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L’intelligence très sensible de la musique du magnifique Karol Beffa : de lumineuses Leçons au Collège de France

01juin

Samedi dernier, à Saint-Émilion, au Festival Philosophia, consacré cette année à « la culture« ,

j’ai eu le très vif plaisir d’écouter pour la seconde fois in vivo Karol Beffa :

déjà l’année dernière, Karol Beffa intervenait brillamment _ mais sans prendre la parole, ou du moins, peu _ comme illustrateur musical _ seulement, mais ses (superbes !) interventions au piano étaient, quoique brèves, déjà très prenantes (et, paradoxalement, très parlantes !) : que ce soient l’interprétation de pièces importantes de la musique occidentale (Bach, Mozart, Chopin, Schumann, etc.), ou de passionnantes improvisations, à la demande, à propos des caractères objectifs ou subjectifs de la musique… _ de la conférence de son ami le philosophe Francis Wolff, sur le sujet de Pourquoi la musique ?

En suite de quoi, j’avais acquis illico presto le merveilleux CD (chez Aparté) de ses œuvres _ dont un concerto pour alto de toute beauté ! Mais toutes les œuvres de ce CD sont belles ! _ intitulé Into the dark

Aussi était-je bien décidé à l’écouter parler cette fois _ en dialogue avec l’excellente Hélène Lastécouères, dans les Douves du Manoir Galhaud ; et sous le soleil, après avoir subi un déluge de pluie sur la route, de Bordeaux à Libourne… _ d’une question qui me tient tout particulièrement à cœur,

ainsi qu’en fait foi, ce blog même, et ce depuis son ouverture, le 3 juillet 2008 _ cf mon article de présentation : Le Carnet d’un curieux ; il n’a pas pris une ride !.. _ :

création et créativité !

Soient les sentes et arcanes de la poïétique.

Eh bien ! ce fut parfait d’intelligence sensible des processus complexes et subtils, souvent paradoxaux, à l’œuvre dans toute démarche de création, et d’abord, bien sûr, artistique,

avec force exemples extrêmement parlants…

Aussitôt, dès le lundi, je me suis précipité au rayon Musique de ma librairie Mollat, d’abord pour faire part de la chose à Vincent Dourthe, et me procurer ce qui pouvait compléter, en CDs de Karol Beffa, ma discothèque. Pas grand chose, sur le moment, à l’exception de cet Into the Dark que je possède déjà, et du quintette à vents Five O’clock, par le Quintette Klarthe, sur le CD French Touch. Mais je reviendrai préciser ce que je désire commander en priorité (dont Blow up). Et en attendant, je me suis procuré le György Ligeti de Karol Beffa, qui vient tout juste de paraître _ ce 18 mai _ chez Fayard.

À l’exemple fort avisé d’Hélène Lastécouères _ parfaite interlocutrice _,

je viens aussi d’écouter _ toute la journée d’hier _ avec délices les 8 magistrales Leçons que Karol Beffa a brillamment données au Collège de France, du 25 octobre 2012 au 17 janvier 2013, accessibles, toutes, sur you tube :

une merveille d’explication parfaitement claire et accessible à tout un chacun _ notamment par le détail de ses exemples, musicaux ou pas _, d’intelligence éminemment sensible de ce qu’est la musique se faisant _ d’abord dans l’activité de composition, et aussi l’improvisation… _, de la part d’un artiste tout à la fois compositeur, interprète, improvisateur et analyste d’œuvres, et merveilleusement pédagogue _ « un génie« , m’a glissé Daniel Truong-Loï, croisé trois secondes à Saint-Émilion, et me présentant à Karol Beffa un quart d’heure avant la conférence à laquelle je me rendais (et je veux bien le croire), quand je l’ai eu au téléphone le lundi soir suivant… _ ;

permettant de « mettre en position _ qui l’écoute ou le lit _ de mieux entendre » _ au double sens de percevoir comme de comprendre avec le mieux possible de pertinence _ les œuvres musicales, à commencer par « aborder _ l’écoute de l’œuvre _ avec empathie« , et grâce à un discours sur la musique orienté en toute priorité vers « une écoute véritablement accompagnée » : en s’efforçant de dégager, dans le cheminement musical, à percevoir, ce que Karol Beffa nomme « la direction intentionnelle » du compositeur, au fil, pas à pas, de la riche matière sonore musicale de l’œuvre défilant _ face à un texte philosophique à expliquer et commenter, le sésame impératif, enseignais-je à mes élèves de Terminale, au lycée, est de d’abord « dégager l’intention directrice de l’argumentation de l’auteur » ; une telle démarche valant pour toute œuvre de sens à décrypter…

Aussi tiens-je à proposer d’abord ici, sur mon blog, et de toute urgence, la liste des liens aux podcasts et films de ces 8 lumineuses conférences de Karol Beffa au Collège de France, en 2012-2013 :

1) « Comment parler de musique ?«  (25-10-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=UL74PdbYMOk

2) « Clocks and Clouds : le Clocks«  (22-11-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=a4OvWdvyI9w

3) « Qu’est-ce que l’improvisation ?«  (29-11-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=S-f-_4uKRuM

4) « Clocks and Clouds : le Clouds«  (6-12-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=a4OvWdvyI9w

5) « Musique et imposture«  (13-12-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=xxT4d5q_hgQ

6) « Comment accompagner un film muet ?«  (20-12-2012) : https://www.youtube.com/watch?v=d7AwZBOqJE8

7) « Bruit et musique«  (10-1-2013) : https://www.youtube.com/watch?v=9D11FUefN8I

8) « Sur quelques mouvements lents de concertos de Mozart«  (17-1-2013) : https://www.youtube.com/watch?v=UPDvW_UUQyM

Après l’un peu « officielle » Leçon inaugurale 1) « Comment parler de musique ? » du 25 octobre 2012 _ non suivie de séminaire, elle, et disponible sous forme de livre, aux Éditions Fayard, dans la collection « Leçons inaugurales du Collège de France«  _,

chaque Leçon de Karol Beffa _ épanoui et heureux, jubilant même, les sept leçons ensuite, du 22 novembre au 17 janvier _ fut suivie d’un séminaire offrant la parole à un invité choisi,

dont voici, aussi, des liens aux videos :

2) « Les 2 corps de l’instrument et les 2 corps de l’instrumentiste«  (22-11-2012), par Bernard Sève : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-11-22-15h00.htm

3) « D’où nous viennent nos idées ? et comment évoluent-elles ? La créativité en mathématiques et en musique«  (29-11-2012), par Cédric Villani : https://www.youtube.com/watch?v=3EHgohENTX0

4) « Musique et image L’exemple de Karol Beffa«  (6-12-2012), par Michel Gribenski : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-12-06-15h00.htm

5) « L’imposture chez Nietzsche et Wagner«  (13-12-2012), par Guillaume Métayer : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-12-13-15h00.htm

6) « L’atonalisme. Et après ?«  (20-12-2012), par Jérôme Ducros : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-12-20-15h00.htm

7) « Théâtre : un lieu où l’on entend. Vers une histoire de la scène moderne (XIXe – XXIe siècles)«  (10-1-2013), par Marie-Madeleine Mervant-Roux : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2013-01-10-15h00.htm

8) « Pourquoi la musique ?«  (17-1-2013), par Francis Wolff : https://www.youtube.com/watch?v=abkcOlYZ61s

Deux petites remarques, pour commencer, à propos de ces conférences.

La première porte sur le couple musical de clocks and clouds sur lequel aime particulièrement se focaliser en son œuvre propre Karol Beffa, et qu’il emprunte à György Ligeti (1923 – 2006), compositeur de référence _ et dont une œuvre (en 1972) porte ce titre de Clocks and clouds_ pour lui. 

Ce couple de clocks and clouds caractérise en effet des tropismes cruciaux de l’œuvre musical de Ligeti, marqués par les influences, assumées et même revendiquées, d’œuvres de Bartok, pour ce qui concerne le clock _ d’après un souvenir d’enfance de Ligeti, de cloches d’un village de la puszta hongroise, et un roman de Gyula Krùdy _,  et d’œuvres de Debussy _ dont la pièce Nuages _, pour ce qui concerne le cloud.

La création éminemment (et magnifiquement) cultivée de Karol Beffa, aux antipodes de la tabula rasa, donc, prend appui sur des formes parfaitement assumées, tirées, en leur impulsion de départ, de chefs d’œuvre de la grande tradition musicale _ mais pas envisagée comme tradition, massive et à suivre pour s’y conformer, mais au contraire comme riche de micro-liens paradoxaux à dénicher et cultiver (enfin, en quelque sorte), par l’invention du compositeur se ressourçant ainsi, en dialogue (improvisateur et créateur) quasi permanent, à travers le temps, avec ces œuvres magnifiquement inspiratrices… _, assimilés et transcendés, et comme développés, par lui, comme par d’autres…

D’où le concept malicieusement paradoxal de « plagiat par anticipation« , que Karol Beffa emprunte aux facétieux Pierre Bayard, d’abord, et plus haut, en amont, François Le Lionnais (de l’Oulipo) _ cette dimension de facétie étant, d’ailleurs, assez présente dans le discours, sinon dans la musique aussi, de Karol Beffa ; comme en témoigne l’usage le plus courant, mais pas exclusif, loin de là, de la « parodie« 

Ma seconde remarque concerne Bernard Sève :

Bernard est un ami _ c’est Daniel Truong-Loï, qui fut son élève en Khâgne à Lyon, qui me l’a fait connaître, en 2002 _ avec lequel j’ai eu le plaisir de m’entretenir _ comme interlocuteur-questionneur (modérateur, dit-on) des conférences à propos de ses livres _ à diverses reprises, chez Mollat ou à la Machine à lire : pour L’Altération musicale, en 2002 ; pour Montaigne _ des règles pour l’esprit, en 2007 ; et pour L’Instrument de musique _ une étude philosophique, en 2013 ; et que j’ai revu tout récemment avec joie le 25 mars dernier à la MSHA de Bordeaux-3, pour une passionnante très riche journée Montaigne destinée aux doctorants.

Sur le fond de l’intervention de Karol Beffa à Saint-Émilion, samedi dernier, à propos de « création et créativité« ,

et en une époque qui porte aux nues l’idée, sur fond de concurrence généralisée, de création individuelle,

et fait de la créativité tous azimuts une sorte de nécessité socio-professionnelle universelle,

je dois dire que, partageant la plupart des thèses, très fines, de Karol Beffa, je demeure un peu sceptique sur la place qu’il accorde à la douleur au sein du processus même de création, du moins pour ce qui concerne le témoignage qu’il développe à propos de son propre travail de composition, au détriment de la joie…

Et alors même qu’il met très haut les exemples de l’heureux _ en effet ! surtout dans sa jeunesse prodige ! cf ses merveilleuses symphonies pour orchestre à cordes ; ou son sublime Octuor ! _ Félix Mendelssohn _ que j’aime tout particulièrement, moi aussi _, ainsi que de Mozart _ « le plus grand de tous« , pour Karol Beffa ; oui, Mozart est sublime ; tout spécialement dans ses concertos et ses opéras (dont je viens de faire une cure !)… _, tous deux exemples de création éminemment heureuse…

J’ai pour ma part réfléchi à tout cela,

ne serait-ce que pour mes contributions au colloque de Venise, le 19 février 2011, au Palazzetto Bru-Zane, « Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955) » :

« Une poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 _ la singularité Durosoir« 

et « La poésie inspiratrice de l’oeuvre musical de Lucien Durosoir : Romantiques, Parnassiens, Symbolistes, Modernes« .

Cf aussi les (denses) articles de ce blog

du 15 juillet 2011 « Comprendre les musiques : un merveilleux gradus ad parnassum _ les « Eléments d’Esthétique musicale : notions, formes et styles en musique » aux éditions Actes-Sud / Cité de la musique, sous la direction de Christian Accaoui » ;

du 2 août 2011 « Comprendre les micro-modulations de l’écoute musicale en son histoire : l’acuité magnifique de Martin Kaltenecker en « L’Oreille divisée » » ;

et du 20 août 2011 « L’aventure d’écriture d’un curieux généreux passionné de musique, Romain Rolland : le passionnant « Les Mots sous les notes », d’Alain Corbellari, aux Editions Droz« ,

passionnants à la relecture…

À mes yeux,

il faut (et énergiquement même !) se déprendre du modèle (maniaco-dépressif) romantique _ sur-valorisant l’expression (de l’individu), au sein du processus de création-composition des œuvres _, trop prégnant encore, en son dolorisme, dans nos imaginaires _ de mélomanes surtout, et « consommateurs«  de musique… _ du XXIe siècle _ probablement du fait de la sur-valorisation (idéologique) du romantisme dans le cursus scolaire _ ;

alors que ce modèle doloriste romantique (avec la tyrannie de l’Idéal du Moi infatué, qui le sous-tend et l’accompagne quasi indélébilement) ne domine, en fait, que dans une période bien circonscrite de l’histoire des Arts _ celle, « romantique« , émergeant au tournant du XVIIIe siècle, où vient triompher très vite le marché concurrentiel des artistes, et la course sociale de ceux-ci à l’apparente (marchande) originalité ; au détriment de la qualité vraie (non marchande) des œuvres mêmes… Période où s’exagère, aussi, la performance virtuose, à admirer (et vendre et acheter), du médiateur des œuvres de musique, l’interprète ; tel un Franz Liszt, initiateur de ce star system

Karol Beffa adopte des thèses bien moins doloristes dans ses Leçons au Collège de France _ de même que dans son passionnant Les Coulisses de la création, avec Cédric Villani, par exemple au chapitre 7 « Souffrances«  ;

toutefois je note aussi que le choix du terme « coulisses«  dans le titre de cet ouvrage très vivant, très pragmatique (et très agréable et surtout fécond !), met en lumière la part rhétorique théâtrale de ce qui pourrait être une opération de communication éditoriale (et médiatique, à plus long terme), eu égard à l’implicite d’une « scène«  et d’une « mise en scène«  : tel un prix à payer pour gagner encore de la notoriété …


Le jeu intense de la création vraie, lui, est très fondamentalement une joie, et une joie infiniment profonde, et haute _ sur la joie, lire d’abord l’immense Spinoza : la joie ressortant (très simplement) de l’épanouissement de la puissance de la personne à l’œuvre, et en (et par) ses œuvres mêmes ; sur ces processus bien concrets, lire aussi, de Jean-Louis Chrétien, le très beau et très juste La Joie spacieuse _ sur la dilatation.

Et le regard _ largement extérieur et grandement incompétent, en majorité _ de la plupart du public, ou même des commanditaires, ainsi que les biais truqueurs et trompeurs des enjeux de carrière (et de célébrité) pour l’artiste _ mais en bons fils de leur époque, ces surdoués que sont Cédric Villani, et Karol Beffa ont bien appris à ne pas manquer, non plus, de jouer de tout ce qui peut faciliter une carrière… ;

et sur ce point, Karol Beffa, qui avait, au départ, confie-t-il,  le projet de devenir économiste, raconte, page 115 des Coulisses de la création, le conseil que lui donna son caïman à l’ENS l’économiste Daniel Cohen, « il faut se spécialiser dans le secteur où l’on a un avantage comparatif » (sur les autres) ; et ce qu’il en retira : « Je l’ai écouté et j’ai laissé tomber l’économie, je n’ai plus fait que de la musique« _, n’est pas, artistiquement du moins, le principal

C’est la qualité même de l’œuvre qu’il faut privilégier _ en sa dimension trans-historique et non circonstancielle d’éternité même, c’est-à-dire extérieurement à toute considération de temps, d’histoire (et donc de carrière) ; et c’est pour cette raison là que nous pouvons aussi aisément, comme à foison, nous ressourcer puissamment en de telles œuvres… _ ;

et cela au sein de, et parmi, la collection (généreuse, au fil des créations nouvelles) des œuvres d’art, vivantes _ du moins tant que les œuvres, en leur singularité, nous sont transmises, par d’autres, et ainsi nous sont, demeurent ou deviennent, accessibles : toute culture impliquant accès à celles-ci, et transmission ; ainsi que partage de leur profonde et irradiante joie ! _ :

à découvrir par chacun avec curiosité, empathie au départ, et lucidité _ les clés de la vraie joie, tant pour le créateur à l’œuvre que pour le passionné d’art, profondément exigeants qu’ils ont à être, chacun en son activité. À rebours des (bruyantes) contrefaçons et impostures des faux timbaliers de la fausse culture occupant la place et fascinant les gogos qui les suivent… Toute culture vraie et largement ouverte implique aussi sévère tri.

Titus Curiosus, ce 1er juin 2016

En complément,

écouter le très riche podcast (de 83′) de la passionnante émission (accessible jusqu’au 4 février 2017) de Au diable Beauvert que Thierry Beauvert a consacrée à Karol Beffa le 11 mai 2014,

et qui permet d’écouter, notamment, 8 extraits d’œuvres musicales composées ou improvisées par Karol Beffa :

_ B.E.F.F.A. : une improvisation, par Karol Beffa au piano (CD Intrada 034)

_ Après une lecture de Bach, par Marina Chiche au violon (CD Intrada 034)

_ Erbarme dich mein Gott, transcrit d’après la Passion selon saint Matthieu, de JS. Bach, par David Bismuth au piano (CD Ame Son 0815)

_ Étude n° 2, à Dana Ciocarlie, par Dana Ciocarlie au piano (CD Triton 331143)

_ I dreamed a dream, improvisation d’après Les Misérables, de Claude-Michel Schomberg, par Karol Beffa au piano (CD Contraste Productions 01)

_ Pièce pour cordes et harpe (musique du film Je ne suis pas mort, de Mehdi Ben Attia), par l’Ensemble Contraste, direction Johan Farjot (document privé)

_ Milonga, en un arrangement d’Arnaud Thorette et Johan Farjot, par Arnaud Thorette, à l’alto, et Johan Farjot, au piano (CD Triton 331157)

_ Concerto pour violon n° 1, par Renaud Capuçon, au violon, et l’Orchestre du Capitole de Toulouse, sous la direction de Tugan Sokhiev (enregistré en direct par France-Musique le 20 janvier 2008, au Festival Présences, à Toulouse).

L’oeuvre Durosoir au concert : les programmes du Quatuor Equinoxe et du Trio Rilke aux concerts d’Hendaye les 6 et 7 avril 2013

11avr

L’œuvre musical de Lucien Durosoir se caractérisant par une très forte singularité _ objective et à nos oreilles _,

en présenter quelque pièce _ en quelque sorte détachée… _ au concert, nécessite,

de la part des musiciens-interprètes,

un art délicat et assez subtil de la conception-composition du programme…

Et voici qu’il s’avère qu’avec Beethoven _ et sa puissance intense et profonde _,

Durosoir consonne en quelque sorte idéalement…

Le samedi 6 avril dernier, le Quatuor Équinoxe

(constitué de Clara Abou et Pauline Dangleterre, violons, Loïc Douroux, alto, et Émile Bernard, violoncelle),

et le dimanche 7 avril, le Trio Rilke

(constitué de Clara Abou, violon, Claire-Lise Démettre, violoncelle, et Antoine de Grolée, piano),

présentaient

en « Hommage à Lucien Durosoir«  _ et pour « Chemin de mémoire » qui entend instituer de tels concerts à Hendaye, lieu où vécut (et qu’a aimé) Lucien Durosoir, du 26 novembre 1925 au 29 avril 1926 ; et où il a composé deux œuvres importantes : les second et troisième mouvements de sa sonate Aube pour piano (achevés le 18 décembre 1925 et le 2 février 1926) et le premier mouvement de son Trio pour piano, violon et violoncelle (achevé le 18 avril 1926) ; c’est lors de ce séjour à Hendaye qu’a été décidé, le 14 avril 1926, l’achat de la Villa Les Chênes à Bélus, à l’extrémité sud-ouest de la Chalosse, où allaient s’installer définitivement (à la recherche du climat le meilleur !) Lucien Durosoir et sa mère : ce fut le 4 septembre 1926 _

deux œuvres de Lucien Durosoir :

d’une part,

deux mouvements, l’Adagio et le Scherzo, de son premier Quatuor à cordes (de 1920) _ cf sur les quatuors de Lucien Durosoir mon article du 4 juillet 2008 : Musique d’après la guerre _ ;

et d’autre part ses Cinq Aquarelles pour violon et piano (de 1920 aussi _ sa toute première œuvre _) : Bretagne, Vision, Ronde, Berceuse et Intermède

La très grande qualité de ces deux concerts _ et cela dans l’excellente acoustique de l’église Saint-Vincent, un lieu empreint d’une spiritualité qui convient parfaitement à la musique intense de Lucien Durosoir _

a très vivement marqué le public,

du fait de l’engagement puissant de ces deux (jeunes) ensembles, produisant une très forte « présence » _ poétique et musicale ! _ des œuvres interprétées… 

Alors, comment composer un programme de concert, faisant une place à quelque pièce de Lucien Durosoir _ ce compositeur si singulier _,

quand on est une jeune formation de musique de chambre, avec tout le travail de fond (et de longue haleine _ avec tant et tant d’heures de travail ensemble… _) qu’impliquent et nécessitent les formations si exigeantes de Quatuor comme de Trio ?..

Un concert impliquant la mise au point et donc la possession _ dans les doigts, dans les têtes, dans les cœurs : la musique se vit… _ de tout un répertoire,

cela ne peut certes pas s’effectuer du jour au lendemain ;

ce n’est qu’au fur et à mesure des répétitions et de la succession et maturation des concerts que les musiciens pourront peu à peu le constituer, l’établir, le faire resplendir dans leur jeu…


On est donc d’autant plus admiratif

du brillant de la réussite de la performance

des jeunes interprètes

du Quatuor Équinoxe

et du Trio Rilke

à l’église Saint-Vincent d’Hendaye, ces 6 et 7 avril derniers…

Et j’ai particulièrement à cœur de souligner que

les choix du Quatuor à cordes opus 18 n° 1

et du Trio opus 97 n° 7, avec piano, « À l’Archiduc » de Beethoven

se sont révélés particulièrement opportuns et ô combien excellents ! pour chacun des deux concerts,

la puissance poétique musicale de Lucien Durosoir ayant, en effet, quelque chose d’apparenté _ qu’on y médite ! _ à la puissance poétique musicale de Ludwig van Beethoven.

Dans mes essais de présentation-approche _ et d’approche de la singularité, tellement impressionnante ! _ de l’œuvre de Lucien Durosoir _ dans la rédaction de mes contributions au colloque Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878-1955), à Venise, au Palazzetto Bru-Zane, les 19 et 20 févier 2011 : Une Poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 _ la singularité-Durosoir  et La Poésie inspiratrice de l’œuvre musical de Lucien Durosoir : Romantiques, Parnassiens, Symbolistes, Modernes : les Actes de ce colloque sont en instance de parution… _,

et en procédant, pour cela, à quelques tentatives de comparaison,

si ce sont les noms de Michel-Ange _ sculpteur _,

Agrippa d’Aubigné ou Walt Whitman _ poètes _

qui me sont venus à l’esprit,

en musique,

c’est à la puissance beethovenienne que me fait penser d’abord et en amont du XXe siècle, le génie musical de Lucien Durosoir en sa très forte singularité,


Que l’on pourra associer, aussi, à celui de contemporains tels que

Schoenberg, Janacek,  Szymanovski, Bartok, ou Chostakovich,

en son siècle, cette fois…

Voilà, ainsi, quelques propositions de pistes pour de futurs programmes de concert _  et notamment pour ce nouveau festival de musique (autour de Lucien Durosoir : « Chemin de mémoire« ) qui vient de voir le jour à Hendaye…

Cela dit,

des pièces telles que le Quartettsatz de Schubert,

ou la Sonata per violoncello e basso de Boccherini _ une personnalité rayonnante : au génie comparable à celui d’un Joseph Haydn, par exemple ; ce qui est loin de se savoir (et ressentir) assez !.. _,

ne déparaient en rien _ et ainsi superbement interprétées : avec une magnifique « présence » !!! _ le paysage musical de ces deux très beaux concerts

proposant de commencer à découvrir à Hendaye

l’idiosyncrasie puissante et profonde de Lucien Durosoir…

Titus Curiosus, ce 12 avril 2013

Les beautés inouïes du « continent » Durosoir : admirable CD « Le Balcon » (CD Alpha 175) !

25jan

En ouverture à l’admirable CD Alpha 175 « Le Balcon » de Lucien Durosoir…

Mon commentaire des œuvres

_ Le Balcon (Poème symphonique pour Basse solo, Cordes vocales et Cordes instrumentales) (1924) ; Sonnet à un enfant, pour soprano et piano (1930) ; Idylle, pour quatuor d’instruments à vents (1925) ; Trilogie : Improvisation, Maïade, Divertissement, pour violoncelle et piano (1931) ; Trio en si mineur, violon, violoncelle et piano (1926-1927) ; Berceuse, pour violoncelle et piano _

est à suivre ;

mais j’ai hâte de signifier sans retard le degré,

la hauteur et toute l’étendue

de mon admiration,

tant pour les 6 nouvelles œuvres de Lucien Durosoir mises par ce CD Alpha 175 à disposition de la joie des mélomanes du monde entier _ Wow !!! _,

que pour la perfection des interprètes _ l’ensemble vocal Sequenza 9.3, le Quatuor Diotima & Yann Dubost, le trio Hoboken, le Quintette Aquilon, Jeff Cohen & Kareen Durand, Raphaël Merlin & Johan Farjot : quelle vie ! quelle époustouflante jeunesse ils savent donner à cette musique ! On dirait que celle-ci sort toute fraîche de la plume et de l’encrier de Lucien Durosoir lui-même ! Wow !!! _

et celle _ sur un autre plan : mais c’est aussi un art ! _ de la _ magnifique ! c’est la perfection incarnée du rendu musical ! _ réalisation !.. Vive Hugues Deschaux !

Merci à eux tous !

Et Merci à Alpha,

et à l’initiateur _ et metteur en œuvre _ de cette réalisation artistique discographique d’ampleur mondiale et historique _ pour l’enrichissement de notre connaissance, et de la « musique française« , et de la « musique du XXème siècle«  ! ce qui n’est pas peu… _ :

l’éditeur visionnaire qu’est Jean-Paul Combet…

A l’écriture _ cf mon (tout premier) article du 4 juillet 2008 : Musique d’après la guerre _ de ma première écoute _ complètement subjuguée de l’intensité et retentissement si bouleversant du sentiment de beauté éprouvé !!! _ du CD Alpha 125 _ Lucien Durosoir : Quatuors à cordes _,

l’expression de « continent » _ pour désigner cette musique qui se découvrait alors : combien splendidement ! _

m’était venue

d’elle-même

à l’esprit,

tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte de la force

_ d’une évidence subjuguante, en sa puissance renversante à la fois de vérité (eh oui !), et de beauté sublime (j’ose ici l’oxymore !) : une rencontre de ressenti musical éprouvé somptueux

appelée, sans nul doute, à des « suites«  : celles d’autres découvertes encore, et renouvelées, d’œuvres se surpassant les unes les autres ; 

des « suites«  de sidération de beauté comme promises, en des promesses virtuelles qui seraient immanquablement tenues (et voilà ! c’est le cas !) : par la générosité créatrice comme à profusion (et parfaitement fiable en sa force ! voilà ce qui est désormais parfaitement avéré ! avec Jouvence (CD Alpha 164) et maintenant Le Balcon) du compositeur Lucien Durosoir, en son œuvrer, juste (mais impeccablement !) déposé sur le papier et laissé « au tiroir«  (ou, plutôt,  « dans une armoire«  : cf ce qu’en dit son ami Paul Loyonnet, en ses Mémoires : Lucien Durosoir « avait la plus entière confiance dans sa musique, et m’écrivit qu’il mettait, à l’instar de Bach, ses œuvres dans une armoire, et qu’on la découvrirait plus tard« …) :

comme en certitude tranquille d’être, quelque jour, posthume même (et probablement …), sonorement enfin « joué«  ; Lucien Durosoir (1878-1955) n’avait pas l’impatience, et tout particulièrement après ce à quoi il avait survécu lors de la Grande Guerre !, de la reconnaissance mondaine ! encore moins immédiate, ni rapide ! : la plénitude des œuvres parfaitement achevées (par ses soins purement musicaux : quel luxe !), suffisant à le combler !.,

Durosoir, donc, en son œuvrer,

« tient«  mille fois plus

qu’il n’a pu paraître, à son insu même, bien sûr !, « promettre«  !.. Quel prodige !) _

l’expression de « continent« , donc,

m’était très spontanément venue à l’esprit,

tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte

de la force

de puissance

et intensité

de mon sentiment d' »aborder » une terra incognita (de musique : inouïe !) à dimension d’immensité profuse (= tout un univers !) :

pas un petit « territoire« , quelque « canton » adjacent et adventice, ou quelque nouvelle « province » vaguement subalterne, voire anecdotique _ si j’osais pareils qualificatifs inadéquats _

à gentiment abouter au « massif » bien en place de la musique française,

ou de la musique du XXème siècle _ ou/et les deux _ ;

ni même quelque « pays« , de plus notables dimensions ;

non !

rien moins qu’un « continent » !

une Australie (mais d’ici ! : simplement inouïe _ et inimaginée _ de nous !..)

immense !

et cela, au sein, donc, de la plus _ et meilleure _ « musique française« , qui soit ;

et de la plus _ et meilleure _ « musique du XXème siècle« , qui soit ! aussi…

Rien moins !

Mais qui d’un coup venait

« dépayser« 

tout le reste…

Charge à tous les « rencontreurs » _ par ces CDs, déjà ; ou par les concerts donnés de ces œuvres… _

de ces musiques de Lucien Durosoir,

d’y « faire« , chacun, peu à peu _ mais ça vient ! CD après CD ! Concert après concert… _ « son oreille » :

encore toute bousculée

de ce qui s’y découvrait,

et ayant à « reprendre tous (ou enfin presque…) ses esprits« 

s’ébrouant de la surprise un peu affolante du « dépaysement » de l’inouï

de telles « expériences » d’audition

d’œuvres :

et si merveilleusement idiosyncrasiques,

et à un tel degré _ confondant ! _ de finition, « dominées« …


De fait,

audition de CD après audition de CD _ et en les renouvelant ! _,

il faut bien convenir, maintenant,

après le CD Jouvence et avec ce CD Le Balcon,

que les œuvres de Lucien Durosoir que nous « rencontrons« 

_ soient, 28 à ce jour, réparties en 4 CDs _

ne sont,

et aucune _ pas la moindre, même ! certes pas, ni jamais… _,

interchangeables,

ou « équivalentes« ,

mais

se révèlent, à notre écoute,

encore, à nouveau, et chaque fois,

et pour chacune d’elles, en leur « unicité« ,

singulières _ quelle puissance de surprise ainsi renouvelée ! _,

toutes :

tout aussi surprenantes et subjuguantes !

De cela,

j’ai eu l’intuition

étrangement intense

rien qu’à comparer, déjà, entre eux, les trois quatuors,

de 1919, 1922 et 1934,

dans le CD Alpha 125 des Quatuors à cordes de Lucien Durosoir…

Comme si le génie musical singulier de Lucien Durosoir

disposait _ et avec quelle aisance ! et quelle force d’évidence ! _

de la puissance _ somptueuse ! _ de la diversité

dans une fondamentale unité :

le mélomane _ face à de tels tourbillons (dominés) de musique le saisissant _ parvient peu à peu _ il lui faut d’abord « recevoir«  (et « accuser le coup«  de…) la force considérable (et assez peu fréquente) de cette musique inouïe ! afin de se mettre, lui, le « receveur«  de (= « invité«  à) cette musique, à sa hauteur, en cette « réception«  singulière… _ à dégager la profondeur de cette capacité _ durosoirienne _ de diversité dans l’unité,

en toute la force et l’étendue de sa rare puissance

_ beethovenienne ?

en tout cas, assez peu exprimée comme ainsi et à ce degré-ci, dans tout ce qu’a pu donner le génie français… _,

disque après disque !

et œuvre après œuvre !..

C’est maintenant plus que manifeste avec ce quatrième CD, Le Balcon

Deux CDs  _ un de musique de piano ; un de musique symphonique _

nous demeurant à découvrir ;

et comportant les deux œuvres (vastes, les deux) que Lucien Durosoir gardait toujours à portée de sa main, chez lui, à Bélus :

Aube, sonate d’été (pour piano), composée en 1925-26 ;

et Funérailles (suite pour grand orchestre) : à la mémoire des soldats de la Grande Guerre ; composée de 1927 à 1930…

Les œuvres de Lucien Durosoir ainsi approchées et découvertes

venant à composer ainsi peu à peu pour chacun des auditeurs, au fur et à mesure de ses « rencontres« -écoutes,

un « massif » _ tout de plénitude ! _

d’efflorescences profusément généreuses

splendidement dominées

_ le (riche et dense) génie de Durosoir est d’une extraordinaire amplitude ;

et d’une non moins formidable stature ;

le maître d’œuvre façonnant sculpturalement les flux généreux de matière musicale vivante profonde, somptueusement colorée, dont il s’empare

et qu’il pétrit, magistralement,

tel un Rodin de la musique… Ou un Michel-Ange musicien… _

les œuvres de Lucien Durosoir tour à tour approchées

venant à composer ainsi,

œuvre à œuvre, pour chaque auditeur,

un « massif » _ floral _ de musique

de plus en plus riche :

nous en prenons chaque fois davantage et un peu mieux conscience,

en nous en approchant,

et l’explorant

peu à peu, à chaque audition _ au CD, au concert _,

et de mieux en mieux ;

cela,

à la dimension d’un « continent« , donc…

Dans un article à suivre,

je détaillerai ma « réception » des six œuvres (de ce CD Le Balcon) _ si variées, dès le choix de leur instrumentarium…

Cf les analyses parfaites, comme chaque fois (soient des bijoux de finesse et justesse !) de Georgie Durosoir dans le livret du CD !

Mais d’ores et déjà, je souhaite mettre en exergue la force du frisson qui nous saisit dans le Poème symphonique Le Balcon (en 1924) au ressenti du jeu des « Cordes vocales«  et des Cordes instrumentales, mettant en relief la voix de Basse interprétant les vers de Baudelaire en son poème des Fleurs du mal… ; ainsi que la puissance bouleversante du Trio (en 1926-27), à comparer, en l’intensité de sa vie et de son audace (sublime !), avec cet autre merveilleux accomplissement durosoirien qu’est le troisième Quatuor (en 1934)… _

de ce CD admirable :

le CD Alpha 175 Le Balcon, de Lucien Durosoir…

A quelle qualité de joie (musicale)

accédons-nous là !


Titus Curiosus, le 25 janvier 2011

Post-Scriptum :

Je m’aperçois _ je l’avais donc oublié ! _ que le même mot de « continent« ,  à propos de l’œuvre de Lucien Durosoir, m’était à nouveau venu à l’esprit lors de l’écriture de deux autres de mes articles à l’occasion de la parution du CD Alpha 164 Jouvence _ les voici : le “continent Durosoir” livre de nouvelles merveilles : fabuleuse “Jouvence” (CD Alpha 164) !!! et Le génie (musical) de Lucien Durosoir en sa singularité : le sublime d’une oeuvre-”tombeau” (aux vies sacrifiées de la Grande Guerre) ; Baroque et Parnasse versus Romantisme et Nihilisme, ou le sublime d’éternité de Lucien Durosoir _ : toujours la même impression de profondeur, puissance et vastitude !

La désobéissance patiente de l’essayeur selon Georges Didi-Huberman : l’art du monteur dans « Remontages du temps subi »

29déc

C’est avec une jubilation que je veux partager ici
que je m’enrichis du second volet du remarquable travail de Georges Didi-Huberman L’Œil de l’Histoire


_ cf à propos de son premier volet (à propos du livre d’images de Brecht), Quand les images prennent position,

mon article du 14 avril 2009 : L’apprendre à lire les images de Bertolt Brecht, selon Georges Didi-Huberman : un art du décalage (dé-montage-et-re-montage) avec les appoints forts et de la mémoire activée, et de la puissance d’imaginer _,

intitulé, cette fois : Remontages du temps subi

et portant sur deux travaux d’efforts de lisibilité (cinématographique, pour l’essentiel _ et cela, par un travail très précis, très sobre et très probe ! de « re-montage« , quasi exclusivement, précisément ! _) du « temps subi » _ tragiquement par les victimes des violences (« subies« , donc…) : dans le silence et une volonté technique efficace d’« effacement«  même des faits : « Circulez ! Il n’y a rien à voir«  !.. _ dans l’Histoire :

_ 1°) l’effort de Samuel Fuller,

filmant d’abord (« en toute innocence« , en 1945 ; face à la découverte, non esquivée, d’un tel « inimaginable » ! _ c’est le mot qui vient à Robert Antelme en son récit de L’espèce humaine, page 302 : comme il est rapporté ici page 32…) _,

Fuller étant un tout simple caporal de l’armée américaine,

filmant _ sans le moindre commentaire qui vienne accompagner les images… _ la « libération » par les Alliés du camp de concentration de Falkenau ;

puis revenant, quarante-trois ans plus tard _ devenu « cinéaste » mondialement reconnu… _, sur cette « expérience » filmique de 1945, en 1988, dans le film _ et à la demande expresse ! _ d’Emil Weiss, Falkenau, vision de l’impossible :

en une « tentative » d' »en faire un montage » qui soit _ sobrement (et très probement !) « re-monté« _ un peu plus « doué de sens«  pour le public _ moins « innocent » lui-même, certes, désormais ; et même en voie de « saturation«  _ de maintenant : et cela, tant en 1986, au moment de la décision (d’Emil Weiss) d’entreprendre la réalisation d’un tel projet _ le film Shoah de Claude Lanzmann venait de sortir en 1985 _ ; que, a fortiori, aujourd’hui, en 2010 : l’Ère du témoin étant en voie de s’achever…),

ainsi qu' »une « brêve leçon d’humanité »

Georges Didi-Huberman est, bien sûr !, extrêmement précis _ son travail est par là passionnant ! _ :


« Emil Weiss convainquit Samuel Fuller de réfléchir à une façon de rendre _ « vraiment«  ! et cinématographiquement _ visible le film _ muet, donc : vierge de commentaire… _  de 16 mm tourné _ »en toute innocence« , par le caporal (trentenaire) d’alors : face à un tel « inimaginable » pris « en pleine poire » !.. _ à Falkenau en 1945 ; auquel il fallait, évidemment, offrir des conditions _ cinématographiques _ telles qu’on pût _ par un nouveau montage (= « re-montage« , donc…) le plus probe possible ! _ le rendre _ « vraiment« _ lisible _ aux spectateurs « de maintenant«  ; c’est-à-dire d’alors... C’était à Paris en 1986. Le film Shoah de Claude Lanzmann venait _ après les chefs d’œuvre  de Marcel Ophuls _  de rendre au cinéma une nouvelle valeur d’usage _ expression à, bien sûr, prendre en compte _ en tant que valeur de témoignage _ direct _ sur la question des camps. En même temps, le négationnisme avait pris des proportions assez inquiétantes pour qu’au-delà de l’indignation il faille reprendre la lutte _ pour la manifestation de la simple « reconnaissance » des faits ! (= de la vérité !) _ sur le plan historiographique lui-même« , page 48.


« Emil Weiss procéda à l’inverse de Lanzmann en orientant le témoignage du vieil homme _ Samuel Fuller (12 août 1912 – 30 octobre 1997) a, en 1988, 76 ans _ non pas sur des questions préalables _ grosso modo préparées _, mais sur un face-à-face _ voilà ! _ direct _ et filmé (= saisi, capté, et conservé ! à son tour ; dans le « tremblé«  de ce dont ce « face-à-face«  avec les premières images (brutes) témoigne, puissamment, à son tour : en une probité qui n’est plus celle de la naïveté (vierge) de l’« innocence«  première de 1945 ; et qu’une référence (pages 57-58) à de très fines analyses de Serge Daney (in Persévérance), sur la complexité de ces diverses modalités  d’« innocence(s) du regard« , éclaire excellemment…) _ avec les images du document _ brut, donc _ de 1945. Alors ce sont les images elles-mêmes _ voilà ! _ qui, toutes muettes qu’elles soient _ en effet ! _, interrogent _ frontalement : de nouveau « en pleine poire » ! _ le témoin : en prenant _ face à elles _ la parole, il leur donnera en retour _ par ce que ce « face-à-face » même, en sa force, est venu lui « tirer«  _ une possibilité d’être vraiment _ par nous, et aujourd’hui _ « regardées », « lues » voire « entendues » » _ et non plus « esquivées«  : et demeurant, sans esthésie aucune effectivement « impactée« , totalement imperçues, ces images du réel ; et donc, au final, niées… _, page 49.

Georges Didi-Huberman de commenter « cela » alors ainsi :

« On conçoit la difficulté intrinsèque _ pour celui qui tenait la caméra (où s’inscrivaient quasi d’elles-mêmes et sans lui, ces images, en 1945), en 1988 _ de cet exercice anachronique et réminiscent (puisque plus de quarante années séparent l’homme qui filme Falkenau et celui qui revoit ses propres images, en 1988, sous l’œil attentif d’une _ autre _ caméra) :

« C’était douloureux de revivre _ voilà ! via le « face-à-face«  avec les images brutes « re-vues«  _ ces terribles moments vieux de tant d’années et pourtant si vifs dans mon esprit » (it was painful to relive those terrible times so manu decades old yet so fresh in my mind), écrira plus tard Samuel Fuller (in « A Third face« ).

Le point critique de toute lisibilité _ pour tout « spectateur«  d’images _ ne va probablement pas _ voilà ! _ sans la douleur _ troublante : le « tremblé«  en est un fruit « vrai«  _ que fait lever _ voilà… _ ce genre de réminiscence« , page 49, toujours…

_ 2°) l’effort du cinéaste et artiste allemand Harun Farocki _ né le 9 janvier 1944, en territoire tchèque _, qui, en toute son œuvre (de cinéma comme d’installations de vidéos : riche d’œuvres, inlassablement, depuis 1966 : soit quarante-quatre ans…), ne cesse, infiniment patiemment, de « visiter _ et remonter«  (par de nouveaux « re-montages » : infiniment probes et scrupuleux !) des « documents de la violence politique«  de par le monde _ qui n’en est pas (et fort inventivement (!) technologiquement…) avare ! _ : afin de (nous _ nous, « spectateurs«  _) les faire et « vraiment » comprendre et « vraiment » ressentir : les deux !.. Atteindre « vraiment » (et donc sensiblement aussi !..) l’intelligence de notre compréhension effective de « cela« …

Pages 14-15, puis page 17,

Georges Didi-Huberman donne à lire à ses lecteurs deux admirables analyses de Walter Benjamin,

la première empruntée à son Paris, capitale du XIXe siècle _ le livre des passages :

« Ce qui distingue les images (Bilder) _ se mettant à « parler«  _ des « essences » de la phénoménologie, c’est leur marque historique (Heidegger cherche en vain à sauver l’Histoire pour la phénoménologie, abstraitement, avec la notion d’« historialité »). (…) La marque historique des images n’indique pas seulement qu’elles appartiennent à une époque déterminée, elle indique surtout qu’elles ne parviennent _ voilà ! il y faut des conditions plus ou moins longues à venir et complexes _ à la lisibilité (Lesbarkeit) _ pour nous et par nous ! _ qu’à une époque déterminée. Et le fait de parvenir « à la lisibilité » _ pour elles et par nous _ représente certes un point critique déterminé du mouvement (kritischer Punkt der Bewegung) qui les anime _ elles. Chaque présent est déterminé _ pour qui le vit (et s’y trouve « penser« )… _ par les images qui sont synchrones avec lui ; chaque Maintenant _ c’est une relation ! à un contexte… _ est le Maintenant d’une connaissabilité (Erkennbarkeit) _ objectivement _ déterminée _ comportant, par là, ses conditions tant objectives que subjectives de complexité. Avec lui _ ce « chaque Maintenant«  _, la vérité est chargée de temps jusqu’à exploser. (…) Il ne faut pas dire _ simplement _ que le passé éclaire le présent ou le présent éclaire le passé. Une image, au contraire, est ce en quoi l’Autrefois _ objectivement et subjectivement contextuel _ rencontre _ électriquement ! _ le Maintenant dans un éclair pour former une constellation _ riche, complexe. En d’autres termes : l’image est la dialectique _ vivante _ à l’arrêt. Car, tandis que la relation du présent au passé est purement temporelle, la relation de l’Autrefois au Maintenant est dialectique : elle n’est pas de nature _ mécaniquement _ temporelle, mais de nature _ dynamiquement et culturellement _ imaginale (bildlich) _ pour qui la vit : en un « tremblé«  : « imaginal« , donc ; mais elle peut être aussi totalement anesthésiée (et c’est là le cas général : celui de l’oubli)… Seules les images dialectiques sont des images authentiquement historiques, c’est-à-dire non archaïques _ figées en des clichés et stéréotypes. L’image qui est _ enfin _ lue (das gelesene Bild) _ je veux dire l’image dans le Maintenant _ en action ! _ de la connaissabilité _ porte au plus haut degré la marque du moment _ ressenti, éprouvé ; et vécu « à vif«  _ critique, périlleux (des kritischen, gefärlichen Moments) _ pour le spectateur qui la déchiffre, cette image, et, la lisant-décryptant, accède à son sens ! _, qui est le fond de toute lecture (Lesen) » _ tant d’image que de texte… _ ;

la seconde est empruntée à l’article « Sur le concept d’Histoire » (en 1940) (accessible in Œuvres III, de Walter Benjamin, toujours…) :

« L’image vraie du passé passe _ pour nous _ en un éclair _ sur le mode de la fulgurance de la rencontre (non esquivée, mais frontalement affrontée)… On  ne peut retenir le passé que dans une image qui surgit et s’évanouit pour toujours _ les deux ! D’où l’importance cruciale du clignotement de l’attention/inattention… _ à l’instant même où elle s’offre à la connaissance. (…) Car c’est une image irrécupérable du passé qui risque de s’évanouir _ à jamais non « retenu«  _ avec chaque présent qui ne s’est pas _ proprement et singulièrement _ reconnu _ voilà ! par une émotion singulière _ visé par elle. (…) Faire œuvre d’historien ne signifie pas savoir « comment les choses se sont réellement passées », cela signifie s’emparer _ soi ! _ d’un souvenir _ vivant _, tel qu’il surgit à l’instant du danger _ pour soi : à divers degrés de réalité ou potentialité (= de conscience, aussi)… (…) Ce danger menace aussi bien les contenus _ pensables et transmissibles _ de la tradition que ses destinataires _ en leur existence physique même ! Benjamin écrit cela en son exil-fuite de 1940… Il est le même pour les uns et pour les autres, et consiste pour eux à se faire l’instrument _ de manipulation, domination, exploitation ; voire destruction, si tel en est le désir _ de la classe dominante. À chaque époque, il faut chercher à arracher de nouveau la tradition au conformisme qui est sur le point de la subjuguer _ pour la figer en cliché et stéréotype incompris. (…) Le don d’attiser dans le passé l’étincelle de l’espérance _ de l’intelligence comme de la vie ! _ n’appartient qu’à l’historiographe intimement persuadé que, si l’ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté _ jusqu’au souvenir qu’ils ont pu seulement exister !.. Et cet ennemi n’a pas fini de triompher » _ les vainqueurs ne manquant pas d’écrire l’Histoire…

Voici donc ce qu’énonce la quatrième de couverture de Remontages du temps subi :

Quel est le rôle des images dans la lisibilité de l’histoire ? C’est la question reposée _ après Quand les images prennent position_ dans ce livre _ soit le deuxième volet de L’Œil de l’Histoire

Là où Images malgré tout tentait de donner à comprendre quelques images-témoignages produites depuis l’« œil du cyclone » lui-même _ le camp d’Auschwitz en pleine activité de destruction _,

cet essai traite, en quelque sorte, des images après coup ; et, donc, de la mémoire visuelle _ voilà ! _ du désastre.

Une première étude _ « Ouvrir les camps, fermer les yeux : image, Histoire, lisibilité » : pages 11 à 67… _ s’attache à reconstituer les conditions de visibilité et de lisibilité _ concurrentes ou concomitantes _ au moment de l’ouverture des camps nazis. Elle se focalise sur les images filmées par Samuel Fuller en 1945 au camp de Falkenau et sur la tentative, une quarantaine d’années plus tard, pour en faire _ dans le film d’Emil Weiss, Falkenau, vision de l’impossible _ un montage doué de sens, une « brève leçon d’humanité » _ un enjeu plus que jamais brûlant (et décisif ! pour le devenir de la « civilisation«  quand triomphent les forces du nihilisme…), on le mesure !..

Une seconde étude _ « Ouvrir les temps, armer les yeux : montage, Histoire, restitution » : pages 71 à 195… _ retrace les différentes procédures _ passionnantes de force en leur probité ! _ par lesquelles le cinéaste et artiste allemand Harun Farocki revisite _ et remonte _ certains documents _ et Harun Farocki en déniche, de par le monde, beaucoup (!) dont il dé-monte admirablement (pour nous le rendre, avec le maximum d’économie de moyens, « lisible«  !) le montage ! _ de la violence politique _ en diverses espèces : l’inventivité technologique s’y donnant, et très efficacement, libre cours !.. On découvre alors ce que c’est, aujourd’hui, qu’une possible restitution de l’histoire _ par un cinéaste-vidéaste tel que Harun Farocki, en cette occurrence-ci… _ dans le travail des images _ même.

Deux essais plus brefs évoquent successivement _ « Quand l’humilié regarde l’humilié » : pages 197 à 215… _ l’activité photographique d’Agustí Centelles au camp de Bram en 1939 (ou comment un prisonnier regarde les autres prisonniers) ; et _ « Grand joujou mortel » : pages 217 à 236… _ le questionnement actuel de Christian Boltanski sur l’image en tant que reconnaissance, transmission et œuvre de dignité.


C’est sur la réflexion du travail d’« essai« 

de ces montages-remontages (cinématographiques : tant pour Samuel Fuller (et Emil Weiss !) que pour Harun Farocki)

que je voudrais,

pour finir cette présentation du livre de Georges Didi-Huberman,

faire porter la focale de mon attention-lecture-commentaire,

à la lumière de la référence que Georges Didi-Huberman apporte ici, aux pages 93 à 100,

à partir du très remarquable essai (sur le genre même _ trans-genres, précisément ! _ de l' »essai« …) de Theodor Adorno, « L’Essai comme forme«  (en 1954-1958) : accessible dans le magnifique recueil d’essais Notes sur la littérature

« Un essai, selon Adorno, est une construction de pensée capable de n’être pas enfermé _ là est toute sa (formidable) puissance libératrice ! _ dans les strictes catégories logico-discursives. Cela n’est possible que par une certaine « affinité _ de l’essai, donc ! _ avec l’image », dit-il _ peut-on ainsi lire page 94 de Remontages du temps subi : l’image recélant un semblable pouvoir (et d’enfermement ! et de libération !), selon les finalités au service desquels on les « monte«  et « démonte » et « remonte« , simplement : c’est toujours un travail à réaliser (avec une responsabilité _ humaine ! _ quelque part au moins !) ; ne serait-ce que, à la « réception« , nécessairement un minimum active (et par là responsable !..) par le spectateur, de l’image (et le lecteur, de l’essai) : pour accéder à la « lisibilité«  effective !..

L’essai visant « une plus grande intensité _ subjective _ que dans la conduite de la pensée discursive »,

il fonctionne par conséquent _ ce sera du moins ma propre hypothèse de lecture (ajoute ici à la citation d’Adorno, et au commentaire qu’il en donne, Georges Didi-Huberman) _ à la manière d’un montage d’images _ et réciproquement…

Adorno nous dit qu’il rompt décisivement avec les fameuses « règles de la méthode » cartésiennes. L’essaie déploie, contre ces règles, une forme ouverte de la pensée imaginative _ dans une analyse du très lumineux Homo spectator de Marie-José Mondzain, j’ai jadis proposé pour cela même le concept d’« imageance«  _ où n’advient jamais _ pour la déception de quelques uns, idéalistes… _ la « totalité » _ refermée… _ en tant que telle.

Comme dans l’image dialectique chez Benjamin, « la discontinuité est essentielle _ par la dynamique même qu’en permanence elle impulse : en musique, à l’époque baroque, on use d’hémioles… _ à l’essai

(qui) fait toujours son affaire _ explosive ! _ d’un conflit immobilisé », page 94 : soit une affaire de « constellation«  de « rythmes«  bien menés…

Comme dans tout montage également _ au sens qui fut celui de Vertov et d’Eisenstein, au sens qui demeure celui de Godard et de Farocki (pour ce qui concerne le cinéma, déjà ; il y a aussi des montages photographiques : l’ami Bernard Plossu me l’a excellemment appris ! et en ses expositions, et en ses livres ! Salut l’artiste !) _,

« l’essai doit faire jaillir la lumière de la totalité _ c’est son défi _

dans le fait partiel, choisi délibérément ou touché au hasard,

sans que la totalité soit affirmée _ elle-même _ comme présente _ elle est seulement potentielle ; et demande, par là, au lecteur-« déchiffreur« , de la « penser« , lui aussi, avec un minimum d’effort de sa propre imageance (et culture se forgeant, elle aussi : peu à peu ; et « en mosaïque«  : toujours indéfiniment ouverte ; et ludique…)…

Il _ l’essai, ou l’essayiste (de même que le film monté, ou le monteur)… _ corrige le caractère _ empiriquement _ contingent ou singulier de ses intuitions _ d’imageance proprement créatrice… _

en les faisant se multiplier, se renforcer, se limiter _ et à des fins d’intelligence du sens même des « choses« , c’est-à-dire de l’accession (de soi) à la vérité de ces « choses«  _,

que ce soit dans leur propre avancée _ voilà ! avec ses progrès… _

ou dans la mosaïque _ voilà encore ! _ qu’elles forment  _ et cette richesse (à profusion !) est proprement jouissive ! _ avec d’autres essais ».

Comme dans tout montage,

les césures et les transitions _ alors, à y être assez (= ce qu’il faut !) attentifs _

diront _ par la dynamique qu’impulse, en permanence et toujours singulièrement, leur rythme ! à qui sait s’y laisser porter ! _ l’essentiel,

étant « amalgamées dans l’essai au contenu (même) de la vérité » _ voilà ! Ou l’importance (irrémédiable !) du style !

C’est en cela que l’essai produit son travail fondamental,

qui est un travail de lecture _ auquel accède tant l’auteur que le lecteur ! _

un déploiement de la lisibilité _ objective ! _ des choses » _ mêmes, page 95 :

encore faut-il accéder (par déploiement de l’« imageance«  !) à ce niveau de lisibilité des choses mêmes…

Tel un apprentissage _ à la godille ! de la part de l’essayiste s’y essayant… Le modèle étant (probablement : avant Bacon…), et par son style si jouissif, Montaigne, en la collection (ouverte et « mosaïque« …) de ses toujours merveilleusement surprenants (et pour lui le premier : à ses relectures ! devenant, il ne pouvait pas s’en empêcher, ré-écritures !) Essais _,

« l’essai comme forme _ poursuit Adorno, cité par Georges Didi-Huberman, pages 95-96… _

s’expose _ forcément ! : « Personne n’est exempt de dire des fadaises« , entame, malicieusement en fanfare, Montaigne le livre III de ses Essais; « le malheur est _ seulement… _ de les dire avec soin » : soit componction et fatuité !.. _ à l’erreur ;

le prix de son affinité avec l’expérience intellectuelle ouverte _ et/ou l’« imageance«   _,

c’est l’absence de certitude que la norme de la pensée établie _ régnante, dominante (et intimidante) : devenant l’idéologie… _ craint comme la mort.

Même si _ l’essai néglige moins la certitude qu’il ne renonce à son idéal _ pour déficit d’efficacité !.. simplement… _,

c’est dans son avancée, qui le fait se dépasser _ oui _ lui-même _ car la pensée, s’y déployant par à-coups, y progresse _,

qu’il devient _ voilà : l’essai est un parcours ! et une aventure ! _ vrai _ en toute effectivité, par ce déploiement même (imageant !..) de son penser _,

et non pas dans la recherche obsessionnelle _ voilà, à la Descartes, si l’on veut… _ de fondements _ métaphysiques, y compris (…)

Tous ses concepts _ convoqués au fur et à mesure _ doivent être présentés de telle manière qu’ils se portent _ tel Enée « portant«  Anchise : mais mutuellement, tous : sans répartitions de rangs entre « héros« , exposés bien à la vue des spectateurs sur le devant de la scène et sous les projecteurs de sunlights, et « figurants« , relégués, eux, derrière et dans le fond… _ les uns les autres,

que chacun d’entre eux s’articule selon sa configuration _ propre, voire originale ou singulière : à chaque fois… _ par rapport _ voilà : toujours ! _ à d’autres.

Des éléments distincts s’y rassemblent discrètement _ voilà : avec des césures, des soupirs, des silences, des coupes ; et bien des transitions… _ pour former quelque chose de lisible » _ telles des phrases (articulées et syncopées) de discours ; ou de musique…


Et Georges Didi-Huberman d’appliquer ainsi ce mode de fonctionner du penser (par « essai » ! tel que l’analyse si finement Adorno…)

au travail du « cinéaste Farocki », page 96 :

« Il _ le cinéaste et vidéaste Harun Farocki, donc _ entre dans un domaine d’images qui n’est « traduit » _ précédemment _ dans aucun dictionnaire préexistant.

Il filme, il recueille, il démonte, il remonte _ et sans trucages ! en toute probité !..

Tout cela, il le fait en fonction de contextes _ voilà ! _ à chaque fois différents _ oui ! _ et « au regard des nuances _ qualitatives extra-fines _ singulières _ voilà ! _ que le contexte fonde _ et il faut (au « spectateur«  actif que nous sommes invités à devenir ainsi alors…) l’explorer : à toute vitesse si on le peut _ dans chaque cas particulier » _ le plus effectivement possible !

Comme le penseur _ -essayiste _ décrit par Adorno,

Farocki _ en monteur ultra-fin d’images _ s’adonne à un apprentissage presque tactile _ oui _ des choses _ mêmes _ ; il tâte, il ausculte, il retouche, il ajuste _ sans cesser de s’exposer _ forcément : pas de juger sans audace ! cf Kant : Qu’est-ce que les Lumières ?.. _ à l’erreur.

Le prix de son affinité avec les images,

cette « expérience intellectuelle ouverte » _ en son « imageance«  chercheuse, donc : et inventive !.. _,

est l’absence d’une certitude considérée _ jamais _ comme acquise.

C’est dans l’avancée _ progressive, aventureuse, patiente et décidée : c’est passionnant ! _ du tournage et du montage

que les choses deviennent, peu à peu _ objectivement et pour nous : à la fois, d’un même mouvement de déploiement et en quelque sorte « objectif«  ! : d’elles-mêmes et en elles-mêmes ; grâce à l’éclairage perspicace de liens pertinents (activés par nous) à des contextes devenant sources progressives de notre compréhension !.. _, lisibles,

quand toutes les images de pensée sont présentées

de façon qu’elles se portent _ mutuellement et dynamiquement (ou même dialectiquement !)… _ les unes les autres.« 

Avec ce très beau résumé-mise au point :

« La lisibilité _ pour le « spectateur » du film au départ univoque ! _ advient _ voilà _ dans le montage :

le montage considéré comme forme et comme essai.

A savoir une forme patiemment élaborée _ sur le chantier de la table de montage _,

mais non reclose sur sa certitude (sa certitude intellectuelle, « ceci est le vrai » ; sa certitude esthétique, « ceci est le beau » ; ou sa certitude morale, « ceci est le bien »).

Alors même que, comme pensée élevée à la hauteur d’une colère

_ qui la meut et la porte ! électriquement : de son énergie d’indignation (!) vis-à-vis des violences portées à la dignité (= humanité même…) des personnes… _,

elle tranche,

prend position

et rend lisible la violence du monde « , page 96… _ ne jamais perdre « cela« de vue !

Tout ceci est décidément très montanien !!! Montaigne se battant, lui, en son temps (cf les travaux là-dessus de Géralde Nakam…), contre les ravages atrocissimes du fanatisme (fondamentaliste religieux, mais pas seulement)… C’est en cela que ses Essais ouvrent la modernité à un lectorat qui s’élargit alors…

« L’essai oblige à penser dès le premier pas _ voilà ! _ la chose _ même : quelle tâche ! il faut seulement s’habituer un peu (soi, lecteur) à l’audace, folle d’abord, de tels efforts pour atteindre l’intelligence d’elle (= la chose même) en pensée ; ensuite, on y acquiert, palier par palier (et « en mosaïque« ), une forme (toujours incertaine, il est vrai ; et à inlassablement tenir en chantier !) d’expertise (de lecteur : un peu mieux cultivé)… _ dans sa vraie complexité _ se révélant ainsi : tout un programme ! Il y a toujours (c’est un chantier permanent et infini…) énormément à faire : cela demandant non seulement, on le voit, de surmonter (cf Kant : Qu’est-ce que les Lumières ?) la lâcheté, mais aussi la paresse ! Et c’est aussi ainsi que le génie scientifique (ou les sciences) procède(-nt) et progresse(-nt) : cf ici le génial début de Métapsychologie de Freud quant à l’inventivité nécessaire au chercheur et inventeur scientifique… _

L’essai oblige à penser dès le premier pas la chose dans sa vraie complexité, donc,

(et) se débarrasser de l’illusion _ mortelle pour sa propre liberté (et efficacité quant à l’obtention de la vérité !), toujours si fragile… _ d’un monde simple,

foncièrement logique »,

relève encore Georges Didi-Huberman dans l’essai (sur « l’essai comme forme ») d’Adorno (in ses passionnantes, on ne s’en fait ici qu’une petite idée, Notes sur la littérature…).

« C’est alors que, « se libérant de la contrainte _ lourde ! _ de l’identité, l’essai acquiert parfois ce qui échappe à la pensée officielle _ ou officialisée _,

le moment _ et la grâce ! alors rencontrée avec une légèreté grave… _ de la chose inextinguible« 

_ cette dernière expression d’Adorno étant (plus que très justement !) soulignée ici par Georges Didi-Huberman, page 97…

Et « c’est en détachant _ par un remontage _ la chose _ irradiante _

de ses interprétations obvies _ encalminant tragiquement la moindre velléité d’atteindre son intelligence ! _,

c’est en la démontant _ en la séparant _ de ses stéréotypes _ empoissants ! _

et en la remontant _ voilà ! _ par un tout autre jeu d’affinités inattendues _ elles : d’abord de soi, l’essayiste, le tout premier à s’en étonner !.. et c’est là un passage obligé ; cf par exemple les analyses là-dessus de Gaston Bachelard, in La Philosophie du non _essai d’une philosophie du nouvel esprit scientifique_

que l’essayiste,

ou le monteur _ au cinéma ! _,

parviennent à ce « moment de la chose inextinguible »,

ce « feu inextinguible » _ si nourrissant, si fécond pour l’intelligence du réel _ de la chose _ même _, pourrait-on dire _ car c’est à elle et à ses flux (et feux) qu’il s’agit bien d’« accéder«  !

Il n’y a plus alors _ comme miraculeusement ! _ de contradiction

entre l’arbitraire de la forme choisie _ par l’essayiste / monteur _

et la nécessité de la forme phénoménologique de ce « moment de la chose ».

L’essayiste respecte ses objets

tout en les « surinterprétant »,

c’est-à-dire tout en y juxtaposant différents paradigmes _ à l’envi ! selon l’intuition (ou inspiration) de l’« imageance«  du moment ! _ de lisibilité

_ c’est aussi ainsi qu’analyse, je viens de l’indiquer, le fonctionnement même de sa propre Métapsychologie, Freud, en 1914 : un texte lumineux, lui aussi !

Alors, il _ l’essayiste, donc _ voit _ entrevoit : tel Colomb à l’abord-approche de son Amérique _ quelque chance _ c’est déjà bien ! et beaucoup ! _

de parvenir

« à ce qu’il y a _ dit Adorno : ce sont aussi des oxymores… _ d’aveugle _ jusque là du moins pour nous (tous) et d’abord pour lui, qui s’y essaie… _ dans (ces) objets,

(à) polariser l’opaque,

libérer _ voilà ! _ les forces qui y sont _ rien moins, déjà, que _ latentes » ;

alors « il construit _ très positivement, par (et en) son « imageance«  même ! (et c’est aussi une culture se formant peu à peu, de manière dynamique et ouverte !) _ l’imbrication des concepts

tels qu’ils sont présentés, c’est-à-dire imbriqués _ déjà _ dans l’objet lui-même » _ expression d’Adorno une nouvelle fois soulignée par Georges Didi-Huberman, page 98… Cette « imbrication« -là est une « constellation » sur-active…

« L’actualité de l’essai _ dit encore Adorno _ est celle d’un anachronisme » :

soit une certaine façon de remonter le temps _ voilà ! en dépit de la difficulté de l’ignorance et de l’oubli… _ dans l’imbrication,

dans la complexité _ voilà ! encore… _ des objets eux-mêmes » _ en s’y étant comme faufilé (et continuant, encore et toujours, de s’y faufiler !) lui-même, par sa recherche questionnante,

en quelque sorte « dedans«  même… : page 98.

« Que fait donc l’essayiste,

si ce n’est essayer, essayer encore ?

C’est à chaque fois beaucoup, mais ce n’est jamais le tout.

Aux yeux de celui qui essaye,

tout ressemble toujours _ voilà : c’est toujours et à chaque fois étonnamment nouveau ! _ à une première fois,

à une expérience marquée _ définitivement ! mais sans tristesse, ni renonciation aucune : au contraire ! y revenir étant toujours (même si ce n’est pas sans quelque douleur…) ludique et jubilatoire ! _ par l’incomplétude.

S’il sait et accepte une telle _ cf Karl Popper aussi… _ incomplétude

_ poursuit magnifiquement Georges Didi-Huberman, page 98 _,

il révèle la modestie fondamentale _ voilà ! _ de sa prise de position _ audacieuse, mais sans gloriole. Et c’est en cela que les découvreurs sont toujours « vraiment » « modestes«  !

Mais il _ « celui qui essaye«  _ est alors obligé, structurellement _ et éthiquement ! c’est une affaire de « dignité«  de l’appel à l’« humanité«  (contre les dérives _ violentes _ de l’« in-humain« ) en soi… _, de recommencer toujours _ telle Pénélope sur son ouvrage, à Ithaque _,

du « coup d’essai » initial

aux nombreux « essais » qui se répètent après lui.

Et rien ne ressemblera jamais _ non plus _ à une _ toute _ dernière fois.

C’est, au fond, comme une dialectique du désir _ en effet ! le désir étant lui aussi, en sa vérité de fond, « inextinguible«  : sans fond ; c’est même là une marque décisive de reconnaissance de sa « vérité« , donc, face à ses contrefaçons…

Que fait donc le monteur, par exemple _ à la Harun Farocki : après l’essayiste… _,

si ce n’est commencer par assembler son _ le plus ample possible ; le plus riche de possibilités de « décryptage«  de la « constellation«  formée que cela va permettre d’éclairer… _ matériau d’images,

puis démonter,

puis remonter,

puis recommencer

sans relâche ?

C’est là l’exigence _ voilà : autant objective qu’éthique… _ de sa prise de position

(on peut ici rappeler _ c’est admirablement bienvenu ! Merci ! _ que le mot « essai » a son étymologie dans le bas-latin exagium,

qui, lui-même, dérive du verbe exigere, « faire sortir quelque chose d’une autre chose »).

Entre la modestie et l’exigence

_ deux grandes caractéristiques du cinéma de Harun Farocki _,

l’essayiste _ ainsi que le monteur cinématographique _ apparaîtra finalement comme l’homme de la contradiction faite pratique _ objective effective permanente ! mais assumée en son aventure infinie même ; et ses progrès ! _,

l’homme de l‘objection _ en sa puissance dialectique…

Il n’y a pas, écrit Adorno, d’essayiste qui n’ait tiré « la pleine conséquence de la critique du système ».

C’est que « l’essai a été presque le seul (genre de méthode) à réaliser dans la démarche même de la pensée

la mise en doute _ socratique _ de son _ propre _ droit absolu » _ j’en donnerai l’exemple, superbe, de David Hume : un fécond « réveilleur«  (d’« ensommeillé dogmatique« ), comme on sait…

Le mélange de modestie et d’exigence chez l’essayiste _ et le monteur… _

lui font alors lancer « un défi en douceur _ la force étant en l’occurrence parfaitement contreproductive ! _

à l’idéal de la clara et distincta perceptio et de la certitude exempte de doute » _ posées en idéal de certitude de vérité à conquérir par un Descartes, dans les Méditations de 1641, comme au final (les quatre derniers articles du livre IV) des Principes de la Philosophie de 1643… Descartes demeure marqué par l’idéal de scientificité de Platon, face aux transigeances (trop souples selon lui) d’un Aristote…

S’il y a un bonheur _ s’éprouvant très vite _ dans l’essai _ et dans le montage-démontage-remontage… _,

nous le devons, sans doute, à ce « gai savoir » _ montanien ? oui ! _ de la modestie devant les objets

et de l’objection _ socratique ! _ devant les discours.

Adorno,

qui cite un fragment de Nietzsche sur la joie du négatif inhérente _ en effet ! _ à une telle attitude,

conclut que l’essai a pour geste fondamental

l’hérésie,

le contournement systématique des « règles orthodoxes de la pensée » :

bref, le geste même

d’une désobéissance _ espiègle pour le moins, pages 98-99…

Par là, l’essayiste

« abolit le concept traditionnel de méthode » ;

et lui en substitue un autre _ oui ! _

qui « rassemble

par la pensée, en toute liberté _ mais oui : avec le jeu (gracieux) de la fantaisie de l’« imageance«  _,

ce qui se trouve _ par « constellation«  librement (voire génialement ; avec tout une culture, aussi) convoquée _ réuni _ en quelque sorte déjà ! _ dans l’objet librement _ mais oui ! _ choisi » _ page 99.

« Essayer, c’est essayer encore.

C’est expérimenter par d’autres voies, d’autres correspondances, d’autres montages _ par l’appel à de l’altérité : « cultivée« 

L’essai comme geste _ à accomplir : il faut le tenter… _

de toujours tout reprendre. »

Recommençons !

Avec courage et joie (de la curiosité s’affairant) !

On continue ! _ « tant qu’il y aura de l’encre et du papier !«  (dirait Montaigne)

et de l’énergie vitale ! ; a contrario de l’acédie mélancolique étrécissante

« Voilà bien ce que suppose tout essai qui se respecte : il n’y aura pas de dernier mot

_ et « la bêtise, c’est de conclure« 

Il faudra encore _ en effet ! telle Pénélope… _tout démonter à nouveau,

tout remonter.

Faire de nouveaux essais.

Inlassablement relire, en somme«  _ oui ! relire, c’est toujours re-monter, ré-interpréter et re-jouer à ré-essayer de toujours un peu mieux comprendre !

« Mais qu’est-ce à dire,

sinon que la modestie et l’exigence mêlés _ voilà ! _ dans la forme _ même _ de l’essai

_ et du montage-démontage-remontage… _

font de toute « reprise »

l’acte _ même _ de toujours tout ré-apprendre ?

_ inlassablement : loin de la plus petite fatuité (et bassesse de gloriole _ ou d’intérêt !) que ce soit…

Comme pour élever sa colère _ face à motif d’indignation eu égard aux indignités (= violences) à l’encontre des personnes

de par le monde tel qu’il fonctionne (= le monde comme il va…)… _

à la hauteur d’une connaissance méthodique et patiente«  _ voilà !

Un grand et nécessaire livre,

voilà !,

que ce Remontages du temps subi

de Georges Didi-Huberman !

Titus Curiosus, le 29 décembre 2010

Les rencontres heureuses et la vitalité généreuse d’une attentive vraie, Danièle Sallenave : l’état (= bilan provisoire) de sa « Vie éclaircie » _ somptueuse lumière d’un livre majeur !

29déc

Je tiens à saluer,

et comme il le mérite _ c’est-à-dire grandement ! _,

le livre absolument magnifique que nous offre,

en la jeunesse robuste et vive, et toujours si _ formidablement _ immensément joyeuse, de ses soixante-dix printemps

_ mais le passage du temps sur son indéfectible jeunesse (de cœur et d’esprit, d’abord !) est totalement imperceptible ! si ce n’est par un toujours surcroît de plénitude !… _,

Danièle Sallenave,

une vraie attentive

autant qu’une attentive (constamment et surabondamment…) vraie !

l’exemple même, si l’on veut, de l' »honnête homme » aujourd’hui,

et de la « belle personne »,

_ et cela indépendamment de la question, trop souvent parasite désormais, du « genre« , du sexe, de la sexuation : elle-même sait fort bien écarter, ici (au chapitre V, « Femmes, hommes« , aux pages 177-205 de ces passionnants  « entretiens » : avec Madeleine Gobeil, et avec elle-même : sur la page d’écran de l’ordinateur, à corriger pour préciser et creuser, approfondir, déployer bien de l’implicite...),

écarter, donc,

un tel parasitage… ; cf cette réflexion-ci, page 195, en réponse à la question (de Madeleine Gobeil) : « Les hommes et les femmes aiment-ils différemment ?« … :

« A mon sens, hommes et femmes aiment ou aimeraient exactement de la même façon, s’ils se souciaient _ d’abord et essentiellement _ d’être des individus, et non de se conformer, même à leur insu, à l’idée qu’ils se font, ou que l’époque se fait _ voilà ! tel est le poids exténuant (la « pesanteur sociologique« , si l’on préfère…) de la pression des clichés ! _, « des hommes » et « des femmes » !« … ;

et il faudrait ainsi que l’on « transgresse l’opposition rigoureuse hétéro/homosexualité.

C’est _ précise-t-elle bien vite, page 203 _ l’idée qu’un être, avant d’être sexué, est d’abord un individu au sens plein du terme

_ en son intégrité et unicité ; ainsi qu’en la conscience même (d’abord opaque, aussi…) de cette intégrité et de cette unicité, en soi : nécessairement singulières ! les deux (l’intégrité comme l’unicité) ! et cela, pour chacun (en son pour soi ! déjà ; ainsi qu’en un « chacun pour soi«  : bien trop souvent exacerbé…) par rapport à lui-même et son (propre : opaque ! non-transparent ! l’accomplissement et la découverte de soi constituant un long et complexe parcours…) soi ! _,

un individu au sens plein du terme, donc,

qu’on aime _ lui _ comme individu _ en son intégrité et unicité singulières ! elles aussi _, par-delà son sexe » même, ajoute très justement Danièle Sallenave, page 203, donc ;

et de commenter encore cela ainsi, dans la foulée, pages 203-204 :

« Pour un ou une « hétéro », ce n’est pas _ cette bisexualité rencontrée alors, non sans une certaine surprise… _ de l’indifférence à la différence sexuelle, qui continue _ elle, et bel et bien _ d’exister et de concentrer sur l’« autre sexe » les fantasmes de désir, de séduction… c’est comme une trouée dans un paysage, par où d’autres paysages se dévoilent _ alors : en perspective s’élargissant… La « bisexualité » _ puisque c’est à cela que l’auteur fait alors allusion, via sa fiction de La Fraga qu’elle commente alors _, c’est alors comme un complément _ voilà _ d’être, une manière de vouloir se saisir et de saisir l’autre _ en l’expérience vécue d’un tel désir amoureux ouvert sans considération dominante (et intimante !) du genre de l’aimé _ dans une liberté que rien n’entrave _ plus, du moins à cet égard de la spécification (carrée !) du genre de l’autre… _, aucune considération de sexe ou du genre. C’est la manifestation d’une liberté conquise«  : contre (et par-dessus) ses propres préjugés, qui avaient fini par s’incruster… _,

celle-là même qui dit,

page 40 de sa Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil (qui paraît cet automne 2010 aux Éditions Gallimard),

avoir, de ses parents _ un couple d’instituteurs de Savennières, sur les rives (et juste au-dessus des « levées« ) de la Loire, non loin d’Angers _, « hérité aussi« 

_ outre leur passion (germinative !) de la curiosité

(« Curiosité«  était « le maître-mot«  de ses parents, rapporte-t-elle, page 39, à propos des élèves qui leur étaient confiés : « Il n’a pas de curiosité ! » leur était, se souvient-elle, « un jugement sans appel« …),

leur passion de l’écoute

(un enseignant doit savoir aussi et avant tout apprendre à écouter au plus près ceux qu’il entreprend d’instruire-enseigner-éduquer ! car est là un rapport décisif ultra-sensible ! ;

et Danièle Sallenave de se remémorer ici cette « très belle chose«  « dans un texte de Jean Starobinski« , page 40, en suivant : « Il ne faut pas que l’immense bruit qui nous entoure _ et prolifère _ diminue nos facultés d’écoute _ attentives : activement réceptrices. C’est à les accroître ou du moins à les maintenir _ à rebours des anesthésies de toutes sortes ! se généralisant… _ que j’espère avoir travaillé« , écrivait Jean Starobinski, l’auteur de Largesse, dans L’Invention de la liberté…) ;

ainsi que celle, chevillée au corps et au cœur, elle aussi

_ car Danièle Sallenave vibre (toujours !) de la passion (éminemment porteuse : enthousiasmante !) de la générosité _

de l’inlassable « instruction« 

dont ceux-ci, ses parents, avaient fait leur métier,

au service du « métier de vivre« , de (« grandes« ) « personnes«  (que ces enfants « devaient«  être en train de devenir…), à aider à se former, des enfants qui leur étaient confiés,

du temps de ce qui était encore une « Instruction publique« , et fut, ensuite, une « Éducation nationale«  : en quoi est-elle donc, celle-là, en train de se métamorphoser, quand ses présents ministres ont été mis à pareille « place«  pour avoir su se faire d’assez efficaces « Directeurs de Ressources humaines«  d’entreprises (ô combien privées !) telles que L’Oréal !..  : « parce que que vous le valez bien« , qu’ils avancent comme appels d’achat de leurs « produits«  (séducteurs…) de « maquillage«  !.. ;

et sur la cosmétique, relire les mots toujours aussi brûlants de vérité de Socrate (dans l’indispensable Gorgias de Platon _ ou « contre la rhétorique«  !..)… _

celle-là même, Danièle Sallenave, qui dit avoir « hérité aussi« , donc, de ses parents,

une profonde mélancolie«  :

celle, du moins

_ cf Aristote, la Poétique, et Rudolf Wittkower : Les Enfants de Saturne.., mais cela à dose homéopathique, il me semble, pour ce qui la concerne singulièrement, elle, Danièle Sallenave, étant donné les inlassables trésors, bien plus manifestes (que ces tendances à l’acédie mélancolique !), eux, de la vitalité ! dans lesquels elle puise toujours et encore… _,

celle _ « mélancolie« , donc _ qui _ par la conscience d’un certain « tragique«  de la vie même, éphémère… _ « ouvre des horizons immenses« , page 40 :

ceux, et à perte de vue, de la profondeur (et de l’intensité maîtrisée : toute de classicisme !) de champ (de perceptions : diverses…) ;

c’est-à-dire le « relief« 

vrai

et parlant en pure vérité

_ d’un timbre de voix, seulement, un peu grave et à peine rugueux, en dépit de sa suavité (et chaleur même) de ton  ; tel un accent, à peine un brin voilé, mais de fond

à peine perceptible : tout simplement… ; mais qui « éclaire«  loin et profond ! voilà ! _

c’est-à-dire le « relief«  vrai et parlant en pure vérité, donc

_ et peut-être baroque ;

de ce Baroque qui sait parler et chanter à Danièle Sallenave ; et qui l’a tellement touché, elle aussi, à Rome et à Prague, notamment (comme il m’a personnellement touché, en ces lieux, et via quelques voix de personnes : ainsi, Elisabetta Rasy, à Rome ; Vaclav Jamek, à Prague…) _

le « relief » _ baroque, si l’on veut ! _ du tragique

consubstantiel de l’existence

« fragile » _ voilà ! et combien précieuses par là ! irremplaçables ! ces profondeur et intensité-là,

devant (et face à) cette fragilité vitale (en son éphémère)… _ de nos vies

effectivement passagères : l’automne et le crépuscule ne manquant pas

_ en général du moins : quand,

accomplissant l’espérance vitale (« et les fruits passeront la promesse des fleurs« ),

il s’avère, magnifiquement, que

« une rose d’automne est plus qu’une autre exquise« _

l’automne et le crépuscule ne manquant pas

_ pour certains, du moins, qui ont su vivre avec succès le « dur désir de durer » un peu (plus que d’autres) et, surtout, assez : pour bien l’« expérimenter« 

(tel un Montaigne en la « vieillesse«  relative, toujours, de ses cinquante ans)… _

d’advenir…

Ce n’est pas non plus sans émotion que j’ai découvert, in fine, page 247, les paroles de conclusion de ce magnifique livre d' »entretiens » (avec Madeleine Gobeil) :

« La seule vie, c’est la vie au présent,

cette vie-là !

Il faut en cultiver sur terre

_ c’est là la leçon, à la lumière de la rigueur d’Épicure, du sublime dernier chapitre des Essais de Montaigne, « De l’expérience« , sous lequel ce bilan (provisoire !) joyeux de Danièle Sallenave me semble venir se placer _


toutes les caractéristiques divines,

dont l’allégresse !

J’aime bien ce mot d’allégresse,

il me paraît correspondre tout à fait au sentiment que donne la musique

_ celle de Felix Mendelssohn, par exemple, héritier, en cela, via son maître Zelter, de l’Empfindsamkeit renversante et nourricièrement énergétique, en ses tourbillons de légèreté grave, profonde, du très grand Carl-Philipp-Emanuel Bach !..

De ce Mendelssohn-ci,

écouter la folle énergie du double concerto pour violon et piano dans l’interprétation sublimée de Gidon Kremer et Martha Argerich (un CD Deutsche Grammophon) ; ou l’Octuor dans l’enregistrement live qu’emmène Christian Tetzlaff pour le « Spannungen Chamber Music Festival«  de Heimbach (un CD Avie)… _,

Ce mot d’allégresse me paraît correspondre tout à fait

au sentiment que donne la musique

plus que n’importe quel art. (…) La musique est l’art divin.

J’ai beaucoup aimé parler de musique _ continue et achève de dire : ce sera là tout simplement la conclusion de cette Vie éclaircie, page 247… _ dans l’émission de Claude Maupomé Comment l’entendez-vous ?.

On écoutait le morceau en entier ; celui-ci terminé, le silence revenu _ celui qui permet à la pensée d’aller un pas plus loin ! _, on se regardait ; « alors ? », disait-elle, de sa belle voix _ un peu grave, elle aussi ; et magnifiquement posée.

Il y avait la pénombre du studio, les techniciens derrière la vitre ; et j’avais souvent la gorge nouée d’émotion avant de pouvoir parler et donner suite _ voilà ! _ au chant… _ inspirateur… :

sur l’« acte esthétique« ,

je renvoie une fois de plus à la scène initiale, à la tombée du soir, et en compagnie de deux amis, à Syracuse, de l’ouverture si subtilement juste du (sublime !) essai de Baldine Saint-Girons, L’Acte esthétique (aux Éditions Klincksieck) ;

cf mon article du 12 octobre 2010, à propos de l’opus suivant de Baldine Saint-Girons, Le Pouvoir esthétique (aux Éditions Manucius) : les enjeux fondamentaux (= de civilisation) de l’indispensable anthropologie esthétique de Baldine Saint-Girons : “le pouvoir esthétique”

L’écoute de la musique

procure un bonheur complet. Le temps n’est plus suspendu,

mais son mouvement _ allant : se chargeant, en la grâce porteuse de son déploiement, de toute une plénitude : comblante ! _

se charge de signification ;

il vous fait _ comme _ participer à la grâce souveraine du calcul,

à l’ordre mathématique

_ tant de la mélodie (horizontale) que de l’harmonie (verticale) ; en une inspiration possiblement leibnizienne ; ou bachienne ;

pour ma (modeste et humble) part, je serais tenté de faire un brin plus confiance à l’aventure un peu plus hasardeuse de ce qu’on pourrait nommer « inspiration« , s’élançant dans l’air, et avançant toujours un peu à l’aveuglette, en se fiant à la chance de ce qui va être rencontré, et respiré : à la façon de Domenico Scarlatti en ses 555 sonates, quasi indéfiniment re-tentées, par exemple... _

Le mouvement du temps vous fait participer à l’ordre mathématique, donc,

et joyeux du monde.« 

Car je me suis alors souvenu

que c’est peut-être lors d’une émission

de Claude Maupomé, « Comment l’entendez-vous ?« , sur France-Musique, quand la radio (de Radio-France) parlait un peu plus souvent vraiment vrai _ au lieu de ne se faire bientôt presque plus que propagande et publicité !_,

que j’ai fait la connaissance, par la voix, la parole, et la conversation vivante _ émue et émouvante, en sa vérité ! _ et vraie

de Danièle Sallenave _ et d’autres, tels, parmi d’autres passionnants, Pascal Quignard, ou le peintre de Montpellier Vincent Bioulès… _

commentant la musique aimée…

Voici, pour finir cette présentation-évocation

de La Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil,

la parlante quatrième de couverture :

« Madeleine Gobeil m’a proposé il y a quelques années de réaliser avec elle une interview par courriel. J’ai longuement développé _ en les travaillant : à la Montaigne, dirais-je… _ mes réponses ; et ce livre en est sorti. L’enfance, la formation (I), les livres (II), le théâtre (III), les amitiés, les amours (IV _ « L’Histoire, les intellectuels, la vie sensible » _ & V _ « Femmes, hommes »), les voyages (VI _ Les voyages, l’Art, le temps), la politique (de ci, de là)… Progressivement, une définition se dégage : écrire, c’est essayer d’ouvrir des brèches, des trouées

_ dans lesquelles une pensée peu à peu, à l’œuvre, et en s’aventurant (c’est le travail exploratoire du génie même de l’imagination…) se déploie : se précise et s’accomplit ; page 75, Danièle Sallenave cite Hegel : « C’est dans le mot que nous pensons«  ; et elle ajoute fort justement, dans l’élan : « Et dans l’articulation des mots, qui constitue des phrases, des énoncés, et pour finir ce qu’on appelle le discours« , selon ce que Chomsky nomme magnifiquement la « générativité«  du discours par la parole… ; le reste, privé de cela, c’est « ce qu’Adorno appelle « la vie mutilée » : coupée en ses élans généreux… Cela chez les privilégiés (« socio-économiques« , ajouterais-je !) comme chez ceux qui ne ne le sont pas. Un « privilégié » qui ne lit rien d’autre que ses dossiers, des ouvrages d’économie, ou sur la résistance des matériaux, et qui ne compte que sur Internet pour sa formation générale, vit aussi pour moi (et pour moi-même aussi !) d’une « vie mutilée »… » ; et Danièle Sallenave de citer encore à la rescousse, page 24, l’excellent Marc Fumaroli, en la préface de ses Exercices de lecture : « Passer par _ voilà ! _ les livres, c’est accéder à une certaine « forme d’intelligence », « que donne de soi-même et des hommes en général la fréquentation assidue _ oui : en mosaïque… _ des œuvres littéraires les plus diverses et d’époques différentes » et qui prépare et éclaire _ c’est cela ! _ celle que donne  _ à l’aveuglette, sinon _ l’expérience » _ individuelle empirique seulement. Comme le commente alors excellemment Danièle Sallenave : « Tout est là : préparer et éclairer l’expérience, qui est forcément _ d’abord : animalement et inculturellement : l’enfance, c’est la « neuveté«  ignorante, d’abord ; surtout privée du désir de plus profondément connaître… _ limitée. Et il ajoute : la lecture « lui donne des ailes _ voilà ! _, elle la prévient contre le rétrécissement _ ou du moins l’étroitesse à jamais _ triste »« , pages 74-75 _,

pour mieux voir, mieux comprendre, mieux sentir. C’est une manière de vivre. D’unifier, d’éclaircir la vie » _ en apprenant à démarquer ainsi le « relief«  même de l’essentiel… Alain dit ainsi : « Apprendre à bien penser, c’est apprendre à s’accorder avec les hommes les plus éminents, par les meilleurs signes »

Ce qui est dit de l’écrire est, en sa parfaite modestie (et justesse !), passionnant !

Magnifique !!!

Les rencontres que la vie,

un peu de chance,

et aussi parfois un brin de courage _ pour savoir saisir, et, plus encore, « cultiver« , en apprenant à soigner et entretenir, avec des trésors de délicatesse, les opportunités du hasard objectif ! _

ont ménagé à Danièle Sallenave,

sont plus passionnantes encore : je n’en dis rien ici ;

je laisse le soin de les découvrir au fil de la lecture

de ces pages infiniment précieuses et riches…

Cette Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil n’est qu’un « état des lieux » provisoire _ à la Montaigne, ou à la Proust : « tant qu’il y aura de l’encre et du papier » !.. _, mais sachant se concentrer de mieux en mieux, et avec générosité, sur l’essentiel, de la part de Danièle Sallenave,

car celle-ci est très loin de penser, comme celle à laquelle elle a consacré un panorama biographique, Castor de guerre, qu’à soixante ans, « il n’y avait plus rien à vivre, sauf l’attente de la mort« …

Cette Vie éclaircie

se trouve donc, par là, aux antipodes du Tout compte fait de Simone de Beauvoir,

dans lequel cette dernière lâchait mélancoliquement : « J’ai le goût du néant dans les os« …

Œcuméniquement, en quelque sorte

_ eu égard, peut-être, à une partie de dette (d’auteur) de Danièle Sallenave à cette formidable énergique qu’a d’abord su être presque tout le long de sa vie Simone de Beauvoir ; cf aussi le très beau portrait qu’a offert de celle-ci, récemment, ce livre très important (à de multiples égards) qu’est Le Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann _,

Danièle Sallenave ose alors, page 243, un :

« Chacun trouve ses propres chemins,

ceux qui lui conviennent » ;

aussi « faudrait-il arriver à considérer l’« âge »

_ mot que je préfère à celui de « vieillesse » (précise Danièle Sallenave) _

autrement que sous l’angle de la mort annoncée« …

_ lire ici (et relire souvent, sinon toujours !!!) le merveilleux Montaigne sur le temps et le vivre, au final de son dernier essai, « De l’expérience«  (Essais, III, 13) !

L’« âge »

et même le « grand âge » tant que le corps tient le coup _ et le détail importe, certes ! _,

c’est aussi _ en effet ! pleinement ! _ un âge de la vie ;

il devrait donc être vécu en tant que tel _ avec visée, toujours, de plénitude ! _,

et non sous la menace du temps qui rétrécit _ et attriste, par la même : cf les analyses très détaillées du très beau (et si juste ! un très grand livre !) La Joie spacieuse _ essai sur la dilatation de Jean-Louis Chrétien…

Car la jeunesse ne se résume pas _ certes : à chacun, au plus vite, de l’apprendre et d’en faire son miel ! _ uniquement à la quantité de temps qu’on suppose _ à la louche ! pas à la pipette (qui n’existe pas pour cela, en dépit des efforts de tous les prévisionnistes très, très intéressés… _ avoir devant soi…

Encore moins à l’idée qu’il est _ biologiquement _ infini _ inépuisable : prolongeable à volonté et sur commande…

Ou le rêve de Faust ;

et le piège de Méphisto…

Cf ici le mot (terrible) de Staline à De Gaulle, à Moscou, en 1945 : « A la fin, c’est la mort qui gagne » ;

à comparer au « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! » de l’Ivan Karamazov de Dostoïevski…

Danièle Sallenave poursuit, elle,

à propos des divers âges de la vie,

ceci,

aux pages 243-244 :

« J’ai toujours su que mon temps _ de vie (mortelle)… : et la rareté fait beaucoup, sinon tout (pas vraiment, non plus !), du prix ! _ était compté, même quand je n’avais que dix ans !

Et dans le même mouvement, je pensais que « j’avais tout mon temps » _ à condition de savoir apprendre à (et de pouvoir) aussi « le prendre« 

J’ai très tôt senti _ mais peut-on vraiment « penser«  si peu que ce soit et ressentir autrement que cela, et ainsi ?.. _ quelles infinités _ mais oui ! « Inextinguibles« , dit même Theodor Adorno, en son (merveilleux) essai sur L’essai comme forme, en ses Notes sur la littérature _ chaque âge

et chaque moment _ même _ de l’âge

recelait.


Mais ce n’est pas la littérature qui me l’a fait découvrir : c’est l’ayant découvert que je me suis mise à écrire.
« 


Et de préciser aussitôt : « Car je ne m’« abrite » pas derrière les mots ;

je ne cherche pas dans l’écriture _ à la façon de l’admirable Philippe Forest dans ce chef d’œuvre des chefs d’œuvre dont la plupart de ses lecteurs potentiels ne réussissent pas à supporter d’affronter de bout en bout la lecture : le sublime terrible Toute la nuit !.. _, à calmer l’angoisse _ ici, pour elle _ de devoir disparaître«  _ mais c’est là un B-A BA de l’apprendre à « exister«  de tout un chacun !..

Et d’y répondre, page 244 :

« Quand je suis en train d’écrire un livre,

pendant que je rédige ma réponse à vos questions _ chère correspondante : chère Madeleine Gobeil, en l’occurrence _,

je ne ressens plus le temps _ physique et physiologique _ comme un pur écoulement _ en vertu des lois mécaniques générales (et sans la moindre exception) de l’entropie de la thermodynamique, si l’on veut… _, au sens où on dit qu’un liquide s’écoule, qu’un corps se vide _ irréversiblement et irrémédiablement…

Quelque chose se dissipe _ en effet ; certes _, se consomme _ physiologiquement est transformé, assimilé, avec des déchets rejetés _, se consume _ et se dissout en nuées _ ;

mais rien _ de substantiel _ ne m’a été _ par cette alchimie-là _ ôté ;

au contraire, c’est de l’énergie _ voilà ! _ qui se régénère«  _ et même davantage que cela : « se sublime«  ! _ en se dépensant _ sur cette « sublimation économique« -là, lire Georges Bataille : La Part maudite

Car : « C’est le mouvement de l’écriture qui fait naître _ du moins la capte  et la « sublime«  ! avec un minimum de micro « déchets«  physiologiques ; rien qu’une micro fatigue enthousiasmante ! _ l’énergie _ même _ dont il a besoin _ pour cette gestique : minimale en moyens ; optimale en résultats (= œuvres : au départ et à l’arrivée de simples phrases ; mais quel envol ! parfois, au moins, de « pensée«  ; et quel surcroît, par ces voies-là, d’épanouissement de soi…)…

Alors là , oui, en ce sens

_ et il me semble qu’un Philippe Forest même, lui si hyper-épidermiquement réservé (= écorché vif ! hyper-« grand brûlé«  ! et quel immense écrivain !) quant à d’éventuelles fonctions cathartiques de l’écriture, consentirait lui aussi à pareille formulation… _,

la littérature, l’écriture m’ont aidée.

Elles m’ont donné de la force«  _ celle des écrivains (majeurs, du moins, surtout, mais même aussi les autres, quand ils « avancent«  ainsi…), des penseurs et philosophes, des artistes ; et de tous les « créateurs » en général…

C’est ce processus même de transfiguration qu’analyse si magnifiquement Spinoza dans tout le déploiement de son Éthique,

ce processus qui permet à celui qui parvient à donner réalisation à ses potentialités en apprenant à se connaître (Spinoza le nomme, pour cela, « le sage«  !),

de s’extraire, d’une certaine façon (seulement ! certes !), de la seule temporalité (de sa vie mortelle), à laquelle de toutes les façons il n’échappera pas biologiquement ! ;

de s’en extraire cependant sub modo aeternitatis : en « sentant et expérimentant«  alors,

en ce « passage«  de ses potentialités naturelles (de départ) à « une puissance supérieure« ,

ressenti comme un surcroît d’intensité ;

en « sentant et expérimentant«  alors que,

tout en demeurant un animal temporel (en tant que vivant mortel : la mortalité étant la rançon (biologique) de l’individualisation des membres d’une espèce sexuée ! et cela, naturellement !, sans la moindre exception !),

quelque chose _ de soi ; en soi ; et par soi, aussi… _ accède cependant et aussi alors à une autre dimension de l’être que les seules dimensions du temps et de la temporalité,

c’est-à-dire aussi alors

à de l’éternité

_ l‘éternité : en tant que l’autre même du temps ;

en tant que ce qui excède, au sein même de

(et en plein dedans : bien sûr _ et forcément !),

au sein même de

la temporalité et de la vie (merci à elle !) ;

en tant que ce qui excède (et vient excéder, profusément, mais aussi intensivement !) la temporalité ;

ce qui, d’une certaine façon, lui échappe (en tant qu’autre, simplement, qu’elle ! ; en tant que son autre : le « face«  de son « pile«  ! si l’on veut…) ;

et que le reste de la vie, et, en particulier, ou surtout, l’événement (bref _ un instant ! _ unique et irréversible) de la mort _ pfuitt… : le souffle s’en est allé… _ ,

n’a nul pouvoir d’effacer ;

d’empêcher le fait que « cela« , ce « passage » d’instant-là (avec son intensité a-temporelle !),

a (bel et bien !) été

(ainsi qu’été vécu, ressenti, et même « expérimenté«  !) ;

que cette dimension-là, de l' »exister«  (de l’individu),

a été atteinte et éprouvée, de facto, un moment (de plénitude) ! par lui (non, il n’a pas « rêvé«  !)

La modalité (affective) de ce « sentir et expérimenter » (« que nous sommes éternels« )

étant le ressentir de la (pure et vraie) joie

_ ne pas la confondre avec la sensation (passive, contingente, et trop souvent simplement factice !) du malheureux « plaisir«  (là-dessus lire les beaux et justes arguments de Socrate face à la naïveté trop courte de Calliclès dans le décisif Gorgias (ou « contre la rhétorique« ) de Platon… ;

méditer aussi sur les (très) cruelles impasses (jusqu’au sadisme !) du dilettantisme (le plaisir, oui, mais sans nulle douleur !) à la Dom Juan (cf la très belle analyse qu’en donne l’excellent Étienne Borne (1907-1993) en son Problème du mal_,

le ressentir de la (pure et vraie) joie

comme sublime épanouissement,

pour l’individu qui en est affecté, l’éprouve et le ressent (et l’« expérimente«  même !),

de ses capacités personnelles naturelles de départ…

A l’inverse,

qui n’éprouve jamais pareille vraie (et pure) joie (d’éternité de quelque chose de soi advenant ainsi en lui _ ainsi que par soi…) ; mais demeure scotché dans la seule (et unique) temporalité de sa vie (et en sa dimension exclusive (!) de mortalité, qui plus est…),

celui-là (le « non-sage« ), Spinoza le nomme « l’ignorant » :

ignorant faute de suffisamment prendre (et apprendre (!) à prendre) conscience

et, assez vite, alors, vraiment connaissance ;

et surtout faute _ grâce à cette connaissance vraie, alors, de cette « vocation« -là ! _, de passer

à l’acte de l’effectuation-réalisation _ un peu pleine !.. Spinoza a grandement foi dans l’apport et l’aide de la connaissance !.. Freud aussi, après lui, en un semblable mouvement thérapeutique… _ de ses potentialités naturelles de départ : en germes seulement, d’abord (à l’état en quelque sorte de « vocation« ), pour tout un chacun : telle est la donne (à assumer, au-delà du « dur désir de durer«  lui-même…) de tout vivant sexué, pour commencer ; cf là-dessus, de François Jacob, Le Jeu des possibles;

et qui resteront, ces « potentialités« , à ce stade (infertile !)

de rien que « germes«  (!),

chez celui _ l’« ignorant« , donc ! _ qui ne les aidera pas (mieux !) à passer en toute effectivité

de la potentialité à l’acte,

du stade (inférieur) de « seulement potentiel«  (ou virtuel)

au stade (supérieur _ il s’agit d’un différentiel ! en soi… pas par rapport à d’autres ! Bourdieu, par exemple, étant ici superficiel !.. car seulement « social«  !) _ de « réellement actuel« ,

en une effectuation-actualisation qui serait, elle, réellement (et vraiment !) effective : Hegel parlera ici, lui, de wirklichkeit… _ ;

et, à la toute fin (lumineusement flamboyante : il s’agit, au livre V, de la description du bonheur comme « béatitude«  !) de l’Éthique,

Spinoza met en comparaison la mort de cet « ignorant« -ci

et la mort de ce « sage« -là :

du point de vue _ physico-biologique _ de la vie et de la temporalité,

ces deux morts-là sont équivalentes,

mourir étant pour l’individu (des espèces sexuées) le tout simple subir la dispersion à jamais des parcelles d’atomes (tant de l’âme que du corps) dont il était (circonstanciellement en quelque sorte) la réunion temporelle (vivante et mortelle) : éphémère (et provisoire, au fond : si l’on veut…), par là… L’espèce, elle, se perpétuant (avec une relative ténacité, au moins statistique…) par le renouvellement (sexué) de ses membres, en tant que maillons constitutifs (nécessaires reproducteurs en cela…) de la chaîne des générations se succédant et se remplaçant, en quelque sorte (même s’ils accèdent peut-être, ces « maillons« , à une relative singularité : à voir !)…


Mais il n’en est pas ainsi du point de vue de l’éternité :

à laquelle l’un, l’« ignorant« , le « non-sage«  _ ne parvenant jamais à prendre véritablement consistance ; à réaliser pleinement ses potentialités d’épanouissement ; à accéder, à quelques moments, à la pure et vraie joie active (bien différente du plaisir subi, lui, passivement et par pure contingence !) _ n’aura pas (= jamais !) « accédé«  (n’en ayant, probablement, même pas le moindre petit début d’idée…) ;

tandis que l’autre, le « sage«  _ y accédant à certains moments d’épanouissement effectif de ses potentialités _, a connu (= très effectivement « senti et expérimenté«  : pas seulement passivement subi !), lui, cette modalité du hors-temps (ou « éternité« ) :

au point que l’événement brutal et irréversible de sa mort physique

ne peut tout bonnement plus (= est impuissante à) empêcher, au sein même de son effacement, alors (et irréversiblement), du règne des individus vivants,

le fait _ à jamais, lui ! _, d’avoir goûté,

connu,

et d’avoir (à jamais) accédé _ en personne ! ainsi… _ à

ce réel plus réel et plus plein _ conférant une infinie, inaliénable et irréversible « consistance« … _,

éternel, donc,

offert dans le jeu même de ce qui vit (dans l’éphèmère même du temps donné et imparti à vivre biologiquement)…

Soit une « vocation«  à un certain degré déjà remplie :

cf le cantique de Siméon,

par exemple, en sa version musicale bachienne, le BWV 82 (pour basse) : Ich habe genug (« Je suis comblé« ) ; pour la fête de la purification de Marie, le 2 février…


Sur la joie,

outre cette grandissime leçon de l’Éthique de Baruch Spinoza,

consulter aussi l’admirable travail d’analyse magnifiquement détaillée de Jean-Louis Chrétien, en son lumineux La Joie spacieuse _ essai sur la dilatation ;

ainsi que les sublimissimes remerciements à la vie

de Montaigne :

« J’ai un dictionnaire tout à part à moi : je « passe » le temps, quand il est mauvais et incommode ; quand il est bon, je ne le veux pas « passer », je le retâte, je m’y tiens. Il faut courir le mauvais et se rassoir au bon. Cette phrase ordinaire de passe-temps et de passer le temps représente l’usage de ces prudentes _ telle est la douce ironie montanienne… _ gens, qui ne pensent _ = croient ! bien illusoirement ! _ point avoir meilleur compte de leur vie _ reçue : avec ingratitude ainsi… _ que de la couler et échapper, gauchir, et, autant qu’il est en eux, ignorer et fuir _ quel gâchis ! _, comme chose de qualité _ objectivement ! _ ennuyeuse et dédaignable. Mais je la connais _ singulièrement ! _ autre, et la trouve et prisable et commode, voire en son dernier décours _ ce que Danièle Sallenave vient de qualifier, elle, de « l’âge«  ! _ où je la tiens ; et nous l’a Nature _ très objectivement ! _ mise en main, garnie de telles circonstances et si favorables, que nous n’avons à nous plaindre qu’à nous _ voilà ! _ si elle nous presse et nous échappe inutilement. Je me compose pourtant à la perdre _ cette vie en voie de se terminer, de s’interrompre… _ sans regret, mais comme perdable de sa condition _ générale ! _, non comme moleste et importune. Aussi sied-il proprement bien _ = de droit _ de ne se déplaire à mourir qu’à ceux qui se plaisent à vivre _ comme c’est sensé ! Il y a du ménage _ = de l’art ! _ à la jouir, et je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance dépend du plus ou moins d’application _ voilà ! _  que nous y prêtons _ très activement ! Principalement à cette heure _ la vieillesse (ou l’« âge«  !) de Montaigne a débuté pour lui avant ses cinquante ans ! _, que j’aperçois la mienne si brève en temps _ vraisemblablement !.. Ce sont des probabilités presque calculables ! et d’aucuns, aujourd’hui, ne s’en privent pas ! _, je la veux étendre en poids _ en « consistance«  vraie ! _ ; je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie, et par la vigueur de l’usage _ Danièle Sallenave est elle aussi de ce tempérament (et de cette sagesse) -là ! _ compenser la hâtiveté de son écoulement. A mesure que la possession du vivre est _ probablement, en terme de prévision de probabilités _ plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine«  _ voilà ! C’est d’une lucidité dirimante ! _ ;

et une page à peine plus loin,

cet acmé de la « profession de foi«  finale de Michel de Montaigne :

« Pour moi donc, j’aime la vie

et la cultive _ tel est le concept décisif ! _

telle _ c’est la sagesse (= art de bien vivre !) que tout un chacun doit apprendre à savoir (enfin !) reconnaître ! Ce n’est même pas une affaire d’invention !.. _

qu’il a plu à Dieu nous l’octroyer«  ;

dans l’ultime essai de récapitulation de ce que Michel de Montaigne a appris de la vie : « De l’expérience« , Essais, Livre III, chapitre 13…

Fin de l’incise sur l’apport nourricier de la vraie joie.

Et retour aux dernières pages des méditations de Danièle Sallenave,

pages 244 à 247…

« la littérature,

l’écriture m’ont aidée. Elles m’ont donné de la force. Le temps que je passe à écrire ne me retire pas de lavie,

il m’en donne.

Pas en longueur

_ nous retrouvons ici les intuitions de Montaigne : « à cette heure, que j’aperçois la mienne _ de vie _ si brève en temps, je la veux étendre en poids«  ; et « à mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine« _,

mais en intensité ».

Et d’ajouter
,

mais peut-être un peu trop vite, cette fois :

« Et la vie intense,

c’est de l’immortalité «  :

en écrivant « immortalité » au lieu d' »éternité« , quand les distingue si justement un Spinoza !


Suit alors, page 245, une très judicieuse précision

à propos de ce qui a pu opposer d’abord, un peu grossièrement, sans assez de précision, les convictions athées de Danièle Sallenave

à certaines manières de pratiquer certaines fois religieuses ;

je cite :

« J’ai enfin compris, justement avec l’expérience de l’« âge »,

ce qui me paraissait _ depuis longtemps _ le plus regrettable dans la foi, dans l’espérance religieuse _ du moins celles insuffisamment « pensées« 

Ce n’est pas qu’elles consolent,

on a _ tous et chacun : très humainement… _ des heures de détresse, et bien peu de leçons _ en effet ! _ à donner là-dessus.

Ce n’est pas non plus que beaucoup confondent l’existence _ objective _ de Dieu

avec le besoin _ tout subjectif _ qu’ils en ont.

Non, ce que je regrette,

c’est qu’en proposant _ un peu trop fantasmatiquement _ la vie éternelle _ en fait : le fantasme de l’immortalité biologique, bien plutôt ! _,

les religions _ en ces interprétations insuffisamment « pensées«  (ou méditées), du moins, me permettrais-je de préciser… _ nous empêchent de mener jusqu’à son terme, si on le peut,

le grand travail sur soi _ voilà : c’est cela que nous devons apprendre à « cultiver« , pour reprendre un autre mot décisif de Montaigne ! _

qu’imposent tous les âges,

mais aussi le vieillissement _ le vieillir, déjà : permanent ! _,

la vieillesse _ installée, finalement _

et la perspective _ rétrécissante ! _ du néant.« 

Et c’est aussi le travail sur lequel s’est focalisé un Michel Foucault durant les dernières années de sa vie,

tant dans ses Cours au Collège de France (L’Herméneutique du sujet, Le Gouvernement de soi et des autres, Le Courage de la vérité…)

que dans ses derniers livres publiés (Histoire de la sexualité _ Le Souci de soi…)…

Ce « grand travail« 

à « mener » tout personnellement « sur soi » :

« C’est une ascèse,

une ascèse gaie,

qui ne suppose aucune macération, aucune délectation morose ;

mais,

comme disait Montaigne _ celui-ci est donc bien très présent dans la méditation de Danièle Sallenave : cette Vie éclaircie (et éclairée !) étant, en quelque sorte, comme son (tout provisoire encore) De l’Expérience à elle ! _,

l' »absolue perfection, et comme divine, de savoir _ l’ayant peu à peu appris et forgé : tout personnellement, et à son corps défendant (comme tout ce qui importe vraiment !)… _ jouir loyalement

_ voilà le critère montanien majeur ! en toute vérité et dignité ! sans trucage ! _

de son être »… »…

« Ce qu’elle espère atteindre, cette ascèse

_ donc ; qui ne débouche « pas sur une « autre vie après la mort », certes,

mais sur « une vie dans la vie » : une vie apaisée, transformée« , aussi page 246… _,

est sans prix : le prix est dans l’ascèse _ toute personnelle, donc _ elle-même,

un exercice libre et joyeux de l’attention _ voilà ; lire là-dessus tous les derniers livres de l’ami Bernard Stiegler : Prendre soin 1 _ de la jeunesse et des générations ; et le tout récent Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue _ de la pharmacologie !.. (aux Éditions Flammarion, les deux)… _,

une attention au présent,

à chaque moment, à chaque instant » _ jusque selon, peut-être, les modalités montaniennes indiquées en son « dictionnaire à part soi« 

Et Danièle Sallenave de se remémorer alors Pindare :

« N’aspire pas à la vie éternelle _ ou immortelle ?.. _,

mais épuise le champ du possible«  :

« C’est ce que chantait Pindare dans ses Pythiques, il y a deux millénaires et demi, un peu avant le siècle _ classique _ de Périclès. »

« On le cite souvent. Qui le pratique vraiment ?
Tout est à relire et à méditer chez les sages de l’Antiquité, ses poètes, ses philosophes,

car, ainsi que le dit _ le regretté _ Pierre Hadot :

« La philosophie antique n’est pas un système ; elle est un exercice préparatoire à la sagesse _ très activement désirée _ ; elle est un exercice spirituel » _ voilà !

Nous avons _ un peu trop _ perdu ce sens-là de la philosophie« , page 246…

Le paragraphe final de ces méditations de l' »âge«  _ qui n’est pas du tout celui de la mélancolie ! _ que forme cette belle Vie éclaircie (et éclairée !) de Danièle Sallenave

évoque, je l’ai déjà mentionné un peu plus haut, « le bonheur complet« 

que « procure » à l’auteur « l’écoute de la musique« 

et « la participation

à la grâce souveraine du calcul,

à l’ordre mathématique et joyeux

du monde« ,

et cela, au rythme du « mouvement » même « du temps« 

« chargé » alors _ comme électriquement : qualitativement, et non quantitativement ou mécaniquement... _ « de signification » :

c’est en effet là une « grâce » artiste…

Titus Curiosus, le 22 décembre 2010

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