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Révélation du Quatuor Arod dans « The Mathilde album », autour de Mathilde von Zemlinsky-Schönberg (1877-1923)

16nov

Le jeune Quatuor Arod

_ constitué de Jordan Victoria et Alexandre Vu, violons,

Corentin Apparailly, alto

et Samy Rachid, violoncelle _

nous avait offert un intéressant et très prometteur premier CD,

en 2017,

consacré à deux Quatuors de Félix Mendelssohn :

le Quatuor opus 13 et le Quatuor opus 44 n°2

_ le CD Erato 0190295761127.

Ce mois d’octobre 2019,

le toujours jeune Quatuor Arod

_ l’altiste du Quatuor est désormais Tanguy Parisot _

prend une remarquable très haute dimension

_ enthousiasmante ! _

avec un album vraiment magnifique :

The Mathilde album

_ le CD Erato 0190295425524 _,

comportant,

d’Anton Webern (1883-1945), le Langsamer Satz,

d’Arnold Schönberg (1874-1951), le Quatuor à cordes n° 2 opus 10

_ avec la participation de la soprano Elsa Dreisig : parfaite ! _,

et d’Alexander von Zemlinsky (1871-1942), le Quatuor n° 2, opus 15 :

trois sidérants chefs d’œuvre

du début du XXéme siècle viennois,

interprétés avec une flamme qui nous transporte

et subjugue totalement.

Ces trois œuvres ont pour inspiratrice commune

et bouleversante

Mathilde Von Zemlinsky (1877-1923),

épouse d’Arnold Schönberg,

et sœur d’Alexander von Zemlinsky ;

une muse viennoise au destin tragique,

dont les péripéties de vie nous sont fort bien détaillées

par le livret _ sous le titre de Portrait d’une muse, pages 4 à 11 _ de ce CD,

sous la plume d’Aurélie Barbuscia et les membres du Quatuor Arod,

puis de Laurent Muraro.


Un CD marquant de la discographie de ce répertoire

émouvant.

Ce samedi 16 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le bonheur de venir de lire « Vous comprendrez donc », de Claudio Magris

01jan

Ce n’est ni l’article même que Pierre Assouline a consacré à « Vous comprendrez donc« , le 13 décembre dernier sur son blog de « La République des livres« , sous le titre  de

« Claudio Magris n’en sort pas » ;

ni même mon propre article « A propos de Claudio Magris : petites divergences avec Pierre Assouline _ sur son blog “la république des livres” « ,

dans lequel je m’agace (un peu) qu’on privilégie le succès public d’un auteur (avec, si souvent, les malentendus sur lesquels ce succès-là est bâti),

par rapport au contenu (et forme, conjoints) même _ et merveilleux ! _ de son œuvre entier ;

mais c’est ma réflexion d’hier

à partir de ce qu’il y a de force du désir

de sortir (= extraire ; extirper),

des limbes du fantômatique,

les « Ombres errantes » de la musique

_ ancienne, tout particulièrement, certes ;

mais cela vaut aussi, et déjà, pour quelque musique que ce soit

qui doit,

pour que le commun des mortels y accède

(par sa sensibilité; et d’abord ses oreilles !..) ;

qui doit, donc,

être interprétée (= sonorement « réalisée ») à partir de traces écrites (= notées) sur une partition ;

et pas simplement seulement improvisée :

tel un prélude (dans la « suite » dite « baroque » ; à partir des préludes au luth…) ;

ou telle improvisation d’orgue ;

ou, plus collectivement, de jazz ;

par exemples _ ;

mais c’est ma réflexion d’hier, 31 décembre,

à partir de ce qu’il y a de force du désir de sortir, des limbes du fantômatique, les « Ombres errantes » de la musique,

en mon article « de l’arbitraire de quelques interprétations musicales _ et incohérences éditoriales discographiques » ;

et, plus précisément,

la remarque particulière de sa conclusion :

« cela me rappelle aussi que

si j’ai acheté, dès que je l’ai aperçu sur l’étal du libraire, Vous comprendrez donc,

de l’excellentissime Claudio Magris,

autour du retour éventuel

_ et in fine « refusé » :

on découvrira comment en le lisant,

page 53 :

« Soudain… » ; « Non, impossible, je n’aurais pas pu, je ne pouvais plus » ; « Voilà pourquoi, Monsieur le Président » ;

page 54 : « Non, Monsieur le Président. C’est à cause de moi » ; « j’aurais tellement aimé sortir quelque temps _ juste quelque temps, nous le savions tous les deux _ » ;

page 55 : « dans cette lumière d’été, au moins pour un été, un été sur cette petite île, où lui et moi…

Même seule, j’aurais été heureuse d’aller me promener là-bas.

Mais je l’aurais détruit,

en sortant avec lui et en répondant à ses inévitables questions.

Moi, le détruire ? Plutôt me faire mordre par un serpent cent fois plus venimeux que cette banale infection. Oui, plutôt.

Vous comprendrez donc, Monsieur le Président, pourquoi, alors que nous étions désormais tout près des portes, je l’ai appelé d’une voix forte et assurée... » ; etc… ;

« et lui (…), déjà je le voyais retourner déchiré mais fort vers la vie,

ignorant du néant,

capable encore de redevenir serein,

peut-être même heureux. »

Etc… ;

autour du retour éventuel

de son Eurydice perdue,

Marisa Madieri (1938-1996

_ l’auteur du si beau “Vert d’eau,

paru en traduction française _ par Pérette-Cécile Buffaria _ aux Éditions « L’esprit des péninsules », en décembre 2001 _ ;

autour du retour éventuel de son Eurydice perdue,

et “errante” ;

si j’ai acheté Vous comprendrez donc,

je ne l’ai pas encore lu… »

C’est donc cette réflexion

et plus encore

comme une sorte de « remords »-là…

qui _ vraisemblablement _ est venue me travailler, cette nuit (de la saint-Sylvestre) ;

et m’inciter, « toutes affaires cessantes »,

à corriger ce « retard »

(de lecture)…

Ce que je viens de réaliser,

en une heure et demi, environ

pour un texte aussi puissant que rapide,

en ses détours et contours,

d’un extraordinaire monologue « aux Enfers »

de 47 pages ;

de l’absente (depuis le 10 août 1996)…


Et j’en suis émerveillé : c’est un chef d’œuvre !

sur ce que c’est

_ dans la plus grande discrétion et pudeur ; à mille lieues des étalages qui depuis quelques temps se débondent _

que l’amour ;

et la relation d' »intimité » _ à l’aimé(e) ;

par-delà la disparition

_ physique, charnelle : les morts, « émaciés et mal fagotés« , tels « une alignée de vêtements » _ absurdement, pour rien _ « pendus à des patères » (page 38)  _,

l’absence _ de l’aimé(e) _,

le deuil…

Je citerai d’abord, l’article

(ou « billet« ,

ainsi que lui même me l’a intitulé

en une aimable rapide correspondance)

de Pierre Assouline ;


le voici :

13 décembre 2008

Claudio Magris n’en sort pas

03-claudio-magris_thumbnail.1229192937.jpg                                                  C’est le type même de l’écrivain à qui il est arrivé un grand malheur : il est l’auteur d’un grand livre. On ne s’en remet pas

_ qui ? les lecteurs ? les éditeurs ? ou l’auteur lui-même ?..

Le fait est que depuis la parution en 1986 chez Garzanti de Danube (Folio), tout ce qu’il a publié ensuite a été jugé

_ par qui ? la critique (grosso modo) ; les lecteurs (idem) ! est-ce vraiment décisif ? je ne le pense personnellement pas… _

à l’aune de ce discret chef d’œuvre. Impossible _ à qui ? _ de s’en débarrasser. Pareille mésaventure est arrivée à Bernhard Schlink avec Le Liseur, et les exemples ne manquent pas. Un grand livre écrase et éclipse une bibliographie

_ de quel point de vue ? celui du journaliste ? de l’historien, ou sociologue de la « culture » ?..

_ et j’entends ici la sévère (et juste) ironie d’un Michel Deguy !.. _,

ce qui est souvent injuste _ dont acte, à vous, cher Pierre Assouline ! Je m’en suis rendu compte l’autre soir en écoutant parler Claudio Magris dans un amphithéâtre de Sciences Po où la Maison des écrivains et de la littérature (MEL) avait trouvé l’asile poétique afin de donner l’ampleur qu’elle méritait à la conférence du Triestin. A l’origine de sa charmante logorrhée roulant les “r”, charriant une culture mitteleuropéenne comme on n’en fait plus _ qui impressionne-t-elle ? ceux qui l’envient ?.. ou/et pleurent sa prochaine disparition ?.. _, dans un bric-à-brac de références en plusieurs langues, une invitation à l’occasion de la 05-magris-a-martins378-copi_thumbnail.1229192989.jpgparution de son nouveau livre Vous comprendez donc (Lei dunque capira, traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, 55 pages, 7,90 euros, L’Arpenteur) ; et de la reprise en poche de « A l’Aveugle » (Alla Cieca, mêmes traducteurs, 450 pages, Folio), roman dans lequel un homme se perd dans le labyrinthe de sa propre mémoire.

Bien sûr, il parla de sa ville et des mythes qu’elle charrie _ et qui la « font » pour beaucoup, aussi ! Il rendit un hommage appuyé _ et combien mérité, aussi ! il faudrait ici introduire une incise sur les choix, si souvent discutables, des sélections de parution des éditeurs ; mais c’est une autre affaire ! _ à la dimension créatrice du métier de traducteur : ”Il y a deux catégories de livres : ceux que j’ai écrits, et ceux qu’on a écrits le traducteur et moi“. Puis Magris parla du voyage comme d’une perte _ provisoire et féconde, par tout ce que donne, et en « profondeur », l' »altérité », à qui sait franchir le seuil de son « chez soi » ; et son « quant-à-soi », aussi… _ des connaissances, de sa fascination pour les frontières, du sentiment de l’épique et de sa quête de l’impossible unité du couple universalité/diversité. Sans oublier bien sûr le mythe 01-caffe-san-marco_thumbnail.1229193018.jpgd’Orphée et Eurydice dont il s’est emparé dans Vous comprendrez donc pour donner enfin la parole à Eurydice et présenter un Orphée qui intervient à la fin non seulement pour lui dire qu’il l’aime, mais pour savoir ce qu’il y a de l’autre côté du miroir. C’est une revisitation et une réinterprétation modernes de la passion amoureuse soumise à l’épreuve de la mort _ oui ! _ ; une maison de repos en est le cadre, zébrée de couloirs comme autant d’échos des enfers bureaucratiques kafkaïens _ certes, le grand inspiré de Prague n’est pas très loin… _ et d’ombres héritées d’Hadès. Magris n’aime rien tant qu’examiner les mythes à la lumière de la Raison et des Lumières _ pour lesquels il n’a jamais cessé, et courageusement, de militer. Il a choisi la forme d’un bref monologue narratif assez théâtral _ au sens le plus positif du terme : une ombre revient ; et sa voix parle ! _, traversé d’éclairs autobiographiques _ car c’est le sol de tout Antée humain… Une absence notamment, dont on perçoit l’écho diffus mais réel _ ô combien ! _, l’une de ces absences dont on ne se remet jamais et dont on comprend qu’elle l’a mutilé _ oui ! Celle de sa compagne

_ Marisa Madieri : il faut absolument aussi la lire ! _

disparue il y a onze ans _ le 10 août 1996. On sent l’inconsolé tellement prisonnier de cette tristesse qu’on aimerait l’aider ; on n’a même plus envie de lui demander “Pourquoi écrivez-vous ?”, on sait, on devine, alors on se tait. L’écriture, ou plutôt la parole _ absolument ! _, y est reine. Mais la leçon qu’en tire l’auteur porte en elle le désenchantement et la mélancolie qui se reflètent sur son visage si expressif : de l’autre côté du06-magris-a-martins376-copi_thumbnail.1229193049.jpg miroir, il y a _ encore _ un miroir _ page 51 _ ; et derrière le mythe, un mythe, c’est à dire ce qui est propre à nos vies intérieures

_ tout cela est magnifique, cher Pierre Assouline !

Claudio Magris parla très bien de tout cela, avant et après nous avoir fait écouter la musique originale de son texte en le lisant en italien au rythme Tgv, en accord avec son débit naturel. Mais au cours de son tête à tête avec le traducteur Jacques Munier, comme dans les questions des auditeurs, tout et tous, lui compris _ c’est un homme poli : il répond à ce sur quoi on l’interroge _, le ramenaient à « Danube« . On n’en sort pas ; car il n’en sort pas : le livre n’est-il pas _ et alors ?.. C’est aussi le cas d’autres des livres de Claudio Magris : « Déplacements«  ; et, non encore traduit en français, « Lontano da dove _ Joseph Roth e la tradizione ebraico-orientale«  (publié par Einaudi en 1971 ; puis en édition de poche en 1989) _ dédié à “Marisa _ oui ! mais aussi à Francesco et Paolo, leurs deux fils _, l’écrivain Marisa Madieri, sa compagne dont l’absence le hante ? C’est dommage pour le reste de l’œuvre, notamment « Microcosmes » et « Enquête sur un sabre« , mais à qui la faute ? Tant pis pour lui : il n’avait qu’à pas écrire un si beau livre.

(Photos Danilo De Marco)

Quand j’ai découvert, cet automne, ce mince livre de Claudio Magris sur la table de littérature italienne,

une des libraires (qui venait de le lire) avait, à son propos, légèrement « tordu la bouche »

_ ce qui ne suffit certes pas à me dissuader de lire le livre (ni de l’acheter) ;

nos jugements nous jugeant (nous, qui les forgeons et proférons) avant même de juger leurs objets… ;

et toute lecture procède, aussi, d’une « histoire (de lecture) personnelle »…


Et voilà que le 13 décembre, Pierre Assouline, à son tour, aborde ce livre, par ce qui me semble _ à la première lecture _ constituer « le petit bout de la lorgnette » du lectorat _ français _ qui est prompt, non seulement à « coller une étiquette » (= une marque !) sur un auteur ; mais est terriblement rétif à, ensuite, la « décoller » !..


Et il me semble aussi, au passage, que c’est la « sacrée » mission de tout « critique »,

que de « combattre » de telles paresses mentales,

a fortiori en matière _ si délicate _ d' »Art » et de « Littérature »…

Bref,

« Vous comprendrez donc » est, à mes yeux

de lecteur passionné de l’œuvre traduit en français jusqu’ici de Claudio Magris,

un livre majeur

de Claudio Magris !!!

Un livre bouleversant,

sur ce qu’est le lien amoureux,

par-delà l’absence, la disparition, la mort

(définitive : probablement)

de l’être aimé :

l’autorisation (« extraordinaire », obtenue par la plus que rare habileté langagière du nouvel Orphée) du « retour » d’Eurydice au monde des « vivants« 

ne pouvant, forcément, que constituer une très, très, exceptionnelle « exemption »

à la règle universelle

de l’irréversible définitive mortalité

des vivants sexués :

page 37 : « Si les autres _ aux Enfers _ avaient été au courant de cette visite impossible _ de Claudio, ou le nouvel Orphée _,

jamais accordée à personne…

peut-être une fois, à ce qu’on dit, il y a très longtemps

_ soit la « fable » d’Orphée obtenant de venir re-chercher et re-prendre Eurydice _,

mais c’est une de ces histoires _ « fables », mythes » _ qu’on raconte aux enfants

pour les rendre sages,

pour leur faire croire

que ce n’est pas vraiment impossible


et donc qu’ils restent tranquilles et confiants

_ qu’ils « espèrent » envers et contre toute raison _,

mais c’est arrivé il y a très très longtemps,

tellement longtemps _ dans l’Antiquité _ que c’est comme si

ce n’était jamais arrivé

ou peut-être que si,

mais il y a si longtemps

qu’on ne peut espérer qu’avec de la patience,

beaucoup de patience,

car avant que ça arrive de nouveau

il doit s’écouler encore autant de temps,

et donc ce n’est pas la peine de _ trop _ s’agiter.

Mais s’ils avaient su

_ les autres (« Ombres errantes » _ qu’évoque, aussi, la musique de François Couperin) aux Enfers _

que lui _ Claudio, nouvel Orphée _ au contraire

il était venu ici dedans,

ici en bas,

en chair et en os _ tout vivant, lui-même, donc _,

pour moi _ nouvelle Eurydice, et « ombre » _,

s’ils nous avaient vu ensemble,

qui sait comme ils se seraient déchaînés…« 

(…)

Car « nous sommes _ ils sont, me semblait-il pouvoir dire désormais _ si nombreux

_ énonce la narratrice, page 38 _, innombrables même,

que nous pouvons faire un peu peur,

nuée d’insectes qui obscurcit le ciel. »

Cela valant aussi peut-être pour l’amitié.

Cf à ce sujet mon article du 30 juillet à propos du superbe « Amitier » de Gilles Tiberghien :

« L’acte d’amitier : pour une anthropologie fondamentale du sujet actant« …

J’en resterai là

de ce récit de Claudio Magris

donnant la parole

_ par un monologue formidablement « inspiré » de 47 pages _

à l' »explication » _ « Vous comprendrez donc… » _ au « Président » des couloirs souterrains

d’une femme

qui, « par delà la mort« ,

ayant reçu « la permission exceptionnelle de rejoindre l’homme qu’elle aime »

_ parmi le monde des toujours vivants _

fait comprendre comment

« elle a _ finalement _ décidé _ elle _ de ne pas l’utiliser« 

par amour.

Cela s’appelle « sublime » ;

et l’on devine que ce « sublime » est assez peu fréquent

en 2009,

comme en 2008, ou en 2006 : années de parution de ce « monologue » en italien ; puis en traduction française.

Sur le « sublime »,

consulter Baldine Saint-Girons :

« Le Sublime, de l’antiquité à nos jours« , aux Editions Desjonquères…


Une ultime remarque, si l’on m’y autorise :

l’ouvrage est dédié « A Francesco et Paolo« , les deux fils du couple

dont la maison de vacances d’été se situe sur l’île de Cres…

Titus Curiosus, ce 1er janvier 2009

De _ et autour de (« sur les pas de ») _ Cézanne : avec Rilke ; et Jaccottet

09oct

A propos de deux publications autour de Paul Cézanne :

une « merveille » : les « Lettres sur Cézanne » de Rainer Maria Rilke, traduites _ de l’allemand _ par Philippe Jaccottet (aux Éditions du Seuil, en janvier 1991) ;

et une _ relative _ déception (commandée _ en anglais) : « Hidden in the Shadow of the Master _ The Model-Wives of Cézanne, Monet & Rodin« , par Ruth Butler (à la Yale University Press, en 2008)

D’abord, le récit d’un « génie » _ tel que Rilke _ détaillant

_ et comment !!! « la clairvoyance fervente, la densité et la cohérence« , en dit Philippe Jaccottet en ouverture de sa préface, page 7)_,

à l’automne 1907, à sa jeune épouse, le sculpteur Clara Westhoff, demeurée, elle, loin de Paris, son émerveillement _ « presque chaque jour en vrai pélerin » (dit la Préface de Philippe Jaccottet) _ devant le « travail » des « Cézanne » exposés au « Salon d’automne » ;

et ce que le poète y « découvre », avec l’humilité d’une extrême concentration d’attention, du « travail de création » d’un « génie » tatonnant, lui aussi, mais pinceau à la main, et avec sa palette de couleurs _ se « salissant » copieusement : des photos de 1906 en témoignent ! _, face au(x) motif(s)…

mais « en peinture »…

Ce dialogue patient de deux poïesis, auquel Rilke convie, par la correspondance

_ « dans cette forme de relation à distance, il trouvait la conciliation idéale entre ses exigences de solitude et son besoin de l’autre _ son besoin, aussi, soyons juste, d’aider l’autre » (dit Jaccottet, page 9) _,

son épouse sculptrice,

est littéralement « merveilleux » :

« C’était quelqu’un de raffermi, de fortifié, conscient d’avoir progressé dans son long _ propre _ apprentissage _ de la poésie _

qui allait découvrir, à travers cette première rétrospective Cézanne _ d’octobre 1907 _, une confirmation, vraiment admirable dans sa souveraine plénitude, de son propre choix _ d’artiste créateur _, sur le plan de l’art comme de celui de la vie (qu’il ne pouvait, ni ne voulait séparer) » _ page 11.

La « leçon de  Cézanne« , « est celle de l’objectivité sans limites« 

_ dit Philippe Jaccottet, page 12 :

« Le peintre lui apparaît tel un humble et patient ouvrier, un artisan anonyme,

quelqu’un qui ne laisse pas ses sentiments ou ses idées personnelles interférer dans son travail,

quelqu’un qui ne fait pas de charme, qui ne cherche pas à séduire,

qui ne fait pas non plus de commentaires sur son œuvre« …

(comme c’est remarquablement interprété ! pages 12 et 13).


Et « Cézanne est aussi

quelqu’un qui ne fait pas de différence entre le beau et le laid, le noble et l’ignoble ;

qui accueille avec équanimité _ quelle justesse de Jaccottet ! _ la totalité du réel dans son œuvre » _ page 13.

Et encore : sachant « rester en permanence à l’intérieur de son travail »,

« Cézanne avait pu produire des œuvres parfaitement closes, « miraculeusement absorbées en elles-mêmes », ces œuvres où tout est dans le commerce des couleurs _ mais oui ! _ entre elles

_ là il faut suivre dans leur plus parfait détail

(au sens de « dé-tailler », remarque de détail après remarque de détail, au fil de la plume, comme au fil du regard)

les phrases de Rilke en ces admirables lettres à sa femme _

dans l’échange de la moindre parcelle du tableau avec toutes les autres ;

grâce à quoi la réalité,

toute la réalité,

est à la fois transfigurée

et sauvée dans la peinture«  _ pages 13 et 14…

Quant au livre de Ruth Butler,

c’est ma curiosité envers l’œuvre en train de se faire de Cézanne,

à Aix tout particulièrement

(et au Jas de Bouffan,

et à l’atelier du chemin des Lauves,

et alentours _ au dit « terrain des peintres« , face à la Sainte-Victoire),

qui m’a fait remarquer la mention de la parution de ce livre,

en une édition _ sur le net _ du New-York Times ;

et un questionnement sur la sensualité _ je préfère le dire ainsi _ de Paul Cézanne,

jusqu’aux années 1902-1906,

pour ses « Grandes Baigneuses« 

_ et même « Baigneurs »

(cf le magnifique album « Cézanne en Provence » ;

ainsi que mes articles sur « Cézanne et Aix » :

« Art et tourisme à Aix _ la mise en tourisme des sites cézanniens 1, 2, 3 & 4 « ),

aussi…

Aussi, une « recherche » sur le rôle de l’épouse

_ tardivement épousée : Hortense Fiquet _

de Paul Cézanne en son travail de peinture

(éventuellement comme « muse », inspiratrice, ou _ et surtout (?) _ protectrice

_ cf aussi le rôle de « Nena »,

elle aussi tardivement épousée,

la « protectrice » (romaine) de l’autre grand peintre aixois François-Marius Granet :

je n’avais guère développé ce « pan » de « curiosité » en mon article « Admirable tremblement du temps : Aix-Paris-Rome » sur Granet)

m’avait incité à rechercher à lire ce livre

sur les « Model-Wives« …

Qui demeure, in fine _ las !.. _, assez extérieur

_ c’est-à-dire, en fait, hélas, anecdotique  _

quant au processus poïétique,

sur les traces duquel je m’étais « figuré » (a priori) aller un peu…

l’ouvrage appartenant, probablement, au genre

à la mode, assez ravageuse

_ aux États-Unis, mais ailleurs, maintenant aussi (cf Judith Butler : par exemple, « Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité« …) _

des « gender studies« …

Peu de profit de découverte,

encore moins d’émerveillement

_ ce que j’ose attendre de mes lectures des livres ! _

à sa lecture, a posteriori, donc :

Se plonger, et mille fois, dans les lettres

(somptueuses, tant elles sont éblouissantes de perspicacité _ et en 1907, qui plus est !  _, elles)

de Rilke,

donc…

Jaccottet concluait sa préface, page 14, ainsi :

« Ne nous étonnons pas que Rilke ait su

si bien voir

et si bien dire

l’œuvre de Paul Cézanne »

_ les deux allant, pour lui et avec lui (génialement !), de pair…

Cependant, et à la relecture de cet article-ci,

il n’est sans doute pas facile, pour Ruth Butler, de succéder, à la lecture

ni à Rainer Maria Rilke

_ dont je n’ai presque pas cité d’extrait (des lettres à sa femme, Clara Westhoff) : tout y est admirable de précision (= d’opération de « détail-lage », si j’ose dire) _ ;

ni à Philippe Jaccottet

_ lui aussi (et quel !) poète ! : existe-t-il, « au monde », plus précise (détaillée et vibrante) écriture (du rythme du « faire » ?..) _ ;

et pourtant, son enquête est intéressante

_ sur les conditions de « cohabitation », à Paris, à l’Estaque

(et bientôt Hortense réside, elle, à Marseille, rue de Rome),

et partout ailleurs, en de multiples

(avec combien d’incessants déménagements !)

« résidences » ;

sur les conditions de « cohabitation »

_ et « la vie », « toute la vie » : la vie en général… _

avec un artiste « au travail » :

la « cohabitation » fut particulièrement difficile

pour Paul et Hortense, et très bientôt Paul « junior »,

dans de très pauvres (et très petits, « étroits ») logis ;

l’artiste-créateur ayant « spécifiquement » besoin de concentration, de silence, de lumière,

tant intérieure qu’extérieure,

si tant est qu’elles soient seulement dissociables !.. _ ;

de même que rétrospectivement _ mais elle, Ruth Butler, ne « fouille » pas assez loin _, quand,

« enquêtant »,

elle va rencontrer Philippe Cézanne à propos de ce que son père, Jean-Pierre Cézanne (né en 1918),

ou sa tante, Aline Cézanne (née en 1914),

ont pu recueillir de la bouche de leur père, Paul Cézanne fils (1872-1947), sur Hortense Fiquet-Cézanne (1850-1922)…

L’enquête mérite de se poursuivre bien davantage, me semble-t-il…

Et le temps (des témoins : sollicitant leur mémoire « vive »…) presse…

De même

qu’il n’est pas nécessairement, non plus, « commode »

d’être fils

d’un artiste « génial », travaillé en permanence et en priorité (pour lui) par son « génie » propre, singulier

_ furieux, gourmand, insatiable, gargantuesque _,

à enrichir, certes, mais aussi à protéger, de tout le reste,

y compris d’autres désirs _ sensuels, nous y revenons _ qui vivent, frémissants, à côté (et « sur les bords » même) du désir d' »œuvrer » de l’artiste…

Ainsi, qu’est-ce,

aussi

_ à côté de qu’est-ce qu’être « épouse-modèle », ou « muse » (et « protectrice ») d’artiste ? _,

qu’est-ce

qu’a pu être fils

_ fils de Matisse, pour un Pierre Matisse

(cf le passionnant « Matisse père & fils » de John Russel, aux Éditions de La Martinière, en avril 1999) ;

ou fils de Picasso, pour un Pablito ?.. _ ;

qu’est-ce, donc

_ à côté de « Qu’est-ce qu’être Hortense Fiquet-Cézanne  ? » _,

qu’a pu être

« fils de Cézanne« 

pour un Paul Cézanne le fils (1872-1947) ?..

Il y a là matière à rêver, mener et écrire

d’autres enquêtes

sur « les sentiers« 

_ rives et abords _

« de la création« …

Titus Curiosus, ce 9 octobre

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