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Le travail de composition du programme du CD « Baritenor » par Michael Spyres, eu égard à l’histoire de l’opéra et des chanteurs, entre 1781 et 1937 : l’intelligence de la dynamique souple des voix, de Michael Spyres…

23oct

Comme envisagé dans mon article d’hier vendredi 22 octobre ,

je désire me pencher ce jour sur le minutieux et approfondi travail de composition, par Michael Spyres, de son programme anthologique _ de 18 plages (et 84′ 30) _ du CD « Baritenor « , tel qu’il le présente dans le livret de son CD,

avec 18 airs,

extraits de 18 opéras de 15 compositeurs

et je mets en rouge et en gras les chanteurs nommément cités par Michael Spyres en la présentation de son travail d’anthologie, dans les 5 pages de na notice du CD ; les autres créateurs des rôles sont Michal Spyres chante ici un air représentatif de la voix de baryténor, sont seulement cités ici par moi _ :

_ de Mozart (1756 – 1791) :

     Idomeneo, créé à Munich le 29 janvier 1781), dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Idomeneo « Fuor del mar« , chanté lors de la création par Anton Raaf (Gelsdorf, 1714 – Munich, 1797) ;

     Le Nozze di Figaro, créé à Vienne le 1er mai 1786, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte Almaviva « Hai gia vinta la causa« , chanté lors de la création par Stefano Mandini ;

     Don Giovanni, créé à Prague le 29 octobre 1787, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Don Giovanni « Deh, vieni alla finestra« , chanté lors de la création par Luigi Bassi ;

_ de Méhul (1763 – 1817) :

     Ariodant, créé à Paris le 11 octobre 1799, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Edgard « Ô Dieux ! Ecoutez ma prière« , chanté lors de la création par Jean-Pierre Solié (Nîmes, 1755 – Paris, 1812) ;

_ de Spontini (1774 – 1851) :

     La Vestale, créé à Paris le 15 décembre 1807, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Licinius « Qu’ai-je vu ! Quels apprêts !« , chanté lors de la création par Etienne Lainez ;

_ de Rossini (1792 – 1868) :

     Il Barbiere di Siviglia, créé à Rome le 20 février 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Figaro « Largo al factotum« , chanté lors de la création par Luigi Zamboni ;

     Otello, créé à Naples le 4 décembre 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Otello « Ah ! si, per voi gia sento« , chanté lors de la création par par Andrea Nozzari (Vertova, 1776 – Naples, 1832) ;

_ d’Adolphe Adam (1803 – 1858) :

     Le Postillon de Lonjumeau, créé à Paris le 13 octobre 1836, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Chapelou « Mes amis, écoutez l’histoire« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Chollet (Paris, 1798 – 1892) ;

_ de Donizetti (1797 – 1848) :

     La Fille du régiment, créé à Paris le 11 février 1840, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Tonio « Ah ! mes amis, quel jour de fête !« , chanté lors de la création par Mécène Marié de l’Isle (Chateau-Chinon, 1811 – Compiègne, 1879) ;

_ de Verdi (1813 – 1901) :

      Il Trovatore, créé à Rome le 19 janvier 1853, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte de Luna « Il balen de suo sorriso« , chanté lors de la création par Giovanni Guicciardi ;

_ d’Ambroise Thomas (1811 – 1896) :

     Hamlet, créé à Paris le 9 mars 1868, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Faure (Moulins, 1830 – Paris, 1914) ;

_ d’Offenbach (1819 – 1880) :

     Les Contes d’Hoffmann, créé à Paris le 10 février 1881, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Hoffmann « Va pour Kleinzach !« , chanté lors de la création par Jean-Alexandre Talazac ;

_ de Wagner (1813 – 1883) :

     Lohengrin, créé à Weimar le 28 août 1850, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Lohengrin « Aux bords lointains« , chanté lors de la création par Karl Beck ;

_ de Leoncavallo (1857 – 1919) :

     Pagliacci, créé à Milan le 21 mai 1892, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Tonio « Si puo ? Signore ! Signori !« , chanté lors de la création par Victor Maurel (Marseille, 1848 – New-York, 1923) ;

_ de Franz Lehar (1870 – 1943) :

     Die lustige Witwe, créé à Vienne le 30 décembre 1905, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Danilo « Da geh ich zu Maxim« , chanté lors de la création par Louis Treumann ;

_ de Ravel (1875 – 1937) :

      L’Heure espagnole, créé à Paris le 19 mai 1911, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Ramiro « Voilà ce que j’appelle une femme charmante« , chanté lors de la création par Jean Périer (Paris, 1869 – Neuilly-sur-Seine, 1954) ;

_ de Carl Orff (1895 – 1982) :

     Carmina Burana, créé à Francfort le 8 juillet 1937, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) « Dies nox et omnia« , dont je n’ai pas réussi jusqu’ici à découvrir qui en fut l’interprète lors de la création… ;

_ de Korngold (1897 – 1957) :

     Die tote Stadt, créé à Hambourg le 4 décembre 1920, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Paul « Glück, das mir verblieb« , chanté lors de la création par Richard Schubert (Dessau, 1885 – Oberstaufen, 1959).

D’autres chanteurs susceptibles d’intégrer eux aussi cette catégorie nouvelle de « baryténors » _ que conçoit ici Michael Spyres _

sont cités dans cette notice de présentation,

sans qu’ils aient été présents lors de la création des opéras dont les airs cités ici, sont, surtout, interprétés en ce CD par Michael Spyres :

_ Jean-Baptiste Martin (Paris, 1768 – Ternand, 1837) : celui qui a donné son nom à la voix de baryton-martin, et qui « fut décrit tour à tour comme un ténor au timbre extrêmement sombre, ou, à l’inverse, comme un baryton aux aigus clairs et faciles. On disait de la voix de Martin qu’elle avait la profondeur d’un baryton-basse avec des aigus de ténor » ;

_ Manuel Garcia père (Séville, 1775 – Paris, 1832) : ténor très célèbre, qui « a non seulement interprété le comte Almaviva de la création du Barbier de Séville de Rossini, mais aussi l’Almaviva des Noces de Figaro de Mozart, dans toute l’Europe, pouvant se targuer d’avoir incarné les tout premiers Almaviva » ; soient des rôles initialement conçus pour des voix de baryton ;

_ Giovanni Matteo (Mario) de Candia (Cagliari, 1810 – Rome, 1883) : ténor ;

_ Adolphe Nourrit (Montpellier, 1802 – Naples, 1839) : ténor ;

_ Giovanni-Battista Rubini (Romano di Lombardia, 1794 – Romano di Lombardia, 1854) : ténor ;

dont la postérité a volontiers retenu les noms de tous trois, pour la célébrité de leurs performances tout particulièrement dans leurs interprétations du rôle (pour baryton) de Don Giovanni, du Don Giovanni de Mozart…

Je dois aussi ajouter ici que ma découverte personnelle de l’art de chanter de Michael Spyres, date de la parution, en 2017, pour le label Opera Rara, de son magnifique et marquant CD « Espoir » (ORR 251)

_ cf le compte-rendu détaillé de ce CD « Espoir« , le 28 septembre 2017, par Forumopera.com, sous la plume de Laurent Bury : l’article était intitulé « Si ce n’est lui, c’est donc... » _ ;

or il se trouve que ce très beau et passionnant CD  »Espoir » était _ déjà ! _ conçu comme un hommage à un des plus grands chanteurs d’opéra du XIXe siècle : le ténor Gilbert-Louis Duprez (Paris, 6 décembre – Paris, 23 septembre 1896),

qui est «  célèbre pour avoir été le premier chanteur à émettre en scène un contre-ut (do4) en voix de poitrine, lors de la première reprise italienne de Guillaume Tell _ créé à l’Opéra de Paris, en français, le 3 août 1829 _ de Gioachino Rossini, à Lucques, en 1831. Cette technique « forcée » aurait usé prématurément sa voix, ce qui expliquerait la retraite du ténor à seulement 43 ans« 

La curiosité intelligente extrêmement précise _ et très empathique _ du généreux Michael Spyres envers les parcours plus ou moins singuliers des chanteurs tout au long de la modernité _ depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont vu la naissance (avec l’Orfeo de Monteverdi, créé en 1607 à Mantoue) et les premiers développements (Lully, Rameau, Haendel ; puis Mozart…) du genre musical de l’opéra _,  est donc en quelque sorte consubstantielle à son propre parcours singulier et magnifique de chanteur, baryton et ténor (et « baritenor« )…

….

Voilà.

Et c’est son expérience même de baryton à l’origine, mais conquérant peu à peu, et par admiration pour les ténors _ ses compatriotes américains de l’Amérique profonde… _ Chris Merritt (né en 1952, à Oklahoma City – Oklahoma) et Bruce Ford (né en 1956, à Lubbock – Texas) _ ainsi que par désir (travaillé…) de suivre leurs pas... _, en les faisant siennes, les capacités de chanter aussi les rôles appartenant aux registres de ténor,

qui a révélé, à l’expérience réalisée _ après cinq années de travail assidu, sur le tas, de 2000 à 2005 _, cette capacité vraiment plurielle de sa voix et de son art même de chanter, à Michael Spyres (né en 1979, à Mansfield – Missouri) ;

et lui a suggéré ce projet merveilleux de « baryténor » que vient de réaliser au disque, outre, bien sûr, de très nombreuses prestations scéniques de par le monde entier, ce magnifique CD « Baritenor« .

Ainsi,

reportons-nous à cette forte et éclairante déclaration _ citée en mon article du 19 décembre 2019 :   _ du très intelligent Michael Spyres en un _ excellent _ entretien, le 4 octobre 2018, avec la fine Emmanuelle Giuliani, à propos de la nécessité, selon lui, pour un chanteur, de ne cesser de varier, tout le long de sa carrière, l’étendue et la dynamique _ extension-expansion… _ de ses capacités vocales singulières, dans la variation la plus souple possible des registres de voix des rôles qu’il interprète et endosse, afin de les incarner vraiment le mieux… :

« Au fil de mon parcours _ de chanteur _, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel _ voilà ! _, que _ trop _ peu de gens _ du métier _ ont la chance d’intégrer :

la voix et la technique ont _ grandement _ besoin de ces variations _ de répertoire et de registres… _ pour _ d’abord _ rester performantes, ne pas devenir rigides _ voilà. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile _ physiquement, pour la voix, en son évolution _ de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer _ aussi _ aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français« 

Les classifications nominales _ ici des registres des voix _ sont forcément secondaires et postérieures par rapport aux réalisations factuelles des performances très effectives (et singulières) des chanteurs,

fussent-elles, au départ, celles-ci, improbables et difficiles à déterminer et classer…

_ le compositeur, lui-même, de l’œuvre devant être créée, ayant aussi, bien sûr, et forcément, à tenir grandement compte des capacités plastiques dynamiques des voix des chanteurs ayant à incarner éventuellement ses rôles sur la scène et face au public, lors de la création de chaque opéra à réaliser par lui, en son écriture de la partition, d’abord, afin d’assurer le plus grand succès possible de ce nouvel opus sien, auprès du public ; de même, aussi, qu’à éventuellement changer certains de ses airs, lors de reprises de l’opéra, pour les adapter aux capacités et à la convenance du nouvel interprète pressenti du rôle, en cette reprise de l’œuvre originale (l’opéra étant une réalisation particulièrement collective…).

Ainsi que cela, d’ailleurs, s’est très longtemps pratiqué lors de reprises d’opéras, du moins du vivant des compositeurs…

La classification, théorique, des voix, a ainsi toujours quelque chose d’un peu artificiel, voire d’arbitraire _ ou même, au pire, de sectaire… _ ;

même si elle est, bien sûr, et d’abord, fort utile et commode _ et même nécessaire, au moins pour commencer ; l’expérience pouvant aider à ajuster et approprier ensuite les choses… _ pour l’orientation et les décisions à prendre _ très vite, si ce n’est même sur-le-champ… _ des praticiens mêmes de la voix : compositeurs et chanteurs, au premier chef ; puis, en suivant, producteurs et décisionnaires de spectacles d’opéras, etc.

Le premier mérite de Michael Spyres est donc d’avoir osé essayer, et d’avoir surtout travaillé _ et travailler encore et toujours _,  jusqu’à l’admirable obtention de ses merveilleuses réalisations musicales, si variées, si vivantes, et si réussies, tant sur la scène, qu’au disque…

Un travail _ et un « parcours« , comme lui-même l’énonce… _ exemplaire ;

et particulièrement jouissif pour les mélomanes

amateurs d’opéras…

Merci !!!

Ce samedi 23 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

travail philosophique et exploitation des philosophèmes : la probité intensive de Thomas Bénatouïl dans sa conférence sur les usages modernes et contemporains du « stoïcisme »

11nov

C’est un Thomas Bénatouïl vif, inspiré, très précis et on ne peut mieux passionnant, avec une probité magnifiquement « intensive« , qui a fait le « point«  hier soir, en sa conférence « Peut-on encore être stoïcien ? A propos de la philosophie comme pratique«  _ et à partir de la publication récente de son « Les Stoïciens III _ Musonius, Épictète, Marc-Aurèle«  _ dans les salons Albert-Mollat, sur l’éventail des usages (et mésusages) des philosophies du passé, en général _ et de « philosophèmes » issus du stoïcisme impérial, en particulier… _ qui sont faits aujourd’hui ; et cela non pas en historien des idées (fut-ce en « historien du présent« …), ni en sociologue, voire médiologue, mais bien en philosophe et historien de la philosophie : en acte.


On sent bien, qu’ayant pas mal réfléchi _ c’est, bien sûr, un euphémisme… _ tout particulièrement à ce qu’est la « pratique » (ainsi qu’à son statut même eu égard à ses fondement théoriques _ ou ontologiques ; au delà même de la partie « physique«  de cette philosophie et de sa tradition héritée)… _ dans une philosophie telle que le stoïcisme, et dans les œuvres transmises jusqu’à nous de trois philosophes, Musonius, Épictète, Marc-Aurèle, que nous classons dans la catégorie rassembleuse du « stoïcisme impérial » ou « stoïcisme tardif«  _ cf aussi son travail développé : « Faire usage : la pratique du stoïcisme«  _, Thomas Bénatouïl s’inquiète, en philosophe et en historien de la philosophie, donc, des usages que d’autres que lui font, ou ont fait, de ce statut de la « pratique » en une telle philosophie (stoïcienne), ou dans la parole ou l’écriture de tels philosophes (stoïciens) ; et de dangers d’abus, en pareille occurrence, ou de syncrétisme, ou d’éclectisme…

Tel m’a semblé en effet être l’enjeu peut-être principal de son intervention hier soir ; et selon un souci le plus éminent de la probité du penser…


Un premier volet de sa réflexion porte sur son rapport (de philosophe sans cesse en recherche _ il y a ainsi grand plaisir à l’écouter « reprendre«  et affiner magnifiquement à plusieurs reprises son propre cheminement de chercheur _) à l’œuvre incontestablement marquante, ces trente dernières années _ « Exercices spirituels et philosophie antique » (en 2002) et surtout « Qu’est-ce que la philosophie antique ? » (en 1995) dont cite à plusieurs reprises certains passages très précis Thomas Bénatouïl _ d’un Pierre Hadot :

ce qui l’amène à s’interroger sur le statut du concept même d' »exercice spirituel » que manie Pierre Hadot

_ concept emprunté à des auteurs d’un (ou deux) siècle(s) qui reli(sen)t pas mal ces Stoïciens-là : je veux dire un François de Sales (1567-1622 : auteur de l’« Introduction à la vie dévote« , des « Entretiens spirituels« ), que cite Thomas Bénatouïl ; ou un Ignace de Loyola (1491-1556 : auteur des « Exercices spirituels« , dont la première publication eut lieu, à Rome, en 1548)… _ ;

ainsi qu’aux conditions de ses usages eu égard aux fondements proprement ontologiques des théories envisagées : un point incontournable du « stoïcisme » !


Mais en s’inquiétant d’amalgames éclectiques ou syncrétiques en contradiction (violente ! alors…) avec les thèses que soutiennent les philosophes stoïciens en cause _ textes ainsi un peu trop « délicatement«  « sollicités«  précieusement cités à l’appui.

Un second volet de sa réflexion porte sur l’œuvre (assez virtuose) d’un Michel Onfray _ notamment dans sa « Contre-histoire de la philosophie _ les sagesses antiques« 


Et un troisième sur la « mode » présente et ne cessant de s »amplifier«  (régulièrement relayée par les « marronniers » des medias) de « conseils pratiques«  _ cf, ainsi, peut-être, jusqu’à l’actuelle « vogue«  (internationale) du « care«  (mais tel n’est pas l’avis de Thomas Bénatouïl)… _ de ce qui se propose comme « sagesse » (du « vivre« ) à l’égard de tout un chacun, constituant un marché de l’édition en direction d’un lectorat assez « en appétit«  _ quand s’effritent, sinon s’effondreraient, les chiffres de vente du secteur des sciences humaines de certaines librairies ; pas la librairie Mollat, toutefois…

Les usages d’emprunts (« pratiques« ) au stoïcisme impérial semblent cependant mieux autorisés _ bien davantage en respect de leurs fondements théoriques ! _, selon Thomas Bénatouïl, chez certains philosophes mieux reconnus : non seulement dans les cas, relativement bien identifiés, analysés et commentés ici, d’un Montaigne _ en ses « Essais » _ ou d’un Descartes _ en son « Discours de la méthode » _, mais encore dans celui plus discret, sinon « secret« , d’un Shaftesbury _ l’auteur de la « Lettre sur l’enthousiasme« , en des pensées gardées soigneusement impubliées, non « affichées », invisibles, secrètes : les « Exercices« , traduits par Laurent Jaffro (aux Éditions Aubier, en 1993) _ ; ou d’un Nietzsche _ en ses « Considérations intempestives«  (II, 5)…

Thomas Bénatouïl aurait pu aussi analyser l’usage que fait Michel Foucault de certaines philosophèmes issus du stoïcisme : mais ce sera pour une autre fois _ promet-il à la fin…

Chez ces divers philosophes-là, cependant, il estime que les usages faits _ ou encore la considération proposée et pleinement assumée de leur « pratique«  _ de certains de ces principes (ou, aussi, « philosophèmes« ) stoïciens, ne sont, ces fois bien spécifiées-là, ni de l’ordre du syncrétisme, ni de celui de l’éclectisme, ni non plus de celui de l’amalgame ; mais qu’ils demeurent fidèles à la lettre et à l’esprit (de la pratique et de la théorie, tout uniment !) de tout le stoïcisme…

Ce qui n’a pas été sans évoquer en moi certaines pratiques chinoises (de discrétion et silence _ y compris d’écriture _, telles celles d’un Tchouang-Tseu (ou Zhuangzi) _ qu’ont pu étudier un François Jullien (cf, par exemple : « Chemin faisant, connaître la Chine, relancer la philosophie« ) ou un Jean-François Billeter (« Etudes sur Tchouang-Tseu« )…


Titus Curiosus, ce 11 novembre 2009

Post-scriptum :

Ayant soumis ce « compte-rendu » de conférence _ à écouter (67′), elle… _ à son (brillant et probe) auteur,

voici ce que celui-ci me répond ce matin, à propos de ma remarque sur le care :

De :   Thomas Benatouil

Objet : Rép : Article sur la conférence à Bordeaux hier soir
Date : 12 novembre 2009 08:56:45 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Merci pour ce compte-rendu très fidèle. J’aurais effectivement bien aimé parler de Foucault, j’avais prévu de le faire, mais j’ai passé trop de temps sur Hadot. Mon seul doute sur ton compte-rendu concerne ton allusion au « care » comme faisant partie de la mode de la philosophie comme manière de vivre : tu ne me l’attribues pas bien sûr, elle est en vert. Je n’avais pas pensé à cela. Il me semble que les théories du care, quoi qu’on en pense, ne se réduisent pas à cette mode _ dont acte ! _ et n’ont pas le même soubassement théorique (ou plutôt la même absence de soubassement théorique). »


Ma réponse par retour de courriel :

Merci de ta réponse.

Je nuancerai donc l’expression de « mon » appréciation à propos du « care« .
Cette « sollicitude » peut être le symptôme
_ extra-philosophique dans certains de ses « usages » ?.. : cela, je l’ajoute maintenant… _ d’un « monde » avec inflation d’indifférence et de mépris…

Nos collègues bordelais Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc
ont abordé ces questions dans « Le Sexe de la sollicitude »
et « L’Invisibilité sociale« …

Je ne crois pas avoir écrit d’article sur mon blog
sur le livre de Guillaume (d’une belle écriture ! j’ai apprécié ce travail ! _ et je lui ai écrit !) ; ce livre porte surtout sur la cécité (et la surdité) sociale(s)…
Mais j’ai écrit un article _ le 26 novembre 2008 : « Pour prolonger la conférence d’hier soir de Fabienne Brugère : penser la sollicitude et l’intime« _ sur celui de Fabienne.
Je te l’adresserai quand je serai revenu chez moi _ je t’écris maintenant entre deux heures de cours…

Les échanges consécutifs aux conférences

_ lors des repas conviviaux de notre « Société de Philosophie de Bordeaux«  _

me sont personnellement très précieux.

Titus

Ce que le philosopher aujourd’hui peut apprendre du philosopher des Stoïciens tardifs : Thomas Bénatouïl mardi prochain à la Librairie Mollat pour la seconde conférence de la saison 2009-2010 de la Société de Philosophie de Bordeaux

07nov

Mardi prochain, 10 novembre, les Salons Albert-Mollat de la rue Vital-Carles recevront Thomas Bénatouïl sur le sujet, passionnant, de « Peut-on encore être stoïcien ? A propos de la philosophie comme pratique« …

« Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à Épictète et Marc Aurèle ? Après avoir présenté la spécificité des deux représentants les plus connus du stoïcisme par rapport aux autres philosophes de l’Antiquité, la conférence examinera dans quelle mesure leur conception pratique de la philosophie est toujours pertinente. Le retour actuel de la « philosophie comme manière de vivre » est-il fidèle au stoïcisme impérial ? et philosophiquement intéressant ? Thomas Bénatouïl donnera plusieurs raisons d’en douter _ ah ! ah ! _ et suggèrera une autre manière _ voilà… _ de faire usage du stoïcisme » _ passionnant !..

Nul doute que les travaux récents de Thomas Bénatouïl, « Les Stoïciens III _ Musonius, Épictète, Marc-Aurèle« , comme « Faire usage : la pratique du stoïcisme« , vont nous permettre, en cette occurrence et opportunité _ à ne pas laisser passer… _ de mieux nous _ chacun… _ confronter, grâce aux interrogations que cette conférence ne va pas manquer de susciter et provoquer, même _ on ne peut plus directement ! malicieusement même, peut-être… _, à ce que peut être (ou ne peut pas être : nous l’apprendrons surtout alors !..) l’activité de « philosopher » aujourd’hui, en regard (ou pas) à l’activité de « philosopher » des Stoïciens tardifs, et les plus célèbres (dont soient les écrits même nous ont été conservés et transmis _ c’est le cas du « Journal » personnel : « pour lui-même » ! de l’empereur Marc-Aurèle _ ; soient les pratiques, les conversations _ ou « entretiens« , voire « dialogues« … ; ou discours, ou simples paroles, sinon « leçons« _ nous ont été d’une quelconque façon, parfois tant bien que mal, « rapportés » par d’autres : disciples, élèves, admirateurs ou fidèles _ dans le cas d’Epictète ou de Musonius… La tradition philosophique faisant, à côté (et en plus) des chaos et violences de l’Histoire (peu avare à ces égards), ses « tris« …

Probablement Thomas Bénatouïl évoquera-t-il, au moins, les pistes tracées ces derniers temps, quant au sens même du « philosopher » lui-même dans les diverses Antiquités (gréco-latines, pour commencer…), par Pierre Hadot : auteur des « Exercices spirituels et philosophie antique » et d' »Apprendre à philosopher dans l’Antiquité » et « Introduction aux Pensées de Marc-Aurèle : la Citadelle intérieure » ; cf aussi ses entretiens « La Philosophie comme manière de vivre« , avec Jeannie Carlier et Arnold Ira Davidson…

Voici une appétissante et fort judicieuse présentation des travaux de Thomas Bénatouïl accessible sur le site des Agendas de Mollat.com :

Mardi 10 Novembre 2009 à 18h00 : Thomas Bénatouïl

Les derniers stoïciens…


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Épictète (50-130) et Marc Aurèle (121-180) sont les derniers, mais les mieux connus, des Stoïciens de l’Antiquité _ avec Sénèque (vers 4 av. J.-C. – 65 apr. J.-C.)… Né vers 300 avant Jésus-Christ, le stoïcisme, fondé par Zénon de Kition à Chypre, a dominé la scène intellectuelle grecque puis romaine, influencé les idées sociales et politiques durant cinq siècles _ donnée factuelle à apprécier… Son enseignement repose sur une tripartition de la philosophie en physique, éthique et logique. Mais les ouvrages de la grande majorité des auteurs stoïciens ont été _ hélas _ perdus : on ne les connaît que par ce que d’autres auteurs rapportent _ voilà _ d’eux. Pour Épictète et Marc Aurèle, qui ont vécu aux Ier et IIe siècles après Jésus-Christ, leur pensée a été préservée _ jusqu’à nous _ grâce à des disciples _ oui _ qui ont mis par écrit leur enseignement (pour Épictète et Musonius) ou conservé (pour Marc Aurèle) le « journal philosophique » qu’il tenait et qui constitue l’une des œuvres littéraires et intellectuelles les plus singulières _ oui ! _ de l’histoire, non seulement parce que son auteur était l’empereur de Rome, mais aussi par son style _ admirable ! _ et son approche _ bousculante _ de la philosophie.

Le stoïcisme impérial est souvent réduit _ par la « tradition«  ou l’enseignement le plus courant _ soit à un résumé des premiers stoïciens _ seulement... _ ; soit à une philosophie purement éthique, qui aurait délaissé toute spéculation logique et cosmologique. En réalité, ces stoïciens-là se concentrent _ c’est une « focalisation » ! _ sur la dimension pratique et pédagogique de la philosophie _ voilà ! un besoin s’en faisant alors urgemment « sentir« Ils se demandent ce que signifie concrètement « être stoïcien » : s’agit-il seulement d’adhérer à certaines thèses ? S’agit-il aussi de les appliquer ? Comment les mettre en œuvre dans notre vie quotidienne ? Rares sont les philosophes, même dans l’Antiquité _ qu’en pense un Pierre Hadot ?.. _, qui traitent sérieusement des questions d’intendance intellectuelles !

Si Épictète et Marc Aurèle ne négligent pas les démonstrations des principes, ils montrent qu’elles ne suffisent pas. Et cela ne concerne pas seulement l’éthique. Comprendre la physique suppose de voir le monde à travers _ aussi _ ses principes. Maîtriser la logique exige d’appliquer ses règles, quel que soit le sujet _ cela menant forcément très loin… Ce dernier stoïcisme a influencé discrètement, mais de manière décisive, des auteurs aussi divers que Montaigne, Spinoza, Shaftesbury, Kant, Nietzsche, Deleuze ou Foucault _ voici des ouvertures passionnantes !..

Thomas Bénatouïl est maître de conférences à l’université de Nancy, spécialiste de philosophie antique, en particulier du stoïcisme. Il a publié « Le Scepticisme » (G-F, collection « Corpus« , 1997), « Matrix, machine philosophique » (2003, avec Alain Badiou, Élie During, Patrick Maniglier, David Rabouin et Jean-Pierre Zarader), « Faire usage : la pratique du stoïcisme » (2006) et « Les Stoïciens III _ Musonius, Epictète, Marc-Aurèle » (paru le 15 septembre 2009).

A mardi !

Ne manquez pas une « rencontre » passionnante : quand un (jeune) philosophe au travail vient jusqu’à vous

vous présenter l’état présent de sa recherche _ probe, exigeante, et on ne peut plus concrète par ses nécessaires « applications » pratiques !!!

Au fait,

quelle saveur a donc le « vivre » sans le « philosopher » ?..

Titus Curiosus, ce 7 novembre 2009

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