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Trouver sa voix, où l’épanouissement proprement ravissant de Sandrine Piau…

10fév

L’heureuse surprise qu’a été pour moi _ cf mon article assez paradoxal d’avant hier 8 février « « … _ le plaisir du CD « Reflet – Berloz – Duparc – Koechlin – Debussy – Ravel – Britten« , soit le CD Alpha 1019 _  enregistré à Besançon au mois de novembre 2022 _ de Sandrine Piau _ et l’Orchestre Victor Hugo dirigé par son très subtil chef Jean-François Verdier _

m’a conduit à très vite rechercher le précédent CD des mêmes _ Sandrine Piau avec l’Orcheste Victor Hugo sous la direction merveilleusement soyeuse de Jean)François Verdier _, le CD « Clair-Obscur – Strauss – Berg – Zemlinsky » _ regarder cette vidéo de présentation du CD par Sandrine Piau elle-même (4’05) _,

soit le CD Alpha 727  _ enregistré à Besançon au mois de mars 2020.

Avec ravissement !

Et stupéfaction même d’être passé à côté lors de la sortie, au mois de mars 2021, de ce délectable bijou…

Probablement par préjugé à l’égard de prononciations jugées par moi défectueuses lors de précédents concerts, ou écoutes de CDs…

D’abord, et déjà, quel choix de programme, idéalement composé…

Mais aussi quel épanouissement de l’art de chanter de tels répertoires, déjà tellement marqués par de très grandes voix…

Voici 3 articles retrouvés sur le web sous les excellentes plumes

de Pierre Degott, pour ResMusica, en date du 19 mars 2021, intitulé « Clair-Obscur envoûtant avec Sandrine Piau«  ;

de Jean Lacroix, pour Crescendo, en date du 14 avril 2021, intitulé « Sandrine Piau et l’alchimie du clair-obscur » ;

et de Jean-Charles Hoffelé, pour son Discophilia, en date du 28 mai 2021, intitulé « Les Voix de Sandrine« …

Clair-obscur envoûtant avec Sandrine Piau

Les Clefs d'or

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Sandrine Piau irradie _ voilà ! _ dans un répertoire où on ne l’attendait _ effectivement _ pas. Interprétation presque chambriste _ oui, comme très personnellement j’aime… _ avec _ oui, c’est le mot absolument approprié !.. _ Jean-François Verdier et l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté.

Qui l’aurait attendue dans ce répertoire ? _ bien peu… Après avoir défendu pendant des années la musique baroque française, italienne et allemande, après avoir trouvé ses marques dans Mozart puis dans la mélodie française, Sandrine Piau s’attaque aujourd’hui aux chefs d’œuvre _ oui ! _ germaniques de la première moitié du XXᵉ siècle. De Strauss et Zemlinsky à Berg, le programme frappe autant par son audace que par sa cohérence _ mais oui. Qui, avant Piau, avait pensé à juxtaposer les Sieben frühe Lieder de Berg et les Vier letzte Lieder de Strauss ? Est-ce parce que l’évidence de cet inhabituel couplage était trop criante ? Les deux pièces s’enchainent quasiment sans pause. Au début du CD, les sonorités capiteuses _ à fondre de volupté ! _ de « Morgen » font directement suite à l’envoûtant « Waldgespräch » de Zemlinksy _ écoutez ici (7′ 03) ; c’est superbe !.. _, le solo de violon s’imposant comme le fil conducteur que l’on retrouvera également dans « Beim Schlafengehen » de Strauss. Pour une fois « Malven », à un moment considéré comme le « cinquième » des Vier letzte Lieder, trouve sa place en conclusion du célèbre cycle immortalisé depuis Kirsten Flagstad par tout ce que le monde lyrique a connu comme grandes sopranos.

Dans toutes ces pièces, Sandrine Piau fait triompher le miracle de sa sensibilité musicale _ oui, pleinement épanouie. Devant tant de beautés vocales, on ne sait s’il faut davantage s’incliner devant la délicatesse infinie _ oui _ des phrasés, devant les moirures argentées de ce timbre flûté d’une rare fraicheur _ oui _ ou devant la palette de couleurs qui pare une ligne vocale d’une extrême droiture. Les cinquante minutes de cet album pour le moins inspirant s’entendront comme une porte vers le monde du rêve et de l’imagination _ probablement : nous chavirons de jouissance. À la tête de l’Orchestre Victor Hugo, Jean-François Verdier _ parfait ! _ opte vers une conception résolument chambriste qui accentue la transparence _ oui _ de l’écriture des pièces de Berg, Strauss et Zemlinsky. Un grand bravo aux musiciens pour ce disque qui, pour beaucoup, sera un baume pour l’âme _ tout simplement.

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Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Waldgespräch, ballade pour soprano, deux cors, harpe et violon.

Richard Strauss (1864-1949) : Morgen ! op. 27 n° 4 ; Meinem Kinde op. 37 n° 3 ; Vier letzte Lieder.

Alban Berg (1885-1935) : Sieben frühe Lieder.

Sandrine Piau, soprano ; Orchestre Victor Hugo Franche Comté, direction : Jean-François Verdier.

1 CD Alpha. Enregistré en mars 2020 à l’Auditorium CRR de Besançon.

Notice en français, anglais et allemand.

Durée : 50:44

Sandrine Piau et l’alchimie du Clair-Obscur

LE 14 AVRIL 2021 par Jean Lacroix

Clair-Obscur.

Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Waldgespräch, ballade pour soprano, deux cors, harpe et violon.

Richard Strauss (1864-1949) : Morgen !, op. 27 n° 4 ; Meinem Kinde op. 37 n° 3 ; Vier letzte Lieder ; Malven.

Alban Berg (1885-1935) : Sieben frühe Lieder.

Sandrine Piau, soprano ; Orchestre Victor Hugo, direction Jean-François Verdier. 2020.

Notice en français, en anglais et en allemand. Textes des poèmes en langue originale allemande, avec traduction en français et en anglais.

50.44.

Alpha 727.

Pour bien saisir la portée artistique de ce _ très _ remarquable CD, nous conseillons, avant audition, la découverte préalable de la notice. On y trouve les reproductions de plusieurs œuvres picturales, de Georges de la Tour à Gustav Klimt en passant par Pierre Bonnard, Pablo Picasso ou Georges Seurat, toutes en contrastes de zones claires et de zones sombres, mais aussi, dans la même optique, quelques réflexions disséminées au fil des pages : des textes de Georges Braque, Antonio Gramsci, Gaston Bachelard ou Robert Desnos. Il faut s’attarder sur celle du peintre, sculpteur et graveur Georges Braque tirée de ses Cahiers 1917-1952, dont le titre est Le Jour et la nuit. Le peintre écrit : Le vase donne une forme au vide et la musique au silence. Située en début de présentation, cette proposition ouvre la porte à la genèse de Clair-Obscur, à travers une note rédigée conjointement par Léa Weber et Sandrine Piau dans laquelle cette dernière précise : Le Clair-Obscur, choc des couleurs absentes, rencontre impossible des contraires, symbolise pour moi la richesse de la musique qui, parée de mystère, crée des unions sans pareilles. C’est dans l’affirmation « la musique donne une forme au silence » que se situe le sens de l’oxymore, titre du programme.

En 2018, déjà pour Alpha, Sandrine Piau avait fait la démonstration de son aisance dans le domaine du lied ; elle y servait Loewe, Wolf et Schumann avec beaucoup de finesse. Cette fois, trois autres sertisseurs de poésie allemande sont mis à l’honneur : Zemlinsky, Richard Strauss et Alban Berg. En rappelant que ce répertoire a fait partie de ses amours d’étudiante, Sandrine Piau, qui sait si bien mettre en valeur la musique baroque, apporte une nouvelle preuve de ses affinités avec un univers qui conjugue les nuances de la fin du jour avec celles de la naissance de l’aube. On s’en convainc dès la peu connue ballade de Zemlinsky pour soprano, deux cors, harpe et violon, Waldgespräch, qui date des années 1895-96. Ce poème d’Eichendorff, un dialogue dans la forêt autour de la présence néfaste de Lorelei à laquelle il est impossible d’échapper, avait déjà tenté Schumann et d’autres compositeurs. Zemlinsky met dans ces sept minutes d’envoûtement _ voilà _ un climat que les instruments rendent onirique, grâce à un texte distillé sans affectation _ mais oui _ par la cantatrice, concentrée sur la portée d’inéluctabilité dramatique.

Richard Strauss occupe en durée la place la plus importante dans ce récital (dont la brièveté crée en nous une frustration). Le contraste avec Zemlinsky est immédiat dans Morgen !, quatrième _ sublime ! et écoutez-le ici (3′ 42)… _ lied de l’opus 27, sur des vers du poète écossais d’expression allemande John Henry Mackay. Aucun drame ici : le bonheur du couple est magnifié dans ce premier lied orchestré en 1897 par Richard Strauss, marié depuis trois ans à Pauline de Ahna. La félicité se poursuit dans Meinem Kinde, troisième numéro de l’opus 37 d’après Gustav Falk, berceuse émouvante sur le sommeil du nouveau-né, en l’occurrence Franz, né du couple en avril 1897. C’est la face claire que Sandrine Piau met ici en évidence dans deux petits joyaux dont elle révèle toute la fragile sensibilité _ oui.

Avant de revenir à Richard Strauss et aux si poignants Vier letzte Lieder, on découvre Alban Berg et ses Sieben frühe Lieder composés entre 1905 et 1908, au temps de son amour naissant pour Hélène Nahowski avec laquelle il se mariera en 1911, et orchestrés en 1928. Différents thèmes sont liés à ces brefs hommages à l’aimée : l’obscurité profonde et les lueurs dans la vallée, le chant du roseau, émanation du lyrisme frissonnant de Nikolaus Lenau, le rossignol au chant suave qui a œuvré toute la nuit, l’intimité de la chambre où les yeux se rencontrent ou le lit d’amour qui s’enivre des parfums du jardin, les jours d’été, et, sommet de ce cycle, le magique Traumgekrönt de Rainer Maria Rilke au cours duquel le rêve et la réalité s’entremêlent. L’écriture translucide de Berg et le climat extatique de ce recueil postromantique permettent à Sandrine Piau de laisser sa voix se développer jusqu’à des altitudes de réelle plénitude _ oui.

Retour à Richard Strauss pour les Vier letzte Lieder de 1948 dont Kirsten Flagstad, Elisabeth Schwarzkopf, Lisa della Casa, Jessye Norman ou Renée Fleming ont laissé de poignantes versions (et plus près de nous, Diana Damrau). Trois poèmes de Hermann Hesse déroulent un phrasé raffiné : la sensualité de la nature revit dans Frühling écoutez ici (3′ 06)... _ et précède les couleurs automnales de September _ écoutez ici (4′ 53) … _ dont les deux derniers vers, Langsam tut er die grossen/müdgewordnen Augen zu sont, par la grâce de la voix de Sandrine Piau, bien plus qu’une aspiration au repos : un crépuscule de la vie _ voilà ! _ qui se prolonge dans Beim Schlafengehen _ écoutez ici (5′ 07), c’est très beau… _, quand le sommeil attire vers l’abîme. Eichendorff, qui avait ouvert le programme chez Zemlinsky, s’épanche dans Im Abendrot _ admirez ici (6′ 46)… _, cet appel à la paix définitive qui étreint l’âme et le cœur par la symbolique éternelle qu’il distille.

Tout au long de ce cycle, Sandrine Piau donne sens aux mots, avec une respiration subtile qui fait appel tout autant à l’intimisme qu’à la dimension cosmique (que l’on aurait tort d’oublier). L’émotion est sans cesse présente _ oui ! et sans affectation… _, avec un timbre aux nuances immatérielles. Superbe réussite _ oui _, que complète Malven, le tout dernier lied composé par Strauss, au seuil de la mort, pour Maria Jeritza qui ne le chanta jamais. La nostalgie infinie qui se dégage de la coloration « mauve », esquissée si tendrement par Betty Wehrli-Knobel dans son poème avec les vers Comme un visage/Couvert de pleurs, et blême/Sous la lumière/Dorée des cieux, vient couronner ce récital aux lignes pures et enchanteresses _ voilà. L’Orchestre Victor Hugo, aux accents chaleureux et complices si bien dosés _ à la perfection ! _ par Jean-François Verdier, est en complète harmonie _ absolument, et c’est un élément décisif, majeur, du miracle de ce CD _ avec le rayonnement de la cantatrice. Ah, l’admirable disque !.. _ c’est dit.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

LES VOIX DE SANDRINE

Je me souviens de sa Cléopâtre à Garnier. Comme la voix avait pris de la pulpe et comme l’aigu était resté aisé ! Quel chemin encore parcouru depuis _ oui _, en prudence mais aussi avec le goût de la découverte _ oui. De cette voix, commencée petite, a éclos aujourd’hui un instrument superbe _ oui _ dont le médium s’est boisé, l’aigu est devenu opulent sans que l’exactitude de l’intonation _ là, on pourait peut-être chipoter… _ ni la clarté des mots n’en aient pâti.

C’est sensible tout au long d’un récital dédié à des raretés du répertoire romantique français subtilement appariées, programme comme les chérit le Palazzetto Bru Zane. La mélodie française avec orchestre est peu courue au fond, sinon Les Nuits d’été dont Villanelle et Au cimetière, si admirablement sentis, me font regretter que tout le cycle n’y soit pas.

Mais dès la grande ligne du génial Extase de Saint-Saëns, l’alliage du rare et du transcendant s’impose. Merveille, Le Poète et le fantôme de Massenet, la Promenade à l’étang de Dubois, L’enlèvement de Saint-Saëns ! Tout l’album s’écoute en pur plaisir, et comme l’accompagnement du Concert de la Loge entoure cette voix !

L’album germanique, enregistré deux ans plus tard, surprend plus encore _ oui _, la voix s’est amplifiée sans rien perdre de son grain si singulier, les grands intervalles des Sieben frühe Lieder de Berg sonnent vertigineux, le récit hanté du rare Waldesgespräch de Zemlinsky prend un impact sidérant, mais le défi ultime est bien _ ce sommet, cette cime, que sont en effet _ les Vier Letzte Lieder, chantés ardents, sans un gramme de sucre _ voilà, sans sirop sirupeux _, en grande voix que ce soit dans les pièges du grave ou dans l’envol planant des aigus.

Quel magnétisme dans ce timbre _ mais oui ! _ et quelle leçon de chant, et de chant allemand qui plus est ! Elle ajoute l’ultime Malven, si parfaitement interprété qu’elle en ferait rougir Maria Jeritza elle-même ! Jean-François Verdier et son orchestre respirent _ oui, oui… _ avec elle, symbiose des couleurs, des phrasés qui participent à l’éclatante réussite _ oui ! _ de ce disque inattendu.

LE DISQUE DU JOUR

Si j’ai aimé

Camille Saint-Saëns
(1835-1921)


Extase, Op. 13 No. 2
Papillons
Aimons-nous
L’enlèvement


Charles Bordes (1863-1909)


Promenade matinale


Hector Berlioz (1803-1869)


Au cimitière: clair de lune, H. 86 (No. 5, extrait de « Les Nuits d’été, Op. 7 »)
Villanelle, H. 82 (No. 1, extrait de « Les Nuits d’été, Op. 7 »)


Jules Massenet (1842-1912)


Le poète et le fantôme
Valse très lente


Gabriel Pierné (1863-1937)


Chanson d’autrefois (No. 5, extrait de « Album pour mes petits amis, Op. 14 »)


Théodore Dubois (1837-1924)


Si j’ai parlé… Si j’ai aimé
Promenade à l’étang (No. 4, extrait de « Musiques sur l’eau »)
Sous le saule (No. 1, extrait des « Chansons de Marjolie »)


Louis Vierne (1870-1937)


Beaux papillons blancs (No. 1, extrait de « 3 Mélodies, Op. 11 »)


Henri Duparc (1848-1933)


Aux étoiles


Alexandre Guilmant (1837-1911)


Ce que dit le silence


Benjamin Godard (1849-1895)


Symphonie gothique, Op. 23 (extrait : III. Grave ma non troppo lento)


Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816)


Plaisir d’amour (version orchestrale : Hector Berlioz)

Sandrine Piau, soprano
Le Concert de la Loge
Julien Chauvin, direction


Un album du label Alpha Classics Alpha 445

Clair-obscur

Alexander von Zemlinsky(1871-1942)


Waldgespräch


Richard Strauss (1864-1949)


Morgen!, Op. 27,
TrV 170 No. 4

Meinem Kinde, Op. 37,
TrV 187 No. 3

Vier Letzte Lieder, TrV 296
Malven, TrV 297


Alban Berg (1885-1935)


Sieben frühe Lieder

Sandrine Piau, soprano
Orchestre Victor-Hugo Franche-Comté
Jean-François Verdier, direction
Un album du label Alpha Classics Alpha 727

Photo à la une : la soprano Sandrine Piau – Photo : © Sandrine Expilly (2020)

 

Un bijou de récital admirable !!!

Bravissimo, Madame !

Ce samedi 10 février 2024, Tirus Curiosus – Francis Lippa

Jouir en toute plénitude de « Tutti i Madrigali » (de 1587 à 1638) de Claudio Monteverdi dans le magnifique coffret de 11 CDs Naïve OP 7547 du Concerto Italiano de Rinaldo Alessandrini, enregistrés de mai 1993 à janvier 2021…

17déc

Le Coffret de 11 CDs Naïve OP 7547 « Tutti i Madrigali » de Claudio Monteverdi par le Concerto Italiano de Rinaldo Alessandrini, paru le 3 novembre dernier,

est un incontestable monument musical.

Claudio Monteverdi (Crémone, 15 janvier 1567 – Venise, 29 novembre 1643) a publié 8 livres de Madrigaux (en 1587, 1590, 1592, 1603, 1605, 1614, 1619 et 1638) ;

auxquels s’ajoute un neuvième, posthume, publié en 1651 _ sur une période de  51 ans, et même 64 ans en tenant compte du livre posthume.

Or, les enregistrements de ces 9 Livres de Madrigaux de Claudio Monteverdi par le Concerto Italiano sous la direction de Rinaldo Alessandrini, s’étalent sur une période de 28 ans, allant de mai 1993 à janvier 2021 :

 

_ d’une part, de mai 1993 à décembre 2005 pour les Livres 4, 2, 5, 8 et 6 ;

_ et, d’autre part, de mai-juin 2019 à janvier 2021, pour les Livres 3, 7, 9 et 1 ;

_ avec, il faut le souligner, un enregistrement charnière, en avril 2016, à Caserte, pour 3 pièces capitales du Livre 8 (un Livre déjà enregistré en février 1997, janvier 1998 et décembre 2005) :

le « Combattimento di Tancredo i Clorinda » _ écouter ici le podcast d’une durée de 22′ 10 _,

le « Lamento della Ninfa » _ regarder ici la vidéo d’une durée de 4′ 45 _,

et le Madrigal « Hor che’l ciel e la terra«  écouter ici le podcast d’une durée de 10′ 27…


Voici l’article que Jean-Charles Hoffelé vient de consacrer à ce magistral coffret Naïve, sous le titre explicite de « Tutti i Madrigali« , sur son site Discophilia, avant-hier 15 décembre 2023 : 

TUTTI I MADRIGALI

Contrairement à La Venexiana qui aura prestement bouclé _ entre janvier 1998 et juillet 2006 _ son intégrale quasi expressionniste _ le coffret de 11 CDs Glossa GCD 920929 : à ré-écouter, bien sûr ! _, Rinaldo Alessandrini et son Concerto Italiano auront frôlé les trois décennies _ entre mai 1993 et janvier 2021 _ pour assembler tous les Livres et les réunir dans cette boîte essentielle _ oui _, naïve reprenant les Livres parus chez Opus 111, chez Arcana _ et pieusement thésaurisés… _, le chef ayant parfois substitué des versions plus récentes pour certains madrigaux tirés des albums que j’ai chroniqués ici même et qui proposaient autant d’itinéraires libres dans un univers dont chaque affect, chaque mélisme, les mots, les souffles, les couleurs, prouvent une adéquation idéale _ voilà.

Depuis, Les Arts Florissants, surtout Philippe Herreweghe et son Collegium Vocale, ont apporté d’autres éclairages, mais sont encore loin d’avoir bouclé le cycle _ mais pour moi, et tant importent ici et la culture et la langue, seuls des Italiens se révèlent idoines !

Pourtant, ils ne diminueront probablement pas le sentiment d’évidence _ oui _ qui se dégage de ces onze galettes, cette conscience si prégnante de l’harmonie, l’équilibre _ voilà _ entre le souci esthétique et la puissance des textes qui culmine dans un Combattimento historique _ oui _, tout entier porté par le Testo de Raffaele Giordani, la pure beauté des voix et la violence des sentiments, la suavité et la stupeur, un univers que Monteverdi aura porté à son acmé, renouvelant le genre, l’immergeant dans un théâtre des passions tout entier enclos ici. Définitif.

LE DISQUE DU JOUR

Claudio Monteverdi
(1567-1643)


Il primo libro de madrigali a cinque voci, SV 23–39
Madrigali e canzonette a due, e tre, voci … libro nono,
SV 168–178

Il secondo libro de madrigali a cinque voci, SV 40–59
Il terzo libro de madrigali a cinque voci, SV 60–74
Il quarto libro de madrigali, SV 75–93
Il quinto libro de madrigali, SV 94–106
Il sesto libro de madrigali a cinque voci, SV 107-116
Concerto: settimo libro de madrigali, SV 117–145
Madrigali guerrieri, et amorosi, … libro ottavo, SV 146–167

Concerto Italiano
Rinaldo Alessandrini, direction

Un coffret de 11 CD du label naïve OP 7547

Photo à la une : Rinaldo Alessandrini – Photo : © DR

Voici aussi,

sur le site de Classiquenews,

un entretien avec Rinaldo Alessandrini d’Alban Deags, en date du 4 décembre dernier, à propos de ce même coffret Naïve :

ENTRETIEN avec Rinaldo ALESSANDRINI à propos de son intégrale des Madrigali de Claudio Monteverdi que fait paraître l’éditeur Naïve sous la forme d’un coffret événement, incontournable pour Noël 2023.

Que représente cette intégrale réalisée pendant 30 ans ? Comment le Concerto Italiano a abordé la langue montéverdienne en un geste interprétatif décisif ? Et dans quelle stratégie instrumentale et linguistique ? En quoi les madrigaux de Monteverdi sont-ils essentiels pour l’élaboration de l’écriture baroque ? En quoi ont-ils favorisé l’émergence de l’opéra ? Quelle expérience en a tiré lui-même Rinaldo Alessandrini ? 

 

CLASSIQUENEWS : Comment expliquez de votre point de vue la réussite et l’accueil positif de votre intégrale des madrigaux ?

RINALDO ALESSANDRINI : Je ne pense pas être en mesure d’expliquer les raisons d’un accueil aussi positif. Généralement nous essayons de travailler pour obtenir le meilleur résultat possible, en espérant que cela plaise au plus grand nombre. En ce sens, les critiques négatives peuvent parfois être incompréhensibles, même s’il faut tenir compte des goûts individuels et donc de la possibilité que quelqu’un n’aime pas notre travail. Mais il ne fait aucun doute que l’accueil positif réservé à notre travail nous plaît et nous dit que le travail a été bien fait.

CLASSIQUENEWS : Parmi les madrigaux sans instruments, lesquels vous semblent les plus marquants et représentatifs ?

RINALDO ALESSANDRINI : Il est très difficile d’identifier « le meilleur de » dans plus de deux cents madrigaux, surtout ceux sans instruments. Il faut également tenir compte du fait que le style monteverdien s’est transformé à plusieurs reprises _ oui ; et la notice du coffret rédigée par Rinaldo Alessandrini le détaille superbement… _ au cours de sa vie. Tous les madrigaux ne s’expriment pas de la même manière, utilisant des stratégies expressives et linguistiques très différentes. Il y en a de très connus, mais parmi les moins connus, il y en a (beaucoup) d’une beauté absolue.

CLASSIQUENEWS : Parmi les derniers plus dramatiques avec instruments, quels sont ceux qui vous ont marqué le plus ?

RINALDO ALESSANDRINI : Peut-être « Hor che’l ciel e la terra » et « Vago augelletto » dans le huitième livre.

CLASSIQUENEWS : A travers les 8 Livres quelle évolution l’écriture de Monteverdi suit-elle ?

RINALDO ALESSANDRINI : Le langage de Monteverdi n’évolue pas (comme cela arrive toujours en musique), mais change en fonction des modes poétiques _ telle est donc la clé (poétique !) de ces changements. En ce sens, la relation entre poésie et musique ne sera jamais suffisamment considérée : l’importance et la présence de la poésie au XVIIe siècle sont quelque chose que nous ne connaissons pas aujourd’hui. Le style de Monteverdi est né de la réflexion d’un besoin de changement linguistique, qui conduirait le madrigal à devenir un véhicule d’émotions et de sentiments humains. La proximité de certains compositeurs, Luzzasco Luzzaschi _ ferrarais _ prémierement, et d’autres pour lesquels Monteverdi avait une grande estime, l’amène à réfléchir à une nouvelle manière de composer. L’influence de certains poètes (Tasso, Guarini, Marino, pour ne citer que les plus connus) ont créé les conditions pour la création de nouvelles stratégies musicales. Il faut également considérer que Monteverdi fut le seul compositeur à fixer des objectifs stylistiques à la fois dans le madrigal et dans l’opéra : aucun compositeur de madrigaux (au moins jusqu’au milieu du XVIIe siècle) n’a jamais composé d’opéras.

CLASSIQUENEWS : Sur le plan interprétatif, à quels défis avez-vous été confronté pour la réalisation du cycle entier ?

RINALDO ALESSANDRINI : Le cycle s’est achevé en 30 ans environ _ 28 ans : de mai 1993 à janvier 2021. Il est donc facile d’imaginer à quel point notre méthode de travail a changé au cours de cette période. Mais l’élément constant a toujours été l’adhésion au texte, selon des critères d’imitation et de création d’images sonores _ voilà. En ce sens, le travail sur le texte n’exclut pas, outre sa compréhension détaillée, l’étude de ses propriétés sonores et de prononciation. La pureté du son des voyelles de la langue italienne est un moyen idéal _ et c’est fondamental _ pour construire un son d’ensemble.

CLASSIQUENEWS : Y a t il des poèmes / des poètes que vous estimez mieux que d’autres ? Pourquoi ?

RINALDO ALESSANDRINI : Les choix poétiques ne peuvent être considérés comme séparés de la réalisation musicale _ bien évidemment… En ce sens, chaque texte mis en musique par Monteverdi semble être absolument parfait pour l’idée musicale avec laquelle le compositeur voulait donner du son aux paroles. Il faut aussi considérer que l’énorme diffusion de la poésie a donné à certains textes une grande popularité _ en effet. Très souvent, les choix des compositeurs ont privilégié certains textes en particulier, démontrant une plus grande fonctionnalité d’un point de vue musical. Il est donc difficile de porter un jugement sur la poésie indépendamment de la musique. Et il est certainement trivial de donner un avis positif sur la « Canzoniere » de Petrarca, sur le “Rime” du Tasso ou sur le « Pastor fido » de Guarini. Ce sont des œuvres universelles.

CLASSIQUENEWS : Sur quels critères avez-vous choisi les chanteurs ?

RINALDO ALESSANDRINI : En 30 ans d’enregistrement, l’équipe de chant a changé à plusieurs reprises. Chanter des madrigaux (ou de la musique d’ensemble) nécessite des compétences vocales et d’écoute différentes des autres répertoires. C’est un travail très proche de celui d’un quatuor à cordes _ oui : d’une extrême finesse d’écoute (et justesse) réciproque… _, où l’aspect technique du travail du son et de l’intonation prend du temps _ bien sûr. En ce sens, les chanteurs qui ont participé à nos travaux ont été choisis pour leur passion _ voilà _ pour ce répertoire ainsi que pour leur disponibilité technique.

CLASSIQUENEWS : Avec le recul que représente ce cycle dans votre travail musical ?

RINALDO ALESSANDRINI : Le travail sur le madrigal montéverdien a accompagné presque toute ma vie musicale _ voilà. Découvrir à quel point la musique peut être au service d’un texte est une expérience surprenante. En ce sens, Monteverdi est peut-être le meilleur professeur disponible.

CLASSIQUENEWS : En quoi le cycle est-il représentatif du Concerto Italiano?

RINALDO ALESSANDRINI : Le travail sur le madrigal de Monteverdi (et sur le madrigal en général) signifiait la redécouverte et la réappropriation d’une culture poétique et musicale pratiquement perdue avec l’opéra romantique : Verdi, par exemple, était l’un des détracteurs de Monteverdi _ tiens, tiens… L’apport (et la compétence) du travail linguistique est essentiel _ absolument ! _ dans le madrigal italien. Notre effort n’était pas seulement de redonner vie à la musique, mais de montrer clairement comment le madrigal intense, en tant que synthèse sublime de nombreux éléments culturels, nécessite une approche qui n’oublie aucun aspect _ en effet… _ lié à ces compositions.

Propos recueillis en novembre 2023 
Photos : Rinaldo Alessandrini, directeur musical du Concerto Italiano © Emilie Moysson

Voici aussi, et cette fois en date du 7 juillet 2017, sur le site ResMusica, un très intéressant article de Pierre Degott intitulé « Nuit, théâtre, histoires d’amour et de guerre avec Monteverdi et le Concerto italiano« ,

paru à l’occasion de la publication du CD charnière dans le parcours monteverdien de Rinaldo Alessandrini, enregistré en avril 2016 à Caserte,

et qui a probablement conduit Rinaldo Alessandrini à reprendre et achever _ en mai-juin 2019 pour le Livre 3, octobre 2020 pour les Livres 7 et 9, et  janvier 2021, pour le Livre premier _ ses enregistrements laissés, depuis 2005, inachevés, des Livres de Madrigaux de Claudio Monteverdi…

Nuit, théâtre, histoires d’amour et de guerre avec Monteverdi et le Concerto italiano

Ce dimanche 17 décembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La superbe et très féconde démarche exploratoire, avec le chercheur Olivier Fourès, de l’excellent Ensemble Le Consort : le merveilleux (et très riche de sublimes découvertes) CD « Vivaldi Chelleri Ristori – Teatro Sant’Angelo », avec le charme profond, tendre et intense de la mezzo-soprano Adèle Charvet…

06mai

Comme en un luxueux merveilleux _ et assez inattendu _ complément à mes réflexions sur la démarche exploratoire si féconde du répertoire de ténor de Michael Spyres en son récent très impressionnant CD Erato « Contra-Tenor«  _ cf mon article détaillé d’hier vendredi 5 mai « «  _,

voici, ce samedi 6 mai, la révélation d’un tout aussi merveilleux _ inattendu et magnifiquement bienvenu _ CD, le CD « Teatro Sant’Angelo« , Alpha 938, de l’Ensemble Le Consort _ sous la direction très en verve du superbe violon du grand Théotime Langlois de Swarte ! _ et la mezzo-soprano Adèle Charvet,

consacré au répertoire passablement _ et bien à tort !!! _ méconnu d’opéra baroque du Teatro Sant’Angelo, à Venise,

à l’époque _ de 1713 à 1739 _ qui a vu le triomphe opératique vénitien d’Antonio Vivaldi (Venise, 4 mars 1678 – Vienne, 28 juillet 1741),

et qui vient nous révéler ici quelques sublimes _ mais oui, véritablement !!! _ airs, non seulement du grand Vivaldi lui-même, mais aussi de quelques uns de ses confrères compositeurs d’opéras contemporains, méconnus, eux _ et, peut-être scandaleusement, à tort ! _,

tels, entre quelques autres encore, Fortunato Chelleri _ en fait  Keller, du nom de son père, allemand ; sa mère est une Bassani, de Padoue ; mais il est né à Parme… _ (Parme, 14 mai 1687 – Cassel, 14 décembre 1757), et Giovanni Alberto Ristorni (Bologne, 1692 – Dresde, 7 février 1753),

lesquels, il est vrai, ont vécu et exercé surtout en Allemagne, où tous les deux, au terme de leur carrière, sont décédés _ mais le vénitien Vivaldi est, lui aussi, décédé loin de Venise : à Vienne, le 28 juillet 1741…

Et au passage,

saluons bien volontiers le très fécond travail d’abord de recherche, et puis de découvertes, à Venise _ dans le trésor des richissimes archives des bibliothèques de Venise ; ainsi, cf sur ce blog « En cherchant bien« , mes précédents articles «  » et «  » des 23 février et 12 mai 2022  _, puis de préparation musicale pour ce CD « Sant-Angelo » _ avec Sophie de Bardonnèche, Justin Taylor et Adèle Charvet, comme indiqué en page 3 du livret _, d’Olivier Fourès,

qui signe aussi le passionnant texte du livret, intitulé « Coulisses vénitiennes« …

Et voici _ avec des ajouts (en vert) de ma part, dont des liens d’accès à pas mal de podcasts d’airs à écouter ici ! _ ce que, de ce bien beau CD, déclare Pierre Degott, sur le site de ResMusica, en un article intitulé « Une soirée au Teatro Sant’Angelo avec Le Consort et Adèle Charvet« , en date du 3 mai dernier :

Une soirée au Teatro Sant’Angelo avec Le Consort et Adèle Charvet

 …

Dans un programme fait de quelques tubes vivaldiens et de nombreuses raretés – dix airs donnés en première mondiale –, Adèle Charvet et l’ensemble Le Consort nous font revivre quelques soirées d’un des plus emblématiques théâtres vénitiens. Espérons _ oui ! _ que cet album sera le hors-d’œuvre de grandes aventures à venir.

L’intérêt de ce beau CD est double. Sur le plan musicologique, il nous emmène vers la lagune afin de découvrir le répertoire _ bien trop méconnu jusqu’ici (et c’est même scandaleusement incompréhensible !)  _ d’un des plus célèbres théâtres de la Sérénissime, le Teatro Sant’Angelo. Comparé au San Giovanni Grisostomo ou au San Giovanni e Polo, théâtres officiels de la noblesse vénitienne, le Sant’Angelo était le lieu « alternatif » et « populaire » _ voilà… _, aux moyens plus restreints certes, mais à la créativité musicale toujours permanente et débridée _ cela s’entend ici, et se savoure ! Quelle inventivité ! C’était, de 1713 à 1739 _ des dates bien sûr importantes… _, le théâtre de Vivaldi, dans lequel il prete rosso fit représenter une vingtaine _ pas moins _ de ses propres opéras. C’est là que furent créés L’Olimpiade, Arsilda, regina di Ponto, La verità in cimento et L’incoronazione di Dario, tous représentés sur l’album _ et avec quels airs !!! Dont « Sovvente il sole«  extrait de l’opéra Andromeda liberata (créé à Venise en 1726), un opéra découvert à Venise par Olivier Fourès. Le programme fait la part belle également à deux musiciens aujourd’hui _ incompréhensiblement… _ oubliés, mais qui, dans l’ombre de Vivaldi, ont également assuré autrefois le pain quotidien du théâtre _ tous deux, il est vrai, ont surtout vécu et exercé en Allemagne, où ils décéderont : Ristori (né à Parme), en 1753 à Dresde ; Chelleri-Keller (né à Bologne), en 1757, à Cassel… De Giovanni Ristori, on entendra trois airs extraits de son opéra Cleonice, ainsi que quelques pièces tirées de ses opéras Temistocle, Arianna et Don Chisciotte. De , musicien surtout connu pour ses activités en Allemagne, on entendra deux extraits de son opéra Amalasunta, ainsi qu’un mouvement de sonate. Mélodies ensorcelantes _ voilà… _, soutenues par un accompagnement souvent réduit à sa plus simple expression, mais toujours sobre et efficace _ et comment ! On goûtera encore davantage les airs « Il mio crudele amor » de et « Patrona reverita » de , respectivement accompagnés d’une simple basse continue ou d’un théorbe. On rêve d’assister à l’une de ses soirées du Sant’Angelo, surtout lorsqu’on entend l’extrait _ bien trop bref (1′ 24) ! _ de Don Chisciotte _ créé à Dresde le 2 février 1727 _, ouvrage visiblement héroïco-comique reposant sur le mélange des genres, concept théâtral impensable dans la France de l’époque, mais depuis Monteverdi (1567 – 1643) et Cavalli (1602 – 1676) typique _ en effet _ de l’opéra vénitien populaire que nous redécouvrons aujourd’hui.

L’autre intérêt _ proprement musical, lui _ de l’album réside dans l’interprétation _ splendide !!! _ toute en ombres et lumières _ oui ! _ de la jeune mezzo-soprano Adèle Charvet _ née à Montpellier le 25 mai 1993 _, encore peu connue au disque des amateurs de musique baroque. Sa voix possède tout le moelleux et le velouté d’un contralto comme Kathleen Ferrier, dont elle sait recréer le mélange de calme, de douceur et d’intensité. Contrairement à son illustre prédécesseure, elle sait également s’enflammer dans les pages virtuoses qui parsèment l’album – « Siam navi » de L’Olimpiade et « Con piu diletto » de La verità in cimento, par exemple –, ne redoutant ni les vocalises les plus hardies, ni les intervalles les plus audacieux qui font tout le prix et toute l’expressivité _ aussi percutante qu’intensément prenante _ de ce répertoire. C’est néanmoins dans les pages sobres et mesurées que nous préférons nous régaler des couleurs cuivrées de ce bel instrument. Nous ne mentionnerons que le « Nell’onda chiara » de l’Arianna de Ristori, aux sonorités véritablement planantes et envoûtantes _ oui. L’ensemble , dirigé depuis son violon par , n’est est pas à sa première incursion dans la musique vénitienne. Devant tant d’affinités avec ce répertoire, nous ne pouvons que souhaiter _ oh oui ! _ que soit explorée plus avant la programmation originale et innovante des théâtres dits « secondaires » de la Sérénissime.

Teatro Sant’Angelo.

Michelangelo Gasparini (1670-1732) : « Il mio crudele amor » extrait de Rodomonte sdegnato.

Fortunato Chelleri (1690-1757) : « Astri aversi » et « La navicella » extraits de Amalasunta ; adagio de la Sonate en trio en sol majeur.

Giovanni Alberto Ristori (1692-1753) : « Con favella de’ pianti », « Quel pianto che vedi » et « Qual crudo vivere » extraits de Cleonice ; « Su robusti » extrait de Un pazzo ne fa cento, ovvero Don Chisciotte ; « Aspri rimorsi » extrait de Temistocle ; « Nell’onda chiara » extrait de Arianna.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Siam navi » extrait de L’Olimpiade RV 725 ; « Sovvente il sole » extrait de Andromeda liberata RV 749.27 ; « Ah non so, se quel ch’io sento » extrait de Arsilda, regina di Ponto, RV 700 ; « Con più diletto » et « Tu m’offendi » extraits de La veritá in cimento RV 739 ; « Quella bianca e tenerina » extrait de L’incoronazione di Dario, RV 719.

Giovanni Porta (1675-1755) : « Patrona reverita » extrait de Arie nove dà batello.

Adèle Charvet, mezzo-soprano ; Ensemble Le Consort, violon et direction musicale : Théotime Langlois de Swarte.

1 CD Alpha.

Enregistré en février 2022 au Temple du Saint-Esprit, Paris….

Notice en français, anglais et allemand.

Durée : 66:10

Cf aussi l’article intitulé « Adèle Charvet Teatro Sant-Angelo » de Charles Sigel, paru le 15 avril 2023 sur le site de ForumOpera.com

15 avril 2023
La fougue et le velours

C’est à la fois l’évocation d’une maison d’opéra disparue, et, partagé entre airs de bravoure et lamenti, le portrait d’une jeune voix se confrontant à un répertoire en grande partie méconnu.


Du Teatro Sant’Angelo de Venise, il ne reste rien, sinon un arrêt du vaporetto, qui perpétue son nom, un campiello et un ramo _ une impasse _ « del teatro ». Il était au bord du Grand Canal, côté gauche en descendant, juste avant la grande courbe de Ca’Foscari. C’est là qu’à partir de 1713 et jusqu’en 1739 Vivaldi fut une manière de multitâche, à la fois impresario, directeur musical et compositeur, suivant l’écriture et l’adaptation des livrets, dirigeant les opéras des autres (tout en précisant « Jamais je ne joue avec l’orchestre, à l’exception de la soirée d’ouverture car je ne m’abaisse pas [sic] à faire le métier d’exécutant »). Il y fit représenter une vingtaine de ses propres opéras (sur une cinquantaine recensée). Il ne manquait pas d’adversaires dont le vindicatif Benedetto Marcello, dont la famille était co-propriétaire du théâtre, qui écrivit un pamphlet, Il Teatro alla moda, qui touchait plus ou moins directement le Prete Rosso.

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© Tom Garcia

C’est le musicologue (et violoniste) Olivier Fourès qui a élaboré _ oui _, avec Adèle Charvet et Théotime Langlois de Swarte, le programme de ce disque, qui veut raconter pittoresquement _ avec un choix de quelques sublimes airs d’opéra qui y ont été donnés _ l’histoire de ces théâtres bourdonnants où se perpétuait un genre, celui de l’opéra à la vénitienne, né ici en 1637, à l’ouverture du premier opéra payant, le San Cassiano, mais dont le véritable père spirituel avait été Monteverdi avec Il Ritorno d’Ulisse (1640) puis Le Couronnement de Poppée (1641).

Production courante

Il s’agit donc ici d’un florilège d’airs _ voilà _ qui ont le point commun d’avoir été créés _ ou donnés _ au Sant’Angelo, petite salle ouverte en 1677, beaucoup moins dotée que les cossus San Giovanni e Polo ou San Giovanni Grisostomo, très productive, plutôt à bon marché, célèbre pour ses tempêtes en carton-pâte, ses grottes de Neptune et autres palais d’Armide ou île d’Alcina en toiles peintes. Comme le San Cassiano qui avait connu des heures glorieuses, mais se survivait à lui-même, le Sant’Angelo était un théâtre au budget modeste, attirant un public populaire. Il faisait flèche de tout bois et n’avait pas les moyens de s’offrir les dispendieux castrats, dont les cachets mettaient les impresarii sur la paille.

Une corporation de plumitifs produisait des livrets au mètre, versifiant Homère ou l’Arioste. Ici, Grazio Braccioli, Angelo Costantini, Stefano Benedetto Pallavicino, Domenico Lalli, Giovanni Palazzi, tous personnages dont les noms ne parlent plus guère qu’aux spécialistes. Le plus sollicité, copié, recyclé étant l’inépuisable Métastase (ici représenté par deux de ses livrets, L’Olimpiade pour Vivaldi et Temistocle pour Ristori).

Clichés à tous les étages

De belles histoires qu’on connaissait déjà _ oui _, des décors qui bougent, des voix si possible spectaculaires… Quelques musiciens dans la fosse, une dizaine, répétant en hâte une partition elle aussi peu chiche en clichés. Airs de bravoure ou déploration larmoyantes, tout était codé _ en effet _ et les spectateurs en redemandaient. L’opéra était un genre de consommation courante, et les salles, avec leurs loges, des lieux de sociabilité, voire de rencontre, sorbetti à l’appui _ en effet…

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Le projet de reconstruction du Teatro San Cassiano

Dans l’écosystème de l’opéra les musiciens étaient nécessaires, à défaut d’être suffisants. Sont mis en avant ici deux honnêtes professionnels, qui, dans leurs années de jeunesse _ ils sont nés en 1687 et 1692 _ vinrent recevoir l’influence de Vivaldi.


Ainsi Fortunato Chelleri passa-t-il par Venise au cours de sa vie de musicien itinérant _ notamment de par les cours allemandes… L’opéra ne sera pas l’essentiel de sa production (il n’en composera que dix-sept, performance moyenne selon les critères de l’époque); il sera surtout maître de chapelle à Würzburg et Cassel. Un Alessandro, une Pénélope feront peu de succès au Sant’Angelo, mais son Amalasunta, Regina dei Goti (1718) y réussira mieux (le livret s’intéressait à Téodogonde Amalasunta, fille de Théodoric…)

Une Europe italophile ou italomane

Giovanni Alberto Ristori y fait aussi un bref _ oui _ passage. En 1713, Ristori arrive à Venise avec son père, qui dirigeait une troupe de comédiens à Dresde _ voilà. Vivaldi lui commande un Orlando Furioso (livret de Grazio Braccioli). L’opéra est représenté plus de 40 fois, raconte Olivier Fourès. Deux ans plus tard, il repart à Dresde (qui sera pendant trente ans sous un prince très italophile, Auguste III, le bastion de Johann Adolf Hasse, disciple à Naples de Porpora et d’Alessandro Scarlatti, et de son épouse chanteuse Faustina Bordoni, d’ailleurs vénitienne) ; puis Ristori créera une troupe à Saint-Pétersbourg, autre capitale italianisée ; il y fera venir des musiciens du Sant’Angelo, dont les Madonis, Luigi le violoniste et Antonio, le corniste, le hautboïste Dreyer ou Girolama Valsecchi (femme d’Antonio Madonis), contralto célèbre pour son expressivité, qui avait justement fait ses débuts à Venise dans l’Orlando avec la Campioli et la basse Carli, et que sa carrière avait menée de Bruxelles à Prague, de Munich à Brno.


Ainsi la musique italienne circulait-elle dans toute l’Europe _ voilà ! _, dans les bagages de troupes itinérantes _ oui _, celles des Denzio, Ristori, Bioni, Peruzzi, Galeazzi _ toutes ces précisions sont très intéressantes !

© Capucine de Chocqueuse

© Capucine de Chocqueuse

La flamme qui transcende les poncifs

Disque inattendu _ oui : le terme m’est aussi venu sous la plume… On aurait pu penser qu’Adèle Charvet profiterait du répertoire vénitien pour montrer son timbre de mezzo dans toute son opulence, qu’elle aurait déniché quelques airs spectaculaires pour mettre en valeur tout ce qu’elle a conquis dans le registre grave.
Or c’est autre chose qu’elle donne à entendre ici : un florilège d’airs (dont beaucoup inédits au disque _ oui _) souvent dans le registre central, tout en s’offrant tout le catalogue des ornements brillants, où sa voix scintille à l’envi.

Des airs qui, s’ils sont inédits ou méconnus, donnent, avouons-le, l’impression qu’on les a déjà entendus quelque part _ ce n’est pas là mon opinion _, et ne valent qu’interprétés par quelqu’un qui en transcende les poncifs. Et avec une générosité qui les dépasse. C’est le cas avec la jeune mezzo-soprano, dont on sait quelle flamme l’anime _ oui ! Et c’est bien là l’essentiel !..

Ainsi des deux extraits d’Amalasunta de Chelleri. Le premier air, « Astri aversi » coche toutes les cases du canto fiorito, coloratures escarpées, introduites par des violons, puis tout l’orchestre agitato, aria di furore, expressif par sa virtuosité. Reprise avec de nouveaux ornements, aussi nets qu’inventifs, trilles impeccables, sur des basses tempétueuses, agilité sur toute la tessiture, très longue, énergie, la démonstration est brillante _ oui !
Le second air, « La navicella », tout en lignes mélodiques qui s’entortillent, contemplatif et charmeur, semble le parangon du chant spianato et offre à Adèle Charvet prétexte à montrer la belle homogénéité de sa grande voix (et ses graves) sur un tissu moiré de cordes entrelacées.
Un de ces airs vénitiens à la Vivaldi dont on se demande s’ils n’ont pas été écrits lors d’un déplacement en gondole, tant l’écriture y semble nautique, avec ondes et vaguelettes.

© Robin Davies

© Robin Davies

L’intéressant Ristori

Chant spianato encore dans l’aria « Con favella de’ pianti », extrait de la Cleonice de Ristori, air dont on oublie la mélodie passablement répétitive sur un ostinato de cordes qui semble pasticher Vivaldi pour n’écouter que le beau phrasé, le velours du timbre de la chanteuse _ oui _, et les couleurs blêmes qu’elle suggère. Du même opéra, l’aria « Quel pianto che vedi » est d’un tout autre intérêt avec ses sauts de notes, ses grands traits et sa virtuosité dramatique, air de fierté où l’héroïne proclame ne pas vouloir de la pitié de son amant. « Qual crudo vivere » (Cleonice toujours), déploration toute simple, sur une phrase inlassablement descendante, est justement chantée avec autant de sincérité que de délicatesse _ oui _, et le parfum de nostalgie que suggère naturellement ce timbre.
Belles couleurs de voix, fantaisie, effets martelés et riche tissu orchestral à nouveau dans « Su robusti », extrait de Un pazzo ne fa cento, ovvero Don Chisciotte, du même Giovanni Alberto Ristori, air purement théâtral.

Mais c’est décidément dans le dramatique que Ristori est à l’aise.
Ainsi, extrait de Temistocle, « Aspri rimorsi », sur un texte de Metastase (qui sera repris par Mozart pour un air de basse) est un bel air sinueux, descendant vers le bas de la voix, avec des effets de notes non vibrées, de la sincérité dans l’expression de la douleur (de beaux graves, là aussi), une palette sombre, des dissonances, des frottements. Et une orchestration étonnamment riche. C’est l’une des belles plages de ce disque _ qui en comporte beaucoup ! _ et la musique est à la hauteur du texte : « Aspri rimorsi atroci, figli del fallo mio, Perché sì tardi, oh Dio, mi lacerate il cor ? – Âpres remords, atroces remords, Enfants de ma faute, Pourquoi avoir tant attendu, ô Dieu, Pour me déchirer le cœur ? »
Parfois Ristori semble pasticher Vivaldi. Ainsi « Nell’onda chiara », l’air d’Arione extrait d’Ariana avec ses pizzicati de cordes en tapis, sur lesquels la voix legato déroule ses courbes rêveuses dans une écriture centrale ne s’offrant qu’une incursion jusqu’au sibémol.

Vivaldi fait du Vivaldi

Mais Vivaldi aussi fait du Vivaldi. Voir « Sovvente il sole » (Andromeda liberata, 1726). Mais après tout, pourquoi changer une formule qui gagne ? De belles broderies du violon de Théotime Langlois de Swarte sur des accords imperturbables et, par-dessus, la voix d’Adèle Charlet : registre élevé radieux, legato, ornements en imitation du violon, musicalité partagée avec lui, complicité à faire respirer _ oui _ cette musique, et, pour Adèle, belle maitrise de la demi-voix avant un pont rêveur, puis une reprise aérienne, ondulant dans le très haut de la tessiture, merveilleusement transparent, jusqu’à un rallentando final par Le Consort, cordes et théorbe, tout en délicatesses et en écoute _ oui, oui.

© D.R.
© D.R.

C’est une musique que ses interprètes doivent aider

Dix ans plus tôt, l’aria « Ah non so, se quel ch’io sento » (Arsilda, regina di Ponto, 1716), introduit par le clavecin de Justin Taylor, sonnait plus âpre et la voix d’Adèle Charvet, qui semble frôler ses limites supérieures et s’y mettre en danger sur un tempo très lent, accentue encore le sentiment désolé, auquel semblent compatir le violon, le violoncelle et un théorbe. Pour le coup, on peut parler là de bel canto, tant ce sont les couleurs de la voix qui expriment le sentiment,
Si « Tu m’offendi » extrait de La veritá in cimento (1720) semblera reprendre une formule toute proche (plainte avec accompagnement dolent et ondulant, beau phrasé mélancolique, intégration des ornements, vocalises expressives à pleine voix, surtout jeu belcantiste sur les couleurs de la voix avec l’éternel bercement du gondolier), « Con più diletto » extrait du même opéra contrastera par sa gaieté : air fiorito, appartenant au genre codé des arie di riso, chanté par l’insolente Rosane avec les ornements prestes qu’il faut, sur un orchestre qui palpite : « Avec plus de plaisir, mon Amour / S’en va volant vers un autre objet. / Je me ris, fou, de tes pleurs / Si tu prétends m’ôter la liberté. »

Sous influence napolitaine

La pièce la plus tardive date de 1734, c’est l’aria « Siam navi » de L’Olimpiade. Olivier Fourès le considère « d’une autre époque, celle où la mode napolitaine envahit les théâtres vénitiens. C’est un langage plus uniformisé que le chaos « vénitien » qui faisait jusqu’alors feu de tout bois. Les systématiques trémolos, fusées et vocalises méridionales inspirent clairement Vivaldi, mais il s’agit probablement de la dernière flamme de l’opéra « vénitien ». Air agitato, souvent enregistré, qui fait penser à certains concertos vivaldiens fameux, comme La Tempesta di mare : périlleux sauts de notes, sollicitant le medium et le haut de la voix, avec grandes vocalises en triolets, sur un tempo foudroyant, d’une difficulté redoutable et dont Adèle Charvet se tire avec honneur. « Tutta la vita é mar » dit le texte. Vivre c’est naviguer sur une mer tempétueuse et le Consort le dit avec autant que virtuosité qu’Adèle Charvet.
« Les vents impétueux sont nos passions ». La passion du chant est en tout cas manifeste _ oui ! _ à tous les moments de ce bel enregistrement.

Un très beau, et très nécessaire, fruit du superbe travail et musical, et discographique, que ce très beau CD ;

avec des révélations musicales de toute première grandeur !!!

Et maintenant,

découvrons vite _ même si c’est risqué pour les investissements de l’édition discographique : un récital de très beaux airs trouvant ces derniers temps plus aisément le chemin déjà tortueux (faute, aussi, d’assez de médiateurs compétents et efficaces…) des mélomanes et discophiles, qu’un opéra entier, et d’un compositeur jusqu’ici inconnu, c’est sûr !… _ un opéra complet d’un de ces compositeurs jusqu’ici délaissés de la scène, du concert et du disque, tels qu’un Ristori ou un Chelleri-Keller, et redécouverts ici grâce aux recherches pionnières patientes et découvertes musicales de première grandeur _ insistons-y… _ d’un chercheur-expert audacieux et tenace _ et un peu compétent musicalement _, tel qu’Olivier Fourès…

Ce samedi 6 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le passionnant travail du magnifique Michael Spyres sur les amplitudes et l’histoire de la voix de ténor, en son nouveau stupéfiant CD « Contra-Tenor », après son « BariTenor » de 2022…

05mai

Après son déjà passionnant (et déjà stupéfiant !) CD « BariTenor«  _ le CD Erato 019029516664, enregistré à Strasbourg aux mois d’août et octobre 2020, et paru en 2021, avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, sous la direction de Marko Letonja ; cf mes articles des 22 octobre (« « ), 23 octobre (« « ), 24 octobre (« « ) et 15 décembre 2021 (« « )… _,

le magnifique ténor qu’est l’immense Michael Spyres (Mansfield, Missouri, 1979), étend sa passionnante exploration des répertoires _ encore trop mal connus, et confusément répertoriés… _ de la voix de ténor, en ses divers et très larges ambitus,

par un nouveau stupéfiant CD, intitulé de manière un tantinet provocante, cette fois, « Contra-Tenor » _ soit le CD Erato 5054197293467, enregistré à la Villa San Fermo à Lonigo (province de Vicence, en Italie), du 15 au 22 septembre 2022, avec l’Ensemble (baroque bien connu !) Il Pomo d’Oro, dirigé par l’excellentissime Francesco Corti.

Soit, à nouveau, une magistrale réussite musicale.

Qu’on écoute, par exemple, les airs donnés en ces deux vidéos-ci :

en la première, l’air, virtuosissime, « Tu m’involasti un regno », extrait de l' »Antigono » (répété à Lisbonne au mois d’octobre 1755 _ mais non créé alors, à cause du terrible désastre du tremblement de terre de Lisbonne, le 1er novembre !!! _, d’Antonio-Maria Mazzonni (1717 – 1785) _ à comparer avec cette autre prise vidéo (d’une durée de 6’15) pour le même air, à Lisbonne, cette fois, en 2011, avec l’Ensemble Il divino sospiro dirigé par Enrico Onofri… _ ;

et en la seconde, l’air, aussi époustouflant _ de beauté, comme d’interprétation _, « Se il mio paterno adore », extrait du « Siroe » (créé à Rome le 12 janvier 1740), de Gaetano Latilla (1711 – 1788) ;

vidéos d’une durée respectivement de 6’17 et de 6’10.

J’ai réuni ici 5 liens à de bien intéressants articles parus en commentaire de ce tout nouveau CD « Contra-Tenor » de Michael Spyres,

auxquels on pourra accéder par ces liens-ci :

_  de Tim Ashley, sur le site de Gramophone _ sans date _, « Michael Spyres : Contra-Tenor« …

_ de Laurent Bury, sur le site de PremiereLoge-Opera.co, le 21 avril dernier, « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante ! « 

_ de Clément Demeure, sur le site de ForumOpera.com, le 21 avril aussi, « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque« 

_ de Pierre Giangiobbe, sur le site de Olyrix, le 22 avril, en suivant, « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album« 

_ de Pierre Degott, sur le site de ResMusica, en date du 28 avril 2023, « Michael Spyres, ténor assoluto« 

Ce qui donne, pour ces articles en français, avec l’ajout de quelques remarques de ma part :

_ pour l’article « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante !  » de Laurent Bury :

Nous ne pouvions pas imaginer, rendant compte de son enregistrement des Nuits d’été, que Michael Spyres, à défaut de devenir soprano, se présenterait ensuite comme « contre-ténor ». Ce n’est évidemment pas ainsi qu’il convient de traduire le titre de son nouveau disque, où il apparaît plutôt sous l’aspect d’une haute-contre à la française _ voilà ! _, mais où il aborde aussi toutes sortes de rôles italiens destinés à cette tessiture qui, ainsi qu’il l’explique, n’existe pas, ou du moins, que nul n’a jamais pu définir très clairement : « la voix la plus virtuose et difficile à classer dans une catégorie spécifique », selon lui.

Ayant abordé l’opera seria mozartien après s’être fait connaître dans le répertoire des premières décennies du XIXe siècle (Rossini, Meyerbeer), Michael Spyres s’amuse depuis quelque temps à brouiller les pistes, et veut nous montrer qu’il peut chanter en baryton aussi bien qu’en ténor. Nouvelle démonstration avec le disque Contra-Tenor, mais cette fois dans le répertoire du XVIIIesiècle, le rôle-titre de Mitridate étant à peu près le seul qu’il a eu l’occasion de servir à la scène (même si on se rappelle une incursion haendélienne dans un Theodora donné en concert et enregistré dans la foulée).

Le programme de ce récital va donc de Lully à Piccinni, deux Italiens ayant connu le succès à Paris (et dans les deux cas sur un livret de Quinault _ en effet ! _, puisque Piccinni reprit pour son Roland _ en 1778 _ le livret que Lully avait utilisé un siècle auparavant _ en 1685 _), et s’il inclut un compositeur né en France – Rameau – et quelques Allemands déracinés – Haendel, Hasse, Gluck –, il faut bien reconnaître _ oui _ que, en ce CD Contra-Tenor les Italiens d’Italie se taillent la part du lion.

De Lully, il aurait sans doute été possible _ oui ! _ de trouver un véritable air, comme celui de Renaud dans Armide, par exemple, plutôt que cette minute et demie de déclamation extraite de Persée sur laquelle s’ouvre le disque _ peut-être en suivant l’exemple de Rockwell Blake en son CD « Airs d’Opéras français« , pour EMI, en 1994. Et entre ce Persée de 1682 et la Naïs de Rameau en 1749, n’y avait-il donc aucun compositeur français qui mérite d’être enregistré par le « Contra-Tenor », lui qui chante si admirablement notre langue ? _ la remarque est en effet très judicieuse…

Tous les Italiens du XVIIIe siècle défilent, y compris le trop rare Galuppi, et d’encore moins fréquentés, comme Gaetano Latilla ou Antonio Maria Mazzoni, qui offrent à Michael Spyres d’excellentes occasions _ mais oui ! _ de déployer son agilité vocale dans des arias exigeant non seulement une maîtrise du chant rapide et orné, mais imposant aussi d’impressionnants _ certes _ sauts d’octave, nouvelle preuve de l’étendue de son registre, lorsqu’il aligne d’impressionnants suraigus et de soudaines descentes dans le grave, sans jamais perdre de vue _ et c’est bien là le principal _ l’expressivité de ces pages (il parvient même à proposer une version personnelle d’un air aussi rabâché que « J’ai perdu mon Eurydice »).

Non content de vouloir aborder Wagner, le ténor américain réussit – en studio, en attendant la scène – à s’imposer dans des répertoires aux exigences tout autres. Quant à Il Pomo d’Oro, on savait l’ensemble familier de la musique italienne, mais on le découvre très à son aise aussi _ oui ! _ dans l’opéra français, avec une noble passacaille de Persée.

_ pour l’article « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque » de Clément Demeure :

Un jalon du chant baroque

En 2011, l’agent de Michael Spyres publiait sur YouTube « Tu m’involasti un regno », air de bravoure d’Antigono où l’on découvrait un ténor casse-cou aux moyens exceptionnels, sans doute le premier à rendre pleinement justice à ce genre de partition _ oui. Douze ans plus tard, désormais vedette internationale, l’Américain revient enfin à ce premier belcanto pour lequel il est idéalement taillé _ en effet, et cela sur tous les plans…

Et c’est un disque qui fera date _ sans nul doute. Dans son ambition comme dans sa composition, le programme renvoie à de multiples références. À Spyres lui-même pour commencer, d’Antigono _ de Mazzoni _ au Mitridate _ de Mozart _ dont il s’est fait la spécialité. Écho aussi au précédent Baritenor : avec Contra-Tenor, le chanteur opte encore malicieusement _ oui… Michael a aussi beaucoup d’esprit ! _ pour un terme adjacent, comme pour tourner autour _ oui, en creusant et déployant… _ de la catégorie « ténor » et railler la rigidité du Fach, ce système de registres vocaux qu’il ne cesse de dynamiter _ et c’est là un point en effet tout à fait important pour l’intelligence d’une telle démarche de la part de Michael Spyres… Il faut voir sa mine réjouie _ oui _ dans divers montages kitsch rappelant _ mais oui ; c’est fort bien vu… _ les facéties d’une certaine Bartoli. Un modèle assurément, tant l’Italienne a contribué à l’aggiornamento du chant baroque et joué _ oui _ avec les tessitures _ voilà... Restait à faire pour les ténors ce que Bartoli et d’autres ont réussi pour Bordoni, Farinelli et consorts… Entreprise bien peu tentée, surtout encore en combinant les répertoires français et italien1.

Comme toujours, Spyres entend ne rien s’interdire, et montrer qu’il peut exceller partout. En se confrontant à diverses références, ici au mythique album français de Rockwell Blake (comportant, et en ouverture de ce CD de Rockwell Blake, en 1994,  le même « En butte aux fureurs de l’orage »), là aux intégrales récentes de Vinci ou Porpora chez Decca. S’il se « contente » de tenir tête à Blake, dont la virtuosité jubilatoire est d’une netteté inégalable _ en dépit d’un timbre de voix plus contestable, lui _, Spyres surpasse nettement sa concurrence _ oui ! Jetons un voile pudique sur les infortunés chargés de ressusciter l’Achille in Sciro de Sarro à Martina Franca et Naples ; saluons l’autorité de Spyres dans « Si sgomenti », dont la tessiture grave gênait Juan Sancho, ou chez Vivaldi dans un air où la voix de Topi Lehtipuu se tassait ; oublions enfin tous ces ténors « baroques » essoufflés par les graves et les écarts épuisants de Bajazet. Autre clin d’œil du programme, l’extrait d’Arminio de Hasse répond crânement à Rodolfo Celletti qui, dans sa célèbre Histoire du bel canto (1983), y voyait « un des airs exigeant le plus de virtuosité qui aient été écrits pour cette voix [le ténor] ».

C’est peu dire _ oui ! _ que Spyres se montre à la hauteur de ses ambitions. Conformément au principe du belcanto, la voix est homogène et bien assise dans le médium _ oui _, enjambe les intervalles sans effort apparent _ oui, et c’est absolument nécessaire… _ et dispense à l’envi _ et jubilation, oui _ trilles et vocalises. Il se permet _ aussi de réjouissantes _ incartades et nuances des tréfonds du grave au suraigu. Manière de remettre les pendules à l’heure : le primo tenore d’opera seria n’est ni un évangéliste façon Bach, ni un ténor di grazia censément « mozartien » _ c’est fort juste ! Le programme parcourt chronologiquement _ oui _ l’évolution des styles et des vocalités entre France et Italie. Résolument sombre dans les airs de Vivaldi (transposition d’un air pour castrat), Haendel et Vinci, évocations des baryténors Borosini (1695 – 1747) et Pinacci (1695 – 1750) _ des noms à retenir _, Spyres se montre plus prodigue d’aigus à partir du galant « Nocchier che mai non vide » de Porpora. À compter des années 1730, le primo tenore se hisse au rang de premier antagoniste _ voilà… _ dans des emplois stéréotypés de pères et hommes de pouvoir inquiets aux passions chaotiques. Véhicules idéaux pour une nouvelle génération de ténors capables de rivaliser _ c’est cela, sur la scène _ avec les castrats et divas dans l’extravagance d’ambitus étirés et la complexité des vocalises _ oui _ : Spyres convoque les mânes de monstres vocaux comme Amorevoli (1716 – 1798) (Sarro et Hasse, image ci-dessus), Babbi (1708 – 1768) (Mazzoni et Latilla) et Ettore (1740 – 1771) (Mozart).

Même si rien dans le programme n’est routinier, seules trois pages sont de vraies premières mondiales. « Solcar pensa un mar sicuro » de Hasse (Arminio, 1745) tisse une parabole maritime sur d’ondoyantes dentelles de trilles, tandis que Galuppi (Alessandro nell’Indie, 1755) distille son charme mélodique habituel dans un air sensible « Vi trofeo d’un alma imbelle » où l’aigu doit être sollicité sans brusquerie jusqu’au contre-ut. Mais le clou du spectacle, c’est _ très probablement _ l’allegro « Se il mio paterno amore » du Siroe de Gaetano Latilla (1740). Multiples plongeons du la3 au ré2, descentes dans le registre de basse jusqu’au sol1, entêtantes vocalises et roulades déferlantes, tout est exécuté avec une autorité _ et plénitude, oui _ qui laisse bouche bée. En revanche, si l’on comprend _ et combien !!! _ que Spyres ait souhaité laisser une gravure « propre » _ oui _ de l’air spectaculaire « Tu m’involasti un regno » de Mazzoni qui a contribué à le faire connaître – roulade sur trois octaves incluse –, le doublon était moins nécessaire pour « Se di lauri » _ du Mitridate de Mozart _, que l’on préfère dans l’intégrale Minkowski gravée seulement deux mois plus tard.

L’Américain était moins attendu dans la tragédie lyrique _ française… Le hiatus stylistique est manifeste, mais les récitals romantiques associent souvent Donizetti et Gounod, Massenet et Verdi sans que personne n’y trouve à redire : l’idée de confronter les genres au siècle précédent se défend. Dans le français clair et éloquent _ superbissime ! _ qu’on lui connaît, Spyres relève le défi de tessitures nettement plus élevées, avec des allègements bienvenus dans les trois ariettes de réjouissance choisies qui, de Lully à Piccinni, trahissent un goût croissant pour la vocalise. En virtuosité pure _ mais est-ce là l’essentiel ? non… _, l’Américain surclasse Reinoud van Mechelen, qui conserve néanmoins notre faveur dans ce répertoire et rend lui aussi de très beaux hommages à ses devanciers (Dusmeny, Jéliote et bientôt _ nous l’attendons impatiemment _ Legros). L’unique déploration proposée (« J’ai perdu mon Eurydice » de 1774) est ce qui convainc le moins _ mais cela se discute… Pour autant, cela ne signifie pas _ certes ! et ce serait là très déplorablement bien réducteur… _ que l’album, indéniablement démonstratif, ne vaut que pour ses tours de force. Une fois passée la stupéfaction initiale, on goûte _ et combien !!! _ la finesse _ merveilleuse _ d’un interprète qui sait _ et comment ! _ ce qu’il chante, varie les couleurs, sculpte le verbe sans confondre _ jamais _ déclamation et aboiement _ cette déclamation si fondamentale dans tout l’art musical français _, et ne néglige _ en effet _ aucune nuance dramatique. Ajoutons à cela des variations excitantes et de bon goût _ toujours : cela aussi étant absolument nécessaire _, dans les reprises da capo.

Il Pomo d’oro _ une fois encore, et comme à chaque fois, à son niveau d’excellence… _, dirigé par _ le toujours parfaitFrancesco Corti, étonne tout autant _ mais oui _ que le soliste par son adéquation aux différents styles, par exemple _ mais c’est le seul morceau purement instrumental du CD _ la passacaille de Persée. Les tempi sont justes, la technique est sans faille, et si l’orchestre laisse _ mais oui _  la star briller, il contribue également à hausser ces versions au-dessus des concurrentes, en tout cas pour le versant italien. Et à faire de cet album un nouvel étalon _ voilà !!!! _ dans l’interprétation de l’opera seria.

  1. En 1970, Peter Schreier avait proposé un disque baroque (Italienische Belcanto-Arien), et en 1993 Ernesto Palacio avait gravé Re ed Eroi di Pietro Metastasio sous la baguette de Tamás Pá. S’il faut rendre hommage à leurs efforts précurseurs, le style – surtout à l’orchestre – et la timidité technique en font surtout des documents. D’autres ténors ont depuis conçu des récitals consacrés à Haendel et parfois Vivaldi, voire des programmes franchement originaux ou ambitieux. L’album Gluck fort réussi de Daniel Behle (2014), qui mêle aussi airs pour haute-contre et opera seria, est celui qui se rapproche le plus du projet de Michael Spyres. L’Allemand compte d’ailleurs continuer sur ce terrain cette année à Bayreuth (Kings of bravura).

_ pour l’article « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album » de Pierre Giangiobbe :

Après BariTénor, Michael Spyres continue d’explorer _ oui, et c’est passionnant ! _ les frontières de sa tessiture _ voilà _ et passe “de la cave au grenier” avec son nouveau disque Contra-Tenore, replongeant pour s’élever vers le répertoire baroque pour voix masculine aiguë, en compagnie de l’orchestre Il Pomo d’Oro dirigé par Francesco Corti pour un disque Erato-Warner Classics.

Le précédent album questionnait la frontière grave _ voilà _ entre ténor et baryton, celui en fait de même pour la frontière aiguë _ oui ! _, et il le fait de la même manière, avec une forme de flou artistique aussi. Si le choix de répertoire est bien délimité (ce nouveau projet remonte au baroque, et s’arrête donc là où le précédent album commençait), le titre du disque et le propos du livret _ extrêmement intéressant en ses analyses détaillées, il faut le souligner _ posent une série de questions _ oui ! _ jouant sur les termes et les strates historiques. Le « contra-tenore » n’est en effet pas _ oui, oui !!!  _ le « contre-ténor » d’aujourd’hui, celui qui a succédé au castrat, mais veut au contraire désigner le ténor qui, à l’époque baroque, rivalisait justement _ sur la scène _ avec les castrats. Comme le rappelle le livret, ces ténors pouvaient déjà être désignés par toute une série _ non codée, et pour cause : chaque chanteur faisait (et osait !) avec ses propres moyens… _ d’appellation : ténor-basse, baritenore, contre-ténor et haute-contre, ou encore taille. Michael Spyres, continue donc _ voilà _ son exploration _ passionnante _ de ces déclinaisons en s’intéressant ici au spectre aigu, le « contre » pouvant aussi bien définir le haute-contre à la française que le contre-ténor italien, mais pas _ en effet ! _ le contre-ténor à la voix de fausset.

Et finalement, c’est encore une autre voix que le chanteur vise et qu’il met en avant : celle du « tenore assoluto » dont la tessiture balaye l’ambitus allant du bariténor au contre-alto (voix grave féminine), un terme qui est depuis devenu le surnom superlatif d’Enrico Caruso, « Tenore Assoluto« , rajoutant encore à la confusion.

Michael Spyres vise donc le contra-tenore-assoluto-barocco _ si l’on veut… _ en prêtant sa voix à l’étendue spectaculaire _ certes, mais jamais forcée au final… _ aux rôles composés par Lully, Haendel, Rameau et plus tardivement Gluck et Mozart (et le disque fait également découvrir quelques morceaux de Johann Adolf Hasse, Baldassare Galuppi ou Gaetano Latilla, enregistrés pour la première fois).

Cet album est un hommage à l’habileté technique _ mais pas seulement ! Ce serait là terriblement réducteur ! _ de l’interprète. Trilles, mordants, fioritures sont au rendez-vous, exécutés avec souplesse _ et naturel, comme il se doit… _, d’une voix toujours projetée avec l’éclat d’un vibrato sémillant. Michael Spyres s’illustre autant dans les pyrotechnies vocales du répertoire italien que dans le raffinement sobre _ nécessairement : un art de la délicatesse, jamais forcée… _ du grand style français. Sa prononciation est _ parfaitement _ soignée dans ces deux langues. Naviguant entre les registres, il déploie tantôt un grave satiné « barytonant », voire « basso » large et profond, tantôt un aigu fulgurant. Plusieurs morceaux l’amènent dans l’extrême-aigu sur la cadence (jusqu’au contre-fa, voire au-delà). La voix s’affine sans basculer en falsetto _ en effet _ et reste nettement _ oui _ timbrée.

Les musiciens de l’orchestre Il Pomo d’Oro mettent toute leur expertise _ très grande _ du répertoire baroque au service notamment des pièces oubliées, déployant une riche palette sonore emportée par un pupitre de cordes particulièrement vif et endiablé (sans oublier les nuances _ capitales _ données par la direction précise _ et justissime _ du chef et claveciniste _ excellent, chaque fois !Francesco Corti, qui confère à cette musique tout son caractère vivant et aérien) _ absolument : beaucoup de fluidité et de vie…

De quoi, au final, se laisser emporter _ sans la moindre réticence, jamais _ par la virtuosité absolue _ mais pas gratuite, ni capricieuse : Michael Spyres n’est pas Cecilia Bartoli… _ de cette musique, qui justement déborde _ avec esprit _ tous les cadres, toutes les cases et appellations : en vers et contre-ténors.

_ pour l’article de Pierre Degott « Michael Spyres, ténor assoluto » :

Dans un programme riche et éclectique, se livre à une nouvelle démonstration de virtuosité et de versatilité _ mais jamais gratuites ni capricieuses. Un récital qui fera date _ oui _, et qu’on rangera à côté _ et sans l’y amalgamer _ des plus grandes réussites récentes de tous nos contreténors préférés.

Est-il ténor, baryton, baryténor, haute-contre, Heldentenor, maintenant contra-ténor ? se pose décidément beaucoup de questions, pour le plus grand bonheur de ses auditeurs _ en effet _ qui n’auront aucun mal à se faire leur propre avis. Si l’album intitulé Baritenor avait moyennement convaincu _ pas moi : j’en suis enthousiaste _ , cet album consacré aux grands airs baroques devrait, lui, rallier tous les suffrages. Le choix du programme, tout d’abord, qui de Lully à Mozart couvre l’exploration de la tessiture de ténor sur toute la période baroque, devrait satisfaire tous les amateurs de musique ancienne. Un air par compositeur, de quoi ravir les admirateurs de musique italienne comme de musique française _ bien distincts cependant. Le projet de Michael Spyres est visiblement de convaincre qu’à côté de la voix de castrat, le ténor baroque avait lui aussi _ mais oui ! _ son mot à dire, même s’il est vrai que la tessiture de cette voix n’était pas aussi nettement définie _ en effet _ qu’elle l’est devenue plus tard au XIXᵉ siècle. Le haute-contre à la française de Lully et de Rameau, convenons-en, a peu à voir _ en effet !!! _ avec le ténor barytonnant de Haendel, illustré ici par le Bajazet de Tamerlano. Ce personnage évolue en effet dans une tessiture relativement grave qui a permis encore récemment à Plácido Domingo, ténor alors redevenu baryton, de se tailler un beau succès dans le rôle….

 

Dans les deux types de tessiture, Michael Spyres se montre souverain _ oui _, même si l’on se permettra de préférer ses couleurs vocales dans le haut-médium de la voix. Son extension dans le grave, si elle commande le respect, n’a pas la même qualité de timbre que la partie plus élevée de l’instrument. On n’en apprécie pas moins les variations dans les notes basses de certains airs, dont le « Se il moi paterno amore » du Siroe, re di Persia, enregistré en première mondiale. Dans toutes les plages réunies sur cet album, lesquelles feront entendre quelques tubes du baroque et du classicisme naissant comme des nouveautés absolues _ les deux _, Spyres se montre un technicien hors pair _ mais pas seulement, et loin de là : un merveilleux artiste lucide aussi… La voix est homogène sur tous les registres, des extrêmes graves aux extrêmes aiguës, et enjambe les intervalles les plus folles sans la moindre difficulté _ quelle suprême fluidité… Elle offre tout au long du programme, et sans le moindre effort, trilles, mordants et vocalises, s’autorisant des incartades _ mais jamais folles _ autant dans le suraigu que dans les tréfonds du registre de basse. Le spectaculaire « Tu m’involasti un regno » extrait de l’Antigono de Mazzoni fait entendre une vocalise sur rien moins que trois octaves. Cerise sur le gâteau, Spyres sait également dire un texte et son interprétation de « J’ai perdu mon Eurydice », dans un excellent français, est une des plus émouvantes qu’on ait pu entendre ces dernières années _ mais oui ; et en quel admirable français !

Un tour de force vocal, donc, qui rappelle que virtuosité technique et expressivité _ voilà _ ne sont en rien incompatibles. On aura rarement été autant convaincu par un récital d’airs baroques, autant pour la variété des airs sélectionnés que par la maîtrise de la technique vocale et par celle de l’art de la diction _ oui !!! _ et de l’interprétation _ admirable. Il Pomo d’oro, dirigé ici par , est un ensemble instrumental aujourd’hui bien connu _ pour sa régulière excellence !! Tout comme le soliste, il montre sa parfaite adéquation _ oui _ aux différents styles _ très divers _ représentés sur ce programme à l’éclectisme rare _ oui _ pour un enregistrement estampillé « baroque ». Sa contribution _ voilà _ au succès de l’entreprise se doit d’être dûment signalée.

Contra-tenor.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : « Cessons de redouter » et Passacaille extraits de Persée.

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « E il soffrirete … Empio per farti guerra » extrait de Tamerlano.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Cada pur sul capo audace » extrait de Artabano, re de’ Parti.

Leonardo Vinci (1690-1730) : « Si sgomenti alle sue pene » extrait de Catone in Utica.

Nicola Porpora (1686-1768) : « Nocchier, che mai non vide » extrait de Germanico in Germania.

Domenico Sarro (1679-1744) : « Fra l’ombre un lampo solo » extrait de Achille in Sciro.

Baldassare Galuppi (1706-1785) : « Vil trofeo d’un alma imbelle » extrait de Alessandro nell’Indie.

Gaetano Latilla (1711-1768) : « Se il mio paterno amore » extrait de Siroe, re di Persia.

Johann Adolf Hasse (1699-1783) : « Solcar pensa un mar sicuro » extrait de Arminio.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : « Cessez de ravager la Terre » extrait de Naïs.

Antonio Maria Mazzoni (1717-1785) : « Tu m’involasti un regno » extrait de Antigono.

Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « J’ai perdu mon Eurydice » extrait de Orphée et Eurydice.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : « Se di lauri » extrait de Mitridate, re di Ponto.

Niccolò Piccinni (1728-1800) : « En butte aux fureurs de l’orage » extrait de Roland.

Michael Spyres, ténor ;

Il Pomo d’oro, direction : Francesco Corti.

1 CD Erato.

Enregistré du 15 au 22 septembre 2020 à la Villa San Fermo de Lonigo (Italie).

Notice de présentation en anglais, français et allemand.

Durée : 72:54

 

Voilà pour ces articles annotés.

Le CD enfile ses 14 airs dans l’ordre _ presque, à une exception près : les airs de Vivaldi (en 1716) et de Haendel (en 1724), intervertis dans l’ordre du CD, pour une raison qui m’échappe… _ strictement chronologique de leur création (ou composition, pour l’air de Mazzoni qui n’a pu être créé à Lisbonne à cause des destructions du terrible tremblement de terre, alors que l’opéra « Antigono » était en répétitions..) :

_ 1682, pour l’air extrait de « Persée » de Lully, créé à Paris le 18 avril 1682

_ 1716, pour l’air extrait d' »Artabano, re de’ Parti » de Vivaldi, créé à Venise le 18 janvier 1716

_ 1724, pour l’air extrait de « Tamerlano » de Haendel, créé à Londres le 31 octobre 1724

_ 1728, pour l’air extrait de « Catone in Utica » de Vinci, créé à Rome le 19 janvier 1728

_ 1732, pour l’air extrait de « Germanico in Germania » de Porpora, créé à Rome en févrierl 1732

_ 1737, pour l’air extrait d' »Achille in Sciro » de Domenico Sarro, créé à Naples le 4 novembre 1737

_ 1738, pour l’air extrait d' »Alessandro nell’Indie » de Galuppi, créé à Mantoue le 14 janvier 1738

_ 1740, pour l’air extrait de « Siroe, re di Persia » de Gaetano Latilla, créé à Rome  le 12 janvier 1740

_ 1745, pour l’air extrait d' »Arminio » de Hasse, créé à Dresde, le 7 octobre 1745

_ 1749, pour l’air extrait de « Nais » de Rameau, créé à Paris le22 avril 1749

_ 1755, pour l’air extrait d' »Antigono » d’Antonio-Maria Mazzoni, répété, mais non créé, à Lisbonne en octobre 1755

_ 1762, pour l’air extrait d' »Orphée et Eurydice » de Gluck, créé à Paris le 5 octobre 1762

_ 1772, pour l’air extrait de « Mitridate, re di Ponto » de Mozart, créé à Milan le 26 décembre 1772

_ 1778, pour l’air extrait de « Roland » de Piccinni, créé à Paris le 27 janvier 1778.

Un CD indispensable.

Ce vendredi 5 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dans le chantier discographique de révélation de l’opéra français entre Lully (1632-1687) et Rameau (1683-1764) : l' »Ariane et Bacchus » (en 1696) de Marin Marais (1656 – 1728), par Hervé Niquet…

18avr

Dans l’important chantier discographique de révélation au grand-public mélomane de l’opéra français entre Lully (1632 – 1687) et Rameau (1683 – 1764),

voici aujourd’hui l' »Ariane et Bacchus » (en 1696) de Marin Marais (1656 – 1728),

dans la réalisation d’Hervé Niquet avec son Concert Spirituel _ ainsi que les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles _ ; soit le double CD Alpha 926.

Sur cette réalisation, voici l’article de ce jour du site ResMusica,

sous la plume de Pierre Degott :

Ariane et Bacchus de Marin Marais pour la première fois au disque

Interprétée par le Concert Spirituel et des spécialistes du genre dirigés par Hervé Niquet, voilà une intéressante réalisation qui permettra à l’auditeur de se familiariser davantage avec la tragédie lyrique française entre Lully et Rameau. 

Créée en 1696 _ à l’Académie Royale de Musique le 8 mars 1696 _, soit près de dix ans après la mort de Lully _ décédé le 22 mars 1687 _, la tragédie lyrique Ariane et Bacchus fait partie de cette série d’ouvrages intermédiaires entre le monopole du compositeur d’origine italienne _ et les héritiers de son privilège royal qu’ont été ses fils, dont Louis Lully (1664 – 1734) : Louis Lully et Marin Marais collaborèrent pour Alcide, en 1693… _ et le règne de celui qui allait lui succéder à partir des années 1730, Jean-Philippe Rameau _ né le 25 septembre 1683. Grâce à l’action de nos grands chefs spécialistes du baroque, nous connaissons _ un peu _ mieux aujourd’hui les opéras de Desmarets, Destouches, Rebel et autres, et c’est une très bonne chose _ en effet ! Le présent enregistrement, reflet d’un concert donné au Théâtre des Champs-Élysées en avril 2022, porte ainsi, après Alcione et Sémélé _ dont je possède les CDs des interprétations de Marc Minkowki, Erato 2292-45522-2, de 3 CDs, en 1990, et Hervé Niquet Glossa GES 921014,  de 2 CDs, en 2007  _, au nombre de trois les opéras de Marin Marai à avoir eu les honneurs du disque. L’ouvrage, avec sa mécanique théâtrale nourrie de péripéties mythologiques, avec son hommage appuyé à Louis XIV, respecte à la lettre les codes de l’époque et il pourra parfois donner l’impression de déjà vu, ou plutôt de déjà entendu _ certes… Il n’en contient pas moins de belles scènes tragiques, notamment celles confiées à l’héroïne _ Ariane _ qui, abandonnée de Thésée, se croit à deux reprises délaissée par Bacchus. Sans doute est-ce l’existence de deux sources littéraires clairement identifiées qui explique la complexité d’une intrigue confiée à une multitude de personnages dont la caractérisation théâtrale et musicale reste peut-être _ et même probablement _ un maillon faible. Si l’on flaire ce qui pourrait s’apparenter à un soupçon de mélange des genres, ce serait peut-être aller un peu loin que d’adhérer aux propos d’Hervé Niquet lorsqu’il parle à propos d’Ariane et Bacchus de « comédie musicale à la française ». Nous ne sommes tout de même pas dans l’univers d’Ariadne auf Naxos… Sur le plan musical, l’œuvre brille de multiples beautés, portées par des audaces harmoniques inattendues ainsi que par une orchestration qui met en valeur un certain nombre d’instruments, notamment dans les récitatifs accompagnés et les grandes scènes d’Ariane.

Porté par un Hervé Niquet qui visiblement croit à la solidité du projet, le Concert Spirituel se montre parfaitement à la hauteur de la situation, autant pour les parties chorales qu’instrumentales. La distribution, composée de vétérans et de jeunes chanteurs tous spécialistes de ce répertoire, propose un équilibre tout à fait idéal et offre une belle homogénéité _ on aurait souhaité cependant un peu plus d’investissement de leur part… On regrettera presque que ait eu à se contenter du rôle bref de Junon, tant on se délecte _ une fois encore _ de l’élégance et de la noblesse de ses phrasés. À ses côtés, en Ariane ne démérite pas, mais la tessiture relativement basse de son rôle ne la met pas à son avantage _ en effet… On lui préfère en tout cas , dont le timbre frais et charnu donne quelque vie aux rôles plutôt anecdotiques de Corcine et de La Gloire. Chez les messieurs, on retrouve avec plaisir en Bacchus , habitué désormais de ces rôles le haute-contre à la française, et l’on se réjouit de découvrir à côté de lui , lui aussi possesseur de l’instrument idéal pour ce type d’emploi. Chez les clés de fa, est un Géralde véhément et autoritaire, plus théâtral que David Witzcak en Adraste ou dans la série de petits rôles qui lui sont confiés. Belle présence vocale également de la part du baryton , qui parvient à donner corps et substance aux deux rôles du Roi Lycas et du Sacrificateur.

Belle initiative, donc, qui aura permis de découvrir _ voilà, au disque… _ un opéra qui n’est sans doute pas _ en effet… _ un grand chef-d’œuvre oublié, mais qui n’en constitue pas moins un jalon intéressant _ c’est cela… _ de l’histoire de la tragédie lyrique française.

Marin Marais (1656-1728) : Ariane et Bacchus, tragédie lyrique en un prologue et cinq actes sur un livret de Saint-Jean inspiré de la tragédie Ariane de Thomas Corneille et de la comédie héroïque Les Amours ou le mariage de Bacchus et d’Ariane de Jean Donneau de Visé.

Judith van Wanroij, soprano (Ariane) ; Véronique Gens, soprano (La Nymphe de la Seine / Junon) ; Mathias Vidal, haute-contre (Bacchus / Un Songe) ; Hélène Carpentier, soprano (Terpsichore / Dircée / Un Songe) ; Marie Perbost, soprano (La Gloire / Corcine) ; Mathieu Lécroart, baryton-basse (Géralde / Jupiter) ; David Witczak, baryton (Adraste) ; Tomislav Lavoie, basse (Le Roi / Un Sacrificateur) ; Philippe Estèphe, baryton (Pan / Le Deuxième matelot / Lycas / Phobétor / Phantase / Alecton) ; Marine Lafdal-Franc, soprano (L’Amour / Elise / La Naxienne) ; David Tricou, haute-contre (Un Plaisir / Un Suivant du Roi / Le Premier matelot / Mercure) ;

Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel, direction : Hervé Niquet.

2 CD Alpha.

Enregistrés en avril 2022 à l’auditorium du Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux.

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée totale : 2:06:25

Un atout principalement documentaire, donc.

Ce mardi 18 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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