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Irradiant rappel (« vert ») de « Fêtes » slaves : à nouveau le CD Supraphon « Village Stories », via 3 articles réjouis…

19jan

C’est ce vendredi 19 janvier l’article « Noces » de Jean-Charles Hoffelé sur son excellent site Discophilia,

après l’article du vendredi 17 novembre 2023 « Fêtes villageoises entre ripailles et comptines » de Pierre Jean Tribot sur le non moins excellent site du magazine belge Crescendo,

ainsi que le mien, « « , en date du lundi 8 janvier 2024 dernier, sur mon blog Mollat « En cherchant bien »,

qui m’amène à revenir me réjouir sur l’irradiante fête de musique (de Stravinsky, de Janacek et de Bartok) qu’est le très prenant CD Supraphon SU 4333-2 « Village Stories – Stravinsky- Janacek – Bartok »  du Prague Philharmonic Choir dirigé par l’excellent chef tchèque Lukas Vasilek…

NOCES

Vous courrez d’abord aux Trois Scènes de village, l’un des opus les plus abrasifs _ oui ! _ de Bartók où son folklore imaginaire pare d’une folle animation _ voilà _ ou d’un ton mystérieux (la Berceuse) des mélodies qu’il avait notées en Slovaquie. Mariage avec cris d’une verdeur incroyable ici _ oui ! _, qui retrouve l’esprit de l’ancienne version de György Lehel pour Hungaroton, Berceuse étrange dans le mezzo clair de Jana Hrochová, à laquelle Lukáš Vasilek donne des couleurs très Seconde Ecole de Vienne, Danse des filles verte _ à nouveau _ et piquante ; bref, une nouvelle version épatante _ oui, oui ! _ qui rejoint une discographie étonnamment maigre _ hélas, en effet…

Les Noces stravinskiennes, orantes, portées par des percussions cérémonielles (les quatre pianos menés ici par Kirill Gerstein en font, dans l’esprit et la lettre de Stravinski, partie) sont tout aussi saisissantes _ oui ! _, vrai théâtre porté par des solistes qui au-delà du rite dessinent des personnages, Lukáš Vasilek se gardant bien d’en exagérer les effets, privilégiant la narration, puis laissant éclater le discours au long d’un Repas de noces qui frôle la folie _ à nouveau, dans sa sauvagerie d’apothéose.

Perle du disque pourtant, les enfantines que sont Říkadla, où les Pragois savourent les idiomes de ces vignettes dont les notes sont totalement asservies aux mots. Bois verts _ cette fois encore ! _, piano impertinent, un ténor émerveillé pour les herbes _ vertes… _ de printemps avec le babil de la flûte, dix-neuf instantanés de pure poésie qui, je le crois, ont trouvé ici leur version de référence.

LE DISQUE DU JOUR

Village
Stories

Igor Stravinski (1882-1971)
Les Noces, K040


Leoš Janáček (1854-1928)
Říkadla, JW 5/17


Béla Bartók (1881-1945)


Trois Scènes de village,
BB 87b

Katerina Knežíková, soprano
Jana Hrochová, mezzo-soprano
Boris Stepanov, ténor
Jirí Brückler, baryton
Lukáš Hynek-Krämer, basse

Kiril Gerstein, piano (Stravinski)
Zoltán Fejérvári, piano (Stravinski)
Katia Skanavi, piano (Stravinski)
Alexandra Stychkina, piano (Stravinski)
Matouš Zukal, piano

Amadinda Percussion Group (Stravinski)
Dakoda Trio
Zemlinsky Quartet (Bartók)
Belfiato Quintet (Bartók)

Chœur Philharmonique de Prague
Lukáš Vasilek, direction

Un album du label Supraphon SU4333-2

Photo à la une : le chef de chœur Lukáš Vasilek – Photo : © Petra Hajska

Quelle fête, décidément !!!

Ce vendredi 19 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Tâcher de s’orienter dans la foisonnante « Vivaldi Edition » de Naïve, à propos des « Concerti per violino » non réunis en recueils publiés par Vivaldi lui-même…

27fév

Bien trop longtemps,

la bien malheureuse trop fameuse boutade de Luigi Dallapiccola (Pisino, Istrie, 3 février 1904 – Florence, 19 février 1975), bien malheureusement reprise par le presque vénitien pourtant Igor Stravinsky (Oranienbaum, 17 juin 1882 – New-York, 6 avril 1971), selon laquelle Antonio Vivaldi (Venise, 4 mars 1678 – Vienne, 28 juillet 1741) n’aurait fait que ré-écrire 500 fois le même concerto,

a contribué à décourager trop aisément hélas la curiosité des musiciens et des mélomanes envers l’œuvre foisonnante et profuse _ plus de 450… _ et admirable du génial prêtre roux…

En conséquence de quoi,

il est encore un peu difficile de s’orienter, même avec les intentions les meilleures du monde, dans le lacis encore demeuré confus dédalesque, à l’image du lacis des calli de Venise ?.. C’est pour se protéger des vents… _  sinon des œuvres elles-mêmes, du moins de leurs très nombreux enregistrements discographiques, surtout depuis l’assez phénoménal retour en grâce du Baroque musical, et de la musique même d’Antonio Vivaldi…

Cependant,

depuis le lancement de la « Vivaldi Naïve Edition«  _ dont le volume 1 a, semble-t-il, été le CD « Concerti da camera« , par l’ensemble L’Astrée, paru le 12 décembre 2000 ; puis le volume 2, la « Juditha Triumphans » d’Alessandro De Marchi, avec l’enchanteresse voix de Magdalena Kozena… Patrick Zelnick (qui avait fondé son label « Naïve«  fin 1997) emboîtant l’excellent pas qu’avais pris Yolanta Skura pour cette « Vivaldi Edition« , avec son label Opus 111, fondé, lui, en 1990 (les volumes 1 à 17 de cette collection, qui en est à ce jour au volume 68, ont été en effet publiés par ce label Opus 111, avant que le volume 18, celui des « Concerti per vari strumenti«  de l’ensemble Zefiro et Alfredo Bernardini, paraisse, lui, sous le label cette fois de Naïve, le 15 mars 2005) ; en s’appuyant sur les travaux musicologiques d’Alberto Basso, et Susan Orlando, à Turin… _,

voici qu’une bonne piste _ parmi d’autres bien sûr : je pense notamment aux admirables prestations du violon magique de Giuliano Camignola… _ de recherche discographique s’offre, prioritairement, à notre curiosité : je veux parler de ce monument discographique de la plus grande qualité que constitue  la magnifique et passionnante « Vivaldi Edition » de Naïve…

Il semble qu’à ce jour, ce 27 février 2022, cette « Vivaldi Naive Edition » comporte 68 volumes, dont les tous derniers parus sont, pour mémoire, les suivants :

_ volume 65 : « Il Tamerlano« , par l’Accademia bizantina dirigée par l’excellent Ottavio Dantone, paru le 25 septembre 2020


_ volume 66 : les « Concerti per fagotto V« , par L’Onda Armonica et Sergio Azzolini _ ce bassonniste magicien dont j’ai suivi les 5 volumes jusqu’ici parus de ces merveilleux Concerti per fagotto de Vivaldi ; et attends impatiemment le 6e et dernier… _, paru le 16 avril 2021


volume 67 : les « Concerti per violino IX _ Le Nuove Vie« , avec Boris Begelman et le Concerto italiano dirigé par Rinaldo Alessandrini, paru le 16 juin 2021


volume 68 : les « Concerti e cantate da camera« , avec Laura Polvorelli et l’ensemble L’Astrée dirigé par Giorgio Tabacco, paru le 12 novembre 2021.

S’il m’a été facile de ne pas manquer les successives parutions des 5 premiers CDs de « Concerti par fagotto » de Sergio Azzolini _ et cela, sans perdre de vue, non plus, bien sûrs, les successifs enchanteurs CDs de l’Ensemble Zefiro, sous la direction du parfait hauboïste qu’est Alfredo Bernardini, avec le bassoniste Alberto Grazzi _,

la situation est bien plus compliquée pour ce qui concerne les enregistrements _ au nombre de 9 à ce jour : du premier d’entre eux paru le 1er juin 2005, au 9e, paru le 11 juin 2005 _ des plus nombreux encore « Concerti per violino » _ non assemblés en recueils _ d’Antonio Vivaldi, confiés par cette « Vivaldi Naive Edition » à divers ensembles orchestraux et à divers violonistes solistes virtuoses… 

Je les passe donc ici en revue :

_ volume I « La Caccia« , par Enrico Onofri et L’Accademia Monti Regalis, dirigée par Allesandro De Marchi, paru le 1er juin 2005 

_ volume II « Di Sfida« , par Anton Steck et Modo Anriquo, dirigé par Federico Maria Sardelli, paru le 10 juillet 2007

_ volume III : « Il ballo« , par Duilio Galfetti et I Barrochisti, dirigés par Diego Fasolis, paru le 2 mars 2009

volume IV : « L’Imperatore« , par Riccardo Minassi, à la tête de l’ensemble Il Pomo d’Or, paru le 17 avril 2012

volume V : « Per Pisendel« , par Dmitry Sinkovski, à la tête d’Il Pomo d’Oro, paru le 1er janvier 2012

_  volume VI : « La Boemia« , par Fabio Biondi, dirigeant son Europa galante, paru le 28 septembre 2018

_  volume VII : « Per il Castello« , par Alessandro Tampieri et L’Accademia bizantina dirigée par Ottavio Dantone, paru le 25 novembre 2019 

_  volume VIII : « Il Teatro« , par Julien Chauvin, dirigeant son Orchestre de la Loge, paru le 11 février 2020

_  volume IX : « Le Nuove Vie« , par Boris Begelman et le Concerto italiano dirigé par Rinaldo Alessandrini, paru le 11 juin 2021

Bien sûr, je ne saurais oublier les divers merveilleux et absolument sublimes _ et donc indispensables !!! _ CDs (Sony SK 51352, 87733 et 89362, parus en 2000, 2001 et 2002) du parfait Giuliano Carmignola _ né à Trévise le 7 juillet 1951 _, avec le Venice Baroque Orchestra, sous la direction d’Andrea Marcon, comportant des « Late Violin Concertos » de Vivaldi inédits jusqu’alors au disque, les Concertos RV 177, 191, 211, 222, 235, 251, 257, 258, 273, 295, 296, 375, 376, 386, 389 ;

ainsi que, pour Archiv Produktion cette fois, les CDs 474 5172 et 477 6005 , parus en 2005 et 2006, comportant les Concertos RV 190, 217, 278, 303, 325, 333 et 583…

Bref, il m’a été un peu difficile de suivre assez fidèlement, année après année, ces diverses parutions discographiques du violon vivaldien, dans la « Vivaldi Naive Edition » tout particulièrement ;

ce violon vivaldien dont l’inventivité est pourtant si diverse, si riche, si brillamment renouvelée, et véritablement enthousiasmante !..

Et merci tant aux musicologues qu’aux musiciens-interprètes, et aux maisons de disques, qui amènent régulièrement à nos oreilles un peu souvent distraites de si belles musiques !

Ce dimanche 27 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Les oxymores de la virtuosité justissime de Béatrice Rana dans les « Miroirs » de Ravel…

22déc

L’enregistrement des Miroirs de Maurice Ravel

(Noctuelles, Oiseaux tristes, Une barque sur l’océan, Alborada del gracioso et La vallée des cloches),

par Béatrice Rana

dans le CD Warner Classics 0190295411091,

est étourdissant de virtuosité juste

de la part de cette extraordinaire interprète.

Et l’association

à ces Miroirs de Ravel

de transcriptions pour piano seul 

de Danse infernale, Berceuse et Finale, trois extraits de L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky _ par Guido Agosti _

puis de Danse russe, Chez Pétrouchka et La semaine grasse, trois extraits de Pétrouchka d’Igor Stravinsky encore _ cette fois par Stravinsky lui-même _

constituent un détonnant programme,

que vient conclure la transcription pour piano seul _ par Ravel lui-même _ de son époustouflante _ tragique _ La Valse

Un fastueux programme

interprété magistralement,

avec une prodigieuse justesse d’intelligence de ces œuvres,

par une artiste d’exception.


Voici ce qu’en disait le 22 novembre dernier

Stéphane Friédérich en un très juste article du site Res Musica

intitulé Le piano orchestral et flamboyant de Béatrice Rana.

Le piano orchestral et flamboyant de Beatrice Rana

Les Clefs du mois

 

Béatrice Rana : une interprète à retenir prioritairement.

Ce dimanche 22 décembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

4 remarquables articles de Jean-Charles Hoffelé sur des rééditions d’enregistrements de musique française d’Ernest Ansermet autour de Claude Debussy

16sept

Voici 4 articles passionnants

des 4 août, 31 août, 9 septembre et ce jour même, 16 septembre 2018,

de Jean-Charles Hoffelé sur son très riche site Artamag,

à propos de très bienvenues rééditions d’enregistrements d’Ernest Ansermet,

dont trois par l’excellent Decca-Eloquence australien (que dirige Cyrus Meher-Homji),

de musique française,

de, et autour de, Claude Debussy :

  4 août 2018 : Révisons nos classiques http://www.artalinna.com/?p=9805 
31 août 2018 : Sombre Allemonde http://www.artalinna.com/?p=9963 
 9 septembre 2018 : Esprit français http://www.artalinna.com/?p=10007
16 septembre 2018 : Jeux http://www.artalinna.com/?p=10047 
 
http://www.artalinna.com/?p=9805

RÉVISONS NOS CLASSIQUES

Un couplage imparable assemblé sur le thème des Ballets Russes par Cyrus Meher-Homji pour sa _ passionnante ! _ collection Eloquence, rappelle à quel point Ernest Ansermet fut versé dans les musiques écrites pour la troupe de Diaghilev. Ironie de la discographie pourtant abondante du chef helvétique, il ne gravera pas Parade, ni l’intégrale de Chout (mais une grande sélection) et l’éditeur laisse de côté ses versions éclairantes du Tricorne, du Chant du rossignol, de Renard, si bien que seul Pulcinella (peu gâté par un trio vocal frustre) et Les Noces (géniales de bout en bout, écoutez le sel qu’y met Hugues Cuénod !) illustrent ici des œuvres qu’il a créées. L’écriture claire et anguleuse de Stravinsky lui va comme un gant, mais pour parfaites que soient ses interprétations, une émotion supplémentaire _ voilà ! _ se dégage du pan français de ce double album.

Daphnis et ChloéLa Valse, le Prélude à l’après-midi d’un faune (avec les incroyables diaprures de la flûte de Pépin), Jeux, ces disques sont célèbres, mais les connait-on vraiment ? _ d’où le caractère si bienvenu de ces rééditions !

Daphnis et Chloé _ par Ansermet _ est une merveille qui égale les gestes de Pierre Monteux, Charles Munch ou André Cluytens, avec en prime une prise de son _ Decca _ faramineuse qui sculpte l’espace et que cette réédition rend mieux que les précédentes : on y voit _ voilà ! _ non seulement le ballet, Ansermet battant ses mesures dans le tempo des danseurs, mais on y entend aussi la narration de la pantomime dans la volupté des décors de Bakst ; en tous points la sensation d’être à la création de l’œuvre _ ce qui devrait être le cas pour tout concert et toute interprétation (discographique y compris…) !!! Et la poésie trouble _ voilà _ de Ravel fut-elle jamais mieux servie, dite avec tant de pudeur et pourtant tant de sensualité ? Quel orchestre, quel art des respirations, quelle magie des atmosphères _ oui _ qui gagne même jusqu’au chœur, magnifiquement mené.

La Valse, filée comme un mauvais songe, est superbe de style (c’est l’ultime enregistrement _ 2-8 avril 1963, au Victoria Hall de Genève _ des quatre que lui consacra Ansermet). Et Debussy ? Le Prélude, torpide _ oui _, ne s’oublie plus avec ses pleins et ses déliés extatiques, son faune si sexuel : on voit le râle de plaisir de Nijinsky _ mais oui !

Le sommet de l’ensemble est pourtant Jeux, partition réputée injouable pour les orchestres d’alors. Mais Ansermet savait se débrouiller des mesures les plus complexes et dirige le tout _ en avril 1958, à Genève, donc _ dans une fluidité envoûtante, faisant apparaître le trio amoureux des joueurs de tennis, décrivant cette symphonie de nuit éclairée avec non plus simplement de la sensualité, mais un érotisme qui s’échevèle dans des crescendo névrotiques _ voilà. Lecture géniale, unique _ que celle-ci, de 1958 _, que l’on ne connaît pas assez. Ecoutez seulement. Et lisez le très beau texte de François Hudry.

LE DISQUE DU JOUR

Ernest Ansermet and the Ballets Russes

Claude Debussy (1862-1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune, L. 87
Jeux, L. 133
Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, M. 57
La Valse, M. 72
Igor Stravinski (1882-1971)
Pulcinella
Les Noces

Marilyn Tyler, soprano (Pulcinella)
Basia Retchitzka, soprano
Lucienne Devallier, contralto
Carlo Franzini, ténor (Pulcinella)
Hugues Cuénod, ténor
Boris Carmeli, basse (Pulcinella)
Heinz Rehfuss, baryton-basse
Chœur Motet de Genève
Chœur et Orchestre de la Suisse Romande
Ernest Ansermet, direction

Un album de 2 CD du label Decca 482 4989 (Collection « Eloquence Australia »)

Photo à la une : © Decca

 
http://www.artalinna.com/?p=9963

SOMBRE ALLEMONDE

29 décembre 1962, Ernest Ansermet dirige au Metropolitan de New York l’opéra qu’il aura défendu toute sa vie. Pelléas et Mélisande n’avait plus aucun secret pour lui, et il faut entendre avec quelle sensualité il emporte dans un flot dramatique incessant ce qui s’impose comme sa plus grande version _ notons-le _ du chef-d’œuvre de Debussy, devant même ses deux admirables versions genevoises captées par les ingénieurs de Decca.

La distribution au français immaculé y participe en grande part, à commencer par le Golaud blessé et mordant de George London, voix noire de vrai baryton-basse auquel vient se brûler le ténor solaire du Pelléas de Nicolai Gedda, avec son timbre de jeune premier et son sourire triste. Quel duo fraternel ils forment, sublime d’élans et d’accents (la remontée des souterrains !) confronté à la Mélisande naturellement sensuelle et vraiment comme venue d’un autre monde d’Anna Moffo, modèle de style qu’on n’espérait pas à ce point tenu.

La scène de la lettre de Geneviève selon Blanche Thebom est admirable pour le français, la ligne, les inflexions, et la soirée réserve une sacrée surprise avec Yniold, génialement campé par la toute jeune Teresa Stratas.

Version historique, indispensable, et enfin restituée dans toute sa présence sonore par Yves St-Laurent qui propose ici un ajout considérable à l’héritage sonore d’Ernest Ansermet. Immanquable.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
Pelléas et Mélisande, L. 93

Anna Moffo, soprano (Mélisande)
Nicolai Gedda, ténor (Pelléas)
George London, basse (Golaud)
Blanche Thebom, mezzo-soprano (Geneviève)
Jerome Hines, basse (Arkel)
Teresa Stratas, soprano (Yniold)

Metropolitan Opera Orchestra and Chorus
Ernest Ansermet, direction


(Enregistré le 29 décembre 1962)

Un album de 3 CD du label Yves St-Laurent Studio YSLT738

Photo à la une : © DR

http://www.artalinna.com/?p=10007

ESPRIT FRANÇAIS

Dans cet immédiat après-guerre où la gravure directe sur 78 tours régnait encore, Ernest Ansermet céda à la proposition de Decca : graver avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire les œuvres de Claude Debussy et de Maurice Ravel. Le projet fit long feu et se déporta de Paris à Genève, la saga des albums de l’Orchestre de la Suisse Romande et de son « patron » pouvait commencer.

C’est très exactement cette bascule qu’illustre cet album parfaitement composé. Ecoutez La Valse enregistrée à Paris _ le 6 octobre 1947 à la Maison de la Mutualité _ : son mouvement vif, l’équilibre des bois et des cordes toujours placés avant les cuivres, s’ils soulignent le génie de la balance qui fut toujours le signe de l’art d’Ansermet, rappellent aussi la manière dont Gaubert et ses amis dirigeaient le répertoire français à Paris. Ecoutez ensuite l’Alborada del gracioso qui ouvre l’album, sèche, d’une précision fanatique, aux phrasés et aux accents si percussifs qui dessinent le personnage et font voir la sérénade, c’est le génie visuel d’Ansermet qui s’y impose, parfaitement re-situé par un orchestre qui est devenu le prolongement naturel de sa personne _ enregistrée le 4 février 1947, au Studio Radio de Genève .

Avec ses amis genevois, il réussit _ ce même 4 février 1947 _ sa version princeps de La Mer (il en laissera quatre versions successives), précis minutieux qui fait tout entendre, mais sait d’abord distiller des atmosphères d’une subtilité sciante _ ô la justesse de cet oxymore ! _, orchestre clair jusque dans les ultimes pages où exulte une tempête solaire, l’inverse de la catharsis qu’y déchaînait Charles Munch.

Avec les Parisiens _ le 28 mai 1948 à la Maison de la Mutualité _, il distille le plus onirique des accompagnements que j’ai jamais entendus dans Shéhérazade : sa chère Suzanne Danco n’a plus qu’à voguer sur cet orchestre d’épices. Ils y reviendront ensemble à Genève pour la stéréophonie, mais auront-ils retrouvé les élans qui emportent ici La Flûte enchantée, son mystère érotique ?

Transferts parfaits, textes éclairants signés par François Hudry, album essentiel.

LE DISQUE DU JOUR

Ernest Ansermet
Ravel & Debussy – The Decca 78s
Claude Debussy (1862-1918)
La Mer, L. 109
Petite Suite, L. 65
Maurice Ravel (1875-1937)
Shéhérazade, M. 41
La Valse, M. 72
Alborada del gracioso, M. 43/4

Suzanne Danco, soprano
Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire
(Ravel, La Valse, Shéhérazade ; Debussy, Petite Suite)
L’Orchestre de la Suisse Romande
Ernest Ansermet, direction

Un album du label Decca 482 5007 (Collection Eloquence Australia)

Photo à la une : Le chef d’orchestre Ernest Ansermet – Photo : © DR

http://www.artalinna.com/?p=10047

JEUX

Depuis sa création le 15 mai 1913, au Théâtre des Champs-Elysées sous la baguette de Pierre Monteux, Jeux effrayait les orchestres, mais aussi les chefs. Debussy y avait écrit tout un nouveau monde de sons et de rythmes qui allaient plus loin encore dans l’abstraction lyrique _ voilà _ que ne l’avait fait la simple complexification métrique du Sacre du printemps.

Comme aimait à le rappeler Pierre Boulez, Jeux est l’alpha de l’orchestre moderne _ rien moins. Monteux lui-même l’aura dompté pour le ballet – deux lectures en concert témoignent de sa mise en place au cordeau – mais ce seront les chefs d’orchestre dévolus à la musique de leur temps, Bruno Maderna, puis Pierre Boulez, qui en saisiront toute l’importance historique _ voilà _, précédés au disque par deux pionniers : Victor de Sabata, lui-même compositeur, et Ernest Ansermet.

Octobre 1953, Victoria Hall _ à Genève _, Gil Went et Roy Wallace règlent leurs micros pour saisir ce qui deviendra la version la plus parfaite du chef-d’œuvre de Debussy enregistrée alors. Si Ansermet se souvient du ballet – ses tempos sont ceux des danseurs – il fait entendre avec une impérieuse sensualité chaque repli harmonique _ oui _ de cette langue si neuve, pliant, dépliant, froissant, défroissant son orchestre qui semble un grand félin dans la nuit.

Cette poésie gorgée de timbres où danse encore le souvenir du faune languide, si sensuel, torride comme une nuit d’été, vous enveloppe littéralement d’une symphonie de sons. Abstrait et érotique pourtant. Ansermet refera d’autres Jeux tout aussi réussis (et peut-être plus fluides, de mouvements moins détaillés, ici on voit les beaux muscles), je vous en ai causé il n’y a pas si longtemps _ cf son article Révisons nos classiques du 4 août dernier, donné ici même un peu plus haut _, mais il faut connaître ceux-ci, enregistrés pour faire exemple _ en 1953, à Genève, donc _, et qui sont pourtant la vie même.

L’éditeur ajoute la version la moins connue de La Mer (octobre 1957 _ toujours au Victoria Hall à Genève _) selon le chef helvète, un rien plus sombre que les trois autres moutures, et passe aux séances parisiennes _ à la Maison de la Mutualité, les 20 et 21 septembre 1954 _ dévolues à Paul Dukas : L’Apprenti sorcier narré comme un tranquille cauchemar, mais surtout et pour la première fois rééditée en stéréophonie, La Péri (sans sa Fanfare), torpide, sensualiste, emperlée, toute en diaprures, un Orient de sons qui tourne immanquablement la tête. Ernest Ansermet était décidément bien plus que l’esprit cartésien auquel certains veulent le réduire.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
La Mer, L. 111(enr. 1957)
Jeux, L. 133 (enr. 1953)
Paul Dukas (1732-1809)
La Péri
L’Apprenti sorcier

L’Orchestre de la Suisse Romande, mezzo-soprano
Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire
Ernest Ansermet, direction

Un album du label Decca 4824975 (Collection « Eloquence Australia »)

Photo à la une : Le chef d’orchestre Ernest Ansermet – Photo : © OSR

 
Des articles très à l’écoute, donc, de Jean-Charles Hoffelé,
sur son très riche site d’Artamag,
d’enregistrements magnifiquements réédités _ pour trois d’entre ces albums _
par l’australien Decca-Eloquence,
que dirige le très perspicace Cyrus Meher-Homji.
Grand merci à chacun d’entre eux !!!

Ce dimanche 16 septembre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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