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Retour à Rome (et retour de Rome) : les périples romains de la narratrice du prenant, subtil et troublant roman-récit « Sous ma carapace » (« Cara pace ») de Lisa Ginzburg (suite)…

28avr

En continuation-poursuite de mon article d’hier « « ,

voici, ce vendredi 28 avril, quelques remarques sur les biens intéressants périples romains de la narratrice _ Maddalena Cavallari, Maddi _ du prenant et troublant subtil très beau roman-récit « Sous ma carapace » (« Cara pace« ) de Lisa Ginzburg _ à partir de quelles données, peut-être autobiographiques, a-t-il été créé ?.. Lisa Ginzburg est fille des historiens très remarquables que sont Carlo Ginzburg et Anna Rossi-Doria.

Ce qui m’importe aujourd’hui,

c’est d’abord de compléter les citations que j’avais rapportées hier encadrant le récit du roman « Sous ma carapace« , de la page 13 à la page 245,

afin de mieux mettre en avant l’élément décisif qu’en est le va-et-vient un peu difficile _ d’abord un peu longtemps mental (et in fine obsédant…), puis finalement bien effectif ! _ de la narratrice, principalement entre son présent (du récit) à Paris, et son passé (d’enfance et adolescence blessée par la séparation de ses parents, Seb-Sebastiano et Gloria, et l’éloignement d’eux deux qui s’en est durablement suivi pour elle-même, Maddi-Maddalena, et sa petite sœur, Nina) à Rome, où elle, Maddalena, la narratrice de ce récit ardent et contenu, décide de se rendre _ c’est là la toute première phrase du récit, à la page 13 _,

et d’où elle vient, Maddalena, une semaine plus tard, de revenir chez elle et son mari Pierre et ses enfants Val-Valentina et Sam-Samuel, à Paris _ aux pages 242 à 245 du tout dernier chapitre.

Le retour, décisif dans l’intrigue _ même si le récit en est réalisé avec infiniment de pudeur, discrétion et même délicatesse _, à Rome, s’étant, lui, déroulé entretemps _ le récit rétrospectif de ce décisif séjour romain d’une semaine nous étant donné par la narratrice aux pages 229 à 241 ; alors qu’aux pages 227-228, elle vient juste de déclarer, au final de ce chapitre encore « parisien » (avant son départ pour Rome), ceci _ :

« Les destinations pourraient être multiples, mais seule Rome m’obsède à présent _ voilà ! Revoir la ville qui est la mienne et celle de Nina _ sa sœur cadette : elles ont quatorze mois de différence et demeurent très étroitement liées… _, avoir l’illusion pendant quelques jours de recomposer une mosaïque dont les tessons se sont presque perdus dans ma mémoire aussi. Suturer une plaie _ surtout _ impossible à recoudre : Gloria _ leur mère maintenant décédée _ n’est plus là, le paquet de cartes s’est envolé, toutes les parties sont perdues. Des pensées de ce genre me traversent ce samedi matin _ qu’une nuit sépare probablement de la décision prise la veille au soir, à moins que ce ne soit bien davantage… ; cf le tout début du récit, à la page 13 _, alors que, restée seule à la maison, j’allume mon ordinateur et me décide enfin _ ce fut donc difficile d’oser franchir enfin ce pas… _ : j’achète un billet d’avion pour Rome« .

Et je reprends ici les citations de mon article d’hier :

De la première phrase, page 13 : « Je décide que je dois absolument aller à Rome. Je prends la décision un soir, en me démaquillant. Pierre est déjà couché…« ,

à, page 244, « Ce qui m’est arrivé à Rome, il faut que je le raconte à quelqu’un. Partager : nommer l’événement avant qu’il ne se congèle dans mon imagination sous forme de fantôme _ qui revienne méchamment (me) hanter. Le garder pour moi, protégé par ma carapace – cara pace, je n’y arrive pas. Ça ne m’est tout simplement pas possible » _ voilà ! en une fonction en quelque sorte cathartique du récit (parlé ou écrit)...

et surtout, mais avant de poursuivre ma citation, d’à peine 15 lignes plus loin, empruntée à la page finale, page 145,

je tiens cette fois, aujourd’hui, à citer in extenso, le passage qui précédait ma citation finale d’hier, que je reprendrai plus loin, à sa juste place.

Voici donc en quelque sorte rétabli ici le passage que j’avais shunté hier :

« À mon retour de Rome, je suis entrée dans la maison en même temps que Pierre _ son mari _, qui était venu me chercher à l’aéroport, depuis la porte, les enfants ont accouru à ma rencontre. Sam _ son fils, Samuel _ m’a regardée fixement, un long regard inquisiteur — comme s’il avait tout vu _ ce qui s’était passé à Rome. Et le lendemain, je jouais du piano avant le dîner, le second mouvement du Nocturne opus 9 de Chopin _ et je l’écoute interprété magnifiquement par Nelson Goerner, dans le double CD Alpha 359 _ avec lequel je me bats ces derniers temps sans grands résultats, et de nouveau je me suis aperçue que mon fils me regardait, il attendait de moi une réponse. Mon fils qui a quelques années — trop peu — de moins que Tommy.

Leïla _ la seule amie à Paris, et confidente, de Madeleine _ écoutera mon récit, peut-être qu’ele essuiera mes larmes parce qu’elle est mon amie et qu’elle sait faire ça _ elle qui est maquilleuse de profession. Je ne crois pas qu’elle formulera de jugement, ni qu’elle donnera de conseils. D’ailleurs

_ et c’est précisément ici que je reprends le fil de ce que j’ai cité hier !!! _

il n’y a rien à commenter, ni à conseiller _ de la part de quelque interlocuteur que ce soit…  Juste attendre que ça passe _ l’ébranlement de l’événement imprévu survenu (avec le jeune Tommy) à Rome, et maintenant ses éventuelles répliques à venir… Chère paix, carapace.

À la fin de notre coup de fil _ à Nina, la sœur (qui vit avec son époux Brian O’ Brien, à Brooklyn) de la narratrice, qui vit, elle, avec sa famille, à Paris, dans le 17e arrondissement _, ce que j’étais sur le point de demander à Nina, c’était si elle voudrait bien m’héberger _ chez elle et son mari _ à Brooklyn quelque temps.

Partir, seule _ sans son mari Pierre (diplomate à l’Unesco) et ses enfants Val (Valentina) et Sam (Samuel) _, prendre des distances. Mettre de l’espace, du silence, retrouver la clé, le sens _ dérangeant _ de cette rencontre imprévue _ à Rome, au parc aimé de la Villa Pamphili, avec Tommy… _ qui m’a choisie et atteinte comme un rayon de lumière.

Confier à Nina, à sa chaleureuse hospitalité d’âme désordonnée et de sœur, une histoire dont il aurait été plus normal qu’elle lui arrivât à elle, et qui au contraire m’est arrivée à moi.

Un événement qui n’appartient qu’à moi, mais pourrait être à Nina, et s’il devient aussi le sien, c’est grâce à cette intime indistinction qui nous lie _ depuis la brutale séparation (puis le consécutif éloignement d’elles deux, encore bien jeunes, âgées alors de 9 et 8 ans seulement…) de leurs parents, Sebastiano Cavallari et Gloria Recabo _, ce fil invisible que rien n’a jamais pu rompre.

Je vais lui demander si elle peut m’accueillir à New-York, quelque temps, chez eux : mais pas aujourd’hui. Une autre fois. Demain peut-être. » 

L’idée de « retourner » à la Rome de son enfance et adolescence _ durablement blessées, avec recherche de protection (et paix) en sa carapace indurée… _ est évoquée à 20 reprises dans le récit de la narratrice, de la page 13 à la page 228 :

aux pages 13 (« Je décide que je dois absolument aller à Rome« ), 14 (« Je suis rarement allée à Rome ces dernières années, et toujours pour des occasions d’une importance « capitale ». Avec Nina, pour les obsèques de notre mère« ), 15 (« Dans ma tête, cependant, Rome reste un endroit problématique : un enchevêtrement de souvenirs sur lesquels, par un instict naturel d’autoprotection, j’évite de trop m’attarder » et « Mais voilà, c’est décidé, pas le moindre doute ce soir. Je dois aller à Rome« ), 24 (« Pour l’instant, je n’ai pas la moindre envie de parler de mon éventuel voyage à Rome, ni à Pierre, ni aux enfants. Il faut d’abord que l’idée mûrisse, qu’elle prenne dans ma tête une forme suffisamment nette pour que je puisse la communiquer de façon adéquate. J’imagine un séjour bref, une semaine maximum. Ce sera la première fois que je pars seule. (…) J’hésite, je m’enferre dans es propres questionnements« ), 29 (« je suis en train de me demander si je dois aller à Rome ou pas« ), 40 et 41 (« Si j’éprouve un si fort besoin de retourner à Rome, c’est pour revoir les lieux, certains en particulier. (…) Mon désir de partir est survenu à l’improviste ; pourquoi justement maintenant et avec une telle urgence, je ne saurais le dire. Assurément c’est un vrai désir, net, qui se détache sur mes pensées comme une silhouette détournée sur une photo où le reste des détails est flou. Maintenant que Gloria est morte, maintenant qu’elle nous a abandonnées d’un coup et cette fois pour de bon, notre enfance explosée risque de s’effacer ; les preuves tangibles font défaut (…) Aller à Rome, c’est garder vivants les souvenirs, empêcher qu’ils ne s’estompent« ), 80 (2 fois: « Je retournerai chez Giolitti, si je vais à Rome. C’est un endroit que j’affectionne car j’y ai des souvenirs » et « Je me retrouverai à Rome, et les lieux seront différents de ce qu’ils sont dans mes souvenirs, plus banals, dépouillés, moins évocateurs qu’ils ne le sont dans ma mémoire ; (…) pourtant, y penser me réconforte et m’émeut. Pouvoir y revenir et m’y arrêter, à l’écoute des battements du temps« ), 99 (« Un autre endroit où je veux retourner si je vais à Rome, c’est le parc de Villa Pamphili, ce circuit où nous allions nous entraîner avec Mylène« ), 128 (« Je retournerai via Borgognona, à Rome. (…) Pendant des années Gloria s’y est rendue chaque jour« ), 171 (« Aujourd’hui que je désire y retourner pour un séjour, Rome me manque pour la première fois depuis que j’en suis partie. Nostalgie neuve, inconnue. Jusqu’à présent, la ville m’avait semblé être un chapitre révolu, un tressaillement terminé du passé. Maintenant, j’ai hâte de la revoir, je suis impatiente de renouer un pacte avec elle. J’habite à Paris depuis plus de vingt ans, sans avoir jamais réussi à me sentir parisienne. (…) D’ailleurs, s’expatrier dans mon cas n’a pas été un désir : plutôt une nécessité du cœur, un besoin spontané de rejoindre Pierre, de partager sa vie« ), 200 (« Pierre comprendra si je lui fais part de mon idée d’aller passer quelques jours à Rome toute seule ; il comprend toujours« ), 224 (« me demandant si je dois ou non faire mon voyage à Rome« ), 225 (« Je pense partir quelques jours, Pierre. Je ne suis pas allée à Rome depuis les funérailles de ma mère. J’ai besoin de revoir ma ville, elle me manque« ), 226 (« Quelle drôle d’idée, ma chérie. Qu’est-ce que tu pourrais bien trouver à Rome que tu ne connaisses déjà ? Mais vas-y, bien sûr, si tu en éprouves le besoin. Je m’occuperai des enfants, comme ça tu partiras plus tranquille« ), 227 (« Les funérailles _ de Gloria _ à Prima Porta  (…). Notre effroi à nous ses filles, pas du tout préparées au coup violent de cet événement inattendu. Tout avait été rapide, aussi sacrément rapide qu’il avait été, ensuite, difficile et long de le digérer. Pour cela aussi, le besoin de partir, de revoir Rome. Réinventer la conclusion posthume d’un parcours qui s’est terminé de façon traumatisante car trop brutale » et « Seule Rome m’obsède à présent. Revoir la ville qui est la mienne et celle de Nina, avoir l’illusion pendant quelques jours de recomposer une mosaïque dont les tessons se sont presque perdus dans ma mémoire aussi. Suturer une plaie impossible à recoudre« ) et 228 (« Des pensées de ce genre me traversent ce samedi matin, alors que, restée seule à la maison, j’allume mon ordinateur et me décide enfin : j’achète un billet d’avion pour Rome« ).

La présence à Rome de la narratrice lors de son « retour » d’une semaine, apparaît nommée à 8 reprises dans son récit rétrospectif « romain« , de la page 229 à la page 241 :

aux pages 230 (« J’aimerais bien revoir Marcos à Rome. (…) Mais Marcos n’est pas là, il est en Argentine« ), 232 (« À Rome ? » et « Mais qu’est-ce que tu fais à Rome, Maddalena ? Il est stupéfait, Seba, très surpris »), 233 (« Et ta sœur, elle en dit quoi, que tu sois venue à Rome comme ça, sans mari et sans elle ?« ), 234 (« Il est évident que tu en avais besoin, si le fait d’être à Rome te fait autant de bien que tu le dis, mon amour, me dit Pierre lorsque, rentrée tard le soir à l’hôtel, je l’appelle enfin. J’entends sa belle voix claire, vibrante »), 235 (« Devant celle qui était notre maison, en levant les yeux je parviens à voir l’angle de notre balcon. Je souris, libérée et nostalgique. Ces états d’âme, je les recherche depuis des semaines, depuis qu’à Paris je me suis mis en tête de vouloir aller à Rome. Le voilà le sens de mon petit pèlerinage : cette tristesse libre« ), 236 (« Je ne vis pas ici ; je suis en visite à Rome, comme touriste… mais pas une touriste par hasard« ) et 239 (« Peut-être que tu vas revenir à Rome et tu viendras chez moi, à la maison dans la journée il n’y a jamais personne« ).

Et le souvenir de ce séjour « romain » et la nécessité de le « rapporter » à un interlocuteur _ ou lecteur _ qui le reçoive, est mentionné à 3 reprises dans le chapitre conclusif, « parisien« , qui va de la page 242 à la page 245 :

aux pages 243 (« Le magnolia de la cour est en fleur, ça a dû se passer pendant que j’étais à Rome« ), 244 (« Ce qui m’est arrivé à Rome, il faut que je le raconte à quelqu’un. Partager : nommer l’événement avant qu’il ne se congèle dans mon imagination sous forme de fantôme« ) et encore 244 (« À mon retour de Rome (…), Sam m’a regardée fixement, un long regard inquisiteur — comme s’il avait tout vu« ).

L’étrange et surprenant, c’est l’échange final des comportements entre les deux membres de ce très lié _ presque imbriqué _ couple sororal , Madeleine et Nina, qui survient en ce « retour à Rome » de Madeleine,

de même, aussi, que dans la décision _ parallèle, à Brooklyn _ du double renoncement _ définitif, provisoire ?.. Mais pour Nina aussi, comme pour Maddi, tout reste ouvert au final : « pas aujourd’hui. Une autre fois. Demain peut-être« de Nina de quitter son mari Brian, à New-York, et de « retourner à Rome« , comme elle l’avait envisagé, disait-elle à sa sœur (« je pense rentrer à Rome, j’y pense vraiment« , tel que le citait la narratrice, Madeleine, à la page 104 du récit ;

avec le complément, aussi, de cette réflexion, alors, à ce moment, de Madeleine :

« Pour moi, les géographies sont des choix inébranlables, pour Nina, des transits provisoires, des hypothèses prêtes à se muer en d’autres accostages _ ici, et pour Nina, de New-York-Brooklyn à Rome, par exemple _, en de nouveaux ancrages temporaires« …) _ mais y a t-il vraiment du définitif et du complètement solidifié pour Maddi elle-même ?..

Même si, et c’est capital, le final du récit demeure, lui, ouvert :

« Je _ Madeleine _ vais lui _ Nina _ demander si elle peut m’accueillir à New-York, quelque temps, chez eux : mais pas aujourd’hui. Une autre fois. Demain peut-être« …

Ainsi la carapace protectrice-défensive indurée de Maddi-Madeleine s’est-elle finalement un peu entrouverte, à Rome…

Quant à Nina, et toujours en ce même dernier chapitre, et  à la page 243, voici ce qu’elle confie à ce même moment, au téléphone, depuis Brooklyn, à sa sœur Maddi :

« Il y a des trains _ ou Kairos… _ qui ne passent pas souvent dans une vie : il s’agit de savoir ne pas les rater. (…) Des arguments qui m’ont convaincue d’essayer encore _ voilà _ avec Brian. Ce n’est pas le moment de lâcher. Après tellement de temps ensemble, je dois essayer de ne pas tout envoyer balader, tenter, au moins…« .

Si les chapitres du roman ne comportent pas de titres,

le récit se trouve partagé en 4 grandes parties, de longueurs assez inégales, et aux intitulés assez parlants :

1) « Les courants » _ affectifs et pulsionnels, basiques pour la formation des personnalités… _ (pages 13 à 89)

2) « Les additions » _ de liens inter-personnels, avec leurs poids et indurations… _ (page 93 à 190)

3) « Les départs » _ d’abord géographiques : pour Paris et pour New-York… _ (page 193 à 212)

et 4) « Occasions » _ au pluriel, mais sans article ! Ou la croisée cruciale de Kairos... _ (page 215 à 245)

Et en voici le résumé :

Maddalena et Nina grandissent dans une famille dysfonctionnelle : leur mère _ Gloria Recabo, argentine vivant à Rome _ a quitté le domicile pour s’enfuir avec son amant _ Marcos, argentin, lui aussi _ tandis que le père _ Sebastiano Cavallari, Seb, romain des Castelli (à Genzano)… _ est obnubilé par son travail _ de photographe de mariages _ et incapable d’assumer ses responsabilités. Suite à une décision de justice, elles vivent seules dans une maison à Rome _  située à proximité du splendide parc verdoyant de la Villa Doria-Pamphili, dans le quartier de Monteverde _ sous la surveillance d’une gouvernante _ française, Mylène Roussel. Maddalena et Nina développent une relation fusionnelle.

ainsi que la 4e de couverture :

Que reste-t-il du lien que deux sœurs ont su tisser au milieu de l’enfance explosée, quand leurs parents se séparèrent et s’absentèrent ? Ce lien est celui de Maddi et Nina, la cadette, sœur intense, sœur jaillissante. Au côté de l’écorchée vive, Maddi a su se faire une carapace d’intelligence pour se retirer et observer _ telle sa petite tortue _ la vie sans jamais trop s’y exposer.

Mais, longtemps après, lorsqu’elle décide de laisser un temps _ une petite semaine de « vacances romaines«  _ sa maison parisienne, ses deux enfants _ Valentina-Val, et Samuel-Sam _ et son couple forteresse-tendresse _ qu’elle forme avec son cher mari à la « belle voix claire et vibrante«  Pierre, diplomate à l’Unesco _, pour revenir sur les lieux de son enfance, Maddi sent que sa carapace se fendille et qu’un équilibre _ de paix lentement gagnée  _ menace de se rompre. Tout le passé resurgit, les lumières déchirantes de Rome, Mylène la gouvernante athlétique _ française, originaire de Nantes _, les espérances, les leçons, les duretés et ce lien avec Nina plus fort que l’amour.

Que faire alors d’une carapace ? de deux ? Et les carapaces vieillissent-elles ? N’interdisent-elles pas les caresses ? Et puis, apportent-elles la paix ? _ cette paix qui n’est pas simplement l’absence de guerre, mais bien la concorde, l’union vraie et profonde des cœurs, comme nous l’apprend Spinoza…

Parce qu’il est le roman des sœurs, Sous ma carapace est celui des femmes dans le temps des fidélités _ et rencontres : oui, c’est bien cela.

Et fidélité au soi-même aussi : à découvrir peut-être, et en cherchant pas mal (sans rechercher cependant, surtout pas !), en apprenant à accueillir, plutôt même que saisir, au passage, seulement, tellement c’est fragile et délicat en la rareté de sa pure et si frêle beauté… Une grâce assez difficile, mais pas non plus impossible, à retenir, soigner, entretenir et cultiver…

Le principal du secret de l’art de vivre une vie vraiment humaine heureuse étant bien là.

Un livre passionnant, subtil et infiniment délicat

d’une très belle et fine écriture (et traduction) !!!

Ce vendredi 28 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’art du maquillage et du démaquillage, dans « Cara pace » (paru en italien, en 2020) et « Sous ma carapace » (traduit en français, en 2023), de Lisa Ginzburg, ou l’urgence en partie cathartique d’un récit de presque émancipation (d’un cadre familial cabossé), à absolument partager, pour se prémunir de la menace du retour éventuel de fantômes …

27avr

L’art du maquillage et du démaquillage (entre « Cara Pace«  _ en italien : le livre est paru en 2020, à Milan, chez Adriano Salani Editore, sur décision de Luigi Spagnol... _ et « Sous ma carapace«  _ en français : le livre vient tout juste de paraître le 6 avril dernier aux Éditions Verdier, dans l’excellente collection « Terra d’altri » de Martin Rueff… _ de Lisa Ginzburg

_ née à Florence le 25 octobre 1966, Lisa Ginzburg, qui vit depuis longtemps à Paris, est la fille du très grand historien (de la microhistoire) Carlo Ginzburg (Turin, 15 avril 1939) et la petite-fille de la magnifique Natalia Ginzburg (Palerme, 14 juillet 1916 – Rome 7 octobre 1991)… _ :

protéger et se protéger durablement soi et d’autres ou/et s’éclater _ soi _ en s’émancipant, au moins une petite fois, en une occasion totalement imprévue, du cadre ambivalent de son histoire familiale un peu trop cabossée en son départ, entre Genzano, Rome, Paris (ainsi que New-York-Brooklyn) ; ou l’urgence d’un récit à absolument partager…

De la première phrase, page 13 : « Je décide que je dois absolument aller à Rome. Je prends la décision un soir, en me démaquillant. Pierre est déjà couché…« ,

à, page 244, « Ce qui m’est arrivé à Rome, il faut que je le raconte à quelqu’un. Partager : nommer l’événement avant qu’il ne se congèle dans mon imagination sous forme de fantôme _ qui revienne méchamment (me) hanter. Le garder pour moi, protégé par ma carapace – cara pace, je n’y arrive pas. Ça ne m’est tout simplement pas possible » _ voilà ! en une fonction en quelque sorte cathartique du récit (parlé ou écrit)... _,

et surtout, à peine 15 lignes plus loin,  à la page finale, page 145 : « Il n’y a rien à commenter, ni à conseiller _ de la part de quelque interlocuteur que ce soit…  Juste attendre que ça passe _ l’ébranlement de l’événement imprévu survenu à Rome, et maintenant ses éventuelles répliques à venir… Chère paix, carapace.

À la fin de notre coup de fil _ à Nina, la sœur (qui vit avec son époux Brian à Brooklyn) de la narratrice, qui vit, elle, avec sa famille, à Paris, dans le 17e arrondissement _, ce que j’étais sur le point de demander à Nina, c’était si elle voudrait bien m’héberger _ chez elle et son mari _ à Brooklyn quelque temps. Partir, seule _ sans son mari Pierre (diplomate à l’Unesco) et ses enfants Val (Valentina) et Sam (Samuel) _, prendre des distances. Mettre de l’espace, du silence, retrouver la clé, le sens _ dérangeant _ de cette rencontre imprévue _ à Rome, au parc aimé de la Villa Pamphili… _ qui m’a choisie et atteinte comme un rayon de lumière.

Confier à Nina, à sa chaleureuse hospitalité d’âme désordonnée et de sœur, une histoire dont il aurait été plus normal qu’elle lui arrivât à elle, et qui au contraire m’est arrivée à moi. Un événement qui n’appartient qu’à moi, mais pourrait être à Nina, et s’il devient aussi le sien, c’est grâce à cette intime indistinction qui nous lie _ depuis la brutale séparation (puis le consécutif éloignement d’elles deux, encore bien jeunes, âgées alors de 9 et 8 ans seulement…) de leurs parents, Sebastiano Cavallari et Gloria Recabo _, ce fil invisible que rien n’a jamais pu rompre.

Je vais lui demander si elle peut m’accueillir à New-York, quelque temps, chez eux : mais pas aujourd’hui. Une autre fois. demain peut-être. » 

À suivre…

Un lumineux roman à connotations _ forcément _ en partie autobiographiques…

Ce jeudi 27 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Intense admiration envers Georges Lambrichs, à l’issue de ma lecture du portrait de l’homme et son oeuvre (dont surtout « Le Chemin »..) que vient d’en tracer Arnaud Villanova en « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs », aux Editions Gallimard

20fév

C’est une intense très vive admiration,

tant à l’égard de l’homme _ « d’une entière droiture et d’une noblesse rare« , dixit parfaitement Jean Paulhan, comme il est rapporté à la page 107, du merveilleux chapitre (pages 104 à 120), intitulé « Le collectionneur«  _ Georges Lambrichs (Saint-Josse-ten-Noode, 5 juillet 1917 – Paris, 9 février 1992)

qu’à l’égard de son œuvre d’éditeur

(dont tout particulièrement _ principalement, mais pas exclusivement _ la formidable collection « Le Chemin« , qu’il fonde _ cf à la page 107 : « Gaston accepte finalement, poussé par son fils Claude et « un peu à titre de compensation » – pour ne pas, pas encore, avoir accepté de l’intégrer au comité de direction du mardi des Éditions Gallimard, que Georges crée la sa collection « Le Chemin » » _, au sein des Éditions Gallimard, au mois de septembre 1959),

un éditeur si magnifiquement perspicace et extraordinairement fin _ et animateur profond (et convivial aussi, et même festif, et c’est très important : possiblement un trait de belgitude… – et c’est ce que m’avait répondu, à Saint-Émilion, l’ami Pascal Chabot, me présentant un de ses amis, bruxellois lui aussi, et éminemment sympathique, à ma question : à quoi tenait ce degré frappant de sympathie chaleureuse qui m’impressionnait en eux : « la belgitude !« , m’avait-il, avec son immense sourire, immédiatement répondu alors ! – ; cf, ce passage, aux page 143-144, dans le chapitre « Les Cahiers du Chemin«  : « Pour orienter ses Cahiers dans le sens de la discussion dont Georges Lambrichs apprécie tant la fécondité des surprises !, Georges a l’idée de ritualiser les rencontres entre écrivains. Il se souvient des bistrots de la Grand-Place de Bruxelles _ voilà ! et Georges Lambrichs est éminemment sensible à la qualité singulière des « ambiances«  ; le mot revient à diverses reprises dans ce livre très fouillé et si riche d’Arnaud Villanova… _où se mêlent les paroles et la rumeur, il voit depuis quelques années les bienfaits et la force _ voilà ! _ des déjeuners Chez Alexandre ou au café de l’Espérance, alors il se dit, allons-y, formalisons l’informel, embrassons notre liberté – et c’est là aussi un trait absolument décisif de la personnalité de Georges Lambrichs – finalement acquise. Dès 1967, sa femme Gilberte et lui décident désormais de recevoir chez eux, tous les mercredis, pour un déjeuner écho de la collection et de sa revue, c’est-à-dire sans cloison, sans préséance ni préjugé, simplement pour les discussions et les occasions de rencontres et ce qui va en surgir. Le principe est simple, Gilberte prépare un plat de pâtes à la tomate, les invités apportent le vin, et la table est grande ouverte. Il y a un noyau d’habitués bien entendu, les Parisiens, et d’autres qui ne le sont pas, mais viennent de temps en temps, quand ils sont là, « tiens, untel est à Paris, proposons-lui de venir mercredi. (…) On se parlait, la parole voyageait (…) On paraissait tous revenir de voyage. Écrire, n’est-ce pas toujours voyager par poïesis !… en soi ? »« …) de la vie littéraire de la seconde partie du XXe siècle en France _,

que je ressens à la lecture, ce jour, du passionnant travail d’enquête à lui _ et son œuvre surtout d’éditeur _ consacré par Arnaud Villanova en ce très riche, vaste et profond « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs » _ après, notamment, de très éclairants entretiens remarquablement fouillés avec J.M.G. La Clézio, Jean-Marie Laclavetine, Nathalie Lambrichs, Louise Lambrichs, Colette Lambrichs, Gérard Macé, Erik Orsenna, Claire Paulhan et Jacques Réda (ainsi que Arnaud Villanova  prend soin de le marquer en ses « Remerciements«  d’auteur à la page 18 de son livre)qui vient tout juste de paraître aux Éditions Gallimard le 16 février dernier _ ainsi que m’en avait avisé le 1er février dernier l’ami Pierre Coutelle alors que je lui parlais de l’« Ut musica, ut poiesis » de Michel Deguy (avec Bénédicte Gorrillot), que fait paraître, le 6 juin à venir, en ses Éditions du Canoë, Colette Lambrichs, la propre nièce, justement, de Georges Lambrichs, comme je l’ai appris alors à Pierre.

Et le 20 mai 2014, c’était à la Librairie Mollat, et à propos de l’œuvre d’Imre Kertész, que j’avais rencontré Nathalie Georges-Lambrichs, la fille aînée de Georges, venue présenter un travail collectif intitulé « L’Homme Kertész : variations psychanalytiques sur le passage d’un siècle à un autre » ; et nous avions immédiatement sympathisé

Ce dimanche 19 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Redécouvrir ou découvrir, et en toute saison, la délicieuse petite musique de Michele Mascitti (1664 – 1760)…

22jan

La période du Covid m’avait empêché de me procurer un 5ème CD _ après les 2 CDs de son « Opera prima« , par l’Ensemble Baroques-Graffiti (les CDs APO 156 et 157, de l’éditeur Acte Préalable, parus en 2008 ; le vraiment superbe CDs de son Op. 2, « 6 Sonate da camera« , pour le label espagnol Cantus, paru en 1997 ; et le CD de son « Opera ottava« , le CD Arcana A 111, paru en 2018 _ du compositeur italo-parisien Michele Mascitti, soit le CD Arcana A 473 de ses « Sonate a violino solo e basso Opera nona » de 1738,

dont j’avais cependant signalé l’insigne parution en mon article du 19 avril 2020 : «  » _ cf aussi mon précédent article du 28 septembre 2018 : « « …

Après l’avoir expressément commandé, voilà, j’ai reçu ce CD Arcana A 473, et ma curiosité est satisfaite.

Mais jusqu’ici, il me faut avouer que ma préférence va au CD Cantus C 9610 de l’Op. 2, par le violoniste Fabrizio Cipriani et le violoncelliste Antonio Fantinuoli, enregistré à Cravasco, en Ligurie, en novembre 1994, et paru en 1997 :

à écouter ici même ; c’est délicieux,

et en toute saison… 

Ce dimanche 22 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Identifier les domiciles successifs de Maurice Ravel (1875 – 1937) dans Paris : poses de plaques commémoratives…

28déc

Un article publié ce jour par la rédaction de ResMusica, intitulé « Une nouvelle plaque commémorative Maurice Ravel dans Paris« ,

fait état de la pose d’une nouvelle plaque mentionnant une des domiciliations successives de Maurice Ravel (1875 – 1937) dans la capitale,

en partie par les soins de l’Association des Amis de Maurice Ravel.

Une nouvelle plaque commémorative Maurice Ravel dans Paris

L’association des Amis de nous informe qu’après trois plaques commémoratives _ déjà _ posées à son initiative à Paris et alentours _ en l’occurrence Levallois-Perret _, une nouvelle plaque est à présent apposée sur la façade du 15, rue Lagrange à Paris (5e) : « Ici résida le compositeur (1875-1937) de 1896 à 1899 ». Ce sont les copropriétaires de l’immeuble qui ont eux-mêmes pris cette initiative.

L’association indique que c’est cette adresse postale qui figure sur le premier contrat éditorial de la carrière de Maurice Ravel, signé avec les éditions musicales Enoch en date du 22 décembre 1897 pour le Menuet antique (Contrat n°1 p. 1653 du livre Maurice Ravel, L’intégrale. Correspondance (1895-1937), écrits et entretiens, Paris, Le Passeur Éditeur, 2018) _ un travail monumental, et qui se poursuit, mené par Manuel Cornejo ; et une mine d’informations pour la recherche sur le compositeur né à Ciboure… C’est quand Ravel habitait 15, rue Lagrange, qu’il fut admis dans la classe de composition de Gabriel Fauré le 4 février 1898 au Conservatoire national de Paris, rue Bergère – devenue rue du Conservatoire – (9e) _ en regardant les premières pages de correspondance concernant Maurice Ravel, aux pages 65 à 69 de cette « Intégrale« ,  je remarque que la toute première (et seule, jusque-là) adresse de Maurice Ravel qui y figure, et en date du vendredi 9 juin 1899 (en l’occurrence il s’agit d’une lettre de Maurice Ravel à Florent Schmitt), ne concerne pas cette adresse du 15 rue Lagrange, dans le 5e, mais cette fois le « 7 rue Fromentin« , dans le 9e : non loin du Boulevard de Clichy, et des Places Blanche et Pigalle… Alors que le « 15 rue Lagrange«  se trouve sur la rive gauche, non loin de la Place Maubert, dans le 5e.

Les trois plaques commémoratives qui avaient déjà été posées à l’initiative de l’association des Amis de Maurice Ravel sont les suivantes : au 21, rue d’Athènes (9e) – avec le mécénat de la Fondation La Marck –, au 19, boulevard Pereire (17e) et à Levallois-Perret 11, rue Louis Rouquier (rue Chevallier du vivant du compositeur).

Une première plaque avait été posée en 1969 au 4 avenue Carnot (17e), adresse du compositeur de fin 1908 à 1917.

Le 28 décembre est la date anniversaire de la mort de Maurice Ravel _ le 28 décembre 1937. Le compositeur, décédé en 1937, il y a 85 ans, est inhumé au cimetière de Levallois-Perret _ son ultime domiciliation parisienne, en quelque sorte… (NF)

Ce mercredi 28 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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