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Le paradoxe du CD « Reflet » (Berlioz – Duparc – Koechlin – Debussy – Ravel – Britten) de Sandrine Piau : l’envoûtement d’un irrésistible art du chant, et non sans défaut, quasi à la lisière de l’abstrait…

08fév

Oui,

c’est bien un très étonnant paradoxe que cet étrange hiatus, sur lequel nous passons, entre une prononciation du texte  parfois encore déficiente _ cf cet hélas bien significatif article « À La-Chaux-de-Fonds, le lutrin de Sandrine Piau et le brio de Jean-François Verdier«  de Jacques Schmitt en date du 27 novembre 2022 sur le site de ResMusica, rendant compte d’un concert à La-Chaux-de-Fonds ; ou encore mon article « «  en date du 31 juillet 2019, à propos du CD Alpha 445 « Si j’ai aimé« , enregistré en mars 2018 à Metz… _ de la part de la chanteuse _ des consonnes trop souvent savonnées, ainsi que quelques aigus à la limite du supportable… _,  et la pénétrante séduction, absolument envoûtante, voilà !, de cette entente parfaite entre ce timbre d’or, somptueux, de la voix de miel de Sandrine Piau, et un orchestre Victor Hugo _ du nom du poète né à Besançon, « ce siècle avait deux ans » _, lui aussi d’une soie somptueuse infiniment délicate sous la baguette idéalement idoine de son chef, le parfait Jean-François Verdier _ à un degré tout simplement prodigieux !.. _, qui marque le passionnant nouveau CD « Reflet » Alpha 1019, d’une sidérante Sandrine Piau et d’un admirable Orchestre Victor Hugo sous la baguette de son excellent chef Jean François Verdier,

soit le CD Alpha 1019

_ dont voici, en forme de brève mise en bouche, une vidéo (de 3′ 08) du « Clair de lune«  de Claude Debussy…

Et cela,

tout spécialement dans les mélodies trop mal connues encore de Charles Koechlin, « Pleine eau« , « Aux temps des Fées » _ écoutez comme c’est beau (3′ 03)… _ et « Épiphanie« , et les mélodies françaises, méconnues elles aussi, d’un Benjamin Britten de tout juste 14 ans : « Nuits de juin« , « Sagesse » _ découvrez ! (3′ 07)… _, « L’Enfance » et « Chanson d’automne » _ et aussi ceci (1′ 54)… _,

comme, et surtout, dans ces irrésistibles et inégalables sommets, voilà !,  que sont les « 3 poèmes de Stéphane Mallarmé » du décidément génialissime Maurice Ravel,

à se pamer de bonheur ici :

« Soupir » (4′ 02), « Placet futile » (4′ 16) et « Surgi de la croupe et du bond » (3′ 03)

Comme si Sandrine Piau pouvait se permettre l’enchantement de seulement fredonner, jusqu’à la douce ivresse, les paroles…

Quel art _ quasi à la lisière de l’abstrait, dirais-je... _ du timbre et de la voix !!!

Ce jeudi 8 février 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le musicalissime Berlioz de John Nelson avec Joyce DiDonato et Cyrille Dubois dans « Romeo et Juliette » et « Cléopatre » : une confirmation…

18mai

Et une nouvelle confirmation d’appréciation d’un de mes précédents articles, après, hier, la confirmation de mon « Cyrille Dubois, ténor, décidément parfait…« , par l’excellent article de ResMusica « Cyrille Dubois, ou les charmes du ténor de grâce« , sous la signature de Catherine Scholler,

avec cet excellent article-ci, à nouveau sur le site de ResMusica, et cette fois sous la signature de Jean-Christophe Le Toquin, « Roméo et Juliette, symphonie vraiment dramatique, avec John Nelson« , en date d’avant-hier 16 mai,

comme confirmation dee mon article du samedi 15 avril dernier, intitulé « « …

Voici donc cet article d’avant-hier sur ce très marquant CD double de John Nelson, comportant aussi la sublime « Cléopatre » de Berlioz, avec Joyce DiDonato :

Roméo et Juliette, symphonie vraiment dramatique avec John Nelson

John Nelson poursuit son cycle Berlioz pour Erato avec Roméo et Juliette. De cette « symphonie dramatique » visionnaire, le chef et ses musiciens en osmose résolvent l’équation de la musique pure et du drame. La cantate Cléopâtre s’inscrit dans cet élan et est élevée en condensé prémonitoire des Troyens.

Ne craignons pas _ du tout ! _ de le dire, cet enregistrement, qui combine prises en concert et sans public dans la Salle Erasme de Strasbourg en juin dernier, est une réussite _ absolument _ majeure. Certes les attentes étaient fortes au vu de l’affiche, avec les mêmes chef, chœurs et orchestre que pour les Troyens (Clef d’Or ResMusica) unanimement _ et à fort juste titre !!! _ célébrés. Mais le succès n’était pas acquis, car la Damnation de Faust qui avait suivi (Erato) était _ un peu _ moins convaincante. Ici, Nelson retrouve les sommets de la discographie _ oui. Pas tant _ mais si : aussi ! _ en raison des qualités des interprètes _ vraiment superlatifs, transcendés, eux aussi _ , que de ce qu’accomplit _ sublimement le chef _ John Nelson avec eux. Fort de son expérience de l’opéra berliozien – il est le seul chef à avoir pleinement rendu justice _ oui ! _ aux Troyens, à Benvenuto Cellini et à Beatrice et Benedict (les enregistrements de Colin Davis dans ces deux derniers ouvrages cèdent le pas sur ceux de Nelson) – son Roméo et Juliette et sa Cléopâtre réalisent le rêve visionnaire de Hector Berlioz de fusionner musique et théâtre _ oui _, pureté symphonique et incarnation dramatique _ c’est on ne peut plus juste que de le souligner ainsi.

Revenons à la forme de l’œuvre imaginée par Berlioz : Roméo et Juliette est une « symphonie dramatique », autrement dit, explique-t-il, une « symphonie avec chœurs ». Non un « opéra de concert », ni une cantate. Et c’est bien ainsi que les plus grands chefs l’ont interprétée, Charles Munch le flamboyant (avec Boston, RCA), Colin Davis le brillant (préférer la version Philips avec le London Philharmonic Orchestra), Seiji Ozawa l’équilibré (Boston encore, DG). Tous ils dirigent une symphonie. Dans l’histoire de l’interprétation, Michael Tilson Thomas avait à notre sens marqué une inflexion notable en faisant de l’œuvre une précurseuse de West Side Story (San Francisco Symphony, Clef ResMusica, SFS Media). John Nelson va encore plus loin, et le fait avec un orchestre français.

Sur le plan orchestral, la version strasbourgeoise tutoie les interprétations de référence sans s’en démarquer, ce qui est déjà une belle réussite. Mais pour la Scène d’amour et la scène au Tombeau des Capulets, qui sont précisément les deux acmés de cette partition et probablement de tout l’œuvre berliozien, John Nelson et l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dépassent leurs prédécesseurs en réalisant la fusion _ voilà ! _ des genres symphoniques et lyriques. Avec eux et dans ces deux chefs-d’œuvre absolus _ oui, oui, oui ! _ , on ne sait plus où on est, dans une symphonie ou dans un opéra de concert, et c’est sans importance : on est au cœur du drame _ voilà _, celui de l’amour et de la mort. Les moyens mis en œuvre pour parvenir à cet état de grâce ne sont pas hors normes, l’orchestre n’est pas plus virtuose ou spectaculaire que les autres, simplement les musiciens atteignent un état d’osmose _ oui _ avec le chef et la musique où il ne reste que la vie sublime et tragique. Soit exactement ce que recherchait Berlioz _ absolument !

Si les parties chantées n’atteignent pas _ pas tout à fait, peut-être ; et encore… _ le sublime _ oui, c’est bien ce que vise et obtient ici Berlioz _ de celles dévolues à l’orchestre, et c’est bien ainsi que l’entendait Berlioz pour Roméo et Juliette, elles sont _ au moins _ un écrin précieux, et la distribution _ formidable _ réunie contribue au succès. Face à une Joyce DiDonato aux interventions magnifiquement suspendues, mystérieuse, au timbre presque androgyne, ses partenaires masculins sont au contraire surprenamment incarnés et démonstratifs. Le très redoutable scherzetto de la Reine Mab est abordé avec verve _ magnifique ! un trait superbement français… _ par Cyrille Dubois, qui signe là une interprétation d’anthologie _ absolument ! Dans la partie finale, Christopher Maltman s’impose comme un Père Laurence à l’autorité biblique, sûr du pouvoir subjuguant de son timbre pour mettre un terme _ pacifiant _ aux rivalités des deux familles. On pourra trouver cela excessif (et être un peu gêné par un vibrato prononcé) et préférer l’humanité d’un José Van Dam (avec Ozawa), mais c’est affaire de goût. Les chœurs, le Coro Gulbenkian et le Chœur de l’Opéra national du Rhin sont d’un engagement superlatif _ oui _, leur colère « Perfides, point de paix! Non » est à vous faire dresser les cheveux sur la tête.

Cléopâtre _ ce chef d’oeuvre éblouissant ! _ est l’occasion d’entendre Joyce DiDonato dans un _ très _ grand morceau, et de la retrouver dans une interprétation de Reine _ oui _, après sa Didon des Troyens. Si vocalement elle ne se démarque pas des interprétations de référence de ses grandes consœurs anglo-saxonnes Janet Baker (avec Colin Davis, Philips _ mais pas seulement lui… _) et Jessye Norman (avec Ozawa, Decca), et si on pourra légitimement toujours préférer la diction irréprochable des tragédiennes Anna Caterina Antonacci (avec Nézet-Séguin, BIS), Véronique Gens (Louis Langrée, Erato), cette version se rapproche par son art consommé de la direction _ oui _ de celle de Lucile Richardot avec Gardiner en concert (DVD Versailles Spectacles).

Ce qui est formidable avec Joyce DiDonato, ce n’est pas tant sa noblesse, la puissance veloutée de ses aigus, son sens du drame, c’est qu’elle émerge de la musique _ voilà. La prima donna s’efface pour être « simplement » la reine à l’orée de la mort. Là où tous les chefs exception faite de Gardiner dirigent Cléopâtre comme une cantate de jeunesse, ce qu’est cette œuvre composée pour le Prix de Rome (et qui effraya le jury au point qu’il refusa contre toute attente de lui donner le Premier Prix), John Nelson dirige cette partition avec l’intensité _ voilà _ des Troyens. Et comme il a raison ! _ évidemment ! On en donnera trois courts exemples. L’introduction ? Elle est soudaine et presque brutale, comme Berlioz le fera pour ouvrir ses Troyens. Chez tous les autres chefs, elle est un prélude, mais chez John Nelson, c’est déjà le drame tout entier, tout de suite _ oui _, et dont l’entrée de la mezzo n’est que la continuité. Même procédé pour la Méditation. Les accords sombres et mystérieux, une des trouvailles géniales du jeune Berlioz, sont un préliminaire chez les autres, ils sont un opéra en soi chez John Nelson. Avec lui, on ne pense plus à l’intervention à venir de la reine, et quand elle entame son invocation « Grands pharaons, nobles Lagides », on en est presque étonnés. L’effet n’en est pas moins saisissant. Dernier exemple, la conclusion. Les mots ultimes de la reine « Cléopâtre en quittant le vie / redevient digne de César! » sont suivis des silences _ oui _ et soubresauts _ voilà _ de l’orchestre représentant les effets _ terribles _ du venin dans le corps de la femme trahie. Cette exclamation peut être chantée comme un dernier défi, comme chez Antonacci. Avec Joyce DiDonato, le dernier mot « César ! » est éteint, presque inaudible _ en effet… Ce que la diva perd en éclat, le drame le récupère en vérité _ dramatique : absolument tragique. Car si son « César ! » s’entend à peine, c’est que le poison exerce déjà _ voilà, en quelques longues secondes tétanisantes, syncopées _ son emprise _ finalement _ mortelle. Et l’orchestre _ symphonique _ de John Nelson nous donne à vivre _ oui _ les derniers instants de Cléopâtre avec une acuité _ voilà _, un réalisme anthropologique _ oui _ que seul Gardiner avant lui nous proposait.

Ainsi cet album de John Nelson n’est pas juste un grand enregistrement de plus dans la discographie. Pour Roméo et Juliette et Cléopâtre, il réalise _ pleinement, royalement même : sublimement ! _ le rêve fou de Berlioz de fusionner _ voilà _ la musique pure et le drame.

Hector Berlioz (1803-1869) : Roméo et Juliette op. 17 H.79 ; Cléopâtre.

 

Joyce Di Donato, mezzo-soprano ; Cyrille Dubois, ténor ; Christopher Maltman, basse ;

Coro Gulbenkian (dir. Jorge Matta) ; Chœur de l’Opéra National du Rhin (dir. Alessandra Zuppardo) ;

Orchestre Philharmonique de Strasbourg, direction : John Nelson.

2 CD Erato.

Enregistrés Salle Erasme à Strasbourg du 3 au 9 juin 2022, en public et sans public.

Notice de présentation de Christian Wasselin.

Durée : 72:26 et 39:29

Deux réalisations somptueuses donc, et indispensables, par conséquent, en ce merveilleux double album Erato 5054197481383…

Ce jeudi 18 mais 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

L’extraordinaire réussite du chef John Nelson en sa réalisation discographique berliozienne de ces chefs d’oeuvre que sont « Roméo et Juliette » et « Cléopatre » : un très réjouissant éblouissement…

15avr

Le degré éblouissant de réussite musicale du double CD Erato 5054197481383 de la magnifique _ et très originale _ symphonie dramatique « Roméo et Juliette » et de la percutante et frémissante scène lyrique « Cléopatre » d’Hector Berlioz, sous la direction électrisante de vie, en même temps qu’infiniment délicate, claire et juste, du chef d’orchestre John Nelson,

a quelque chose de très surprenant et formidablement réjouissant à la fois,

qui nous emporte…

Comme si nous redécouvrions en leur vérité musicale la plus intense et la plus profonde ces deux formidables chefs d’œuvre de Berlioz qui nous ont pourtant déjà enchantés…

Que l’on écoute ainsi le presque inaugural _ soit la plage 3 du premier CD de ce double album Erato _ sublime « Premiers transports que nul n’oublie » de Joyce DiDonato _ ici en sa prise en concert public à Strasbourg le 7 juin 2022 _ de « Roméo et Juliette« , pour un tout premier avant-goût de cette si merveilleusement  réussie interprétation collective de l’œuvre :

la direction dynamique, fluide, inspirée, claire, souple, tellement juste, de John Nelson _ idéal berliozien dans chacune de ses réalisations ! _,

à la tête d’un hypersensible vivant et délicat à la fois Orchestre Philharmonique de Strasbourg,

le Coro Gulbenkian et le Chœur de l’OnR _ au rôle si important dans cette œuvre (de « symphonie dramatique » riche et complexe (en même temps qu’évidente et si naturelle…), de Berlioz _,

et bien sûr les superbes chanteurs solistes que sont la mezzo-soprano Joyce DiDonato, le ténor Cyrille Dubois _ qu’on écoute les 2′ 44 de son idéal (quel jeu ! quelle diction ! quel charme !) « Scherzetto de la reine Mab«  à la plage 5 du premier CD... _ et le baryton Christopher Maltman…

Ce dont rend très bien compte l’excellent détail de l’article de Charles Sigel, le 7 avril dernier, sur le site de ForumOpéra.com

pour ce qui concerne la « Cléopatre » extraordinaire, elle aussi _ un must discographique ! _, du second CD de ce double album, dans l’interprétation-incarnation absolument superlative (!!!) _ au moins au niveau de celles de la merveilleuse Janet Baker _ de Joyce DiDonato…

Un généreux double album indispensable…

Ce samedi 15 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le grand Michael Spyres dans les sublimes « Nuits d’été » d’Hector Berlioz et Théophile Gautier (version, avec orchestre, de 1856) : qu’en penser ?..

14avr

Les « Nuits d’été » d’Hector Berlioz sur des poèmes de Théophile Gautier, sont le plus sublime monument de la mélodie française ;

et Michael Spyres est un des plus merveilleux chanteurs en activité aujourd’hui.

Cependant, la prestation de celui-ci dans le CD « Les Nuits d’été Harold en Italie«  _ le CD Erato 5054197196850, paru le 18 novembre 2022 _, en un enregistrement à Strasbourg du 12 au 15 octobre 2021, sous la direction de l’excellent berliozien qu’est John Nelson, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg,

constitue une relative déception à mes oreilles et à mon goût :

pae ce que j’estime être un certain manque de naturel de l’interprète,

un peu trop opératique…

Voici l’opinion de Jean-Charles Hoffelé, en un article significativement intitulé « Timothy«  _ en l’honneur de l’altiste Timothy Ridout, en verve dans le « Harold en Italie » de ce CD Erato…en date du 7 janvier 2023, sur son site Discophilia :

TIMOTHY

…Passons à pieds joints _ rien que cela !!! _, sur le tour de force parfois pénible _ hélas, oui… _ des Nuits d’été selon Michael Spyres : si son « baryténor » lui permet d’offrir chaque mélodie dans sa tonalité originale, les dotant d’un français plus étudié que naturel _ hélas ! _, comment ne pas entendre que les notes lui résistent pourtant, plus que les sentiments d’ailleurs : Sur les lagunes est vraiment bien senti _ personnellement, je le trouve un peu trop théâtral, opératique… _, et évidemment John Nelson met à son orchestre une poésie, un art d’évoquer qui suffisent à rendre l’écoute attractive.

Pourtant, lorsque l’alto de Timothy Ridout murmure la première méditation de Byron de son archet diseur, soudain ce personnage qui manquait aux Nuits d’été parait. Il ne quittera plus l’auditeur au long de cet Harold en Italie débarrassé de toute grandiloquence jusque dans les tonnerres de l’orgie de brigands, voyage dans des paysages dont l’orchestre de peintre rêvé par Berlioz s’incarne enfin avec toutes ses subtilités : décidément les Strasbourgeois y sont étonnants, tout comme hier dans la Messe Glagolitique de Janáček. Mais c’est d’abord la sonorité ambrée du jeune altiste anglais qui vous cueillera.

Cet ambre des cordes, ce fluide de l’archet, quel altiste les aura possédés avant lui ? Lionel Tertis, et comme Tertis Timothy Ridout sait ce que chanter suppose, le phrasé, les mots imaginaires derrière les notes, les couleurs pour les émotions. Justement, il grave la transcription que Tertis réalisa à son usage du Concerto pour violoncelle d’Elgar, le compositeur l’ayant adoubée jusqu’à diriger la création de ce que l’altiste espérait comme un ajout majeur au répertoire de l’instrument.

Las, cette mouture singulière ne s’imposa pas, affaire de sonorité certainement, l’alto de Tertis était un mezzo haut et sa transcription tire à l’aigu, mais justement la sonorité claire de Timothy Ridout retrouve l’esprit de celle du transcripteur et dans l’orchestre savamment allégé par Martyn Brabbins donne à l’œuvre une couleur nostalgique émouvante.

Contraste total avec la Suite pour alto et orchestre aux couleurs extrêmes orientales que Bloch composa en 1919. C’est l’univers balinais qui ouvre le voyage (initialement Bloch avait intitulé le premier mouvement « Jungle »), le compositeur emportant son alto dans un orchestre hautement évocateur.

L’œuvre est demeurée rare, même au disque, elle culmine dans les lacis vénéneux d’un Nocturne ténébreux, moment magique où le jeune altiste déploie une incantation inquiète, phrasée pianissimo, d’une poésie fascinante, hypnose et sortilèges. Quelle œuvre !

LE DISQUE DU JOUR

Hector Berlioz (1803-1869)


Les nuits d’été, Op. 7, H. 81
Harold en Italie, Op. 16, H. 68

Timothy Ridout, alto
Michael Spyres, ténor
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
John Nelson, direction

Un album du label Erato 5054197196850

Sir Edward Elgar (1857-1934)


Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur, Op. 85 (arr. pour alto : Lionel Tertis)


Ernest Bloch (1880-1959)


Suite pour alto et orchestre, B. 41

Timothy Ridout, alto
BBC Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902618

Photo à la une : l’altiste Timothy Ridout – Photo : © Kaupo Kikkas…

Et lire aussi _ et surtout _ l’excellent article très détaillé, lui, de Laurent Bury, intitulé « Les Nuits d’été par Michael Spyres – et si en plus il était soprano ? » en date du 19 novembre 2022, sur le site de Première Loge :

Les Nuits d’été par Michael Spyres – Et si en plus, il était soprano ?

19 novembre 2022

Le label Erato poursuit son projet Berlioz dirigé par John Nelson, après notamment des Troyens très remarqués et un Benvenuto Cellini qui n’est pas non plus passé inaperçu. Le chef américain a trouvé ses interprètes de prédilection, que l’on retrouve donc d’un disque à l’autre (Joyce DiDonato, par exemple), mais pour graver Les Nuits d’été, il n’a pas choisi de respecter le souhait du compositeur, qui prévoyait _ en 1856 _ des chanteurs différents pour les six poèmes de Théophile Gautier. Ou du moins, il a préféré un seul interprète qui se targue d’avoir plusieurs voix. Ce n’est en effet plus un secret pour personne : après avoir longtemps été ténor, Rossini étant d’abord son terrain d’élection, Michael Spyres se présente désormais comme baryténor _ voilà ! cf par exemple mon article du 23 octobre 2021 : « «  _, alternant à volonté ces deux timbres, comme il le faisait récemment dans un disque portant exactement ce titre. C’est ce qui lui permet un exploit supplémentaire : respecter la tonalité d’origine pour chacune des pièces.

Heureusement, il ne prétend pas encore pouvoir être aussi soprano, mezzo, ou contre-ténor. Car, par-delà la performance physique, il n’est pas sûr que l’auditeur s’y retrouve vraiment _ aïe – aïe… D’une part, parce que l’on a plus d’une fois l’impression que Michael Spyres s’écoute chanter _ hélas… _ , tout content d’étaler des graves de baryton, voire de baryton-basse. C’est en particulier le cas dans « Le Spectre de la rose » _ ampoulé, en effet _ et dans « Sur les lagunes »  _ trop théâtral, opératique… _ : le chanteur se fait plaisir, s’enivre du beau son qu’il est capable de produire dans une tessiture où l’on ne l’attendait pas a priori, mais il en perd de vue l’émotion qui devrait affleurer _ avec bien plus de naturel… _ et qu’ont si bien su traduire d’autres artistes _ mais oui, à commencer par Régine Crespin ou Janet Baker, ainsi que pas mal d’autres… Il y a là un peu trop d’art et pas assez de naturel _ voilà, voilà ! C’est exactement ça ! De même, la Villanelle initiale manque _ voilà ! _ de fraîcheur : le tempo en est bien _ trop _ lent, et il manque surtout l’entrain _ voilà encore ! _ que l’on aimerait y entendre. De manière générale _ et c’est parfaitement juste _, c’est une approche très « opéra » qui a été adoptée ici  _ à tort !  en effet… _ , dont on peut penser qu’elle n’est pas forcément le meilleur choix pour cette partition qui, même orchestrée, n’est pas si éloignée de l’univers des salons _ mais oui _ auquel elle était au départ destinée.

La deuxième partie du recueil est en revanche beaucoup plus enthousiasmante _ et je partage complètement cet avis _, avec deux mélodies dans lesquelles on retrouve celui qui fut le plus somptueux des titulaires du Faust de La Damnation, qui savait nous tirer des larmes lorsqu’il invoquait la Nature immense. « Au cimetière » est une réussite totale _ oui, oui : sobre et juste, ai-je noté pour ma part… _, sur un texte qui convient à merveille au ténor – car c’est bien un ténor que l’on y entend, avec un chant qui relève bien plus de l’évidence _ oui ! et c’est cela qu’il faut pour entraîner la conviction… _ dès lors qu’il ne cherche plus à prouver quoi que ce soit. Michael Spyres y convainc pleinement _ oui _ et trouve _ enfin _ sans effort les accents les plus adéquats, avec cette diction stupéfiante du français qui est depuis longtemps sa caractéristique. « L’île inconnue » fonctionne aussi très bien _ c’est exactement ce que j’ai moi-même aussi noté ! _, prise à un tempo allant _ oui, oui _, et avec un bel effet de dialogue entre le nautonier et sa belle.

Le programme est complété par Harold en Italie avec le jeune altiste britannique Timothy Ridout en soliste. Déjà protagoniste des deux intégrales d’opéra mentionnées plus haut, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg y livre également une fort belle prestation, John Nelson excellant à traduire les atmosphères évoquées par Berlioz, comme le montrait déjà « Au cimetière », décidément le sommet _ oui, avec L’île inconnue _ de ces Nuits d’été. Ah, si monsieur Spyres avait bien voulu partager avec ses camarades…

Voici aussi un choix de quelques liens _ au nombre de 5 _ à un florilège de précédents articles miens à propos de diverses belles interprétations de ces sublimes berlioziennes « Nuits d’été » que j’aime tant… :

_ le 24 octobre 2011 : « « 

_ le 19 janvier 2019 : « « 

_ le 12 février 2019 : « « 

_ le 22 février 2019 : « « 

_ le 23 mai 2020 : « « 


Voilà.

Ce vendredi 14 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la fraîche Vilanelle qui ouvre les somptueuses Nuits d’été de Berlioz, par Régine Crespin

23mai

Parmi les joies que donne la musique française,

les six somptueuses Nuits d’été d’Hector Berlioz

(La-Côte-Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869)

constituent la merveilleuse ouverture du genre de la mélodie française

_ que ce soit avec accompagnement de piano, ou d’orchestre : quel prodigieux chef d’œuvre, d’emblée ! _,

en septembre 1841,

sur six poèmes de Théophile Gautier, réunis dans un recueil intitulé La Comédie de la mort

La plus joyeuse de ces six somptueuses mélodies des Nuits d’été,

est, probablement, la première d’entre elles, Vilanelle, qui ouvre le bouquet,

au futur _ des promesses du printemps _, puis au présent _ de l’invitation à la jouissance actuelle _ :

Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux, nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet aux bois ;
Sous nos pieds égrenant les perles
Que l’on voit au matin trembler,
Nous irons écouter les merles
          Siffler.

Le printemps est venu, ma belle,
C’est le mois des amants béni,
Et l’oiseau, satinant son aile,
Dit des vers au rebord du nid.
Oh ! viens donc sur ce banc de mousse
Pour parler de nos beaux amours,
Et dis-moi de ta voix si douce :
          Toujours !

Loin, bien loin, égarant nos courses,
Faisons fuir le lapin caché,
Et le daim au miroir des sources
Admirant son grand bois penché ;
Puis chez nous, tout heureux, tout aises,
En paniers enlaçant nos doigts,
Revenons rapportant des fraises
          Des bois.

Et j’ai choisi, pour en savourer peut-être au mieux tout le suc,

l’interprétation voluptueuse de l’art de dire (et chanter),

et de la voix toute de soie,

de la grande Régine Crespin

en son célèbre _ à très juste titre _ CD Decca 417813-2,

avec l’Orchestre de la Suisse Romande, et sous la direction d’Enest Ansermet,

enregistré à Genève en septembre 1963.

Cet art est royal…

J’aime beaucoup, aussi, une prise live, au concert, à Londres, le 14 mai 1975,

de la très grande Janet Baker, sous la direction de Carlo Maria Giulini,

en un CD BBC Legends 40772, paru en 2001.

Ce vendredi 22 mai 2020, Titus Curiosus, Francis Lippa

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