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Du devenir des villes, dans la « globalisation », et de leur poésie : Saskia Sassen

21avr

 A propos du devenir des villes _ et de la poésie (des lieux) _,

la rencontre de cet article-interview de Saskia Sassen par Grégoire Allix ce matin sur le site du Monde :

Par Saskia Sassen,

sociologue de la globalisation

et, accessoirement, épouse du philosophe-sociologue-historien Richard Sennett ;

parmi l’impressionnante bibliographie duquel la curiosité m’amène à retenir,

en relation avec l’urgence de notre « problème » urbain :

« Les Tyrannies de l’intimité« , parues aux Éditions du Seuil, en 1979 ;

« La Famille contre la ville : les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle 1872-1890« , aux Éditions Encres en 1981 ;

« Autorité« , dans la collection « L’espace du politique« , aux Éditions Fayard, en 1982 ;

« La Conscience de l’œil : urbanisme et société« , aux Éditions Verdier, en 2000 :

« Le travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité« , aux Éditions Albin Michel, en 2000 ;

« La Chair et la Pierre : le corps et la ville dans la civilisation occidentale« , aux Éditions Verdier, en 2002 ;

« Respect : de la dignité de l’homme dans un mode d’inégalité« , aux Éditions Albin Michel en 2003 et Hachette en 2005 ;

« La culture du nouveau capitalisme« , aux Éditions Albin Michel en 2006) :

ces recherches-là, du philosophe Richard Sennet, risquant de ne pas demeurer sans quelque accointance avec la recherche audacieuse (et très performante) de la sociologue et économiste qu’est Saskia Sassen :

née en 1949 à La Haye, aux Pays-Bas, et ayant grandi à Buenos Aires, puis en Italie, celle-ci est venue se former à la philosophie et aux sciences politiques en France, à l’Université de Poitiers ; puis, partir de 1969, elle a complété sa formation universitaire par des études de sociologie et d’économie à l’Université Notre-Dame, dans l’Indiana, aux États-Unis

Voici l’article-interview :

« Redynamiser les villes en les convertissant au développement durable »

LE MONDE | 20.04.09 | 15h34  •  Mis à jour le 20.04.09 | 20h42

En ces temps de crise financière, Saskia Sassen est la figure incontournable des grands sommets sur la ville. La sociologue de la globalisation (qui publie « La Globalisation, une sociologie« , aux Éditions Gallimard), enseignante à la London School of Economics et à l’université Columbia de New York, était l’invitée du forum Global City, à Abu Dhabi, les 7 et 8 avril.

Elle doit participer à la World Investment Conference, à La Baule (Loire-Atlantique), du 3 au 5 juin, sur le thème « Investir dans les villes globales« .

Ces métropoles qui concentrent le pouvoir économique et financier de la planète,

Saskia Sassen les a décrites dès 1990. Bien avant que le réseau qu’elles forment n’accouche _ en effet... _ de la crise du siècle.

La « ville globale », lieu de nouvelles revendications

Dans un article paru en 2003 dans la revue « Raisons politiques« , Saskia Sassen introduisait ainsi son concept de « ville globale«  : « Les villes globales du monde entier forment un terrain propice à la concrétisation (…) d’une multiplicité de processus propres à la globalisation. Ces formes localisées représentent, pour une bonne part, ce dont il s’agit lorsque l’on parle de globalisation. La vaste ville du monde contemporain _ ce que Régine Robin qualifie, quant à elle, de « mégapole » (cf « Mégapolis » ; et mon article du 16 février 2009 : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« …) _ a émergé en tant que site stratégique pour une gamme d’opérations inédites (…). Il s’agit là d’un des lieux de liaison où de nouvelles revendications, de la part des puissants comme des défavorisés, peuvent se matérialiser.« 

Comment la crise financière a-t-elle un impact sur l’urbanisation du monde ?

En fragilisant les économies non urbaines, la crise va accélérer l’exode rural, amenant encore plus de pauvres à gagner les grandes villes pour survivre et aggravant le phénomène des bidonvilles. Cette accentuation de la pauvreté urbaine prend une forme particulière dans les pays riches : aux États-Unis, on voit se multiplier une nouvelle sorte de sans-abri, issus des classes moyennes, qui créent de véritables « villes de tentes« .

Sous l’effet de la crise, les villes riches voient fondre leurs revenus, donc leurs capacités de développement. En 2008, New York a subi une chute de 10 milliards de dollars (7,5 milliards d’euros) de son produit municipal brut, et Los Angeles de 8 milliards de dollars (6 milliards d’euros).

Les « villes globales » sont-elles plus touchées que les autres ?

Les villes globales fonctionnent comme des « Silicon Valley » où s’inventent des instruments financiers _ hautement performants et dynamiques ! _ complexes et risqués. Elles sont l’infrastructure vivante _ c’est tout dire ! _ de la finance mondiale et de l’économie globale. Quand une crise frappe, elles la subissent de plein fouet.

Mais, en réalité, la pénétration de la finance _ incisive, efficace et proliférante _dans presque tous les secteurs de l’économie _ susceptibles de permettre des profits maximisés (ou même pas) _ a rendu de très nombreuses villes vulnérables. Ainsi New York et Los Angeles ont deux économies urbaines très différentes _ seule la première est un centre financier _, mais toutes deux ont été violemment _ ce n’est pas rien _ affectées.

Peut-on dire que les villes, ces dernières années, étaient devenues des produits financiers ?

Oui. La finance s’est mise à utiliser _ la modernité s’est construite comme une instrumentalisation (cf Machiavel (1469-1527), « Le Prince« , comme Bacon (1561-1626), ou Descartes (1596-1650), « Le Discours de la méthode ; pour ne rien dire de Galilée (1564-1642) ; à laquelle se prétèrent bien opportunément les calculs mathématiques… _ la ville elle-même comme un objet d’investissement, privilégiant le court terme et les taux de rentabilité élevés. On construit des immeubles et des équipements non pour répondre à un besoin économique _ et des valeurs d’usage _, mais par pure spéculation _ voilà la donnée cruciale ! C’est particulièrement net à Dubaï. Aux États-Unis, la crise des subprimes est la conséquence directe de la financiarisation de la ville _ même ! La finance a créé des instruments _ mathématiques et comptables _ extraordinairement compliqués pour extraire de la valeur _ du profit _ même des ménages modestes, en multipliant les prêts immobiliers risqués pour les convertir en produits d’investissement ; et vite les revendre _ soit la valeur d’échange ! _ avec un fort profit _ le revoilà : multiplié !.. Un mécanisme destructeur pour la ville _ voilà le hic ! _ : des millions de logements sont désormais abandonnés _ alors même que se multiplient à vitesse grand V les « villes de tentes« 

Pensez-vous que le secteur privé uniformise _ un facteur capital : la liquidation du qualitatif (et du singulier) les villes par des produits urbains standardisés ?

La globalisation rend les villes de plus en plus similaires : partout les mêmes quartiers d’affaires, les mêmes centres commerciaux, les mêmes grands hôtels, les mêmes aéroports _ et autres infrastructures (spatio-temporelles) _, quelles que soient les stars de l’architecture qui les signent _ à méditer aussi… Car l’environnement urbain consacré aux économies dominantes des villes globales est devenu une simple infrastructure, nécessaire et indéterminée _ qualitativement… En revanche, on aurait tort de croire que, parce que les villes se ressemblent, leurs économies sont similaires. La globalisation génère et valorise la spécialisation des économies urbaines, au-delà de la compétition que se livrent les villes _ ce qui nécessite des analyses très affinées.

Dans un monde convalescent _ de quelle maladie, donc ? _, que peuvent attendre les villes du secteur privé ?

Le meilleur moyen de redynamiser _ les valeurs ici sont-elles nécessairement unanimes ? partagées ? C’est à mettre en débat (authentiquement démocratique) ! _ nos villes, c’est de les convertir au développement durable. Cela créerait une énorme quantité de travail, qui nécessiterait des partenariats entre le public et le privé. Les entreprises ont un besoin vital des villes, de leurs infrastructures et de leurs réseaux _ selon quelles finalités ?.. A débattre en priorité ! Se ré-approprier le « politique », abandonné aux démagogies populistes… Cela devrait donner aux municipalités les moyens de négocier un engagement plus fort du secteur privé.

Propos recueillis par Grégoire Allix

Article paru dans l’édition du 21.04.09

Passionnant ! Et à creuser bien plus avant… J’y reviendrai, bien sûr ! Notre avenir, comme celui de l’« habiter« , et de l’humain non dés-humanisé _ enjeux poétiques majeurs : c’est là que se « joue » le sens même des « exister«  humains ! _, se jouant (!!!) dans ce devenir des lieux, et d’abord ce devenir des villes ! et de la construction : architecture et urbanisme en première ligne… Que devient la (baudelairienne et benjaminienne) poésie des villes _ c’est pour cela que « Mégapolis » (ou « les derniers pas du flaneur« , tel est le sous-titre : « à la Bruce Bégout« , pourrait-on dire ! de ce grand livre) m’a beaucoup intéressé, déjà ! _ avec cette uniformisation et cette « dé-qualification » de l’« habiter«  ? au mépris du « génie des lieux » et des idiosyncrasies… Walter Benjamin _ et avec lui et la « civilisation » et l‘ »esprit » ! _ va-t-il encore (et mille fois !) être acculé au suicide ?.. En mille Port-Bou de mille « bouts du monde » ?..

Titus Curiosus, ce 21 avril 2009

Vive tendresse de quelques festons baroques praguois

13sept

Sur deux CDs de musique « baroque » praguoise :

« Laudate Pueri Dominum _ Music of Piarists in Baroque Bohemia« , par la Capella Regia Praha et les Pueri Gaudentes, dirigés par Robert Hugo, à l’église des « Fiançailles de la Bienheureuse Vierge Marie », à Slaný (CD  Supraphon SU 3946-2) ;

et « Prague _ L’Âge d’or baroque« , par l’organiste Pavel Kohout à l’orgue Mundt de 1673 à Notre-Dame de Týn, à Prague (CD Hortus 3 487720 000539).

Avant un très prochain article sur une magnifique musique « d’intimité » _ article actuellement « en train »… _ ;

et un autre sur un merveilleux roman _ qui n’est pas plus de « rentrée », qu’il ne serait d' »été » !.. _, d’une vraie « écriture » accomplie et qui ne vous lâche pas _ j’en reparle très prochainement (j’en suis à la page 131 ; le livre en comptant 519), à propos de notre « monde » pris avec toute l’ampleur nécessaire « à bras le corps » par l’auteur (= un vrai ! enfin !) de ce « grand » roman ;

voici un article sur d’intensément doux et pulpeux « festons baroques praguois » musicaux, qui me seraient demeurés « inaperçus » et inconnus _ hélas ! _ si ne me demeurait, en permanence (cf le liminaire _ et programmatique _ « carnet d’un curieux » qui ouvrait ce blog), un goût puissant de Prague, de ses rues, de ses palais et églises longtemps assoupis _ ou baillonnés ? comme ils avaient pu être, auparavant, « baillonnants » _, de sa (riche, complexe et assez tragique) histoire ; et de ses habitants _ qui se souviennent et/ou sont imprégnés de ce vivant passé, affleurant, partout :

je pense à mon ami Václav Jamek, l’auteur _ en français _ du « Traité des courtes merveilles » (prix Médicis de l’essai en 1989), introducteur (de luxe !) par deux fois (l’hiver 1993 et l’hiver 1994) à la « Prague baroque » _ alors qu’il dirigeait encore la maison d’édition Odéon _, avant de passer par les activités d' »attaché culturel » de la République tchèque, plusieurs années _ de 1995 à 1998 _, Avenue Charles Floquet (dans le 15ème, à l’ombre de la Tour Eiffel…)…;

un goût de Prague,

assorti à un goût du « Baroque »…

Je veux parler de deux très beaux récitals de « baroque praguois », intitulés,

le premier (de pièces religieuses _ dont une « Missa Sancti Adalberti » _ chantées avec choeur et solistes) « Laudate Pueri Dominum _ Music of Piarists in Baroque Bohemia« , par la Capella Regia Praha et les Pueri Gaudentes, dirigés par Robert Hugo, à l’église des « Fiançailles de la Bienheureuse Vierge Marie », à Slaný (CD  Supraphon SU 3946-2) ;

et le second (de pièces d’orgue _ à l’orgue Hans Heinrich Mundt de 1673 à Notre-Dame de Týn, à Prague _ sur la si belle Place de la Vieille-Ville) « Prague _ L’Âge d’or baroque« , par l’organiste Pavel Kohout (CD Hortus 3 487720 000539) :

deux merveilles !..

A « dénicher » pour s’en réjouir sans compter !

Il me faut convenir _ ou confesser ? _ que,

on peut plus personnellement,

mon goût

_ mon idiosyncrasie, fruit sans doute de mon histoire (en partie mittel-européenne) _

se porte à cette douceur baroque austro-hongroise, avec cet accent

_ ni viennois, ni (buda-) pestois, mais praguois _

de « Bohème »

qui séduisit, aussi, rien moins qu’un Mozart

qui aima séjourner à plusieurs reprises à la Villa Bertramka de ses amis František et Jozefa Dušek, à Prague _ sur la colline boisée au-dessus de Smichov _,

et qui composa pour Prague et les praguois quelques unes des œuvres qui portèrent son génie propre à l’incandescence

_ tel le drama giocoso « Don Giovanni« , donné le 29 octobre 1787 au Théâtre Nostitz _ devenu en 1798 (et redevenu aujourd’hui, après s’être appelé « Týl ») « des États » : Stavovské Divadlo ;

et  l‘opera seria « La Clemenza di Tito » ; « La Clémence de Titus » (donné le 6 septembre 1791, lui aussi à ce même Théâtre Nostitz à Prague, à l’occasion du couronnement de l’empereur Léopold II comme roi de Bohème) ;

et lui valurent non seulement le plus intense triomphe, mais aussi la plus chaleureuse affection du public !..

On peut s’en faire une assez intéressante image en retrouvant l' »Amadeus » de Miloš Forman _ en 1984 _ qui nous donne à assister à une représentation à la lumière des chandelles de « Don Giovanni« , pour sa première, au (toujours) très beau Théâtre Nostitz, ce 29 octobre 1787, donc…

Mozart hérite de quelque chose de cette (somptueuse) tradition musicale praguoise _ celle des Johann-Caspar-Ferdinand Fischer, des Jan-Dismas Zelenka

(qui durent accomplir leur carrière de musiciens loin de la Bohème et de Prague)…

Ainsi que de sa ferveur tendre, douce,

et ô combien vive et vivante

_ à mille lieues de la mièvrerie (sucrée) qui peut, parfois, se rencontrer à Vienne…

Prague n’étant pas corsetée par les manières de cour,

les Grands y venait, en leurs palais et villas de Bohème, s’y détendre, lâcher et relâcher…

Une gaîté particulière,

faite, aussi, des hoquets plus ou moins « tendus » _ et c’est un euphémisme _ de toute une Histoire (avec maintes « défenestrations », aussi !), s’y ressentait donc alors

_ et toujours aujourd’hui,

notamment à travers les monuments du « Baroque » :

d’où ce charme unique _ de douceur de violence surmontée _ de Prague

dans l’air qui s’y respire ; et peut inspirer…

Aujourd’hui encore, la musique est ainsi toujours bien vivante à Prague

_ pour peu qu’on quitte les dispositifs proposés aux touristes trop pressés…

Par exemple, dans les Conservatoires formant les artistes,

ou au si remarquable Rudolfinum, et ses concerts presque quotidiens d’une incroyable hauteur de qualité, toujours…

Bref, autour de Johann-Caspar-Ferdinand Fischer

(Krasno u Lokte _ près de Cheb _, en Bohème occidentale, 1656 – Rastatt, en pays de Bade, 1746),

musicien assez génial _ autour des « Goûts réunis » (cf François Couperin, ou Georg Philipp Telemann, entre autres) _ ;

et pas assez enregistré : qu’on se le dise !!! _,

Fischer introducteur

_ avec quelques autres

tels que

les méconnus

parce que pas assez interprétés, eux non plus,

Johann-Sigismund Kusser (Presbourg / Bratislava, 1660 – Dublin, 1727),

Georg Muffat (Megève, en Savoie, 1653 – Passau, en Bavière, 1704),

et Philipp-Heirich Erlebach (Esens, en Frise Orientale, 1657 – Rudolstadt, en Thuringe, 1714) _ ;

Johann-Caspar-Ferdinand Fischer, donc,

introducteur du style « baroque » français

_ appris probablement auprès de Jean-Baptiste Lully à Paris _,

en pays germaniques

_ voilà pour l’Histoire de la musique en Europe _ ;

voici,

en ces deux superbes « bouquets » _ très différents !!! _ de musique baroque praguoise,

un florilège d’œuvres d’une très grande « vive » tendresse :

avec les « Litaniæ Beatæ Mariæ Virginis » et un « Salve Regina » _ ainsi qu’un prélude _ de Johann-Caspar- Ferdinand Fischer,

de Vojtěch Pelikán, 1643 – 1700 : la « Missa Sancti Adalberti » ;

de Johann-Ferdinand Richter, 1687 – 1737, deux Psaumes : un « Dixit  Dominus » et un « Laudate Pueri Dominum » ;

d’Antonín Maschat, 1692- 1747 : un « Jubilate Apparenti Domino » ;

et de Jan Offner, 1720 – 1759 : un « Alma Redemporis Mater« ,

pour les œuvres composées pour les piaristes

_ de l' »Ordre des Clercs Réguliers Pauvres de la Mère de Dieu des Ecoles Pies« , fondé à Rome en 1621 par saint Joseph de Calasanz _

de Slaný

(non loin de Prague : le collège des piaristes de Slaný fut fondé en 1658 par le comte Bernard Ignác Martinic ; et son église « des Fiançailles de la Bienheureuse Vierge Marie« , « mise en chantier en 1674« , ne fut « complètement terminée qu’en 1729 » _ indique le livret du CD Supraphon, page 21) ;

et,

avec un « Aria  avec variations » de Fischer,

de Johann-Kaspar Kerll, 1627 – 1693 : une « Canzona » et une « Passacaille » ;

de Gottlieb Muffat _ fils de Georg _, 1690 – 1770 : un « Aria sub Elevatione » ;

de Josef Seger, 1716 – 1782 : deux « Préludes et Fugues« , deux « Toccatas et Fugues« , une « Fantaisie et Fugue » ainsi qu’une « Fugue » ;

et de Karel Blažej Kopřiva, 1756 – 1785 : une « Fugue » « Supra cognomen Debefe« ,

pour le récital de Pavel Kohout sur l’orgue Mundt de Notre-Dame du Týn, sur la très belle et mondialement célèbre Place de la Vieille-Ville, au cœur du centre historique de Prague…

Les interprétations ne recherchent jamais la virtuosité « pour la performance » des artistes,

tant les instrumentistes

que les chanteurs

_ excellents

(Hana Blažiková, Petra Noskaiová, Hasan El-Dunia, Ondřej Šmíd, Vojtěch Šafarik et Ivo Michl) ;

tant Robert Hugo et ses « troupes »

de la « Capella Regia Praha »

et des « Pueri Gaudentes » _ ils portent bien leur nom (de « réjouissants ») ! _

que Pavel Kohout

sur l’orgue Mundt de 1673 de Notre-Dame de Tyn, à Prague

_ avec « tout le raffinement de sa sonorité

et son remarquable état de conservation (il est presque entièrement d’origine)« ,

indique le livret du CD Hortus page 10 _,

c’est-à-dire sans intervention (chirurgicale) massive à l’époque « romantique », ou après… _ ;

tant Robert Hugo et ses « troupes » que Pavel Kohout, donc,

sont merveilleux de souplesse et de justesse dans le rendu

de la tendresse, mouvante, des œuvres

qu’ils servent là,

avec simplicité et ferveur

_ sans la moindre « hystérisation » des contrastes,

comme cela peut s’entendre

un peu trop souvent

au disque ou au concert _ :

avec douceur et tendresse,

loin de la moindre mièvrerie (statique)…

Et je me laisse aller à penser que

Mozart a dû « percevoir » quelque chose de « cela », à Prague ;

et qu’il arrive encore, à ce « cela », de « parfumer » l' »air du temps »

de cette Bohème-là …

Bref,

des CDs que des curiosités un peu timides ne chercheraient vraisemblablement pas à aller « dénicher »,

parmi (ou en dehors) les bacs des disquaires

_ mais disponibles au rayon « musique » de la librairie Mollat (merci Vincent !) _,

et parmi les ré-éditions des sempiternelles mêmes œuvres « bien connues » (et « bien marquées »)

par des interprètes pas assez audacieux pour sortir davantage des chemins

un peu trop « battus » par les éditions de disques ;

des CDs

que je me permets, donc, de vivement recommander ici

pour partager la joie _ de « vive tendresse » praguoise _ de bien belles musiques…


Titus Curiosus, ce 13 septembre 2008

Art et tourisme à Aix _ et ailleurs (4)

07sept

Enfin, un essai de synthèse de réflexion _ sur « Art et Tourisme » _, après ces diverses impressions de « terrain » sur quelques uns des sites cézanniens d’Aix
ainsi que sur Aix-en-Provence elle-même,
et, en particulier, aussi, la fréquentation à toute heure très importante de l’Office de Tourisme,
à la Rotonde sur laquelle débouche la promenade archi-fréquentée, et belle, du cours Mirabeau…

Aix dispose d’un remarquable patrimoine artistique
architectural
_ pour commencer : celui de cette très, très jolie ville provençale _,

mais aussi avec sa large collection de Musées
_ et pas seulement le très riche et nouvellement splendidement ré-aménagé Musée Granet
(avec sa magnifique exposition rétrospective « François-Marius Granet » ;
après la très importante « Cézanne en Provence« , en 2006 ;
et avant une exposition, pour l’été 2009, « Picasso-Cézanne« ) :
le Musée du Vieil Aix,
le Musée des Tapisseries,
le Musée Paul Arbaud,
les Fondations Vasarely et Saint-John Perse,
etc…


ainsi que son si justement célèbre festival de musique…

Autant d’atouts
qui,
en plus du nom de Cézanne et des sites cézanniens
et de la « figure de proue »
de la montagne Saint-Victoire
dominant la ville ;

qui attirent en permanence des flots de touristes
qui viennent y passer et séjourner,
faisant affluer une importante manne
financière ;
à savoir « gérer »


De fait,
l’Office de Tourisme d’Aix
aide à organiser et répartir
, géographiquement ou urbainement, la demande « touristique » d’Art
de la part de ses visiteurs
de satisfaisante manière pour les demandes variées, forcément _ à commencer en fonction de la durée prévue du séjour (notamment hôtelier) dans la ville _,
des uns
et des autres…


Tels ceux, par exemple, qui se satisfont d’un circuit commenté par haut parleur
en petit train roulant

à travers les ruelles de la vieille ville…

Ou ceux qui ont une demande plus « ciblée » :
mettre leurs pas
dans ceux des mieux connus des aixois,
tels Paul Cézanne ;
ou Émile Zola.

Pour lesquels ont été rédigés _ par Michel Fraisset pour l’Office de Tourisme d’Aix _ d’excellents fascicules, avec plans de la ville,
« Sur les pas de » :

« Sur les pas de Cézanne » ; « Sur les pas de Zola« …

Il se trouve que
désirant connaître les auteurs de l’excellent diaporama du Grand-Salon du « Jas de Bouffan »,
j’ai été acheminé par les très serviables hôtesses de l’Office de Tourisme
vers le bureau de la responsable de la communication,
Bernadette Marchand, qui m’a très gentiment fourni le renseignement (« Gianfranco Iannuzzi », auteur de ce passionnant _ très instructif et très beau _ diaporama) que je désirais obtenir pour rédiger mon article ;

et que, lui signifiant mon haut degré de satisfaction des visites des sites cézanniens,
je lui ai indiqué l’unique point qui m’y avait un peu « gêné » _ le panneau « L’art m’emmerde«  (selon Érik Satie ; et Ben !…)
se balançant à la brise juste à l’entrée de l' »Atelier Cézanne » ; de la responsabilité de Ben, donc ;
ainsi qu’une expo Ben
dans l’appentis adjacent à la bâtisse de l' »Atelier« 
_ ;

il se trouve que
le responsable de l’initiative d’accueillir une expo Ben en ce lieu (de pélerinage cézannien) _ Directeur de l' »Atelier Cézanne », ainsi qu’Adjoint de Direction et Responsable de la Communication
de l’Office de Tourisme _,
Michel Fraisset,
se trouvait présent en ce même bureau de l’Office de Tourisme…


Nous avons donc pu, Michel Fraisset et moi-même, échanger _ très aimablement _ un peu,
là-dessus…


Donner à connaître (si peu que ce soit ; ou, plus encore, donner _ ou alimenter _ le désir de mieux connaître) d’autres artistes
à ceux qui viennent « sur les pas de » Cézanne

_ tel un Jean Amado : passionnant ! cf mon article « Parcours d’Art à Aix _ préambule » _ est excellent ;

mais je ne suis pas certain qu’un Benjamin Vautier, en l’occurrence,
« agisse » dans une catégorie (d’Art) du même ordre (d’authenticité et de valeur
_ objective !)
qu’un Cézanne
;

ce qui pose la question de ce qu’il en est,
depuis Marcel Duchamp
, en 1914,
de l’art dit « contemporain » ;

parmi des impostures…

Sur ce point-là,
je me situerai personnellement
, en tant que « spectateur »-« amateur d’Art »,
plutôt dans la mouvance d’un Jean Clair,
l’auteur exigeant de « Malaise dans les musées » (en septembre 2007)
et « Journal atrabilaire » (en janvier 2006) ; « Lait noir de l’aube » (en mars 2007) ; « Autoportrait au visage absent _ Ecrits sur l’art 1981-2007 » (en mars 2008) :
ainsi que de « La barbarie ordinaire _ Music à Dachau » (en avril 2001)…

Bref,
les mal (ou contre) façons d’Art
agacent

_ un brin _
mon épiderme (de curieux d’Art vrai)

La question _ de fond _ devient alors
comment satisfaire la « demande »
_ qualitativement variée _
de ces divers « clients »…


Je reprends ici, et à la lettre près, le très précis paragraphe intitulé « Les Faits »
_ page 178 de la contribution « Aujourd’hui, l’Atelier Cézanne… » de l’album si riche « Atelier Cézanne » (en 2002, chez Actes-Sud) _
sous la plume de Michel Fraisset :

« Comment l’Atelier Cézanne est-il devenu le musée le plus visité des Bouches-du-Rhône en 1999 et le second en 2000 derrière la Vieille -Charité de Marseille ?
Cette augmentation considérable de la fréquentation
et des recettes engendrées
est bien entendu l’effet
d’actions mises en œuvre dès 1998

_ « l’équipe mise en place par l’Office de Tourisme d’Aix arrive _ à l' »Atelier Cézanne » _ fin 1997 » (page 177) _
et largement développées les années suivantes. »

Michel Fraisset précise alors :
« Ces actions peuvent se regrouper autour de quatre pôles :
La communication, l’animation, la gestion, la commercialisation.
En premier lieu, l’idée même du « musée » au sens traditionnel est abandonnée.
On ne parle plus du
« Musée Atelier Cézanne »,
mais de l’
« Atelier de Cézanne »
,
lieu de mémoire et d’histoire,
mais surtout lieu de convivialité, de partage et d’émotions.
Il n’y a plus de
« conservateur »,
ni de
« gardiens »,
ni de
« droits d’entrée »,
vocabulaire impropre pour un lieu
ce culture ouverte.


Les visiteurs
sont aussi
des clients

_ voilà le point crucial.

Dès lors leur satisfaction
doit être prise en compte.
 »
Fin de ce paragraphe,
page 178 d' »Atelier Cézanne » (publié aux Editions Actes-Sud en 2002 par la « Société Paul Cézanne »).

« Être prise en compte » : mais comment ?
Financièrement ? _ et seulement financièrement ?..

Et les « satisfactions » des uns
« équivalent-elles »
_ par quels circuits ? _ à la « satisfaction » _ ou « insatisfaction » _ des autres ?..

Sur quels critères les évaluer ? Est-ce bien de l’ordre _ quantitatif (et visible) _ du « mesurable » ?…

Comment pèsent ici les diverses _ et peu « homogènes » _ « demandes » :
« demandes d’Art »
et « demandes de Tourisme » ?


La « demande » de ceux qui empruntent le petit train parcourant les ruelles de la Cité aixoise _ un semblable petit train est apparu récemment à Bordeaux _ en écoutant le déroulé
du discours pré-enregistré,
est-elle « équivalente »
à la « demande » de ceux qui se mettent « sur les pas » du créateur Cézanne ?..
Ou du créateur Émile Zola ?..

« Sur les pas » étant le titre même

des remarquables fascicules _ avec plans _ diffusés par l’Office de Tourisme d’Aix, rédigés _ fort pertinemment dans le détail même des renseignement fournis et des localisations données avec beaucoup de précision _ par Michel Fraisset lui-même…

Chacun _ « acteur æsthétique » (cf l’excellent livre de Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique » ; ou le tout aussi nécessaire « Homo spectator » de Marie-José Mondzain) _ peut, bien sûr, en « avoir » « pour sa mise » ; ou « pour son argent »
_ voire pour son désir : même si, là, pour le cas du « désir », c’est considérablement moins facilement,

et encore ! c’est un euphémisme,

calculable et encore moins réalisable « à coup sûr » ;
au contraire, même :

n’est « agréé » et « reçu » _ et au centuple, qui plus est ! _, ici,
que ce qui n’était _ même pas _ demandé !..

prévu, prémédité, imaginé, rêvé !..

Ah! ce qui peut être rêvé sur le seul nom d’une ville !…

Sur cela, lire Proust, la « Recherche« …


La seule précaution à (essayer de) prendre _ pour les metteurs en place des « dispositifs » d’organisation des « visites » _
étant
que ne se gêne (pas trop) la « cohabitation » des uns et des autres
;

et en espérant, même _ peut-être avec l’appoint d’un minimum de « pédagogie », mais pas trop « didactiquement » non plus, qui aurait, cette trop didactique pédagogie, le désastreux effet (de fuite) inverse ! _

que
les « touristes » de passage
deviendront
des « ravis »
d’une véritable « émotion »
(= « æsthétique« ) d’Art ;

et plus de simples consommateurs de « clichés » touristiques

_ de type « on connaît ! on vient, même, pour çà !.. »


En cela,
le « système » des « réservations » à l’Office de Tourisme
constitue un utile sas
_ un commode et précieux « goulot d’étranglement », en amont des « flux » d' »inondation »… _
à l’égard des risques de « bouchons » (de foule)…

J’ai en souvenir, par exemple,
le nombre faramineux d’autobus
affluant (et s’alignanten kyrielles) aux (immenses) parkings du château de Chenonceaux
pour y mener des charters entiers de visiteurs de jusque l’autre côté de la planète ;
quand d’autres lieux (tout aussi beaux et tout proches de Chenonceaux, en Touraine)
sont encore préservés de ces foules « consommatrices » bruyantes _ et assez peu « vraiment curieuses » _,

sur le circuit international

des « tour operators« …


Qui a vraiment « intérêt » à cela ? et à « faire du chiffre » ?..


Ou, encore, à Venise, autre exemple, le contraste entre le secteur, passablement encombré (de touristes), entre la Place Saint-Marc et le Pont du Rialto, d’une part,
et Dorsoduro, si tranquille _ lire le merveilleux livre du dorsodurien Pier Maria Pasinetti (1913-2006) : « De Venise à Venise » (« Dorsoduro » étant le titre original de ce livre, en italien)…

Comment éviter que l’afflux en grand nombre
gâte
la rencontre « personnelle »
_ et singulière : c’est un « acte esthétique », pas si fréquent, jamais « normalisé », ni, a fortiori, « formaté »… _
avec l’œuvre
_ en un Musée, ou en une église _
ou avec le lieu…

Se reporter sur ce point

(de la rencontre-découverte : avec une œuvre ou avec un lieu)

au magnifique premier chapitre ( intitulé « La paix du soir _ au risque d’halluciner« )

aux pages 39 à 66 de « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons,

à Syracuse,

décrivant par le détail ce qu’elle qualifie si justement d’« expérience forte« , indiquant même : « Toute expérience forte est nécessairement datée et localisée : c’était le 29 avril 2005 à Syracuse, à la fin d’une journée intense«  (page 42) ; « j’étais en compagnie d’amis siciliens, tous deux aussi émus que moi par ces hasards objectifs _ l’expression est aussi superbe que magnifiquement juste ! _ : mon collègue _ philosophe _ Giovanni Lombardo, et le jeune Emilio Tafuri » _ car les autres participent pour beaucoup aux rencontres et des lieux, et des œuvres… « Nous cheminions sul longomare, las et heureux. Moins directement heureux peut-être que sensibles à un accord musical inattendu surgi entre le monde et nous : nos sentiments et nos pensées nous semblaient atteindre à l’unisson, malgré des destins séparés. « La paix du soir », ai-je alors murmuré, comme si cette expression m’avait été soufflée. Une douce émotion nous envahit tous les trois. Impossible, semblait-il, de ne pas la reconnaître : elle nous enveloppait et nous absorbait, tissant entre nous un double lien, substantiel et musaïque » (page 43).

Je poursuis ma lecture : « Devait-elle davantage sa force à un état du monde ou au vocable ? Quels rôles fallait-il attribuer respectivement à la perception mondaine _ syracusaine, ici et alors _ et à sa formulation ? Silencieux et retenant notre souffle, nous croyions bien « entendre » la respiration du cosmos, miraculeusement pacifiée : n’était-ce pas le monde qui nous parlait diirectement à travers l’équilibre éphémère du crépuscule, alors que le jour le cédait au soir ? N’entendions-nous pas cette voix de façon quasi endophasique, presque comme une hallucination verbale ? Pourtant quelque chose de nouveau se produisit, dès lors que nous nommâmes « la paix du soir » ; la force poétique du phénomène du monde sembla décupler«  (page 44).

Et l’analyse se poursuit… Page 64, Baldine Saint-Girons pose la question : « L’acte esthétique peut-il se programmer ? » ; et elle y répond positivement : « Programmer des actes esthétiques nous est essentiel » (page 65) ; mais cet art demeure, toutefois, extrêmement subtil : « il suffira _ dit optimistement Baldine Saint-Girons _ de se déprendre de toutes choses _ qui retiennent et alourdissent _, de se faire bohémien, de se mettre en voyage _ combien, partis hors et loin de chez eux, y parviennent « vraiment », réellement ? _ : l’ailleurs s’ouvrira« , pose-t-elle, alors, page 65… Soit un acte d’ouverture à une réceptibilité ;

et à une réception effective, quand celle-ci advient, comme en réponse à quelque demande informulée, forcément, de notre part.

Et elle conclut ce beau chapitre liminaire de « L’Acte esthétique » par ces mots : « La « vraie vie » dont l’absence nous taraude serait-elle à notre portée grâce à l’acte esthétique, qui suppose un sujet tourné vers le dehors et un monde réenchanté ? Plus on y songe, plus on se demande si le véritable savoir, celui qu’il est inutile d’arborer, mais qui aide à vivre, n’est pas le savoir esthétique. « La paix du soir » pourrait s’élever de la sorte au rang de mathème, mais de mathème secret, dont la force opérative ne se révèlerait qu’à celui qui vacille sous l’aiguillon de l’æsthesis«  _ qu’il nous faut apprendre, avec délicatesse, à « recevoir » et « accueillir » : avec la plus pure _ épurée _ simplicité… Voilà tout ce qui peut se préparer _ sur (voire contre) soi _, mais ne se produit certainement pas _ jamais, du côté de la rencontre avec l’altérité _ sur commande… Ni ne s’achète ! par conséquent…

Sans compter que la ville, elle-même, doit demeurer vivante ;
pas rien qu’un « conservatoire de patrimoine »,

(ou une accumulation de boutiques de « marques » interchangeables, hélas, d’une ville à une autre)
pour visiteurs étrangers pressés
consommateurs de « clichés » seulement
parmi lesquels ils « se figurent » « reconnaître » quelque chose d' »attendu », déjà, d’eux, sans jamais rencontrer quelque altérité _ objective, et non pas fantasmée, ou virtuelle _ que ce soit !.. C’est qu’elle pourrait bien les « effrayer », pareille altérité…

Car une ville est tissée aussi, et consubstantiellement, de ses propres habitants…


Soit une question que se pose aussi, pour le devenir de sa ville,

l’excellent maire (et philosophe) de Venise,
Massimo Cacciari (de lui, en français, on peut lire : « Le Dieu qui danse« )…

Des questions pour non seulement
l’Office de Tourisme _ et la Ville _ d’Aix-en-Provence,

mais pour les mairies de villes à important capital patrimonial artistique
_ telle la mairie de Bordeaux ;

à l’heure de la candidature au label de
« capitale européenne de la culture »
pour 2013.

Titus Curiosus, ce 7 septembre 2008

Art et tourisme à Aix _ à la recherche du « Terrain des Peintres » (3)

05sept

Toutefois,
avant cette réflexion de synthèse,
sur « Art et tourisme à Aix »
_ et la « mise en tourisme » des « sites cézanniens » d’Aix,

un petit détour
sur ma « recherche »
du « Terrain des Peintres »
sur la colline des Lauves,
au-dessus de l' »Atelier de Cézanne« 

le 21 juillet dernier…

La visite du « Jas de Bouffan » m’avait littéralement « enchanté » :
d’abord, la bâtisse _ ou « bastide » (du XVIIIème siècle) : splendide _ déjà, par elle-même, est magnifique ;

et le domaine,
du moins ce qui en demeure
_ contre les constructions et l’autoroute péri-urbaine qui assaillent et ont déjà considérablement « rogné » ses « terrains » _
est comme miraculeusement « intact », « conservé », « protégé »
_ telle quelque « oasis »
luxuriante, fraîche, « ravissante »
au milieu d’un désert
(de modernité pas aussi belle) « qui croît »…
..
Dès le portail d’entrée du domaine,
et passé l’enclos (de protection),
s’ouvre la perspective de la maison,
en son ordonnance classique tranquille
,
servie
_ pour le regard du visiteur s’avançant _
par la perspective du triangle (s’ouvrant, à mesure des pas) du gazon, entre la (récente) allée rectiligne de peupliers qui s’élargit vers la maison : magnifique.

En cet espace d’accueil,
les œuvres temporairement exposées
_ et triangulairement, elles aussi _
de Jean Amado,
sont « comme à leur place »
_ comme en ce qu’Aristote nomme un (et leur) « lieu naturel« …
La paix du lieu, la fraîcheur du matin déjà tranquillement entamé, vers 10 heures,
le peu de monde
_ un couple seulement est déjà là
(et nous avons trois-quart d’heure d’avance sur le moment de la visite _ fixé par la « réservation ») _ :

tout concourt à une fête de « rencontrer » quelque chose de Cézanne présent
_ toujours peut-être (à qui le « perçoit ») _
en ce lieu…


Et de fait, le Grand Salon (du « Jas »)
qui fut déjà le premier immense atelier de Paul Cézanne
_ avant l’aménagement _ au second étage _ de l’atelier à la haute verrière
(en partie supprimée depuis : comme en témoigne une photo ancienne) _ ;

le Grand-Salon désaffecté de cet ancien usage sien _ d’accueil, réception, séjour _ du temps des Cézanne,
étant alors _ seulement _  un entrepôt de fruits (des vergers),

est émouvant dans son délabrement ;

« aggravé » encore
par le fait que lui ont été ôtées, décollées, arrachées, les peintures que Paul Cézanne y avaient apposées, déposées,

avec l’autorisation, sans doute arrachée elle-même, et non sans quelque lutte, à son banquier (ayant spectaculairement « réussi », lui…) de père…

Le lieu encore désaffecté ainsi
(et même _ ou surtout _ « dépouillé » des « œuvres » du jeune et maladroit _ et « couillard« , selon sa propre expression _ Paul Cézanne)
émeut profondément :

nous sommes invités à pénétrer non pas en un Grand Salon d’apparat,
mais en une sorte de « remise » (ou grenier) littéralement « désaffectée »…

A cet égard,
les images _ accompagnée d’une musique prenante, qui leur convient excellemment _ du diaporama de Gianfranco Iannuzzi
font (re-) vivre, en leur mobilité _ et leur propre « disparition » _ le « génie » mouvant de celui
qui y exerça son activité tâtonnante et fébrile
de créateur _ de peinture, de couleurs vives…


Puis,
le grand jardin _ ou « parc » _ derrière ;
la marre rectangulaire au lion et dauphin de pierre ;
et l’allée de marronniers :
Cézanne est à 1000%
là pour nous…


A l' »atelier gris«  _ ainsi que le nomme Vincent Bioulès _ du chemin des Lauves,
Cézanne est aussi encore présent ;

avec ses vêtements, suspendus à des patères,
ses instruments (de peinture),
ses « motifs » de natures mortes
_ que Marcel Provence
a scrupuleusement « conservés », (r-) ajoutés, mis en scène ;
puis John Rewald et James Lord (et le « Cézanne Mémorial Committee« , en 1954) ;
et Marianne Bourges (« de 1965 à 1996« )…

Le lieu a quelque chose, en effet d’un « sanctuaire« 
_ selon l’expression choisie de Bruno Ely,
intitulant (page 152) sa troisième très précise (et par là très précieuse) intervention _ pages 152 à 165 d' »Atelier Cézanne » (d’Actes-Sud, en 2002) _
concernant la période 1951 (« Mort de Marcel Provence » et « Achat de l’atelier 1951-1954« )
– 1969 (« De l’Université à la Ville d’Aix : 1954-1969« ) :
« Du sanctuaire
au tourisme culturel
« …


Même encore pour nous, visiteurs aujourd’hui, en 2008…

Et on peut comprendre par là la tentation malicieuse
d’un Ben
(« l’art m’emmerde« …)
sous l’autorité _ cependant ! _ de la signature _ ah ! mais… _ d’un « Érik Satie« …

De fait, les visiteurs
_ même en petit nombre (du fait de l' »écrémage » sévère de la « réservation ») _ ;

de fait, les visiteurs
tournant en rond, telles des mouches devant une vitre,
face à ce bric-à-brac (hagiographique) sur lequel ils ne cessent de faire « circuler » leur regard,
de l’un à l’autre objet, puis au suivant,
forment un dispositif de « visite » un peu agaçant et frustrant…

Aussi,
sortir de l’atelier,
et partir
à la recherche des lieux _ un peu plus en hauteur sur la colline _ sur lesquels Cézanne plantait son chevalet face au « motif » de la Sainte-Victoire
est séduisant
:
le dépliant de l’Office de tourisme « Sur les pas de Cézanne » indique
sur un plan baptisé « Les Paysages de Cézanne »
cette mention-ci : « Les Lauves » : « Terrain des peintres« ,
« à deux kilomètres » (de l' »Atelier de Cézanne »)
_ une citation d’Emile Bernard, de février 1904, le formule même, aussi, en toutes lettres :

Sainte-Victoire Pins

« C’était à deux kilomètres de l’atelier en vue d’une vallée, au pied de Sainte-Victoire,
montagne hardie
qu’il ne cessait de peindre à l’eau et à l’huile
(sic),
et qui le remplissait d’admiration« …

Le dépliant rédigé par Michel Fraisset lui-même commente cette expression
(« En février 1904, Emile Bernard accompagne Cézanne « sur le motif » « )
je cite :

« Cézanne s’installe face à la montagne avec son chevalet _ il fallait le transporter _
sa boîte à peinture, sa palette et ses pinceaux.
Il se protège du regard des indiscrets à l’abri d’ombrelles de paysagistes
« …

« A quelques mètres de là, il peint le cabanon de Jourdan« .

Qui ne sait que
« le 15 octobre 1906,
un orage éclate. Cézanne reste plusieurs heures à peindre sous la pluie. Une syncope le foudroie
 » ?..
ainsi que l’énonce (et rappelle) ici Michel Fraisset…

Qui cite encore ceci :
« On l’a ramené rue Boulegon _ son dernier domicile, au numéro 23 _ sur une charrette de blanchisseur
et deux hommes ont dû le monter dans son lit.
Le lendemain, dès le grand matin

_ fidèle à son habitude : vers les quatre heures du matin !!! _,
il est allé au jardin de l’atelier des Lauves travailler à un portrait de Vallier _ son jardinier _ sous le tilleul.
Il est revenu mourant
« …
Fin de la citation par Michel Fraisset ; qui poursuit :
« Cézanne voulait mourir en peignant.
Il s’éteint une semaine plus tard, dans la nuit du 22 au 23 octobre 1906 _  « le décès est enregistré à 7 heures du matin« , est-il précisé en commentaire de l’adresse du 23 rue Boulegon _, des suites d’une pleurésie. »

Avec cet ultime paragraphe de Michel Fraisset
en précision en quelque sorte du titre (du dépliant _ remarquable !!! autant qu’utile) « Sainte-Victoire vue des Lauves » :

« Dans le cadre de sa politique de mise en valeur des sites cézanniens,
la Ville d’Aix-en-Provence a procédé à l’aménagement du
« terrain des peintres »,
aujourd’hui inscrit dans le périmètre du Domaine de la Marguerite.


Face à la  montagne qui, depuis ce panorama, devient
_ en effet
(cf l’œuvre « Le doute et la pierre » de Jean Amado
_ qui était cet été exposée, splendidement, sur le parterre d’entrée du « Jas de Bouffan » ;
et pourrait y demeurer !..) _ ;

Sainte-Victoire Cézanne

face à la  montagne qui, depuis ce panorama, devient
figure de proue,
10 panneaux reproduisent les principales
« Montagne Sainte-Victoire » peintes par Cézanne
depuis le chemin de Marguerite.
« 


Pour ma part,
j’ai suivi avec un immense profit (de joie !),
ce lundi 21 juillet autour de 15 heures,
le chemin de la Marguerite
_ jusqu’au petit square aménagé en bordure d’une route passagère, vers l‘oppidum d’Entremont, et juste avant l’autoroute _,
avec une série de très belles « vues » sur la montagne ;

Sainte-Victoire Trois Arbres

j’ai même félicité une dame sortant de sa villa pour le spectacle permanent dont elle bénéficiait de sa demeure ;

mais je n’ai pas découvert ce lieu « aménagé » (= le-dit « Terrain des Peintres« …) ;

faute d’indications assez précises ;
tant sur le terrain lui-même
(et d’abord, bien sûr !
en dépit de quelques « panneaux », mais insuffisants…) ;
que sur les divers plans disponibles à l’Office de Tourisme d’Aix…

Ici, chez moi, et maintenant,
à tête reposée (et sans urgence) ;
en re-« cherchant » mieux,
je découvre un « numéro 5« 
faisant suite, mais sans commentaire, lui (!)
aux numéros « 1 » (« Musée Granet« ),
« 2 » (« les carrières de Bibémus« ),
« 3 » (« le Jas de Bouffan« ),
et « 4 » (« l’Atelier de Cézanne« , ou « Atelier des Lauves« ) ;

légendé seulement, ce « numéro 5 »
(en un encadré sur la gauche d’un plan général d’Aix
sur le dépliant « Plan Guide _ Aix-en-Provence _ Source d’inspiration » ;
et non pas sur le dépliant ( » Sur les pas de Cézanne« )
;

légendé seulement
« Terrain des Peintres« 
en un emplacement situé entre les Avenues Paul Cézanne, à l’est, Léo Lagrange, au nord, Philippe Solari, à l’ouest,
et la traverse des Capucins
, au sud

En revanche,
j’ai pu, ce 21 juillet-là,
guidé par des panneaux indicateurs, sur la route,
suivre le chemin de la Marguerite ;
m’ y abreuver à une fontaine ;
et croiser d’autres admirateurs de Cézanne,
dont plusieurs japonais et anglais, à la recherche de ce

à quoi se mesurait, pinceau à la main, l’œil de Cézanne…

La prochaine fois,
je me repérerai mieux ;
et

découvrant ces « 10 panneaux
reproduisent les principales
« Montagne Sainte-Victoire » peintes par Cézanne
depuis le chemin de Marguerite
« ,

je pourrai me confronter au « motif »
tel que Cézanne passionnément
s’y confrontait
en ses ultimes années de vie « pour la peinture » (1902-1906)…

Voilà pour cette étape _ sur le chemin de la Marguerite,
et tout près du « Domaine de la Marguerite« , pas encore assez bien indiqué… _ ;

et avant ma synthèse sur « Art et Tourisme à Aix » _ et ailleurs…
J’y viens…


Titus Curiosus, ce 5 septembre 2008

Photographies : Sans Titre, © Bernard Plossu

Art et tourisme à Aix _ la « mise en tourisme » des sites cézanniens (2)

02sept

Et maintenant, le récit de ma seconde visite aux sites de « création » cézanniens à Aix : celle de l’atelier du chemin des Lauves ;

en commençant par ce que je découvre sur le seuil de ce « dernier atelier » de Paul Cézanne ;
ce qui peut se voir dans le jardin ;
ainsi que ce que recèle
, ce mois de juillet-ci, le petit appentis adjacent au bâtiment _ sur deux niveaux _ de l’atelier (« de Cézanne ») lui-même…

avant la découverte de l’atelier en tant que tel,
à la très grande verrière ouverte sur le ciel…

En effet, la « réservation »
_ prise, le matin, à l’Office de Tourisme de la Rotonde _
prévoit que la visite
_ de l’atelier proprement dit, qui occupe, à l’exception de l’arrivée de l’escalier, tout l’étage _
commencera à 13h 30 :
les visiteurs _ il est 13h 20 _ patientent donc sur la petite terrasse bien ombragée devant l’entrée,
qui, assis sur des chaises devant quelques tables de jardin _ en train de « rédiger » quelques cartes postales, ou de se restaurer d’un sandwich ou de fruits _,
qui, assis sur la petite murette surplombant la partie (très arborée) du jardin qui s’étend en contrebas, vers le canal du Verdon qui longe _ toujours _
la propriété, un peu plus bas…
A l’ombre, les visiteurs récupèrent un peu de leur montée de la colline sous le soleil…

Juste devant la porte d’entrée du rez-de-chaussée du (petit) bâtiment,
se balance _ à la légère brise _ un panneau de plexiglas avec l’inscription :
« L’art m’emmerde » « Érik Satie« …
Tiens, tiens !!!

Je découvre alors qu’à l’appentis attenant, sur la gauche, au bâtiment de l’atelier lui-même,
« se tient » une exposition Ben
_ dont se reconnaît le graphisme
qui lui sert, en effet, de marque d’identification _ ou d’ersatz de « logo » ;
et ça marche, la preuve !.. Esse est percipi… _ visibilité, audibilité : le B-A BA de la « com » (audio-visuelle)…

Et, en parcourant la terrasse et ses environs immédiats,
je découvre bientôt d’autres panneaux en plexiglas se balançant légèrement, eux aussi, à la  brise,
dont celui-ci, toujours signé « Érik Satie » : « Si je rate, tant pis !.. C’est que j’avais rien dans le ventre !..«  (sic)…

Cela m’évoque le mot de Beckett, « tout frais » rapporté
_ juste d’hier, en mon petit voyage marseillais _,
en son atelier _ lui aussi !!! _, par Patrick Sainton _ me présentant son travail pictural personnel :
« Rater mieux« …

Une formule (oxymorique) autrement élégante
_ que celle de Satie (et de Ben Vautier…) _,
chez ce virtuose (Samuel Beckett) des formules elliptiques :
« Bon qu’à çà… »
avait été, en effet, sa fulgurante _ mémorable _ réponse
à l’enquête de Jean-François Fogel et Daniel Rondeau
pour un « supplément » _ qui a fait date _ au quotidien Libération :
« Pourquoi écrivez-vous ?« , en 1985…

Bref, « le style, c’est l’homme même« , retient-on de Buffon : celui de Ben,
et celui de Satie,
est assurément distinct
de celui de Beckett
et de Patrick Sainton ;
ainsi, à mon appréciation, que de celui de
Cézanne…

Bref, je préfère, à titre d' »exposition-animation » complémentaire à la visite _ attractive à Aix : un must ! _ de l’atelier de Cézanne, les pièces sculpturales de Jean Amado
réunies ici encore, dans le jardin de l' »Atelier Cézanne », comme à l’entrée de la bastide du « Jas de Bouffan »,
en un « Parcours d’Art » (selon une « idée » d’Alain Paire) :
« La Bogue« , « Le Manège« , « La Mama« , « Le Gardien« , « Le Château d’ocre« , « Vaugeisha« …

bref, je préfère les sereines _ et idiosyncrasiques _ pièces (de sculpture) de Jean Amado à ces provocations _ « conceptuelles » » ? _ de potache
de l’initiative du sieur Benjamin Vautier,
afin de « casser »
ce que pourrait avoir d' »hagiographique »
un « pélerinage » (« culturel » !), cézannien,
ici,
comme il put y avoir un « pélerinage wagnérien »
à Bayreuth _ cf Albert Lavignac : « Le Voyage artistique à Bayreuth« , publié en 1897 à la Librairie Delagrave…

A 13h30, les visiteurs gravissent le petit escalier conduisant à l’atelier proprement dit
occupant
presque tout l’étage.

L’atelier _ « un lieu de vérité« , intitule superbement Bruno Ely sa première très riche contribution (pages 26 à 41) _ est constitué d’une vaste pièce _ « de 8 mètres de long, 7 mètres de large et son plafond sur corniche se trouve à 4,50 mètres de haut » (page 36) _ aux murs « gris clair«  _ selon Marcel Provence ; ou « un gris neutre, indique Gerstle Mack » (toujours page 36) _
qu’inonde de lumière (et de ciel _ et du vert de l’olivette « presque de plain-pied » ; surtout depuis que les oliviers ont pris de l’ampleur : « certes taillée et entretenue, mais qui ne pouvait qu’avoir une incidence sur la lumière« ) une immense verrière _ de « 5 mètres de long sur 3 mètres de haut » (toujours page 36) _ ;
avec, à l’extrémité « droite de celle-ci« , une très haute fente : « une fente verticale, protégée par un portillon blindé, ménagée dans l’épaisseur du mur, permettait de passer les toiles de grands formats comme les « Grandes Baigneuses »… » (page 36) _ cf aussi l’article de Joseph J. Rishel « Verrière et fente à l’Atelier« , pages 70 à 73 de ce même album (du centenaire : 1902-2002) « Atelier Cézanne« , édité par la Société Paul Cézanne et Actes-Sud, en 2002 _ ;

fente
destinée
, donc, à laisser passer au dehors les toiles de très grand format
_ « monumentales« 
: 127,2 x 196,1 cm pour la toile de la National Gallery de Londres, par exemple _ qu’étaient les différentes « Grandes Baigneuses » de Cézanne :
« trois peintures tardives ont nécessité un tel aménagement pour leur permettre entrée et sortie de l’atelier sans qu’il fut nécessaire de les détacher de leur châssis et de les rouler » (page 72) ;

et qui « se trouvent respectivement maintenant à Philadelphie (NR 857),
à la collection Barnes de Marion (NR 856), Pennsylvanie ;
et à la National Gallery de Londres (NR 855)
 » : trois sommets de l’œuvre cézannien…


Joseph J. Rishel en conclut :
« Voilà au moins une référence datée (septembre 1902
_ achèvement de la construction de l’atelier du chemin des Lauves)
permettant d’attester qu’en s’installant à l’atelier des Lauves, le peintre planifiait les grandes œuvres
que dorénavant nous connaissons.
Peut-être avait-il déjà engagé un tel travail :
ne pouvant le poursuivre nulle part

_ pas à l’atelier, plus exigü, de la rue Boulegon _,
il envisagea l’atelier _ du chemin des Lauves _ avec cette fente pour un projet monumental. »

Quant à Philip Conisbee,
au chapitre « L’Atelier des Lauves »
du si beau _ et indispensable à tout « cézannien » ! _ « Cézanne en Provence« 
(livre _ publié par la RMN _
et expo : à la National Gallery de Washington, du 29 janvier au 9 mai ; et au Musée Granet d’Aix-en-Provence, du 9 juin au 17 septembre) de 2006 _
réalisé par Philip Conisbee et Denis Coutagne,

il précise et résume magnifiquement ainsi _ page 259 _ le développement _ pages 252 à 259 _ qu’il vient de consacrer à ces « Grandes Baigneuses » :

« « Les Grandes Baigneuses » sont les plus importantes œuvres provençales de Cézanne,
en raison des souvenirs, des émotions et des désirs qu’elles impliquent

_ voilà qui,
sans entrer dans quelque chose comme des implications (et arcanes) psychanalytiques,
mériterait certainement un commentaire (et une recherche) plus fouillé(s)… _,

peintes comme elles l’ont été dans l’atelier spécialement construit pour elles sur son sol natal.

Elles furent ce dont il rêvait,
une fusion harmonieuse d’un désir érotique incarné dans les figures humaines d’imagination
_ et non d’après modèles (nus) vivants… _ peintes de façon luxuriante
et placées dans un paysage présent et senti

_ dans une lumière doublement radieuse ! si je puis me permettre d’ajouter…

Ces peintures pleines de lumière
_ c’est même un euphémisme ; la lumière venant aussi de l’artiste lui-même, et pas seulement du ciel d’Aix ! _,
montrent comment Cézanne assimilait les leçons apprises alors
_ c’est-à-dire tout au long d' »une vie » (de soixante-trois ans en 1902),
elle aussi (telle la vie de Granet), cher Denis Coutagne,
« une vie pour la peinture« … _ ;

comment Cézanne assimilait les leçons apprises alors
d’après nature

_ le point est, lui aussi, crucial ! _,
par exemple durant ses visites au bord de l’Arc,
où il saisit l’éclat d’un reflet lumineux dans une aquarelle telle que
« Le Pont des Trois Sautets » (cat. 130 _ page 276 de l’album : dépourvue de personnages ; ni baigneuses, ni baigneurs…),
pour l’adapter à une rayonnante aquarelle représentant des nus jouant,
« Baigneurs sous un pont » (cat. 131 _ page 277, en vis-à-vis : le titre étant, alors, « Baigneuses sous un pont« ).

L’impression ouverte et aérée des « Grandes Baigneuses » de Philadelphie (fig. 13) _ poursuit Philip Conibee page 259 _,
avec son
_ = du tableau _ lumineux ciel bleu pâle,
doit sans doute beaucoup aussi

_ et voilà le point qui concerne notre atelier,
sa (grande) verrière et sa (haute) fente ! _

à la possibilité qu’avait le peintre de le _ = ce tableau ! _ faire entrer et sortir de l’atelier,
au point qu’on pourrait dire qu’elle
_ = cette œuvre-ci _ réconcilie parfaitement ses activités _ = de l’artiste peignant _ dans l’atelier avec celles _ toujours peignant _ de plein air,

son imagination et son expérience
_ « expérience » tout uniment d’homme et d’artiste, si intimement mêlés et tissés, l’homme et l’artiste, en cette vie si riche d’attention (« æsthétique », dirais-je, un peu pléonastiquement),
par les œuvres, par les pinceaux s’exerçant par « application » des touches de couleur sur la toile _ ;

son imagination et son expérience _ donc _ de la lumière dans la nature«  (page 259).

Pénétrer ainsi dans l’atelier « gris » _ cf Vincent Bioulès « L’Atelier gris de Cézanne » _
permettant _ au visiteur de l’atelier du chemin des Lauves _ de s’en rendre (si peu que ce soit) compte, d’une irremplaçable _ et mémorable, du moins je le suppose _ façon…

Tel me paraît être ici le « véritable » enjeu _ en un tel « lieu de vérité« , pour reprendre le si juste titre donné à la première (des pages 26 à 41) de ses trois contributions par Bruno Ely… _ d’un juste regard æsthétique, pour qui passe en un tel site…


Alors, comment s’est déroulée cette seconde _ après celle du « Jas de Bouffan » : la chronologie cézannienne étant même respectée _ ;
cette seconde « visite » ?

Au lieu du diaporama passionnant (et accompagné d’une très belle musique) de Gianfranco Iannuzzi,
et des interventions vivantes de la guide-conférencière Christiane,
deux jeunes filles
_ qui « surveillent » aussi ce lieu, dans lequel Marcel Provence a « religieusement  » « conservé » ce qui demeurait là de Cézanne
(après le décès de celui-ci, le 23 octobre 1906
et l’achat, en 1921, de l’atelier qui lui fut cédé par le fils unique du peintre, Jean-Pierre Cézanne ;
et une fois récupéré par la famille le plus précieux des œuvres et des objets personnels de Paul Cézanne) ;

quand, en 1921, Marcel Provence obtint de « veiller » _ sa vie durant (1892 – 1951) : ce qui fera trente ans _ au souvenir de ce génie aixois, si mal reconnu jusque là par les concitoyens de sa ville ;

deux sympathiques jeunes filles, donc, proposent de « répondre » à vos éventuelles questions,
en vous laissant le soin de regarder vous-même

tout seul

le bric-à-brac conservé et/ou accumulé ici,
qui peut vous « parler » de ce que « faisait » (= « créait ») ici même le peintre ;

pour peu que vous vous penchiez sur lui, ce bric-à-brac d’objets divers, et l’interrogiez  _ sinon, il demeure(ra) muet…

De fait, les amoureux de Cézanne « re-connaîtront » maint ustensile peint par le « maître »,
à commencer par le petit « Amour » de plâtre qui a pu être dit « de Puget« 
_ ce géant baroque marseillais (Pierre Puget : 1620 – 1694
cf l‘expo rétrospective de Marseille, au Centre de la Vieille Charité et au Musée des Beaux-Arts, en 1994-1995 : « Pierre Puget, peintre, sculpteur, architecte _ 1620-1694« , publié à la RMN) _ ;

« l’Amour en plâtre plusieurs fois peint par Cézanne, particulièrement vers 1895« ,
précise à propos de cet « Amour » Bruno Ely, page 106,
en sa seconde remarquable contribution, elle aussi, « L’Atelier au temps de Marcel Provence » (pages 78 à 117 de l' »Atelier Cézanne« )
_ cf par exemple « L’Amour en plâtre » (conservé à Londres, au Courtauld Institute), page 107,
ou « L’Amour en plâtre » (conservé au Nationalmuseum de Stockholm), NR 782, page 140 de l’album de l’expo de 2006, « Cézanne en Provence« …

« ce plâtre d’après Duquesnoy avait été attribué à Pierre Puget _ précise encore Bruno Ely, page 106 _ dont Gasquet fait dire à Cézanne : « il y a du mistral _ plutôt, me semble-t-il qu’avec une majuscule : « Mistral » !.. _ dans Puget »… » Et « le moulage de l’atelier est signé « François » _ le prénom de Duquesnoy (1597-1643) _ sur le socle » (toujours page 106 de l' »Atelier Cézanne« ).

Il n’empêche…
le regard se perd un peu
dans ce vénérable bric-à-bac cézannien _ peu ou prou _ ;

faute d’assez de « focalisation »
de notre part de « regardeur »-spectateur ;
pas assez « actif » ici
;

alors que nous aidaient à le devenir _ « regardeur-spectateur » en acte (et « en actes » ; les deux …) _
et le brillant, détaillé et judicieux diaporama (de Gianfranco Iannuzzi),
et les échanges vivants avec la guide conférencière (Christiane)
effectuant, par sa parole mobilisée, un riche mouvement de va-et-vient
entre les éléments physiquement présents du site
(du « Jas de Bouffan »)
et les œuvres de Cézanne élaborées ici même, en leur temps
;
dont la guide-conférencière recherchait, manuellement,
en tournant les pages de son cahier d’œuvres du maître ;
et nous montrait alors, les images

à regarder d’autant mieux…

Artisanalement,
et au rebours d’un produit « tout-fait » _ « packaged » _ se « déroulant » mécaniquement…

Il ne faut pas que tout soit trop « fini » _ cf le mot de Flaubert : « la bêtise, c’est de conclure » ;

et l’Art, nous en préserve, mieux que bien des « savoirs » trop _ faussement _ certains (= « arrêtés »), eux…


L’important, pour le voyageur-visiteur _ qui y passe, « itérativement », un minimum de temps _ est de passer
de la passivité consumériste
(mécanique _ comme sur des roulettes ou des tapis roulants : ce qu’offrent les technologies « automatisées » d’aujourd’hui ; quand il suffit de se brancher sur le disque ou le film, qui se déroule au rythme pré-programmé, c’est-à-dire sans nous…) ;
à l’activité (de son esprit, sollicité, et mobilisé, lui) ;

afin de (re-)prendre en quelque sorte, à son tour, le chemin
de l’œil _ face au motif _
et de la main _ face à la toile _
de l’artiste créant…


Comme ac-compagnant, alors, au présent de son « at-tention »

_ et si possible « intensive », « intensément » _

le « génie » _ tâtonnant _ du créateur que, lui-même, plus ou moins fébrilement, alors « cherchait »
en sa gestique
(assez cahotante et risquée :
Cézanne est connu pour avoir lacéré des toiles : à Bibémus, par exemple…) ;


cela nous renvoyant, encore une fois, à nouveau,
aux problématiques æsthétiques
de « L’Acte esthétique » selon Baldine Saint-Girons ;
et de l' »Homo spectator« selon Marie-José Mondzain…

Après ces deux _ petites _ analyses d' »impressions »
de deux visites de sites de création cézanniennes à Aix
, ce 21 juillet-ci, en l’occurrence,

il me reste à mener
_ en un 3ème et dernier volet de cet article _
une réflexion (de conclusion) un peu plus synthétique
et générale _ voire universelle _
sur Art et Tourisme
aujourd’hui…

Et qui pourrait « intéresser » les villes
_ dont Bordeaux et Marseille
(« avec » le pays d’Aix ;
ainsi que Toulouse et Lyon) _
encore en lice
pour le « label » de « capitale européenne de la culture » en 2013


Titus Curiosus, ce 2 septembre 2008

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