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Le formidable CD « Louis Beydts – Mélodies & Songs » de Cyrille Dubois et Tristan Raës : la découverte d’un compositeur (1895 – 1953) inconnu de nous jusqu’ici, bien que bordelais, la confirmation superbement réjouissante du merveilleux talent du ténor Cyrille Dubois (et de son pianiste-complice Tristan Raës) ; et un très précieux coup de projecteur sur le poète magnifique et très singulier qu’a été Paul-Jean Toulet (1867 – 1920)…

21mar

Oui,

c’est bien un formidable CD que ce « Louis Beydts – Mélodies & Songs« , le CD Aparté AP 345, de Cyrille Dubois et Tristan Raës qui nous fait gré à la fois

de la découverte d’un compositeur (notre compatriote bordelais Louis Beydts : Bordeaux, 29 juin 1895 – Caudéran, 15 août 1953), complètement inconnu de nous jusqu’ici ;

de la confirmation, une nouvelle fois, de l’exceptionnel talent du ténor Cyrille Dubois (et de son idéal complice pianiste Tristan Raës) ;

ainsi que d’un très précieux coup de projecteur, fort bienvenu, surtout sur le poète magnifique et très singulier qu’a été Paul-Jean Toulet (Pau, 5 juin 1867 – Guéthary, 6 septembre 1920), dont les parfaites sensualissimes  « Contrerimes » _ publiées post-portem en 1921 _ ont permis le cycle encore plus sensuel de 8 mélodies de Louis Beydts « D’Ombre et de soleil » (de 1946), le sublime sommet de la révélation éblouie que constitue ce CD de si belles mélodies françaises…



En effet,

c’est tout particulièrement ce recueil de mélodies sensualissimes que Louis Beydts, en 1946, et sous le titre de « D’Ombre et de soleil« , a choisi de consacrer à un choix de 8 « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet qui, à mon goût, vient toucher au sublime,

tant l’art du compositeur sait si bien servir, par sa musique subtile et merveilleusement juste, le sublime, déjà, de l’art si singulier et merveilleusement touchant, en ses « Contrerimes« , du poète Paul-Jean Toulet _ ce qui m’a ainsi amené à me procurer illico presto le recueil « Paul-Jean Toulet – Œuvres complètes » réunies par les soins de Bernard Delvaille, en 1986, dans la très commode collection Bouquins des Éditions Robert-Laffont…

Et, en cliquant sur les titres de chacun des poèmes de Paul-Jean Toulet, ravissez-vous à chacun des podcasts de ces merveilleuses 8 mélodies du recueil « D’Ombre et de soleil » de Louis Beydts, en lisant aussi les 8 poèmes de Paul-Jean Toulet, d’une sensualité folle, déjà, qu’a choisis de mettre en encore plus sensuelle musique, en son recueil, ce très étonnant compositeur qu’est Louis Beydts :

_ « Dans la saison qu’Adonis fut blessé« , Chansons I d, 

« Dans la saison qu’Adonis fut blessé,

Mon cœur aussi de l’atteinte soudaine

          D’un regard lancé.

 

Hors de l’abîme où le temps nous entraîne,

T’évoquerai-je, ô belle, en vain – ô vaines

          Ombres, souvenirs.

 

Ah ! dans mes bras qui pleurais demi-nue,

Certes serais encore, à revenir,

          La bienvenue. »

 


_ « Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver« , Contrerimes II,

« Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver

          Comme une rouge nue,

Où déjà te dessinait nue

          L’arôme de ta chair ;

 

Ni vous, dont l’image ancienne

          Captive encore mon cœur,

Ile voilée, ombres en fleurs,

          Nuit océanienne ;

 

Non plus ton parfum, violier,

          Sous la main qui t’arrose,

Ne valent la brûlante rose

          Que midi fait plier.« 

 


_ « Dormez, ami… », Contrerimes LXVIII,

« Dormez, ami ; demain votre âme

          Prendra son vol plus haut.

Dormez, mais comme le gerfaut

          Ou la couverte flamme.

 

Tandis que dans le couchant roux

          Passent les éphémères,

Dormez sous les feuilles amères,

          Ma jeunesse avec vous.« 

 


_ « Douce plage où naquit mon âme… », Contrerimes XLVI,

« Douce plage où naquit mon âme ;

          Et toi, savane en fleurs,

Que l’océan trempe de pleurs

          Et le soleil de flammes ;

 

Douce aus ramiers, douce aux amants,

          Toi de qui la ramure

Nous charmait d’ombre et de murmure

          Et de roucoulements ;

 

Où j’écoute frémir encore

          Un aveu tendre et fier –

Tandis qu’au loin riait la mer

          Sous le corail sonore. « 

 


_ « L’hiver bat la vitre et le toit… », Contrerimes XII,

« L’hiver bat la vitre et le toit.

          Il fait bon dans la chambre

À part cette sale odeur d’ambre

          Et de plaisir. Mais toi,

 

Les roses naissent sur ta face

          Quand tu ris près du feu.

Ce soir, tu me diras adieu,

          Ombre, que l’ombre efface.« 

 


_ « Iris, à son brillant mouchoir… », Contrerimes III,

« Iris, à son brillant mouchoir, 

          De sept feux illumine

La molle averse qui chemine,

          Harmonieuse à choir.

 

Ah! sur les roses de l’été,

          Sois la mouvante robe,

Molle averse, qui me dérobe

          Leur aride beauté.

 

Et vous, dont le rire joyeux

          M’a caché tant d’alarmes,

Puissé-je voir enfin des larmes

          Monter jusqu’à vos yeux.« 

 


_ « Le temps irrévocable a fui… » Chansons II,

« Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.

Mais toi, quand tu reviens et traverses mon rêve,

Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,

          Tes yeux plus clairs.

 

À travers le passé ma mémoire t’embrasse.

Te voici. Tu descends en courant la terrasse

Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent

          Parmi les fleurs.

 

Par un après-midi de l’automne, au mirage

De ce tremble inconstant que varient les nuages,

Ah ! verrai-je encore se farder ton visage

          D’ombre et de soleil ?« 

 


_ « Puisque tes jours ne t’ont  laissé… », Dixains XII,

« Puisque tes jours ne t’ont laissé

Qu’un peu de cendre dans la bouche,

Avant qu’on ne tende la couche

Où ton cœur dorme, enfin glacé,

Retourne, comme au temps passé,

Cueillir, près de la dune instable,

Le lys qu’y courbe un souffle amer.

– Et grave ces mots sur le sable :

Le rêve de l’homme est semblable

Aux illusions de la mer.« 

 

Et tâchez d’écouter au plus vite

l’intégralité de ce que Louis Beydts, en ses subtilissimes mélodies, réussit à obtenir des poèmes (de Paul Fort, Robert Honnert, Henri de Régnier, Guillaume Apollinaire et Henry Bataille, aussi) qu’il met en musique, tels que nous les offre ici aussi subtilement Cyrille Dubois et Tristan Raës en ce si beau CD…

Et il me faut aussitôt signaler au passage ici la très grande qualité du livret de ce CD Aparté AP 345, avec tout spécialement, aux pages 21 à 24, un très éclairant « Louis Beydts mélodiste » sous la plume de la musicologue Justine Harrisoncitant, par exemple, à la page 24, ces très justes mots du crtique musical Paul Landormy pour caractériser l’idiosyncrasie de l’art de Louis Beydts :

la musique de Beydts « est une musique de gourmet. Vous y admirez des courbes mélodiques remarquables par leur naturel et leur grâce, une harmonie extrêmement coulante et des modulation d’un imprévu _ après celui, si merveilleux et surprenant, mais si juste, extraordinaire art de l’imprévu, déjà, des « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet : « Les contrerimes sont construites autour d’un quatrain à rimes embrassées, alternant octo- et hexasyllabes (8+ 6 +8 + 6), les vers courts rimant avec les vers longs« , précise en son article Justine Harrison, page 21… _ qui enchante, marque d’une sensibilité des plus affirmées. Et c’est un plaisir de choix que nous offre toujours cet exquis compositeur« .
…;

Bien sûr,

nous connaissons et apprécions à un très haut degré l’art superbe de la prononciation, au service des plus fines inflexions du texte, de Cyrille Dubois, inflexions mêlées le plus finement aux subtiles inflexions tant mélodiques qu’harmoniques de la musique, idéalement serties par le piano idoine du toujours parfait Tristan Raës :

pour un parfait service de l’art si délicat _ et sublime _ de la mélodie française tout spécialement…

Lire aussi, à propos de ce rare CD, ces deux récents articles :

_ de Charles Sigel, sur le site de forumopera.com,

« Louis Beydts, Mélodies, par Cyrille Dubois et Tristan Raës« , en date du 9 mars dernier ;

_ et de Nicolas Mesnier-Nature, sur le site de ResMusica,

« Mélodies et chansons de Louis Beydts, magnifiées par Cyrille Dubois et Tristan Raës« , en date de ce jour même, 21 mars 2024…

Et quant à l’art si remarquable du chant, et tout particulièrement dans la mélodie _ et même la mélodie française… _, du cher Cyrille Dubois,

je renvoie ici à 8 de ses précédents CDs _ classés ici dans l’ordre chronologique de leur enregistrement _ainsi qu’aux articles que je leur ai consacrés :

1°) le CD Aparté AP 224 « Lili & Nadia Boulanger – Mélodies« , enregistré à Venise les 8 et 9 mars 2018

_ cf mes articles «  » et « « , en date des 26 février et 2 mars 2020 _ ;

2°) le CD Aparté AP 200 « Liszt – O lieb !« , enregistré à  Paris les 15, 17 et 18 octobre 2018

_ cf mes articles « « , «  » et «  » en date des 5 novembre, 25 novembre et 17 décembre 2019 _  ;

3°) le triple CD  Aparté AP 284 « Fauré- Complete Songs« , enregistré à Paris du 1 au 3 juillet, les 10 et 17 août 2020 et du 14 au 17 juin 2021

_ cf mes articles «  » et «  » en date des 3 juin et 6 août 2022 _ ;

4°) le CD NoMadMusic NMM 117 « Cyrille Dubois & Anne Le Bozec – Schubert Winterreise« , enregistré à La Grange de Mels au mois de janvier 2021 ;

5°) le CD Aparté AP 281 « Christophe Rousset – Cyrille Dubois – François Couperin – The Sphere of intimacy« , enregistré à Paris les 16 et 17 avril 2021

_ cf mes articles «  » et «  » en date des 14 janvier et 25 avril 2023 _ ;

6°) le CD Alpha 924 « So romantique !« , enregistré à Lille au mois de juillet 2021

_ cf mes articles «  » et « «  en date des 19 mars et 17 mai 2023  _ ;

7°) le CD Aparté AP 319 « Jouissons de nos beaux airs !« , enregistré à Pécs, en Hongrie, du 15 au 17 novembre 2021

_ cf mes articles « « , « « , «  » et «  » en date des 20, 22 et 25 septembre et 7 octobre 2023 _ ;

et 8°) le triple CD Harmonia Mundi HMM 902356.358 « Les Heures claires – The Complete Songs – Nadia & Lili Boulanger« , enregistré à Boulogne-Billancourt en février et juin 2022

_ cf mon article «  » en date du 14 mars 2023 _,

8 très remarquables réalisations discographiques, donc, auxquels ce stupéfiant CD « Louis Beydts – Melodies & Songs » vient ajouter un merveilleux complément de service, et à ce degré de si haute qualité, de, tout particulièrement _ à coté, je veux dire, des CDs que Cyrille Dubois a consacrés aussi aux Lieder de Schubert et de Liszt, ainsi que des CDs d’Airs d’opéras, eux, bien sûr, avec orchestre… _, la mélodie française avec piano… 

Bref,

une très marquante découverte, à ces divers et riches égards, que ce singulier et si idéalement réussi CD « Louis Beydts – Melodies & Songs » de Cyrille Dubois et Tristan Raës, pour le label Aparté…

Mais de l’art si fin de Louis Beydts,

écoutez d’abord et surtout les 8 merveilleuses mélodies du recueil « D’Ombre et de soleil » (en 1946), sur les décidément génialissimes « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet, parues posthumes en 2021.

C’est le sommet sensualissime de ce sublimissible CD qui vient de paraître pour Aparté.

Ce jeudi 21 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Francesco Piemontesi une fois encore au sommet : en un magistral double album Pentatone « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata » _ ou la perfection de l’interprétation la plus subtilement incarnée d’un immense compositeur…

19sept

Le merveilleux pianiste Francesco Piemontesi _ né à Locarno le 7 juillet 1983  _ nous conduit à nouveau au sommet en un magique magistral double album Pentatone PTC 5187 052 « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata« , enregistré à Lugano en avril-mai 2021,

et tout juste paru le 1er septembre dernier…

Les titres de mes 6 précédents articles sur le génie _ mais oui ! _ d’interprétation de Francesco Piemontesi témoignent de ma constante superlative admiration pour son piano, dans Mozart, Schubert, comme Liszt _ et aussi Debussy _ :

_ le 26 décembre 2018 : «  » ;

_ Le 6 juin 2019 : «  » ;

_ le 27 juin 2019 : «  » ;

_ le 25 septembre 2019 : «  » ;

_ le 29 octobre 2019 : «  » ;

_ et le 24 octobre 2020 : «  » ;

C’est l’article de Jean Lacroix, très justement intitulé « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , paru avant-hier 17 septembre, sur le site de Crescendo, qui m’a appris l’existence _ ignorée jusqu’alors ! _ de ce double CD publié par l’excellent label Pentatone ; et m’a fait me précipiter chez mon disquaire préféré  pour me le procurer _ ce double CD « Liszt – Transcendantal Etudes & Piano Sonata – Francesco Piemontesi«  du label Pentatone, d’ailleurs, ne se trouvait pas sur la table des nouveautés, mais était tout simplement rangé, et en tête, sur une étagère au rayon « Liszt«  ; je n’ai donc pas eu de peine à le dénicher…

Voici donc cet article efficace et très juste, « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , de Jean Lacroix :

Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source

LE 17 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Franz Liszt (1811-1886) :

Études d’exécution transcendante S. 139 ; Sonate pour piano en si mineur S. 178.

Francesco Piemontesi, piano. 2021.

Notice en anglais et en allemand.

96.00.

Un album de deux CD Pentatone PTC 5187 052.

Depuis sa troisième place au Concours Reine Elisabeth 2007, remporté cette année-là par Anna Vinnitskaya, le pianiste suisse Francesco Piemontesi (°1983) a fait son chemin, ô combien ! Né à Locarno, il a étudié à Hanovre avec Arie Vardi, mais a aussi pu travailler avec Alfred Brendel, Murray Perahia ou Alexis Weissenberg. Crescendo a suivi son parcours de façon régulière (lire l’entretien avec Pierre-Jean Tribot du 21 octobre 2020 _ publié sous le titre « Francesco Piemontesi, pianiste réflexif et discophile« … _). Piemontesi a enregistré pour plusieurs labels (Avanti, Naïve, Claves), notamment des pages de Mozart, Debussy, Dvořak ou Schumann. Pour Pentatone, il a gravé des œuvres de Schubert, un « Bach Nostalghia », ou un programme qui regroupait Schoenberg, Messiaen et Ravel. Avec ce dernier label, il prolonge son exploration du répertoire de Liszt, entamée avec brio pour Orfeo en 2017 _ cf mes propres articles des 26 décembre 2018 et 6 et 27 juin 2019 auxquels je viens de donner ci-dessus les liens… _ par les deux premières Années de pèlerinage et Deux Légendes, deux albums élégants agrémentés par des DVD, dont un documentaire aux superbes images, signé par Bruno Monsaingeon. Le nouveau programme Pentatone est non seulement alléchant, il est aussi audacieux.

La genèse des Études d’exécution transcendante s’étend sur près de vingt-cinq ans, cinq lustres au cours desquels, au fil du temps, Liszt a creusé la technique, fait des choix et insisté sur le développement. La vision aboutit en 1851 à un résultat fascinant : ces douze pages sont devenues un redoutable exercice de virtuosité, nourri du bagage littéraire et poétique que le génie hongrois du piano a accumulé. Tout ici est de haut vol _ et pas seulementent l’exécution qu’a en donner l’interprète… _, des frénétiques et mystérieux Feux follets (n° 5), à une valeureuse Chasse sauvage (n° 8) aux rythmes syncopés, ou encore, aux Harmonies du soir (n° 11). C’est l’étude la plus célèbre du recueil, une véritable incarnation poétique remplie de paix, de bonheur spirituel, de cohérence contemplative qui fait penser à la plénitude lamartinienne ; une musique d’une grande pureté _ voilà. On n’oubliera pas non plus la quatrième étude, Mazeppa, dédicacée à Victor Hugo, magistrale _ oui _ évocation d’un poème des Orientales ; très dramatique, c’est la substance du futur poème symphonique du même titre, et d’une version pour deux pianos et à quatre mains. Avant la découverte de l’ensemble sous les doigts de Piemontesi, il faut aller en plage 11 du premier disque et s’enivrer de ces Harmonies du soir pour se persuader que le pianiste suisse, technicien impeccable, possède le sens de la couleur, la fluidité des accents habités, l’élégance généreuse et la capacité expressive, le tout mêlé à une concentration de jeu phénoménale _ tout cela est de la plus haute justesse.

En 1964, lorsqu’il écrivait sa biographie sur Liszt pour les éditions Seghers (n° 5 de la collection « Musiciens de tous les temps »), Alfred Leroy avait souligné à quel point les Études d’exécution transcendante sont redoutables pour ceux qui s’affrontent à ce monument d’une durée dépassant l’heure : Elles doivent être exécutées avec un art fait de sensibilité, de nuances, de demi-teintes habilement ménagées, de grandioses orchestrations et de colorations délicates. Point d’acrobaties spectaculaires et vaines, point d’inutiles et fausses apparences, mais une pénétration de tout ce que ces Études enclosent de raffinement et de subtilité _ oui. À cette ligne directrice, qui convient tout à fait _ parfaitement _ à la vision de Piemontesi, le musicologue aurait pu ajouter, s’il avait connu le Suisse, des qualités qui sont les siennes : l’art des contrastes qui apparaît dès le Prélude et le Molto vivace qui suit, le dépouillement tendre ou rêveur _ c’est là un trait de jeu très présent chez ce subtil et magistral interprète _ qui parcourt le Paysage (n° 3) ou la Vision (n° 6), l’atmosphère entre ombre et lumières, proche de l’improvisation _ oui _, qui saupoudre la Ricordanza (n° 9). Piemontesi invite l’auditeur à un parcours exaltant, avec un piano très présent, capté à Lugano au printemps 2021 dans l’Auditorium Stelio Molo de la Radio Suisse Italienne (RSI). Lorsque le voyage s’achève sur le Chasse-neige, ce tableau d’un lyrisme si parfait qui marque la fin d’une aventure vécue intensément avec un artiste à la sensibilité épanouie _ oui ! _, on éprouve une vraie tristesse à le quitter… On n’oublie pas les versions déjà historiques de Claudio Arrau, Lazar Berman, Alfred Brendel ou György Cziffra, pour ne citer qu’elles, ni des signatures plus récentes, celles de Bertrand Chamayou, Marie-Claire Le Guay, Vesselin Stanev ou Gabriel Stern. Mais la vision de Francesco Piemontesi ne peut que susciter d’absolus éloges _ parfaitement ! Notre plaisir d’écoute est de cette hauteur d’intimité et grandeur à la fois…

Autre monument, autre réussite, la Sonate en si mineur, achevée à Weimar le 2 février 1853, qui occupe seule le deuxième disque _ écouter et regarder aussi cette superbe prise vidéo (d’une durée de 29′ 35) de Francesco Piemontesi interprétant cette célèbre Sonate en si mineur en concert à Prague le 1er novembre 2020, au magnifique Rudolfinum ; le double CD Pentatone, lui, a été enregistré, 6 mois plus tard, à l’Auditorio Stelio Molo de la Radiotelevisione Svizzera (RSI) à Lugano en avril et mai 2021… La dimension introvertie _ assez stupéfiante ! _ avec laquelle Piemontesi entame _ et l’oreille et le goût doivent aussitôt s’y adapter !.. _ ce long propos met en place une architecture qui va peu à peu _ oui _ installer un climat où la virtuosité, la véhémence, la dynamique et la netteté _ elle est très importante, et m’enchante dans le jeu d’interprète ultra-exigeant envers le respect le plus grand de la partition qui est celui de Francesco Piemontesi… _ vont s’imposer. Cette musique à couper le souffle _ en effet _ prend sous les doigts du pianiste suisse un caractère qui allie la sidérante beauté plastique _ voilà _ imaginée par le génie lisztien à une tension qui ne se relâche pas _ voilà. Ce piano peut se nimber d’une grande pudeur _ oui, et tendresse _, comme se réclamer d’un appel à une dimension grandiose _ vers le sublime _ au sein de laquelle la démesure _ aussi _ se laisse libre cours. Mais Piemontesi n’oublie jamais, et c’est en cela qu’il nous séduit, de veiller à conserver une sonorité qui sait combiner le murmure (Andante sostenuto) à une intense réflexion _ oui. Il manie les plans sonores avec une habile science des contrastes _ jamais artificielle ni poussée _ et une noble sensibilité _ c’est essentiel ! _, qui va conclure la sonate comme si elle s’effaçait, à la manière d’un baisser de rideau.

Ici aussi, la discographie est riche. On chérit les grandes réussites d’Argerich, Arrau, Brendel, Cziffra, Horowitz et ses sorcelleries, Pogorelich, Pollini, Richter, Rubinstein trop oublié, Zimerman… Mais on s’attarde aussi à de plus proches de nous : Colom _ cet immense pianiste catalan que j’apprécie énormément (c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir et adorer la merveilleuse musique à nulle autre pareille de Manuel Blasco de Nebra ; et écouter un Mompou aussi beau qu’interprété par Federico Mompou lui-même : cf notamment mon article « «  du 23 avril 2022…) _, Dalberto, Grosvenor, Hamelin, Hough ou Yundi Li. Francesco Piemontesi rejoint cette pléiade qualitative en servant _ voilà ! _ Liszt avec toute la passion et la grandeur qu’il mérite. Pour la petite histoire, on signalera que la notice de ce superbe _ oui, oui, oui _ double album est signée par Nike Wagner, arrière-arrière-petite-fille de Liszt et fille de Wieland Wagner _ en effet.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

À nouveau,

une merveilleuse et indispensable réalisation discographique du décidément parfait, chaque fois, Francesco Piemontesi.

Ce mardi 19 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La publication encore éparse des écrits de Vladimir Jankélévitch sur la musique…

02avr

Il y a déjà un moments que je déplore l’absence d’une publication réunissant l’ensemble des écrits de Vladimir Jankélévitch (1903- 1985) sur la musique _ de quel phénomène est-ce donc là le triste symptôme ?

Mon article d’hier m’ a ainsi amené à retrouver mes _ passionnants _ livres de Vladimir Jankélévitch à propos de la musique, parmi _ sous, derrière _ les rangées à plusieurs épaisseurs et piles qui constituent cette bibliothèque… 

Si je dispose _ en plusieurs exemplaires, même _ de son « Ravel » ;

de son « La Musique et l’ineffable » ;

de son « Fauré et l’inexprimable » ;

d’autres me font hélas toujours défaut…

La bibliographie de musique présente aux pages 294-295 de « L’Enchantement musical » me permet de faire un point exhaustif sur ces manques bibliophiliques miens…

Dont son « Debussy et le mystère de l’instant« , « La Présence lointaine : Albeniz, Séverac, Monpou« , « Liszt et la rhapsodie : essai sur la virtuosité« , ou encore « La Musique et les heures« …

Mais quelques autres encore _ sur Chopin, Satie, Rimsky-Korsakov, Rachmaninoff, Bartok, Falla, Louis Aubert, Joaquin Nin, etc. _ réunis dans « Sources : recueil« ,  « Premières et dernières pages » et « Présence de Vladimir Jankélévitch : Le Charme et l’occasion« …

Avis aux amateurs d’analyses musicales raffinées et ultra-compétentes…

Ce samedi 2 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La singularité et la perfection du goût d’Edoardo Torbianelli, à travers deux récentes parutions de CDs de cet excellent pianofortiste triestin, avec, ici, le superbe violoniste salzbourgeois Thomas Albertus Irnberger

12sept

Voici que viennent de paraître deux très intéressants CDs Gramola,

un CD Mozart et un CD Liszt,

dus, tous les deux, à la collaboration de l’excellent pianofortiste italien Edoardo Torbianelli (né à Trieste, en 1970)

avec le non moins remarquable violoniste autrichien Thomas Albertus Irnberger (né à Salzbourg, en 1985) :

le CD Gramola Records 98890 « Violinkonzerte N° 3,4, 5« 

et le CD Gramola Records 98932 « Franz Liszt and the violin« .

Et c’est à nouveau la curiosité de Jean-Charles Hoffelé sur son très riche site Discophilia,

qui m’a fait connaître la parution de ces deux CDS, par ses deux très récents articles :

par son article de ce 11 septembre :  « Concertos de plein air« ;

et par son article du 8 septembre dernier : « Le violon de Liszt« .

CONCERTOS DE PLEIN AIR

Salzbourg, Salle de musique Gneis, dans le froid de janvier 2009 _ voilà donc la date d’enregistrement _, Thomas Albertus Irnberger enregistre les trois grands Concertos pour violon de Mozart.

Archet libre, jeu d’une spontanéité réjouissante, avec derrière les effets de danse des confidences au détour d’un trait, et dans les Adagios ce secret de l’émotion mozartienne qu’on entend plus souvent _ en effet ! _ dans les Concertos pour piano, être entre le sourire et les larmes _ oui…

La simplicité de l’approche fait l’ensemble extrêmement fluide _ exigence d’une nécessité absolue dans Mozart… _, la direction preste mais subtile _ merci ! _ de Martin Sieghart à la tête d’une formation Mozart où se glisse discrètement _ voilà !!! _ le pianoforte d’Edoardo Torbianelli, plaçant les trois opus à l’air libre, ce qu’une prise de son très ouverte accentue.

Encore une fois le Jacobus Stainer que joue le jeune homme est merveilleusement assorti à la poétique du langage mozartien et en possède toutes les couleurs : écoutez la musette du Rondeau du 4e Concerto.

Merveille de l’album, le Finale du 3e, avec en son centre le petit rondeau avec musette porté par les pizzicatos, d’une tendresse, d’une délicatesse d’émotion et de jeu qui vont droit au cœur de cet univers _ oui ! Et si demain Thomas Albertus Irnberger complétait le cycle : les deux premiers Concertos, le Concertone et la Symphonie concertante veulent son archet.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)


Concerto pour violon et orchestra No. 3 en sol majeur, K. 216
Concerto pour violon et orchestra No. 4 en ré majeur, K. 218
Concerto pour violon et orchestra No. 5 en la majeur, K. 219 « Turkish »

Thomas Albertus Irnberger, violon
Spirit of Europe
Martin Sieghart, direction

Un album du label Gramola Records 98890

Photo à la une : le violoniste Thomas Albertus Irnberger – Photo : © Irène Zandel

Puis :

LE VIOLON DE LISZT

Die drei Zigeuner voudrait donner le ton : le violon que Liszt substitue à la voix de mezzo, paraphrasant le lied original, sera celui des Bohémiens de la poutza, la part la plus singulière de sa grammaire musicale. Puis, tout à trac, après avoir joué les Tziganes, Thomas Albertus Irnberger et Edoardo Torbianelli font tournoyer le grand bal mondain du Duo concertant, où Liszt se prend pour Weber avec un bonheur certain. L’œuvre est brillante, irrésistible par ses envols que les deux amis emportent jusqu’à l’ivresse d’une tarentelle folle qui flirte avec le Diable. Quelle œuvre !, qui jouée avec tant de virtuosité devient bien plus qu’un simple divertissement.

L’album est simplement prodigieux, et saisit tous les aspects de l’univers Liszt, des raréfactions sinistres de La lugubre gondole au grand numéro de quasi cabaret de la 12e Rhapsodie hongroise en passant par le fascinant Duo qui s’ouvre par la citation d’une Mazurka de Chopin, œuvre rarement jouée et qui tout au long déploie les paysages de la Mazurie, hommage d’un géant du piano à son alter ego.

Le clavier domine ici, Edoardo Torbianelli ayant choisi un grand pianoforte aux basses grondantes sorti de l’atelier de Streicher en 1856.

Disque splendide _ voilà ! _, et indispensable à toute discothèque lisztienne _ merci !


LE DISQUE DU JOUR

Franz Liszt (1811-1886)


Die drei Zigeuner, S. 383
Grand Duo concertant sur la Romance de « Le Marin », S. 128 & 700h
La Lugubre gondola, S. 134bis
Epithalam zu Eduard Remenyis Vermahlungsfeier, S. 129
Rhapsodie hongroise No. 12 en ut dièse mineur (aka No. 2), S. 244/12
Duo (Sonate) sur des thèmes polonais en ut dièse mineur, S. 127

Thomas Albertus Irnberger, violon
Edoardo Torbianelli, pianoforte

Un album du label Gramola 98932

Photo à la une : le violoniste Thomas Albertus Irnberger – Photo : © DR

 

Mon attention envers l’art d’interprétation d’Edoardo Torbianelli est tout à fait ancienne : dès 2004, en effet,

pour le très remarquable CD Pan Classics 10171 « Muzio Clementi Late Works for pianoforte« .

Ainsi voici ce que j’en disais sur un blog, « L’Agenda de Francis Lippa« , que Jean-Paul Combet m’avait spécialement ouvert alors pour son label Alpha Classics :

« Un très intéressant, et plein de charme, « Late Works for Pianoforte » de Muzio Clementi (compositeur injustement décrié…) par Edoardo Torbianelli, très en verve : Vladimir Horowitz n’avait pas nécessairement mauvais goût ; en tout cas, un tel enregistrement nous oblige à mieux repenser l’histoire et l’esthétique du clavier, au tournant d’un certain classicisme : ce n’est déjà pas rien… »

Puis, le 17 février 2018, j’ai consacré un article, sur ce blog En cherchant bien, consacré en partie au CD Glossa GCD 922517 « Frédéric Chopin Late piano works« , par Edoardo Torbianelli :  ;

et le 13 mars 2018, un nouvel article, consacré entièrement, cette fois, à ce superbe CD Chopin d’Edoardo Torbianelli : .

Voilà.

Edoardo Torbianelli est un très remarquable musicien ;

dont il faut suivre très attentivement les magnifiques réalisations…

Il y fait preuve du meilleur goût

au sein d’une vraie singularité de ses découvertes…

Un interprète de choix !!!

Ce dimanche 12 septembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Savoir interpréter les Lieder et Mélodies de Liszt : André Schuen, baryton, après Cyrille Dubois, ténor

17déc

Le mardi 5 novembre dernier

en mon article  ;

puis le lundi 25 novembre suivant,

en mon article ,

j’ai souligné la délicieuse performance du jeune ténor français Cyrille Dubois _ né en 1985, il a 34 ans _

dans un magnifique récital O lieb ! _ soit le CD Aparté AP200 _, accompagné par l’excellent pianiste Tristan Raës.

Et voici que nous est proposé un nouveau très remarquable CD de Lieder et Mélodies de Liszt,

intitulé Franz Liszt Petrarca Sonnets 47 – 104 – 123 _ le CD Avi-music 8553472 _

par le non moins jeune baryton allemand André Schuen _ né en 1984, il a 35 ans _,

accompagné par le non moins remarquable pianiste Daniel Heide.

Ces deux CDs ont en commun

les Tre Sonetti di Petraca

ainsi que la mélodie française, sur des vers de Victor Hugo, Oh ! Quand je dors.

A cette nuance près qu’André Schuen interprète les deux versions, de 1842-46 et de 1864-82,

de ces Tre Sonetti di Petrarca pour voix et piano

_ Daniel Heide interprétant la version pour piano seul de ces Tre Sonetti di Petrarca, extraites de la Deuxième année : Italie, des Années de pèlerinage, de Liszt ; cf mon article du 27 juin dernier à propos de l’interprétation par Francesco Piemontesi (CD Orfeo C 982 191) de ces mêmes Tre Sonetti di Petrarca pour piano seul : _,

alors que Cyrille Dubois en interprète seulement la première version (de 1846).

Quant à la mélodie Oh ! Quand je dors,

André Schuen en interprète la version de 1842 revisitée en 1859,

alors que Cyrille Dubois en interprète la seconde version, de 1859.

Et voici ce qu’a dit du CD d’André Schuen et Daniel Heide

Maciej Chiżyński en un article sur le site de Res Musica du 14 décembre dernier,

intitulé Tre sonetti del Petrarca de Franz Liszt dans trois versions du compositeur :


Tre sonetti del Petrarca de Franz Liszt dans trois versions du compositeur

 


Une confrontation d’interprétations passionnante,

pour deux très remarquables CDs.

Ce mardi 17 décembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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