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A nouveau, le double CD « Le Manuscrit de Madame Théobon _ Lully et d’autres », de Christophe Rousset

09mar

Le 22 février dernier, j’ai chroniqué ici même, en mon article « « , la dernière superbe pépite discographique de Christophe Rousset, toujours excellent claveciniste ;

soit le CD Aparté AP 256.

Et voici que ce jour, sur son site Discophilia, Jean-Charles Hoffelé consacre un article, intitulé « L’esprit de Lully« , à ce même magnifique double album Aparté.

L’ESPRIT DE LULLY

Heureux Christophe Rousset. Un grand cahier de musique pour clavier traînait sur eBay, vendu pour être du XVIIIe siècle _ alors qu’il est de la fin du XVIIe siècle. L’œil affûté du claveciniste ne s’y trompa pas ; l’ouvrage acquis, il tenait entre ses mains un manuscrit de la plume de deux copistes _ oui ; le second complétant les portées et les pages laissées blanches par le premier _ assemblant quatre-vingt pièces. Plus d’une trentaine étaient dévolues à des transcriptions d’airs et de danses tirés d’opéras de Lully _ voilà _, tout cela datait assurément du XVIIe siècle, certitude vite confirmée par l’identité de sa propriétaire initiale, Lydie de Théobon, demoiselle d’honneur de la Princesse Palatine _ après l’avoir été, d’abord, dès avant 1670, et jusqu’en 1673, de la reine Marie-Thérèse ;  et en 1673, c’est Mme de Montespan qui la chassa de ce poste de trop grande proximité du roi : « On dit que le roi se divertit quelquefois avec Melle Théobon« , avait-il été alors murmuré…

Merveille de l’ensemble (Christophe Rousset grave 71 pièces sur les quatre-vingt), tous les Lully qui montrent à quel point l’opéra, le divertissement lyrique, le ballet, se transmuent avec brio et aisance dans le splendide clavecin, roide comme il sied _ certes _ à un instrument du Grand Siècle, signé par Nicolas Dumont en 1704.

Concordance parfaite entre l’univers sonore de cette belle caisse tout juste renaisssante après la longue restauration que lui aura consentie _ ouiDavid Ley (dix ans, de 2006 à 2016), et l’esprit de ce manuscrit qui trace le portrait vivant de l’art musical de son temps, avec force pièces de caractère (jusqu’aux époustouflantes Folies d’Espagne de D’Anglebert), du brio à revendre, et sept préludes inédits _ un apport essentiel _ qui rappellent le foisonnement de pièces coulées de la plume de compositeurs restés anonymes _ en effet.

Le Manuscrit de Madame Théobon n’est pas le seul qui en dévoile _ de ces pièces demeurées anonymes pour nous _, les archives en regorgent, ne serait-il pas temps d’arpenter plus régulièrement _ mais oui ! en dépit de l’absence de noms un peu célèbres auxquels se raccrocher… _ ces musiques sans auteur souvent surprenantes ? Ce merveilleux _ absolument ! _  double album, dont l’écoute ne lasse jamais _ en effet ! _, où Christophe Rousset a regroupé les pièces par tonalité en treize suites (lisez son remarquable texte _ j’en ai donné un significatif extrait en mon article pré-cité du 22 février _), plaide aussi _ mais oui _ pour la découverte _ au concert comme au disque _ d’autres manuscrits perdus _ ou négligés par les interprètes d’aujourd’hui. Mais en attendant, laissez-vous entraîner par ce guide éclairé, qui anime de son clavier tout un théâtre _ oui. Simplement fascinant _ c’est très juste.

LE DISQUE DU JOUR

Le Manuscrit de Madame Théobon

Pièces pour clavecin de Jacques Champion de Chambonnières, Jean-Henri d’Anglebert, Jean-Baptiste Lully, Jean Rousseau, Gaspard Le Roux?, Jacques Hardel, Louis Couperin, Pierre Gautier et divers Anonymes

Christophe Rousset, clavecin

Un album de 2 CD du label Aparté AP256

Photo à la une : le claveciniste Christophe Rousset – Photo : © DR


Ce mercredi 9 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un magnifique et passionnant double CD « Le Manuscrit de Madame Théobon _ Lully et d’autres », par Christophe Rousset…

22fév

Comme lui-même en fait le récit dans le livret de ce double CD Aparté AP 256 qui paraît ce mois de février 2022,

Christophe Rousset,

qui assez fortuitement s’est rendu acquéreur du « Manuscrit de Madame Théobon«  _ « apparu sur la plateforme Ebay en 2004«  ; et « je n’ai pas encore compris comment j’ai réussi à acquérir ce singulier livre ; mais j’ai pu le retirer chez un libraire spécialisé en livres anciens, et j’ai été surpris de sa méprise  » concernant la réalité et l’importance de cet objet si incroyablement mal identifié par celui qui le vendait _,

interprète lui-même, et sur un intéressant clavecin de Nicolas Dupont de 1704 _ « magnifiquement restauré par David Ley entre 2006 et 2016«  _ les 80 pièces _ pour clavecin _ que comporte ce manuscrit, peu connu et assez peu répertorié jusqu’ici.

Un travail magnifique et passionnant.

« Au premier contact on se met à feuilleter le volume. Le premier élément enthousiasmant de celui-ci était la présence de ces trop rares préludes non mesurés dans le répertoire de clavecin. Sept préludes inédits ! C’était déjà une manne_ voilà. Puis parcourant ensuite les autres pièces, je reconnus facilement quelques pièces fameuses souvent reprises dans les divers manuscrits de clavecin au xvii : la courante Iris de Chambonnières, la gavotte de Lebègue, celle de Hardel avec le double de Louis Couperin. L’autre caractéristique du volume était le nombre important de transcriptions de musiques de Lully pour le clavier (34 sur les 80 pièces). Les clavecinistes sont familiers de celles de d’Anglebert, véritables modèles du genres, alors que de nombreux manuscrits proposent d’autres versions de ces « incontournables » du monde musical au siècle de Louis XIV. Ainsi j’ai pu reconnaître les pièces les plus fameuses : passacailles et sourdines d’Armide (« Sommeil d’Armide »), les songes d’Atys, chaconnes de Phaëton, du Bourgeois gentilhomme et d’Acis et Galatée, la sarabande « Dieu des enfers« , entre autres.

Ma fréquentation régulière et systématique des opéras de Lully avec Les Talens lyriques m’a aussi permis d’identifier sans effort nombre d’autres transcriptions, parfois des exemples uniques _ voilà _ d’adaptation au clavier. Ce qui m’a ému était la « manière » très personnelle du claveciniste _ à la manœuvre _ derrière ses transcriptions : parfois très élaborées, parfois une simple écriture à deux voix un peu schématique, quelques tics dans les parties de main gauche, une profusion d’ornements de main droite, à l’instar des exemples de d’Anglebert, pour recréer par l’enrichissement du son une impression orchestrale au clavecin.

Ensuite m’est venu l’émerveillement de retrouver des pièces publiées de Chambonnières, de d’Anglebert, dans des versions un peu différentes _ voilà _, en particulier le monumental cycle des « Folies d’Espagne » de ce dernier auquel le copiste s’amuse à ajouter (?) une variation inédite. Enfin quelques pièces inédites à côté des préludes déjà mentionnés ci-dessus venaient d’achever d’éblouir l’heureux acquéreur que j’étais.

La première mission était de découvrir qui était cette Madame Théobon(e). » Etc.

Comme toujours quand Christophe Rousset est à son clavier, la réalisation musicale discographique est magnifique.

Deux heures de musique tout à fait délicieuses…

Ce mardi 22 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le charme voluptueux des ballets de Lully : le « Ballet royal de la naissance de Vénus », par Les Talens lyriques et Christophe Rousset

04déc

Le charme puissant de la danse

est un composante fondamentale de toute l’histoire de la musique française…

Une nouvelle preuve, si besoin en était, est à nouveau donnée par le plaisir profond et très prenant que vient nous donner la grâce pourtant infiniment légère de la danse, telle qu’elle exalte les ballets de Jean-Baptiste Lully pour le jeune Louis XIV.

Ainsi en va-t-il de ce que vient nous procurer de joie l’interprétation, dans le CD Aparté AP255, des Talens lyriques, sous la direction fluidissime de Christophe Rousset, du splendide « Ballet royal de la naissance de Lully« , un ballet de cour à 12 entrées (LWV 27).

Un ballet créé au Palais Royal, à Paris, le 26 janvier 1665, sur un livret raffiné de Benserade…

Voici deux commentaires de ce CD,

d’une part, par Cécile Glaenzer, le 16 août 2021, sur le site de ResMusica, et sous le titre de « Avec les Talens Lyriques, quand le ballet de cour annonce la naissance de l’opéra lullyste » ;

et d’autre part, par Jean-Charles Hoffelé, le 26 novembre 2021, sur son site Discophilia, et sous le titre de « Versailles 1665« .

Pour restituer la musique du Ballet royal de la Naissance de Vénus, les Talens Lyriques s’adjoignent une solide distribution vocale renforcée par le Chœur de chambre de Namur.

Le ballet de cour est un genre typiquement français qui est né à la fin du XVIe siècle sous le règne d’Henri III, pour connaitre son apogée avec Lully à la cour du jeune Louis XIV. C’est la danse qui tient le premier rôle dans ces spectacles mêlant poésie, musique chantée, décors et costumes fastueux, dont les représentations magnifient le pouvoir royal. Difficile à imaginer de nos jours : le roi, les princes du sang et la noblesse de cour y dansaient les premiers rôles, aux côtés de danseurs professionnels. C’est sous le règne de Louis XIII que le ballet de cour devient un instrument politique, et son fils reprendra le flambeau en dansant lui-même dans vingt-cinq ballets où il incarne volontiers les rôles emblématiques du Soleil, d’Hercule ou d’Apollon.

On sait _ oui _ que Louis XIV était un excellent danseur. Mais le chant tient aussi une place importante dans ces spectacles royaux, et les livrets sont souvent la seule source qu’il nous reste des ballets de cour. Le Ballet royal de la Naissance de Vénus, enregistré ici en première mondiale, connut un très grand succès à l’époque. Créé en 1665 en hommage à Madame Henriette d’Angleterre, la belle-sœur du roi y danse elle-même le rôle-titre. L’argument se développe en deux parties de six entrées chacune, évoquant les grands couples de la mythologie. La voix y occupe une place importante : à côté de l’orchestre à cinq parties, on y trouve aussi un grand chœur. Tout cela fait de cette œuvre une préfiguration de ce que seront les tragédies lyriques de Lully quelques années plus tard.

Dès l’ouverture de ce ballet royal, on reconnait le grand style lullyste qui infusera toute la musique européenne grâce au succès de ses opéras. L’orchestre des Talens Lyriques, mené par le premier violon de l’excellente Gilone Gaubert, fait preuve d’une grande précision dans la dynamique des danses qui s’enchaînent avec bonheur. Pour les airs et les récits, Christophe Rousset a réuni une distribution vocale de qualité. Dans l’air d’Ariane Rochers vous êtes sourds (attribué à Michel Lambert), la soprano Deborah Cachet propose une reprise ornementée qui témoigne d’une parfaite maîtrise de l’agrémentation vocale. En fin de programme, un bonus de quatre extraits d’autres ballets de cour nous rappelle les origines italiennes de Lully. Ainsi, l’air d’Armide extrait du Ballet des Amours déguisés (Ah! Rinaldo, e dove sei ?) est un air italien qui préfigure ce que sera la grande tragédie lyrique lullyste vingt ans plus tard. La Plainte italienne, tirée du ballet Psyché, est un grand moment d’expressivité qui n’est pas sans rappeler ce que seront les Songes d’Atys, avec l’intervention des flûtes à bec en contre-chant. La commedia dell’arte n’est pas loin non plus avec l’air burlesque de Barbacola (Son dottor per occasion), chanté avec truculence par Philippe Estève dans un effet comique très réussi. C’est bien dans le style transalpin que le plus français des italiens puise la source de son art.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Ballet royal de la Naissance de Vénus.

Deborah Cachet, dessus ; Bénédicte Tauran, dessus ; Ambroisine Bré, bas-dessus ; Cyril Auvity, haute-contre ; Samuel Namotte, taille ; Guillaume Andrieux, basse-taille ; Philippe Estèphe, basse-taille ;

Chœur de chambre de Namur ;

Les Talens Lyriques, direction : Christophe Rousset.

1 CD Aparté.

Enregistré en janvier 2021 à la Cité de la Musique à Paris.

Livret anglais-français.

Durée : 73:00

Et puis :

VERSAILLES 1665

Le Roi danse, Lully est son musicien, pour les divertissements auxquels le jeune Louis et sa cour s’adonnaient. Lully perfectionna le ballet de cour initié du temps du règne d’Henri III. Cet art parvint à son apogée dans les années 1660, le musicien y mêlant de plus en plus de pièces vocales sur les poèmes d’Isaac de Benserade.

En janvier 1665, ils composent ensemble pour un hommage à la belle-sœur de Louis, Henriette d’Angleterre, une partition fastueuse illustrant la naissance de Vénus, narrée par Neptune et Thétis. Danses françaises, airs italiens, le genre précise les prémisses des goûts réunis dans un divertissement brillant où les effets poétiques ne manquent pas.

 

Christophe Rousset et sa belle bande entendent autant le plaisir de ses musiques de fêtes que ce qu’elles annoncent : sept ans plus tard, Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus élargiront le ballet à la pastorale, Isaac de Benserade laissant progressivement la plume à Quinault qui avec Lully pensait déjà à la tragédie lyrique que le cadre de l’Académie Royale de Musique allait concrétiser avec Cadmus et Hermione.

De ce premier visage de Lully – hormis les comédies-ballets écrites d’une encre commune avec Molière – le disque ne sait quasiment rien, sinon le Grand Ballet de la Nuit. Christophe Rousset et ses Talens Lyriques se lancent-ils, après leur exploration systématique des tragédies lyriques, dans la divulgation de ses ballets si spectaculaires. Il faut l’espérer _ oui : vivement ! _ tant cette Naissance de Vénus regorge de pages écrites pour éblouir qui n’ont rien perdu de leur pouvoir de séduction _ voilà… _ surtout si artistement défendues.

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)


Ballet Royal de La Naissance de Vénus, LWV 27

Deborah Cachet, dessus
(soprano)
Bénédicte Tauran, dessus (soprano)
Ambroisine Bré, bas-dessus (mezzo-soprano)
Cyril Auvity, haute-contre (ténor)
Samuel Namotte, taille (baryton)
Guillaume Andrieux, basse-taille (baryton)
Philippe Estèphe, basse-taille (baryton)

Chœur de Chambre de Namur
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album du label Aparté AP255

Photo à la une : le chef d’orchestre Christophe Rousset – Photo : © DR

Ce samedi 4 décembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos du répertoire de l’opéra baroque français, de Lully à Rameau et quelques autres : quelques beaux florilèges de scènes et d’airs dans la présente production discographique…

19nov

Ce vendredi 19 novembre 2021,

à mon réveil, où je passe en revue les divers sites de medias d’actualité qui m’intéressent,

 

voici que je découvre cet intéressant article-ci, Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha, de Charlotte Saulneron, sur le site de ResMusica,

qui me permet de faire un retour sur mes propres articles les plus récents à propos de quelques interprétations (discographiques) de ce répertoire baroque français que j’aime tant :

des articles _ plus ou moins développés _ en date des

9 septembre : 

17 septembre 2021 : 

18 octobre 2021 : 

ainsi que celui, en forme d’amorce de discussion avec l’ami Patrick Florentin, en date du

20 octobre 2021 : 

Voici donc cet article d’aujourd’hui, Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha, de Charlotte Saulneron :


Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha

Après avoir mis en lumière Dumesny, haute-contre de Lully, Reinoud van Mechelen, à la fois interprète et directeur de l’ensemble A Nocte Temporis, propose Jéliote. De son côté, Véronique Gens revient au sein du répertoire baroque qui l’a fait connaître après son triptyque autour de la musique française du XIXᵉ siècle.

On pourrait se dire qu’en mettant face à face le nouvel enregistrement « Passion » de Véronique Gens accompagné de l’ensemble Les Surprises, et celui de Reinoud van Mechelenet son ensemble A Nocte Temporis, intitulé « Jéliote, haute-contre de Rameau », on perpétue l’éternelle querelle des Lullystes et des Ramistes, avec la tragédie lyrique au centre de cette controverse esthétique qui démarra à la première moitié du XVIIIᵉ siècle.

Reconnaissons-le, le genre _ de la tragédie lyrique _ est naturellement une composante essentielle de ces deux propositions discographiques du Centre de musique baroque de Versailles : qu’il s’agisse d’un « opéra imaginaire » pour la soprano, élaboré par Louis-Noël Bestion de Camboulas autour d’extraits de tragédies lyriques de Lully et de ces compositeurs qui se firent connaître après sa mort, soit Pascal Collasse (1649-1709), Henry Desmarets (1661-1741) et Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) ; ou d’un parcours artistique retracé autour d’un interprète comme Reinoud van Mechelen le propose avec le chanteur lyrique Pierre Jéliote (1713-1797), qui inspira Rameau, mais aussi François Rebel (1701-1775), François Francœur (1698-1787), Jean-Marie Leclair (1697-1764) ou encore Pierre-Montan Berton (1727-1780) – un air composé par le chanteur Pierre Jélyotte est également présenté dans ce disque.

Mais finalement, et tel que le retrace Benoît Dratwicki (directeur artistique du CMBV), auteur des notices de présentation de ces deux disques, le programme pour Véronique Gens tourne autour de deux interprètes majeures de leur époque : « la » Saint Christophe, qui enchaîna les grands rôles de reines, de mères, de magiciennes et de divinités à l’Opéra entre 1675 et 1682 ; et « la » Le Rochois, qui lui succéda et enchaîna les triomphes à partir de 1683. Ce n’est donc pas des programmes autour de compositeurs, mais bien la volonté de faire entendre à l’auditeur des scènes emblématiques _ voilà ! _ tirées du répertoire de trois chanteurs phares _ oui… _ de la période baroque _ pour lesquelles scènes et pour lesquels chanteurs il s’agit de trouver des interprètes le plus idéalement adéquats possible aujourd’hui…

Pour ce faire, Alpha a naturellement choisi le fleuron du chant baroque français de la scène lyrique actuelle. Véronique Gens et Reinoud van Mechelen partagent un amour du verbe _ oui, et c’est capital : hic Rhodus, hic saltus… _ qui semble incommensurable au regard de la qualité – superbe – de la prosodie de la soprano, et de la clarté – idéale – d’émission du haute-contre _ voilà qui est dit. Pour ce dernier, le défi est double puisqu’à la tête de l’ensemble A Nocte temporis, il sait également séduire par une dynamique constamment renouvelée, mais surtout une palette de couleurs d’une belle finesse _ en effet… De son côté, Luis-Noël Bestion de Camboulas n’est pas en reste avec l’ensemble Les Surprises : par les couleurs également, riches, mais aussi par une cohésion d’ensemble qui donne toute la force à ces pages musicales, renforcée par les Chantres du CMBV qui ne manquent ni d’ampleur dans chaque incarnation _ car tel est le défi d’interprétation à réaliser… _, ni de précision technique dans leurs interventions précises.

Le choix de l’un, soit cinq actes retraçant les émois _ d’où le titre « Passion » du CD _ les plus fabuleux de deux interprètes féminines (« L’appel des enfers », « Malheureuse mère », « Cruel Amour », «Tranquille sommeil, funeste mort », « Médée furieuse »), et le choix de l’autre, de retracer chronologiquement une carrière artistique en quatre étapes (« Les débuts en deuxième plan 1733-1741 », « La percée, les premiers rôles 1741-1750 », « La fin à l’Opéra 1750-1755 », « Un retour à le cour 1762-1765 »), permet de proposer une alternance d’airs plus ou moins connus _ ou cruellement méconnus de nous (et de notre défaut de curiosité)… _, alimentant l’intérêt musical de l’auditeur par la diversité des propositions impulsée par cette ligne éditoriale d’une programmation musicale exaltante _ mais oui !!! _, tout comme l’interprétation vocale et orchestrale qui la porte. Deux merveilles ! _ l’une davantage que l’autre, cependant ;

cf les nuances de mon appréciation, telle que je l’ai confiée à l’ami Patrick Florentin en mon article, un peu synoptique, du 20 octobre dernier :

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : extraits d’Amadis LWV 63, de Proserpine LWV 58, d’Atys LWV 53, du Ballet du Temple de la Paix LWV 69, du Ballet de la Naissance de Vénus LWV 27, du Bourgeois gentilhomme LWV 43, d’Armide LWV 71, de Persée LWV 60, du Triomphe de l’amour LWV 59 et d’Alceste LWV 50.

Pascal Collasse (1649-1709) : extraits d’Achille et Polyxène, de Thétis et Pélée.

Henry Desmarets (1661-1741) : extraits de Circé et de la Diane de Fontainebleau.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : extraits de Médée H 491.

Véronique Gens, soprano ;

Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, direction : Olivier Schneebeli ;

Ensemble les Surprises, direction : Louis-Noël Bestion de Camboulas.

1 CD Alpha.

Enregistré en novembre 2020 à l’Arsenal Cité Musicale de Metz.

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 57:12

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : extraits d’Hippolyte et Aricie RCT 43, de Dardanus RCT 35, de Platée RCT 53, du Temple de la Gloire RCT 59, de Castor et Pollux RCT 32 et des Boréades RCT 31.

François Colin de Blamont (1690-1760) : extrait des Fêtes Grecques et romaines.

François Rebel (1701-1775) et François Francœur (1698-1787) : extrait de Scanderberg.

Charles-Louis Mion (1698-1775) : extrait de Nitétis.

Pierre de Jéliote (1713-1797) : extrait de Zélisca.

Jean-Marie Leclair (1697-1764) : extrait de Scylla et Glaucus.

Antoine Dauvergne (1713-1797) : extrait des Amours de Tempé.

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) : extraits de Daphnis et Alcimadure op. 9.

Pierre-Montant Berton (1727-1780) : extrait d’Erosine.

Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794) : extrait d’Ismène et Isménias.

A Nocte Temporis ; direction et haute-contre : Reinoud van Mechelen.

1 CD Alpha.

Enregistré en septembre 2020 à Amuz (Anvers).

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 78:51

 

Voilà un point un peu utile sur ce meveilleux répertoire encore trop tristement négligé des divers chainons de la production opéra tique et discographique, tout particulièrement en France…

Même si la réalisation d’un CD de florilège d’airs ou de scènes semble, bien évidemment, un peu plus à la portée des moyens des productions discographiques que de ceux des réalisations scéniques d’opéras complets…

Et je ne veux pas manquer de saluer ici, au passage, et avant d’y consacrer bientôt un article spécifique,

le double CD _ Erato 0190296693946 _ vraiment superbe (!) de l’Achante et Céphise, ou la Sympathie, Pastorale héroïque en trois actes de Jean-Philippe Rameau, sur un livret de Jean-François Marmontel (créée en 1751),  par Les Ambassadeurs et La Grande Ecurie, sous la direction, très enlevée et raffinée, comme il se doit, d’Alexis Kossenko :

une réalisation discographique que m’avait chaleureusement recommandée, il y a un mois, le très éminent ramiste qu’est l’ami Patrick Florentin…

Cf déjà ici cette très brève vidéo de 2′ 30 de la loure de l’Entrée des suivants du Génie, de l’acte I, scène 6, de cet Achante et Céphise de Rameau, enregistrée au Concergebouw de Bruges, par les Ambassadeurs sous la direction d’Alexis Kossenko…

Ou aussi cette vidéo de l’intégrale de l’œuvre, par les Ambassadeurs et Alexis Kossenko, enregistrée au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris…

Ainsi voilà enfin rendu accessible aux oreilles des mélomanes qui en étaient privés depuis 1750 un fort bel ouvrage de Rameau, d’une durée d’un peu plus de deux heures de merveilleuse musique

Ce vendredi 19 Novembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

A nouveau à propos de la formidable expansion du style lulliste en Allemagne : un nouvel article de présentation du CD « Lully’s followers in Germany _ Works by Fischer, Muffat, Telemann » de l’ensemble El Gran Teatro del Mundo…

21oct

Tout à fait dans la continuité, décidément, de mes articles de ces derniers jours-ci à propos de CDs de musique française de l’époque baroque, de Lully à Rameau :

 ;

et plus encore, et plus spécialement, cette fois, de mon article du 13 octobre dernier :

 ;

voici que je découvre ce jour, sur le site de ResMusica, et sous la signature de Cécile Glaenzer, 

ce nouvel article

venant chroniquer le très remarquable CD de l’ensemble El Gran Teatro del Mundo, intitulé, un peu sèchement, « Lully’s followers in Germany _ Works by Fischer, Muffat, Telemann » ;

soit le CD Ambronay AMY314,

dont j’avais signalé l’existence le 13 octobre dernier…

Voici donc ce nouvel article :

Quand les musiciens allemands s’emparaient du style lulliste

Pour son premier enregistrement, le jeune ensemble El Gran Teatro del Mundo a choisi d’illustrer l’influence de la musique française _ voilà _ dans les cours allemandes autour de 1700.

L’influence artistique du règne de Louis XIV à travers toute l’Europe est considérable _ en effet… Au-delà de la puissance politique et militaire de la France de l’époque, le style versaillais a infusé _ vraiment _ tous les arts, tant était important le rayonnement culturel du royaume à la fin du XVIIᵉ siècle _ musique comprise, c’est tout à fait cela. Il n’est que de considérer tous les châteaux qui ont été érigés comme autant de « petits Versailles » dans de nombreux États germaniques à l’époque _ en effet. Il en est de même pour la musique, _ voilà _ où le style dont Lully fut le promoteur _ au service de la glorification du roi _ se retrouve partout : ouverture à la française, suites de danses, écriture à cinq parties… _ oui. Le meilleur exemple d’assimilation du style français nous est donné par le compositeur Georg Muffat. D’origine savoyarde _ ou plutôt d’ascendance écossaise ; même si c’est dans l’Etat de Savoie, et précisément à Megève que Georg Muffat est né, le 1er juin 1653 _, formé en Alsace et en Italie auprès de Pasquini, il étudia à Paris avec Lully avant de faire carrière à Vienne, Prague, Salzbourg et Passau _ où il décède le 23 février 1704. Il est donc au carrefour _ voilà _ des traditions musicales française, italienne et germanique. « Lorsque je mêle des airs français à ceux des Allemands et des Italiens, ce n’est pas pour émouvoir une guerre, mais plutôt préluder peut-être à l’harmonie de tant de nations, à l’aymable paix« , écrit-il dans la préface de son _ admirableFlorilegium Primum en 1695. Les sonates _ merveilleuses ! _ de l’Armonico tributo, véritables concerti grossi, se réclament conjointement de l’influence de Corelli et de celle de Lully _ oui, dont Muffat avait l’élève, à Rome et à Paris. Il est ainsi le précurseur des _ couperiniens _ Goûts Réunis qui culmineront au début du XVIIIᵉ siècle _ à partir de l’œuvre de François Couperin. Johann Caspar Ferdinand Fischer (Schönfeld, 6 septembre 1656 – Rastatt, 27 août 1746) n’est pas en reste au regard de sa parfaite connaissance de la tradition lulliste, sans que l’on ait la preuve _ formelle _ qu’il soit venu se former en France. Ses suites pour clavecin en attestent, mais également les suites orchestrales de son « Journal du Printemps » (publié sous ce titre en français). Celle qui est jouée ici _ la suite n°1 en ut majeur du Journal du printemps, de 1695 _ cite presque littéralement certaines danses d’opéras de Lully _ oui. Enfin, George Philipp Telemann, d’une génération plus jeune _  Magdebourg, 14 mars 1681 – Hambourg, 25 juin 1767 _, se réclame lui aussi du style français, bien que l’influence italienne soit aussi palpable.

Le cosmopolitisme des compositeurs de ce programme fait écho à la mosaïque de nationalités des musiciens qui constituent El Gran Teatro del Mundo. On sent chez les musiciens une belle complicité artistique et une parfaite connaissance de la danse _ un élément fondamental, toujours, du style français _ , ce qui donne beaucoup d’élan _ oui _ à cette interprétation _ tout à fait _ enjouée _ cf les appréciations similaires de mon article du 13 octobre dernier : . Le livret _ très intéressant _ nous signale_ en effet _ qu’ils utilisent des partitions réduites en basse et dessus _ à partir d’originaux pour orchestre _, comme éditées à l’époque, ce qui permet une très grande liberté _ oui _ dans les parties intermédiaires comme dans la réalisation de la basse continue _ absolument… On remarquera particulièrement ce que fait Julio Caballero Pérez au clavecin dans les conduits et parties improvisées, ainsi que la vélocité exceptionnelle du basson de Claudius Kamp. Dans la suite (TWV 55:Es4) de Telemann, un très beau solo de basse de viole, joué avec beaucoup de sensibilité par Bruno Hurtado Gosalvez et accompagné au théorbe, nous offre une magnifique respiration au milieu du tourbillon des danses. La Chaconne qui conclut la suite n°1 de Fischer est un modèle du genre, _ tout à fait _ comme on en trouve à la fin des tragédies lyriques de Lully. Au château de Rastatt, où Fischer était attaché à la cour du Margrave de Bade, l’illusion d’être à Versailles devait être parfaite, depuis l’architecture jusqu’à la musique.

Encore une réussite du projet Eeemerging+, qui repère et promeut les meilleurs ensembles européens de musique ancienne, et leur permet d’enregistrer leur premier disque dans la Collection Jeunes Ensembles du label Ambronay.

Georg Muffat (1653-1704) : Sonata n° 2 en sol mineur (de l’Armonico Tributo) ; Suite Nobilis Juventus, du Florilegium secundum I.

Johann Caspar Ferdinand Fischer (1656-1746) : Suite n° 1 en do majeur (du Journal du Printemps).

Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Suite TWV 55.

El Gran Teatro del Mundo ; Julio Caballero Pérez, clavecin et direction artistique.

1 CD Ambronay.

Enregistré à Jujurieux en février 2021.

Livret anglais/français.

Durée : 68:24

Un CD absolument emballant !

qui sert magnifiquement le délicieux et dansant style français des « suiveurs » de Lully…

Ce jeudi 21 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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