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De la place de la pudeur dans l' »intimité Plossu » : conversation à distance…

25fév

Pour continuer d’explorer l’intimité dans la poïétique des artistes qui me touchent le plus,

telle Elisabetta Rasy _ cf mon article du 22 février : « Les mots pour dire la vérité de l’intimité dévastée lors du cancer mortel de sa mère : la délicatesse (et élégance sobre) parfaite de “L’Obscure ennemie” d’Elisabetta Rasy » _,

ou tel Bernard Plossu _ cf mes articles du 27 janvier : « L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma” » ; et du 14 février derniers : « Bernard Plossu de passage à Bordeaux : la photo en fête ! pour un amoureux de l’intime vrai… » _,

voici un article, « Plossu Cinéma au FRAC PACA » _ signé Nathalie Boisson _, du magazine (gratuit) marseillais Ventilo tel qu’il vient de m’être transmis, hier soir, par l’ami Bernard Plossu :

De :   Bernard Plossu

Objet : Trans. : suite mail précédent interview Taktik Ventilo en fait !!
Date : 24 février 2010 19:15:11 HNEC
À :   Titus Curiosus

interview dans la revue Ventilo

plo

—–E-mail d’origine—–
De : Denis Canebière

A : Bernard Plossu

Envoyé le : Mercredi, 24 Février 2010 17:03
Sujet : suite mail précédent interview Taktik Ventilo en fait !!


Bernard,
Dans mon mail précédent, je te parle de Taktik qui est l’ancêtre du journal gratuit actuel Ventilo !
C’était au siècle dernier !
Correction donc !
Il s’agit de Ventilo et pour me faire pardonner, au cas où tu ne l’aurais pas déjà, voici le lien : http://www.journalventilo.fr/expo/ 
Amitiés
Denis C

Le voici donc ici aussi ! Farci, selon ma coutume, de commentaires miens (en vert)…

expo

Plossu cinéma au FRAC PACA

Publié le 24 fév 10 dans Expo

L’interview : Bernard Plossu

Rencontrer Bernard Plossu, c’est un peu comme réactiver la célèbre formule de Lautréamont : « Beau comme la rencontre _ voilà _ fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection » _ en un peu moins potache (!) et surréaliste, probablement… C’est convoquer _ gentiment ! _ une esthétique de la surprise _ en effet ; en douceur _, une poésie du quotidien où la beauté est une trouvaille fugace _ c’est tout à fait cela ! à apprendre à accueillir… Généreux _ et comment ! _, le photographe a accepté de partager une partie de sa sagesse _ ça peut se dire ainsi… _ en se soumettant au questionnaire de Sophie Calle _ même si assez peu plossuïen (ou plossuïenne : pour la dame) ; et c’est un euphémisme ! : remarquer le niveau particulièrement gratiné de « négativité«  de la moindre des pistes proposées par ce « questionnaire«  callien ! : « mort« , « rêve« , « détester« , « manquer« , « renoncer« , « défendre« , « reprocher«  et « servir«  ! nous voilà en plein dans l’air nihiliste du temps ; et donc aux antipodes d’un Bernard Plossu !!! mais Bernard n’entre pas dans ce piège… _, puis de se dévoiler _ un peu : avec délicatesse _ le temps d’un abécédaire improvisé _ pourquoi pas ?

Plossu-portrait.jpg


Quand êtes-vous déjà mort ?

Je suis mort de douleur en 1985, mais je ne révèlerai pas pourquoi. En revanche, je suis retourné à la vie en 1986.

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Eh bien je les rêve encore. Plutôt que de rêves, je parlerais du réel de l’enfant _ « réel«  tout imaginatif, ludique ; lire là-dessus (le génial) Winnicott… _, et en ce qui me concerne, un enfant qui lisait beaucoup de bandes dessinées et a donc appris à cadrer avec la ligne claire très tôt _ un élément important dans l’historique de la poïétique photographique Plossu ! A quand, après le Plossu Cinéma, un « Plossu BD ligne claire«  ?.. Ce qu’il y a dans le carré explique _ fait comprendre _ tout le reste, ce qui se passe autour _ le hors cadre : le monde autour… Et en fait la photo, c’est la mise en rectangle ou en carré des leçons _ voilà comment procède l’intuition foudroyante (à mille à l’heure) de l’artiste _ que j’ai apprises _ voilà ! quand la plupart n’apprennent jamais rien ! de rien ! ni de personne ! ah ! la pédagogie ! quel art d’atteindre (= dégeler ; et disposer à l’élan et à la joie de réfléchir) les cervelles !… _ de la ligne claire en BD. Donc, ce ne sont pas les rêves d’enfant, c’est plutôt le côté rêveur _ à la Bachelard (l’art de la rêverie), alors ; pas à la Freud (et le rêve nocturne : inconscient, lui) ; ou plutôt « le côté joueur« , à la Winnicott !.. Un très grand ! A re-découvrir ! _ d’une vie d’enfant _ continué toute sa vie d’adulte par l’artiste, « jouant«  : mais oui !!! on ne peut plus sérieusement et joyeusement à la fois. Vivre, c’est « habiter«  la vie « en poète«  : en dansant… Et c’est divin : cf Nietzsche : « je ne croirais qu’en un dieu qui sache danser«  !…

Citez trois artistes que vous détestez
Le mot est trop fort _ un peu violent _, il y a _ seulement _ une énergie _ voilà ! _ qui ne me correspond pas _ simplement… _ : « entrer en correspondance«  avec une énergie est bien, en effet, la « proposition«  de l’artiste ; et au spectateur, lui, et alors, de « se connecter«  ou pas (« à la chinoise«  : cf François Jullien, par exemple dans La Grande image n’a pas de forme…), à l’énergie « proposée« , en fonction de la co-disposition des formes (elles-mêmes encore un peu mouvantes ; et plus ou moins émouvantes) présentées, par cette œuvre rencontrée, venant entrer ici et maintenant en composition avec ses propres dispositions cinesthésiques du moment (de cette rencontre avec l’œuvre) ; ou de toujours, aussi : c’est cette « connexion« -là que Baldine Saint-Girons nomme on ne peut mieux proprement « acte esthétique » (son livre, passionnant, est magnifique !) ; et souvent, sinon le plus souvent même, nous, spectateurs potentiels, nous y refusons, à cette « connexion«  d’énergies, nous n’y sommes pas prêts ; ou carrément la rejetons ; et ce pour des raisons de non agrément qui peuvent même être, parfois, parfaitement fondées !.. D’autres fois, et même le plus souvent, nous subissons seulement les conditionnements des autres, sous forme de goûts (socialement) institués (c’est ici qu’on peut lire Bourdieu ; ou Lahire ; ou Nathalie Heinich…), formatés, et figés, fossilisés ; et notamment sous l’aspect de « modes«  (sociales ; et idéologiques). Bref, que ce soit pour de bonnes, ou pour de mauvaises raisons, je veux dire qui soient fondées ou pas, nous nous anesthésions nous-mêmes le plus souvent face aux « propositions«  (ludiques pourtant) des œuvres des artistes… En peinture, je n’aime pas Fernand Léger, De Stael, Mathieu _ trop massifs, probablement ; voire, pour le dernier du moins, poussifs, ajouterais-je… En photo, plutôt que de nommer _ un Gary Winogrand ? un Sebastiaõ Salgado ?.. là, c’est moi seul qui m’avance ! pas Bernard ! _, je préfère ne dire que ce que je n’aime pas : le trop grand angle _ trop embrassant, mal étreignant… _, le spectaculaire _ voilà ! soit l’inverse de ce que je qualifierais de l’attention fine du  « choix de l’intime«  plossuïen… _ qui en fonçant le ciel des images rajoute _ vulgairement : en surlignant ; pour les un peu trop lourds, ou pas assez finauds, qui risqueraient, les disgraciés, de ne pas assez vite « piger » ce qu’il y aurait ici à leur « communiquer« , en le pointant plus fort du doigt : ce sont, ceux-là, des « communiquants«  (et ils « savent faire »…) ; et on comprend que le succès, via les médias, leur arrive ; et se répande, massif : c’est plus gros et facile à repérer (comme « marque«  de fabrique)… _

le spectaculaire qui en fonçant le ciel des images rajoute, donc, une couche au drame _ à ces « couches«  massives lourdingues, la touche toute de vivacité de Bernard Plossu préfère un grain léger très fin… C’est exactement le même principe qu’au cinéma, lorsque la musique devient _ pléonastiquement _ dramatique _ trémolos aidant _ pour que le public soit bien conditionné _ et pris : voilà ! Une bonne photographie, c’est une photo qu’on _ ou qui ? _ ne doit pas conditionner à l’avance _ ce qu’Umberto Eco baptise du joli nom d’« œuvre ouverte«  Enfin, je n’aime pas le manque de pudeur _ voilà le mot-clé lâché. Ils sont plus que trois, les photographes qui font de mauvaises photos de nu _ par exemple : trop près d’être « pornographiques«  ! _ et n’ont pas compris que la plus grande beauté de la photo, c’est la pudeur _ et on en trouve quelques unes, de ces photos de « nu«  éminemment pudiques, dans l’œuvre Plossu, sans chercher très loin.

Vous manque-t-il quelque chose ?
Vu la passion _ voilà : sans ce moteur (proprement thaumaturge), que peut-il jamais se faire, en Art du moins (mais dans la vie aussi) ?.. rien qui ait de l’élan, en tout cas… _ que j’ai pour l’objectif de 50 mm, il ne me manque rien, je crois _ c’est magnifique ! Bernard n’a rien, lui, chère Sophie Calle, d’un frustré : de Sophie Calle, je me souviens surtout de l’inénarrable « No sex to-night » : quelle sublime expérimentation ! Combien de gogos suivent cela ?.. Le 50, c’est l’objectif de la redoutable intelligence et de l’acuité visuelle _ voilà ! l’acuité du regard et son intelligence ! C’est une jolie métaphore que de s’apercevoir qu’un objet technique peut t’apporter _ en prolongement du travail propre de l’œil, en quelque sorte ; c’est à dire le déploiement de l’acte crucial du regard : sur ces « lunettes« -là, se faisant parfois « télescope« , et parfois « microscope« , bref : mouvement d’accommodation constant, on trouve une sublime remarque de Proust dans Le Temps retrouvé ; le passage est fort justement célèbre… _ l’âme _ voilà _ que tu recherches _ et c’est la tienne, l’artiste ! qu’il te faut simplement désherber de ce qui l’encombre… _, et en même temps c’est un choix très rigoureux _ au résultat photographique net et impitoyable (y compris avec du flou !)…Et c’est aussi cela que je trouve dans le cinéma (= l’œil en mouvement formidable) d’Antonioni…

Sur cet œil-là « au travail« , je conseille le très beau journal de travail du film Par delà les nuages (Al di là delle nuvole), en 1995, qu’a tenu très scrupuleusement Wim Wenders : Avec Michelangelo Antonioni _ chronique d’un film (aux Éditions de l’Arche, en 1997)… C’est un document irremplaçable sur la poïesis du cinéaste Antonioni _ à l’œil incomparablement photographique ; là-dessus j’ai écrit tout un essai : « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise« , avec ce sous-titre un peu explicitatif : « Un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni«  : inédit…

A quoi avez-vous renoncé ?
Aux voyages lointains, pas uniquement à cause de l’âge, parce que j’ai déjà beaucoup voyagé, mais aussi parce que les pays « motivants » ont été complètement matraqués _ oui _ de voyages organisés, où les gens _ débarqués en « touristes«  et constamment pressés… _ ont abusé _ oui _ de la photo et emmerdé le Tiers Monde _ oui _ en leur mettant un numérique sur le nez sans aucun respect, aucune pudeur _ par rien moins que « vols d’âmes«  Il faut voyager en ami _ mais oui _, pour partager ses photos _ et être « reçu » avec une hospitalité « vraie«  _, pas en conquérant _ que de malotrus prédateurs (= touristes grossièrement voyeurs en même temps qu’exhibitionnistes) de par tous les déserts (forêts, montagnes) les plus reculés du monde, désormais !..


Que défendez-vous ?

Les jeunes photographes, passionnément _ mais oui ! Et, je déteste qu’on dise d’un jeune photographe qu’il me copie. Il ou elle a tout à fait le droit de copier _ = prendre modèles, pour « commencer«  _ ses aînés _ qui l’ont simplement « précédé«  dans le temps ; c’est-à-dire « essayé«  déjà, eux aussi, un peu, avant lui-même… _ pour se trouver _ voilà, voilà le but : un artiste a à « se former« , peu à peu, acte après acte, avec patience et obstination, afin de « se découvrir« , peu à peu, et « devenir« , enfin, peu à peu aussi, et de plus en plus, et de mieux en mieux, presque « lui-même«  (la coïncidence n’étant qu’un idéal asymptôtique ! jamais complètement pleine ! ni, encore moins, et heureusement, définitive ! il y a toujours, et joyeusement, à continuer à « œuvrer«  !) ; l’identité se construit (toute une vie) dans la multiplicité des rencontres, des apports, des échanges, des « introjections«  assumées et dépassées ; et surtout celles, rencontres, qui sont « vraiment«  fécondes et « vraiment«  ouvertes ; pas dans la fermeture et l’isolation ! qui sont pauvreté ; et négation de soi ! Moi aussi, j’ai copié _ c’est-à-dire imité : « mimesis«  est le mot qu’employaient Platon et Aristote… _ tout le monde _ comme les peintres débutants (et continuant toujours à se former, évoluer), apprennent en imitant les maîtres (= en apprenant d’eux et par eux) ; l’isolement est une stérilisation ! une barbarie ! qu’on y réfléchisse un peu plus et mieux à l’heure de la diminution imposée (pour raisons de « saine économie« , qu’ils serinent et claironnent ! en pratiquant la charité la mieux « ordonnée«  qui soit, bien entendu, ces « vertueux«  en exhibition ! ici, lire Molière, en plus de La Fontaine…), à l’heure de la diminution imposée des horaires d’enseignement (eh ! oui !) en classe… Là-dessus, lire aussi l’indispensable Prendre soin _ de la jeunesse et des générations du vigilant et infatigable et passionnant Bernard Stiegler… L’exposition Plossu cinéma, ça n’est que _ ici, comme une exagération orale : rhétorique… _ de la copie de cameramen

_ ceux d’Antonioni ; ou le Coutard de Godard : cf la phrase, page 180 de Plossu Cinéma, dans l’échange magnifique et si important avec Michèle Cohen dans la voiture entre la Ciotat et Aix : « Récemment je t’ai écrit que je trouvais les scénarios d’Antonioni rasoirs et bourgeoisement convenus ; mais je dois, je me dois, en homme d’image, de dire que la photographie de la trilogie en noir et blanc est grandiose ! La Notte avait pour directeur de la photo Gianni di Venanzo, L’Avventura, Aldo Scavarda, et L’Eclisse, Enzo Serafin _ Bernard le sait par cœur ! Comme c’est étrange que ce soient trois directeurs différents ! Pourtant le ton, ultra photographique, est si semblable : du coup totalement du Antonioni ! La séquence de la fin de L’Eclisse, ces quinze ou vingt minutes tout en photographies filmées, est tellement belle, tellement moderne, comme on aime à dire maintenant, d’un mot qui veut tout dire vaguement.«  Etc.. Et Bernard de citer derechef Raoul Coutard, par exemple dans Alphaville de Godard… « Le rôle des « directeurs de la photo » n’est pas assez connu du public. Les musiques, après tout, font parler d’elles au cinéma. Alors pourquoi ne parle-t-on pas plus des photographes de films ? » Voilà !.. _, et c’est ce que j’aime dans cette expo _ Plossu Cinéma _, montrer d’où je viens _ ce que Alain Bergala nomme, dans sa contribution (aux pages 16 à 27), dans le livre, si beau, Plossu Cinéma : « Le cinéma séminal de Bernard Plossu » : « séminal » en sa poïétique photographique ! rien moins !.. Fin de l’incise sur la photo au cinéma lui-même ! _

Il y a un côté courageux et culotté de montrer ses racines _ voilà _ et de dire qu’on a copié _ c’est-à-dire qu’on s’est « inspiré » des autres, tout simplement… Nul n’est une île !

Que vous reproche-t-on ?
De faire trop de livres. L’expo du FRAC montre à quel point je fais des livres comme un cinéaste fait des films. Je fais deux sortes de livres : les purement créatifs ou expérimentaux, comme Plossu Cinéma _ sur une idée (de génie !) de Michèle Cohen, la directrice de la galerie LaNonMaison à Aix-en-Provence : comment le petit Bernard est devenu Plossu ! _, qui correspondent à mon langage _ ainsi que sa poïétique, en mon vocabulaire (cf Le Poétique de Mikel Dufrenne, en 1963, aux PUF)… _, et les commandes _ ce sont celles-là qui lui sont reprochées (ou plutôt, en fait, jalousées !) ; cf mon article d’indignation du 15 juillet 2008 : « Probité et liberté de l’artiste« , à propos d’une critique acerbe à l’égard du si beau et si juste (= si rigoureux dans la réalisation de ses objectifs) Littoral des lacs, une « commande« , en effet, du Conservatoire du littoral pour les deux départements de Savoie… L’article n’a pas vieilli ! Donc, au final, ça fait beaucoup _ soit une œuvre ! Mais cette démarche a permis _ oui ! Eluard dit que le poète est « moins l’inspiré que l’inspirant«  _ à d’autres jeunes photographes d’oser _ oui ! on est d’abord timide ! trop craintif, pour la plupart… _ le faire. Au fond, un éditeur a plusieurs auteurs pour vivre, pourquoi un auteur n’aurait-il pas droit lui aussi à plusieurs éditeurs ?

A quoi vous sert l’art?
L’art sert

_ un mot bien ambigü… ; mais l’art a toujours des visées, en effet ; même s’il n’est jamais simplement « moyen«  en vue d’une rien qu’« utilité«  (servile) ; auquel cas, il s’agit seulement d’une « technique« , mécanique et reproductive : mécanisable… ; et quant à l’Art (avec la majuscule) servile, il s’agit de celui des propagandes, et pas seulement celles, plus commodes à stigmatiser (tant elles sont peu discrètes), évidemment, des régimes totalitaires !.. Par exemple, ce pseudo Art admirable qui se met au service relativement discret des saints et saintes « Communication« , « Idéologie » (relookée et maquillée style invisible-imperceptible, désormais) et « Marketing« … _

l’art sert, donc, avant tout à partager (pour les autres _ ce qu’il donne à ressentir et éprouver : merci de cette générosité inépuisable… _) et à être curieux (pour soi _ et à l’infini : et Titus Curiosus d’opiner ! à son tour… _). Je dis souvent à mes élèves de ne pas s’intéresser _ de manière désintéressée : cela ne se forçant pas… _ qu’à la photo _ certes ! les « voies«  du sens et de la sensibilité (et donc de la création : tout ensemble !) sont multiples ; et s’interconnectent, aussi !.. Aujourd’hui, je rentre du jardin de Monet à Giverny. A quoi sert ce jardin ? Il a été un prétexte, « un motif » _ oui ! qui met en « mouvement » et « émeut« , rend plus « mobile«  : voilà son étymologie ! il « inspire«  ; et fait mieux respirer ! _ pour l’art de Monet _ lui-même, d’abord _, et il a tellement marqué l’histoire de l’art que c’est devenu un jardin pour le monde entier. On retombe sur cette idée de partage entre le particulier et l’universel _ et du jeu d’ouverture entre ce qui est « dans«  le cadre, et ce qui du monde autour y entre, « venant y pénétrer«  discrètement, presqu’invisiblement, aussi, pour qui s’y sensibilise, à ce « cela«  (presqu’invisible) du monde, avec et grâce à l’artiste, qui nous le fait ainsi délicatement « entrevoir« , percevoir et recevoir ; a contrario des foules d’« anesthésiés«  (et donc insensibles, sourds, aveugles, etc.., Béotiens satisfaits d’eux-mêmes, « idiots«  au sens littéral du terme !) « auto-anesthésiés«  par précaution ; en expansion, hélas, par les temps qui courent : l’humanité est en train d’en crever !.. Cf la fausse sagesse mesquine (criminelle autant que suicidaire pour la civilisation !) des trois singes… D’où la bêtise sans nom et le crime grave qu’est l’absence d’apprentissage véritable (grâce à un enseignement, d’abord, effectivement digne de son nom ! suffisant ! et pas light !) et suffisamment développé de ce que sont les démarches d’Art (= la poïesis en acte et en œuvres !) à l’école : au lycée !!! L’art, c’est aussi un effort _ un geste, un écart, d’un millième de seconde même, le plus souvent… _ qui nous oblige à ralentir _ voilà : dans un monde de pressés, aux « ratiches«  si longues, qu’elles labourent le sol ! ceux-là ne sont pas des artistes !_, à ne pas faire comme cette personne qui vient de passer à toute vitesse avec son 4×4 _ ah ! les 4×4 ! et le mépris des autres… _ dans un endroit où il y a des gens _ qui passent, eux aussi ; et peuvent se faire écraser : par ceux-là, du 4×4, sans égard… L’art, c’est être capable de lever le pied _ tel le narrateur de Du côté de chez Swann, s’abîmant une heure entière à contempler en son détail, tellement luxueux, une haie (éblouissante en son éclat) d’aupébines… _, c’est lutter contre la vulgarité _ certes : que de faux artistes blin-bling, encore, courant nos rues, nos places, nos avenues ; et même nos palais de la république : avec la complicité obséquieuse des micros et caméras des medias ! cf mon article, par exemple, du 12 septembre 2008 : « Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling« …

PETIT ABECEDAIRE

Plossu

A comme… Afrique :

le continent de l’origine _ peut-être pas toute, tout de même… Mozart, ainsi, n’était pas « Africain« … Bernard parle ici surtout du jazz… et du rythme… _ de la musique, de la danse… L’Amérique ne serait rien culturellement _ hum ! hum ! _ sans la musique africaine. Tous les musiciens blancs, d’Elvis à Dylan, ont été influencés par elle _ certes ; mais ce n’est là qu’un type de musique : celui que diffusent le plus (et aident à « consommer«  et faire acheter, plus encore, sans doute…) les radios…

C comme… Chocolat :

j’aime beaucoup / Cézanne : j’avoue ne pas aimer ses verts et ses bleus _ moi si ! mais Cézanne est (comme il s’est reconnu lui-même !) un « couillu » ; Bacon, aussi : Bernard ne l’apprécie pas trop, lui non plus, je sais ; moi, si !.. _, pour moi le sud, c’est Soutine _ pulvérisant sublimement les clichés ! en effet ! _ / Cubisme : un photographe, c’est un danseur qui du haut de son entrechat voit cubiste _ merveilleuse définition ! qu’on se le dise ! Quand on bouge, les lignes de force _ oui ! voilà le vivant ! la « Nature naturante« , dirait un Spinoza, à côté des Chinois !.. se mouvant juste, juste en-dessous des « formes«  un peu moins (mais à peine…) mobiles, elles, et donc un tout petit peu plus (c’est affaire de degrés : infinitésimaux !) arrêtées ; un peu, à peine, moins musicales, en conséquence de quoi, ou un peu, à peine, moins rythmées, si l’on préfère, de la « Nature naturée«  ! Cf ici, en France (et même en Provence, au pays des cyprès qui s’élancent, se tordent…) un Van Gogh à Arles et Saint-Rémy ; ou un Cézanne se posant face à la Sainte-Victoire afin de la regarder se mettre à danser !.. _

quand on bouge, les lignes de force , donc,

que l’on voit tout le temps _ déjà ! et en relief, donc ! _ changent _ voilà : c’est là le bougé-dansé, musical, de Plossu ! La photo, c’est du cubisme en mouvement _ c’est magnifique !

E comme… Espagne :

j’adore y aller. C’est le pays du très grand photographe Baylon _ un grand ami ; et un complice en poïesis _ et du peintre Miguel Angel Campano.


H comme… Histoire / Hésitation :

donc la connaissance, mais le doute _ certes : lire Popper (et son critère décisif de « falsiabilité«  pour la « vraie«  recherche scientifique) ; ou Alain : « penser, c’est dire non«  Mais Hélas l’Histoire n’hésite pas à se répéter _ sans « leçons«  ; cf Hegel…

I comme… Italie !

A lui seul ce mot veut _ pour Bernard ; pour moi aussi : (presque) tout y virevolte et danse ; avec le charme de l’élégance et, aussi, passablement d’humour… _ tout dire…
Illusiones optica : le dernier film que j’ai vu.

J comme… Jawlensky :

j’aime ses portraits _ moi aussi : ils fouillent loin ; quelles profondes couleurs !..
Jalousie :

le sentiment le plus difficile à vaincre, à surmonter _ peut-être pas pour tous, pourtant…
Je :

Céline disait « Je, le pronom le plus dégoûtant » ou un truc comme ça. Je, c’est l’ennemi de l’intelligence _ quand le Je n’est qu’égocentrique, du moins ; mais il peut aussi être « départ de perspective«  (et de construction « vraie«  d’une « personne« …), par son ouverture, précisément, profonde et grave, en même temps que joyeuse, sans peur, sur l’altérité ; cf Montaigne… Ne pas trop le détruire, ce Je-là ! ni le « haïr«  (à la Pascal)…

L comme… Lumière :

en photographie, c’est le noir et blanc, le gris _ leur infini intense camaïeu ; le jeu profondément soyeux de leurs vagues. En beauté, j’aime celle _ si sensible par la tension calme et tellement puissante de sa quasi transparence flottante _ du nord : Vermeer, Brueghel, Constable…


N comme… Napoléon :

l’homme qui n’a pas hésité à faire mourir de froid des milliers de soldats pendant la campagne de Russie. Quelle folie de pouvoir envoyer des êtres humains mourir de froid ! _ sur le froid : lire Le Froid de l’immense Thomas Bernhard, avec son rire formidablement si « humain«  : « tout est risible quand on pense à la mort« … Un rire, à ce degré d’« humain« , qui nous manque très fort aujourd’hui ; même si nous avons, tout de même, l’immense, lui aussi, Imre Kertész (l’auteur du grand Liquidation) : en ces temps de « déshumanisation«  galopante…

Propos recueillis par Nathalie Boisson


Intime conviction

Au FRAC, l’exposition Plossu cinéma présente une œuvre singulière _ eh ! oui ! _ au carrefour de la photographie et du cinéma autour de cinq thématiques. Brillant !

Plossu.jpg

Montrer ses racines, dire d’où l’on vient _ en deux expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison d’Aix-en-Provence) et un livre tels que ce (en trois volets, si l’on veut) Plossu Cinéma _ est un exercice difficile _ a priori, du moins, dans une société assez intimidante et plutôt décourageante, en général. Il s’agit de se livrer _ oui : un peu, au moins… _ à travers l’autre _ effleuré : dans les photos _ tout en gardant une distance respectueuse, une distance amoureuse _ voilà ! Cette distance, c’est celle du regard de Plossu _ absolument ! Il s’est construit très tôt _ en effet ; par son regard même… _ à travers le cinéma de la Nouvelle Vague, où l’image, en prise avec le réel _ oui ! _, dénuée de tout artifice _ quel défi ! _, retrouvait de sa brutalité _ du moins de sa probité, de sa vérité et de sa liberté face au réel (et par là de sa force !) ; puis par l’exercice de plus en plus passionné de la photographie ! à la Plossu… Ces images constituent un double, une entité _ réalisée _ pour lui _ et qu’il lui fallait (existentiellement, humainement !) retenir (du vivre passant : qui passe vite…)… On retrouve à la lecture du Livre de l’Intranquillité de Pessoa quelque chose de cette doublure photographique interprétative, et plus précisément dans le regard de Bernardo Soares : « Voir, c’est avoir vu » _ avec la perspective, nourrissante, de la mémoire : une culture vive et vivante incorporée, en quelque sorte… Comment être proche et distant ? _ par le regard : voilà ! Comment être intime et pudique ? _ c’est l’essentiel !!! Pour l’artiste _ « vrai«  qu’est Bernard Plossu _, la pudeur est l’une des clés de la photo _ davantage : le sas « humain » obligé ! _ et c’est ce qui ressort de cette exposition _ oui ! oui ! _ où la réflexion _ du spectateur convié et comblé _ doit se saisir d’un paradoxe _ oxymorique, comme tout ce qui est essentiel ! _, des deux faces _ absolument indissociables _ de l’intime : « enfoui et fouillé, dedans et dehors »

_ lire aussi là-dessus mon article juste précédent (du 22 février) sur l’écriture sublime, en la sobriété de sa pudeur, d’Elisabetta Rasy, se retournant sur l’histoire de son « intimité«  avec sa mère, mise à vif (à pleurer ! sinon hurler…) lors du cancer terminal de celle-ci, dix huit mois durant, dans L’Obscure ennemie : « Les mots pour dire la vérité de l’intimité dévastée lors du cancer mortel de sa mère : la délicatesse (et élégance sobre) parfaite de “L’Obscure ennemie” d’Elisabetta Rasy« 

L’intime opère _ voilà : il est dynamisant ! c’est un élan ! _ donc systématiquement dans un entre-deux _ absolument : se mouvant quasi reptiliennement, en danses… _, se situant entre l’apparition et la disparition _ oui ! _, la « monstration » et l’effacement du sujet _ avec, à la réception (active) de l’Homo spectator, encore, ce qui doit s’appeler un Acte esthétique du même ordre (clignotant !)… Le sujet ici, c’est à la fois _ et tout ensemble ! : l’« intime«  est une relation, un vecteur magnifiquement en tension : vers l’altérité désirée et à jamais possédée, hors de « saisie«  (et de « maîtrise« ) en tant que telle, de l’autre… _ celui qui est photographié et le photographe _ en un unique mouvement se déployant, dansé. Au spectateur, à travers ses déambulations au sein des cinq thématiques (« Plossu cinéma », « Le déroulement du temps », « Les cinémas de l’ouest américain », « Réminiscences » et « Train de lumière » _ de l’exposition Plossu Cinéma_), de se laisser porter _ oui : avec délicatesse et plénitude d’attention, aussi… en toute amitié… et avec douceur… _ par l’univers poétique et mystérieux _ qui tout à la fois vient nous cueillir et vient nous accueillir _ d’un homme _ « humain » !.. _ à l’âme voyageuse et au cœur cinéphile.

Nathalie Boisson


Plossu cinéma : jusqu’au 17/04 au FRAC Provence Alpes Côte d’Azur (1 place Francis Chirat, 2e) et à la Non-Maison (22 rue Pavillon, Aix-en-Provence). Rens. 04 91 91 27 55 / www.fracpaca.org

A noter également :
Le 27/02 à 14h au Cinémac (63 avenue d’Haïfa, 8e) : présentation en avant-première des films Le voyage mexicain
(30 mn) de Bernard Plossu et Un autre voyage mexicain (1h50) de Didier Morin,  en présence des réalisateurs.
Le 20/03 à 14h30 au FRAC, dans le cadre du Week-end Musées Télérama : projection du film Le voyage mexicain, en présence de Bernard Plossu et Dominique Païni.
Le 26/03 à 17h à l’Alcazar : rencontre avec Bernard Plossu autour du processus de création de ses livres : « Faire un livre, c’est comme faire un film », suivie d’une projection cinématographique.

Merci beaucoup à ce très intéressant article de Nathalie Boisson !

Celle-ci a su obtenir de Bernard Plossu _ et quasi mine de rien… _ des analyses (de son Art) profondes : absolument passionnantes ! Chapeau !

Titus Curiosus, le 25 février 2011

Bernard Plossu de passage à Bordeaux : la photo en fête ! pour un amoureux de l’intime vrai…

14fév

Pour résumer ma « perception » du passage à Bordeaux de l’ami Bernard Plossu _ très « objectivement » le « principal«  photographe français contemporain vivant depuis la disparition de Henri Cartier-Bresson ; la modestie « vraie » de Bernard dût-elle en souffrir… _,

je me bornerai à simplement re-produire le message que je viens d’adresser à notre amie Michèle Cohen, la directrice de la galerie La NonMaison à Aix-en-Provence…

Le voici tel quel :

De :   Titus Curiosus

Objet : Hier soir Bernard à la Bibliothèque municipale de Bordeaux
Date : 13 février 2010 09:25:53 HNEC
À :   Michèle Cohen


Finalement,
pour préciser ce que serait ma (modeste !) « participation » (de faire-valoir…) à la manifestation « Bernard Plossu » à la Bibliothèque municipale de Bordeaux

_ « M’apprêtant à gagner l’auditorium de la Bibliothèque Municipale (de Bordeaux) où va intervenir Bernard : il m’a dit qu’il aurait peut-être besoin que je « dialogue » avec lui : nous verrons bien« ,
avais-je indiqué à Michèle lors de mon message précédent, la veille, peu avant 18 heures _,

finalement,  ce fut une (toute simple) conversation (improvisée, comme j’aime ! _ « conversation » : voilà ! un processus « vrai«  trop rare ! _) avec Bernard, après la projection du magnifique _ film (de 20 minutes environ) _ « Marseille en autobus« ,
et suite à un premier commentaire
_ génial ! _ de Bernard à partir de son « photographier » montré, tel que, et commenté par lui en ce film si beau et passionnant
(sur la « poïétique » de Bernard : à l’œuvre : photographiant !!!)
de Hedi Tahar…

Déjà, quel plaisir de voir ce film ; après le _ film _ « Sur la voie » (de Hedi Tahar aussi) que j’ai pu voir et regarder au FRAC à Marseille

_ cf mon article du 27 janvier dernier sur les deux expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison d’Aix-en-Provence) ainsi que sur le (superbissime !) livre « Plossu Cinéma » : « L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma”« 

Le facile de l' »entretien » avec Bernard, est qu’il suffit de l’écouter bien et de le faire « rebondir«  sur une expression, un concept de son « Nonart » _ ou « Nonstyle Plossu » : il a repris cette expression que je proposais.

J’ai avec Bernard la même connivence (joyeuse, jubilatoire : parce que gourmande et comblée : avec ces joyeux-là ! autant que sérieusement « vrais » !..) qu’avec Yves Michaud _ cf le podcast de mon entretien avec Yves Michaud dans les salons Albert-Mollat le 13 octobre dernier, à propos de son si lucide « Qu’est-ce que le mérite ?« , aux Éditions Bourin _,

ou Marie-José Mondzain…

Ecouter et faire rebondir : la vraie conversation ! Avec probité (vérité) et liberté…

D’où la joie : et elle rayonne…

Au fond, nous croisons dans la vie assez peu de vrais joyeux ; hormis quelques philosophes et artistes un peu plus « vrais » !!!! que tant d’autres, de l’espèce proliférante, elle, des « faiseurs » et des carriéristes,
qui font, eux _ pas besoin d’en citer ! _, les têtes d’affiche des medias _ plus on est dé-culturé, plus on les croit…

Bernard, Yves, Marie-José
_ Baldine Saint-Girons aussi : lumineuse ; elle m’avait immédiatement très fortement impressionné lors de sa conférence bordelaise (à l’annexe de La Machine à lire) à propos de son si juste « L’Acte esthétique » : quelle présence ! quelle générosité !.. _,

ce sont des joyeux (généreux)
_ et moi aussi : si je puis le dire entre nous (!), Michèle, et sans trop de fausse modestie, j’espère ;

même s’il m’a fallu du temps _ = prendre de l’âge _ pour oser « faire« , agir, ainsi, moi aussi _ si j’ose m’exprimer de la sorte : sans forfanterie…
Avant, j’avais l’impression d’être tout petit-petit (à côté de « grands« ) ; et puis j’ai appris, peu à peu _ en rencontrant des philosophes à notre Société de Philosophie de Bordeaux _, à démythifier tout ça _ les fausses « grandeurs«  ! pas les « vraies« , bien sûr : celles qui, en plus, sont modestes !.. Et cela va de pair (en compagnie de l’humour) !!!

Je sais que tu comprends toi aussi ce langage…

J’en ai touché deux mots à Mélanie Gribinsky avant-hier soir au vernissage de _ l’exposition _ « Hirondelles andalouses » à la galerie « Arrêt sur l’image » de Nathalie Lamire-Fabre (excellente ! elle aussi !) ;

et Mélanie me disait qu’elle avait fait ta connaissance à Marseille, il y a un bon moment, par Patrick Sainton :

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Patrick Sainton 2000 © courtesy La NonMaison Aix-en-Provence

j’ai pu montrer à Mélanie la photo de Patrick dans le _ livre _ « Plossu Cinéma » que j’avais amené ;

je voulais que Bernard m’y griffonne un mot…  _ au passage : cette petite merveille de 192 pages est désormais disponible en librairie !.. Un très grand livre !!! Sans doute la meilleure clé à ce jour de l’Art (ou plutôt « Nonart« ) de Plossu…

Bref, il nous faut aussi un peu de temps _ et de vie ! _ pour mûrir et oser… Après (et avec) un peu d' »expérience« , c’est plus facile… Il faut aussi de la chance (quelques rencontres « positives » ; et à ne pas trop gâcher, si possible)…

Le public _ d’amateurs « vrais » de photos _,

je reviens à hier soir à la Bibliothèque municipale,

a immédiatement été « dégelé« , par Bernard, si chaleureux _ comme toujours _ ;

et il y a eu de remarquables échanges, en particulier sur le « danser » du photographe en son « photographier« …

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Michèle 1963 © courtesy La NonMaison Aix-en-Provence

Une jeune femme, danseuse, a raconté qu’elle était passée de la danse à la photo après s’être cassé la jambe…

Sans compter l’immense culture et pertinence de conception de ce qu’est le « photographier » de Bernard :

ainsi Bernard a-t-il a évoqué l’idée de réaliser un grand livre des photographes oubliés, négligés par la critique,
un bon nombre d’entre eux ayant même complètement « renoncé » à continuer de photographier _ du moins à le donner à partager avec quelque public : en expos et en livres…

Je pensais par devers moi alors au « retrait » _ comment le qualifier sinon ainsi ?.. _ de son grand ami chilien (de Valparaiso) Sergio Larrain ; mais combien d’autres, pour Bernard !!!

Ainsi a-t-il parlé, hier soir, d’un certain John Cohen ;
et aussi d’une photographe (déjà âgée) qu’il était venue rencontrer en son village perdu d’Española au Nouveau-Mexique _ elle n’en revenait pas !!!…

Et tant d’autres : mais il suffit de le lui demander…

Les « vrais » grands ne sont pas les (ou rien que les) plus (et efficacement) médiatisés…
La notoriété n’est pas le meilleur critère, hélas.

Et sur l’échelle des « vraies » grandeurs (modestes, en plus !),
Bernard a un œil infaillible !!!

Bref, il y a là un projet passionnant et d’expo et de livre, me semble-t-il, Michèle…

Ne serait-ce qu’en le concevant comme un « dialogue » _ par (et à partir de) photos _ entre Bernard et chacun d’entre ces « oubliés« -là… _ oubliés de la critique et des medias, qui font, par leur pia-pia entêtant, la pluie et le beau temps de la notoriété ! et s’ils sont encore de ce monde, en leur demandant d’y participer s’ils le souhaitent…

Bernard s’est inscrit expressément dans la filiation d’Edouard Boubat ;

moi je pensais aussi à Eugène Atget _ le flamboyant (et si discret !) libournais ! Qu’on contemple ses photos !!! Une extase !!! sans chi-chis…

Une filiation (ou une amicale…) de photographes de la douceur…

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Massif Central 2007 © courtesy La NonMaison Aix-en-Provence

Même si n’a pas été prononcée hier soir l’expression (« inadmissible douceur« ) de Denis Roche à propos de Bernard Plossu

_ cf par exemple la reprise de cette expression par Gilles Mora en sa belle « présentation« , page 12, du très vaste (et nécessaire !) « Bernard Plossu : Rétrospective 1963-2005« 

Un jeune photographe bordelais, Joseph Charroy _ je ne le connaissais pas _, est venu présenter à Bernard une série de ses photos : remarquables !
Bernard lui a donné l’adresse d’un excellent professeur de « tirage » de photos, Yann de Fareins, à Uzès.
Et quelques conseils pratiques pour se faire « reconnaître » un peu _ en commençant par un projet de « manifestation« , peut-être, à Bordeaux : d’images de Bordeaux…

La ville de Bordeaux _ qui avait été candidate au label « Capitale européenne de la culture » : et c’est Marseille qui l’a emporté ! _ en a plutôt besoin…

Comme d’un développement conséquent de manifestations photographiques
_ Nathalie Lamire-Fabre s’y consacre ardemment, et de longue haleine, depuis sa (très belle) galerie « Arrêt sur l’image« , au Hangar G2 donnant lumineusement sur le Bassin à Flot n°1…

Car il demeure toujours assez difficile _ que de circonlocutions ! _ d’obtenir des synergies fécondes à Bordeaux, me semble-t-il, du moins…
Et comme j’aimerais me tromper sur cette appréciation de la situation bordelaise !..

Je regrette, ainsi _ dans ce même registre _, que le rayon Beaux-Arts de la librairie Mollat continue de demeurer, endémiquement, un peu trop chiche en livres de photos de Bernard Plossu _ j’y regarde de temps en temps : je suis curieux… _,
alors que je viens assez souvent fréquenter ses tables (et ses rayons en hauteur) ; et « parler photo« , entre autres, avec Paul, Chantal, les deux David, tous très très gentils et remarquablement compétents ! _ et tout particulièrement en ce chapitre-ci du rayon, qui a pris pas mal d’ampleur ces dernières années…

Est-ce une affaire de distribution des livres (de photo) ? Ou de nombre d’exemplaires trop limité des tirages !
_ hier soir, a été ainsi évoqué le cas du splendide « Couleur Fresson » de Bernard (à l’occasion d’une exposition à Nice _ la dame « qui dansait » (et s’est cassé la jambe) avait pu se le procurer en visitant l’expo au Musée, à Nice) ! le tirage semble en être déjà épuisé… Paul Roger m’avait déjà parlé de ce phénomène (endémique, en effet !) ;

aussi, ne jamais laisser passer l’occasion de se procurer un (splendide) livre de photos ! quand il est là, et qu’on le feuillette ; car il est toujours en voie d’« épuisement«  !.. Demain, il sera « introuvable«  !

Pourtant, quand je m’étais rendu à la librairie « Ombres blanches » à Toulouse, à l’occasion d’une virée d’une demie-journée pour le vernissage d’une expo de Bernard Plossu et Françoise Nuñez,

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Françoise 1980 © courtesy La NonMaison Aix-en-Provence

dans les jardins « Raymond VI » jouxtant le très beau lui-même Musée des Abattoirs,

j’avais pu « réaliser » une ample moisson de livres de photos de Bernard Plossu !!!
Fin de l’incise sur les synergies bordelaises…

Bref, ce fut très bien, hier soir à l’auditorium de la Bibliothèque municipale, grâce à Michèle Pasquine, son active et chaleureuse responsable ;

comme avant-hier soir, au vernissage de l’expo « Hirondelles andalouses » à la lumineuse, donc, galerie de Nathalie Lamire-Fabre « Arrêt sur l’Image« … _ bien des amis de Bernard avaient fait le déplacement de Bordeaux pour l’occasion…

A suivre, comme toujours,

Titus

Soit un message (à l’amie Michèle Cohen, à Aix) qui me semble parler, sans plus de commentaire, de lui-même…

Comme quoi, en s’adressant à quelqu’un, en sa singularité même de personne (unique !) , on peut aussi se faire entendre de plusieurs, me semble-t-il…

Titus Curiosus, ce 13 février 2010

L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre « Plossu Cinéma »

27jan

Ce week-end des 22 & 23 janvier, j’ai fait le voyage de Marseille et Aix-en-Provence pour découvrir les expos « Plossu Cinéma » du FRAC (1 Place Francis Chirat, à Marseille, dans le quartier du Panier : bravo Pascal Neveux !) _ pour la période 1966-2009 _ et de La NonMaison (22 rue Pavillon, à la périphérie du quartier Mazarin, à Aix-en-Provence : merci Michèle Cohen !) _ pour la période 1962-1965 _ ; et être présent à la « rencontre », « Le cinéma infiltré« , entre Alain Bergala & Bernard Plossu, en guise (luxueuse ! autant que simplissimement amicale !) de vernissage à la NonMaison de mon amie Michèle Cohen…

Couverture, Porquerolles 1963

Couverture, Porquerolles, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Il existe une énigme de la renversante beauté du Nonart _ comme il pourrait se penser (sans même le dire) à La NonMaison… _ de Plossu : sa clé étant peut-être l’impact du geste aimant photographique… En marchant et dansant, d’abord, probablement… C’est aussi une affaire de « rapport à » l’objet _ c’est-à-dire un « rapport à«  l’autre, autant qu’un « rapport au«  paysage ; les deux n’étant pas, non plus, dissociés : en tension douce ; et même d’une douceur extrême ; mais invisible, cependant, sinon par cet infime (et très rapide) geste à peine perceptible d’un photographier un instant effacé (instantanément) par ce qui suit, et reprend, et prolonge, poursuit, très simplement, la courbe (très douce) du mouvement précédent… Photographier fut à peine une parenthèse ; exquisément polie ; avec le maximum et optimum d’égards…

Ou le moyen tout simple qu’a bidouillé le bonhomme Plossu pour « être de plain-pied avec le monde et ce qui se passe« , ainsi que lui-même a pu l’énoncer _ cf le très bel article de présentation de Pascal Neveux, « Bernard Plossu /// Horizon Cinéma« , pages 6 à 9 de « Plossu Cinéma«  _ le livre, magnifique, est une co-édition FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Galerie La Non-Maison & Yellow Now / Côté photo _, avec ces mots de commentaire de Bernard Plossu : « En apparence mes images sont poétiques et pas engagées. Mais pratiquer la poésie, n’est-ce pas aussi résister à la bêtise ? La poésie est une forme de lutte souterraine qui contribue à changer les choses, à améliorer la condition humaine« 

Déjà, nous ne pouvons que prendre en compte, forcément _ face à ce (minuscule) fait (si discrètement) accompli ! _ la dimension temporelle _ cf ce doublement crucial « être de plain-pied avec » et « avec ce qui se passe« , ce qui advient et va (bientôt : tout de suite, instantanément) passer… _ du processus _ mais qui dure, qui ne s’interrompt pas, mais se poursuit, très simplement ; sans pose, ni pause… _ dont l’image photographique va, elle, (un peu) demeurer _ un peu plus longtemps, du moins… _ : quelque amoureuse trace sur une pellicule _ bande passante _ développée ; et voilà qu’il nous la donne _ on ne peut plus gentiment ! _ à regarder, et à partager, pour peu que cela, bien sûr, nous chante ; et nous enchante, alors !.. Quelle improbable joie ! et qui nous comble ! ainsi généreusement offerte et, en effet, partagée.

L’expression qui m’est venue est : « la renversante douceur Plossu » ; l’expression de mon titre _ elle m’est survenue à Aix, en repensant à tout cela, le soir (la nuit) du vernissage, dans ma chambre (noire ; nocturne) ; tout cela doucement continuant de me « travailler«  dans l’obscurité d’un penser comme un refrain

Col, “Train de lumière”

Col, « Train de lumière« , 2000 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et voilà que je découvre _ au matin _ que, page 130 du livre « Plossu Cinéma« , son ami Gildas Lepetit-Castel, dit, lui _ et à son tour, et avec les guillemets ! _ : « l’inadmissible douceur » !

Mexico City

Mexico City © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Je lis, c’est l’incipit de l’article : « Le regard de Bernard Plossu, beaucoup en ont parlé avec justesse, cherchant à percer le mystère de ces images _ les photos qu’il nous met sous les yeux… _ empreintes _ et en gardant le parfum, la trainée, d’autant plus prégnante que discrète _ d’une « inadmissible _ nous y voici ! _ douceur » » _ cette expression d’« inadmissible douceur«  est en effet empruntée à Denis Roche, en sa préface pour « Les paysages intermédiaires«  de Bernard Plossu, l’exposition et le livre (aux co-éditions Contrejour/Centre Pompidou), en 1988 ; elle a été mentionnée aussi, déjà, par Gilles Mora en son « Introduction« , page 12, au magnifique « Bernard Plossu : Rétrospective 1963-2006 » des Éditions des Deux Terres accompagnant l’exposition « rétrospective«  de même nom au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, du 16 février au 28 mai 2007…

Et Gildas Lepetit-Castel d’ajouter, on ne peut mieux : « Bien sûr, ce n’est pas seulement la douceur qui rend ces images si singulières, c’est également la justesse _ et comment ! et combien ! en plein dans le mille ! comme la flèche de l’archer zen ! _, l’émotion, l’élégance _ magnifique, en sa fondamentale discrétion _, le refus de l’effet _ qui serait facile ; et vulgaire : jamais, au grand jamais, chez Bernard ; tout à fait comme dans le cinéma suprêmement élégant, lui aussi d’Antonioni (cf « L’Eclipse« ) ; et dans celui de Truffaut (« La Peau douce« )…

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Françoise, Toulouse 1982 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et de poursuivre, encore : « autant de caractéristiques qui permettent de reconnaître son regard entre mille _ à coup sûr ! Certains n’y ont vu (sûrement par facilité _ en ce « ne… que« , en effet… _) que du flou _ le voici ! le fameux « flou Plossu«  _, car Bernard Plossu privilégie _ par fondamentale probité, en lui ! depuis son début, et toujours !!! sans jamais si peu que ce soit y déroger : c’est un juste ! _ l’authenticité à la netteté parfaite _ superficielle : sa « netteté«  à lui va plus loin ; elle est en vrai relief ! et condition de combien plus de « vérité«  !

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Phares, Ardèche 2005 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

D’où cette « infiltration » cinématographique _ c’est l’expression (lucidissime !) d’Alain Bergala _ de sa photo ; selon la formule radicale de Gilles Deleuze, il s’agit bien de « L’image-Mouvement« , en la photo, de Plossu, donc, aussi ; pas que dans le cinéma… Et pour Bernard Plossu, il y a davantage de mouvement (ultra-sensible et immédiat : vif ! au comble de la vivacité ! même…) en sa photo qu’en (presque) tout le cinéma ! Là se trouve sans doute l’intuition originelle de Michèle Cohen (quant à l’œuvre-Plossu), intuition à la source même _ faut- il le souligner ?.. _ de tout ce « Plossu Cinéma« -ci

Et Gildas de continuer : « Ces images ne sont pas floues, mais portent en elles la vie _ en son tremblé-dansé… _, elles témoignent _ tout simplement, en effet, rien que _ du bougé _ voilà _ du photographe, de l’empreinte du geste _ un élément capital ! _ qui les fait naître, comme la touche du peintre marque la toile _ par exemple chez un Fragonard : la couleur multipliant ainsi la vibration du saisi… La fixation s’opère dans l’acte créateur _ voilà _, cette faculté de savoir retenir _ mais parfaitement délicatement… _ les sensations _ en une esthétique stoïcienne, si l’on veut faire savant… _, et non simplement dans un rendu figé«  _ mis à l’arrêt, bloqué ; page 130, donc : c’est magnifique de précision dans la justesse !

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Patrick Sainton 2000 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et voilà qui agace bien des grincheux… Eux « résistant » (très) dur à cette terriblement puissante _ mais c’est un oxymore _ « douceur Plossu« .

De même que Barthes disant que « désormais, l’obscène est le sentiment«  (pas le sexe) !..

Car nous voici, nous, l' »homo spectator » _ je renvoie ici à l’indispensable livre de mon amie Marie José Mondzain : « Homo spectator » _ tenus d’opérer, en suivant, dans le mouvement même, dans la danse qui, à notre tour, nous requiert _ de bouger, de danser, nous mouvoir… _, ce ce que mon amie Baldine Saint-Girons qualifie, elle aussi si justement, d' »acte esthétique » _ en son indispensable, lui aussi, « L’Acte esthétique« 

Je me propose, ainsi,

afin de me confronter ici-même, en cet article, à cette douce énigme _ celle d’un indéfinissable style (ou Nonstyle !!!) Plossu ! en sa fondamentale et fondante « douceur«  !.. _,

de confronter un texte mien, la dédicace à Bernard Plossu d’un essai (inédit, en 2007) : « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise«  ;

avec pour sous-titre _ ainsi que dans les essais américains : on aime là-bas ce genre de précision-ci ! _ : « un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« , parce qu’un des pôles de ses analyses de la rencontre (de personnes) est la séquence ferraraise _ testamentaire ! à propos d’un amour de jeunesse ; peut-être seulement fantasmé, même… cf « Quel bowling sul Tevere » (« Ce bowling sur le Tibre« , aux Éditions Images modernes, en 2004 : un texte très précieux pour l’exploration du génie antonionien à son jaillir… _ du dernier chef d’œuvre de Michelangelo Antonioni, en 1995 (et avec, un peu, Wim Wenders : pour, d’une part, assurer des « liens » entre les séquences ; et, d’autre part (et surtout), rassurer les producteurs : dans l’éventualité où l’hémiplégique qu’était devenu, depuis son ictus cérébral (survenu en décembre 1985), Antonioni, ne pourrait mettre le point final à ce film…) : « Al di là delle nuvole » (« Par-delà les nuages« ) ;

soit une clé de tout l’œuvre antonionien ! :

je me propose de confronter, donc,

cette dédicace mienne

au texte _ tout bonnement magnifique ! _ qu’Alain Bergala a conçu, ce mois de janvier-ci, pour un mur de La NonMaison aixoise de Michèle Cohen,

en présentation d’un « Passage de l’intime à l’abstraction« , ces années 1962-1965 :

celui, « passage« , allant

des toutes premières photos de Bernard Plossu, celles de son amie Michèle Honnorat, aux alentours de la cinémathèque, à Chaillot, en 1962,

à l’aventure du « Voyage mexicain« , en 1965…

« L’exposition à La NonMaison à Aix est donc _ d’où sa radicale importance en tant que la source de tout l’œuvre Plossu ! pas moins ! _ le début et la fin d’un désir _ de cinéma _, ensemble« .

Et « Michèle incarne _ oui : c’est le mot parfaitement juste ! _ tout cela sans le savoir« , commente Bernard Plossu lui-même,

en dialogue maintenant,

et en voiture, entre La Ciotat et Aix _ cela a aussi son importance… _

avec Michèle Cohen :

car « Je rencontre Michèle Honnorat au début des années 60, et je suis frappé _ voilà ! _ par sa beauté cinématographique naturelle _ sic : 

l’élégance, même si un peu plus plus tard (!), d’une Claude Jade (celle de « Baisers volés » _ en 1968 _ et de « Domicile conjugal » _ en 1970 _, de Truffaut, mâtinée, pour le regard profond et sombre, d’une Lucia Bosè, celle de « Chronique d’un amour » _ en 1950 _ et « La Dame sans camélias«  _ en 1953 _, d’Antonioni, dont Lucia Bosè était alors la _ « sidérante« , en effet !.. _ compagne ; avant la sublime, elle aussi, Monica Vitti) _ ;

Michèle, Paris 1963

Michèle, Paris 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

je dis cinématographique parce qu’à l’époque j’allais

_ page 16 de ce livre « Plossu Cinéma« , Alain Bergala rapporte, aussi, cet éclairant auto-portrait-ci, aujourd’hui, de Bernard Plossu « en jeune homme«  de dix-sept-ans : « quand je fréquentais la Cinémathèque du Trocadéro : (j’étais) un peu de Truffaut, de Jean-Pierre Léaud et de Samy Frey« …  _

je dis cinématographique parce qu’à l’époque j’allais

tout le temps au cinéma _ d’une très grande qualité, alors _, et très souvent avec elle _ ce facteur-ci a lui aussi son importance.

Avec ma Rétinette Kodak, je n’arrêtais pas de la photographier. (…) Mon désir de la photographier me dévorait.

Dans ses regards, peu de sourires, une vraie beauté d’écran _ voilà !

Michèle, 1962

Michèle, 1962 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Une présence _ le terme capital ! _ incroyable _ tout l’art de Bernard Plossu est (ontologiquement !) une saisie (en quelque sorte : comme il le peut ! et il le peut !!!) de cette présence : « incroyablement« , en effet ; à nous « renverser«  !!! tel un Eugène Atget ! _ ; et moi je me sentais comme un petit garçon _ cela a-t-il fondamentalement changé, face au monde même, pour le grand Bernard Plossu ? _ avec juste mes 18 ans. Serais-je devenu photographe sans un tel modèle ? _ les questions de Michèle Cohen poussent loin, loin, l’introspection poïétique de Bernard Plossu, « entre La Ciotat et Aix-en-Provence« , et « entre août et octobre 2009« , et dans la voiture de Michèle, plus que probablement (cf page 176)…

Le travail de ce « Plossu Cinéma«  mène plus loin que jamais jusqu’ici l’analyse et la compréhension de l’œuvre-Plossu !!! Merci Michèle ! Je veux dire Michèle Cohen, ici…

En fait, avec elle

_ elle, Michèle Honnorat, en un mélange composé de quelque chose de Claude Jade et de Lucia Bosè ;

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Michèle, Trocadero © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

lui, Bernard Plossu, en un mixte et de François Truffaut et Jean Pierre Léaud (et, plus accessoirement, Sami Frey) :

Truffaut-Antonioni, voilà la boucle de mon « Plossu Cinéma«  à moi presque bouclée !.. _,

en fait, avec elle,

je me faisais mon film Nouvelle Vague à moi« , page 182 de l’« Entretien avec Bernard Plossu » de Michèle Cohen, qui court de la page 176 à la page 183 du livre « Plossu Cinéma« 

Ou comment passer de l’attraction du cinéma _ encore toute juvénile _ à la pratique passionnée (et vitale ! et artiste ! tout uniment ! les deux…) de la photographie !..

Ou, si l’on préfère, comment on devient le grand Plossu !

Avec cette question-clé, maintenant, que Bernard,

se faisant à son tour le questionneur,

se met à adresser à la questionneuse perspicace et tenace, dans toute sa (permanente) douceur, Michèle Cohen, page 178 _ soit l’arroseuse arrosée !

Michèle vient de dire : « Truffaut aussi séchait les cours pour aller à la Cinémathèque ; mais quand il est devenu réalisateur, il a séché la vie _ ce que Bernard n’était, n’est, et ne sera jamais, prêt à faire, lui !!! _ pour ne plus quitter les tournages de film.« 

Alors Bernard, piqué au vif, se fait le questionneur :

« Michèle, je te pose cette question : « Est-ce que, quand on arrive à la caisse d’un cinéma et qu’on achète son ticket, c’est pour la liberté ou l’esclavage ? » »

Michèle n’y répond pas ; esquive provisoirement la réponse… Celle-ci, cependant, affleure vite très peu plus loin, quand, page 179, Michèle déclare : « Dans le « Voyage mexicain« , tu écris que voyager, c’est crever les petits écrans du cinéma _ voilà ! _ pour rejoindre enfin _ voilà : de plain-pied ; sous son pas ; en marchant et cheminant ! _ les grands espaces… Voulais-tu tourner le dos au cinéma et à Paris ?« … Le jeu du questionnement commence à « brûler«  ; même si la voix de Michèle est très douce

Car Bernard répond, comme toujours !, sans barguigner : « Oui« .

Et il explique, en racontant : « Une après-midi pluvieuse au Quartier latin, en sortant d’un western, j’ai enfourché mon vélo et je me suis dit : « Qu’est-ce que je fous là ? » C’était plus fort _ en terme d’intensité du ressentir, c’est-à-dire du « vivre« , tout bonnement ! _ d’être à _ et avec ! « de plain-pied«  _ Big Sur pour de vrai _ voilà ! _ que de le voir _ seulement des yeux _ au cinéma _ sur un écran toujours trop « petit«  !.. J’avais 25 ans. Je suis allé voir le monde en relief _ et le saisir sur la pellicule ultra-sensible photographique à bout de bras… Ce « relief« -là même du « flou Plossu« , qui tient à la marche en avant _ la plante des pieds au sol ! _ du photographe en son acte décidé (et hyper-sensible : un million de fois plus que la pellicule), « à vif«  et tellement léger à la fois !, de photographier… Le pied, le bras, le doigt suffisent ! C’est un art hyper-gestuel ! Tout y est geste ! Y compris, forcément, les opérations du cerveau ! En hyper-accélération !..

Bref, « les salles de cinéma, c’était l’enfermement«  : voilà donc la réponse !

La stagnation stérile…

« Et depuis que _ parce que « vivre, c’est tellement mieux que d’aller au cinéma » (en position de « spectateur » seulement…) _ je suis revenu en Europe, je suis souvent _ quand Bernard n’est pas « sur le terrain« , ou bien sur la route (ou en train), en « campagne » hyper-active (mais hyper-patiente et hyper-tranquille : hyper-attentive ! à l’imprévu !) photographique ! _ chez moi ; je ne « sors pas le soir » ; je lis _ voilà la nourriture plossuïenne. La lecture a remplacé le cinéma _ moins substantiel dorénavant pour lui : il n’y va quasiment plus.

Je lis beaucoup, à 80 % la littérature italienne _ Rosetta Loy (l’auteur de « La Première main« ) et Elisabetta Rasy (l’auteur d’« Entre nous«  et maintenant « L’Obscure ennemie« , sa très exacte suite), pour commencer !.. tellement sensitives ! ces deux Romaines magnifiques… _, les nouveaux écrivains de polars réalistes _ pour leur ontologie fruste (du réel!)… En voyage aussi je lis. Je prends le train exprès _ en effet ! _ pour lire !

Avec les paysages français, italiens ou espagnols _ cf son merveilleux « L’Europe du Sud contemporaine« , aux Éditions Images en manœuvres, en 2000 : un des chefs d’œuvre de Plossu !.. Cherchez-le ! _ qui passent à la fenêtre _ quel luxe, en effet ! qu’un tel défilement (de beauté de paysage) à portée de regard ! Parfait.« 

Voici donc,

après cette clé du « Cinéma » de Plossu, délivrée à la curiosité tranquille et douce, patiente, profonde et juste _ hyper-attentive elle-même, comme il se doit : c’est là le gisement à éveiller de sa création personnelle à elle… _, de Michèle Cohen,

voici ma dédicace (en 2007) à « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » ;

puis la suivra le texte du mur : magnifiquement intitulé, par Alain Bergala, « Le Sentiment de l’essentiel » _ qu’a (et qui possède) Bernard Plossu…

A Bernard Plossu, photographe
si juste,
dans ses photos comme dans la vie


qu’on peut dire
de ce qu’on peut identifier, instantanément,
d’une somptueuse et sans chi-chi évidence,
comme « son style« ,

instantanément et à la perfection « identifié », et reconnu de soi, en effet
_ d’où pareille stupéfiante « justesse » : on s’y arrête, on ne peut que l’approuver et même la « saluer »,
et bien bas,
d’une quasi imperceptible inclination du menton,
seulement,
tant elle est légère, délicate, discrète,
mais pas moins non plus ! _,

un « style » avec ce que d’aucuns,
le « pointant » en zigzaguant un peu de l’index,
seraient tentés, en balbutiant un peu aussi , de « baptiser »
_ selon les canons plus ou moins en cours, c’est-à-dire quelques habitudes un peu installées _
« le flou » ;
ou, du moins, « avec parfois du flou« ,
car cela n’a rien, bien sûr, de « systématique » : un style ne peut pas être systématique !

mais pas « n’importe quel » « flou« , oh que non ;
ni n’importe quel « avec parfois » :
il lui faut, justement, à ce « flou« ,
et en « son » occurrence précise, en « son bain », en « son jus », en « son contexte »,
en cette circonstance-ci, toute particulière, et si singulière,
peut-être rare, et peut-être même unique, dans sa contingence absolue,
tout en étant, l’occurrence (= ce qui arrive, qui survient,
et qui, d’avoir surgi, maintenant est là,
tout à fait là,
on ne peut même guère davantage être plus là,
comme à son comble de présence),

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Modène 2001 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

tout en étant, donc,
la plus constante, banale, quotidienne _ « le fil même des jours » : surtout lui ! _ ;
il lui faut, donc, à ce « flou« -ci, ce « poudroiement »,
ce doux et léger sillage de mouvement
avec sa mince, imperceptible
et donc invisible trainée
de poudre-poussière,
telle celle d’une étoile filante, d’une comète, de quelque angélique « voie lactée » :
il lui faut, à cette image _ qui reste,
et va, ne serait-ce qu’un peu, en son instant,
demeurer sous et pour nos regards _ ;
il lui faut
cette époustouflante sidérante qualité _ est-ce de grain ? _ de toute simple et immédiate « évidence »
d' »allure », de « mouvement de danse », de « glissé »
(de ce qui suit et accompagne amoureusement « l’élan » :
comme un halo
à peine _ c’est si légèrement _ vibré ou tremblé)
_ jusqu’à presque, mais juste avant (par l’é-gard) la caresse _
il lui faut donc cette qualité, ou grain, d' »allure » quasi dansé
du « vrai vivant » et du »vivant vrai »
_ « qualité de grain d’évidence » combien rare, certes :
ailleurs qu’en ses photos et que dans lui, au quotidien, veux-je dire _
il lui faut
 » la justesse », en toute sa précision _,

qu’on peut dire _ j’y suis _
de ce style « si juste »
et si précis

_ dans, et par, cette sorte de brume qui nimbe
(pas tout à fait cependant jusqu’à l’embrouillamini et les carambolages du « brouillard »)
de ce « flou » _ allons-y donc, aussi _,

qu’on peut dire de ce style
qu’il est « à la Plossu« 

_ marque de fabrique libre, formidablement libre
_ ça aussi, comment ne pas le remarquer et le dire ? _
sans avoir eu jamais besoin d’être déposée ;
sans exportation ni contrefaçons possibles, en conséquence :
pour réussir à contrefaire la « marque de fabrique »,
ou ce « style« , « Plossu« ,
il faudrait parvenir à devenir
ce que la palette bariolée des multiples, divers, variés, vastes, aux dimensions de tous les continents de la planète, et tortueux aussi parfois, chemins de sa vie,
y compris passages d’épreuves et par le(s) désert(s) _ ô combien divers, les déserts _,
sont arrivés à faire du « bonhomme Plo«  _ ou, mieux encore, « plo« , sans majuscule (ou « b« , ou « ploplo« ) _,
comme il lui arrive de conclure avec prestesse ses merveilleux _ de justesse (et beauté : mais est-ce distinguable ?) _ mails,
mieux repéré dans le monde de la Photo et de l’Art sous l' »identifiant » « Bernard Plossu »

Saludo, o Abrazo, y Gracias, amigo.

Et maintenant,

« Le Sentiment de l’essentiel« , par Alain Bergala _ avec quelque farcissures miennes : en prolongement de son penser… _ :

« Les photographes qui inventent vraiment en photographie, ceux qui trouvent _ en général tout de suite _ leur photographie _ = leur style _, sont rarement ceux dont la visée _ carriériste _ est d’entrer dans l’institution de la photographie, d’endosser le rôle social de « photographe » _ Plossu n’est pas « social« , en effet ; ni idéologique ! Il n’est pas dans le « rôle«  Ce sont d’abord les images dont ils ont besoin _ en une très impérieuse « nécessité«  de (tout) leur être-au-monde (d’artistes : dont ils ressentent l’« appel«  profond !) _, et dont le modèle n’existe pas _ ni, donc, nulle part ne pré-existe _, qui les fait s’emparer _ tel est le geste fondateur, et quasi anodin, en même temps _ d’un appareil photo. N’importe quel appareil photo, la technique dans ce premier temps leur importe peu _ c’est seulement l’image elle-même, et en son geste unique, aussi, qu’il leur faut, et urgemment, « sauver«  : en la captant, tel un pauvre croquis sur un carnet à tout faire… Leur horizon de création n’est pas la photographie en elle-même ni pour elle-même, mais d’abord un besoin personnel, impérieux _ de toute première nécessité : en effet ! _, pas forcément conscient : celui de faire des images qui répondent _ en se traçant si peu que ce soit ainsi _ à leur propre désir _ à eux, ces « inventeurs«  _ d’entrer avec le réel _ au lieu de lui passer à côté ! sans que rien du tout en résulte… _ dans un rapport _ ontologique, de vérité : actif (à la puissance mille) ! voilà ! _ qui soit le leur _ en s’y glissant : tout en douceur, en ce rapport « leur« , idiosyncrasique, au réel… ; ne pas passer à côté de sa (seule vraie) vie !!! _, et dont ils n’ont pas forcément les mots _ ce serait déjà trop long _ pour le dire ou le penser _ c’est le dispositif photographique (dont soi-même on est un simple morceau, un simple rouage, une petite bielle : quasi modeste) qui seul agit ! Rien n’est moins futile _ certes : c’est de l’ordre de la gravité ! même si ultra-légère ! et ultra-rapide ! sans la moindre lourdeur ; laquelle, malheureux !, plomberait vilainement tout… _ que ces photos dont quelqu’un a eu intimement besoin _ c’est très exactement cela ! _ dans son rapport au monde _ qui le fait exister, aussi, lui, s’accomplir, se déployer : _ se déployer avec et vers l’objet saisi ; avec (= en compagnie de) et vers (en direction de) l’autre de ce rapport ; et autre absolument capital ! C’est une affaire de respiration (vitale !) : versus asphyxie… Ce qui est futile, c’est de faire de la photographie pour toute autre raison _ certes ! petite, sinon minable ! eu égard à ce « cela«  vital, capital, lui ! _, même artistique au sens social du terme _ et qui ne vaut pas grand chose (trop de pose ! et un penchant de fausseté !), face à pareil « absolu » !.. « Il n’y a pas photo«  du tout, en pareil choix, en pareille alternative !!! forcément rencontrée par tout artiste… D’où la fondamentale probité Plossu. Et la force de vérité des images qui en résultent et qu’il nous donne ! De quoi faire rager bien des jaloux, évidemment ; et leur ressentiment d’« inadmissible » face à la pureté, en effet, quasi angélique, mais oui ! _ et scandaleuse alors ! cf Pasolini ! Par exemple, en son « Théorème« _, de la vérité d’image du réel que sait capter si délicatement Bernard Plossu : tout innocemment, lui !..

Regardez bien la vibration _ oui ! _ à nulle autre pareille _ en effet ! _ de ces photos de femme _ Michèle Honnorat avait dix-huit ans, au Trocadéro, en 1962 _ dont il veut enregistrer la beauté sidérante _ voilà _ qui le charme autant qu’elle l’inquiète _ en effet ! et il lui tourne inlassablement autour ;

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Michèle 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

cf aussi les deux photos éblouissantes de Michèle

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Michèle, 1963  © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

sur le pont du bateau au large de Porquerolles, l’année suivante, en 1963 : peut-être le sommet de toute cette séquence de l’expo à la NonMaison ! _,

un ami _ Dominique Vialar _ dont il veut capter la croyance _ = confiance _ qu’il a en lui

Dominique Vialar, Paris 1963

Dominique Vialar, Paris, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

_ une image d’une suprême élégance ! : à comparer avec celles (de groupe) des copains de ces années-là, dans cette mine qu’est le « Plossu : Rétrospective 1663 – 2006 » de Gilles Mora, aux pages 29 & 31 du chapitre « Génération nouvelle vague » : images plus anecdotiques, sociologiques (ou biographiques) seulement… : c’est du moins mon point de vue… _,

un coin de rue du Mexique où résonne sourdement son propre imaginaire cinéma _ tel un bagage en fond sonore du regard.

Ce qu’il cherche à apprivoiser _ oui ! du réel qu’il aborde (ontologiquement, en quelque sorte) à travers ces divers  « rapports«  aux choses, aux lieux et aux êtres (de chair et de sang)… _ avec ces photos, c’est le mystère du rapport qu’il entretient _ oui, c’est aussi comme une lutte amoureuse… _ avec ces sujets _ lieux et moments compris ! _ proches et pourtant si insaisissables _ faute d’être avec eux tout à fait « de plain-pied«  ! mais l’est-on jamais complètement ?.. Nous cesserions de continuer de marcher… Tout est dit ici, Alain ! Le jeune homme _ de dix-sept et vingt ans _ qui les a prises ne jouait _ certes _ pas au photographe. Au contraire : c’est lui et son rapport à la vie, aux autres, qui était en jeu _ de fait _ dans ces images _ en jeu grave, comme pour le (grand) Michel Leiris de « L’Âge d’homme » et de « La Règle du jeu« , ajouterais-je, pour ma part… Par quel miracle Plossu n’a-t-il jamais perdu _ en effet ! _ ce sentiment du personnellement essentiel _ c’est très exactement cela !!! _ qui imprègne _ et nimbe, si légèrement ; et avec quelle joie luminescente d’exister ! _ ces photos initiales ? _ Merci, Michèle,

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Michèle Cohen et Bernard Plossu, La Ciotat août 2009, par Guy Jungblut © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

de nous les faire découvrir, « à la source«  même _ « poïétiquement« , pour reprendre le terme du philosophe de l’Esthétique Mikel Dufrenne, en son passionnant « Le Poétique » (aux PUF), en 1963… _ de Plossu, en 1962… C’est proprement à la « poïétique« , même, donc _ rien moins !!! _ de Bernard Plossu que nous fait accéder par son intuition initiale, dès avant l’été 2008, Michèle Cohen, en étant à la source de ce « Plossu Cinéma«  ; je veux dire par là : et les deux expos du FRAC PACA de Marseille et de La NonMaison d’Aix-en-Provence ; et la si belle réalisation du livre qui en témoigne, par Guy Jungblut (avec l’œil _ unique ! _ de Bernard Plossu), de ce « Plossu Cinéma« , aux Éditions Yellow Now   Cet homme-là a toujours eu _ oui ! _ un besoin intime _ merveilleusement fort en sa terrible douceur ; d’aucuns (trop cérébraux ! ceux-là…) ne le supportent pas ! cela leur est « inadmissible«  ; mais oui, Gildas ! tant pis pour ces tristes !!! et jaloux… _ des photos qu’il a prises toute sa vie » _ sur la privation endémique et galopante de l’intime par nos contrées aujourd’hui, lire, de Michaël Foessel, « La Privation de l’intime » ; cf mon article du 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« 


Alain Bergala, janvier 2010

Voilà nos manières d’approcher peut-être l’énigme de la douceur du rapport au monde _ et toujours parfaitement « intimement«  ! _ du bonhomme Plossu ; notre ami…

Le monde en est meilleur !

A votre tour,

laissez vous gagner (à la stoïcienne !) à son contact…

Titus Curiosus, ce 27 janvier 2010

Post-scriptum :

Cette (double) exposition (marseillaise et aixoise) m’est d’autant plus _ un peu personnellement _ chère

que je fus aussi _ un peu, donc _ sur ses fonts baptismaux, avec Michèle Cohen et Pascal Neveux,

au domicile de Bernard Plossu, le 22 juillet 2008 ;

sur une intuition fécondissime de départ de Michèle… Vivent les nuits d’été !

Et enfin,

cerise sur le gâteau,

c’est à l’objection de Valéry Laurand, philosophe (spécialiste des Stoïciens) : « et la « rencontre », si ce n’était que du cinéma ? » _ de la « pose« , en quelque sorte ; du théâtral : menteur… _

que je me suis « essayé » à répondre

en un (long) essai (inédit : je l’ai adressé seulement à Bernard Plossu et à Michèle Cohen ; car ma réflexion est partie de ma propre rencontre avec le bonhomme Plossu _ et ses diablesses de photos : d’une douceur « confondante » !.. pure, angélique !.. _) intitulé « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » ;

car la vérité de ce que nous donne à regarder, en son cinéma, Michelangelo Antonioni _ comme en la séquence ferraraise (inaugurale tout autant que testamentaire) de « Al di là delle nuvole« , en 1995… _,

moi, j’y crois !

Aussi, suis-je personnellement ravi que la (double) photo de couverture

Couverture, Porquerolles 1963

Couverture, Porquerolles, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

_ sublime en sa « séquence » (horizontale, panoramique : la ligne d’horizon de la mer prolongeant la ligne du dos de la jeune fille) à la fois contrastée (le charnu d’un corps de jeune femme étalé se livrant, de dos, les yeux clos, au soleil sur le pont d’un bateau / quelques rochers dressés, pointus, hostiles sur une côte d’île au milieu de la mer, sur la droite de l’image), et (très discrètement) signifiante de la complexité de ce qu’est la vie ; et même les amours… _ de ce si beau livre qu’est « Plossu Cinéma« , aux Éditions Yellow Now, et dans la collection Côté photo _ merci Guy Jungblut pour votre travail, une fois de plus, parfait ! si élégant et si juste ! c’est essentiel ! c’est magnifique ! dans toute la diversité, aussi, du « regard«  (unique !) de Bernard Plossu… _, soit la succession de deux images prises l’une juste après l’autre _ et se succédant sur la planche-contact _, l’été 1963 au large de Porquerolles _ la photo de « quatrième de couverture » (avec un superbe cactus proliférant sur la petite terrasse face à la mer)

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Quatrième de couverture © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

est sous titrée, de l’écriture claire, vive et pausée, tout à la fois, de Bernard Plossu : « La maison de Pierrot le Fou à Porquerolles, en 1976«  ; un hommage à Godard, elle, dont la Marianne et le Pierrot nous ont, pas mal d’entre nous, pas mal marqués (en 1965)… _,

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signature © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

la succession _ séquentielle ! cf là-dessus la très riche réflexion de l’article « Photographier en cinématographe«  de Núria Aidelman, en présentation de la section « Le Déroulement du temps«  de l’expo au FRAC de Marseille, aux pages 84-85 du livre…  _ de deux images _ à gauche, Michèle Honnorat prenant le soleil sur le pont du bateau ; à droite, la côte rocheuse, noire, au large, mais pas loin, vers Porquerolles _ sur la planche-contact, qui rappellent, en radieuse beauté, l’Antonioni de soleil et d’ombre de « L’Avventura« , en 1960 _ dont la (magnifiquement) longue séquence de (quasi _ le tout début se passe à Rome…) ouverture se déroule au large de, et puis sur l’îlot (seulement rocheux, peu accueillant à arpenter…) de Lisca Bianca, la plus petite des Îles Lipari (ou Îles Éoliennes), chères aussi (depuis) à Bernard Plossu…

Je suis _ personnellement _ particulièrement heureux, donc, de ce choix (et hommage) « antonionien » !!! pour ce livre magnifique _ de 192 pages, avec un éventail très généreux de merveilleuses photos _ qu’est ce « Plossu Cinéma« , nous donnant à regarder le parcours d’artiste de Bernard Plossu, de 1962 à 1965, puis 1966 à 2009.

Le livre est ainsi,

par cette « récapitulation » d’un bonheur vrai _ d’artiste et d’homme, tout uniment !

et c’est crucial en ce cas d’espèce ! la perspective « poïétique«  sur la gestation du génie Plossu

_ Alain Bergala use, lui, de l’expression, également très juste, de « cinéma séminal«  ! pour intituler sa très substantielle et éclairante contribution : « Le Cinéma séminal de Bernard Plossu« , aux pages 16 à 27 de « Plossu Cinéma«  _

issue du regard (profond !) de Michèle Cohen

étant à mes yeux la nouveauté fondamentale et capitale, pardon d’enfoncer ainsi le clou !, de ce livre-ci, « Plossu Cinéma« , sur l’œuvre : photographique,

mais aussi cinématographique !

_ cf les deux films projetés en permanence et en continu au FRAC :

soient « Almeria, La Isleta del Moro« , une vidéo couleur de 50′ de Bernard Plossu lui-même, en 1990 ;

et « Sur la voie« , un documentaire réalisé par Hedi Tahar, sur une idée de Bertrand Priour, en 1997, une production La Houppe, pour FR3 : « sur la manière de photographier«  de Bernard Plossu « depuis les vitres d’un train«  : ici « pendant le trajet La Ciotat-Lyon-La Ciotat, via Marseille, en hommage aux frères Lumière« , Bernard Plossu commentant tout le long ce qu’il voit : « L’équipe avait une 16 mm, une caméra vidéo qui prenait aussi le son ; et moi, j’avais une petite caméra super8. C’est ce jour-là que j’ai filmé ce qui est devenu ensuite la série de photogrammes « Train de lumière« . Comme j’avais aussi mon appareil photo Nikkormat, j’ai collé la caméra super8 au viseur du Nikkormat, et j’ai filmé à travers : verticale et horizontale, double vision !« , commente Bernard Plossu lui-même

+ la (double) projection, et en avant-première, au Cinémac, du Musée d’Art Contemporain de Marseille, le samedi 27 février prochain, de 14h à 17h, des deux films : « Le Voyage mexicain« , film super8 en couleurs tourné en 1965-1966 (de 50′), par Bernard Plossu lui-même ; puis « Un Autre voyage mexicain« , film en couleurs tourné en 2009 (de 110′) par Didier Morin ;

de même que « Le Voyage mexicain«  de Bernard Plossu sera redonné le samedi 20 mars au FRAC de Marseille, à 14h30, en présence de Bernard Plossu et de Dominique Païni ; Dominique Païni a écrit l’article de présentation (aux pages 158 à 161 de « Plossu Cinéma ») qu’il a intitulé « Vierge, vivace et le bel aujourd’hui« , consacré aux films de _ ou avec la participation de _ Bernard Plossu : une sélection de photogrammes extraits des films « Train de Lumière », « Sur la voie« , « Le Voyage mexicain«  et « Almeria« , sont visibles aux pages 162 à 175 de « Plossu Cinéma« . Fin de la (beaucoup trop) longue incise à propos de l’œuvre cinématographique (à découvrir !) de Bernard Plossu : tout aussi libre et juste que sa photo… _

Le livre est ainsi

_ je reprends ma phrase commencée plus haut _,

par cette « récapitulation » d’un bonheur vrai _ d’artiste et d’homme, tout uniment ! _ conquis sur fond de deux ou trois précipices, bien réels eux aussi ;

le livre est ainsi

magnifiquement plossuïen _ j’espère qu’on voudra bien pardonner l’étalage ici de mon enthousiasme… Mais il n’est pas si fréquent d’approcher d’un peu près, au point d’y participer même un peu, à la joie généreuse d’un tel artiste « vrai«  !

D’où le qualificatif (rochien) d’« inadmissible » _ de la part des malheureux qui « résistent«  des quatre fers à l’évidence Plossu… : dans leurs forteresses froides (et hyper-sèches) germano-pratines ! _ pour ce que je ressens _ on ne peut plus joyeusement, dans mon cas, provincial que je suis, moi aussi, et du pays (rieur) de Montaigne ! _ comme une « renversante«  « douceur » : étonnamment discrète et pudique _ et la boucle est bouclée…

une flopée de merveilles de musiques, et une passionnante exposition, aussi, « Deadline », cette Toussaint

02nov

Est-ce la difficulté (commerciale ?) des temps qui courent ?..

toujours est-il que les éditeurs de disques redoublent ces derniers temps-ci d’exigences de qualité pour nous offrir d’admirables interprétations de chefs d’œuvre de la musique…


D’abord, cette Toussaint _ et « remarqués« , pour une fois, par les magazines de disques : tout arrive !.. _ trois admirables CDs de piano à divers « stades » de composition du Romantisme : Schubert ; Liszt ; Brahms _ et encore ai-je (provisoirement?) « délaissé » _ ni lui ai seulement prêté une oreille ! pour le moment… _ le « Chopin chez Pleyel«  d’Alain Planès (CD Harmonia Mundi HMC 902052) _ sur lesquels, CDs, je ne regrette pas de m’être « précipité » ! :

des « merveilles » et de musique, et de musicalité !


De Franz Schubert (1797-1828), le CD « Wandererfantasie and other Works for solo piano«  _ la « Fantasie in C (Grazer Fantasie) » D 605A ; « Three Piano Pieces« , op. posth. D946 ; « 13 Variations on a Theme by Hüttenbrenner«  D 576 ; en plus de la « Wandererfantasie » op. 15D 760 _, par Michaël Endres (CD Oehms OC 731) ;

de Franz Liszt (1811-1886), le CD « Franz Liszt « un portrait » » _ avec « La Danza _ Tarantella napoletana » (des « Soirées musicales » de Rossini S. 424) ; les « Funérailles » (des « Harmonies poétiques et religieuses » S. 173) ; la « Bagatelle sans tonalité«  (ou « Mephisto-valse«  n°4b) S. 216a ; « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (des « Deux Légendes » S. 175) ; les « Consolations«  S. 172 ; la « Vallée d’Obermann«  (des « Années de pélerinage, 1ère année, Suisse«  S. 160 ; « Liebestraum«  (« Rêve d’amour« ), « Nocturne » n°3 S. 541 ; et la « Rhapsodie hongroise » n° 2 S. 244/2 _, par Guillaume Coppola (CD Calliope CAL 9412) ;

 …
et de Johannes Brahms
(1833-1897), le CD « Die Späten Klavierstücke Op. 116 – 119«  _ les 7 « Fantasien » op. 115 ; les « 3 Intermezzi » op. 117 ; les 6 « Klavierstücke » op. 118 ; et les 4 « Klavierstücke » op. 119 _, par Anna Gourari (CD Berlin Classics 0016472BC) ;

toutes œuvres transcendées ici par des interprétations magnifiquement inspirées et idéalement adéquates, toutes trois ; et selon des styles fort divers…


Le Schubert de Michaël Endres chante à la perfection … »à la Schubert« , avec une grâce (légère en sa gravité : le génie est toujours oxymorique, à « résoudre » sans effort et dans la jubilation la « quadrature du cercle » !..) : il nous enchante ! tout simplement…

Le Liszt de Guillaume Coppola « chante« , lui, aussi _ en une inspiration d’ascendances italiennes : napolitaine, sicilienne, etc… _, mais « au concert« , cette fois, avec la virtuosité pleine de panache (frisant le gouffre _ d’entre Charybde et Scylla ! entre Calabre et Sicile : là même où se produit le miracle de « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (la plage 4 de ce CD !)… _ de l’emphase, mais, le défiant, victorieusement, pour, n’y sombrant pas, en triompher brillamment !..) de Franz Liszt : une joie puissamment rayonnante anime ce vaste « portrait » de Franz Liszt (ainsi, médiatement, que celui, aussi, du jeune interprète (d’ascendance sicilienne, celui-ci prend bien soin de rendre hommage, en couverture du disque, et à sa grand-mère Lina, et « à la mémoire de (s)on grand-père Vincenzo » ! et par-delà eux, peut-être aussi, au catanais Giovanni Bellini, le maître du bel canto ; qu’a pu, à Paris, admirer Liszt…). Chapeau !

Quant au Brahms d’Anna Gourari, tout en assumant, pleinement, et magnifiquement, un certain pianisme (qui était passé, ces dernières années, pour ainsi dire de mode), il demeure, avec un « plus que parfait » éclat, fidèle à la magie mirifique de la poésie feutrée et chargée de goutelettes de toute fraîche rosée translucide, tout à la fois, de ces (20) « petites » œuvres, si grandes (sublimes ! oui…), de la « fin de vie » de musicien de Johannes Brahms… Bravo ! Bravissimo, la « parfaite » musicienne…

Sur les œuvres de « fin de vie« ,

mais cette fois en ce qui concerne les arts plastiques (principalement la peinture) contemporains,

on se plongera avec d’infinies délices dans le regard _ et la lecture ! _ du magnifique catalogue « Deadline«  _ avec une très belle « préface-présentation » de la commissaire (aidée d’Emile Ouroumov) Odile Burluraux : « Mourir « vivant »«  (pages 17 à 25) _ qui accompagne l’actuelle (16 octobre 2009 – 10 janvier 2010) exposition éponyme, « Deadline« , au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, consacrée à des œuvres « terminales » de Martin Kippenberger (Dortmund, 1953 – Vienne, 1997), Absalon (Ashdod, 1964 – Paris, 1993), Hans Hartung (Leipzig, 1904 – Antibes, 1989), James Lee Byars (Detroit, 1932 – Le Caire, 1997) _ c’est un cliché (étincellamment tout doré !)

Performance pour le vernissage The Death of James Lee Byars à la Galerie Marie-Puck. Broodthaers, Bruxelles 1994.(Photo : Marie-Puck Broodthaers)

de James Lee Byars lui-même lors de sa « performance pour le vernissage de l’exposition « The Death of James Lee Byars«  à la Galerie Marie-Puck Broodthaers, à Bruxelles« , à l’automne 1994, qui figure en (fascinantissime !) couverture (sur fond noir) de l’album !.. _,

Felix Gonzales-Torres (Guáimaro, 1957 – Miami, 1996), Joan Mitchell (Chicago, 1925 – Vétheuil, 1992) _ est amplement cité un « entretien«  avec Yves Michaud, le 12 janvier 1986, aux pages 97 et 98 de l’album (extrait du catalogue « Joan Mitchell, les dernières années«  des expos au Musée des Beaux-Arts de Nantes et à la Galerie nationale du Jeu de Paume, en 1994… _, Robert Mapplethorpe (New-York, 1946 – Boston, 1989), Chen Zhen (Shanghaï, 1955 – Paris, 2000) _ qui avait participé (brillamment !) en juillet 1990 à l’exposition « Chine demain pour hier«  qu’avait organisée à Pourrières, près de la Sainte-Victoire, mon amie Michèle Cohen, qui dirige la Galerie « La Non-Maison«  à Aix-en-Provence (elle m’a invité à y disserter « Pour un Non-art du rencontrer«  le 13 décembre 2008 dernier) ; le catalogue de cette expo « Chine demain pour hier«  ayant reçu un « avant-propos«  (excellent !) de notre ami Yves Michaud, Directeur alors de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris… ; cf pour précisions mon post-scriptum au bas de cet article _, Gilles Aillaud (Paris, 1928 – Paris, 2005), Willem de Kooning (Rotterdam, 1904 – East Hampton, 1997), Hannah Villiger (Zug, 1951 – Aug, 1997) et Jörg Immendorff (Bleckede, 1945 – Düsseldorf, 2007)…

Les notices (et « entretiens » avec les artistes…) pour chacun des douze artistes présentés sont passionnant(e)s, dans la finesse de précision des analyses (par Ann Temkin, Joël Bartoloméo, Odile Burluraux elle-même, Joachim Sartorius, Lewis Baltz, Molly Warnock, Sophie Delpeux, Hou Hanru (avec Odile Burluraux), Éric Darragon, Joachim Pissarro, Annelie Pohlen et Nicole Hackert, Bruno Brunnet & Michael Werner _ avec aussi un « Avant-propos«  de Fabrice Hergott, pages 13 à 15 _), d’un art qui atteint le maximum de sa « liberté » face au temps (qui reste) et sa dimension (d’élévation) d’éternité : ce à quoi s’affronte, se confronte, s’entretient, se nourrit, s’enchante, tout art « véritable«  ; par rapport aux impostures courant les rues de ce qui prétend s’afficher « art » et n’en est que tristes et pénibles « contrefaçons » ; d’autant plus grossières que vulgaires… La discrétion (envers la personne d’autrui) étant politesse essentielle d’un artiste…

A ces 3 « divins » CDs de piano romantique,

j’ajouterai encore le volume VIII de très, très belle facture (toujours !) que nous offre la maestria d’Éric Le Sage (double album CD Alpha 154) en la « continuation » _ et parfaite captation sonore de Jean-Marc Laisné à la Salle de musique « L’Heure bleue« , à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, en janvier 2009 _ de l’intégrale « éclatante » (et diaprée) des « Klavierwerke & Kammermusik«  de cet autre immense génial musicien (romantique, aussi…) qu’est Robert Schumann (1810-1856) _ avec les « Études pour le Pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op. 3 ; les « Études de concert pour le pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op.10 ; l’« Allegro«  Op. 8 ; la « Faschingsschwank aus Wien, Fantasiebilder » Op. 26 ; les « Vier Klavierstücke » Op. 32 ; et les « Drei Clavier-Sonaten für die Jugend » Op. 118 : la « Kinder-Sonate Julien zur Erinnerung » ; la « Sonate Elisen zum Andenken«  ; et la « Sonate Marien gewidmet » ; musiques pour trois des filles de Robert et Clara Schmann _ ; pour ces musiques de l’âge romantique, donc…

Pour le Baroque,

quelques merveilleux bijoux, aussi :

d’abord, du génial Alessandro Stradella ; et par un interprète dont j’admire depuis longtemps (après l’avoir entendu en masterclasses à Barbaste, aux stages _ quant aux « fondamentaux » de l’interprétation musicale baroque _ de Philippe Humeau) la parfaite musicalité (ainsi que probité de jeu _ mais les deux vont de pair ! là où se pressent et précipitent (hystériquement…) tant d’impostures, justement : devant (et rien que pour) les sunlights, les caméras, les micros, les foules… _, je veux parler d’Enrico Gatti, dirigeant ici, avec sa merveilleuse justesse « musicale » coutumière, l' »Orchestra Barocca della Civica Scuola di Musica di Milano« , ainsi que les chanteurs Lavinia Bertotti, Barbara Zanichelli, Emanuela Galli, Roberto Balconi, Maurizio Sciuto et Carmo Lepore, un magnifique enregistrement de deux « cantates de Noël«  _ de la période « romaine«  de Stradella : vers 1675, sous le pontificat (29 avril 1670 – 22 juillet 1676) de Clément X Altieri…, ainsi que l’indique, à la page 19 du livret du CD, Carolyn Gianturco _ du grand, mais pas assez enregistré (non plus que donné en concert) Alessandro Stradella (Nepi, 3 avril 1639 – Gênes, 25 février 1682), donc : « Cantate per il Santissimo Natale« , « Si apra il riso » et « Ah! Troppo è ver«  (ainsi qu’une « Sonata di viole _ con concertino di due violini et leuto e concerto grosso di viole« ) ; en un CD splendide de l’Arcana du regretté Michel Bernstein (CD Arcana A 331) ;

puis,

un électrisant récital, sans affèteries ni assauts de (trop) gratuites vocalises, d' »airs d’opéras » napolitains _ un répertoire loin d’être assez exploré encore !.. et pourtant ô combien crucial dans l’histoire de l’opéra !.. (faute de pouvoir « remonter«  vraiment dans leur intégralité de tels « spectacles«  ?.. _, de Giovanni-Battista Pergolese (1710 – 1736), Nicola Antonio Porpora (1686 – 1768), Leonardo Vinci (1696 ? – 1730) & Johann-Adolf Hasse (1699 – 1783 _ présent à Naples, le saxon, lui, pour s’y « former« , auprès de Nicola Porpora et d’Alessandro Scarlatti, en ces si ingénieux conservatoires de Naples, de 1724 à 1727) : « Lava _ Opera Arias from 18th Century Napoli« , par la parfaite Simone Kermes, soprano, et « Le Musiche Nove« , dirigées par Claudio Osele : un CD Deutsche Harmonia Mundi 8869754121 2 ;

puis, en remontant vers des contrées au climat un peu plus « tempéré« ,

d’abord, un très rafraîchissant _ intense et profond en son élégance… _ CD de « goûts réunis » de Jean-Marie Leclair (Lyon, 10 mai 1967 – Paris, 22 octobre 1764) _ compositeur à l’élégance, donc, hautement raffinée ; et violoniste virtuose (sans excès, à la Locatelli…), formé à Turin auprès du maestro Giovanni-Battista Somis _ constitué des quatre premières des six « Sonates en trio pour deux violons et basse continue » op. 4 (de 1731-1732) et de la « Deuxième récréation musicale d’une exécution facile pour deux flûtes ou deux violons » op. 8 (de 1737), interprétées ici par deux hautbois, un basson, une contrebasse et un clavecin _ tenus par David Walter, Hélène Gueuret, Fany Maselli, Esther Brayer & Patrick Ayrton, en un ensemble s’intitulant « Pasticcio barocco«  _ ; soit le _ délicieusement fruité ! _ CD 01 de Hérissons Production s’intitulant « Jean-Marie Leclair, ou l’apogée des Goûts Réunis« 

et un peu plus en amont, dans le temps, à Paris,

et en changeant cette fois de siècle :

un tout simplement « magique » récital de « Pièces de luth«  en sol majeur, la mineur, fa majeur et si mineur de Denis Gaultier (dit « Gaultier de Paris« , ou « Gaultier le jeune » : Paris, 1603 – Paris, janvier 1672) _ avec l’appoint de deux chaconnes (en do majeur et fa majeur) du cousin Ennemond Gaultier (dit « le vieux Gaultier » ou « Gaultier de Lyon » : Vilette-en-Dauphiné, 1575 – Nèves-en Dauphiné, 11 décembre 1651) _ ; intitulé « Apollon orateur« , sous les doigts _ inspirés par le dieu maître des Muses ?.. _ du parfait luthiste qu’est le maître Anthony Bailes, chez Ramée : le CD Ramée RAM 090La musique qu’adorait, pour son infini raffinement, sa poésie, la délicatesse de sa grâce divine, La Fontaine : peut-être la quintessence de l’art musical français…

Et enfin,

au XXème siècle, cette fois, et ni en Italie, ni en France, mais en (un violent) exil d’Allemagne _ en 1938-39 pour deux des principales pièces : somptueuses ! _

des œuvres d’un maître bien injustement mis sous l’éteignoir, et qui réveille pourtant l’acuité la plus fine de nos ouïes, par le brillant « profond » (sans clinquant !) de la clarinette, ici : les « Clarinet Quintet ; Clarinet Quartet ; Clarinet Sonata ; Three Easy Pieces » de l’immense Paul Hindemith (Hanau, 16 novembre 1895 – Francfort 28 décembre 1963), un des « plus grands » de ce siècle… : un CD Naxos 8.572213 de « Chamber Music » par le décapant (en même temps que magnifiquement élégant : autre « quadrature du cercle » !) ensemble « Spectrum Concerts Berlin« , que dirige de son violoncelle Frank Dodge ; et avec le clarinettiste virtuose (excellent !) Lars Wouters van den Oudenweijer !..

Le contraste avec le luth de Denis Gaultier sera magnifique ; révélant, si besoin en était, toute l’amplitude de la magie féérique de la musique…


Titus Curiosus ce 2 novembre 2009

Post-scriptum :

je joins, ce matin du 3 novembre, ce courriel

à mon amie Michèle Cohen, directrice de la Galerie « La Non-Maison » à Aix-en-Provence

(où je vins le 13 décembre 2008 présenter mon « Pour un Non-Art du rencontrer« ) :

De :   Titus Curiosus

Objet : En lisant mieux « Deadline« , je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:40:06 HNEC
À :   Michèle Cohen

En lisant un peu mieux le catalogue de l’expo « Deadline« ,
il s’avère que
l’expo que tu avais organisée (comportant des réalisations originales de Chen Zhen)
est très précisément citée (avec son « titre » !), page 123 de ce catalogue
« Deadline :

je cite : « l‘exposition « Chine demain pour hier« ,


organisée par Fei-Da-Wei dans le sud de la France.
Cette exposition avait lieu dans le village de Pourrières, à côté de la montagne Sainte-Victoire.
C’était vraiment une exposition intéressante.

(…)
Chen avait conçu des pièces très importantes, dans un grand camion.
Il s’agissait d’une sorte de parcours qui reproduisait des pierres tombales suspendues à l’envers,
et de la terre au sol avec les matériaux, les journaux recyclés comme il les utilisait depuis les années 1990.

C’était assez impressionnant.
Et l’autre pièce était encore plus étonnante
: c’était dans la forêt.
A l’époque, on commençait seulement à parler d’écologie.
Il y avait eu un débat sur les incendies qui avaient dévasté la Sainte-Victoire. Les gens se plaignaient que certains ne respectaient pas la nature et qu’ils mettaient le feu.
En fait, Chen était allé derrière le village, dans la forêt brûlée, où il a trouvé des centaines et des centaines d’objets abandonnés, des déchets ;
il en a effectivement récupéré beaucoup (quatre-vingt-dix-neuf, je crois),
et il les a ensuite suspendus aux arbres.

C’était un geste extrêmement fort,
qui semble très léger mais en même temps très fort.
Cette pièce est vraiment formidable
« …
« A partir de ce moment-là, nous avons commencé à nous voir, à discuter ; nous sommes devenus très amis« ,
continue Hou Hanru…

est celle-là même que tu montas, Michèle !!!

bien que ton nom ne soit pas cité par Hou Hanru _ celui qu’interviewe la « commissaire » de l’expo actuelle, Odile Burluraux, pages 123 à127… _,
Fei Da-Wei en étant, en effet, lui, le « commissaire«  (cf page 4 de ton catalogue de 1990 !)…

Je viens de mettre la main sur le catalogue (que tu m’as donné l’an dernier à Aix) de cette expo qui eut lieu à Pourrières du 7 au 31 juillet 1990, « Chine demain pour hier« ,
organisée par l’association « les Domaines de l’Art » dont tu étais la « présidente » ;
avec une préface de toi, page 11
et un avant-propos de l’ami Yves Michaud, page 9 !


Je vais introduire cette précision
dans mon article :
et voilà qui est fait !..

Titus

Réponse par retour de courriel de Michèle :

De :   Michèle Cohen

Objet : Rép : En lisant mieux, je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:45:04 HNEC
À :   Titus Curiosus

Titus,
Tu es vraiment gentil. Peu de gens citent leurs sources. Tu fais un travail de passeur incroyable….
Merci d’avance
Michèle

Dans son « Avant-Propos«  de juillet 1990 à ce catalogue « Chine demain pour hier« , page 9, Yves Michaud, disait que « trop souvent la culture est laissée au soin des institutions«  ; alors que « la création culturelle a, au contraire, besoin de se déplacer et de bouger ; elle n’a pas vraiment besoin d’atours et de pompe. La respectabilité arrive toujours trop vite. La création nous intéresse quand elle vient _ généreusement : tel Kairos… _ là où nous ne l’attendons pas, quand elle nous surprend _ sans calcul d’aucune sorte… _ dans un monde où prédominent aujourd’hui _ certes : les choses, depuis, n’ayant fait que s’aggraver… _ les spécialistes en attente et en motivations«  :

« un monde où prédominent _ voilà ! _ aujourd’hui les spécialistes _ « professionnalisés« , en quelque sorte !.. diplômés peut-être même !.. _ en attente et en motivations » ; comme c’est justement « croqué » ! Comme ils nous pèsent, ces experts ; et plombent tout ce à quoi ils s’attachent, ces « spécialistes » patentés ès « attentes et motivations » ! Comme ils sont loin du véloce, divin et éternellement jeune, lui, capricieux et ludique Kairos ! Tout le contraire des « amateurs » qui « aiment » _ auxquels s’intéresse, par exemple, un Bernard Stiegler…

Là où il s’agit pour la « vitalité«  (de l’Art : d’artistes authentiques !) de « s’affirmer à travers _ avec la fluidité véloce de la souplesse _ des installations, des rencontres, des concerts, à travers des interventions transitoires et momentanées _ oui ! _ qui gardent _ par cette délicate finesse de la légèreté _ le sens de la vie«  _ plutôt que de se perdre ; ou d’être anéantie, ou exténuée, lourdement, cette « vie«  ; désorientée, sans boussole, faute de l’« aimant«  (et de l’« aimantation« ) de vrais profonds désirs, amours, passions

Sur cela, cf toujours Bernard Stiegler (importants travaux en cours !) autour de l’« amatorat » !

Yves concluait ce « mot de présentation » de 1990 par un bref commentaire du titre même de l’exposition : « D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots _ « Pourrières » est déjà un nom magnifique : alors le lieu lui-même (!) au flanc de la « magique » Sainte-Victoire : on comprend qu’il y a eu là de quoi inspirer « vraiment » un artiste « profond » tel que Chen Zhen ! quant à quelque « résilience » (à la Boris Cyrulnik…)… _,


D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots,

le titre de l’ensemble de la manifestation _ de Pourrières, ce mois de juillet 90-là ; cela a fait dix-neuf ans cet été ! _ : « Chine demain pour hier« . « Pour hier », comme pensée et hommage ; « pour demain », comme création et vie » _ cf ce que François Jullien, expert en sinologie, nomme, avec beauté autant que justesse, les « transformations silencieuses » du « vivre« , par-delà le « mourir » ; qui peut ainsi, face au « trou noir«  du néant, n’en être qu’une « phase« , un « moment » : quand le processus, y compris celui du jeu des mouvements-forces de la « nature«  (mais y a-t-il vraiment « séparation » ?..), est « artiste« , du moins : c’en est l’impérative condition !..

Tout le crucial est dit ! Bravo Yves ! Bravo Michèle ! En 1990 déjà !

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