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Ecouter encore, à nouveau, le piano agreste du cher Lars Vogt, cette fois dans Schubert, les Impromptus (D 899) et les Moments musicaux (D. 780) : sa belle et juste tendresse

10oct

Le décès du cher Lars Vogt m’a amené à rechercher les récents CDs Ondine

qui manquaient encore à ma discothèque,

après les 2 CDs des 2 Concertos pour piano et orchestre Op. 15 et Op. 83 de Brahms,

soient les CDs Ondine ODE 1330-2 et ODE 1346-2 ;

et un CD Mozart, de 4 Sonates de jeunesse, les n° 2, 3, 8 et 13, K. 280, 281, 310 et 333,

soit le CD Ondine ODE 1318-2,

que je me suis déjà procurés.

Cette fois, il s’agit du CD Schubert Ondine ODE 1285-2,

qui assez étrangement n’apparaît pas dans toutes les discographies disponibles de Lars Vogt,

et qui comporte les 4 Impromptus D. 899, les Moments musicaux D. 780 ;

ainsi que les Six Danses allemandes D. 820

Et la joie vogtienne, légère et fluide, et intense et profonde à la fois,

est cette fois encore fidèle au rendez-vous de notre écoute…

Comme il va nous manquer…

Ce lundi 10 octobre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Christian Gerhaher, Franz Schubert et Othmar Schoeck, à Zermatt avec Gerold Huber : Christian Gerhaher, un artiste intelligent !

15sept

Dans la continuation de mon article «  » du 2 septembre dernier,

voici 2 articles que ResMusica, sous la plume de Vincent Guillemin, et en date d’hier 14 septembre, consacre à ce remarquable et très intelligent baryton qu’est Christian Gerhaher :

« Elegie et Winterreise dans la pureté des Alpes par Gerold Huber et Christian Gerhaher » à l’occasion de 2 concerts à Zematt, face au Cervin,

et « Christian Gerhaher ou l’art absolu de la déclamation« , un très riche entretien avec le merveilleux chanteur…

À 2222 mètres d’altitude, dans la petite Kapelle Riffelalp des Alpes suisses, Christian Gerhaher met en regard Elegie, op.36 d’Otmar Schoeck avec le Winterreise, D.911 de Franz Schubert, tous deux magnifiés par la qualité de déclamation du baryton, sous le piano toujours accordé de Gerold Huber.


Considéré comme le Winterreise d’Otmar Schoeck, Elegie est remis à l’honneur par Christian Gerhaher, qui a enregistré le cycle en 2020 dans sa version pour orchestre de chambre, avec le Kammerorchester Basel et Heinz Holliger _ cf mon article du 2 septembre dernier : « «  Il le reprend dans le cadre du Festival de Musique de Zermatt dans sa version piano-voix. Écrit pour le baryton-basse Felix Löffel, le cycle très sombre, à l’image de la majeure partie des pièces du compositeur suisse, débute par Wehmut (Nostalgie), texte de Joseph von Eichendorf, poète dont cinq autres poèmes seront utilisés pour ce cycle de vingt-quatre lieder, tous les autres étant de Nikolaus Lenau.

Encore plus que dans l’enregistrement pour Sony Classical, Gerhaher développe dans l’œuvre créée il y a bientôt un siècle toute sa qualité de déclamation. La précision du texte marque ainsi chaque instant et plonge au fur et à mesure du voyage dans les mots obscurs de Lenau, Stille Sicherheit (Sécurité silencieuse) ou Herbstklage (Plainte d’Automne), pour finir par les mélancoliques Dichterlos (Sans poète) et Der Einsame (Le Solitaire) d’Eichendorf. Porté par le piano de Gerold Huber et par l’acoustique idéale de la petite chapelle, en matinée à moitié remplie tandis qu’elle le sera totalement le soir pour Winterreise, le baryton décuple sa partie par des grandes variations de dynamique, toujours en accord avec la puissance des mots.

La pureté de la ligne et les fines modulations de couleurs dans le grave touchent pour le monochrome Frage Nicht (n°4), tandis que la nervosité du Waldlied (n°7) profite ici d’une voix puissante qui emplit toute l’église alpine placée face au sublime Mont-Cervin. Déjà développé par le piano dans la version pour orchestre, ce lied comme d’autres gagne à être joué dans cette version seulement pour piano et voix. Gerold Huber y traite la partition à sa pure justesse, sans jamais trop l’appuyer, pour toujours laisser son développement et les amplitudes émotives à celui qu’il accompagne depuis plus de trente ans.


Six heures plus tard, le temps de voyager par les chemins escarpés de cette magnifique partie des Alpes, les deux mêmes artistes reprennent leurs places sur la scène de la Kapelle Riffelalp, cette fois pour un cycle beaucoup plus célèbre _ et attireur de foules. Déjà enregistré par les deux chez RCA et Arte Nova, Winterreise de Schubert retrouve les qualités de conteur de Christian Gerhaher, ainsi que sa façon d’aborder l’œuvre sans la dénaturer, mais au plus proche de la lettre, comme il nous l’expliquera en interview juste après. De façon assez surprenante, il se défend d’un court discours, avant d’aborder le Voyage d’Hiver, pour se justifier de quelques changements de place de lieder, parce que ceux-ci, toujours joués dans le même ordre, ont en réalité été écrit avec plus de liberté par Schubert.

Alors les cinq premiers ne bougent pas, trop habituellement retenus dans cet ordre par l’auditeur. En revanche Die Post s’insère en sixième position plutôt qu’en treizième. Finalement, et mis à part le fait d’enlever à Die Nebensonnen l’avant-dernière position pour la laisser à Mut ! (habituellement vingt-deuxième et sans doute trop contrasté pour s’accoler à Die Leiermann, forcément ultime), l’idée fonctionne et crée une écoute moins confortable, qui force à plus d’attention pour se concentrer sur le texte. À l’opposé de beaucoup de chanteurs aujourd’hui, Gerhaher développe les vingt-quatre poèmes de Wilhelm Müller avec là encore de grands écarts de dynamique, qui profite toujours de l’acoustique de la petite chapelle, ainsi que d’un public très attentif et très silencieux, sauf pour tourner et retourner les pages du programme de salle imprimé dans l’ordre habituel.

Sous le piano fin de Gerold Huber, particulièrement naturel pour Rast (placé ici en n°19 plutôt qu’en 10) puis seulement touché par la fatigue du doigté à Die Nebensonnen (n°20 ici) et légèrement pour la fin du cycle, Christian Gerhaher porte avec un niveau d’exception un cycle qu’il ne caricature jamais dans l’émotion facile. Il est peut-être tout juste moins profond par cette approche pour l’écriture de Schubert qu’il n’était parvenu à l’être dans sa prestation d’exception le matin pour l’Elegie de Schoeck. Malheureusement, ces splendides concerts ne seront gravés que dans l’esprit des auditeurs du Festival de Zermatt présents, car aucun micro ne se trouvait dans la salle.

……

Crédits Photographiques : © ResMusica

Zermatt. Kapelle Riffelalp.

11-IX-2022.

11h : Otmar Schoeck (1886-1957) : Elegie, op. 36.

18h : Franz Schubert (1797-1828) : Winterreise, D.911.

Gerold Huber, piano ; Christian Gerhaher, baryton

Christian Gerhaher ou l’art absolu de la déclamation

Invité du Festival de Zermatt pour le concert d’ouverture et deux récitals, Christian Gerhaher développe pour nous son intérêt pour la musique du compositeur suisse Otmar Schoeck, en plus de revenir sur son répertoire et sur l’importance de la musique classique dans le monde actuel.


ResMusica :
Vous chantiez en matinée au Festival de Zermatt Elegie après l’avoir enregistré récemment, comment avez-vous découvert la musique d’Otmar Schoeck ?

Christian Gerhaher : J’ai découvert le compositeur lors d’un festival de musique moderne il y a vingt ans, lorsqu’on m’a proposé de chanter le cycle avec quatuor à cordes Notturno, pour lequel mon sentiment a été le même que pour Elegie : ces pièces fascinantes m’ont rendu addict. Je ne pouvais plus arrêter de les écouter et d’y penser pendant que je les travaillais, car le style de déclamation y est très spécial. Après les deux marqueurs vocaux du répertoire germanique au XIXᵉ siècle que sont pour moi Schumann d’abord et Wagner ensuite, je pense qu’une troisième voie _ voilà _ est apparue au XXᵉ avec Otmar Schoeck, avec une technique musicale particulièrement portée par les mots, plus principalement ceux de Nikolaus Lenau, poète qu’il adorait. De plus, Schoeck choisissait avant tout les poèmes dans lesquels l’artiste se montrait dévasté par la mort.

Dans ces poèmes, Lenau ne peut assumer que cela va arriver et utilise des sujets lyriques qui se posent sur d’autres angles comme la nature, les feuilles mortes ou les oiseaux, pour toujours revenir à cette question sans réponse, fondamentale, quant à la fin de l’existence. Dans Notturno, au centre de la pièce, il établit particulièrement cette idée avec une façon de déclamer à bout de souffle, qui implique que cela ne doit pas véritablement s’arrêter, pas tout-à-fait, pas définitivement… L’écriture est alors toujours non-mélismatique, purement syllabique, une syllabe étant égale à un ton, un peu à la manière de celle de Claude Debussy en France, autre maître de la déclamation dans ce siècle.

RM : Elegie est parfois comparé au Winterreise de Schubert, mis en regard le même jour en Suisse lors d’un second concert ?

CG : C’est la troisième fois que je chante Elegie dans cette version avec piano, et la deuxième que je le combine à Winterreise. Cela est peut-être risqué, mais j’aime l’idée, qui permet de donner un nouvel horizon au cycle de Schubert. Après que Fischer-Dieskau eut arrêté sa carrière en 1992, la façon de chanter le Voyage d’Hiver a changé et a pris beaucoup de liberté, ce qui m’attriste quelque peu, car cette œuvre géniale ne doit pas être trop heurtée, afin qu’elle garde toute son atmosphère sans être dénaturée. J’essaye pour ma part d’y délivrer toute sa sentimentalité en restant au plus près du texte, et même si l’on m’a déjà dit que cela était très bien chanté mais pas toujours très touchant, je cherche à l’inverse à porter cette œuvre sans lui ajouter ce qui pour moi ne sont que des effets superfétatoires.


RM : Vous avez enregistré Elegie pour Sony Classical dans sa version pour orchestre de chambre et voix et la chantiez à Zermatt seulement avec piano, dans une approche clairement différente, sans doute aussi exaltée par l’acoustique de la petite Chapelle de Riffelalp ?

CG : Nous avons enregistré l’œuvre avec Heinz Holliger et le Basel Orchestra en mars 2020 au début du confinement, puisqu’il n’était plus possible de faire une tournée, comme cela était d’abord prévu. Nous l’avions répétée longuement, alors nous avons décidé de la graver, tant nous y trouvions de beauté. L’orchestration y est sublime, mais la pièce écrite comme presque tous les lieder de Schoeck pour Felix Löffel est faite pour un baryton à la voix très basse, ce qui n’est pas problématique pour un baryton placé plus haut dans la tessiture, tel que je le suis, mais oblige à trouver des variations de couleurs dans un registre réduit, souvent porté vers le grave.

Ce chant resserré crée des pressions sur la voix, où il est très intéressant de réussir à développer de nouvelles couleurs, ce pour quoi le piano devient idéal en comparaison de l’orchestre, car c’est alors un instrument monochrome qui vous accompagne et vous laisse la possibilité d’étaler toute l’identité polychromatique de votre voix _ voilà. Avec un orchestre, qui apporte par lui-même une polychromie musicale, vous avez à réduire votre propre approche et à altérer les dynamiques. C’est d’ailleurs pour cela que cette pièce est particulièrement difficile à chanter dans sa version avec orchestre, notamment dans ses parties très douces. À Riffelalp, le piano associé à l’acoustique idéale de la chapelle de montagne m’ont permis d’exprimer toutes ces idées merveilleusement.

RM : On connait donc de vous Notturno et Elegie, vous intéressez-vous à d’autres cycles de Schoeck ?

CG : Je n’ai pas encore pu en apprendre d’autres, mais cela fait maintenant partie de mes priorités pour la fin de ma carrière, avec notamment Lebendig Begraben (Enterré vivant). Comme évoqué précédemment, Schoeck composait presque toujours ses lieder pour son ami Felix Löffel, qui possédait une véritable technique, mais pas une très belle voix _ hélas. Alors, lorsqu’il a entendu Dietrich Fischer-Dieskau dans l’œuvre, il a découvert à quel point on pouvait chanter superbement sa partition, avec une fantastique qualité de déclamation. Je souhaite donc m’atteler à ce cycle prochainement pour tenter d’y apporter la même pureté _ oui _, en plus de découvrir aussi mieux les opéras, car je connais surtout Penthesilea et malheureusement, il ne s’y a pas vraiment de rôle pour moi.

RM : Pour le lied, vous êtes très majoritairement accompagné par Gerold Huber, avec lequel on ressent une cohésion parfaite. Est-ce important pour vous d’avoir ce partenaire si proche et comment travaillez-vous en répétition ?

CG : Nous ne parlons presque pas. Gerold Huber a été l’une des plus belles rencontres de ma vie, et j’ai immédiatement ressenti avec lui la possibilité de ne pas être concentré sur le fait de répéter pour se coordonner, mais plutôt pour aborder tout de suite la forme, le son et les couleurs. Il était malade cette année et je suis très heureux qu’il soit revenu à son meilleur, pour m’accompagner ainsi que d’autres chanteurs, bien que je doive admettre avoir une relation très particulière avec lui, qui dure depuis bientôt trente-cinq ans. Il s’agît ici de beaucoup plus qu’une collaboration artistique, et je ne sais pas comment je ferais pour chanter du lied sans lui, ni si je continuerais à en chanter autant. Lorsqu’il joue, j’aime sa densité et sa tranquillité à maintenir une ligne _ voilà _, qui me permet de développer le chant et la dynamique comme je le souhaite, sans être surexposé par le piano.


RM : Nous avons parlé principalement de Schoeck et sommes donc restés concentrés sur le répertoire germanique, évidemment celui que vous chantez le plus, mais que vous dépassez aussi parfois. Pensez-vous l’ouvrir encore, notamment par des œuvres moins sombres ?

 

CG : J’ai un peu chanté de l’opéra italien, Mozart ou Simon Boccanegra de Verdi, que je reprends prochainement, et j’aime aussi beaucoup la mélodie française. Malheureusement, la langue française est très complexe et m’impose un travail d’apprentissage très long, mais j’adore Debussy, Fauré et Berlioz et veut développer leurs œuvres. Et puis j’ai déjà porté Pelléas, mais il faut maintenant que j’approche véritablement Golaud.

On reste donc dans de l’art sombre, mais comment le définir exactement ? Si l’on prend Kafka par exemple, si célèbre pour la noirceur de ses œuvres ; il était connu qu’avec son ami Max Brod, pendant les lectures publiques, il utilisait un véritable humour et riait souvent _ énormément, même. Le sérieux et la noirceur ne sont donc pas opposé au rire et à la joie, ce qui est aussi le cas avec Cosi fan Tutte ! C’est également grâce à cela qu’on crée de la distance sur les choses, ce qui est primordial _ en effet…

RM : Pour rester dans les idées noires, la musique classique souffre toujours de la pandémie avec un public plus difficile à capter qu’auparavant, quelle est votre vision pour son avenir ?

CG : La pandémie a été très dure pour tous mais plus encore pour les artistes qui vivent de concerts. Les restrictions ont touché la vie musicale pour longtemps et vont peut-être réduire à jamais le nombre de spectacles de musique classique. J’ai eu une discussion publique récemment avec des hommes et femmes politiques allemands, où le ministre de la culture m’a fait remarquer que « nous restions avec notre ancien monde, tandis qu’eux avançaient« . Cela m’a profondément heurté _ oui !!! L’incurie de la plupart des politiques est une catastrophe, dont on ne récolte que trop les effets… _ et j’ai rétorqué que des milliers de concerts devant des centaines de milliers de gens vivants n’étaient pas l’ancien monde, mais bien le présent.

Je sais que les lieder intéressent une part très réduite et sans doute de plus en plus réduite de la population, mais il faut continuer à les porter et à les promouvoir, car l’art n’est pas juste un hobby _ certes ! _, comme certains politiciens le croient aujourd’hui : c’est une nécessité _ cruciale ! _ pour le bien-être de l’humanité _ et contre la barbarie qui gagne… Cela n’apporte pas juste des émotions, mais aussi de la réflexion _ oui ! _, alors il faut se battre _ oui _ pour continuer à rendre attractive la musique classique par ses aspects les plus grands, et moins celle-ci cherchera à être seulement un divertissement _ hélas, hélas, hélas _, plus elle survivra _ cf mon propre texte « Oasis versus désert » pour le « Dictionnaire amoureux de la Librairie Mollat », paru notammenr en mon article du 17 juin 2022 : « «  Être sérieux ne veut pas dire ne pas être drôle ou ne pas intégrer toutes les émotions, mais cela veut dire rester à un niveau d’intelligence élevé, très important pour notre société _ ô combien !

Crédits Photographiques : © Credit: David Parry/PA Wire (recital) & © Olivier Maire (récital Zermatt)

Christian Gerhaher, un artiste important et intelligent.

Ce jeudi 15 septembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Interpréter les Lieder de Schubert : Alice Coote, mezzo-soprano, avec le piano de Julius Drake, un admirable lumineux CD !

15août

Bien sûr ne manquent pas, au disque, de sublimes interprétations des sublimes Lieder de Schubert…

Alors comment situer en cette très belle discographie le récent « Schubert 21 Songs« , soit le CD Hyperion CDA 68169, de l’excellente mezzo-soprano Alice Coote, avec le piano hyper-attentif de l’excellent Julius Drake ?..

Eh bien, au plus haut !!! 

Quel sublime art de dire et de chanter

avec une telle fluidité, tendresse, lumineuse clarté, et parfaite justesse.

Pour ne rien dire du parfait accompagnement, avec une si délicate écoute en dialogue, de Julius Drake au piano…

Sur ce magnifique CD d’Alice Coote et Julius Drake,

je partage donc pleinement l’appréciation de Patrice Lieberman en son article « Alice Coote et Julius Drake touchent juste dans Schubert« ,

paru sur le site Crescendo le 8 août dernier…

Alice Coote et Julius Drake touchent juste dans Schubert

LE 8 AOÛT 2022 par Patrice Lieberman

Franz Schubert(1797-1828) : An den Mond, D.259; Wandrers Nachtlied I(Der du von dem Himmel bist), D.224; Im Frühling, D.882,Der Zwerg, D. 771;Ständchen, D. 957; Seligkeit, D.443; Abendstern, D.806; Der Tod und das Mädchen, D.531; Litanei über das Fest Aller Seelen, D.343; Rastlose Liebe, D.138; Ganymzed, D.544; An Silvia, D.891; Der Musensohn, D.764; Lachen und Weinen, D.777; Erlkönig, D.328; Nacht und Träume, D.827; Auf dem Wasser zu singen, D.774; Im Abendrot, D.799; Frühlingsglaube, D.686; Wanderers Nachtlied II (Über allen Gipfeln), D.768; An den Mond, D.2396. Alice Coote (mezzo-soprano); Julius Drake (piano). 2022. 71’36.Textes de présentation en anglais, textes chantés en allemand et anglais. Hyperion  CDA68169

C’est un très beau _ oui ! _ et généreux florilège du lied schubertien que nous offrent ici l’excellente mezzo Alice Coote et son non moins excellent compatriote et partenaire (on n’ose utiliser ici le terme d’accompagnateur), le subtil Julius Drake _ excellents, et même parfaits, tous deux, en ensemble, dans leur admirable perception de l’idiosyncrasie schubertienne : à saluer bien bas !

La mélodie schubertienne n’a cessé d’attirer les plus grands chanteurs depuis l’aube de l’enregistrement sonore _ en effet _, et il est _ très _ bon – même si certains garderont pour toujours une indéfectible allégeance à certains interprètes d’un passé plus ou moins récent – de voir comment une des meilleures vocalistes de la génération moyenne aborde ce type de répertoire aujourd’hui _ mais oui !

Autant l’annoncer tout de suite, cette parution est une très belle réussite _ oui ! D’abord, par sa programmation intelligente qui mélange avec intérêt certains des Lieder les plus connus de l’auteur (Le Roi des Aulnes, La Jeune fille et la Mort, la célébrissime Sérénade) avec d’autres connus  ou moins connus, comme la Litanei über das Fest Aller Seelen (Litanie sur la Fête de Toussaint).

La mezzo britannique qui met son beau timbre soyeux _ oui _ au service de ce genre si piégeux qu’est le lied trouve avec un naturel confondant _ mais oui ! _ un heureux moyen terme _ oui, un très juste équilibre, en effet… _ entre la priorité accordée au beau chant ou celle à conférer à la déclamation dramatique plutôt qu’à la ligne mélodique. Sur le plan purement vocal, Alice Coote fait valoir un magnifique mezzo aux couleurs claires _ lumineusement et délicatement claires ! _ et aux registres homogènes _ voilà _ ainsi qu’une maîtrise technique irréprochable _ en  effet. Articulant toujours avec soin _ oui : comme c’est absolument nécessaire _, elle fait entendre parfaitement _ oui ! _ chaque mot des poèmes, impeccablement enchâssés dans une ligne mélodique menée, grâce à une respiration  parfaitement _ oui ! _ maîtrisée, avec une grande sûreté et sans la moindre distorsion _ toutes ces appréciations sont de la plus grande justesse… Qui plus est, elle se montre fine et sensible interprète d’une musique dont elle saisit le caractère d’intimité _ oui _ et de confidence _ oui _ à la perfection _ voilà. Si son approche générale est de ne pas faire de ces morceaux des mini-drames, elle se hasarde cependant à jouer les quatre protagonistes du Roi des Aulnes – le narrateur, l’enfant, le père et le Roi – en variant habilement son timbre pour chacun d’entre eux, mais sans _ jamais _ tomber dans la caricature.

De même, Alice Coote évite tout sentimentalisme _ oui _ dans la Sérénade rendue avec beaucoup d’élégance mais sans le moindre sentimentalisme, et elle est également sensible à l’agitation de Rastlose Liebe ou à l’entrain de Der Musensohn.

Dans Auf dem Wasser zu singen, elle rend très bien – parfaitement aidée par Julius Drake, partenaire aussi _ merveilleusement _ attentif qu’imaginatif –  le balancement du bateau comme le flux et le reflux de l’eau. La chanteuse se montre particulièrement prenante dans l’hymne panthéiste qu’est le splendide et profond Im Abendrot, sur un poème du peu connu Karl Lappe.

On l’aura compris: ce disque – dont on se demande d’ailleurs pourquoi Hyperion a attendu près de cinq ans pour le sortir – mérite _ absolument ! _ sa place dans la discothèque de tout amateur du genre.

Son 10 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Un admirable lumineux CD, donc,

et tout à fait indispensable !

Ainsi qu’à conseiller à qui désire découvrir en toute sa palette et intime évidence le sublime génie du lied de Schubert !

D’Alice Coote,

je possède le très beau _ et lumineux et tendre, lui aussi _ CD Hyperion CDA67962 « L’Heure exquise _ A French Songbook« , avec le piano de Graham Johnson, enregistré en octobre 2012

Ce lundi 15 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Se réenchanter à des chefs d’oeuvre interprétés de frais : de Schubert (II), le « Schwanengesang », par Julian Prégardien et Martin Helmchen (double CD Alpha 748)

19jan

Après le second volet _ le Quintette à cordes avec 2 violoncelles D. 956_ du double CD Alpha 748,

et l’appréciation qu’y porte Matthieu Roc, sur ResMusica,

proposée en mon article d’avant-hier (« « ),

voici que ce jeudi 19 janvier 2022,

c’est Jean-Charles Hoffelé qui consacre la chronique de ce jour sur Discophilia, au premier volet de ce double CD Alpha 748 :

le Schwanengesang D. 957, magistralement porté par le ténor Julian Prégardien et le piano de Martin Helmchen…

Pourquoi si tardivement ces deux articles  consacrés à de double CD paru cet automne ?

De même que pourquoi si tard mes deux propres articles ?..

Parce que ces interprétations, magistrales, nécessitaient, pour être les plus justes possible, le temps de la maturation de l’écoute…

Voici donc cet article intitulé « La mort ?« …

LA MORT ?

D’un tempo filant, son piano comme une guitare, Martin Helmchen emporte à tout crin le ténor d’Evangéliste de Julian Prégardien, Ganymède certain de ne pas mourir dans l’étreinte de l’aigle Zeus, et lui distillant des charmes. Vite, on ne saurait mourir !

Mais la mort, c’est le Quintette, symphonie à cinq cordes, qui proclame son héros et le précipite au brasier, un Siegfried prêt au sacrifice dès la première rage des archets. Cet album nous cause d’Allemagne, noir, empoisonné, fatal ; au travers de Schubert, il convoque les affres d’un destin, celui d’une civilisation qui s’est exhaussée dans un imaginaire à jamais perdu hors des notes et des mots qu’il aura produits.

Ces deux disques nous parlent de la conscience historique que de jeunes interprètes, des Allemands d’aujourd’hui _ voilà : a-romantiques,  _, ont de leur âme, car outre-Rhin, l’âme est encore affaire de culture, on en rêverait en bord de Seine où la culture n’est plus qu’une _ inconsistante _ « manifestation »…

Mais ne dévions pas. Julian Prégardien et Martin Helmchen sectionnent leur Schwanengesang après Aufenthalt, qui est un avertissement, « Fliessen die Thränen » _ « Mes larmes coulent »... D’un côté _ LudwigRellstab et sa poésie du sentiment, jusqu’à la vaine révolte, de l’autre _ HeinrichHeine et ses vers déjà d’un autre monde. Entre, Martin Helmchen met la respiration d’une Romance sans parole _ de Felix Mendelssohn _, comme un regret d’un temps _ de  vie et heureux _ à jamais révolu.

Puis le Chant du cygne retentit à nouveau, les brumes, l’abîme, la voix blanchie face au double _ « Der Doppelgänger«  _, le sinistre défi de L’Atlas. Un mot encore, pour Julian Prégardien qui parvient (le sait-il seulement ?) à être à la fois de timbre Ernst Haefliger et de mot Peter Schreier _ probablement : le double compliment est d’importance.

Et puis, rincés, vidés, furieux peut-être, le noir Quintette vous engloutira dans son abyme _ mais implacablement a-romantique. Terminus.

LE DISQUE DU JOUR

CD 1

Franz Schubert (1797-1828)


Schwanengesang, D. 957
Schwanengesang, D. 744
Quintette pour cordes en ut majeur, D. 956


Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)


Adagio non troppo (No. 3, extrait des « Lieder ohne Worte, Op. 30 »)


Fanny Mendelssohn-Hensel (1809-1847)


Schwanenlied (No. 1, extrait des « 6 Lieder, Op. 1 »)

Julian Prégardien, ténor
Martin Helmchen, piano

CD 2

Franz Schubert


Quintette pour cordes en ut majeur, D. 956

Christian Tetzlaff, violon
Florian Donderer, violon
Rachel Roberts, alto
Tanja Tetzlaff , violoncelle
Marie-Elisabeth Hecker, violoncelle

..;

Un album de 2 CD du label Alpha Classics 748

Photo à la une : le ténor Julian Prégardien – Photo : © Peter Rigaud

Ce mercredi 19 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Se réenchanter à des chefs d’oeuvre réinterprétés de frais : le Quintette à cordes avec 2 violoncelles D. 956 de Schubert, par Christian Tetzlaff, Florian Donderer, Rachel Roberts, Tanja Tetzlaff et Marie-Elisabeth Eckert (CD Alpha 748) _ ou la sublime transparence invisible rendue idéalement sensible…

16jan

Il y a maintenant longtemps que j’apprécie le jeu vivantissime, direct et justissime du violoniste Christian Teztlaff _ et tout spécialement  dans ses interprétations de musique de chambre, comme à l’annuel Festival Spannungen (im Kraftwerk Heimbach).

Ainsi, et simplement pour commencer, peut-on se reporter à l’indispensable coffret Avi-music 8553100 de 14 CDs de Concerts-live, là, de 1999 à 2006 ; cf là-dessus mon article du 14 novembre 2010 :

Mais bien d’autres CDs d’enregistrements avec Christian Tetzlaff à ce Festival Spannungen, ont suivi.

Et je ne dis rien ici des divers CDs enregistrés plus récemment par Christian Tetzlaff, en soliste aussi, pour l’excellent label finnois Ondine…

Voici donc ces liens-ci à d’autres articles, à propos de bien des très remarquables CDs enregistrés Live au Festival Spannungen au fil des années,

en date des 17 octobre 2009 (),

13 janvier 2018 (),

2 novembre 2018 (),

3 novembre 2018 (),

3 septembre 2019 ()

et 31 octobre 2019 ()…

 

Or voici qu’au mois d’octobre 2021 dernier,

est paru un stupéfiant double CD (Alpha 748) consacré à quelques œuvres ultimes de Franz Schubert :

d’une part, pour un premier CD, les Lieder réunis posthumément sous le titre de « Schwanengesang« , interprétés ici par le ténor Julian Prégardien et le pianiste Martin Helmchen ;

 

et, d’autre part, pour le second CD, le sublimissime Quintette à cordes avec deux violoncelles D. 956, interprété ici par les violonistes Christian Tetzlaff et Florian Donderen, l’altiste Rachel Roberts, et les violoncellistes Tanja Tetzlaff et Marie-Elisabeth Hecker…

En une interprétation splendide et nette, bouleversante en son a-romantisme parfaitement bienvenu ;

qui renouvelle complètement l’écoute de ce singulier sublime chef d’œuvre

ainsi lumineusement dépoussiéré…

Voici ce qu’en dit excellemment Matthieu Roc, en sa chronique de ResMusica de ce dimanche 16 janvier 2022.

L’article est intitulé « Chant du Cygne et Quintette à cordes : un Schubert ultime et étonnamment proche« .

Réunir dans le même album Schubert _ le double CD Alpha 748 _ un cycle de Lieder et le Quintette à cordes en ut peut paraitre étrange, commercialement parlant. Mais de fait, le projet se justifie assez bien _ cf la présention qu’en propose, aux pages 8 à 10, et sous le titre de « La Virgule fantôme« , le regretté Jacques Drillon (décédé le 25 décembre 2021)... _, et de deux manières.

D’abord, il s’agit d’écritures parmi les toutes dernières de Franz Schubert, son chant du cygne personnel en quelque sorte _ voilà _ : le Quintette en ut a été composé deux mois avant sa mort _ le 19 novembre 1828, à Vienne _, et les Lieder du recueil Schwanengesang ont été rassemblés par son éditeur _ Tobias Haslinger _ quelques mois après _ en 1829. On nous le présente ici redéployé en deux cycles plus petits mais plus cohérents : un cycle pour les poèmes de Ludwig Relistab, un autre sur ceux de Heinrich Heine, encore prolongé par une délicieux Lied de Fanny Mendelssohn, lui aussi sur un texte de Heine.

Le deuxième élément d’unité du programme réside dans l’interprétation de ces deux œuvres, qui présente une identité de vue commune _ oui _, à la fois étonnante et tout à fait convaincante. Aussi bien le Schwanengesang que le Quintette en ut nous sont livrés dans une lecture d’une précision aiguë _ oui _, avec une urgence de vivre envers et contre tout _ oui _, et en même temps, dans une sorte de distanciation _ a-romantique, donc… _ vis-à-vis des émotions. On peut donc enfin écouter ces pièces sublimissimes sans avoir ni la larme à l’œil ni le ventre noué, et pourtant, on est entièrement absorbé par le déroulement des états d’âme du mythique « Wanderer », par leur vérité criante, ou par les éclairages et nuages du Quintette. Cette subversion de l’émotion _ musicalement transcendée _ est pour le moins inhabituelle. Elle nous fait rencontrer un Schubert qui aurait dépassé son propre romantisme _ voilà _, et qui aurait entendu Olivier Greif et Thomas Adès. Un Schubert de notre temps, plus lucide et plus fraternel _ plus proche, donc, en un sens _, mais aussi plus exigeant que jamais _ oui…

Julian Prégardien a une voix qui n’est ni excessivement belle ni excessivement puissante, mais il dispose de tous les talents pour être un prodigieux chanteur de Lieder, et il le montre. Sa palette de couleur est assez restreinte, plutôt mate, mais il en joue pleinement, avec tact, et avec une intelligence des textes remarquable _ voilà. Il a une façon de tendre ses lignes, d’ombrer sa voix, de jouer des nuances qui lui permet de dépeindre les paysages et les climats, aussi justement que les émotions les plus subtiles _ voilà. Dans In der Ferne, il arrive à exprimer une déréliction inouïe. Rien que ce lied-là, chanté de la sorte, met en abyme toute la Belle meunière et le Voyage d’hiver réunis. Le Ständchen qui suit se positionne au-delà de toutes les antinomies crucifiantes (espoir/désespoir, joie/tristesse, éros/thanatos…) et, comme le Leiermann, ouvre des horizons métaphysiques. Le lied Am Meer (un autre exemple… mais tous seraient à décrire) est une merveille : les espaces d’eau et d’air deviennent si immenses qu’on se sent physiquement seul et dénudé. Die Stadt, fascinant d’obscurité lumineuse, prend une proximité troublante avec Pfizner et Berg _ oui. Ce deuxième mini-cycle sur les textes de Heine est particulièrement pertinent dans sa modernité, borné d’abord par le Lied _ intitulé « Schwanengesang«  _ D. 744 de Schubert et en fin, par le Schwanenlied de Fanny Mendelssohn. Ce concentré de poésie et d’analyse du désespoir culmine avec un Doppelgänger presque schumannien, mais qui dépasse la tentation de la schizophrénie en la dissolvant dans l’hyper-lucidité. C’est peu dire que Martin Helmchen soutient parfaitement son ténor. L’identité de vue des deux artistes est totale _ oui _, jusqu’à pouvoir échanger les fonctions : l’un pleure ou crie quand l’autre décrit, l’un colore quand l’autre détimbre, etc., et alternativement. Un ravissant Lied ohne Worte _ de Felix Mendelssohn _ pour piano seul démontre, s’il en était besoin, la sensibilité et la délicatesse extrêmes _ oui _ de Martin Helmchen. Après six écoutes consciencieuses et une ré-écoute des géants du XXᵉ siècle (Hotter, Andres, Raucheisen…), il faut bien lâcher le mot : nous sommes devant une interprétation géniale, et en même temps, une reconstruction adroite du Schwanengesang de Schubert.

Cette publication – à ne manquer sous aucun prétexte – est encore enrichie par une version du Quintette en ut qui est au même niveau d’excellence. Là aussi, pas d’hédonisme sonore, et pas de complaisance _ non plus. Là aussi, une rigueur et une précision extrêmes _ voilà _, dans le geste comme dans la recherche de sens. Là aussi, une finesse de ligne proche de la rupture _ oui _ et une transparence de son à la limite de l’invisible _ oui, oui… Christian et Tanja Tetzlaff entraînent leurs collègues Florian Donderer, Rachel Roberts et Marie-Elisabeth Hecker dans leur fougue _ a-romantique _ et leur cohésion d’ensemble _ oui. L’Allegro impose le choix de la lecture : exigence et transparence. L’Adagio, si propice aux écartèlements émotifs, s’en détourne et nous emmène dans la sérénité, comme un merveilleux nocturne doucement trans-illuminé. Le Scherzo retentit comme une manifestation de joie, ou du moins comme une réconciliation, qui devient le plus naturellement du monde une danse dans l’Allegretto. Un Schubert renouvelé, essentiel, et indispensable _ c’est cela.

Franz Schubert (1797-1828) :

Schwanengesang D. 744 ;

13 Lieder parmi les 14 du Schwanengesang D. 957 ;

Quintette à cordes D. 956.

Félix Mendelssohn (1809-1847) :

Lied ohne Worte op. 30 n° 1.

Fanny Mendelssohn (1805-1847) :

Schwanenlied.

Julian Prégardien, tenor ; Martin Helmchen, piano ;

Christian Tetzlaff, violon ; Florian Donderer, violon ; Rachel Roberts, alto ; Tanja Tetzlaff, violoncelle ; Marie-Elisabeth Hecker, violoncelle.

2 CD Alpha.

Enregistrés en juin et octobre 2020 dans la Sendesaal à Brême, Allemagne.

Présentation (de Jacques Drillon) et textes en allemand, français et anglais.

Durée totale des 2 CDs : 113:14

Un double album incontournable !!!

Ce dimanche 16 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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