Posts Tagged ‘inspiration

Le magistral « Les Matériaux de l’art » de Bernard Sève (aux Editions du Seuil) : un indispensable amer pour naviguer et s’orienter au mieux désormais en philosophie de l’art…

19fév

En réponse à l’envoi, vendredi 16 février dernier, de Bernard Sève

d’une excellente très judicieuse recension, dans la revue Art Press, par Jérôme Duwa, sous le titre de « Comparer les arts« , de son magistral « Les Matériaux de l’art« , paru le 16 octobre dernier aux Éditions du Seuil,

voici le courriel matinal de ma réponse à ce que j’avais qualifié en un précédent courriel à Bernard Sève, en date du 30 octobre dernier, de « désormais indispensable amer de la philosophie de l’art « ,

afin de se repérer idéalement en ce champ infiniment riche, toujours ouvert, et un peu complexe, de l’Esthétique philosophique :

En effet, cher Bernard,

 
la recension que réalise pour Art Press Jérôme Duwa sait excellemment dégager l’essentiel de ton très riche travail,
et en l’insérant brillamment, et fort utilement pour le lecteur, dans le cadre des philosophies classiques de l’art (Hegel pour commencer…).
 
Et ce n’est pas là une mince réussite, étant donné l’extraordinaire précision du détail extrêmement ample et varié, très original, des justissimes analyses que tu as su mener ;
même si tes propres synthèses de fin de chapitre sont déjà, chaque fois, précieusement lumineuses pour le lecteur, l’aidant en son orientation dans la très grande diversité des champs (et œuvres particulières, à l’occasion) très minutieusement explorés…
 
Avec la très claire mise en évidence de ton concept effectivement crucial de « degrès d’artisticité » 
 
Le paradoxe de l’art, de tout art, venant de sa très audacieuse (voire quasi diabolique) « création », mais qui n’est, bien sûr, jamais complètement « ex nihilo »,
car toujours à partir de quelque chose de déjà là, un « matériau », oui, de départ, de base si l’on veut, et assez souvent immatériel, qui donne à l’ « artiste » l’impulsion « inspiratrice – respiratrice » presque folle (à couper le souffle et lui donner d’autres rythmes que ceux qu’il avait pris jusqu’alors), de le travailler, ce « matériau » -là, le re-travailler, le reprendre, le battre et rebattre, le combattre, au moins le défier, aller plus loin et au-delà de lui, plus ou moins contre, ou plus ou moins amoureusement, ou en dialogue, avec lui, aussi…
Et cela toujours en un contexte, hic et nunc, mais aussi en même temps au-delà, plus loin, ou à côté de lui, sur ses marges, et selon diverses intentions plus ou moins (et plutôt moins que plus : un art n’étant jamais réductible à une simple technique purement fonctionnelle et calculée-programmée) clairement maîtrisées ni en leur départ, ni en leur arrivée, ni en leur processus : c’est toujours une aventure quelque part, et à divers degrés risquée pour qui ose s’y lancer et s’y aventurer, à son corps défendant presque toujours, et donc avec courage …
 
Oui, le travail d’exploration des démarches essentielles et fondamentales, cruciales, de l’art que tu as réalisé là, est proprement magistral tant en son ampleur qu’en sa parfaite justesse…
 
Donc bravo à cette lucide et très claire recension de Jérôme Duwa, qui sait en effet aller à l’essentiel, et situe ce superbe travail en son contexte et surtout en sa très féconde portée philosophiques…
 
Un travail à urgemment et très largement faire connaître !
 
Francis 
 
P. s. :
je compte proposer ton livre lors de la réunion à venir du bureau de notre Société de Philosophie de Bordeaux
pour le programme des 4 conférences (retransmises en vidéo) à choisir, de notre prochaine saison 2024 – 2025, à la Station Ausone de la Librairie Mollat…
 
Cf ici la vidéo de mon entretien du 22 novembre 2022 avec Pascal Chabot  à partir de  son « Avoir le temps _ essai de chronosophie » (aux PUF)
et la vidéo de mon entretien du 9 janvier 2024 avec François Noudelmann à partir de  son « Les Enfants de Cadillac » (en Folio) ;
et chaque fois avec un aperçu panoramique sur l’ensemble de leur œuvre philosophique…
Et aussi la vidéo de mon entretien du 25 mars 2022 avec Karol Beffa à propos de son « L’Autre XXe siècle musical » (chez Buchet-Chastel).

Les matériaux de l’art

On compare souvent les arts du point de vue de leur forme, Bernard Sève fait le pari inverse : il les compare du point de vue des matériaux qu’ils mettent en œuvre. Rien n’est plus concret que les matériaux, rien n’est plus invisible _ c’est-à-dire invisibilisé par l’œuvre nouvelle. On voit le tableau sans penser aux pigments. Ces matériaux sont matériels (argile, bronze) ou immatériels (thème musical, scénario dramatique) ; tous commandent _ voilà : souterrainement _ une séquence conceptuelle rigoureuse : outils et techniques, pratiques corporelles, coopérations et collaborations, fragilités et restaurations, usages seconds.

Prenant en compte une centaine d’arts différents, le livre propose des rapprochements étonnants. Il ne se contente pas d’élargir considérablement les manières de comparer les arts, il propose une conceptualité neuve _ voilà. Ecartant la question classique « comment distinguer l’art du non-art ? », il développe la notion d’artisticité _ cruciale, fondamentale ; et comportant divers degrés… Ce concept beaucoup plus fécond repose sur l’idée qu’il n’y a pas de césure, mais une continuité entre art et non-art. L’art se décline par degrés _ voilà.

La conception que nous nous faisons couramment des arts et de la logique de leur développement historique en est profondément modifiée. Le foisonnement des pratiques artistiques n’est pas un problème, mais une condition _ même _ d’intelligibilité _ par le foisonnement fécond er proprement créatif, par hybridations, des imageances, pour reprendre ce concept que m’a inspiré l’amie Marie-José Mondzain … Comprendre cette diversité permet de s’approcher au plus près de ce qu’il peut y avoir d’artistique dans tout geste technique.

Un livre indispensable !!!

Ce lundi 19 février 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Retour, ce jour, à élargir la connaissance la plus sensible de l’oeuvre musical d’Adriaen Willaert (suite 3) : des podcasts et des vidéos très prenants, ainsi que quelques précieuses précisions sur les diverses performances (vidéos et podcasts de concerts, disques vinyle, CDs, vidéos de pièces diverses disponibles seulement sur le web…) par l’excellentissime Ensemble Dionysos Now ! de Tore Tom Denys, et sa grâce miraculeuse…

09août

 

En continuant dans le sillon de mes précédents articles « « ,

« « ,

« »,

« « ,

« «

et « « ,

je désire revenir, ce jour mercredi 9 août 2023, apporter des précisions _ et aussi un peu d’ordre _ sur les diverses performances de l’Ensemble Dionysos Now ! _ « With the wise words of Winston Churchill in mind « Never waste a good crisis », Denys started studying the scores of his fellow townsman Adriaen Willaert during the lockdown and so he rediscovered the wonderful music of this Venetian chapel master over the past few months. A new initiative was born : Dionysos Now! Vienna is a brand new project that aims to spread the magnificent heritage of Adriaen Willaert. With Dionysos Now!, Tore would like to demonstrate that Renaissance vocal polyphony is very captivating music that deserves to be appreciated by a wider audience » déclare significativement Tore Tom Denys, son créateur, en 2020, en une intéressante présentation de ce projet qu’il construit depuis pièce à pièce… _,

performances jusqu’ici diversement accessibles _ bien trop incommodément !, cela frôlant même de près l’absurdité éditoriale ! _, et toutes consacrées à des œuvres (Messes, Passion, Motets, Villanesche, Madrigaux, Chansons…) d’Adriaen Willaert (Roeselare, ca. 1490, Venise, 7 décembre 1562) :

_ soit matériellement en disques vinyle :

les disques « Adriano 1 » (Evil Penguin EPRC 0041), « Adriano 2 » (EPRC 0043), et « Adriano 3 »  (EPRC 0047) ;

_ ou matériellement encore  _ et c’est plus commode ! _ en CD : le CD « Adriano 4 » (EPRC 0054) ;

_ soit informatiquement en vidéos de concerts enregistrés, accessibles sur le web seulement :

la saisissante vidéo (d’une durée de 26’05) _ ou son alternative (d’une durée de 26’14) _, d’un enregistrement sans public, à l’occasion de la tenue, en l’église Saint-Jacques, à Gand, de l’exposition Honoré d’O, de l’admirable « Missa  »Mittit ad virginem »« , le 27 décembre 2020,

dont les 7 interprètes sont : Terry Wey, superius ; Bernd Oliver Frölich, alto-tenor ; Jan Petryka, tenor ; Julian Podger, tenor ; Tore Tom Denys, tenor ; Tim Scott Whiteley, baritone ; et Joachim Höchbauer, bass ;

ainsi que le film-vidéo intitulé « Live in Venice » (d’une durée de 59’50) comprenant surtout le concert enregistré, en public cette fois _ et en une acoustique hélas moins précise, plus confuse _, à la Scuola grande di San Marco, de Venise,

dont les 7 interprètes sont : Filip Damec, countertenor ; Bernd Oliver Frölich, ténor ; David Munderloh, tenor ; Julian Podger, tenor ; Tore Tom Denys, tenor ; Tim Scott Whiteley, bass-baritone ; et Simon Whiteley, bass ;

_ soit informatiquement encore en podcasts accessibles sur le web de diverses pièces chantées : Motets, Canzoni Villaresche, Madrigaux, d’Adriaen Willaert _ en de très précieuses prises pas toutes disponibles, et c’est dommage !, sur les disques vinyle (« Adriano 1« , « Adriano 2« , « Adriano 3« ), ni sur le CD (« Adriano 4« ), tels qu’ils ont été publiés jusqu’ici par le label Evil Penguin Records Classical ;

dont je possède, par ailleurs, de lumineux CDs Weinberg !..

Sur le CD « Adriano 4 » (EPRC 0054),

dont les 7 interprètes sont : Franz Vitzhum, countertenor ; Bernd Oliver Frölich, tenor ; Jan Petryka, tenor ; Tore Tom Denysn tenor ; Tim Scott Whiteley, bass-baritone ; Pieter Stas, bass ; et Joachim Höchbauer, bass ;

sont présentes 4 œuvres, accessibles aussi en podcasts sur le web :

d’une part, la splendide « Passio Domini nostri Jesu Christe secundum Joannem » (d’une durée de 49’30), et, d’autre part, 3 Motets : « Tristis est anima mea » (3’26), « Ecce lignum crucis – Crux fidelis » (5’39) et « Da pacem Domine » (2’24).

Mais, absents de ce CD _ pour des raisons qui m’échappent ! _,  sont cependant accessibles en podcasts sur le web, 3 autres Motets : « Infelix ego«  (6’45), « Flete oculi » (4′ 12) et « Dulces exuviae » (3’50).

Du disque vinyle « Adriano 1 » (EPRC 0041), sont accessibles sur le web les 10 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la magnifique Missa « Mittit ad virginem »  : 1. Kyrie Eleison (3’42) ; 2. Gloria (4’45) ; 3. Credo (8’05) ; 4. Sanctus – Benedictus (5’36) ; 5. Agnus Dei (5’55) ;

celui du « Choral Hymnus Mittit ad virginem » (3’38) ;

ainsi que ceux de 4 Motets : « Mittit ad virginem » (9′ 53) ; »O Gloriosa Domina » (4’47) ; « Ave Maria » (4’09) ; et « Beata Viscera » (3’51).

Du disque vinyle « Adriano 2 » (EPRC 0043), sont accessibles sur le web les 14 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la Missa « Sex vocum super Benedicta«  : 1. Kyrie Eleison (3’36) ; 2. Gloria (5’22) ; 3. Credo (7’24) ; 4. Sanctus (5’37) ; 5. Agnus Dei (3’35) ;

celui du « Kyrie cunctipotens Genitor Deus » (5’58) ;

et ceux des Motets : « Regina coeli » (1’11) ; « Maria Mater Domini » (6’36) ; « In diebus illis » (5’05) ; et « Venator lepores » (5’21) ;

ainsi que ceux des Villanesche : « O dolce vita mia » (5’10) ; et « A quand’a quand’haveva » (2’32) ; ainsi que ceux du madrigal « Passa la nave » (4’39) et de la chanson « A la fontaine du prez » (2’24).

Du disque vinyle « Adriano 3 » (EPRC 0047), sont accessibles sur le web les 11 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la Missa « Ippolito«  : 1. Kyrie (3’23) ; 2. Gloria (4’47) ; 3. Credo (7’16) ; 4. Sanctus (6’17) ; 5. Agnus Dei (4’23) ;

ceux des Motets : « Adriacos numero » (5’02) ; « Si rore Aonio » (5’47) , « Haud aliter pugnans » (2’43) ; et « Victor Io salve » (5’23) ;

et ceux des Chansons : « Quando di rose d’oro » (2’29) ; « Qui boyt et ne reboyt » (0’55).

J’y joins aussi quelques précieuses vidéos _ peut-être en existe-t-il d’autres que je n’ai pas su dénicher jusqu’ici sur le web… _  de pièces prises aussi en concert par Evil Penguin TV :

_ « A quand’a quand’haveva una vicina » (d’une durée de 2’43).

_ « O dolce vita mia » (d’une durée de 5’36).

Des réalisations assurément marquantes : très prenantes musicalement par leur intime, directe, et transcendante intensité :

à écouter et regarder ici-même, par ces divers liens en rouge

Et le lien tout spécial qui unit le chef et chanteur très inspiré et très juste qu’est Tore Tom Denys _ né à Roeselare, en Belgique, en 1973, et installé à Vienne, en Autriche, depuis 1998 _, au génie musical d’Adriaen Willaert,

tient peut-être à leur commun lieu de naissance _ flamande _, à Roselaere-Roulers _  une cité située à mi-chemin entre Bruges, Gand et Lille…

D’où la probable décision de Tore Tom Denys de ne plus se contenter de chanter au sein de l’Ensemble Cinquecento, dont il est un des membres fondateurs, à Vienne, en 2004, et auquel il demeure fidèle,

et dont il est très activement partie prenante, spécialement dans le très beau et passionnant _  lire aussi son très précis livret, aux pages 11 à 16, rédigé par Katelijne Schiltz, en 2010… _ CD Hyperion CDA67749 « Adrian Willaert Missa Mente tota & Motets » _ la « Missa Mente tota » à six voix pourrait avoir été écrite par Willaert durant son séjour à Rome, en 1514-1515, lorsque celui-ci était au service du cardinal Ippolito I d’Este (Ferrare, 1479 – Ferrare, 1520) ; et à partir du Motet à quatre voix « Mente tota« , de Josquin des Prez, composé par Josquin en sa période milanaise, des années 1480 (présent à la plage 1 de ce CD, et d’une durée de 4’04) ; quant aux 5 motets de Willaert présents sur ce vraiment passionnant CD, il s’agit des Motets « Laus tibi, sacra rubens« , « Creator omnium, Deus« , « O iubar, nostrae specimen salutis« , « Verbum bonum et suave » et « Quid non ebrietas ? » dont les durées respectives sont, en ce CD, de 4’41, 3’16, 11’34, 7’08 et 1’56... _, enregistré à St Wolfgang-bei-Weitra, en Autriche en juin 2009 _ les 5 autres chanteurs de ce CD, en plus de lui-même, étant Terry Wey, Jakob Huppmann, Thomas Künne, Tim Scott Whiteley et Ulfried Staber _,

mais de créer aussi, au moment des confinements pour le Covid en 2020, et tout spécifiquement pour chanter Adriaen Willaert, un ensemble ad hoc, qu’il a jubilatoirement intitulé « Dionysos Now ! » _ consultez cette page ! _, pour des programmes exclusivement consacrés à la musique d’Adriaen Willart, qu’il a très simplement baptisés : « Adriano 1« , « Adriano 2« , « Adriano 3« , « Adriano 4« , et bientôt « Adriano 5« , etc.

Et en osant espérer que tous ces enregistrements _ d’œuvres d’Adriaen Willaert, par l’ensemble Dionysos Now ! _, véritablement sublimes qu’ils sont !, seront prochainement disponibles, et en entier, aussi en CDs…

Ce mercredi 9 août 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter la chaleureuse et sensuelle clarinette de Martin Fröst interpréter, en des re-créations musicales, divers morceaux composés pour divers autres instruments en un tout récent très poétique CD intitulé « Night Passages »…

26avr

Martin Fröst est un merveilleux clarinettiste _ suédois : il est né à Sunsvall le 14 décembre 1970 _,

dont je possède _ cf par exemple mes articles du 17 février 2009 : «  » ; ou du 22 avril 2020 : «  » ; ou encore celui-ci, du 18 janvier 2à22 : « «  _ la plupart des _ magnifiques _ CDs du grand répertoire _ classique _ pour la clarinette _ présents principalement au catalogue de l’excellent éditeur suédois BIS…

Découvrant par hasard le tout récent CD _ Sony 19439917402 _, intitulé « Night Passages« ,

avec aussi la contrebasse de Sébastien Dubé _ canadien, né à Québec le 3 septembre 1966, et musicien de jazz… _et le piano de Roland Pöntinen _ suédois, né à Danderyd le 4 mars 1963 _,

ma curiosité n’y résiste évidemment pas.

Bien que la plupart des morceaux _ tous brefs _ choisis pour ce programme de cross-over : avec des pièces de Domenico Scarlatti (2), Chick Corea (2), Johann-Sebastian Bach (3), Henry Purcell (2), Richard Rodgers, Jean-Philippe Rameau (3), Antonio Cesti, George-Frideric Handel, Hugo Alfven, Martin Fröst lui-même, un air traditionnel scanfinave et Gordon Jenkins _ n’aient pas été composés pour la clarinette même,

mais transposés, et même re-créés ici, pour elle,

il me faut bien convenir du rare et intense plaisir immédiatement provoqué à l’audition de cet intensément poétique récital soigneusement composé ainsi par Martin Fröst, et intitulé « Night Passages » _ en registré à Uppsala, du 3 au 6 mai 2021, et à Stockholm le 5 octobre 2021, en la 51ème année de Martin Fröst _ :

car ce sont là, oui, de véritables re-créations musicales, très inspirées, et vraiment superbes…

C’est que le jeu, toujours magnifique, de Martin Fröst laisse rarement indifférent ou froid :

Martin Fröst est un considérablement merveilleux clarinettiste.

Ce mardi 26 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la sublime jubilatoire sublimation du deuil brutal d’un ami : le « Tombeau » sur la mort de Monsieur Blancrocher, de Johann-Jakob Froberger, par Gustav Leonhardt, et/ou Bob van Asperen

21mai

Bien sûr,

il y a quelque part du paradoxe à ranger parmi les « Musiques de joie »
le sublime Tombeau sur la mort de Monsieur Blancrocher, de Johann-Jakob Froberger
(Stuttgart, 18 mai 1616 – Héricourt, 7 mai 1667) :
« Tombeau fait à Paris sur la mort de Monsieur de Blancheroche »,

« lequel se joue fort lentement, à la discrétion, sans observer aucune mesure »…
Une mort survenue une soirée de novembre 1652 lors d’une chute dans un escalier, chez lui,
et en la présence en personne de l’ami Froberger…
La joie, en effet paradoxale, vient de la sublimité de l’écriture musicale
_ « sans observer aucune mesure », si ce n’est celle de l’adéquation de la musique à l’intensité-profondeur de la peine éprouvée, et donc très simplement ad libitum, tant pour le compositeur que pour l’interprète _
pour se situer à la hauteur terrible de l’effroi du chagrin de la perte
et de la soudaineté de l’accident.
À aussi sublime œuvre, donc, de la main du compositeur,
doit tenter de répondre la hauteur et parfaite justesse _ sans boursouflure, ni maniérisme, forcément _ de l’interprétation…
Je viens de ré-écouter,
pêchées dans le désordre honteux de ma discothèque 
_ certains CDs me demeurant, malgré mes efforts, trop partiels encore, de rangement, encore cachés ; et par là inaccessibles _,
deux interprétations magistrales, en leur diversité même, de Bob van Asperen,
en 2000 et en 2004,
dans le double CD AEolus titré « Le Passage du Rhin », CDs AE 10024, sur un clavecin original Ruckers,
et dans le CD AEolus titré « Pour passer la mélancolie », CD AEolus 100745, sur un clavecin original Labrèche ;
et une, sublimissime, de Gustav Leonhardt,
en 1997,
dans le CD Sony Classical Weckmann –  Froberger Toccatas & Suites K 62732, sur un clavecin d’après un Ruckers de 1624.
Oui, un extraordinaire chef d’œuvre de musique jubilatoire, en effet,
mise au défi de la plus profonde justesse d’inspiration du moment _ au concert, ou au disque _ de l’interprète.
De fait, c’est au concert, et à plusieurs reprises,
à Bordeaux même,
que j’ai découvert _ et goûté _ ce sublimissime Tombeau de Monsieur Blancrocher de Johann-Jakob Froberger,
sous les doigts de braise de l’immense Gustav Leonardt
_ s’Graveland, 30 mai 1928 – Amsterdam, 16 janvier 2012…
Ce vendredi 8 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le mystère résolu de la matière des objets inspirant les « Mythologies » d’Alain Béguerie : la garluche, de certaines zones de la côte aquitaine

30oct

Hier mercredi 29 octobre, à 18 heures 30, 29 rue Bergeret à Bordeaux,

vernissage de l’exposition de photographies « Mythologies« 

de l’ami Alain Béguerie,

au jeu duquel je me suis prêté pour une pièce de ce qu’Alain m’avait dit être « d’alios« ,

en laquelle, répondant à son invite, je « voyais », ou « déchiffrais », en cherchant bien, la puissante figure du centaure Chiron, éduquant de son sage conseil son plus fameux élève, le (bientôt) bouillant Achille…

Sur les murs, côte à côte, une étonnante série d’images, de formats très voisins,

composées _ mais cela, je ne le soupçonnais même pas pour le cas de mon centaure, que je pensais fait d’une seule pièce ! _,

puis photographiées _ magnifiquement, par un jeu caressant de lumière _, par Alain Béguerie ;

et chacune accompagnée d’un texte qu’Alain avait demandé de proposer à ses amis,

et cela à l’entière fantaisie de chacun, pour ce qui concernait le genre et la longueur, sous l’unique indication du titre futur de la collection : « Mythologies« .

Dans mon cas, ce texte à venir ne pouvait être qu’un poème,

et plutôt assez bref, voire elliptique,

indiquant seulement clairement de quel personnage de la mythologie l’objet montré ici par la photo témoignait de la prégnance

tant dans l’œuvre même exposée _ qui, déjà, avait capté l’attention du marcheur de la plage atlantique qu’était son découvreur et conserveur : Alain Béguerie, le photographe qui l’honorait de sa très belle prise de vue en couleurs _

que dans l’esprit du regardeur à l’écritoire,

invité, lui, à proposer ce qu’à son esprit, titillé par ce thème suggéré des « mythologies« , lui inspirait l’œuvre,

et, doublement, minérale _ « d’alios » m’avait dit Alain… _, et photographique,

confiée à nos bons soins (d’inspiration, à notre tour) par l’amitié d’Alain…

Or voilà que François Hubert nous apprend _ à tous _ et nous explique que

la plupart de ces pièces minérales _ à la rare exception de quelques unes, effectivement constituées d’alios _ sont d’un autre minéral que l’alios, et ferrugineux, lui aussi, la garluche, présent en quelques lieux de la côte aquitaine, dans les Landes, mais surtout dans le Nord-Médoc, en un lieu nommé « la pointe de la Négade« , qu’aime arpenter l’ami Alain Béguerie, à la rencontre de ces objets mystérieux et poétiques qui viennent déclencher sa rêverie « mythologique » de marcheur tranquille…

Sur les murs,

tout à côté de mon centaure Chiron éducateur d’Achille,

Eric des Garets utilise lui aussi _ je remarque _, à propos de son objet, le même vocable de « centaure« .

J’ai aussi retenu la présence de Prospero, de Caliban et d’Ariel, dans le texte court et alerte, lui aussi, de Donatien Garnier.

Ainsi que la très belle phrase de conclusion du texte de Fabienne Alexandre : « Démeter recherche Perséphone« …

Voici donc le texte de François Hubert qui « présente » ces « Mythologies » d’Alain Béguerie,

exposées au Boulevard des Potes, 29 rue Bergeret, à Bordeaux, du 26 octobre au 13 novembre 2015 :

Les mythes éphémères d’Alain Béguerie

Une connaissance dont je n’avais jamais douté du sérieux, me dit un jour sans sourciller qu’elle connaissait un photographe qui sculptait l’alios !


Passe encore de sculpter quand on est photographe, mais de l’alios ! Cet agrégat de sable, d’humus décomposé et d’hydrate de fer qu’on trouve au niveau de la nappe phréatique sous les étendues sablonneuses des Landes, est impropre à toute sculpture : sous la seule pression des doigts il s’effrite.


J’ai alors pensé qu’il pouvait s’agir de garluche, car cette roche est souvent confondue avec l’alios en raison de sa couleur et de son caractère ferrugineux. C’est un grès quartzeux, dur et compact, qui affleure en de rares endroits des Landes. On l’utilisait autrefois comme soubassement des maisons à colombage ou même dans les murs de certaines églises. Depuis des temps immémoriaux, on le réduisait aussi dans des forges pour en extraire le fer indispensable à la fabrication de l’outillage. Mais il est impossible de sculpter la garluche parce que, peu homogène et cassante, elle éclate sous le premier coup de burin.


Il fallut que je me rende à l’atelier du mystérieux photographe qui n’est autre qu’Alain Béguerie, pour constater, contre toute attente, que c’est bien la garluche qu’il travaille. Cependant, il ne la sculpte pas, mais assemble les pierres selon des formes qui ne parlent qu’à lui. En photographiant cet assemblage aussi hasardeux qu’éphémère, l’artiste joue sur l’angle de prise de vue et la lumière pour immortaliser les formes qu’il a voulu créer. Puis l’œuvre première est détruite, même si l’artiste met un point d’honneur à conserver les éléments qui la composent en les reliant avec du raphia.


Ainsi s’éclaircissait le mystère du photographe-sculpteur : ses mythes éphémères sont des œuvres de pierre de fer, dont seule la photographie prouve qu’elles ont pu exister quelques secondes.


Mais un deuxième mystère m’intriguait : d’où pouvaient bien provenir toutes ces pierres rassemblées dans l’atelier d’Alain Béguerie ? Certaines d’entre-elles avaient des formes peu communes : on aurait dit des objets fossilisés dans le fer. J’ai vu ainsi un bois flotté dont on reconnaissait les stries à travers le métal qui le dévorait. J’ai vu aussi un galet et un fossile et probablement ce qui avait pu être une pendeloque du Néolithique, victimes de la même métallisation, comme si un alchimiste fou tentant de tout transformer en or ne parvenait qu’à produire un fer de mauvaise qualité !


Car le caractère fantastique de cette création vient aussi du lieu où Alain Béguerie « cueille » ses pierres : la pointe de la Négade qui est un autre finis-terre où les éléments se livrent une guerre sans merci depuis la nuit des temps. Qui n’a pas navigué dans ces eaux où bancs de sables, battures et hauts-fonds soulèvent de terribles déferlantes même par beau temps, ne peut imaginer la violence avec laquelle la mer affronte ici la terre. Au fil du temps la ligne de côte bouge sans cesse. Soulac, l’Amélie, la Négade ont été loin à l’intérieur des terres à certaines périodes de l’histoire, et à d’autres au contraire cette pointe du Médoc n’était qu’un chapelet d’îles qui courrait jusqu’à Lesparre. Depuis le Néolithique ces terres sont habitées. A l’âge du bronze, on contrôlait (pas toujours pacifiquement) le commerce de l’étain qui arrivait des îles britanniques, et à l’époque gauloise on y fabriquait probablement déjà des armes en fer à partir de la garluche. Il fallait bien trouver un intérêt à vivre sur des terres aussi inhospitalières, et ici, la créativité humaine n’a d’égale que son avidité. Aujourd’hui où la mer reprend ses droits sur la terre, surgissent à chaque marée ces pierres de garluche, mais aussi une multitude d’objets pétrifiés dans le fer. Parfois, au moment des grandes marées, on trouve aussi sur l’estran des objets exceptionnels venus du fond des âges, comme un poteau funéraire en bois miraculeusement conservé ou un sanglier enseigne en laiton, qui tous deux datent du bien nommé âge du fer ! On peut les voir dans les musées de la région où ils font figure de pièces exceptionnelles.


Les mythes de pierre d’Alain Béguerie entrent en résonance avec cette agitation permanente des éléments et de l’histoire humaine, ici rien ne dure, tout est éphémère. Mais il ne faut pas se fier aux belles figures féminines qu’il crée avec tant de légèreté : maintenant j’en suis sûr, elles viennent de l’enfer.


François HUBERT


Allez-y donc rêver vous aussi

en contemplant ces photos

et parcourant ces textes de votre propre rêverie-fantaisie…

Titus Curiosus, ce jeudi 30 octobre 2015

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur