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L’exploration enchantée du « continent Telemann » : le très jouissif CD « Telemann Works for Violins without Bass » de l’Imaginarium Ensemble The Sharp Band d’Enrico Onofri (suite)…

23mar

Le lundi 27 février dernier, très fervent telamannien que je suis,

j’intitulais «  » l’article que je consacrais au merveilleusement jouissif CD Passacaille 1126 « Works for Violins without Bass » de l’Imaginarium Ensemble The Sharp Band

d’Enrico Onofri et ses compères magnifiques violonistes baroques Alessandro Tampieri, Boris Begelmann et Maria Cristina Vasi,

article que revoici donc :

Et le toujours généreux, inventif, lumineux Telemann, en un réjouissant jubilatoire programme de diverses pièces pour plusieurs violons, et sans basse, par l’Imaginarium Ensemble The Sharp Band, sous la direction entraînante d’Enrico Onofri…

— Ecrit le lundi 27 février 2023 dans la rubriqueHistoire, Musiques”. Modifier cette entrée

Décidément,

l’œuvre féconde de Georg-Philipp Telemann (Magdebourg, 14 mars 1681 – Hambourg, 25 juin 1767) recèle un inépuisable trésor de splendides musiques à réjouir _ chercher par exemple mes premiers choix personnels, spontanés, de musiques de Telemann parmi mon listing de la période de confinement du Covid, récapitulé en mon article du 1er août 2021 : « « … Telemann constituant pour moi l’archétype même du « musicien de joie »

Ce jour,

c’est l’Imaginarium Ensemble The Sharp Band, en l’occurrence les quatre violons de Enrico Onofri, Alessandro Tampieri, Boris Begelman et Maria-Cristina Vasi, qui nous a concocté un superbe programme, très diversifié _ à la Telemann : se réinventant joyeusement sans cesse… _ intitulé « Works for Violins without Bass« , pour le CD Passacaille 1126,

constitué de 2 « Concerti », 4 « Sonate« , 3 « Duetti » ainsi qu’une « Lection des Music-Meisters« , chacun de plusieurs violons mais sans basse,

extrêmement varié et d’une vivacité absolument entraînante,

de pièces à destination de musiciens _ afin de leur donner à pratiquer-interpréter !.._ certes d’un assez bon niveau, mais pas forcément ultra-virtuoses, ayant surtout et d’abord un immense et généreux plaisir à pratiquer et partager en petits concerts aussi la joie contagieuse de la musique.

Telemann ayant été toute sa vie _ et c’est même là un trait majeur, en même temps que tout à fait pionnier au sein de toute l’histoire de la musique… _ animé d’un immence souci de partager et diffuser, en divers journaux de musique, sa musique à la plus large échelle…

Comme  c’est d’ailleurs aussi lui, Georg-Philipp Telemann, qui a fondé-institué à Leipzig, en 1702, les concerts publics, avec des étudiants de l’université, du « Collegium musicum« ,

se produisant aussi au Café Zimmermann _ concerts du Collegium musicum que, après le départ de Telemann de Leipzig, en 1705, plusieurs années plus tard, entre 1729 et 1737 (ou 39), son ami Bach a repris…

« Dans l’année qui suit son entrée à l’Université, Telemann forma un orchestre composé de 40 étudiants mélomanes (le Collegium Musicum), qui donne aussi des concerts publics. Contrairement à d’autres orchestres amateurs, le Collegium survivra, sous le même nom, après le départ de Telemann. Plus tard encore, sous la direction de Johann Sebastian Bach, le « Collegium Musicum » télemmanien aura une grande influence sur la vie musicale de la ville« …

Un CD particulièrement jouissif, donc,

que ce CD Telemann de plusieurs violons sans basse, que nous proposent ces jours-ci Enrico Onofri et son Imaginarium Ensemble, à quatre violons seulement, dans l’excellent label Passacaille !

Ce lundi 27 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Or, voici que ce jour, jeudi 23 mars, soit 25 jours plus tard, c’est l’escellent Jean-Charles Hoffelé qui sur son site Discophilia, et sous l’intitulé _ guère imaginatif, et au fond pas très juste pour le caractère prétendument non moucheté des fleurets… _ « Fleurets non mouchetés« , consacre un bien bel article à ce superbe CD telemannien :

 

FLEURETS NON MOUCHETÉS

La jolie idée ! _ oui, extrêmement réjouissante _, glaner dans le cosmos _ oui : un corpus en effet gigantesque, et en grande partie encore inexploré, au concert comme au disque… _ violonistique de Telemann les pages où deux violons s’épaulent ou s’affrontent jusqu’au vertige sans la sécurité _ voilà : un sol ferme… _ d’une basse continue _ dont c’était bien là la fonction : servir de sol… On entre là dans l’atelier _ oui ; mais peut-on réellement dissocier l’oeuvre entier de Telemann de ce qui constitue son atelier expérimental ? Guère : lui qui ne cesse, et si joyeusement, toujours d’essayer, et sans se répéter… _de Telemann, que le violon inspira toujours au point de flirter avec l’écriture polyphonique que Bach _ toujours cette comparaison injustement dévalorisante pour Telemann : c’est un cliché… _ y osa _ Telemann était bien plus généreux…

Certes, mais on trouvera surtout beaucoup d’Italie _ forcément : le violon provient d’Italie _ dans les roucoulades et les échos des Sonates et Duettos ; l’instrument le commande _ oui, évidemment _, et partout des traits emplis d’imagination _ ouverte et fertile _, un vocabulaire inventif _ oui _, un goût de surprendre l’auditeur _ oui, un peu avant le malicieux Joseph Haydn _ par l’abondance vocale et la virtuosité audacieuse.

Littéralement, on ne voit _ certes _ pas le disque passer _ il défile dans l’allégresse _, tant poésie et giocoso s’allient_ mais oui _ dans les archets d’Enrico Onofri et d’Alessandro Tampieri, qui pour les opus à quatre parties comme le somptueux Concerto pour quatre violons en sol majeur (qui ouvre l’album) au Largo absolument vivaldien _ oui : le polyglotte Telemann pratiquait beaucoup, beaucoup d’idiomes musicaux ! _, sont rejoints par Boris Begelman et Maria Cristina Vasi. Les amis se retrouveront aussi en fin d’album pour un Concerto en ré majeur, solaire _ comme très souvent chez l’hédoniste et très généreux Telemann _, enjoué, simplement irrésistible _ voilà _, clou de ce magnifique voyage dans une part encore secrète _ par trop d’incuriosité encore de pas mal d’interprètes, et plus encore de toute la chaîne (commerciale) des producteurs-organisateurs-diffuseurs qui conduit au mélomane, au concert et au disque... _ du continent Telemann _ une expression très heureuse, que je reprends dans l’intitulé de cet article-ci mien…

LE DISQUE DU JOUR

Georg Philip Telemann(1681-1767)

Concerto pour 4 violons sans basse en sol majeur,
TWV 40:201

Sonate pour flûte et violon en sol majeur, TWV 40:111 (extrait du « Der Getreue Music-Meister » ; version pour 2 violons)
Concerto pour 4 violons sans basse en ré majeur, TWV 40:202
Duetto en sol majeur, TWV 40:124 (version pour 2 violons)
Duetto en si mineur, TWV 40:126 (version pour 2 violons)
Concerto pour 4 violons sans basse en ut majeur, TWV 40:203
Duetto en la mineur, TWV 40:125 (version pour 2 violons)
Sonate en ré majeur, TWV 40:120 (No. 3, extrait des « 18 Canons mélodieux » ; version pour 2 violons)
Sonate en sol majeur, TWV 40:118 (No. 1, extrait des « 18 Canons mélodieux » ; version pour 2 violons)
Sonate en ré majeur, TWV 40:103 (No. 1, extrait des « Sonates sans basse » ; ; version pour 2 violons)

Imaginarium Ensemble
Enrico Onofri, Alessandro Tampieri, Boris Begelman et Maria Cristina Vasi, violons

Un album du label Passacaille PAS1126

Photo à la une : Jean-Baptiste Guélard, Le maître d’armes (1740) – Photo : © DR

Une superbe très réjouissante réalisation télémannienne, donc.

Et un très riche et dense continent telemannien à continuer d’explorer avec un pareil bonheur d’interprétation

ouvert et fidèle à la générosité hyper-inventive de ce très heureux compositeur épanoui…

Ce jeudi 23 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Quelques nouvelles des superbes miniatures italiennes de Bernard Plossu, en conversation discrète avec François-Marius Granet, cet été 2022 au Musée Granet, à Aix-en-Provence

16juil

Très simplement ceci :

Les miniatures italiennes de Bernard Plossu

Bernard Plossu
Bernard Plossu
Bernard Plossu, Villa Medicis, 2001, collection particulière. © Bernard Plossu.
« L’Italie des paysages est ancrée en moi. Depuis toujours, avec une loupe, je regarde les arrière-plans _ voilà ! _ des grands tableaux classiques, les villages, les châteaux, les collines surtout, souvent peintes dans des teintes brunes » écrit Bernard Plossu dans son ouvrage Voyages italiens publié en 2004. L’Italie pour ce photographe né à Đà Lạt, au Sud du Viêt Nam, c’est une histoire de famille qui remonte à loin, « je me sens très italien à cause de la couleur de ma peau et de mes cheveux. » Son arrière-grand-mère était d’Urbino, cette commune où dit-il dans un entretien réalisé par Bruno Ely et publié dans le livre de l’exposition « Plossu – Granet, Italia Discreta » : « je rêve toujours d’aller et ne suis toujours pas allé. »
C’est en février 1970, à l’âge de vingt-cinq ans et en voiture que Bernard Plossu se rend pour la première fois en Italie. « C’était donc en hiver, il pleuvait à torrents et j’ai attrapé une grippe carabinée à Rome avant d’aller à Pompéi encore sous la pluie. C’était un Pompéi sombre. Il n’y avait personne, j’étais avec une petite amie à l’époque et on nous a ouvert Pompéi et là je me suis dit, là, il se passe quelque chose ! » Avant l’Italie, c’était un peu la famille, mais surtout le cinéma, comme beaucoup de jeunes Français de sa génération, il avait été marqué par les films de Don Camillo.
Bernard Plossu, Rome, 1980, collection particulière. © Bernard Plossu.
François-Marius Granet, Vue prise à la Villa Médicis, 1er tiers du XIXe siècle, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en- Provence.
François-Marius Granet, Vue du monastère des Capucins et de l’arbre de San Felice à Tivoli, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu, Florence, 1993, collection particulière. © Bernard Plossu.
 « Je me souviens être arrivé de nuit à Gênes, et je n’en croyais pas mes yeux de voir sur le port tous les feux allumés – c’était en hiver, les prostituées du port se chauffaient avec des braseros, et tout… On s’est retrouvés là-dedans, j’étais avec ma copine, où dormir ? Je ne m’en souviens plus en fait. » De ce premier séjour, il a quelques images comme une photographie en noir et blanc de Pompéi sous la pluie. Il s’installe ensuite aux États-Unis, sur les hauts plateaux du Nouveau-Mexique pour « un long séjour américain » dont on peut retrouver des images dans l’ouvrage So Long. Vivre l’Ouest américain 1970/1985 publié par les éditions Yellow Now.
« Je suis retourné à Rome en 1979 en provenance du Nouveau-Mexique. Puis, nouveau séjour romain en 1980. À partir de 1985, j’ai fait au moins une bonne quarantaine de petits séjours partout en Italie, en Toscane, en Ligurie particulièrement. Basé à La Ciotat, je pouvais y aller en voiture ou en train… » Le photographe se prend de passion pour l’Italie. Il se rend partout, « des paysages de montagne près de Cuneo, à la frontière du col de l’Arche, c’était à Chialvetta, jusqu’en Sicile ou en Sardaigne. » Ces séjours italiens, il ne les arrêtera jamais, sauf pendant la période du Covid.

François-Marius Granet, Intérieur d’une cour à Tivoli, musée Granet, Aix-en- Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence. / Bernard Plossu, Lucca, 2009, collection particulière. © Bernard Plossu.
Féru de littérature italienne, Bernard Plossu lit tout, du polar à la poésie, et principalement des auteurs contemporains où un certain « humour italien » lui plaît, « un humour qui touche au drame de la vie et qu’on peut résumer en une expression, quand tu lèves les sourcils : “Ecco !” C’est comme ça ! Et ça, c’est très italien, tu vois : il t’arrive un truc terrible, et tu arrives à le prendre ainsi. » La peinture italienne le captive également : Campigli, Sironi, De Chirico, Melli, de Pisis, Scipione. « Quand je suis en Italie, je vais dans les musées. Dans n’importe quelle ville, je trouve toujours un peintre que je ne connais pas, ou deux ou trois, avec souvent des catalogues à cinq euros parce qu’ils ne sont pas connus et que personne n’en veut. »
Dans l’exposition « Plossu – Granet, Italia Discreta », les commissaires Bruno Ely et Pamela Grimaud créent des liens _ voilà _ entre les photographies de Bernard Plossu et les peintures de François-Marius Granet. « Deux siècles les séparent, mais deux amis s’étaient rencontrés. » écrit Pamela Grimaud. Peintre emblématique de la ville d’Aix, François-Marius Granet (1775-1849) fut lui aussi inspiré et fasciné par Rome et l’Italie. « L’un et l’autre ont parcouru la campagne romaine, poursuit-elle, happés par la lumière qui anime le paysage contemplé. La qualité de l’espace devant soi, les valeurs de clair-obscur, les rapports du plein et du vide, autant de critères que le peintre et le photographe ont souhaité donner à voir, appareil Nikkormat ou carnet de croquis à la main. »
Bernard Plossu, Rome, 1979, collection particulière. © Bernard Plossu.
François-Marius Granet, Ruines d’un arc du Colisée à Rome, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu photographie l’Italie en 50mm, « ce qui est l’unité de ton de Corot et des œuvres italiennes de Granet (…) Au 50 mm, c’est impossible de faire de l’effet, il n’y a ni la distorsion du grand angle, ni l’aplatissement du téléobjectif, c’est l’objectif photographique au plus près de l’œil. » Ruelles chargées d’histoire, de culture, de mémoire, paysages suspendus dans le temps, Bernard Plossu travaille principalement en noir et blanc, mais expérimente parfois la couleur à travers le tirage Fresson qui donne un rendu délavé, granuleux, doux et presque poudré à ses images. Une soixantaine de lavis et d’aquarelles du peintre François-Marius Granet sont mises en regard au Musée Granet avec plus de cent photographies de Bernard Plossu, pour la plupart inédites, des petits tirages, « mes miniatures dit-il, (qui) sont sans doute miniatures pour respecter ce côté miniature des fonds de tableaux. Tout d’un coup, je suis en train d’y penser (…) En général, quand on fait quelque chose, pour que ce soit bien, il faut que ce soit plus fort que soi, c’est-à-dire complètement inconscient, et c’est exactement ce qui m’a fait photographier l’Italie. »
« Plossu – Granet, Italia Discreta » au Musée Granet, Pl. Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence, dans le cadre du Grand-Arles Express, jusqu’au 28 août 2022.
Plossu – Granet, Italia Discreta est publié par les Éditions Filigranes et le Musée Granet, 192 pages, 29€.
François-Marius Granet, Vue du torrent de Santa Scolastica sur le chemin de San Benedetto Subiaco, musée Granet, Aix-en-Provence © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu, Barga, Toscane, 2009, collection particulière. © Bernard Plossu.

Ce samedi 16 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’enchantement de l’évidence parfaite du « Plossu / Granet Italia discreta » du Musée Granet à Aix-en-Provence (29 avril – 28 août 2022) : un pur classicisme d’images cueillies au vol à la simple croisée de l’éternité…

22mai

D’abord, ce tout simple petit courriel adressé hier samedi 21 mai, à 14 h 17, à l’ami Bernard Plossu :

Ce matin, j’ai enfin trouvé ton « Plossu/Granet Italia discreta » chez Mollat.

Et j’achève à l’instant de le lire et regarder-contempler en entier :
c’est un chef d’œuvre absolu ! de partaite humilité du regard, d’une tendre et éblouissante évidence sensible, à la fois.
On dirait que vous vous êtes trouvés, Granet et toi, aux mêmes lieux, à Rome et ailleurs en Italie, et aux mêmes moments _ c’est déjà un peu plus extraordinaire ! _, avec de semblables regards : justissimes ! C’est stupéfiant !
Mais c’est que tous deux êtes d’un parfait classicisme d’éternité !
Francis
J’aime beaucoup aussi la simplicité justissime, elle aussi, de l’entretien avec Bruno Ely.
Bravo, bravo !
Cette réalisation est splendide !

Ensuite, ce très bel article intitulé  » Rome, physica e metaphysica, par François-Marius Granet, peintre, et Bernard Plossu, photographe » _ et cliquer sur le lien précédent pour accéder aux superbes images ! _, de Fabien Ribéry, avec, en vert, de menues farcissures de ma part ;

et en parfaite connivence avec mon propre ressenti :

Rome, physica e metaphysica, par François Marius Granet, peintre, et Bernard Plossu, photographe

 le 21 MAI 2022
 ©Bernard Plossu
Il y a actuellement, au musée Granet de la cité romaine d’Aix-en-Provence, une des plus belles expositions qui soient, presque franciscaine dans son dépouillement et sa grâce, Italia discreta.
Rien de spectaculaire ou de grandiloquent, mais une intimité de conversation et d’évidence _ les deux, en effet ! _ entre les œuvres d’artistes d’époques différentes, le peintre et dessinateur français François Marius Granet (1775-1849) et le photographe Bernard Plossu (né en 1945 à Dà Lat, Vietnam du Sud) passé par nombre de jardins de poussière et la totalité des îles italiennes.
On a souvent pensé avec lui que Corot était son alter ego, mais Granet, dans ses tableaux de petits formats, est d’évidence de sa famille sensible _ excellente expression.
La simplicité du principe de l’exposition en fait toute la saveur : faire dialoguer de façon dynamique une soixantaine d’aquarelles et lavis en clair-obscur du peintre aixois, réalisés à Rome et dans ses alentours, avec une centaine de photographies pour la plupart inédites du photographe globe-trotteur – l’empan chronique choisi allant du début des années 1970 à 2017 -, vues similaires ou très proches de celles de son devancier.
 ©Bernard Plossu
La plupart des photographie sont en noir et blanc, mais il y a aussi _ pour mon bonheur ! _ des tirages Fresson – tirage mat au charbon au rendu granuleux très doux – qui sont d’une grande beauté (aucun effet facile de brillance).
Les deux artistes regardent le paysage romain avec un même sens du silence intérieur, du mystère des petites formes, de la présence structurante du vide _ tout cela est magnifiquement juste..
Arts graphique 19è siècle – Collection du Musée Granet
Granet et Plossu, qui ont tous deux longuement séjourné en Italie, ne craignent pas la solitude, ni le jeu des ombres tombant sur des ruines, ni la puissance végétale ordonnant les apparences, ni les ciels gris, leurs travaux pouvant être considérés _ parfaitement ! _ comme des études d’après nature.   
Quelques traits, des ifs, une colline, une villa patricienne ou une ferme, un escalier, une lumière spéciale, nul doute, l’Italie est là, dans sa plénitude, peinte par Granet comme on prend des notes, et photographiée au Nikkormat 50 mm par un artiste adepte des petits formats, des miniatures, lui rappelant, confie-t-il dans un entretien passionnant _ mais oui ! _ avec Bruno Ely, les fonds de tableaux qu’il aime regarder à la loupe.
Granet et Plossu n’intellectualisent pas, sont simplement là, humblement _ oui, oui, oui ! _, sur le seuil des paysages qu’ils contemplent, comme pour ne pas déranger _ et simplement en passant là, mais sachant saisir d’un simple coup d’œil artisanal (et pudique), la grâce splendide alors croisée et offerte ; c’est tout à fait cela
… 
 ©Bernard Plossu
« Le paysage italien de Plossu, analyse l’historien de l’art Guillaume Cassegrain, est fait de portes (Granet puise aussi dans cette iconographie de l’hospitalité) qui sont la promesse de choses à voir, « le portail secret de l’initié » [Walter Benjamin]. La porte San Paolo, qui ouvre au sud-est Rome à la mer, avec la pyramide de Cestius à sa marge, au-delà du témoignage d’un monument célèbre de la ville, vaut pour une iconographie de l’entrée et révèle au cœur du paysage sa propre structure d’accueil. Plossu y revient _ de même que Granet : sur les seuils… _ avec ses nombreuses vues à travers une arche, un portique, qui fonctionnent à la manière d’encadrements _ mais oui _ de perspectifs permettant de condenser les rayons du regard et d’intensifier le désir qu’il emporte dans son mouvement de saisie. »
Passionné de littérature et de cinéma italiens, mais aussi par les peintres peu connus de la « Scuola romana », Bernard Plossu parvient à concilier sobriété et vivacité, culture et malice, mémoire visuelle et disponibilité absolue _ tout cela est parfaitement vu.
 ©Bernard Plossu
« On dit toujours, explique-t-il, qu’il faut rester chez soi quand il fait chaud, moi ça ne me bloque pas. Au contraire, je trouve que ces ombres et ces lumières existent aussi. Dans certains paysages de notre exposition, on trouvera cette lumière crue du milieu de la journée qui n’est pas recommandée en photo mais qui ne me gêne pas, parce qu’elle existe autant que la belle lumière du matin ou du soir. D’ailleurs, je photographie même en dormant ! C’est-à-dire qu’il m’est souvent arrivé de me réveiller et de voir un truc à la fenêtre, une lumière. Je fais une photo et je me rendors. Finalement, mon truc, c’est que je ne peux plus ne pas voir. Donc, qu’il soit midi, avec plein de soleil, ou huit heures du matin, avec une douce clarté, s’il y a une photo, la lumière ne compte plus. Ce qui compte, c’est qu’il y ait une photos, mais pour moi, c’est impossible de dire POURQUOI il y a une photo. A mon avis, aucun photographe ne peut arriver à dire pourquoi il prend cette photo-là. Moi j’appelle ça le mystère de la photographie » _ une expression que pour ma part je prèfère à celle d’ « instinct » du photographe. Le déclic, bien sûr, n’ayant absolument rien d’instinctif…
On entre en Italie par le Col d’Agnel ou le Col de Larche, on avance d’un pas ferme dans le paysage et pourtant tout est lent, comme suspendu, posé là sans drame.
Un mot pour désigner Bernard Plossu et François Marius Granet ? La fraîcheur, l’intensité de l’immédiat, la présence comme absolu _ une disponibilité au merveilleux de ce qui se présente, Kairos aidant…
Tous deux contemplent des paysages, mais ce sont ces mêmes paysages qui les désignent d’abord _ oui : eux se contententant d’y répondre par leur geste sûr d’artisan en toute simplicité.
Plossu / Granet, Italia discreta, textes de Sophie Joissains, Guillaume Cassegrain, Paméla Grimaud, entretien de Bernard Plossu avec Bruno Ely, tirages réalisés pour les noir et blanc par Françoise Nunez et Guillaume Geneste et la couleur par l’atelier Fresson, Filigranes Editions, 2022, 194 pages
 ©Bernard Plossu
Catalogue publié à l’occasion de l’exposition éponyme présentée au musée Granet (Aix-en-Provence), du 29 avril au 28 août 2022 – commissariat général Bruno Ely et Paméla Grimaud
Arts graphique 19è siècle – Collection du Musée Granet
Ce dimanche 22 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
 

 

Plossu voyage (en Italie, et à Rome) avec Granet : une présentation-regard de l’aixois Alain Paire de l’Expo aixoise, au Musée Granet, « Italia discreta »…

02mai

Un charmant texte-regard de l’aixois Alain Paire sur l’Exposition aixoise, au Musée Granet, intitulée « Italia discreta« ,

et rassemblant des œuvres de François-Marius Granet et de Bernard Plossu,

deux arpenteurs tranquilles et passionnés _ et pudiques _ des mêmes discrètes beautés romaines…

Plossu voyage avec Granet

Petits formats, affnités et cousinages : sous les combles du musée d’Aix, un photographe intuitif croise un lointain précurseur de l’impressionnisme.

En préambule, on félicitera chaleureusement les conservateurs du musée, Pamela Grimaud et Bruno Ely qui ont inventé les séquences de cette exposition. L’équation n’était pas simple à résoudre, François-Marius Granet est le fls d’un maçon aixois qui découvre Rome en 1802. C’est un novateur discret, son goût pour les ruines et les vedute relève pour partie de l’Ancien Régime. Né en 1945, Bernard Plossu se considère comme un enfant de la Beat Generation et de la Cinémathèque de Paris. Pour ses apprentissages de jeune artiste, il cite Robert Bresson, Vittorio de Sica et Pasolini. Cette union libre n’était pas évidente, de grands écarts d’âge et d’époque séparent les protagonistes. L’insatiable passion qu’ils éprouvent pour les voyages et les séjours en Italie ne suffisait pas pour qu’ils dialoguent.

Avec ses poutres et ses découpes d’espaces inattendus, la structure de l’ultime étage du musée _ le Musée Granet _ de la rue Cardinale est propice. Ce dossier impliquait des rapprochements rigoureux, de l’élégance et de la précision, rien qui soit lourd et démonstratif. La surprise et l’enchantement sont au rendez-vous, les petits et les moyens formats se succèdent : souvent minuscules, une centaine de noirs et blancs accompagnent les teintes assourdies de vingt tirages Fresson _ qui me plaisent personnellement tant… Chez Granet, voici soixante lavis rehaussés de brun, des aquarelles et des dessins fnement encadrés. Dans les photographies, exception faite pour quelques silhouettes furtives – des jeunes femmes, les passagers d’un bus, l’apparition d’une robe de moine – les présences humaines sont _ comme le plus souvent dans l’oeuvre de Plossu _ infimes. La précarité, la ferveur ou bien la légèreté peuvent surgir. On est sur un col de haute-montagne, dans les jardins de la Villa Adriana, en Toscane, ou bien à Vérone. Une fois de plus, voici « ce qu’on ne peut toucher autrement qu’en prenant des photos », l’improbable « courant d’air doux » désigné par Denis Roche quand il commentait Le _ plossuien _ Voyage mexicain : Guillaume Geneste en est témoin, Plossu « dépose tous les jours… un peu plus qu’il ne prend ».

On chemine parmi les chemins de crête, les arrière-cours, les placettes et les ruelles de l’accrochage. On ne capte pas une totalité _ mais toujours des interstices _ : les strates, les réponses et les détails de ces miniatures sont innombrables. Les rênes du sismographe _ du cadrage _ sont fermement tenues, Plossu confesse les éventuelles lacunes de son inventaire : des interlocuteurs qu’il rencontrera plus tard, les Dolomites pris par la neige, Urbino qui l’a toujours fasciné, la ville natale de son arrière-grand-mère.

Pour mieux comprendre l’Italie, des livres et des peintures

L’Italie est captivante. Elle ne se donne pas immédiatement. Appréhender et traduire les particularités d’un territoire procède aussi de la lecture. En vitrine, confectionnée avec des livres modestes que Plossu affectionne, une bibliothèque intime se dévoile : on aperçoit des pages de garde griffonnées, Cesare Pavese, Vincenzo Consolo, ou bien Antonio Tabucchi en édition de poche, des ouvrages dont les titres et les maquettes suscitent immédiatement l’adhésion, Les routes de poussière de Rosetta Moy, Un hiver à Rome d’Elisabetta Rasy _ notre amie romaine _, La mer couleur de vin de Sciascia. Dans une seconde vitrine, des références picturales indiquent que la liberté la plus farouche, les décentrements et les impulsions natives n’empêchent pas une acculturation de tous les instants. Plossu connaît bien _ en effet _ la peinture métaphysique italienne avant Mussolini. Pas seulement Corot, Morandi ou De Chirico.

Une exposition dédiée à celle qui vient de partir _ Françoise…

Granet vécut en Italie pendant presque 25 ans. En son époque, Rome était une cité meurtrie et déclinante de 130.000 habitants qu’il parcourait à cheval ; les monuments antiques étaient envahis par les herbes et les troupeaux. Des vues de campagne, des tours crénelées, des couvents, des fragments du Colisée envahis par les arbres fgurent parmi ses motifs de prédilection. Avec davantage de liberté et de subjectivité, une attention _ voilà, et ses saisies au vol _ identique se manifeste chez Plossu. Ce qui le distingue de ses prédécesseurs, ce sont les accélérations et les coupes de son tempo, la rapidité-fugacité _ Kairos complice _  de ses intuitions : des jeux d’ombres et de rêve, la lumière et la mémoire transforment le réseau des apparences.

Une personne lui manque _ désormais _ infiniment. Pendant la visite de presse, ou bien au téléphone, Bernard Plossu raconte sobrement son déchirement et son immense chagrin. Sa compagne depuis 1980, Françoise Nunez, la mère de ses deux enfants, l’a quitté le 22 décembre 2021. Un cancer a précipité sa vie, elle avait 64 ans. Une complicité rigoureusement magique leur permettait de travailler ensemble. Plossu repérait parmi ses planches-contact les images qu’il fallait développer, Françoise Nunez dont on évoquera l’œuvre photographique dans un autre article, traduisait magistralement les nuances des tirages de Bernard : « Elle avait l’intelligence du gris » .

Alain Paire.

Jusqu’au 30 août, Italia discreta, musée Granet, Aix-en-Provence, ouvert du mardi au dimanche, de 12 h à 18 h,

Catalogue, éditions Filigranes, 29 euros.

Ce lundi 2 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La lucidité humble et ouverte et libre de René de Ceccatty, passeur d’essentiel : un très remarquable portrait de ses activités plurivoques en un entretien avec Aymen Hacen pour le site tunisien Souffle inédit…

07mar

Les très remarquables qualités d’analyse ainsi que de synthèse de René de Ceccatty,

sa lucidité humble et ouverte et formidablement libre et honnête,

ne sont plus à démontrer…

Ainsi, voici, à partager, un magnifique, vaste et profond entretien que René de Ceccatty vient d’avoir avec un très compétent interlocuteur tunisien, Aymen Hacen,

pour un site tunisien joliment intitulé « Souffle inédit » :

 

Une vérité essentielle de la personne s’exprime excellemment dans cet entretien libre, où souffle l’esprit…

Ce lundi 7 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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