coligny, Comtesse de la Suze (1623-1673)

Sébastien Le Camus
(ca. 1610-1677)


Je m’abandonne à vous, amoureux souvenir
Ah ! fuyons ce dangereux séjour
Délices des étés, frais et sombres bocages
Bois écartés, demeures sombres
Laissez durer la nuit, impatiente Aurore
Vous ne m’attirez point par vos attraits charmants
Ah ! qui peut tranquillement attendre
Il n’est rien dans la vie
Doux printemps
Je sens au cœur un nouveau trouble
Un berger plus beau que le jour
Forêts solitaires et sombres


François Campion (ca. 1685/86-1747/48)


J’ai juré mille fois de ne jamais aimer
Qu’il est propre à se faire aimer


François Dufaut (ca. 1604-1680?)


Suite pour luth en la mineur


Sieur de Machy (16..-1692)


Prélude pour viole
Gavotte pour viole, extrait des « Pieces de Violle, Paris, Bonneuil, 1685 »


Bertrand de Bacilly (1621-1690/96)


Qu’il est propre à se faire aimer
Je fuyais sous ces verts ombrages
J’ai voulu suivre une autre Loi
Dans ce bocage, où brille une jeune verdure
Savourons à longs traits cet excellent Muscat
Étoiles d’une nuit plus belle que le jour


Michel Lambert (1610-1696)


J’ai juré mille fois de ne jamais aimer
Laisse-moi soupirer, importune raison
J’aime, je suis aimé


Marin Marais (1656-1728)


Prélude en sol, extrait des « Pièces à une et à deux violes, 1686 »


Henry du Mont (1610-1684)


Laisse-moi soupirer, importune raison


Monsieur Royer (1610-1684)


Étoiles d’une nuit plus belle que le jour


Monsieur de Sainte-Colombe (ca. 1640-ca. 1701)


Chaconne en ré, extrait du « Manuscrit de Tournus »


Honoré D’Ambrius (fl. 1660-1685)


Le doux silence de nos bois
Sous ces ombrages verts (attr. douteuse, possiblement de Robert Cambert)


Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794)


Laissez durer la nuit, impatiente Aurore


Jean-Baptiste Weckerlin (1821-1910)


Sans amour et sans tendresse (Conseil d’aimer)


Anonymes


Sans amour et sans tendresse
Vous ne m’attirez point par vos attraits charmants

Marc Mauillon, basse-taille
Angélique Mauillon, harpe triple
Myriam Rignol, viole de gambe
Céline Scheen, dessus
Antonin Rondepierre, taille
Alice Piérot, violon

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902674/75

N’espérez plus mes yeux…
Airs sérieux et à boire, Vol. 3

Claude Le Jeune
(ca. 1530-1600)


Allons, allons gay gayment
Rendés-la moy cruelle
Rossignol mon mignon
Suzanne un jour


Étienne Moulinié (1599-1676)


Dialogue de la Nuit et du Soleil
O che gioia ne sento mio bene
Ô doux sommeil
Dans le lit de la mort
Souffrez, beaux yeux pleins de charmes


Pierre Guédron (ca. 1565–1620)


Bien qu’un cruel martire
Belle qui m’avez blessé
Quel espoir de guarir
Aux plaisirs, aux délices bergères
Lorsque j’étais petite garce
Que dit-on au village ?
Cessés mortels de soupirer


Antoine Boesset (ca. 1565–1620)


N’espérez plus, mes yeux (Air avec doubles)


Pierre Verdier (ca. 1627-ca. 1706)


Lamento (de la Collection Düben, à l’Université d’Uppsala)


Anonyme


Symphonie (extraite de « Pièces pour le violon à 4 parties de différents autheurs, Robert Ballard, 1665 »)
Suite instrumentale (Manuscrit de Cassel)
Prélude pour l’Allemande cromatique & Allemande cromatique (extrait de « Pièces pour le violon à 4 parties de différents autheurs, Robert Ballard, 1665 »)
Libertas & Sarabande italienne (Manuscrit de Cassel)

Les Arts Florissants
William Christie, direction

Un album du label harmonia mundi HAF8905318

Photo à la une : © DR

Ce samedi 31 juillet 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter divers sublimes « Tombeaux de Monsieur Blancrocher », par Johann-Jakob Froberger, Louis Couperin, Denis Gaultier, François Dufaut, interprétés par Pierre Gallon…

14mai

Un passionnant CD _ L’Encelade ECL 1901, enregistré en janvier 2019 _,

intitulé « Blancrocher – L’Offrande« ,

interprété, au clavecin, par Pierre Gallon

_ avec une ultime pièce, l’allemande « L’Offrande« , de Charles Fleury de Blancrocher, interprétée au luth par Diego Salamanca : la seule oeuvre qui nous demeure de Monsieur de Blancrocher… _,

vient nous proposer un superbe programme d’hommage aux musiciens _ Johann-Jakob Froberger, Louis Couperin, François Dufaut et Denis Gaultier _ amis de ce luthiste, décédé d’une malencontreuse chute dans l’escalier de son domicile, à Paris, en 1652,

qui ont célébré si magnifiquement leur ami luthiste…

Ce vendredi 14 mai 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la joie oxymorique de l’hommage très admiratif au défunt et à son oeuvre : la sublime méditation du « Tombeau sur la mort de M. le Comte de Losy arrivée en 1721″ de Silvius Leopold Weiss, par Jakob Lindberg

14avr

Pour fêter,

au sein du superbe CD Bis CD1534 de l’extraordinaire luthiste suédois Jakob Lindberg,  intitulé Silvius Leopold Weiss Lute Music II,

un CD paru en 2009,

une bouleversante _ et pourvoyeuse d’une intense très profonde joie _ sublime interprétation du sublime lui-même Tombeau sur la mort de M. le Comte de Losy arrivée en 1721

même si la joie de quelque Tombeau que ce soit semble a priori plutôt oxymorique…

Et pourtant l’espèce encore humaine _ pas tout à fait déshumanisée, veux-je dire _ se fait un devoir de donner à ses morts une vraie sépulture,

sous quelque forme tant soit peu méritoire, même humble, que ce soit…

Et un Tombeau de musique, ce peut être vraiment très beau ;

et même sublime.

Et c’est le cas ici,

de l’œuvre de Silvius Leopold Weiss

comme de l’interprétation de Jakob Lindberg.

Parmi les joies ayant donné lieu à de belles, voire sublimes, « musiques de joie« ,

existent ainsi des joies au premier abord oxymoriques,

telles celles, forcément, des « Tombeaux«  …

« Tombeaux » de musique donc, donnés initialement et en tout premier lieu

_ et je commencerai, ici, par cette donnée historique-là _

par quelques luthistes, en France, un peu avant le mitan du XVIIe siècle,

tels Denis Gaultier (1603 – 1672), dit Gaultier le jeune,

pour un Tombeau de Lenclos, soit le luthiste Henri de L’Enclos (1592 – 1631) _ le père de la célèbre Ninon… _,

pour un Tombeau de M. de Blancrocher, soit le luthiste Charles Fleury (1605 – 1652), 

ainsi que pour un Tombeau de Raquetteprobablement Charles Racquet (1598 – 1664), qui fut organiste de Notre-Dame de 1618 à 1643 ; à moins qu’il ne s’agisse du père de celui-ci, Balthazar Racquet (ca. 1575 – 1630),

et Ennemond Gaultier (1575 – 1651), dit le vieux,

pour un Tombeau de Mézangeausoit le luthiste René Mézangeau (1568 – janvier 1638),

Parmi les luthistes français auteurs _ et initiateurs _ de tels Tombeaux

il faut aussi relever les noms de :

François Dufaut (1604 – 1672),

Jacques de Saint-Luc (1616 – 1708) _ bruxellois, mais qui séjourna un moment à Paris _,

Charles Mouton (1617 – 1710),

Jacques Gallot (1625 – 1696),

Jean de Sainte-Colombe (1640 – 1700),

Laurent Dupré, dit Dupré d’Angleterre (1642 – 1709),

Robert de Visée (1650 – 1725)…

Le genre du Tombeau

est très vite repris, des luthistes, par leurs amis clavecinistes

tels

le grand Johann-Jakob Froberger (1616 – 1667) _ présent à Paris en 1652 _,

auteur d’un célébrissime et merveilleux Tombeau de M. de Blancrocher ;

de même que, tout aussi beau, son ami Louis Couperin (1626 – 1661) ;

ainsi que Jean-Henri d’Anglebert (1629 – 1691),

et Jean-Nicolas Geoffroy (1633 – 1694)

Puis, ce sont les violistes qui s’emparent à leur tour du Tombeau, tels

Marin Marais (1656 – 1728),

Sainte-Colombe le fils (1660 – 1720),

Charles Dollé (1710 – 1755).

L’immense luthiste silésien Silvius Leopold Weiss

(Breslau, 12 octobre 1687 – Dresde, 15 octobre 1750)

a composé un bouleversant

et sublimissime

Tombeau sur la mort de M. le Comte de Losy arrivée en 1721

_ Johann Anton Losy von Losinthal (Steken, 1650 – Prague, 3 septembre 1721) _

qu’interprète idéalement le luthiste suédois Jakob Lindberg

en un admirable CD Bis 1534 _ enregistré et publié en 2009.

Jakob Lindberg vient de publier, en 2019 cette fois, toujours chez Bis,

un magnifique CD _ Bis 2462 _ intitulé Jan Antonin Losy note d’oro

qui nous donne à savourer la merveilleuse délicatesse de l’art du Comte Losy,

en 6 Suites, un Menuet et une Chaconne.

L’oxymore consiste en l’intensité _ sublime ! _ de joie intensément profonde

que donne un tel Tombeau,

ainsi interprété, aussi.

Voilà.



Ce mardi 14 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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