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Balance de « l’humain » au stade gazeux du luxe : le diagnostic d’Yves Michaud

31déc

Pour continuer à réfléchir sur l’état présent de l' »humain« , tel que le présentent des phénoménes d' »aisthesis »  comme ceux qu’analyse Yves Michaud en son blog de Libération « Traverses« ,

et poursuivant lui-même sa réflexion de son opus de 2003 : « L’Art à l’état gazeux _ Essai sur le triomphe de l’esthétique« ,

voici

ces réflexions-ci,

en réponse à certains des « commentateurs« 

de son tout récent article « Le Luxe à l’état gazeux« , in Libération, en date du 29 décembre dernier, avant-hier :

Le luxe à l’état gazeux

Luxe et art ont une signification qui se recoupe(nt) sur certains points intéressants. Le luxe renvoie à l’idée d’abondance, de profusion, mais aussi de décoration et d’ornement, avec une connotation ambivalente de louange et de dénonciation. « Luxe » et « luxure » sont des doublets.

Il y a aussi, dans l’idée de luxe, celle d’un écart par rapport à la règle et à la ligne droite: le mot « luxation » vaut pour les articulations abimées et a la même étymologie. Or l’art et l’ornement ont aussi une origine étymologique indo-européenne qui en fait un écart et un ajout par rapport à la nature : l’art est ce qui se superpose et s’articule à la nature. C’est sur ce point qu’art et luxe se rejoignent : le luxe et l’art sont des ajouts décoratifs ou ornementaux, qui ne sont ni naturels ni indispensables, qui impliquent une déviation par rapport au naturel ; et souvent même un excès, avec la dépense somptuaire qui va de pair. Toutes les cultures associent art, dépense, artifice et excès non naturel.

De fait, toujours et partout l’art a été un luxe : non seulement parce qu’il va au delà du nécessaire, mais aussi parce qu’il met en œuvre des matériaux précieux, des habiletés techniques rares et coûteuses ; et qu’il est destiné à des usages précieux, qu’ils soient religieux ou séculiers. La fameuse « Salière » de Benvenuto Cellini fabriquée en 1542-1543 pour François Ier, coûta à l’époque 1000 écus d’or. On n’est pas très loin du crâne en platine de Damien Hirst (« For the Love of God« ) de 2007, avec ses 8601 diamants, vendu pour 74 millions d’euros.

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Ce lien d’excès et d’artifice entre art et luxe persiste aujourd’hui avec la corrélation entre nouvelles formes de l’art et nouvelles formes du luxe.

Pour ce qui est de l’art (au sens des arts visuels), il consiste de moins en moins en « œuvres« , pour  la bonne raison que se sont généralisées les stratégies « à la Duchamp » de production de ready-mades ; et que tout peut faire œuvre, y compris l’infime ou l’invisible. L’art consiste _ avec ou sans insister ? _, en fait _ c’est le cas de le dire ! _, de plus en plus, en expérience _ voilà : et de la part de qui ? de l’artiste qui le propose ? du public qui en fait l’« expérience » ?.. _ d’environnements et d’effets multi-sensoriels où sont réunis stimuli visuels, sonores, odeurs, ambiances et atmosphères dans des installations _ d’artistes (affirmés tels)…

Dans le même temps, la hiérarchie _ reconnue, grosso modo, socialement _ des arts a changé, avec un retour au premier plan de l’architecture, un développement du design, y compris comme design sonore, et le succès grandissant d’arts mineurs comme la cuisine, les parfums, la mode, le maquillage. L’art est devenu _ sociétalement ; sinon sociologiquement… _ un art d’environnement ou encore « ambiantal« .

Ces changements vont de pair avec une nouvelle forme d’expérience de l’art _ voilà ! _, distraite et flottante _ de la part du public, cette fois ; mais s’agit-il ici d’un « Homo spectator » (selon Marie-José Mondzain) ? et en un « Acte esthétique » (selon Baldine Saint-Girons) ?.. L’empirisme d’analyse d’Yves ici s’amuse, vraiment, beaucoup ! J’entends d’ici son rire empiriste ! La valeur principale au cœur de l’art est désormais _ sociétalement et sociologiquement : Pierre Bourdieu, l’inénarrable analyste de « La distinction _ critique sociale du jugement« , en 1979, éclate lui aussi de rire de dessous la tombe ! _ celle du divertissement _ « entertainment » ! dans le vocabulaire des entrepreneurs des studios de Hollywood, chaînes de télévision en pagaille, et autres vendeurs de « temps de cerveau humain » disponible… _ et du plaisir _ l’appât minimal et basique ; jusque dans le commerce de la pornographie… _ réunis dans un hédonisme _ voilà la philosophie qui a le vent en poupe : le plaisir est bien son carburant ! _ sans engagement _ surtout pas ! car alors, adieu Berthe !..  _ ni moral ni politique ; ou alors tellement léger _ quelques secondes : pas trop de temps à perdre, non plus, quand même… just for the fun _ qu’il n’est plus un engagement. L’expérience est celle d’une cénesthésie (complexe de sensations) débouchant éventuellement sur des partages _ tout de même : un minimum de connivences (langagières) comme « autorisation« , de fait, d’un minimum, cependant, de « légitimité » de l’éprouvé, même aussi « léger » et aussi peu « engageant » : les autres partagent-ils mon point de vue ? ouf ! me voilà rassuré ! la solitude (de l’éprouvé), ou « a-normalité« ,  étant rien moins que terrifiante : « monstrueuse«  !.. _ d’émotions. L’expérience esthétique contemporaine est une expérience diffuse, l’expérience d’un environnement saisi de manière inattentive et distraite, perçu _ juste _ « en passant«  _ dans la rue, par exemple ; et si possible « passante« , « passagère », la rue : sinon, pas de vérificateur (de conformisme) ! Quel effroi ! et quelle inutilité, aussi… Elle est fortement dépendante de moyens technologiques très avancés _ vive (et vivement, aussi !) la caution du « moderne« , de l’« up-to-date » ! _ et largement répandus, avec une base de production industrielle évidente _ l’invisibilité, la non-exhibition, n’ayant pas la moindre fonctionnalité ; et les exemples (les dits « people » : ils ont tellement besoin du regard populaire ! ainsi que de l’audimat : sinon ils seraient plus nus que nus…) venant de haut !

De ce point de vue, il devient difficile de faire la différence entre œuvre à proprement parler _ en dur ? durable ? et par quels facteurs, donc ?.. on doit se le demander aussi… _, décoration, environnement et expérience de consommation commerciale. Ceci va de pair dans nos sociétés de consommation et de plaisir avec une esthétisation _ soft, très soft… _ de la vie qui touche de plus en plus de domaines : la mode, le design, l’esthétique corporelle, la cuisine, la culture physique, la chirurgie esthétique, le secteur du luxe et jusqu’aux beaux sentiments _ affichés, sinon ça n’en mérite pas la peine ! _ qui sont devenus obligatoires sous peine d’incorrection politique ou morale _ car voilà le nouveau standard (d’intégration/exclusion) !

Dans l’idée courante, l’industrie du luxe produit sous des noms _ magiques ! _ de marque prestigieux des objets _ de prix d’achat conséquent ! _ faits de riches matériaux travaillés par des artisans exceptionnels pour des élites _ mais qui « le valent bien » vraiment, elles ! Pas seulement au niveau du slogan à l’adresse de tout un chacun acheteur de produits seulement « dérivés« , selon le slogan (efficace !) de l’Oréal, la marque de Liliane Béttencourt… Il faut déjà réfléchir qu’une somme _ réunie, rassemblée, pas seulement amassée _ d’objets fait un décor et un décor une ambiance, comme celle que l’on trouve quand on visite les demeures des « grands collectionneurs«  _ type Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent…

Les industriels du luxe poursuivent cette production, notamment à destination de leurs nouveaux marchés, ceux qui ont le mieux résisté à la crise, les marchés des pays émergents d’Extrême-Orient ou des Émirats arabes.

Il y a cependant un écueil très dangereux _ de banalisation ! _ pour les firmes comme pour les consommateurs, celui de la production industrielle de produits de luxe, qui deviennent en réalité ce qu’on appelle des « produits dérivés » et donc des produits de grande consommation _ la plus large possible : chiffre de vente oblige ! _, même si demeure le fétichisme _ sinon, pas d’achat ! _ de la marque.

Le secteur des parfums est, à cet égard, exemplaire, puisque les parfums sont pour la plupart produits par des maisons prestigieuses de haute couture dont les produits propres _ les vêtements _ sont inabordables _ of course ! et off course_ pour le consommateur moyen : la femme qui achète un parfum Saint-Laurent ne s’habille en général pas _ c’est ici un euphémisme _ de robes originales Saint-Laurent _ vivent (et prospèrent) les conduites magiques de « participation » imaginative…

Comme variante de cet écueil, il y a cet autre danger _ pour les finances des détenteurs de droit des « marques » ! pas pour ceux qui se parent des ersatz… _ qu’est la contrefaçon : elle se répand elle aussi de manière industrielle _ appât des gains obligent ! _ au même rythme que la production originale ; et elle ne peut guère être combattue qu’au nom de principes juridiques dès lors que tous les produits dérivés se rapprochent les uns des autres au point de se confondre _ aïe ! _ pour des raisons de production de masse _ il faut donc maintenir soigneusement les « distinctions » marquées dûment autorisées, labélisées…

Des enquêtes récentes sur les produits que les personnes de revenus supérieurs associent _ imaginativement sociétalement _ avec le luxe aux USA, en France et au Japon témoignent d’un changement significatif de la perception _ sociétale _ du luxe, et qui s’accorde avec ceux à l’œuvre dans les arts visuels _ dûment estampillés, eux, probablement, du moins : le doute s’y insinuerait-il donc ?..


Certes les Français comme les Américains associent encore l’idée du luxe à des objets comme les voitures, les bijoux, les œuvres d’art, les vêtements, les montres, mais ils associent aussi le luxe avec avions privés, yachts, hôtels, villas, voyages, parfums, clubs réservés, toutes choses qui renvoient à des expériences _ voilà ! _ comme celles du voyage, du tourisme, de l’évasion rapide et rare _ et chère. Le luxe, c’est en ce sens l’expérience de la vie légère et rêvée _ exotiquement _, une qualité d’expérience rare réservée à des happy few _ pouvant se les payer (ou faire offrir) ; jusqu’à en faire étalage ; cf le bling-bling des people au pouvoir dans ce que sont devenues nos malheureuses démocraties ! _, en échappant _ ouf ! vive la « distinction«  bourdieusienne… _ aux objets banals produits en masse pour les masses. La plupart des industriels du luxe confirment cette évolution : face à l’industrialisation de produits qui sont au bout du compte très proches, qui sont de toute manière banalisés et n’ont plus de luxe que la marque _ aïe ! _, il leur faut désormais soit vendre ces produits comme des expériences _ subtiles ! _ particulières, soit vendre des expériences luxueuses tout court.

La publicité du marketing expérientiel _ un concept bien intéressant ! _vend non pas des parfums pour parfumer, mais des expériences de parfums Dior, ou Saint-Laurent, ou Prada _ mazette !

On n’a pas été assez attentif à certains comportements en apparence seulement bizarres ou excentriques qui font entrer dans le monde de l’expérience tout court _ mais une expérience rare _ difficile d’accès _ considérée comme nouveau luxe, par exemple les premiers balbutiements du tourisme spatial. Seules quelques personnes peuvent s’offrir (et songent pour le moment à s’offrir) ces voyages en orbite qui coûtent des dizaines de millions de dollars. Le luxe ici, c’est celui d’une expérience réservée à quelques-uns seulement, comme dans le temps on s’achetait un « baptême de l’air » en avion ou en hélicoptère, voire, il n’y a pas si longtemps, une escapade en Concorde menant de Paris à Paris via le survol aussi rapide qu’absurde de la côte atlantique de la France.

La fascination pour les privilèges _ voilà : l’inverse de l’égalitaire ; cf le « Qu’est-ce que le mérite ? » d’Yves Michaud ; et mon entretien avec lui dans les salons Albert-Mollat le 13 octobre dernier ; ou mon article sur tout cela : « Où va la fragile non-inhumanité des humains ?«  _, pour les « listes« , pour les carrés réservés, les clubs exclusifs _ fermés aux autres ! renvoyés à leurs misérables pénates de ploucs ! _, pour les traitements différenciés des consommateurs selon leur pouvoir d’achat _ au niveau même des cartes bancaires _ relèvent aussi de ce transfert de la qualité de luxe sur des expériences rares et réservées _ qui en leur fond _ voilà un critère assez intéressant… _ peuvent être aussi inintéressantes _ tiens-donc : selon quels critères ? et quels « fondements » ?.. ah ! ah ! _ que l’expérience ordinaire _ trop « commune » ; pas assez « branchée«  _ ouverte à tous, mais dont la condition de rareté exclusive fait toute la précieuse différence _ rien que structurelle ; de comparaison strictement « idéelle«  : sans contenu ; et sans fond ! Voilà l’authentique misère se pavanant en transports et résidences « de luxe« … Quand ces rois-là _ cf le magnifique conte d’Andersen « Les Habits neufs du roi«  _ sont plus nus que nus !!!

Toujours selon ces enquêtes, les Japonais demeurent, en revanche, étonnamment traditionalistes, puisqu’ils continuent d’associer prioritairement le luxe aux montres, aux sacs à main, aux automobiles, aux bijoux, aux habits et aux chaussures. Il faudrait cependant prendre en compte qu’ils ont une conception de l’art et des expériences esthétiques fortement différente des nôtres, faisant depuis bien longtemps place à des qualités sensibles qui ne sont pas des qualités d’objets _ en dur _, mais d’expériences _ justement… _ et d’environnements (le vieux, le fragile, la beauté de l’âme intérieure ou celle de la nature en train de changer) _ de l’homo spectator ; et de l’actus aestheticus, si je puis dire ; en un contexte plus prégnant, in fine, que le seul objet envisagé en lui-même…

Au fond, de même que l’art est devenu gazeux, le luxe aussi se transforme ou, mieux, se vaporise en expériences _ gazeuses… Le parfum, si central dans l’esthétique de Baudelaire _ certes ! _, mérite de retrouver aujourd’hui la place pivot qu’il devrait tenir dans toute conception de l’expérience esthétique en général _ y compris authentique ; je renvoie ici aux œuvres-maîtresses de mes amies Baldine Saint-Girons, « L’Acte esthétique« , et Marie-José Mondzain, « Homo spectator » : des must !

Même si la formule est à l’emporte-pièce, on peut dire : «Finis les objets _ en dur _, bienvenue aux expériences _ gazeuses _ _ soit le statut de privilège du « singulier » jusque dans la sensation la plus évanescente : soigneusement présentée (à acheter : cher !) comme « hors-normes« 

Photo © AFP (La Salière de Benvenuto Cellini)
Photo © Reuters (Crâne de diamants de Damien Hirst)

Rédigé le 29/12/2009 à 12:34 dans Arts

Commentaires

« L’expérience » une fois morte et nous avec, il y a quelque chose de pathétique et de profondément morbide dans la recherche de différenciation des zombies parallèles que nous sommes, à travers le culte de qualités d’expériences qui ne doivent rien à l’attention que l’on y porte, comme la question de la dérive le proposait et l’engage, mais à une fuite en avant dans le calculable que l’on thésaurise, avec l’avidité de celui qui toujours inquiet de ce qu’il risquerait de manquer reste étanche aux effets de présences qui s’offrent à lui, dans le plus simple appareil et d’un splendide dénuement.

Rédigé par : bénito | 30/12/2009 à 14:03

C’est ce très remarquable « commentaire« -ci, de Bénito, que je souhaiterai « commenter » un peu en détail ici même, maintenant :

«  »L’expérience » une fois morte, et nous avec » : devons-nous nous résigner à ce « constat«   ? Que Georges Didi-Huberman qualifierait sans doute d’« agambien » ; mais estimerait d’un pessimisme excessif : « à mieux gérer« , selon une autre expression, encore, après celle de « destruction de l’expérience« , de Walter Benjamin, que cite Didi-Huberman.

« il y a quelque chose de pathétique et de profondément morbide _ = un symptôme de nihilisme ! parfaitement !!! et gravissime… _ dans la recherche de différenciation _ si dérisoirement vaines !

et il faut en effet, et très énergiquement, en éclater de rire !!! montrer le degré astronomique : kakfaïen (cf son immense  « Journal« ) ! bernhardien (cf son autobiographie si géniale, ainsi que le magnifique opus ultimum « Extinction«  ) ! kertészien (cf  ce chef d’œuvre absolu qu’est « Liquidation« ) ! de leur « ridicule«  ! _

il y a quelque chose de pathétique et de profondément morbide dans la recherche de différenciation

des zombies _ oui : il faut le proclamer sans cesse ; jusqu’à courir le crier sur tous les toits de la planète : ce ne sont rien que des « zombies« , ces pauvres fantôches qui se pavanent à « faire« , aux micros et devant les caméras des journalistes (complices pour la grande majorité d’entre eux ! des « chiens de garde« , dirait Nizan…), « les importants » ! _

des zombies 

parallèles _ qui ne se rencontrent jamais ; même et surtout en des fantômes de rapports amoureux ; cf le lacanien : « il n’y a pas de rapports sexuels » ; cf aussi le judicieux et très clair « Éloge de l’amour » d’Alain Badiou, ainsi que mon article récent sur cette conférence (donnée à Avignon, avec Nicolas Truong, le 14 juillet 2008), le 9 décembre dernier : « Un éclairage plus qu’utile (aujourd’hui) sur ce qu’est (et n’est pas) l’amour (vrai) : “L’Eloge de l’amour” d’Alain Badiou«  _

que nous sommes » :

que nous sommes, sinon déjà devenus,

du moins en train de devenir, bel et bien, en effet ; si nous n’y résistons pas si peu que ce soit ! un peu plus, davantage, en tout cas, que nous ne le faisons, bien trop mollement, pour la plupart d’entre nous !..

A preuve,

cette incise :

hier même, à mon envoi de l’article commentant la belle et forte indignation de Henri Gaudin quant à l’indigne, en effet, « restauration » qui menace un des plus sublimes hôtels parisiens du règne de Louis-le-Juste (en 1640, ou 42), à l’étrave si belle de l’Île Saint-Louis : « Le courage d’intervenir d’un grand architecte, Henri Gaudin : le devenir de l’Hôtel Lambert dans une société veule« , que voici :

De :   Titus Curiosus

Objet : Un article à propos de l’Hôtel Lambert

Date : 28 décembre 2009 17:28:12 HNEC
À :   Barocco

Voici l’article
en hommage à l’Art du siècle de Louis XIII :
http://blogamis.mollat.com/encherchantbien/2009/12/26/le-courage-dintervenir-dun-grand-architecte-henri-gaudin-le-devenir-de-lhotel-lambert-dans-une-societe-veule/
Titus

Ps :
voici aussi _ il n’y a là rien de vraiment « personnel«  (à éviter de rendre public sur le blog)…  _ le mot que je viens de recevoir de Marie-José Mondzain _ à laquelle j’avais adressé ce même article _ :

merci cher Titus
grâce à vous je lis des livres que je ne penserais jamais à lire
j’écoute des musiques que je n’aurais jamais connues sans vous
oui je lis vos longues phrases et je m’y retrouve très bien !
plein de  vœux chaleureux et d’amitié fidèle

mjm

un ami,

très remarquable entrepreneur de produits artistiques de la plus haute qualité _ il s’agit de ce qui se fait de mieux aujourd’hui dans l’offre musicale _, a répondu ceci à l’envoi de cet article à propos de l’Hôtel Lambert » :

De :   Barocco

Objet : Rép : Un article à propos de l’Hôtel Lambert

Date : 30 décembre 2009 15:02:07 HNEC
À :   Titus Curiosus

Cher Titus,
Merci de ton envoi, toujours pertinent et impertinent. On y voit que tu n’as pas perdu l’espoir, ce qui n’est pas mon cas…
Le dicton de saison : meilleurs vœux !
Amitiés,

Barocco

Nous en sommes donc là en notre belle France… Fin de l’incise ;

et retour au commentaire mien du « commentaire » par bénito de l’article d’Yves Michaud !

« il y a quelque chose de pathétique et de profondément morbide dans la recherche de différenciation des zombies parallèles que nous sommes,

à travers le culte _ voilà _ de qualités d’expériences

_ des individus les ressentant, fugitivement, en leur subjectivité, seulement : ce qui fait le fond, rien moins de la thèse d’Yves Michaud _

qui ne doivent rien _ ni ces « expériences« -ci, ni leurs « qualités« -là… _ à l’attention que l’on y porte

_ et c’est là, ce point-ci de l’« attention«  !, tout le point décisif de l’analyse très fine de bénito ! _ ;

comme la question de la dérive _ qui intéresse Bénito sur son propre blog… _ le proposait

_ en marquant l’affaiblissement, précisément, de cette « attention« -ci en question : fuie ! esquivée ! voire anesthésiée, carrément, dès qu’elle engage à si peu que ce soit :

de l’ordre de ce qu’une Baldine Saint-Girons qualifie si justement d’un « acte » proprement « esthétique » !.. ;

et donneur, lui, « l’acte esthétique«  vrai,

non pas de « plaisir« ,

mais, proprement

_ à mille lieux de l’hédonisme et du dilettantisme (que dénonçait le grand Étienne Borne _ 1907 – 1993 _, en son lumineux « Problème du mal« , en 1963, aux Presses Universitaires de France… _,

donneur de « joie » :

« joie » où s’exprime, se déploie et s’épanouit, aussi _ et c’est même essentiel ! pour l’« humanité«  même de la personne !!! _, quelque chose des qualités propres (en expansion alors) du sujet singulier qui les vit, qui les sent et ressent (et les « expérimente« , ainsi que l’exprime superbement la langue précise et éclairante de Spinoza :

en ces occurrences, un peu rares, certes, là, mais il nous revient de le « découvrir » personnellement, et de l’« apprendre« , et « cultiver » _ cf ici aussi l’immense Montaigne, en ses « Essais« , tout spécialement le dernier, qui ne s’intitule pas tout à fait pour rien « de l’expérience« , au chapitre 13 de son livre III !… _ « découvrir« , « apprendre » et « cultiver » par nous-même : « nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels«  ;

en ces « joies« -là ! où nous passons, on ne peut plus et on ne peut mieux effectivement, à une puissance supérieure ; ainsi que le détaille Spinoza en son « Éthique » (V, 23)…) ;

car c’est du « déploiement » même de nos « qualités » propres et singulières qu’il s’agit bien à l’occasion des joies de ces « expériences » épanouissantes de « rencontres« -là !  » ;

fin de l’incise sur la « joie » même de l’« acte esthétique«  _,

Je reprends donc le fil de la phrase de Bénito :

il y a quelque chose de pathétique et de profondément morbide dans la recherche de différenciation des zombies parallèles que nous sommes, à travers le culte de qualités d’expériences qui ne doivent rien à l’attention que l’on y porte

comme la question de la dérive le proposait

et l’engage _ on ne peut plus concrètement ; empiriquement _,

mais à une fuite en avant _ oui ! infinie… et pour rien… : dans la pure vanité du vide... _

dans le calculable que l’on thésaurise » _ voilà la fausse-piste et l’impasse proposée par la pseudo modernité capitalistique ; là-dessus lire Locke, qui, en père-fondateur de la « pensée libérale«  moderne, en « crache » carrément, et noir sur blanc, le morceau (en son « Essai sur l’entendement humain« , en 1689) à propos des astuces pour faire « travailler » (d’autres que soi) en (les) faisant « désirer » (quelque hypothétique, seulement fantasmée, « consommation«  du pseudo « objet du désir« ) en perpétuelle « pure perte« , ou insatisfaction empirique ! Lire donc un peu (et/ou un peu mieux) les philosophes pour comprendre mieux notre présent ; plutôt que bien des économistes qui vous embrouillent tout, au jeu du bonneteau… _,

« avec l’avidité de celui qui

toujours _ mais mal _ inquiet de ce qu’il risquerait de manquer _ c’est là le leurre du piège même si bien décrit par Locke _

reste étanche _ l’adjectif est superbe, bénito ! _ aux effets de présences _ mais, oui : cf ici le magnifique travail, en 1991, de George Steiner : « Réelles présences _ les arts du sens« … ; mais cf aussi les travaux de Georges Didi-Huberman sur la scintillance vibrante des images pour nous _ qui s’offrent à lui,

dans le plus simple appareil

et d’un splendide dénuement« 

_ c’est absolument superbe de justesse ; et me rappelle le plus éclairant des analyses les plus récentes de Georges Didi-Huberman, justement, tant dans « Quand les images prennent position« , à propos de Brecht, que dans « Survivance des lucioles« , que je viens juste de terminer de lire : à propos de Pasolini, notamment, outre Walter Benjamin et Giorgio Agamben _ Pasolini suivi tout au long du parcours de son œuvre, et d’écrivain comme de cinéaste. Un livre très intéressant en la finesse précise de ses éclairages !..

Voilà qui en une phrase unique dégage l’essentiel _ à mes yeux du moins : c’est cette position-ci  que j’estime (et à un rare point de perfection, même !) juste ; et partage !

Le reste des « commentaires » va probablement un peu moins, ou un peu moins bien, à l' »essentiel » !

Les voici, néanmoins :

Excellent !

Rédigé par : Newsluxe | 29/12/2009 à 19:19

Sur la tension « luxe » (gazeux) / « œuvre » (dure), cf mon article « http://blogamis.mollat.com/encherchantbien/2009/12/26/le-courage-dintervenir-dun-grand-architecte-henri-gaudin-le-devenir-de-lhotel-lambert-dans-une-societe-veule/ »

Titus Curiosus

Rédigé par : Titus Curiosus | 29/12/2009 à 18:09

A relier avec le concept de « destruction de l’expérience » chez Walter Benjamin ; puis Giorgio Agamben ;
ainsi que la « réplique » à cette expression _ en fait des « nuances« , plutôt… _ de la part de Georges Didi-Huberman en son tout récent « Survivance des lucioles » : afin d' »organiser le pessimisme« , comme il le présente…
Pour ma part, je « résiste » (à ces « faits de société« , sinon « de mode » ! de l’ordre du « gazeux« , cher Yves !) sur la « ligne« , voire la « pierre de touche« , plus « dure » _ est-ce là une illusion idéaliste ?.. _ de l’œuvre…
Suis-je en cela hors « empirisme » ?..
En tout cas, je renâcle…

Titus Curiosus

Rédigé par: Titus Curiosus | 29/12/2009 à 17:52

Intéressant. Je ne trouve guère toutefois d’allusion, dans cette longue réflexion, à l’art musical _ et donc au luxe musical, puisque selon YM les deux notions entretiennent des liens assez étroits.

Rédigé par : Sessyl | 29/12/2009 à 17:41

le luxembourg a surement la même racine.

Rédigé par : Salade | 29/12/2009 à 16:32

bravo! pour le texte, le luxe c’est surtout un mélange de style et d’intelligence, surtout d’intelligence

Rédigé par : romain | 29/12/2009 à 15:54

J’ai l’impression que les commentaires sur ce blog seraient un luxe : du simple fait de leur rareté.
La fosse d’aisance d’un bidonville suburbain serait-elle de l’art, un ready made ?

Rédigé par : JPL | 29/12/2009 à 14:10


Voilà !

Voilà de quoi méditer sur et le devenir des Arts, et le devenir de l’expérience esthétique _ en ses acceptions contradictoires, même !


Titus Curiosus, ce 31 décembre 2009

Le souffle de la philosophe sur le monde : un appel fort de Thérèse Delpech (dans le Monde)

22nov

« Le déclin de l’Occident » : un texte fort de la philosophe Thérèse Delpech, ce matin sur le site du Monde ; et qui nous rappelle l’urgente nécessité de telles « mises en perspective«  _ civilisationnelles _, dans un univers médiatique atomisé en misérables micro-considérations, équivalant à un épais brouillard, par son insistant, répété, obstiné rideau de fumée, au fil des jours… et pour quels misérables profits de si peu nombreux (qui, de plus, se croient très malins : « après nous, le déluge ! » ; ou « la France… ton café fout le camp !« , dirent, en leur temps, rapporte-t-on, deux des maîtresses de Louis XV) ?!..

Voici l’article,

assorti, selon ma coutume, de quelque farcissures de mon cru : en forme d’amorce de « dialogue« 


« Le déclin de l’Occident« , par Thérèse Delpech

LE MONDE | 21.11.09 | 13h40  •  Mis à jour le 21.11.09 | 13h40

Le « thème«  _ oui ! et ce n’est pas une problématique ; cf le distinguo nécessaire (!) d’Elie During en sa conférence au CAPC le 7 avril 2009 (cf mon article) _ du « déclin de l’Occident » est utilisé de plus en plus fréquemment _ idéologiquement !.. _ par ceux qui cultivent à son égard ressentiment, désir de revanche, ou franche hostilité : c’est le cas de la Russie, dont tous les Occidentaux cultivés intègrent pourtant le génie artistique dans le patrimoine occidental ; de la Chine, qui attend son moment historique avec une impatience qu’elle a du mal à dissimuler ; ou du régime de Téhéran, dépositaire autoproclamé d’une mission d’expansion de l’islam dans le monde.

Quels que soient les arguments _ idéologiques ? pertinents ? _ utilisés par ces pays _ ou leurs dirigeants _, ils méritent qu’on leur fasse au moins une concession _ de « réalisme » ! _ : ils disposent pour étayer leur thèse de solides appuis ; et notamment de la répugnance croissante du monde occidental _ lui-même… _, États-Unis compris, à continuer d’être des sujets de l’Histoire _ ou la tentation du repli du soi (et son estomac) : et c’est cette situation-ci qui irrite l’auteur de l’article ; jusqu’à l’amener à prendre la plume (ou le clavier)…

En revanche, ces adversaires ignorent une chose aussi importante que ce qu’ils comprennent : le déclin est un des plus grands « thèmes » _ voilà : mais un « thème«  suffit-il à faire une « problématique«  ?.. _ de la culture occidentale, depuis le récit d’Hésiode « Les Travaux et les Jours » à l’orée de la civilisation grecque, jusqu’à l’ouvrage, médiocre celui-ci, mais beaucoup plus connu, d’Oswald Spengler au début du XXe siècle, « Le Déclin de l’Occident« .

Le fil du déclin court dans notre histoire comme un refrain lancinant _ quelles fonctions a donc la ritournelle ? (cf ce concept deleuzien : La ritournelle) _, qui n’est nullement lié à l’horreur du changement, dont le monde occidental a au contraire considérablement accéléré le rythme, mais à une véritable obsession _ à interroger ! et dans ses diverses « versions« _, qui est celle de la chute. Ce n’est pas simplement un héritage judéo-chrétien : avant la chute des mauvais anges du christianisme, il y avait déjà, dans la mythologie grecque, celle des Titans. Dans les deux cas, les héritiers de ces histoires conservent la mémoire d’une irrémédiable _ voilà ! _ perte.

Les versions philosophiques ou littéraires de ce « thème«  _ oui, oui _ sont innombrables : le « Timée » de Platon comprend le récit d’un temps circulaire où il n’est mis fin à la dégénérescence progressive de la création qu’avec l’intervention divine _ démiurgique. Avant Platon, Socrate avait dénoncé un des signes du déclin de la pensée avec la montée des sophistes _ Thrasymaque (dans « La République« ) ou Calliclès (dans « Gorgias« ) _ qui s’intéressaient beaucoup plus à la puissance qu’à la vérité _ un débat toujours, toujours crucial ! Au début du XVIIe siècle, John Milton donne de la lutte des anges une version si terrible dans « Le Paradis perdu » que Bernard Brodie choisira d’en retenir le récit pour introduire un de ses livres sur la bombe atomique.

A peu près au même moment, Miguel de Cervantès consacre son œuvre la plus importante à la nostalgie du monde de la chevalerie : la triste figure de Don Quichotte exprime la tristesse d’un homme qui ne peut pas vivre dans un monde où l’héroïsme et les aventures n’ont plus de place que dans l’imagination _ dévoyée de l’action efficace : cf là-dessus le beau livre de Marthe Robert : « L’Ancien et le nouveau«  Quand l’illusion est devenue impossible à soutenir, il meurt de mélancolie _ oui ! _ sous le regard désespéré de son fidèle Sancho, prêt à reprendre seul les folles entreprises de son maître.

Douze ans avant « Le Déclin de l’Occident » (1918-1922) de Spengler, Andrei Biely donne _ dans son grand « Petersbourg« _ une version beaucoup plus puissante de l’incendie qui commence à saisir le « monde d’hier « _ cf aussi celui, magnifique aussi (!), juste un peu plus tard, de Stefan Zweig_ au début du XXe siècle : « Les événements commencent ici leur ébullition. Toute la Russie est en feu. Ce feu se répand partout. Les angoisses de l’âme et la tristesse des individus ont fusionné avec le deuil national pour produire une horreur écarlate singulière. »

En somme, comme le disait Jacques Bainville, « tout a toujours très mal marché ». Les avenirs radieux, les lendemains qui chantent, ne sont que des épiphénomènes dans la culture occidentale, qui finissent d’ailleurs le plus souvent de façon catastrophique, ce dont témoigne amplement le XXe siècle. Comme quoi le pessimisme peut avoir du bon _ voilà ! C’est un avertissement _ une alerte ! à bons entendeurs, salut ! _ que peu de grands esprits _ voilà ! _ ont négligé _ mais les grands esprits se sentent comme de plus en plus esseulés, par les temps qui courent…

Même les auteurs dont on cite à tort et à travers les propos enthousiastes sur l’Histoire en ont souvent conservé précieusement une solide dose. Emmanuel Kant, par exemple, dont on vante volontiers le projet de paix perpétuelle, sans doute parce qu’il n’a jamais été aussi utopique et perdu dans le brouillard, affirmait _ en sa « Religion dans les limites de la simple raison« , en 1793 _  qu' »avec le bois tordu de l’humanité, on ne saurait rien façonner de droit« .

C’est une conclusion que les Européens ne sont jamais tout à fait parvenus à faire partager aux Américains, dont l’Eden semble manquer d’un acteur essentiel : le serpent. Cette absence est, si l’on peut se permettre cette expression, particulièrement frappante _ hélas ! _ dans l’administration Obama, qui ouvre les bras à tous vents, sans craindre les tempêtes ou même les mauvais courants d’air à l’abord de l’hiver. Le président américain devrait relire Herman Melville _ à commencer par l’immense  « Moby Dick«  _, qui, pour avoir de solides racines écossaises, n’en est pas moins un des plus grands écrivains que l’Amérique ait produit.

Certes, il y a dans le « thème » _ mou _ du déclin un risque évident : le découragement face à toute entreprise humaine, voire, ce qui est pire, une forme de complaisance _ oui : masochiste _ dans la chute, qui est, précisément, l’attitude du personnage de Jean-Baptiste Clamence dans l’œuvre de Camus qui porte ce nom _ en 1956. Tout le monde est coupable dans un monde où la chute est la règle et la rédemption un leurre. Il n’y a plus ni valeurs, ni hiérarchie, ni jugement possibles. La différence entre le meurtrier et sa victime est une affaire de perspective, comme l’est celle qui sépare le « bon » du « mauvais » gouvernement dont une _ justement _ célèbre fresque _ d’Ambrogio Lorenzetti, au Palazzo Publico _ de Sienne a représenté les caractéristiques. On peut se vautrer dans le déclin _ public et privé _ comme d’autres dans la fange et y trouver un certain confort : les choses sont ainsi, pourquoi s’en faire ?

Mais la force _ voilà _ du « thème«  _ en ce qu’il comporte, tout de même, de « problématique » ; et à cette condition sine qua non _ est celle du retour sur soi et de la réflexivité, qui permet de mesurer les erreurs, les fautes, et de porter un jugement sur l’engourdissement éthique _ expression importante ! à un moment de tétanisation face à la marée des corruptions (politico-économiques particulièrement) _ où le monde est plongé _ pour agir alors et dès lors en cette connaissance de cause-là ! Les peuples qui refusent de se pencher sur leur passé n’atteindront jamais la maturité historique. A bon entendeur, salut ! _ voilà !

Il y a là une vraie supériorité _ ah ! ce serait la bonne nouvelle de cette intervention, ici, de Thérèse Delpech ! _ des pays occidentaux, qui ont passé des décennies à tenter de comprendre l’abîme _ voilà ! _ dans lequel ils ont plongé, sur la Chine et la Russie, qui auraient pourtant matière à réflexion _ sans doute !.. Les Européens _ et sans (ridicule !) autosatisfaction ! _ ont, encore aujourd’hui _ mais pour combien de temps ? et lesquels d’entre eux ? Peut-on (jamais !) généraliser ?.. _, conscience de se trouver « au milieu des débris d’une grande tempête », comme l’écrivait Balzac _ dans l’« Envers de l’Histoire contemporaine« , en 1848… _ des rescapés de la Révolution française. Il suffit pour en témoigner de suivre la production cinématographique allemande _ ainsi que sa littérature, aussi ! Ou l’accueil fait (à Berlin) à un Imre Kertész, l’auteur du sublime terrible « Liquidation« 

La réflexion et le souvenir seuls peuvent donner la force _ voilà l’enjeu ! _ de reconnaître dans la violence et la désorientation _ un concept important, lui aussi…de l’époque _ oui : tel est le réel qui interroge !.. _ le prélude potentiel de nouvelles catastrophes _ soit ce qui nous menace tous bel et bien !.. Ils constituent même _ oui ! _ le premier pas _ voilà ! _ pour tenter _ par un sursaut sur soi (de nous tous ? ou seulement des dirigeants ?..) _ de les éviter. Si les massacres passés sont des sujets tabous, comment condamner _ au lieu de se lier les mains ! _ ceux du présent ? Si les liens de Pékin avec le régime de Pol Pot sont censurés _ oui _ au moment du procès des Khmers rouges, si le nombre des victimes de la révolution culturelle ne fait l’objet d’aucun travail sérieux _ oui _ en Chine, si les archives du goulag ou de la guerre en Tchétchénie doivent être protégées _ oui _ des autorités russes, que penser de l’attitude de ces pays _ maintenant _ à l’égard de massacres à venir ? _ certes !!! qui donc le remarque et s’en soucie réellement ??? Qu’est donc ? et où se situe ? le véritable « réalisme » ???

Certes, le retour sur soi, pour être nécessaire, n’est pas suffisant _ non plus : en effet !.. Le monde occidental doit encore affronter _ on ne peut plus activement… _ d’épineux problèmes : la disparition progressive des grandes questions qui ont agité l’esprit _ public : que devient-il, celui-ci ?.. où (dans quels marécages ou quels sables) est-il donc en train de s’évanouir et perdre ?.. qu’en est-il, même, des « démocraties« , aujourd’hui ?.. _ au profit des « puzzles » ou des « minuties » _ oui ! _ dénoncées par Karl Popper dès 1945 _ dans « La Société ouverte et ses ennemis«  _ traduit un rétrécissement _ suicidaire _ de la vie intellectuelle _ oui ! _ au moment précis où la possibilité d’éclairer _ voilà ! _ de nouveaux horizons a considérablement augmenté avec les moyens _ encore faut-il savoir au service de quelles finalités (ou ambitions) on (!) choisit de les placer, ces moyens-là !.. _ de communication contemporains ; la revanche du sacré _ sur le laïque _, avec un retour fracassant de la religion sous des formes violentes et destructrices _ se fanatisant… _, renvoie au vide spirituel _ le nihilisme (!!!) que dénonce la lucidité extrême de Nietzsche ; relire toujours le « Prologue » lucidissime d’« Ainsi parlait Zarathoustra«  _ de nos sociétés : elle ne rencontre d’ailleurs aucune autre réponse que celle des armes _ tristement faible « ultima ratio regum«  Le travail _ de problématisation, d’abord : à l’encontre des vains seuls « thèmes«  _ est à peine engagé sur ces sujets en Occident. Mais le don _ qui le donne ? qui le construit ? _ du souvenir _ cela s’élabore et se construit sérieusement : c’est aussi la tâche (et l’honneur !) du « métier«  d’historien _ est pour les peuples comme pour les individus le début _ déjà _ de la cure psychique. D’où l’intérêt _ somme toute ! et en pratique… _ du « thème » du déclin _ surtout s’il est correctement « problématisé » !..

Pour conclure donc, ce « thème » _ que vient « relancer » ici, avec brio, Thérèse Delpech… _ n’a pas pour fonction _ voilà la perspective foncièrement « pratique« , donc, de Thérèse Delpech ici… _ d’entretenir une culture crépusculaire _ mélancolique… _ ou d’annoncer sans trop de réflexion _ hélas : médiatiquement… _ l’avènement de l’Asie sur la scène mondiale. De quoi parle-t-on au juste en évoquant un ensemble géographique aussi disparate ? Et qui peut dire ce que cet avènement nous réserverait ? L’avenir nous paraîtrait moins profondément déstructuré _ voilà ! _ si nous tirions _ vraiment ! _ les conséquences _ on ne peut plus effectives _ d’une vérité toute simple : le seul moyen de participer _ oui ! _ à la réalisation _ oui ! _ d’un monde _ géo-politico-économique… _ plus stable _ n’est-ce qu’un euphémisme ? _ est d’en avoir _ d’abord ; et si peu que ce soit _ une idée _ puis, qu’elle soit, si possible, un peu « juste« 

Ceux qui disposent des meilleurs outils pour la produire _ cette « idée » d’un « monde plus stable«  : n’est-ce donc là qu’une expression euphémisée ?.. _ sont aussi ceux qui ont la conscience la plus aiguë _ oui _ du caractère tragique de l’histoire _ certes : avis à certains idéalistes américains ??? et affairistes à (fort) courte vue européens ??? Les grandes catastrophes du XXe siècle font partie _ oui ! _ de notre héritage. Nous sommes des êtres du déclin et du gouffre qui ont soif de renaissance et de salut _ qu’entend donc Nietzsche par le mouvement même du « surhumain » ? sinon cela même ?.. Beaucoup de peuples pourraient _ et devraient ; ou doivent… _ se reconnaître dans ce miroir _ et se donner peut-être aussi des dirigeants (à commencer par des chefs d’État ! ou de ce qui en reste… cf notre malingre « Europe« …) en cohérence avec cette lucidité-là!.. Que de chemin (politique et géo-politique, en particulier ; mais aussi dans l’organisation même du travail et de la société ; et de la vie des Arts et de la culture !) à faire !..

Thérèse Delpech


Politologue et philosophe, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) et membre du conseil de direction de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), Thérèse Delpech a notamment écrit chez Grasset « L’Ensauvagement » (2005), « Le Grand Perturbateur : réflexions sur la question iranienne » (2007), et publiera en 2010 « Variations sur l’irrationnel« . ……

 

Une alerte essentielle :

merci !

Madame Thérèse Delpech…

Titus Curiosus, ce 22 novembre 2009

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