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Et sur le Phaéton de Lully, par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar : un double CD + DVD !

22nov

Pour continuer _ et compléter _ mes articles sur Lully et les lullystes

_ cf mes articles des 17, 18, 20 et 21 novembre derniers :

 _

voici ce jour un commentaire de Laurent Bury, sur forumopera.com,

et intitulé Ôte-toi de mon soleil

à propos du Phaéton de Lully

donné à l’Opéra Royal de Versailles le 30 mai 2018

sous la direction de Vincent Dumestre et Benjamin Lazar :

Ôte-toi de mon soleil


Phaéton – Versailles

Par Laurent Bury | mer 30 Mai 2018 |

Que le Phaéton de Lully _ créé au château de Versailles le 6 janvier 1683 _ ait été une allusion à la chute de Fouquet _ le 5 septembre 1661 ; soit plus de 22 années auparavant ; une autre circonstance plus ou moins approchante de la situation du SurIntendant Nicolas Fouquet a vraisemblablement dû jouer… Je remarque, au passage, que dans sa correspondance, Madame de Sévigné, si curieuse et enthousiaste des opéras de Lully, ne fait aucune allusion à Phaéton, qu’elle semble donc avoir ignoré, peut-être pour ne pas s’être trouvée à Paris lors du spectacle donné à Versailles, ce 6 janvier 1683. Si, elle était bien présente à Paris ce mois de janvier-là, je viens de le vérifier. Mais dans la correspondance conservée, pas une seule référence au Phaéton de Lully et Quinault : Madame de Sévigné n’a donc pas assisté au spectacle ; et n’en a pas reçu, non plus, d’écho, qu’elle aurait pu rapporter ; et elle qui était une amie très fidèle de Nicolas Fouquet, elle n’aurait pas manqué d’être éminemment sensible à la situation sur laquelle se focalise le livret du Phaéton de Quinault… Il est vrai, aussi, que Nicolas Fouquet était décédé le 23 mars 1680 en sa prison de Pignerol… _, ministre coupable d’avoir voulu s’élever trop près du roi-Soleil, c’est possible _ il faudrait regarder de plus près ce qui se passe auprès de Louis XIV en 1682… _, mais pour sa mise en scène, Benjamin Lazar a choisi de tout autres clefs de lecture. Cette terrible histoire d’ambition dévorante _ voilà _ pourrait se dérouler dans n’importe quel cadre sans rien perdre de sa force _ dramatique _, comme nous le montrent les sobres et monumentaux décors de Mathieu Lorry-Dupuy et les costumes d’Alain Blanchot mêlant délibérément époques et lieux. Dans cette tragédie lyrique où l’art lullyste du dialogue _ c’est très intéressant ; et avec l’art si remarquable, lui aussi, des dialogues de Quinault… _ atteint des sommets, tout se joue dans les rapports entre amour et pouvoir _ voilà _, avec deux personnages principaux _ Phaéton et Epaphus _ chez qui la soif de gloire se substitue _ au point de les phagocyter _ aux autres sentiments humains. Astrée, déesse de la justice convoquée lors du prologue, revient ici en fin de parcours pour sacrifier d’un coup de revolver le trop téméraire Phaéton. Le livret de Quinault est assez fort _ oui _ pour se passer des éléments les plus spectaculaires, et le drame se suffit à lui-même. C’est peut-être la raison pour laquelle les ballets ne sont pas ici dansés, quitte à imposer parfois aux choristes un semblant de chorégraphie dont ils s’acquittent selon leurs capacités (la ronde des Heures, au quatrième acte, ne tourne pas toujours bien rond). Benjamin Lazar manie avec un art suprême le chœur MusicÆterna, proposant pour chaque artiste un véritable rôle, de manière saisissante dans le prologue, où tout est mouvement _ oui _ et où chacun semble suivre sa propre trajectoire.

Dans la fosse, Vincent Dumestre dirige un ensemble nourri, formé par la rencontre _ en effet _ du Poème Harmonique avec les instrumentistes de MusicÆterna _ de Teodor Currentzis _  : le résultat est un orchestre grouillant de vie _ oui _, auquel le chef impose une riche palette de nuances _ oui _, changeant sans cesse de couleurs au gré de l’écriture lullyste, avec des effets particulièrement frappants qui collent admirablement à l’atmosphère de l’action _ tout à fait.

A ses qualités dramatiques, le chœur MusicÆterna joint un impressionnant travail sur la prosodie du français _ travaillée par Benjamin Lazar. Les premiers instants, où l’on n’entend que les voix de femmes, laissent penser que tout n’est pas encore tout à fait au point sur le plan linguistique, mais après l’arrivée des voix masculines l’équilibre d’ensemble se modifie, avec une vigueur d’interprétation _ oui _ qui fait oublier tout reproche. Et ce qui avait pu d’abord surprendre l’oreille moderne, c’est le recours à la prononciation restituée _ en effet, mais sans hystérisation _, dont on avait un peu perdu l’habitude depuis Cadmus et Hermione _ par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar _ en 2008 : rares sont en effet les baroqueux qui osent aller jusqu’au bout de la restitution pour adopter cette prononciation où l’on fait sonner les « an » et les « en » mais pas le « on », où les s à la fin des mots s’entendent, etc. Pour les quelques artistes russes appelés à tenir de petit rôle, ce français-là n’est peut-être pas plus exotique que le nôtre, et ils s’en acquittent assez bien, en particulier l’impressionnant _ oui _ Protée de Viktor Shapovalov.


L. Abadie, V. Bunel, E. Sveshniova, M. Vidal, L. Trommenschlager © DR

L’un des rôles les plus impressionnants de cette tragédie est sans doute celui de Clymène, terrible mère du protagoniste, à qui Léa Trommenschlager parvient à conférer toute sa dimension _ oui _, malgré un costume qui la fait un peu ressembler à la Duchesse d’Alice au pays des merveilles. La soprano s’impose autant par la beauté de son timbre que par la qualité de son jeu _ oui _, avec une dimension fascinante qui rappelle un peu ce que Guillemette Laurens faisait de la redoutable Cybèle d’Atys. Deux jeunes voix graves pour les jeunes princesses : très remarquée lors de son passage au CNSMDP, Victoire Bunel interprête avec une grande sensibilité _ oui _ les plaintes où s’exhalent les tourments amoureux de Théone, tandis qu’Eva Zaïcik, tout récemment deuxième prix au concours Reine Elisabeth, est une pudique Libye.

Chez les messieurs, le rôle-titre paraît presque sacrifié, car Phaéton a somme toute peu d’occasions de s’exprimer : toujours aussi juvénile d’allure, Mathias Vidal s’emploie à traduire le caractère ambigu d’un anti-héros perdu par des vantardises de cour de récréation (« Moi, d’abord, mon père c’est le Soleil, na ! »). Cyril Auvity s’en donne à cœur joie dans trois personnages secondaires où il fait forte impression, malgré quelques syllabes du rôle tendu du Soleil, où le soutien a parfois paru lui manquer. Le toujours excellent _ ouiLisandro Abadie possède tous les atouts nécessaires, en termes d’étendue de la tessiture comme de maîtrise du discours tragique.

 

Alors maintenant, rêvons d’un DVD qui immortaliserait ce spectacle _ et c’est désormais chose faite ! Avec le double CD & le DVD Château de Versailles Spectacles CVS 015 ; cf mes remarques sur ce point dans mon article du 20 novembre : _ et ferait de Phaéton l’une des tragédies lullystes les plus enregistrées, après les versions de Marc Minkowski _ en 1994, chez Erato _et de Christophe Rousset _ en 2012, chez Aparté.

Ce vendredi 22 janvier 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Accéder au merveilleux des opéras de Lully : par le DVD ou le CD _ les exemples de l’Isis et Phaéton de Jean-Baptiste Lully par Christophe Rousset et Vincent Dumestre…

20nov

La tragédie lyrique _ ou le principal de l’opéra baroque à la française aux XVIIème et XVIIIème siècles _

est bien moins populaire

que ne le devint très vite l’opéra italien

_ destinée, que cette tragédie lyrique était, en priorité à l’Académie Royale de Musique, et au Roi,

avec ses très puissants enjeux idéologiques… (cf ici la passionnante très significative Épître à M. de Nyert, sur l’opéra de La Fontaine, en 1677 ;

et l’usage que j’en ai fait dans le livret du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru en 1996 chez EMI, pour Hugo Reyne et La Simphonie du Marais ;

Jean-de-la-fontaine,-un-portrait-musical-:-[airs,-chansons,-livrets-d'opéra,-lettres-et-écrits-sur-la-musique-de-La-Fontaine]

voir mon article récent du 13 mars 2019  ) _ ;

et tout spécialement pour le mélomane du XXIème siècle

y accédant.

Alors que dès ses débuts, à Venise, l’opéra italien s’adressait, lui, à un bien plus large public : à séduire, très vite _ dans l’instant ! _, tout particulièrement par la virtuosité de l’art des chanteurs _ et non la tendresse (à fondre de plaisir) du discours, et sa mise en musique…

D’où la relative rareté des enregistrements discographiques de l’opéra français des XVIIème et XVIIIéme siècle ;

sans compter celle, déjà, de leurs productions scéniques

d’où la prévalence discographique (comme à la scène), aujourd’hui, de récitals-florilèges d’airs, aux dépens de réalisations d’opéras entiers.

La comparaison

de mon expérience ces deux jours

de l’écoute de l’Isis de Lully (de 1677)

dans la réalisation, au CD, de Christophe Rousset (et ses Talens lyriques)

_ soit le double CD Aparté AP 216 _,

et de la vision du Phaéton de Lully (de 1683)

dans la réalisation, au CD et au DVD, de Vincent Dumestre (et son Poème harmonique) et Benjamin Lazar,

ainsi que le chœur et l’orchestre musicÆterna

_ soit le double CD + le DVD Château de Versailles Spectacles CVS 015 _,

me paraît riche d’enseignements quant à la réceptivité-réception des œuvres

autrement qu’à la scène…

Je suis frappé d’abord par l’importance du livret _ de Quinault : quelles magnifiques réussites !

Philippe Quinault : Paris, 3 juin 1635 – Paris, 26 novembre 1688 _

par rapport à la musique elle-même ;

il n’est que de comparer leur importance respective dans l’œuvre de Lully

avec les places respectives des paroles et de la musique dans les œuvres de Rameau,

presque un demi-siècle plus tard _ Armide et Acis et Galatée de Lully furent créés en 1686 (le 15 février, pour Armide, et le 6 septembre 1686, pour Acis et Galatée) ; et d’Achille et Polyxène, Lully (qui meurt le 22 mars 1687) n’a composé que le premier acte ; c’est l’excellent Pascal Collasse, son secrétaire, qui a, en effet, terminé l’œuvre, qui fut créée le 7 novembre 1687… ;

alors que Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) furent créées à l’Académie Royale de Musique le 1er octobre 1733 ; soit 46 ans après la disparition de Lully.


Cependant l’œuvre de Lully a considérablement marqué la tradition française de l’opéra, au-delà même des premiers soubresauts de la Querelle des Bouffons (1752 – 1754) ;

de même que les livrets de Quinault, et plus longtemps encore, tout au long du XVIIIème siécle

_ cf sur le site de Res Musica l’article (du 14 mai 2014) de Françoise Ferrand Le Livret d’opéra en France au XVIIIème siècle à propos de l’ouvrage majeur et passionnant de Béatrice Didier Le Livret d’opéra en France au XVIIIème siècle (Voltaire Foundation), paru le 21 janvier 2013 ;

et la place qu’y occupe Quinault…

Lully, Quinault, Rameau : Quand l’Europe parlait Français,

selon le titre du beau livre de Marc Fumaroli, dont la première édition (De Fallois) est parue le 23 octobre 2001.

Tout un immense fond culturel capital !

Et aux enjeux ô combien essentiels aujourd’hui…

D’autre part et enfin,

et peut-être surtout,

dès son origine, l’opéra n’est pas qu’à entendre et écouter, mais aussi à voir et regarder

par des spectateurs auxquels il s’adresse

et cherche à enchanter :

c’est un spectacle total !

D’où l’intérêt et l’avantage du DVD sur le CD ;

à la condition, bien sûr, et assez difficile à respecter, trouver, obtenir

_ au DVD comme à la scène : sinon, le résultat est abominable ! _

que le rendu de l’imageet du spectacle sur la scène, déjà _ trahisse le moins possible,

mais au contraire serve au mieux

_ et cf ici, bien sûr, les enchantements des mises en scène merveilleuses de Benjamin Lazar _,

ce qu’avait été la beauté _ et même le merveilleux ; et ce facteur est même crucial ! _ du spectacle

désirée par le compositeur… 

Ce mercredi 20 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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