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Les défis du (bien) lire et du (bien) penser à l’ère du numérique : Nicolas Carr avec Bernard Stiegler et Alain Giffard à propos de la lecture numérique (et pour une « économie de la contribution » !)

07juin

 Alors que je n’ai pas encore tout à fait achevé ma lecture (j’en suis aux deux tiers : à la page 195, sur 295) de « Pour en finir avec la mécroissance« , sous-titré « Quelques réflexions d’Ars Industrialis« , que proposent Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré aux Editions Flammarion _ le livre est paru en avril _,


voici que je découvre ce matin sur le site du Monde

un excellent article (de 6 bonnes pages, tout de même : quand l’auteur signale ici même lui-même la difficulté, pour la « lecture sur écran » _ du « lecteur numérique » moyen… _, de dépasser la taille d’une ou deux pages) de Nicolas Carr, « Est-ce que Google nous rend idiot ?« , paru, lui, il y a juste un an, en juin 2008, sous le titre original de « Is Google Making Us Stupid ?« , dans la revue The Atlantic,

et qui me paraît assez bien éclairer les enjeux de l’expansion ultra-rapide sur toute la planète (« globalisée« ) des outils (pas seulement _ et loin de là même ! _, d' »information » et « communication« ) numériques…


Car c’est du devenir _ on ne peut plus actuel et effectif _ du « penser » même ;

ainsi, aussi, on ne peut plus « basiquement« , si j’ose dire, que du « sentir«  ; et « ressentir« , »éprouver » : organiser son expérience d' »exister » et de « vivre« 

_ soi-même, dans son corps, avec ses sens et avec « sa tête« ,

et avec les autres, en toutes les relations (et échanges), y compris et pour commencer d' »intimité » :

c’est dire (et mesurer) l’importance (et l’amplitude) de l' »aisthesis« … _ ;

organiser son expérience d' »exister » et de « vivre » _ je reprends l’élan de ma phrase… _

d' »humain » !

qu’il s’agit en cette « utilisation » quasi permanente désormais (pour de plus en plus d’entre nous…) des « outils » numériques…


Mais avant de publier ici même, à mon tour, cet article de Nicolas Carr,

tel que le publie en traduction française « Le Monde » :

je cite : « dont la traduction, réalisée par Penguin, Olivier et Don Rico, a été postée sur le FramaBlog en décembre« …

je tiens à évoquer un peu précisément les travaux en cours _ passionnants ! _ sur ces sujets mêmes (= les incidences du devenir technologique le plus sophistiqué sur le devenir de notre collectivité « humaine« , ou « civilisation« ) de Bernard Stiegler, Alain Giffard, et les membres de la très féconde association « Ars Industrialis » :

de fait,

c’est la réponse de Bernard Stiegler à l’envoi d’un de mes articles, à propos justement, de la « lecture des articles de blog« ,

en l’occurrence celui-ci du 23 mai 2009 : « Lire, écrire, se comprendre : allers et retours de “bouteilles à la mer” : la vie d’un blog…« ,

qui m’a incité à découvrir quelques unes des dernières « leçons » d' »Ars Industrialis« , dans l’ouvrage qu’il vient de co-signer avec Alain Giffard et Christian Fauré, « Pour en finir avec la mécroissance« ,

à propos de ce qu’il qualifie, en son message (et avec Alain Giffard), de « lectures industrielles« .

Les titres des contributions de ces « Quelques réflexions d’Ars Industrialis » sont les suivants :

« Du temps-carbone au temps-lumière« , pour l’article de Bernard Stiegler (de la page 11 à la page 114) ;

« Des lectures industrielles« , pour l’article d’Alain Giffard (de la page 117 à la page 216) ;

et « Dataware et infrastructure du cloud computing« , pour l’article de Christian Fauré (de la page 219 à la page 278).

La « Post-face » du livre, intitulée « Le Nouveau commerce et la renaissance de la culture« 

consiste en un entretien de Bernard Stiegler avec David Sanson, pour le numéro 48 de la revue « Mouvement« , de juillet 2008 (de la page 279 à la page 290) ;

suivi (de la page 291 à la page 295) d’une résolution : « Résolution adoptée par « Ars Industrialis » et par le collectif interassociatif « Enfance et média », dans le cadre du débat « Télévision et société » organisé le 6 décembre 2008 au Théâtre de la Colline« ,

avec la double signature d’Éric Favey, président du « Collectif Interassociatif Enfance et Média« , et de Bernard Stiegler, président d' »Ars Industrialis« …

 De :   Bernard Stiegler

Objet : Rép : Sur l’attention _ et ses « politiques »
Date : 25 mai 2009 13:02:43 HAEC
À :   Titus Curiosus

Cher Titus Curiosus
Quand je pense à vous me vient le mot de « constance » _ qui est aussi un prénom que j’aurais aimé porter, au masculin bien sûr.


Voici des questions

_ en l’occurrence celles-là mêmes qu’aborde mon article « Lire, écrire, se comprendre : allers et retours de “bouteilles à la mer” : la vie d’un blog…«  proposé à lire à Bernard Stiegler… _

de ce que je nomme « les nouveaux circuits de transindividuation » où se passent tant de choses surprenantes, parfois consternantes, parfois exquises. Elles s’inscrivent pour moi dans l’orbe de ce que Giffard a appelé « les lectures industrielles«  dans un livre que nous venons de cosigner.
Je viens par chez vous le prochain week-end.
Merci pour votre constance.
Bien à vous,
BS

Pour la conférence _ magnifique, le 30 mai à 17 heures _ de Bernard Stiegler, « Du marché au commerce« , ponctuée par le carillon « à toute volée » des cloches de la collégiale de Saint-Émilion, lors du passionnant et très riche festival de philosophie « Philosophia« , les 30 et 31 mai derniers,

cf le compte-rendu qu’en propose mon article du 31 mai : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion« …

En attendant d’en écouter l’enregistrement sur le site de ce festival ;

et de se le procurer, un peu plus tard, sur CD-Rom…

Des questions passionnantes, quant aux diverses pentes en concurrence pour notre avenir d' »humains » :

ou bien capables de demeurer (ou de devenir davantage) « non-inhumains« ,

ou bien de sombrer dans l' »inhumain« …

Pour ce qui concerne Bernard Stiegler,

sa position est que :

« au cours de la dernière décennie _ la première de ce nouveau siècle _, un autre modèle comportemental

_ que ce « consumérisme » qui « constitue un processus autodestructeur«  (ou « nihilisme » ; et « sado-masochisme« , aussi, à mon sentiment ; si ce n’est à celui de Bernard Stiegler aussi…) _

est apparu ;

qui dépasse l’opposition _ irréductiblement contradictoire _ de la production et de la consommation ;

dont le logiciel libre et les licences « creative commons » sont les matrices conceptuelles et historiques » _ selon la formulation très claire de la quatrième de couverture de « Pour en finir avec la mécroissance« 

Et Bernard Stiegler de le préciser positivement ainsi :

« Ce nouveau modèle constitue la base d’une économie de la contribution.

Il permet d’espérer qu’après la domination de la « bêtise systémique » à laquelle aura conduit le consumérisme _ celui qui vend l’essentiel du « temps de cerveau humain » à de la crétinisation… _,

les technologies numériques seront mises au service d’une nouvelle intelligence collective et d’un nouveau commerce social

_ pour autant qu’émergent une volonté politique et une intelligence économique nouvelles _ et cela ne manque pas d’une certaine dose d’ironie en ce jour d’élections (pour le Parlement européen) !.. _, et que s’engage la lutte pour en finir avec la mécroissance« …

En tout cas,

on ne peut pas dire qu' »Ars Industrialis » demeure les bras ballants…

Et maintenant,

voici l’article de Nicolas Carr (de juin 2008) que publie, à son tour, Le Monde (en date du 5 juin 2009) :

 « Est-ce que Google nous rend idiot ?« 

InternetActu | 05.06.09 | 16h47  •  Mis à jour le 05.06.09 | 21h10″ »

Il nous a semblé important de vous proposer à la lecture « Is Google Making Us Stupid ?« , l’article de Nicolas Carr, publié en juin 2008 dans la revue The Atlantic, et dont la traduction, réalisée par Penguin, Olivier et Don Rico, a été postée sur le FramaBlog en décembre. Dans cet article, Nicolas Carr (blog), l’auteur de Big Switch et de « Does IT matter ?« , que l’on qualifie de Cassandre des nouvelles technologies, parce qu’il a souvent contribué à un discours critique sur leur impact, part d’un constat personnel sur l’impact qu’à l’internet sur sa capacité de concentration pour nous inviter à réfléchir à l’influence des technologies sur notre manière de penser et de percevoir le monde. Rien de moins.

“Dave, arrête. Arrête, s’il te plaît. Arrête Dave. Vas-tu t’arrêter, Dave ?” Ainsi le super-ordinateur HAL suppliait l’implacable astronaute Dave Bowman dans une scène célèbre et singulièrement poignante à la fin du film de Stanley Kubrick « 2001, l’odyssée de l’espace« . Bowman, qui avait failli être envoyé à la mort, au fin fond de l’espace, par la machine détraquée, est en train de déconnecter calmement et froidement les circuits mémoires qui contrôlent son “cerveau” électronique. “Dave, mon esprit est en train de disparaître”, dit HAL, désespérément. “Je le sens. Je le sens.”

Moi aussi, je le sens. Ces dernières années, j’ai eu la désagréable impression que quelqu’un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Mon esprit ne disparaît pas, je n’irai pas jusque là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu’avant. C’est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l’argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n’est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s’effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m’agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte _ tel est le changement, important, survenu…

Je crois savoir ce qui se passe. Cela fait maintenant plus de dix ans que je passe énormément de temps sur la toile, à faire des recherches, à surfer et même parfois à apporter ma pierre aux immenses bases de données d’Internet. En tant qu’écrivain, j’ai reçu le Web comme une bénédiction. Les recherches, autrefois synonymes de journées entières au milieu des livres et magazines des bibliothèques, s’effectuent désormais en un instant. Quelques recherches sur Google, quelques clics de lien en lien et j’obtiens le fait révélateur ou la citation piquante que j’espérais _ en effet ! Même lorsque je ne travaille pas, il y a de grandes chances que je sois en pleine exploration du dédale rempli d’informations qu’est le Web ; ou en train de lire ou d’écrire des e-mails, de parcourir les titres de l’actualité et les derniers billets de mes blogs favoris, de regarder des vidéos et d’écouter des podcasts ou simplement de vagabonder d’un lien à un autre, puis à un autre encore. (À la différence des notes de bas de page, auxquelles on les apparente parfois, les liens hypertextes ne se contentent pas de faire référence à d’autres ouvrages ; ils vous attirent inexorablement _ voici le processus décisif apparu… _ vers ces nouveaux contenus).

Pour moi, comme pour d’autres, le Net est devenu un media universel, le tuyau d’où provient la plupart des informations _ le terme est à relever _ qui passent par mes yeux et mes oreilles _ et cela par rapport à l’exercice « habituel«  des sens et de l’esprit… Les avantages sont nombreux d’avoir un accès immédiat à un magasin d’information _ voilà donc la « ressource«  nouvelle apparue ! _ d’une telle richesse, et ces avantages ont été largement décrits et applaudis comme il se doit. Le souvenir parfait de la mémoire du silicium”, a écrit Clive Thompson de « Wired« , “peut être une fantastique aubaine pour la réflexion.” Mais cette aubaine a un prix _ ses effets, directs ou secondaires... Comme le théoricien des média Marshall McLuhan le faisait remarquer dans les années 60, les média ne sont pas uniquement un canal passif d’information. Ils fournissent les bases de la réflexion, mais ils modèlent également _ et « formatent« _ le processus _ même _ de la pensée _ c’est-à-dire du « penser » de tous ceux qui en font durablement usage… Et il semble que le Net érode _ gravement _ ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais _ un peu (beaucoup ?) passivement _ les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules _ toutes constituées et seulement à recevoir _ s’écoulant _ ultra _ rapidement. Auparavant, j’étais un plongeur _ initiateur et maître (physiquement, corporellement) de mes propres gestes ; et immergé _ dans une mer de mots _ à laquelle j’allais, plus ou moins à mes rythmes, me confronter, en ses divers courants… Désormais, je fends la surface _ seulement _ comme un pilote de jet-ski _ emporté par la machine et à sa vitesse (à elle, la machine)…

Je ne suis pas le seul. Lorsque j’évoque mes problèmes de lecture avec des amis et des connaissances, amateurs de littérature pour la plupart, ils me disent vivre la même expérience _ de pénibilité. Plus ils utilisent le Web, plus ils doivent se battre _ voilà _ pour rester concentrés _ et c’est là le point décisif _ sur de longues pages d’écriture _ en luttant (désespérément !) contre la fatigue pour pouvoir « tenir«  la distance de la « lecture« … Certains des bloggeurs que je lis ont également commencé à mentionner ce phénomène. Scott Karp, qui tient un blog sur les média en ligne, a récemment confessé qu’il avait complètement arrêté de lire des livres. “J’étais spécialisé en littérature à l’université ; et je passais mon temps à lire des livres”, écrit-il. “Que s’est-il passé ?” Il essaie de deviner la réponse : “Peut-être que je ne lis plus que sur Internet, non pas parce que ma façon de lire a changé (c’est à dire parce que je rechercherais _ désormais seulement rien que _ la facilité _ non… _), mais plutôt parce que ma façon de PENSER a changé ?”

Bruce Friedman, qui bloggue régulièrement sur l’utilisation des ordinateurs en médecine, décrit également la façon dont Internet a transformé ses habitudes intellectuelles _ du « raisonner«  “J’ai désormais perdu presque totalement la capacité de lire et d’absorber _ c’est-à-dire « comprendre » vraiment : en « réfléchissant«  _ un long article, qu’il soit sur le Web ou imprimé”, écrivait-il plus tôt cette année. Friedman, un pathologiste qui a longtemps été professeur l’école à de médecine du Michigan, a développé son commentaire lors d’une conversation téléphonique avec moi. Ses pensées, dit-il, ont acquis un style “staccato”, à l’image de la façon _ gestique… : il s’agit de comportements (et répétés ; et assez vite addictifs) _ dont il scanne rapidement de petits passages de texte provenant de multiples sources en ligne. “Je ne peux plus lire « Guerre et Paix« , admet-il. “J’ai perdu la capacité de le faire. Même un billet de blog de plus de trois ou quatre paragraphes est trop long pour que je l’absorbe. Je l’effleure à peine” _ seulement : ce qui devient un handicap et une incapacité…

Les anecdotes par elles-mêmes ne prouvent pas grand chose. Et nous attendons encore des expériences neurologiques et psychologiques sur le long terme, qui nous fourniraient une image définitive sur la façon dont Internet affecte _ objectivement _ nos capacités cognitives. Mais une étude publiée récemment (.pdf) sur les habitudes de recherches en ligne, conduite par des spécialistes de l’université de Londres, suggère que nous assistons peut-être à de profonds changements de notre façon _ même _ de lire et de penser _ voilà ce qui m’intéresse tout particulièrement : d’où l’intitulé de cet article... Dans le cadre de ce programme de recherche de cinq ans, ils ont examiné des traces informatiques renseignant sur le comportement des visiteurs de deux sites populaires de recherche, l’un exploité par la bibliothèque britannique et l’autre par un consortium éducatif anglais, qui fournissent un accès à des articles de journaux, des livres électroniques et d’autres sources d’informations écrites. Ils ont découvert que les personnes utilisant ces sites présentaient “une forme d’activité d’écrémage”, sautant _ oui _ d’une source à une autre et revenant rarement _ voilà _ à une source qu’ils avaient déjà visitée. En règle générale, ils ne lisent pas plus d’une ou deux pages _ c’est là un seuil d’attention _ d’un article ou d’un livre avant de “bondir_ happés qu’ils sont par l’addiction à la disponibilité offerte par la machine et les liens et les favoris… _ vers un autre site. Parfois, ils sauvegardent _ = mettent en « réserve » pour une potentielle future lecture (ou « utilisation« ) _ un article long, mais il n’y a aucune preuve qu’ils y reviendront jamais et le liront réellement _ voilà le résultat effectif le plus courant… Les auteurs de l’étude rapportent ceci :

Il est évident que les utilisateurs ne lisent pas en ligne dans le sens traditionnel. En effet, des signes montrent que de _ bel et bien _ nouvelles formes de “lecture” apparaissent lorsque les utilisateurs “super-naviguent” horizontalement de par les titres, les contenus des pages et les résumés pour parvenir à des résultats rapides. Il semblerait presque qu’ils vont en ligne pour éviter de lire de manière traditionnelle.

Grâce à l’omniprésence du texte sur Internet, sans même parler de la popularité des textos sur les téléphones portables, nous lisons peut-être davantage aujourd’hui que dans les années 70 ou 80, lorsque la télévision était le média de choix. Mais il s’agit d’une façon différente de lire, qui cache une façon différente de penser _ voilà ! _, peut-être même un nouveau sens de l’identité _ et voilà bien l’enjeu « de fond«  de ce changement ! “Nous ne sommes pas seulement ce que nous lisons”, dit Maryanne Wolf, psychologue du développement à l’université Tufts et l’auteur de « Proust et le Calamar : l’histoire et la science du cerveau qui lit« . “Nous sommes définis par notre façon de lire _ rien moins ! Wolf s’inquiète que le style de lecture promu par le Net, un style qui place “l’efficacité” et “l’immédiateté” au-dessus de tout, puisse fragiliser notre capacité pour le style de lecture profonde _ voilà comment on doit le spécifier _ qui a émergé avec une technologie plus ancienne, l’imprimerie, qui a permis de rendre banals les ouvrages longs et complexes _ disponibles durablement pour notre regard attentif ; et à notre rythme : tranquillement. Lorsque nous lisons en ligne, dit-elle, nous avons tendance à devenir _ minimalement, en quelque sorte ; et réductivement _ de “simples décodeurs de l’information”. Notre capacité à interpréter le texte, à réaliser les riches connexions mentales qui se produisent _ tout un travail fécond _ lorsque nous lisons profondément et sans distraction _ voilà l’autre type de lecture : celui qui est menacé _, reste largement inutilisée.

La lecture, explique Wolf, n’est pas une capacité instinctive de l’être humain. Elle n’est pas inscrite dans nos gènes de la même façon que le langage. Nous devons apprendre à nos esprits comment traduire les caractères symboliques que nous voyons dans un langage que nous comprenons. Et le médium ou toute autre technologie que nous utilisons pour apprendre et exercer la lecture joue un rôle important dans la façon dont les circuits neuronaux sont modelés _ peu à peu _ dans nos cerveaux _ activés : certes. Les expériences montrent que les lecteurs d’idéogrammes, comme les chinois, développent un circuit mental pour lire très différent des circuits trouvés parmi ceux qui utilisent un langage écrit employant un alphabet. Les variations s’étendent à travers de nombreuses régions du cerveau, incluant celles qui gouvernent des fonctions cognitives essentielles comme la mémoire et l’interprétation des stimuli visuels et auditifs. De la même façon, nous pouvons nous attendre à ce que les circuits tissés par notre utilisation du Net seront différents _ sans doute _ de ceux tissés par notre lecture des livres et d’autres ouvrages imprimés _ dis-moi comment tu lis, je te dirai comment « tu deviens« 

En 1882, Friedrich Nietzsche acheta une machine à écrire, une “Malling-Hansen Writing Ball” pour être précis. Sa vue était en train de baisser, et rester concentré longtemps sur une page était devenu exténuant et douloureux, source de maux de têtes fréquents et douloureux. Il fut forcé de moins écrire, et il eut peur de bientôt devoir abandonner _ l’écriture. La machine à écrire l’a sauvé, au moins pour un temps. Une fois qu’il eut maîtrisé la frappe, il fut capable d’écrire les yeux fermés, utilisant uniquement le bout de ses doigts. Les mots pouvaient de nouveau couler de son esprit _ et son « penser«  _ à la page _ qui le « retiendrait« 

Jamais système de communication n’a joué autant de rôles différents dans nos vies, ou exercé une si grande influence sur nos pensées, que ne le fait Internet de nos jours. Pourtant, malgré tout ce qui a été écrit à propos du Net, on a très peu abordé la façon dont, exactement, il nous reprogramme _ rien moins ! L’éthique intellectuelle du Net reste obscure.

À peu près au moment où Nietzsche commençait à utiliser sa machine à écrire, un jeune homme sérieux du nom de Frederick Winslow Taylor apporta un chronomètre dans l’aciérie Midvale de Philadelphie et entama une série d’expériences historique dont le but était d’améliorer l’efficacité des machinistes de l’usine. Avec l’accord des propriétaires de Midvale, il embaucha un groupe d’ouvriers, les fit travailler sur différentes machines de métallurgie, enregistra et chronométra chacun de leurs mouvements ainsi que les opérations des machines. En découpant chaque travail en une séquence de petites étapes unitaires et en testant les différentes façons de réaliser chacune d’entre elles, Taylor créa un ensemble d’instructions précises, un “algorithme”, pourrions dire de nos jours, décrivant comment chaque ouvrier devait travailler. Les employés de Midvale se plaignirent de ce nouveau régime strict, affirmant que cela faisait d’eux quelque chose d’à peine mieux que des automates, mais la productivité de l’usine _ elle _ monta en flèche.

Plus de cent ans après l’invention de la machine à vapeur, la révolution industrielle avait finalement trouvé sa philosophie et son philosophe. La chorégraphie industrielle stricte de Taylor, son “système” comme il aimait l’appeler, fut adoptée par les fabricants dans tout le pays et, avec le temps, dans le monde entier. À la recherche de la vitesse, de l’efficacité et de la rentabilité maximales, les propriétaires d’usine utilisèrent les études sur le temps et le mouvement pour organiser leur production et configurer le travail de leurs ouvriers. Le but, comme Taylor le définissait dans son célèbre traité de 1911, « La direction des ateliers » (le titre original « The principles of scientific management » pourrait être traduit en français par “Les principes de l’organisation scientifique”), était d’identifier et d’adopter, pour chaque poste, la “meilleure méthode” de travail _ en terme de « rentabilité économique » de l’entreprise _ et ainsi réaliser “la substitution graduelle de la science à la méthode empirique dans les arts mécaniques”. Une fois que le système serait appliqué à tous les actes du travail manuel, garantissait Taylor à ses émules, cela amènerait un remodelage, non seulement de l’industrie, mais également de la société, créant une efficacité parfaite utopique. “Dans le passé, l’homme était la priorité”, déclare-t-il, “dans le futur, la priorité, ce sera le système”.

Le système de Taylor, le « taylorisme« , est encore bien vivant ; il demeure l’éthique de la production industrielle. Et désormais, grâce au pouvoir grandissant que les ingénieurs informaticiens et les programmeurs de logiciel exercent sur nos vies intellectuelles, l’ »éthique » de Taylor commence également à gouverner le royaume de l’esprit. Internet est une machine conçue pour la collecte automatique et efficace, la transmission et la manipulation des informations, et des légions de programmeurs veulent trouver “LA meilleure méthode”, l’algorithme parfait, pour exécuter chaque geste mental de ce que nous pourrions décrire comme “le travail de la connaissance”.

Le siège de Google, à Mountain View, en Californie, le Googleplex, est la Haute Église d’Internet, et la religion pratiquée en ses murs est le taylorisme. Google, selon son directeur-général Eric Schmidt, est “une entreprise fondée autour de la science de la mesure” ; et il s’efforce de “tout systématiser” dans son fonctionnement. En s’appuyant sur les téra-octets de données comportementales qu’il collecte à travers son moteur de recherche et ses autres sites, il réalise des milliers d’expériences chaque jour, selon le « Harvard Business Review« , et il utilise les résultats pour peaufiner les algorithmes qui contrôlent de plus en plus la façon dont les gens trouvent l’information et en extraient le sens. Ce que Taylor a fait pour le travail manuel, Google le fait pour le travail _ de « lecture industrielle« , l’appelle Alain Giffard … _ de l’esprit.

Google a déclaré que sa mission était “d’organiser les informations du monde et de les rendre universellement accessibles et utiles”. Cette société essaie de développer “le moteur de recherche parfait”, qu’elle définit comme un outil qui “comprendrait exactement ce que vous voulez dire et vous donnerait en retour _ instantané _ exactement ce que vous désirez”. Selon la vision de Google, l’information est un produit comme un autre, une ressource utilitaire qui peut être exploitée et traitée avec une efficacité industrielle. Plus le nombre de morceaux d’information auxquels nous pouvons “accéder” est important, plus rapidement nous pouvons en extraire l’essence, et plus nous sommes productifs en tant que penseurs _ selon la logique pragmatique de cet « utilitarisme« 

Où cela s’arrêtera-t-il ? Sergey Brin et Larry Page, les brillants jeunes gens qui ont fondé Google pendant leur doctorat en informatique à Stanford, parlent fréquemment de leur désir de transformer leur moteur de recherche en une intelligence artificielle, une machine comme HAL, qui pourrait être connectée directement à nos cerveaux _ rendus ultra performants ultra « utilitaristement« , si j’ose dire… “Le moteur de recherche ultime est quelque chose d’aussi intelligent que les êtres humains, voire davantage”, a déclaré Page lors d’une conférence il y a quelques années. “Pour nous, travailler sur les recherches est un moyen de travailler sur l’intelligence artificielle.” Dans un entretien de 2004 pour Newsweek, Brin affirmait : “Il est certain que si vous aviez toutes les informations du monde directement fixées à votre cerveau ou une intelligence artificielle qui serait plus intelligente que votre cerveau, vous vous en porteriez mieux” _ en terme d’efficacité technique, probablement… L’année dernière, Page a dit lors d’une convention de scientifiques que Google “essayait vraiment de construire une intelligence artificielle et de le faire à grande échelle.”

Une telle ambition est naturelle, et même admirable, pour deux mathématiciens prodiges disposant d’immenses moyens financiers et d’une petite armée d’informaticiens sous leurs ordres. Google est une entreprise fondamentalement scientifique, motivée par le désir d’utiliser la technologie, comme l’exprime Eric Schmidt, “pour résoudre les problèmes qui n’ont jamais été résolus auparavant” ; et le frein principal à la réussite d’une telle entreprise reste l’intelligence artificielle. Pourquoi Brin et Page ne voudraient-ils pas être ceux qui vont parvenir à surmonter cette difficulté ?

Pourtant, leur hypothèse simpliste voulant que nous nous “porterions mieux” si nos cerveaux étaient assistés ou même remplacés par une intelligence artificielle, est inquiétante _ ah ! Cela suggère que d’après eux l’intelligence résulte d’un processus mécanique _ une technique ; et pas un « art« … _, d’une suite d’étapes discrètes qui peuvent être isolées, mesurées et optimisées _ et pas d’un flux « plastique » du « penser«  Dans le monde de Google, le monde dans lequel nous entrons lorsque nous allons en ligne, il y a peu de place pour le flou de la réflexion _ et s’auto-régulant lui-même, ce « flou » en mouvement, en permanence (d’un sujet effectivement « pensant« , cartésien, ou chomskien ; et pas d’« arcs-réflexes«  pavloviens) : c’est un point capital… L’ambiguïté n’est pas un préliminaire _ ou plutôt une série d’étapes, en forme de « sas«  _ à la réflexion, mais un bogue à corriger _ et éliminer ! Le cerveau humain n’est qu’un ordinateur _ technologiquement _ dépassé qui a besoin d’un processeur plus rapide et d’un plus gros disque dur.

L’idée que nos esprits doivent fonctionner comme des machines traitant des données à haute vitesse n’est pas seulement inscrite dans les rouages d’Internet, c’est également le business-model qui domine le réseau. Plus vous surfez rapidement sur le Web, plus vous cliquez sur des liens et visitez de pages, plus Google et les autres compagnies ont d’occasions de recueillir des informations sur vous ; et de vous nourrir _ en un retour utra réactif _ avec de la publicité. La plupart des propriétaires de sites commerciaux ont un enjeu financier à collecter les miettes de données que nous laissons derrière nous lorsque nous voletons de lien en lien : plus y a de miettes, mieux c’est _ à « exploiter«  Une lecture tranquille ou une réflexion lente et concentrée _ en effet ! _ sont bien les dernières choses que ces compagnies désirent _ = dont elles ont besoin !.. C’est leur intérêt commercial _ bien compris (pour elles !) _ de nous distraire.

Peut-être ne suis-je qu’un angoissé. Tout comme il y a une tendance à glorifier le progrès technologique, il existe la tendance inverse _ dans la logique que Jacques Derrida a qualifiée de « pharmakon » ; et que reprend et développe Bernard Stiegler… _, celle de craindre le pire avec tout nouvel outil ou toute nouvelle machine. Dans le « Phèdre » de Platon, Socrate déplore le développement de l’écriture. Il avait peur que, comme les gens se reposaient de plus en plus sur les mots écrits comme un substitut à la connaissance qu’ils transportaient d’habitude dans leur tête, ils allaient, selon un des intervenants d’un dialogue, “arrêter de faire travailler leur mémoire _ c’est ce travail sur soi qui est vraiment fécond _ et devenir oublieux.” Et puisqu’ils seraient capables de “recevoir une grande quantité d’informations sans instruction appropriée”, ils risquaient de “croire posséder _ illusoirement ! _ une grande connaissance, alors qu’ils seraient en fait largement ignorants”. Ils seraient “remplis de l’orgueil de la sagesse au lieu de la sagesse réelle” _ cherchez l’erreur ! Socrate n’avait pas tort, les nouvelles technologies ont souvent les effets qu’il redoutait, mais il manquait de vision à long terme. Il ne pouvait pas prévoir les nombreux moyens que l’écriture et la lecture allaient fournir pour diffuser l’information, impulsant des idées fraîches et élargissant la connaissance humaine (voire la sagesse).

L’arrivée de l’imprimerie de Gutenberg, au XVe siècle, déclencha une autre série de grincements de dents. L’humaniste italien Hieronimo Squarciafico s’inquiétait que la facilité à obtenir des livres conduise à la paresse intellectuelle _ l’ennemie (cf plus tard Kant : « Qu’est-ce-que les Lumières ?«  _, rende les hommes “moins studieux” et affaiblisse leur esprit. D’autres avançaient que des livres et journaux imprimés à moindre coût allaient saper l’autorité religieuse, rabaisser le travail des érudits et des scribes, et propager la sédition et la débauche _ tous facteurs à prendre en compte, en effet… Comme le professeur de l’université de New York, Clay Shirky, le remarque, “la plupart des arguments contre l’imprimerie était corrects et même visionnaires.” Mais, encore une fois, les prophètes de l’apocalypse ne pouvaient imaginer la myriade de bienfaits que le texte imprimé allait _ aussi, en « pharmakon » ambivalent _ amener _ cf, à propos des thèses là-dessus de Bernard Stiegler, mon article du 31 mai 2009 : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion« 

Alors certes, vous pouvez vous montrer sceptique vis-à-vis de mon scepticisme. Ceux qui considèrent les détracteurs d’Internet comme des béotiens technophobes ou passéistes auront peut-être raison, et peut-être que de nos esprits hyperactifs, gavés de données surgira un âge d’or de la découverte intellectuelle et de la sagesse universelle. Là encore, le Net n’est pas l’alphabet, et même s’il remplacera peut-être l’imprimerie, il produira quelque chose de complètement différent. Le type de lecture profonde qu’une suite de pages imprimées stimule est précieux, non seulement pour la connaissance que nous obtenons des mots de l’auteur, mais aussi pour les vibrations intellectuelles _ en flux… _ que ces mots déclenchent dans nos esprits. Dans les espaces de calme _ et vibrants _ ouverts par la lecture soutenue et sans distraction _ voilà _ d’un livre ; ou d’ailleurs par n’importe quel autre acte de contemplation _ voilà le terme adéquat pour cette « opération«  _, nous faisons nos propres associations, construisons nos propres inférences et analogies, nourrissons nos propres idées _ singulières, selon notre « génie » singulier sollicité ; et se construisant en ces « métamorphoses« , selon une « plasticité » ouverte… La lecture profonde, comme le défend Maryanne Wolf, est indissociable de la pensée profonde _ voilà l’enjeu « de fond« , c’est on ne peut mieux le cas de le dire.

Si nous perdons ces endroits calmes, ou si nous les remplissons _ sans flux _ avec du “contenu_ formaté, pré-mâché _, nous allons sacrifier quelque chose d’important non seulement pour nous même, mais également pour notre culture _ collective, partagée : celle-ci étant en permanence en gestation « animée«  d’elle-même, et selon les processus que Bernard Stiegler conceptualise sous le terme de « transindividuation«  Dans un essai récent, l’auteur dramatique Richard Foreman décrit de façon éloquente ce qui est en jeu :

Je suis issu d’une tradition culturelle occidentale, pour laquelle l’idéal (mon idéal) était la structure complexe, dense et “bâtie telle une cathédrale” de la personnalité hautement éduquée et logique _ ou plutôt rationnelle ? _, un homme ou une femme qui transporte en soi-même une version unique _ possiblement (et « idéalement« , donc !) « singulière«  _ et construite personnellement _ en effet ! et avec patience… _ de l’héritage tout entier _ partagé _ de l’Occident. Mais maintenant je vois en nous tous (y compris en moi-même) le remplacement de cette densité interne complexe _ oui ; et diaprée _ par une nouvelle sorte d’auto-évolution _ subie et grégarisante ; et a minima considérablement « simplifiée« _ sous la pression de la surcharge d’information _ seulement ; « brute«  _ et la technologie de “l’instantanément disponible”_ selon l’impérialisme terriblement envahissant et uniformisateur du « Time is money« …

« À mesure que nous nous vidons _ oui _ de notrerépertoire interne _ plastique, vivant _ issu de notre héritage dense, conclut Foreman, nous risquons de nous transformer en “crêpe humaine”, étalée _ platement et rigidement _ comme un pâte large et fine _ ultra superficiellement _ à mesure que nous nous connectons à ce vaste réseau d’information accessible en pressant simplement sur une touche.

Cette scène de « 2001 : l’odyssée de l’espace » me hante _ donc… Ce qui la rend si poignante, et si bizarre, c’est la réponse pleine d’émotion de l’ordinateur lors du démontage de son esprit : son désespoir à mesure que ses circuits s’éteignent les uns après les autres, sa supplication enfantine face à l’astronaute, “Je le sens, je le sens. J’ai peur.”, ainsi que sa transformation et son retour final _ régressif _ à ce que nous pourrions appeler un état d’innocence _ = d’idiotie (« in-fans«  : celui qui n’a pas encore appris à parler…). L’épanchement des sentiments de HAL contraste avec l’absence d’émotion qui caractérise les personnages humains dans le film, lesquels s’occupent de leur boulot avec une efficacité robotique _ cf mon article du 28 avril 2009 sur les dangers d’un utilitarisme « totalitaire«  : « de quelques symptômes de maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher«  Leurs pensées et leurs actions semblent scénarisées, comme s’ils suivaient les étapes d’un algorithme. Dans le monde de « 2001« , les hommes sont devenus si semblables aux machines _ ils sont même carrément mis en hibernation (prolongée) quand aucune tâche programmée n’est envisagée à solliciter d’eux _ que le personnage le plus « humain » se trouve être une machine. C’est l’essence de la sombre prophétie de Kubrick : à mesure que nous nous servons des ordinateurs comme intermédiaires de notre compréhension du monde, c’est notre propre intelligence qui devient semblable à l’intelligence artificielle _ soit « une crêpe » !!!

Nous vous invitons à réagir à cet article sur le Framablog où la traduction a été originellement publiée. Vous pouvez également consulter la suite de ce dossier sur Internetactu.

Des sujets d’importance, comme tout un chacun peut ainsi en juger ;

pour l’heure, j’en retiens surtout

la perspective positive

d’une « économie de la contribution« …

Titus Curiosus, ce 7 juin 200

Post-scriptum :

En recherchant dans la bibliographie de « Pour en finir avec la mécroissance« ,

je découvre la référence suivante, page 298 :

Nicholas Carr, « The Big Switch : Rewiring the World, From Edison to Google« , W. W. Norton & Company, 2008…

Et je me permets, très naïvement, de rappeler mes propres « contrats de lecture« , dans les articles liminaires de ce blog :

« de la longueur et du style : du contrat de lecture (d’un blog)« , dès le 14 juillet 2008 _ il faudrait toutefois lui « injecter » quelques « respirations« … ;

ainsi que l’article d' »ouverture » de ce blog, le 3 juillet 2008 (lui « respire« …) : « le Carnet d’un curieux« …

De mon point de vue _ présomptueux ? _,

je défends donquichottesquement l’effort de lecture _ sur l’écran aussi !.. _ d’entrer avec patience, persévérance, et, surtout, amour _ c’est un peu mieux qu' »empathie« … _, dans le style même des textes (= leur temporalité, le rythme de leur « souffle« , qui doit toujours être éminemment « singulier » ; et non sans, de plus, une certaine « ampleur » de développement), le temps nécessaire :

à une « vraie » lecture.

Et l’amour, lui qui se réjouit, ne compte pas vraiment le temps…

Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est « faire monde », à l’excellent Festival « Philosophia » de Saint-Emilion

31mai

Avant de me mettre au travail, ce matin (du 31 mai 2009),

ce courriel à mes amis en Provence (la galeriste) Michèle Cohen, à Aix, et (le photographe) Bernard Plossu, à La Ciotat,

en pensant au vernissage de l’exposition de Bernard Plossu « French Cubism _ hommage à Paul Strand« , à la NonMaison, que dirige Michèle Cohen à Aix-en-Provence :

 De :   Titus Curiosus

Objet : Alors ? + le festival « Philosophia » à Saint-Emilion
Date : 31 mai 2009 07:13:48 HAEC
À :   Bernard Plossu

Cc :   Michèle Cohen

Alors ? Ce vernissage _ à la NonMaison à Aix à 18h _ fut-il joyeux ?

Quant à moi,
je n’ai pas regretté ma balade saint-émilionnaise :
il faisait très beau
_ ce samedi après-midi du 30 mai _ ;
et le festival de « philosophie »
_ cela ne court pas les rues… _,
(probablement…) pour marquer « en hauteur » le classement du « paysage viticole » du « pays » de Saint-Émilion au « Patrimoine mondial de l’humanité » (de l’Unesco)
avait choisi pour thème : « monde« , « mondialisation » et « universalité« …


Les conférences d’Olivier Mongin, le directeur d’Esprit (nous nous connaissons : la Société de Philosophie de Bordeaux,
dont je suis un membre _ un peu _ actif du bureau, l’avait reçu il y a quelques années _ c’était le 15 mars 2001, au CAPC _ ; et il se souvenait de moi),
et de mon ami Bernard Stiegler _ je l’avais moi-même reçu pour la « Société de Philosophie«  le 18 novembre 2004, dans les salons Albert Mollat _
furent brillantes _ et même brillantissimes ! _ :
à la fois d’un très haut niveau de pensée
_ sur ce qu’il faut essayer de penser de la « mondialisation » et de la « crise«  (de « civilisation » !) : rien ne vaut les philosophes pour aider la lucidité !!! _
et à la portée d’un public pas nécessairement spécialiste des concepts (les plus pointus)

Je vais écrire un article

et sur ces 2 conférences
et sur le « concept » même
_ très remarquable (comme sa « réalisation« , par Éric Le Collen) _ de ce « Festival » de philosophie : une grande réussite,
qui attire beaucoup de monde dans cette ville d’art
(comme Aix, même si plus petite de taille ; et dépourvue d’université : l’université est à Bordeaux…) qu’est Saint-Émilion (qui a l’atout _ extraordinaire ! _ de son merveilleux vin ; et tout à côté, il y a aussi Pomerol !)

En « photo« ,
« Hôtel » n’est pas encore sur les étals des librairies à Bordeaux
_ en tout cas pas au rayon « Beaux-Arts » et au nom de Plossu (où je le cherche !), à la librairie Mollat…

J’ai acheté le très intéressant _ et c’est un euphémisme ! passionnant, devrais-je plutôt dire ! _ « Controverses _ une histoire juridique et éthique de la photographie« ,
paru chez Actes-Sud, par Daniel Girardin et Christian Pirker _ et le Musée de l’Elysée à Lausanne…

En attendant vos échos du vernissage à la NonMaison,

je vous embrasse,

Titus

Après une première conférence non philosophique

_ j’avais préféré aller écouter Carmen Añón Féliu, paysagiste et expert évaluateur du « Comité du Patrimoine Mondial » de l’Humanité (de l’Unesco : elle avait participé à la décision de l’inscription de Saint-Émilion sur la liste de ce prestigieux label) _ sur le sujet le « Patrimoine mondial, une valeur universelle ?« ,

plutôt que le philosophe Pierre-Henri Tavoillot sur le sujet de « Une leçon particulière sur l’universel : les Lumières » _,

dont la teneur, certes non in-intéressante, m’a tout de même parue un peu « courte« , tant de contenu de questionnement que d’apport de « faits » ou de « critères » ;

la conférence d’Olivier Mongin a comblé, a contrario, mon appétit de perspectives fouillées perspicaces, concrètes tout autant qu’audacieuses ;

sur le sujet de « Mondialisation et reconfiguration des territoires« , c’est aussi le professeur à l’Université Nationale du Paysage, de Versailles, que nous avons pu entendre, à partir, notamment, d’une très riche (philosophiquement) et large (géographiquement) expérience, dont témoigne le livre « La Condition urbaine : la ville à l’heure de la mondialisation« …

Olivier Mongin met en avant la difficulté que peuvent présentement connaître les « territoires«  (relativement statiques ; même si le mot d' »espace » contient aussi la racine « spes« , l’espoir…) ; et avec eux (= ces « territoires« ), en conséquence, l' »habiter » des hommes, face à l’extraordinaire puissance des « flux » (et leurs « liquidités« ) sur lesquels « fonctionne » l’économie post-moderne mondialisée, désormais…


Ainsi Olivier Mongin cite-t-il un auteur américain mettant en avant « ce » que « le mur » tant « protège«  (en l’isolant de l’altérité d’un dehors) qu' »exclut » et « met en danger«  (en l’exposant à toutes forces hostiles), dans la logique (urbaine) des « malls«  (mais pas seulement ceux du « vendre« , bien connus dorénavant de par le monde _ avec partout les mêmes « enseignes« , vendant et répandant partout les sempiternelles mêmes « marques » _ : ceux, aussi, des « quartiers hautement surveillés et protégés« , en expansion continue de par la planète !), on ne peut plus vectoriellement…

Ce qui m’a personnellement rappelé la perspective distincte de (l’européen) Georg Simmel en son si bel article « Porte et pont » (in « Les Grandes villes et la vie de l’esprit« , par exemple ; ou encore in « Philosophie de la modernité« ) ; à laquelle s’oppose le raisonnement en « ami ou ennemi » d’un autre européen, mais pas du même bord philosophique, Carl Schmitt…

Olivier Mongin a aussi cité, à propos d’une « ville globale » argentine _ hermétiquement coupée de son voisinage, mais parfaitement connectée à toutes les autres « villes globales » du globe… _, Saskia Sassen (« La Globalisation : une sociologie« ), à laquelle j’ai consacré un précédent récent article (le 21 avril 2009 : « Du devenir des villes, dans la “globalisation”, et de leur poésie : Saskia Sassen« )…

Bref, la ville doit « composer » _ et harmonieusement, si possible : elle est fondamentalement un dispositif de « rencontres« , de « réunions », de « cohabitations« … _ des forces diverses, dans un espace (« urbain« ) relativement identifiable ; selon la logique de la « polis«  : le terme dérive, héraclitéennement, de « polemon« , le conflit…

Et « se reconfigurer » aussi…

Bref, les questions de fond concernent  le « co-habiter« , le « vivre ensemble » ; avec ses circuits divers, ses cercles, ses parcours (de « flux« , déjà : la rue…) en mouvements incessants ; d’où le caractère crucial et plus que jamais « actuel » des enjeux de la démocratie (qui soit « véritable » !) ; qu’Olivier Mongin a très clairement pointés..

Les évocations par Olivier Mongin des mégapoles, telle Kinshasa _ avec un « habiter » totalement oxymorique… _, ou de la « ville globale » (à la Saskia Sassen…), telle celle qui jouxte Buenos Aires,

gagneront à êtres comparées aux regards et analyses de Régine Robin dans son très beau « Mégapolis » _ cf mon article du 16 février 2009 : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« … ;

qui m’a valu cette réponse de Régine Robin, en date du 18 mars, et sous l’intitulé « votre beau texte » :

Nicole Lapierre m’a fait suivre votre blog consacré à mon livre. Il est très beau, très poétique. J’en suis très émue et heureuse.
Restons en contact.
Très amicalement et poétiquement.
Régine Robin.

Cela fait plaisir…

Quant à l’ami Bernard Stiegler,

sa prestation _ sur le sujet « Du marché au commerce » et dans une forme olympique ! _ fut particulièrement brillante, tant il a su amener le public (très nombreux et extrêmement attentif dans le cloitre de la collégiale par cette belle après-midi splendidement ensoleillée _ de nombreux livres furent achetés après la conférence !) à entrer dans une intelligence jubilatoire du présent (et de sa « crise« ) en pénétrant peu à peu la conceptualisation stieglérienne, à propos de ce qui sépare le « commerce » des singularités qualitatives (de « personnes » qui sont des « sujets« )  d’un « marketing » qui vise l’accélération _ spéculative financière : strictement comptable _ de l’efficacité d’un dispositif d’achat par de simples (et de plus en plus « simplets« , « crétinisés« …) « cœurs de cible«  ;

dont le fort habile neveu de Sigmund Freud, Edward Bernays, parti d’Autriche faire fortune aux Etats-Unis, rédigea en 1928 le mode d’emploi basique : « Propaganda : comment manipuler l’opinion publique« …

En lieu et place du « commerce« , par exemple, de l’amour,

dans la logique complexe et qualitative d’un parcours (plus ou moins, et peut-être infiniment, labyrinthique et long ; avec, aussi, un certain coefficient d’improbabilité ; ainsi que de l’imprévu, plein de charme !) de « désirs » échangés,

procéder par ce dit « marketing » à la mise en place _ sociétale, instituée _ de dispositifs pavloviens strictement « réflexes » de satisfaction rapide de « pulsions » (« déchargées« ) par la « consommation« ,

c’est-à-dire l’achat, payé en espèces sonnantes et trébuchantes ;

ou mieux, en leur équivalent électronique ;

de « dépense« ,

de biens et services identifiés (et « fidélisés » _ mais ce n’est pas ici une vertu… _ addictivement en « marques » :

sur l’addiction, lire Avital Ronell : « Addict : fixion et narcotextes » ;

et sur les « marques« , lire Naomi Klein : « No logo _ la tyrannie des marques« …).

Bernard Stiegler s’en prend alors plus spécifiquement à la « bêtise systémique » d’une « consommation » « crétinisée » ;

qui ne prend jamais le temps (devenu bientôt trop coûteux pour elle) d’un peu mieux évaluer,

ni d’échanger des impressions _ un « consommateur » en a-t-il jamais ? _ avec d’autres (« dépenseurs » d’argent : on se contente de « faire les comptes » !..),

en une logique (spéculative strictement comptable ! et à toute vitesse ; et parfois assez complexe…) de rendement d’intérêt (financier !) le plus « à court terme » possible installée par et en faveur d’actionnaires « spéculateurs » hyper mobiles (= les principaux bénéficiaires d’un tel « jeu » de « placements« …) ;

pas même pour le profit,

davantage « engagé« , lui, dans les arcanes du « réel » et d’un « travail » de transformation des choses (et selon de bien réels « métiers« ),

des « investisseurs » d' »entreprises« …

Bref, l’alternative de la souricière (de l’aujourd’hui sociétal de « crise« ) est bien :

_ ou bien le « choix » « réaliste » de ces valeurs « spéculatives » « irréelles » de profit pour soi du seul « marché«  (auquel poussent certains élus politiques, que Bernard Stiegler n’hésite pas, au passage et sans s’y attarder, à nommer ; dans le sillage du « There is no alternative » d’une Mrs Thatcher, à la fin des années 70 ; ou d’un « Le problème, c’est l’État » d’un Ronald Reagan au début des années 80) ;

_ ou bien la décision (généreuse : moins intéressée et égocentrée) d’un « commerce » plus « solidaire« , tant des personnes que des citoyens, de tout remettre à plat de ces échanges de soi avec les autres sur de plus saines (= vraies) bases :

où il s’agit enfin, et pour chacun, de « consister » ; en une « intimité » à d’autres non instrumentalisés, ni « jetables » après hyper rapide « consommation » (et « consumation« ) de quelques « services » « vite faits bien faits« …

C’est là situation de fait

_ cf ici l’alternative d’un Cornelius Castoriadis dès les années 50 entre un « vrai socialisme » ; et une « réelle barbarie« … (bien du chemin restant à accomplir pour le comprendre mieux…) _

que les nouvelles technologies _ de plus en plus sophistiquées et efficaces, certes ; celles du « temps-lumière » (après le « temps-carbone« …), selon les expressions du tout récent « Pour en finir avec la mécroissance » de Bernard Stiegler (avec Alain Giffard et Christian Fauré) _ proposent, de gré ou de force, aux organisations inter-humaines ;

à commencer par politiques et économiques :

ainsi Bernard Stiegler a-t-il très brièvement « remarqué« , au passage _ les cloches de la collégiale sonnant alors à toute volée et longuement par-dessus le cloître… _, qu’appelés très prochainement à voter, nous disposions (encore) d’une certaine responsabilité de « citoyens » ;

et que certains chefs d’État, de fait, « appuient » (davantage que d’autres personnes) certains « dispositifs relationnels » (de marketing) qui « néantisent » le sujet en la personne ;

à nous d’en prendre (un peu) mieux conscience ;

et d’en tenir (un peu mieux) compte en nos actes ; pour choisir (et pas seulement un jour d’élection) entre  (tout) ce qui va vers l' »in-humain« , et (tout) ce qui y « résiste » !..

C’est là situation de fait que les nouvelles technologies proposent de gré ou de force aux organisations des rapports du « commerce » humain, dans tous ses aspects ;

et à l’aune, donc, de l’alternative (puissante) entre « non-inhumain » ou bien « inhumain » : à nous d’en prendre mieux et plus fermement conscience…

L’enjeu étant bien la « singularité » à découvrir, faire émerger et cultiver_ ou pas _ pour l’épanouir _ ou la laisse périr d’inanition _, des personnes…

Ou la singularité, aussi, d’œuvres de « culture« ,

tels les vins de ce terroir de Saint-Émilion

_ et de Pomerol, pour lequel Bernard Stiegler a « avoué » une certaine prédilection… _,

à l’heure d’une certaine « parkérisation » plus ou moins galopante, par « marketing » et « pré-formatage » de « produits« 

_ à la (de plus en plus pressante, semble-t-il… ; mais c’est à voir !..) demande, précisément de « consommateurs« -« acheteurs » ;

davantage que du fait même de l’excellent « connaisseur des vins« , en leur singularité, justement (!), qu’est le célèbre Robert Parker

(l’auteur en effet célébré et porté au pinacle _ par des « consommateurs » ? des « amateurs » ? voire des « amoureux » ?.. _ du « Guide Parker des Vins de France« …) _,

justement,

aux dépens des « terroirs » et des savoirs (hautement) cultivés d’œnologues-artistes, au moins autant qu’artisans :

« Le vin de terroir est-il l’avenir de la viticulture mondiale ?« ,

devaient on ne peut plus opportunément et « en connaissance de cause » (!) s’interroger, avec le public, le lendemain matin le « Professeur de géographie et d’aménagement ; et membre de l’Institut » Jean-Robert Pitte, en compagnie de Denis Saverot, Directeur de la rédaction de « La Revue du Vin de France« , et, éminent viticulteur « du cru » saint-émilionnais, Alain Moueix, Président de l' »Association des Grands Crus Classés de Saint-Émilion« …

Bernard Stiegler aimant tout particulièrement choisir

pour exemples de la « mise en place » des concepts assez pointus que sa recherche d' »intelligence _ au plus fin, au plus précis, au plus juste ! _ de la complexité du réel » propose,

des situations « parlant » _ et « en vérité » ! _ « au plus près » des savoirs d’expérience de ses auditeurs-interlocuteurs…

Et le public d’agréer à l’analyse…


A une question d’un auditeur (se) demandant

si le « marketing » ne représentait pas une tendance fondamentale de « l’humain » en tant que « nature humaine« ,

Bernard Stiegler a répondu, avec beaucoup de nuances

_ car le « pharmakon« , lui-même entre remède et poison, est autant affaire d’infinie délicatesse dans le « dosage » que de choix des finalités entre aider et nuire, porter assistance et porter tort (tant à soi-même, par masochisme, qu’à autrui, par sadisme), construire et détruire ; et cela dans l’ambivalence tissée au cœur même (battant !) du jeu de « composition« , d’assonances et dissonances, harmonie et dysharmonie, des « pulsions » et « désirs« , évoluant, eux-mêmes, ces « affects« , avec « plasticité« , entre « émotions« , « sentiments » et « passions » (lire ici tant le « Traité des passions de l’âme » de Descartes que la sublime « Éthique » de Spinoza)… _,

Bernard Stiegler a répondu, avec beaucoup de « nuances »

que, quant à lui, il ne pouvait pas se prononcer s’il existait, ou pas, une « nature » de l' »humain » ;

que tout ce qu’il pouvait « assumer« , c’était la possibilité (et le devoir) d’une « retenue » certaine de la « personne » (toujours en devenir « métastatique » elle-même et en (ou plutôt par) ses actions : il l’a expliqué à l’aide de l’image des « tourbillons » du fleuve _ il a dit « la Gironde » _ qui « se maintiennent » comme « tourbillons » dans le jeu complexe et tourmenté, parfois violent et imprévisible, des courants) envers les tentations (ou « pulsions » brutes),

présentes en chacun de nous _ sans exception : là-dessus, on pourra lire le magnifique « Passer à l’acte« , de Bernard Stiegler, paru le 6 juin 2003 aux Éditions Galilée _, et pouvant s’exprimer et « éclater » (= « exploser« …) à tout moment, si nous n’apprenons pas à les « retenir« , à les « conduire« ,

envers les tentations

de nous comporter « in-humainement« .

Succomber, ou pas, à ces « tentations » permanentes de l' »in-humain« ,

voilà ce qui caractérise le projet _ tant personnel que collectif ; et collectif, d’abord, forcément ! « civilisationnel » ! _ de se comporter en « personne« , ainsi qu’en citoyen responsable, aussi,

« majeur« 

_ cf ici le toujours et plus que jamais indispensable et actuel (!) « Qu’est-ce que les Lumières ? » d’Emmanuel Kant _

en une société où « l’autre » (aussi bien que « soi« -même !!!) est aussi « vraiment » pris en compte _ existentiellement, l' »affaire » dépasse la simple éthique ; et est proprement, via les rapports inter-humains économiques de tous les instants, « politique » ! _ autrement qu’en un simple « moyen« , « instrument« , « outil » (ou « cœur de cible » : calculable), réductiblement ;

ou objet de prédation, carrément…


On voit ici combien _ et avec quelle urgence ! _ s’impose la tâche (philosophique !) de (re-) mettre au clair une « anthropologie fondamentale«  pour ce temps-ci de technologies hyper-rapides _ lire ici Paul Virilio : par exemple « Vitesse et politique« … _ et hyper-efficaces…

A laquelle « anthropologie fondamentale« , il me semble que le travail de longue haleine, et avec quelle belle constance ! de Bernard Stiegler contribue magnifiquement…

Un « Festival » de philosophie de très grande qualité que ce « Festival Philosophia » de Saint-Émilion ;

et particulièrement efficacement organisé par Éric Le Collen (et son équipe) ;

qui permet au « pays de Saint-Émilion » de bien « cultiver« , le long des années qui passent (et en progressant vraiment), son label de « Patrimoine mondial » de l’Humanité…

Titus Curiosus, le 31 mai 2009

« Crise des Humanités : l’éducation en danger », par Barbara Stiegler ; et « L’Ethique en questions », une « Journée d’études » : des conférences de philosophie en ce début juin à Pessac et Bordeaux

31mai

Une actualité philosophique (aquitaine) « à noter » _ afin d’y participer activement ! _,

en une fin d’année scolaire marquée d’inquiétudes (assez malsaines) diverses ;

et un peu trop loin de la sérénité qui sied au vrai « travail de fond » des établissements d’instruction scolaires et universitaires ; dont la mission était jusqu’ici (avant l’ère _ pauvrement politicienne _ des « ruptures » !) de « former sur le fond« 

(des finalités ; et pas de simples moyens, ou instruments, ou outils : des techniques ; mais au service de quoi donc ? de quelles finalités ? ou intérêts ? si on commençait par s’y _ et s’en _ interroger vraiment ?)

dont la mission était de « former sur le fond« , donc,

de futurs adultes responsables (et d’eux-mêmes ; et des autres) « majeurs« 

_ cf Kant : l’indispensable « Qu’est-ce que les Lumières ? » _,

tant comme personnes que comme citoyens

(et pas en tant que « cœurs de cible » des opérateurs du marketing,

cette discipline fort efficace, mise au point par l’habile neveu (parti aux Etats-Unis) de Sigmund Freud, Edward Bernays : auteur de « Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie« )…

Voici donc cette double annonce que je me réjouis d’aider à diffuser ici :

D’abord,

le jeudi 11 juin à 18h 30, Barbara Stiegler, maître de conférence en philosophie à l’Université Bordeaux3-Michel de Montaigne, donnera une importante conférence, « Crise des Humanités : l’éducation en danger« , à l’auditorium de la Médiathèque de Pessac, dans le cadre des « Forums de Pessac » : sur une question d’actualité brûlante !

Et pas seulement pour des raisons (de court terme) de calendrier électoral ; et de vote-citoyen éclairé !

Et ensuite,

le samedi 13 juin, à partir de 10 heures 15, se tiendra au Lycée Montaigne, Cours Victor Hugo, à Bordeaux, une « Journée d’études » de l’Association des Professeurs de philosophie de l’Enseignement public d’Aquitaine, consacrée à « L’Ethique en questions« ,

avec des interventions de Claudie Lavaud, Professeur de philosophie à l’Université Bordeaux3-Michel de Montaigne, à 10h30, sur le sujet de « A quoi sert l’Ethique ?«  ;

Cédric Brun, ATER à l’Université Bordeaux3-Michel de Montaigne, à 14h, sur le sujet de « Principe de précaution : principe éthique ou scientifique ?«  ;

et Fabienne Brugère, Professeur de philosophie à l’Université Bordeaux3-Michel de Montaigne, à 15h, sur le sujet de l' »Actualité de la philosophie du Care » ;

ainsi que des témoignages de parcours en master professionnel de « philosophie pratique, vie humaine et médecine«  de Marie Gomes-Saint-Bonnet (professeur de philosophie) et Laura Innocenti (Institut Bergonié).

Cette « Journée d’études » sera présentée à 10h15 par la présidente de l’Association des Professeurs de philosophie de l’Enseignement public d’Aquitaine, Brigitte Bellebeau.

Ici encore, les liens entre la « mise en avant » de l’éthique et les urgences

(de long terme : les enjeux sont proprement civilisationnels ; et concernent la transmission et formation d’une culture authentique _ je veux dire autre que strictement instrumentale et « intéressée » ; c’est-à-dire sans générosité ni le moindre égard de « solidarité » envers les autres que son petit « soi » !)

de la citoyenneté politique en une authentique démocratie

_ dont la « crise » et les « faux-semblants » atteignent ces derniers temps un seuil de gravité plus que dangereux !.. _,

peuvent être lucidement éclairés par la lecture du très grand livre (de salubrité publique) de Bernard Stiegler « Prendre soin 1 _ de la jeunesse et des générations« …

C’est du devenir de l’espèce, face au péril de l' »in-humanité » qu’il s’agit donc, très pratiquement ;

je veux dire tant éthiquement que politiquement (et économiquement) dans le moindre de nos « faire » quotidiens…


Titus Curiosus, ce 31 mai 2009

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