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La correspondance de guerre (1914 – 1919) de Lucien Durosoir et sa mère Louise, « Ma Chère Maman, mon Cher Enfant », à paraître le 11 novembre prochain chez Blackwater Press, à Charleston, West-Virginia, traduite en anglais par Elizabeth Auld…

12oct

Le 11 novembre prochain, 2022,

va paraître, aux États-Unis, aux Éditions Blackwater Press, situées à Charleston, en Virginie occidentale,

un substantiel choix de lettres (de 564 pages) échangées durant la Grande Guerre de 1914 – 1918, entre le violoniste (et très bientôt compositeur) Lucien Durosoir (Boulogne-sur-Seine, 1878 – Belus, 1955) et sa mère Louise ;

intitulé « Ma Chère Maman, mon Cher Enfant _ The Letters of Lucien et Louise Durosoir (1914 – 1919)« , en une traduction en anglais d’Elizabeth Auld.

Un choix de lettres original,

distinct en effet de celui effectué naguère par Luc Durosoir, en son très riche « Deux musiciens dans la Grande Guerre«  (qui sont le violoncelliste Maurice Maréchal et le jusqu’alors seulement violoniste Lucien Durosoir)qui était paru en octobre 2005 aux Éditions Tallandier.

Sur Lucien Durosoir compositeur éminemment singulier,

je renvoie, au sein du « Lucien Durosoir, un compositeur moderne né romantique« , soient les Actes du colloque qui s’est tenu au Palazzetto Bru-Zane, à Venise, les 19 et 20 février 2011,

à ma contribution : « Une poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 – la singularité Durosoir  » ;

ainsi qu’à cette autre : « La Poésie inspiratrice de l’œuvre musical de Lucien Durosoir : romantiques, parnassiens, symbolistes, modernes« .

 

De même qu’à l’ensemble des articles consacrés sur ce bloc à Lucien Durosoir compositeur, accessibles dans les archives de ce blog ouvert le 3 juillet 2008 ; ainsi mon article inaugural du 4 juillet 2008 intitulé « «  exprimait-il ma vive et profonde émotion à l’écoute de l’extraordinaire CD Alpha 125 des 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima.

Et à cette époque je ne connaissais pas encore personnellement Luc et Georgie Durosoir, le fils et la bru de Lucien Durosoir.

Ce mercredi 12 octobre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. L’aventure, aussi, d’un oeil de regardeur…

18nov

Le 8 mai 2019, à l’occasion d’une cérémonie d’hommage, à Belus (chez lui, dans les Landes), au compositeur merveilleux qu’est Lucien Durosoir (1878 -1955) _ avec l’inauguration d’une statue d’Aitor de Mendizabal honorant l’œuvre de cet extraordinaire compositeur (cf l’article, avec image,  du 9 mai, le lendemain : …) _,

je publiai sur mon blog En cherchant bien un article intitulé , dans lequel je redonnais le texte de mon parcours d’admiration pour l’œuvre de ce compositeur si singulier _ et si discret, si peu mondain _, que je découvrais musicalement peu à peu, au fur et à mesure de la parution des CDs qui ont été consacrés à sa musique _ en commençant par les CDs Alpha 105, 125, 164 et 175 ; aujourd’hui, son œuvre entier est accessible en CDs…

Ce texte, intitulé « L’aventure d’une oreille : la découverte du « continent Durosoir »« , et daté du 6 janvier 2019, se trouve en effet aux pages 64 à 69 du bel album « La Chaîne de création Lucien Durosoir – Aitor de Mendizabal 1919 – 2019« , publié par les Éditions FRAction…

C’est donc aujourd’hui de « l’aventure d’un œil« , un œil de regardeur enthousiaste et passionné _ et pas un œil de photographe _, que je dois maintenant parler pour caractériser mon _ modeste _ parcours de simple regardeur enthousiaste passionné _ et non professionnel _ de l’œuvre photographique de mon ami Bernard Plossu,

comme j’avais parlé de « l’aventure d’une oreille« , l’oreille d’un écouteur enthousiaste et passionné _ et pas une oreille de musicien _, pour caractériser mon _ modeste _ parcours de simple écouteur enthousiaste passionné _ et non professionnel _ de l’œuvre musical de Lucien Durosoir…

En les récits de ces « aventures » de « regardeur » et « écouteur » enthousiaste et passionné -là, j’accomplissais de fait, tout simplement, le programme que je m’étais fixé, en un courriel _ programmatique, donc _ daté du 20 mai 2008, à mon amie Corinne Crabos _ qui m’avait proposé d’ouvrir un tel blog sur le site de la librairie Mollat… _, un mois et demi avant l’ouverture effective de ce blog En cherchant bien, qui eut lieu le 3 juillet 2008, et dont témoigne l’article inaugural de ce blog, intitulé « « …

Un article qui comportait _ déjà ! _ une photo signée Bernard Plossu !

 

Et je dois noter, encore, que mon article du lendemain 4 juillet 2008, intitulé, lui, «  « , était cette fois consacré au sublime CD Alpha 125 des 3 bouleversants _ quel mémorable choc ! à dimension d’éternité !! _ Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima _ un article qui (ainsi que ses suites) allait me conduire, alors que je ne suis ni musicien, ni musicologue, à donner, trois années plus tard, le 21 février 2011, au Palazetto Bru-Zane, à Venise, 2 contributions au Colloque international « Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955) » « Une poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 – la singularité Durosoir » et  » «  ; « Wow !« , dirait l’ami Plossu…

De même que l’article suivant de ce blog _ daté lui aussi du 4 juillet 2008 _, intitulé « « , était consacré à l’exposition milanaise de ce titre, « Attraverso Milano« , de Bernard Plossu !

Bernard Plossu dont j’avais fait, par hasard, la connaissance le 22 décembre 2006 à la librairie Mollat, à l’occasion de sa signature du merveilleux (!!!) gros album « Bernard Plossu Rétrospective 1963 – 2005« . Je venais d’acheter, peu de temps auparavant, son admirable « L’Europe du Sud contemporaine« , paru en 2000, et dont _ par très grande chance pour moi ! _ un exemplaire demeurait encore sur une étagère du riche rayon Beaux-Arts de la librairie Mollat.

Bernard Plossu, je l’admirais donc déjà…

Or, il se trouve que du mardi 4 avril au lundi 10 avril de cette même année 2006, les membres de notre atelier « Habiter en poète » _ du lycée Nord-Bassin d’Andernos, où j’enseignais aussi la philosophie _, avions séjourné à Rome, arpentée en tous sens, appareil photo à la main, afin d’essayer, mais oui !, chacun _ avec le concours, d’expert, du photographe bordelais le cher Alain Béguerie _ de saisir et rendre par ses propres photos le regard idiosyncrasique sur sa Rome d’Elisabetta Rasy _ j’adore les vraies villes, telle Rome : l’Urbs… _ en son roman autobiographique « Entre nous« , paru en traduction française aux Éditions du Seuil en août 2004 ; et sur lequel nous avions travaillé à nous sensibiliser, le plus près possible, depuis plus d’un an…

Une expérience forcément inoubliable, que ce séjour romain consécutif à un tel an et demi _ à raison d’une séance de trois heures par semaine _ de lecture méthodique hyper-attentive de ce très beau roman romain, associée à une initiation très suivie à la pratique de la photographie, pour chacun de ces jeunes apprentis photographes, par Alain Béguerie, présent lui aussi à Rome…

Et le vendredi 7 avril de ce merveilleux séjour romain, après avoir eu un rendez-vous avec l’auteur de ce passionnant roman autobiographique, devant sa maison d’adolescence, Via delle Alpi, nous avions conversé, sur son roman, avec Elisabetta Rasy durant une bonne heure et demie dans le parc, immédiatement voisin, de la Villa Paganini cf l’analyse que je propose de ce superbe roman romain, en annexe de mon article du 22 février 2010, , dans lequel j’ai inséré mon texte intitulé « Sur les chemins de la présence : Tombeau de Bérénice avec jardin« , consacré au magnifique portrait qu’Elisabetta Rasy dresse de sa mère (et de Rome !) dans ce si beau « Tra noi due« … 

Dans l’échange _ immédiatement _ amical que j’eus, chez Mollat, le 22 décembre 2006, avec Bernard Plossu _ au bout de 5 minutes, Bernard s’est mis à me tutoyer _, je lui ai bien sûr parlé, et de mon atelier photographique « Habiter en poète« , et de Rome, et d’Elisabetta Rasy _ ainsi que de Rosetta Loy, autre romaine, que je lisais aussi (et avais rencontré à plusieurs reprises) avec un très grand plaisir… _, et nous avons engagé tout de suite une correspondance frénétique par courriels _ qui a même failli être publiée ! Il faut dire ici que Bernard Plossu, d’une insatiable curiosité, est un fou de littérature italienne contemporaine ! Mon enthousiasme pour ces écrivains italiens m’ouvrait ainsi grandes les portes de sa propre curiosité…

Ainsi est née notre amitié,

dont un des sommets fut notre magnifique entretien (d’une heure) dans les salons Albert-Mollat, le 31 janvier 2014, à propos de « L’Abstraction invisible » de Bernard Plossu ; et  dont est disponible le passionnant _ ultra-vivant ! _ podcast, dont voici un lien

Ce bien trop long préambule est simplement là pour essayer de justifier l’injustifiable audace _ qui est la mienne _ d’oser opérer des choix de « préférences » entre les 80 merveilleuses images que nous offre ce sublime présent « Tirages Fresson » aux Éditions Textuel !  Et cela tout particulièrement en s’adressant directement à l’auteur même de ces images !!! Quelle impudence !

Cependant l’expérience même _ d’analyses et réflexions renouvelées, jour après jour de cet examen… _ de ces déjà 15 articles  

_ en voici  les liens :

que je viens de consacrer aux images, déjà si merveilleusement variées, de ce splendide « Tirages Fresson » de l’ami Bernard Plossu, se révèle déjà riche, en son cheminement, de pas mal d’enseignements, au moins pour moi _ qui suis probablement un des rares, sinon le seul ! à ne pas perdre patience à l’excessive longueur de ces phrases, et plus encore de ces articles si peu synthétiques ! Mais sur ce point, je demeure hélas un incorrigible montanien : « Indiligent lecteur, quitte ce livre«  : ainsi prévient, à très juste titre, et avec humour, l’avertissement inaugural des (labyrinthiques) « Essais«  _ ;

car, si, en ces articles miens, se dégagent, et même se renforcent et s’approfondissent _ heureusement pour l’état présent de ma lucidité de septuagénaire ! _ certaines constantes d’approbation de mes « préférences » d’images initiales,

 

y apparaissent aussi quelques révisions d’appréciations, mais presque toujours positives :

j’apprécie davantage et mieux, en effet, certaines des images, que pour une raison ou une autre _ parfois : trop de beauté ! par exemple pour l’image presque trop belle (!) de la page 80, légendée « Giverny, France, 2010«  _, j’avais placées non pas sur ma liste des 13 premières préférées, mais seulement _ et bien à tort ! pour cette image de la page 80… _ sur ma liste complémentaire de 22 (cf mon article du jeudi 5 novembre : ) ;

alors que cette image-là de Giverny, de Plossu, est bien, in fine pour moi, en son équilibre ouvert, un absolu miracle de sublime splendeur… 

Par contre, je n’ai toujours pas « retenues« ,

ni l’image page 51 légendée « Giverny, France, 2011 » ; ni l’image page 52 légendée « Île d’Houat, France, 2003 » ;  soient deux images avec fleurs rouges _ qui, pardon !, manquent d’un peu, à mes yeux, de singularité _ ;

pas davantage, même si cela fut avec un peu plus d’hésitation, l’image page 50, avec parterres et arbre verts, en partie derrière des persiennes, légendée « Giverny, France, 2010«  _ cette image possède un charme certain, mais probablement pas tout à fait assez singulier, lui non plus, ni assez puissant, pour me retenir, du moins personnellement, vraiment… _,


L’image, page 62, légendée « San Francisco, Californie, États-Unis, 1968« , fait, pour moi, partie d’une autre catégorie, encore :

celle des images singulières possédant une incontestable puissance, avec le très fort _ mais presque aveuglant ici ! et à mes yeux excessif… _ contraste de ses couleurs (blanc / noir / rouge), qui lui confère un je ne sais quoi de répulsif, trop violent…

Et je dois dire que je ne ressens, en général _ existent aussi des exceptions ! _, aucun tropisme positif envers la plupart des images américainessouvent trop brutales, ou trash, pour mon goût d’européen ; ou encore un peu trop datées à mes yeux _ et sans assez de cette toute simple dimension d’éternité qui me bouleverse…

Je leur préfère, et de beaucoup, la douceur et délicatesse, sereines, des plus récentes images européennes, qui possèdent, elle, ce doux et très léger coefficient d’éternité que j’admire ; surtout celles de la plus pure quotidienneté du réel, qu’elles ont su _ comme magiquement, avec une folle aisance… _ si admirablement saisir…

Est-ce là une affaire d’ancrage civilisationnel personnel _ subjectif _ de ma part ? _ c’est possible…

Ou cela tient-il aussi à une certaine évolution, dans le temps, du preneur-auteur même de ces images ? _ lui-même, Plossu, désormais plus apaisé, plus serein, et qui en aurait transfusé quelque chose à son regard ; à ses cadrages ; et ainsi à ses images… Peut-être…

À suivre…

Ce mercredi 18 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la joie illuminatrice des sidérants 3 Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, en 1920, 1922 et 1934

28juin

Ce dimanche du second tour des Élections municipales 2020,

voici le 106e article de la série de mes « Musiques de joie« ,

que j’ai inaugurée le dimanche 15 mars dernier, jour du premier tour de ces mêmes Élections municipales,

en prévision du confinement qui allait venir le mardi suivant, 17 mars :

et dans le but de vivre le mieux possible _ en musique de joie ! et en fonction des ressources à enfin un peu mieux classer (!) de ma discothèque… _ la situation de réduction de l’espace domestique quotidien.

Et la musique a, de fait, ce formidable pouvoir illuminant !

Je pense donc à ce choc important que fut pour moi, au mois de juin 2008, la réception du CD Alpha 125

des 3 Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima ;

l’enregistrement avait eu lieu à La Borie, en Limousin, en décembre 2007.

Et je viens de procéder à une présentation un peu (!) améliorée

(tout en conservant, aussi _ documentairement _, la version originelle du 4 juillet 2008),

de mon article d’ouverture de ce blog En cherchant bien juste après l’article programmatique  _

intitulé .

Car ce fut pour moi un choc bouleversant que de découvrir ces 3 Quatuors à cordes sidérants de Lucien Durosoir

(Boulogne-sur-Seine, 1878 – Bélus, 5 décembre 1955),

composés en 1920, 1922 et 1934.


Rencontre d’une musique et d’une œuvre

qui devait m’amener, deux ans et demi plus tard, à proposer deux contributions

au Colloque Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1877 – 1955) du Palazzetto Bru-Zane, à Venise, les 19 et 20 février 2011 :

Une poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 – la singularité Durosoir

et

La Poésie inspiratrice de l’œuvre musical de Lucien Durosoir : romantiques, parnassiens, symbolistes, modernes

Voici le podcast du sidérant premier mouvement, noté Ferme et passionné,

du génialissime 3éme Quatuor à cordes, en Si mineur, de Lucien Durosoir (de 1934)…

Voici aussi la vidéo de l’intégralité du second Quatuor à cordes, en Ré mineur, de Lucien Durosoir (de 1922),

par le jeune Quatuor Mettis,

en finale du concours international de Quatuors à cordes de Bordeaux, en mai 2016 :

le départ du Quatuor de Durosoir se situe à 10′ 35 du départ de cette vidéo…

Des chefs d’œuvre éblouissants de la musique du XXe siècle,

qui vous désobstruent les oreilles incurieuses.

Ce dimanche 28 juin 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musique d’après la guerre

04juil

Modifications, ce 28 juin 2020, de la présentation de mon article Musique d’après le guerre

qui,

juste après l’article programmatique Le Carnet d’un curieux,

a inauguré ce blog En cherchant bien, le 4 juillet 2008.

Cependant, au bas de ce très long premier article de ce blog,

je conserve, à titre de témoin,

et ad libitum,

la version originale de cet article, rédigé il y a près de douze ans, le 4 juillet 2008.

Les 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125)


durosoir_alpha.JPGComme en prolongement musical à « Jeudi saint«  (de Jean-Marie Borzeix _ aux Éditions Stock),


bien qu’il ne s’agisse pas de la même guerre,
ni, a fortiori, des mêmes excès
dans l’insupportable de l’horreur,
de l’atroce
_ comment le dire ? _
auxquelles ces deux guerres
(dites « mondiales« , les deux :
que leur est-il donc par là comme « reconnu » : rien qu’une aire géographique ?… chercher l’erreur…) ;
dans l’insupportable de l’horreur _ atroce _,
auxquelles ces deux guerres
donnèrent lieu :
Claude Mouchard convoque, lui, pour son grand livre,

(« Qui si je criais ?… œuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle« , aux Éditions Laurence Teper, en octobre 2007) ;
le terme de « tourmentes« , au pluriel ;

or c’est bien,
et ce n’est pas fréquent,
à une telle « œuvre-témoignage« 
et, sinon « de dedans » une de ces « tourmentes » (de l’horreur) du XXème siècle,
du moins « dans » les « séquelles » d’une de ces « tourmentes« -ci,
et de séquelles sans fin (ni remèdes),
dans l’impossibilité de tout à fait jamais « se remettre« 
de ce ni plus ni moins que « suicide civilisationnel« 
_ on peut relire « Le monde d’avant _ souvenirs d’un Européen » (« Die Welt von Gestern – Erinnerungen eines Europäers« ), de Stefan Zwieg (1881-1942),
un livre majeur pour comprendre l’Histoire,
publié, posthume, en 1948 (disponible dans la collection du « livre de poche« ) ;
Stefan Zweig et son épouse, Lotte Altmann, s’étant physiquement donnés la mort à Petropolis, au Brésil

(où ils avaient trouvé refuge, outre-Atlantique, en 1941),
le 23 février 1942,
à un moment d’un peu plus intense découragement que d’habitude,
en cette éprouvante « Seconde Guerre Mondiale« , avec ses génocides à si considérable (à la puissance n) échelle _ ;

dans l’impossibilité, donc, de « se remettre« 
de ce « suicide civilisationnel« 
que fut pour notre Europe _ et donc pour nous, Européens en lambeaux que nous sommes
(cf mais pas seulement, hélas, l’implacable livre de Czeslaw Milosz, « Une Autre Europe« , paru aux Éditions Gallimard en 1964 et réédité en 1980) _
cette première « Grande Guerre« 
_ la seule à laquelle soit attaché, jusqu’ici du moins, cette expression _ ;

or c’est bien en effet à une telle « œuvre-témoignage » que,
avec cette sublime
_ sans abuser de ce mot, j’ose espérer :
qu’on se reporte, pour le vérifier, au si beau travail de Baldine Saint Girons,
depuis « Fiat lux _ une philosophie du sublime » (aux Éditions Quai Voltaire, en février 1993),
jusqu’à « L’Acte esthétique » (aux Éditions Klincksieck, en janvier 2008),
et « Le Sublime, de l’Antiquité à nos jours« , aux Éditions Desjonquères, en mars 2008) _ ;

que, avec cette sublime musique,
nous avons ici à faire :


avec cette « musique d’après la guerre« 

_ guerre dont on ne se remet pas… _,



que sont les 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir.

Même si la force phénoménale de ce « témoignage« -ci de musique
_ sans se méprendre
si peu que ce soit
sur ce en quoi peut « consister » pareil « témoignage » ! _ ;

même si la force phénoménale de pareil « témoignage » (de musique)
est très indirecte,
distanciée :


sans description, bien sûr, d’abord,
ni brut « expressionnisme » ; tout est « transfiguré »


(est-ce « nocturnement« , à la Schoenberg _ de « La Nuit Transfigurée » ? _ ;
en tout cas, passé
par le filtre puissant
d’un classicisme « à la française« )


par une maîtrise _ par soi, sur soi (de l’auteur, compositeur, créateur) _ d’une extrême richesse (et vie) :


maîtrise _ et à un haut degré _ de l’écriture musicale, et au-delà encore,
maîtrise de très brûlants affects, toujours, toujours :


ce qu’est, et en quoi « consiste » _ tient avec lui-même, par son ensemble, et par rapport au reste _, un Art ;
et majeur.


Sublime, oui.

Les 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir,
non publiés par lui,
ni donnés en concerts publics,
non plus,
comme le reste de son œuvre _ une quarantaine d’opus _, demeuré « privé« ,
pour un cercle (« intime« ) d’amis interprètes probablement

_ un phénomène qui donne pas mal à penser ;
d’autant mieux quand on découvre quels « chefs d’œuvre » ce sont :


c’est donc que la musique, ou qu’une « œuvre« , plus généralement, peut avoir d’autres fonctions
et « usages »
qu’une façon
_ l’argent _ de « gagner sa vie« ,
ou de se faire reconnaître
_ la célébrité, voire la gloire _ et admirer ;


comme le virtuose du violon qu’avait été,
avant de se « réduire » en quelque sorte lui-même
_ mais est-ce là « réduction« , ou pas, bien plutôt, « consécration » ? _
à l’essentiel » ?


avant de se « réduire« -« concentrer« , faut-il peut-être dire,
outre à vivre le quotidien

_ je pense ici à ce que concevait de son « vivre le quotidien »
un Albert Cossery,
qui vient de disparaître (3 novembre 1913 – 28 juin 2008),
l’auteur des « Fainéants dans la vallée fertile » (en 1948) et de « Mendiants et orgueilleux » (en 1955) :
deux titres disponibles en « Œuvres complètes«  aux Éditions Joëlle Losfeld, en octobre 2005 _ ;

avant de se « réduire« -« concentrer« , donc,
outre à vivre le quotidien,

à l’essentiel que fut pour lui cette activité intime,
privée (non publique)
de compositeur-créateur d’œuvres, en sa « retraite » (-« retrait« ) des Landes,
« du côté de Mont-de-Marsan« , ou Dax, ou Peyrehorade, « à la campagne » (du pays d’Orthe) ;

comme le virtuose du violon qu’avait été


_ comme en une « vie antérieure«  :
d’interprète brillant
et célébré avec éclat
sur les grandes « scènes de concert » d’Europe : Paris, Berlin, Vienne, etc… _ ;

comme le virtuose du violon, donc, qu’avait été
l’individu Durosoir, Lucien,
avant son « passage« ,
de 14 à 18
,
par la condition, l’uniforme, et le fusil de soldat au front,
dans les tranchées sous la mitraille… ;

les 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir

_ je reprends le sujet de ma phrase principale ! _,
constituent,
sous la forme d’un CD interprété,
et avec quelle intensité,
par le Quatuor Diotima
_ le CD Alpha 125 :  « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir _
;
constituent
une sorte d’urgence musicale rare

pour qui ne craint pas
de se laisser toucher et emporter profond et fort par la beauté somptueuse et « d’absolue nécessité » de la musique ;

urgence musicale, donc, et d’abord d’écoute, pour nous « amateurs » de musique,

que je me fais un devoir de signaler ici en priorité
(de ce blog « En cherchant bien« …) :


d’un CD qui nous fait rien moins
qu’accéder
ou accoster, mais
(de même qu’existent, cousines des « bouteilles à la mer« ,
des « bouteilles à la terre »
et des « bouteilles aux cendres » :
celles d’un Yitskhok Katzenelson, au Camp de Vittel,
et celles d’un Zalman Gradowski, à Auschwitz, lui) ;


accoster, donc, mais
on ne peut plus terriennement,

à « tout un continent musical«  _ rien moins, en effet ! _
oublié, négligé
(et d’abord _ et parce que _ inédit au disque,
comme au concert,
et comme en éditions en partitions !

et dans tous les sens du terme : proprement inouï !) :

parce que le musicien compositeur créateur de ces œuvres,
Lucien Durosoir 
(Boulogne-sur-Seine, 1878 – Bélus, 5 décembre 1955),
se tenait à l’écart des côteries et milieux-de-la-musique de la capitale,
retiré,
en 1923, à l’âge de quarante-cinq ans,
dans les Landes
, du côté de Dax _ à Bélus _, pour l’essentiel _ ;

quand on sait que la musique, pour être accessible
autrement qu’au « premier cercle » des musiciens-interprètes et des lecteurs de partitions :
la musique pouvant pleinement « parler » à ceux-là rien que « lue » (en notes écrites sur portées) ;

la musique, donc,
a besoin, au-delà du « premier cercle » des « lecteurs » (de partitions),
d’interprétations effectives, sonores,

retentissant physiquement, grâce aux instruments (et voix) qui s’expriment (c’est-à-dire qui « chantent« ),
dans l’air tout alentour vibrant et tremblant du concert de leurs résonances d’ondulations vibratoires en expansion

et jusqu’aux tympans, effleurés, au sein de l’oreille,
et bien plus outre encore,
par le lacis en mille ruisseaux (ruisselets, rus, sources vives) des nerfs auditifs :


dans le labyrinthe même de l’âme ;

la musique a besoin,
pour les non lecteurs-déchiffreurs de partitions,

d’interprétations effectives et incarnées

soit au concert,
cette grâce, physiquement et sensuellement partagée en un même moment et lieu,
incomparable quand elle advient
(et prend, par quelque miracle, « consistance » : légère comme une gaze, qu’on ne prenne pas peur !),

soit par la médiation
(un plus large quant au moment et au lieu,
mais qui peut aussi se faire très intense, quand la grâce, à ce micro-là, a pu se faire _ et au mieux _ capter, recueillir, et garder,
pour re-jaillir très loin, dans l’espace comme dans le temps, ailleurs que dans la salle du concert ou de l’enregistrement) ;

par la médiation, donc, de l’enregistrement et du disque (d’un concert ad hoc) ;

et parce que ce musicien,
Lucien Durosoir, donc,
en son passage de soixante-dix-sept ans de vivant-mortel (pardon du pléonasme) sur la terre, entre 1878 et 1955,
avait été profondément _ le terme, faible, est mal approprié _,
et irréversiblement « marqué »
_ un parmi tant d’autres _
par ce qu’il avait subi, vécu, souffert, res-senti, de toutes ses fibres,
« dans » les « tranchées » sous la mitraille de 14-18.


C’est à cela :


à ce degré d’humanité-là

_ je veux dire :
« degré d’humanité » que peut parvenir à exprimer en une « œuvre«  vraie un artiste « vrai » par là même,
en son génie créateur singulier _

et à cela :
à ce « continent« 
,
puisque c’est le mot
me paraissant représenter le moins mal ce « cela« , cette formidable « réalité« -là :

mais en quoi un tel « degré d’humanité » ne pourrait-il pas « constituer » un « continent » ?

face à la masse tellement monstrueuse, et, aussi, sournoise
(car honteuse, en dépit de ce qui ne manque pas de lui échapper, par bouffées, de cynisme),
et s’en cachant (et « niant » effrontément) par de nouveaux mensonges persistants
_ de type « arbeit macht frei« , ou « chambres à gaz » déguisées, en forme d’hygiène (vertueuse) affichée, en « salles de douches«  _ ;

face à la masse monstrueusement sournoise
de la « barbarie » (de la mitraille dans les tranchées ; et sa moisson de vies, toutes si précieuses, par millions, et une par une, instant après instant, « fauchées« )

à laquelle lui, Lucien Durosoir, comme tant d’autres « survivants » de l’atroce, s’est trouvé devoir faire face, et survivre,

face à ces insupportables moments-là
des tranchées sous la mitraille de la « Grande Guerre » ? ;

c’est à « cela« , donc,

que les 3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir,
en l’espèce de leur interprétation par le Quatuor Diotima
,
quelques jours d’enregistrement
au Centre Culturel de Rencontre La Borie en Limousin
_ et le lieu sans doute aussi compte _,
de décembre 2007,

nous donnent à accéder,

recevoir, partager, à notre tour,
par ce si beau CD Alpha 125
.


Sans qu’il nous faille,

pour ressentir le degré de « tourmente » de ce qui a pu être vécu, subi, souffert, supporté d’insupportable (aux limites de l' »humain« ), en cette « Grande Guerre« ,
lire ou relire les « témoignages » peut-être plus directement accessibles, du moins comme « témoignages » « directs« , par nous, qui pensons d’abord sans doute, et nous représentons le réel, à travers des mots et à travers des phrases, en leurs propres façons _ chacun d’eux _ (par le verbe) de le « phraser »
_ plus « directs » peut-être ainsi pour nous
que cette « musique d’après la guerre« , ainsi que je me permets ici de la nommer ; et qui ne « s’affiche » en rien comme « témoignage« , et de quoi que ce soit : elle est, et on ne peut plus fondamentalement, « musique » ! _ ;

sans qu’il nous faille lire, donc, les « témoignages » écrits, eux,
d’Erich Maria Remarque (1998-1970 :
en 1929, « Im Westen nichts neues« , »À l’Ouest rien de nouveau » _ disponible en « le livre de poche« ) ;
de Maurice Genevoix (1890-1980 :
cinq volumes écrits entre 1916 et 1923 _ « Sous Verdun » (1916), « Nuits de guerre » (1917), « Au seuil des guitounes » (1918), « La Boue » (1921), « Les Éparges » (1923), tous parus chez Flammarion, et rassemblés par la suite sous le titre « Ceux de 14 » en 1949, disponible en Points-Seuil) _ ;
ou, plus indirect, mais si intense et si puissant, de Jean Giono (1895-1970 :
son œuvre entier prenant toute sa dimension, et elle est immense, à partir de ce « traumatisme » du « front« , à Verdun et au Mont-Kemmel, pour lui :
qu’on lise et relise et se laisse « atteindre » par « Un roi sans divertissement« , ou le cycle du « Hussard sur le toit » , disponibles en Folio) ;
ou encore celui, philosophique, du philosophe Alain (1868-1961 :
en 1921, « Mars ou la guerre jugée« , accessible en Folio)…

Les trois « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir voient le jour, le Quatuor n° 1 (en fa mineur), en 1920 ; le Quatuor n° 2 (en ré mineur), en 1922 ; et le Quatuor n° 3 (en si mineur), en 1934.


Ce sont des œuvres que je permets d’estimer à la hauteur
_ si cela a quelque sens : oui,
par rapport à ce qui « n’y atteint pas » ;
pour ne rien dire des impostures tenant le haut-du-pavé
des opinions inconsistantes
(mais pouvant aller jusqu’à « décourager« , par leur massivité, de jeunes ou timides encore curiosités ;
lire ici l’important « Prendre soin _ De la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler, aux Éditions Flammarion, en février 2008 ),
des préjugés
et du commerce veule, dont d’abord celui de la « grande distribution« , de l’audimat, si l’on veut : aux dégâts d’ampleur catastrophique _ ;

ce sont des œuvres que je permets d’estimer à la hauteur, donc,
de ces sommets du genre (du quatuor)
que sont le « Quatuor » de Debussy
(en sol mineur) et le « Quatuor » de Ravel (en fa Mineur).

Elève d’André Caplet (1878-1925) _ pour la composition (Durosoir et Caplet ont exactement le même âge) _,
et ami _ dans les tranchées _ du violoncelliste Maurice Maréchal,
Lucien Durosoir fut un musicien rare,
peut-être d’exception
:


« jalousement indépendant pendant les trente années de sa période créatrice,
faisant fi de tous les académismes
« ,
le compositeur qu’il devient en 1919
_ il n’était jusque là (de 1899 à 1914) qu’interprète (violoniste virtuose) _
« se démarque de ses contemporains français par l’originalité et la modernité de son écriture.« 

« Sa démarche«  de créateur semble consister à placer une puissante affectivité
_ et c’est un euphémisme _
sous le « contrôle » d' »une science (et art) de l’écriture implacable« ,
« comme chez les grands contrapuntistes de l’école franco-flamande du XVIème siècle« ,
et ce qui s’appela, du temps de Josquin des Près, « musica reservata » ;


car c’est en cette « tradition » _ peut-être, avec Josquin, au sommet de toute la musique occidentale ! _ « que cet homme de grande culture humaniste trouve l’assouvissement de ses aspirations » de pensée _ oui _ les plus profondes.


Je traduis ici, en l’adaptant légèrement, une réflexion de Georgie Durosoir aux pages 19 et 20 du livret du CD Alpha 125.

Nouveaux sommets de la musique française, après les chefs-d’œuvre de Debussy et de Ravel, sur fond de cette gravité profonde
toujours présente
, même si sous des dehors badins, dans les « œuvres » qui en soient « vraiment« ,
_ telles celles, par exemple d’un Marivaux, pour prendre un exemple éloigné en apparence de celles, musicales, que donne ici Lucien Durosoir _,


les trois « Quatuors » de Lucien Durosoir me paraissent parfaitement consonner (aussi) avec « Jeudi saint«  de Jean-Marie Borzeix,
dans l’ordre d’une richesse et d’une grandeur sans pathos,
« à la française« …


Dont Debussy et Ravel sont peut-être les meilleurs exemples, pour la musique (pour ces deux « Quatuors« , cf la version du Parkanyi Quartet : CD PRD/DSD 250 208 chez Praga Digitals).

Sans remonter, par François et Louis Couperin (cf les CDs Alpha 062 : François Couperin : « La Sultanne. Préludes & Concerts royaux« , par et sous la direction d’Elisabeth Joyé ; et Alpha 026 : Girolamo Frescobaldi _ Louis Couperin, par Gustav Leonhardt) jusqu’à Josquin des Près…

alpha-105.JPG

Les Éditions Alpha ont déjà publié, en 2006, la « Musique pour violon & piano«  de Lucien Durosoir (par Geneviève Laurenceau & Lorène de Ratuld, CD Alpha 105).


Et poursuivront la réalisation d’une interprétation intégrale de l’œuvre de Lucien Durosoir au disque.


« Retiré dans le sud-ouest de la France dès 1923,
Lucien Durosoir n’avait semblé souhaiter ni se mêler à la vie artistique parisienne de l’après-guerre,
ni publier ses œuvres immédiatement.
Il comptait pour cela sur le futur.
Le futur, ce devait être une nouvelle guerre,
durant laquelle sa maison fut, un temps, occupée par l’ennemi,
et sa production, interrompue, ne serait-ce que par le manque de papier à musique
 »
_ notait sa belle-fille, Georgie Durosoir, dans le livret du premier CD Alpha (105) consacré à la « Musique pour violon & piano«  de Lucien Durosoir.

Dans le livret du CD (125) consacré aux 3 « Quatuors à cordes« , la musicologue et musicienne bien connue qu’est Georgie Durosoir présente ceux-ci ainsi :


« La pratique du contrepoint domine l’écriture (…) comme le geste le plus apte à rendre compte du monde sonore intérieur
et de la construction intellectuelle propres au compositeur.
Toutes les finesses techniques sont sollicitées dans une réécriture constante des motifs,
leur réutilisation sous des formes inattendues, dans des contextes très différents de leur première apparition,
dans des transfigurations rythmiques et nuancielles.
La circulation des thèmes essentiels à travers plusieurs mouvements
fait de ces trois quatuors des œuvres plus ou moins résolument cycliques.
La tonalité, assumée comme fondatrice, se dissout dans une abondance d’altérations
qui créent des rencontres sonores inattendues
et une harmonie très personnelle.
Les superpositions rythmiques tendent à densifier le tissu instrumental
et à brouiller la stabilité rythmique.
La configuration musicale d’atmosphères poétiques inouïes
est égalisée par la conjonction d’éléments de timbre
(registre suraigu des instruments, trémolos pianissimo proches du bruissement, couplage des registres des régimes extrêmes),
de rythme (brouillage de l’impression de stabilité par superposition de contraires),
d’harmonie (altérations inattendues, modifications minimes de motifs déjà entendus, détournements passagers et multiples de la tonalité).
C’est ce parti-pris d’écriture qui fonde le côté savant, complexe, fouillé des compositions.


(…)
En complément de la démarche savante,
les composantes subjectives, affectives du musical
envahissent l’œuvre
(dans les notations agogiques,
la construction en sections contrastées,
l’opposition de développements agités, violents et combatifs et de séquences méditatives, statiques et doucement chantantes).
Le sens intime de l’écriture complexe apparaît alors clairement :
le contrepoint est le médiateur d’un monde sonore riche, divers et plein de contrastes,
doublé d’une affectivité douloureuse et contradictoire :
il est le garant d’une énergie contenue,
d’un balisage sévère de cette recherche éperdue d’expression personnelle ;
il dresse de solides palissades qui canalisent le déferlement de sentiments aussi puissants
que la révolte ou le désespoir,
éminemment fondateurs de la musique de cet homme à la fois douloureux et enthousiaste.
 »

Qu’ajouter à pareille analyse ?

En appendice,
je me permettrai d’ajouter cet échange de mails, récemment,
autour des  3 « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir (CD Alpha 125) :

Courriel du 23 mai (15h45) :

Au sortir de ma première écoute _ une seule à ce moment _ de ces quatuors de Durosoir par le Quatuor Diotima,
j’ai le sentiment d’avoir été convié à mettre un pied sur un « nouveau continent » :
rien moins !

Comme,
toutes choses étant égales par ailleurs,
avec certaines des réalisations du Poème harmonique

Airs et ballets en France avant Lully(par exemple l’album d' »Airs & Ballets en France avant Lully »
_ d’Antoine Guédron, Antoine Boesser et Etienne Moulinié, de CDs antérieurs ainsi rassemblés,

_ CD Alpha 905)
pour le premier dix-septième siècle :
ce n’est donc pas peu, me semble-t-il.

J’espère que les oreilles de la critique vont se « désembourber » de leurs bouchons de cerumen,
et de leurs petits maniérismes de cliques, de cercles, d’initiés qui méprisent tous les autres !!!

Alpha réalise ici un travail de pionnier…

Courriel du 23 mai (16h37) :

Et en plus le texte du livret est magnifique !

Particulièrement à qui sort de la lecture de « Qui, si je criais… » de Claude Mouchard,
dont le sous-titre est
« Œuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle »…

Que Lucien Durosoir ait été « indépendant », et « hors-groupes »,
cela s’entend magnifiquement en cet oeuvre,
et rend raison de sa méconnaissance du public jusqu’à aujourd’hui…

L’heure de la reconnaissance sonne peut-être par ce disque, déjà,
s’il reçoit l’écoute _ et l’ampleur d’écoute _
que cet oeuvre d’un immense musicien, dans son coin (des Landes, peut-être), mérite…

Un peu loin des côteries parisiennes, sans doute…

Georgie Durosoir doit être satisfaite d’écouter de nouveau cela à ce niveau de grâce,
et de profondeur.

Merci à tous ceux qui ont contribué à faire parvenir pareille musique
jusqu’à notre écoute.

Tu peux transmettre ce message à Georgie Durosoir.
Je l’avais contactée il y a quelques années lors de mes recherches « baroques »…

Et dès que mon blog sur mollat.com sera ouvert,
j’en traiterai
_ peut-être (ou même sans doute) dans le prolongement de mon premier article,
sur le livre magistral de Saul Friedländer (et ce qui peut l’accompagner)…

Courriel du 23 mai (20h54) :

Cher monsieur,

J-P C. m’a transmis votre message et j’en ai été touchée. Votre nom, en effet, m’a renvoyée à un souvenir assez ancien…
Je suis heureuse de la sortie de ce beau disque et je suis persuadée que cette musique touchera le cœur et l’intelligence de beaucoup d’auditeurs.
Je vous remercie pour la qualité de votre écoute et pour ce chaleureux message
Bien à vous
Georgie Durosoir

Courriel du 23 mai (22h37) :

Chère Madame,

L’Art est fondamentalement sens,
à côté des impostures et des bavardages.

Ce n’est pas à vous, et à votre travail « de fond » sur le Haut-Baroque, que j’apprendrai quelque révélation sur ce que cet Art-là avait (et a) de « vectoriel »….
Le Baroque m’a notamment touché, en effet, par ce « pouvoir » de « présence »-là…

Ce qui était (et est toujours) vrai du « Baroque »
_ à un moment d’inquiétude de la foi, et de querelles théologiques (sur les Mystères _ dont celui de la transsubstantiation) _
a poursuivi son questionnement taraudant, dans ce qui a succédé au Baroque,
dans une quête peut-être de plus en plus angoissée, sans doute, du sens _ à force de le « refouler » ! _,
dont témoigne ce que Nietzsche a qualifié de « nihilisme ».

C’est en artiste, en musicien, et passant à la création aussi et peut-être surtout, que votre beau-père a survécu _ et vécu ce qui a suivi _ à la « Grande Guerre ».
Avec profondeur, sans comportement de « groupe », avez-vous souligné…
J’y suis sensible, car je réfléchis un peu à ce que disent d’autres artistes d’autres horreurs qui ont suivi.

J’ai ainsi écrit il y a deux ans sur « Liquidation » d’Imre Kertész… Etc…

Courriel du 2 juin (5h36) :

Chère Madame,

Découvrant au réveil la réception du CD Alpha 125 par Christophe Huss,
sur le site Classics-Today France,
je m’empresse de vous en faire part : nous nous trouvons donc sur une même « longueur d’ondes »,
et c’est réjouissant de constater la « merveille » de l’oeuvre reconnue…
En croit-on toujours assez ses propres oreilles, au royaume des mal-entendants ?..

Voici l’article
_ les expressions en gras sont de mon initiative :

LUCIEN DUROSOIR
Les trois « Quatuors à cordes« 

Quatuor Diotima

ALPHA 125(CD)
Référence: premières mondiales

Pour que cet immense disque prenne sa vraie valeur, je vous suggère de baisser un peu le volume d’écoute, car la prise de son découpée au rasoir de Hugues Deschaux, nous met les oreilles dans le vif du sujet et n’élude rien des sonorités un rien agressive du Quatuor Diotima.

Les violonistes du Quatuor Diotima ne valent pas ceux des Quatuors Prazak ou Emerson. Mais les Prazak ou les Emerson n’enregistrent pas Durosoir… Or ce disque est littéralement vertigineux. Surtout au moment où il paraît… En effet, l’interprétation de la « 2e Symphonie » de Roussel par Stéphane Denève (Naxos) a mis le doigt sur une noirceur, une amertume post-Grande Guerre dans une certaine création musicale française, qui n’avait jamais été mise en avant à ce point. Or les « Quatuors » de Lucien Durosoir (1878-1955) expriment exactement cela. Ils illustrent un pan de la création musicale française, loin de l’élégance de Debussy et Ravel, qui produit des oeuvres ressemblant à un écho grave et amer de la tragédie de la guerre.

Plus encore que dans la « 2e Symphonie » de Roussel, on a l’impression d’entendre ici, quarante ans avant, les prémices des grandes oeuvres de Chostakovitch. Les mouvements lents des « Quatuors » n° 1 et 2, notamment, sont une plongée abyssale dans la noirceur du monde. On notera par exemple à quel point dans la Berceuse du « Quatuor n° 2″ la mélodie qu’on attend n’éclot jamais (un peu comme cet allegro qui n’arrive pas dans la « Symphonie funèbre » de Joseph Martin Kraus). Les flottements harmoniques, les frottements aussi, une sorte d' »incertitude du lendemain » (dans le sens où on ne peut pas deviner la phrase ou la note qui va suivre) sont les caractéristiques de ces partitions.

On le pressent à l’écoute : Durosoir est un musicien de la Grande guerre. Violoniste, il y rencontra le violoncelliste Maurice Maréchal et le compositeur André Caplet. Et c’est vrai que c’est à l’énigmatique Caplet qu’il faut le comparer. La notice propose de remarquables analyses des œuvres, qu’il serait inepte de paraphraser. Mais certaines assertions décrivent très bien en fait ce à quoi on est en droit de s’attendre et méritent d’être citées :

« La circulation des thèmes essentiels à travers plusieurs mouvements fait de ces trois quatuors des oeuvres plus ou moins résolument cycliques. La tonalité, assumée comme fondatrice, se dissout dans une abondance d’altérations qui créent des rencontres sonores inattendues et une harmonie très personnelle. Les superpositions rythmiques tendent à densifier le tissu instrumental et à brouiller la stabilité rythmique. » Vous le comprenez à partir de ces données : l’univers de Durosoir est un monde instable où tout est perpétuellement remis en cause.

Ce n’est pas le chemin de la facilité auquel nous invite ce compositeur injustement méconnu. Ses compositions reposent sur une image sonore rude due à la trituration du matériau musical et à « l’indépendance dans la fusion » qu’il exige de la part de ses musiciens. Le Quatuor Diotima est à la hauteur de ces défis. Aux auditeurs, maintenant, de graver les pentes escarpées de ce massif d’une imposante exigence.

Voilà pour cet article de Christophe Huss. Je suis heureux que ces œuvres si puissantes d’un immense compositeur trouvent le chemin de nos oreilles, de nos cerveaux, de nos pensées, de nos coeurs : de quoi « faire monde »… Ou l’alchimie de l’Art, authentique…

Bien à vous

Courriel du 2 juin (9h32) :

Cher monsieur,

Je suis encore sous le coup de l’émotion que m’a procurée la lecture de la critique de Christophe Huss !
Je vous remercie vivement de me l’avoir fait connaître.

J’aurai d’ailleurs d’autres émotions à intégrer, au fur et à mesure de la lecture (lente, en cette période surchargée) des textes que vous m’avez adressés.
Je sais gré à J-P C. de m’avoir mise en relation avec vous car, à mon âge, on ne recherche plus que des gens de vérité et de sincérité.
J’espère vous rencontrer un jour…
Bien à vous
Georgie Durosoir

Courriel du 2 juin (19h09) :

Vérité
ainsi que courage de l’affirmer et la partager,
voilà ce que nous donnent généreusement le « génie » (au sens de Kant) des artistes,
des « auteurs »,
selon le terme qu’utilise Marie-José Mondzain en son « Homo spectator » (chez Bayard) ;
et qui donne un « élan » et un « relais » chez ceux qui s’en font les « acteurs »
(ou interprètes),
et puis, encore, à leur double impact, une « reprise » et une « relance », chez ceux qui, à leur tour, deviennent de vrais et actifs « spectateurs »,
selon ce qu’Albine Saint-Girons appelle, elle, « L’Acte esthétique »
(chez Klincksieck : en une collection qui vous compte parmi ses auteurs)…

J’ai moi aussi l’âge du « décantement »
_ le mot existe-t-il en français ; ou la « décantation »…
_,
car « At my back i always hear The winged charriot of Times » _ disait Andrew Marvell (« To his coy mistress »)…

Aller à l’essentiel, délaissant mondanités et courbettes ;
et s’enchanter de l’enchantement des œuvres enchanteresses des enchanteurs que sont ces artistes…

Que de trésors patientant d’être si peu que ce soit « rencontrés »…

Si vous avez la patience de dérouler les phrases enguirlandées de mes promenades « montaniennes »,
vous retrouverez ces émotions-là,
ce qu’inlassablement je recherche par les livres, les disques, les catalogues d’exposition de peinture, ou de photographie, les films, les représentations de théâtre, les concerts, les conférences,
les conversations et les rencontres aussi, bien sûr,
les voyages avec arpentages de villes, ou de paysages : le monde s’enrichissant des mondes de chacun des créateurs…

J’aurais moi aussi plaisir à faire votre connaissance…
Comme la suite des œuvres de votre beau-père.


Une dernière pièce à ce « dossier » de l’artiste :


Luc Durosoir, le fils de Lucien Durosoir, a publié en octobre 2005 aux Editions Tallandier « Deux musiciens dans la Grande Guerre » (accompagné d’un CD inédit d’œuvres de Lucien Durosoir :  » Trois pièces pour violoncelle et piano » de 1931, « Divertissement« , « Maïade » et « Improvisation » _ interprétées par Raphaël Merlin au violoncelle et Johan Farjot au piano) dédiées par Lucien Durosoir  à son ami (et compagnon dans les tranchées de la « Grande Guerre« ) le violoncelliste Maurice Maréchal (1892-1964).

Je viens de me procurer ce livre, qui contribue aussi à l’hommage (filial) à ce créateur : il est constitué de « Lettres du front » de Lucien Durosoir (août 1914 – novembre 1918) ; et de « Carnets de guerre » de Maurice Maréchal (3 mai 1914 – 5 novembre 1918). Avec aussi un cahier de photos (dont certaines d’André Caplet, que Lucien Durosoir considérait comme son maître en composition).

Titus Curiosus, le 2 juillet 2008

Et, à titre documentaire, voici l’état originel de cet article, à la date du 4 juillet 2008.

les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125)

durosoir_alpha.JPG Comme en prolongement musical à « Jeudi saint«  (de Jean-Marie Borzeix _ aux Editions Stock),
bien qu’il ne s’agisse pas de la même guerre,
ni, a fortiori, des mêmes excès
dans l’insupportable de l’horreur,
de l’atroce
_ comment le dire ? _
auxquelles ces deux guerres
(dites « mondiales », les deux :
que leur est-il donc par là comme « reconnu » : rien qu’une aire géographique ?… chercher l’erreur…) ;
dans l’insupportable de l’horreur _ atroce _,
auxquelles ces deux guerres
donnèrent lieu :
Claude Mouchard convoque, lui, pour son grand livre,

(« Qui si je criais ?… œuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle« , aux Editions Laurence Teper, en octobre 2007) ;
le terme de « tourmentes« , au pluriel ;

or c’est bien,
et ce n’est pas fréquent,
à une telle « œuvre-témoignage« 
et, sinon « de dedans » une de ces « tourmentes » (de l’horreur) du XXème siècle,
du moins « dans » les « séquelles » d’une de ces « tourmentes« -ci,
et de séquelles sans fin (ni remèdes),
dans l’impossibilité de tout à fait jamais « se remettre »
de ce ni plus ni moins que « suicide civilisationnel« 
_ on peut relire « Le monde d’avant _ souvenirs d’un Européen » (« Die Welt von Gestern – Erinnerungen eines Europäers« ), de Stefan Zwieg (1881-1942),
un livre majeur pour comprendre l’Histoire,
publié, posthume, en 1948 (disponible dans la collection du « livre de poche ») ;
Stefan Zweig et son épouse, Lotte Altmann, s’étant physiquement donnés la mort à Petropolis, au Brésil

(où ils avaient trouvé refuge, outre-Atlantique, en 1941),
le 23 février 1942,
à un moment d’un peu plus intense découragement que d’habitude,
en cette éprouvante « Seconde Guerre Mondiale« , avec ses génocides à si considérable (à la puissance n) échelle _ ;

dans l’impossibilité, donc, de « se remettre »
de ce « suicide civilisationnel »
que fut pour notre Europe _ et donc pour nous, Européens en lambeaux que nous sommes
(cf mais pas seulement, hélas, l’implacable livre de Czeslaw Milosz, « Une Autre Europe« , paru aux Editions Gallimard en 1964 et réédité en 1980)_
cette première « Grande Guerre« 
_la seule à laquelle soit attaché, jusqu’ici du moins, ce nom _ ;

or c’est bien en effet à une telle « œuvre-témoignage » que,
avec cette sublime
_ sans abuser de ce mot, j’ose espérer :
qu’on se reporte, pour le vérifier, au si beau travail de Baldine Saint Girons,
depuis « Fiat lux _ une philosophie du sublime » (aux Editions Quai Voltaire, en février 1993),
jusqu’à « L’Acte esthétique » (aux Editions Klincksieck, en janvier 2008),
et « Le Sublime, de l’Antiquité à nos jours« , aux Editions Desjonquères, en mars 2008) _ ;

que, avec cette sublime musique,
nous avons ici à faire :
avec cette « musique d’après la guerre »
,
guerre dont on ne se remet pas…

que sont Les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir.

Même si la force phénoménale de ce « témoignage« -ci de musique
_ sans se méprendre
si peu que ce soit
sur ce en quoi peut « consister » pareil « témoignage » ! _ ;

même si la force phénoménale de pareil « témoignage » (de musique)
est très indirecte,
distanciée :
sans description, bien sûr, d’abord,
ni brut « expressionnisme » ; tout est « transfiguré »
(est-ce « nocturnement« , à la Schoenberg _ de « La Nuit Transfigurée » ?
en tout cas, passé
par le filtre puissant
d’un classicisme « à la française« )
par une maîtrise _ par soi, sur soi (de l’auteur, compositeur, créateur) _ d’une extrême richesse (et vie) :
maîtrise _ et à un haut degré _ de l’écriture musicale, et au-delà encore,
maîtrise de très brûlants affects, toujours, toujours :
ce qu’est, et en quoi « consiste » _ tient avec lui-même, par son ensemble, et par rapport au reste _, un Art ;
et majeur.
Sublime, oui.

Les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir,
non publiés par lui,
ni donnés en concerts publics,
non plus,
comme le reste de son oeuvre _ une quarantaine d’opus _, demeuré « privé »,
pour un cercle (« intime ») d’amis interprètes probablement

_ un phénomène qui donne pas mal à penser ;
d’autant mieux quand on découvre quels « chefs d’oeuvre » ce sont :
c’est donc que la musique _ ou qu’une « œuvre« , plus généralement _ peut avoir d’autres fonctions
et « usages »
qu’une façon
_ l’argent _ de « gagner sa vie »,
ou de se faire reconnaître
_ la célébrité, voire la gloire _ et admirer
_ comme le virtuose du violon qu’avait été,
avant de se « réduire » en quelque sorte lui-même,
mais est-ce là « réduction », et pas plutôt « consécration
à l’essentiel » ?

avant de se « réduire »-« concentrer », faut-il peut-être dire,
outre à vivre le quotidien

_ je pense ici à ce que concevait de son « vivre le quotidien »
un Albert Cossery,
qui vient de disparaître (3 novembre 1913 – 28 juin 2008),
l’auteur des « Fainéants dans la vallée fertile » (en 1948) et de « Mendiants et orgueilleux » (en 1955)
_ disponibles en « Œuvres complètes » aux Editions Joëlle Losfeld, en octobre 2005 _ ;

avant de se « réduire »-« concentrer », donc,
outre à vivre le quotidien,

à cette activité intime,
privée (non publique)
de compositeur-créateur d’oeuvres, en sa « retraite » (-« retrait« ) des Landes,
« du côté de Mont-de-Marsan« , ou Dax, ou Peyrehorade, « à la campagne » (du pays d’Orthe) ;

comme le virtuose du violon qu’avait été
_ comme en une « vie antérieure » :
d’interprète brillant
et célébré avec éclat
sur les grandes « scènes de concert » d’Europe : Paris, Berlin, Vienne, etc… _ ;

comme le virtuose du violon, donc, qu’avait été
l’individu Durosoir, Lucien,
avant son « passage »,
de 14 à 18
,
par la condition, l’uniforme, et le fusil de soldat au front,
dans les tranchées sous la mitraille… ;

les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir

_ je reprends le sujet de ma phrase principale ! _,
constituent,
sous la forme d’un CD interprété,
et avec quelle intensité,
par le Quatuor Diotima
_ CD Alpha 125 :  « les Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir _
;
constituent
une
sorte d’urgence musicale rare
pour qui ne craint pas
de se laisser toucher et emporter profond et fort par la beauté somptueuse et « d’absolue nécessité » de la musique ;

urgence musicale, donc, et d’abord d’écoute, pour nous « amateurs » de musique,

que je me fais un devoir de signaler ici en priorité
(de ce blog « En cherchant bien…) :
d’un CD qui nous fait rien moins
qu’accéder
_ ou accoster, mais
(de même qu’existent, cousines des « bouteilles à la mer« ,
des « bouteilles à la terre »
et des « bouteilles aux cendres » :
celles d’un Yitskhok Katzenelson, au Camp de Vittel,
et celles d’un Zalman Gradowski, à Auschwitz, lui) ;
accoster, donc, mais
on ne peut plus terriennement _

à « tout un continent musical » _ rien moins, en effet ! _
oublié, négligé
(et d’abord _ et parce que _ inédit au disque,
comme au concert,
comme en éditions en partitions !

et dans tous les sens du terme : proprement inouï !) :

parce que le musicien compositeur créateur de ces œuvres,
Lucien Durosoir (1878-1955)
se tenait à l’écart des côteries et milieux-de-la-musique de la capitale,
retiré
_ en 1923, à l’âge de quarante-cinq ans _,
dans les Landes
, du côté de Mont-de-Marsan, pour l’essentiel _ ;

quand on sait que la musique, pour être accessible
autrement qu’au « premier cercle » des musiciens-interprètes et des lecteurs de partitions :
la musique pouvant « parler » à ceux-là rien que « lue » (en notes écrites sur portées) ;

la musique, donc,
a besoin, au-delà du « premier cercle » des « lecteurs » (de partitions),
d’interprétations effectives, sonores,

retentissant physiquement, grâce aux instruments (et voix) qui s’expriment (c’est-à-dire qui « chantent »),
dans l’air tout alentour vibrant et tremblant du concert de leurs résonances d’ondulations vibratoires en expansion

et jusqu’aux tympans, effleurés, au sein de l’oreille,
et un plus outre encore,
par le lacis en mille ruisseaux (ruisselets, rus, sources vives) des nerfs auditifs :
dans le labyrinthe même de l’âme ;

la musique a besoin,
pour les non lecteurs-déchiffreurs de partitions,

d’interprétations effectives

soit au concert,
cette grâce, physiquement et sensuellement partagée en un même moment et lieu,
incomparable quand elle advient
(et prend, par quelque miracle, « consistance » : légère comme une gaze, qu’on ne prenne pas peur !),

soit par la médiation
(un plus large quant au moment et au lieu,
mais qui peut aussi se faire très intense, quand la grâce, à ce micro-là, a pu se faire _ et au mieux _ capter, recueillir, et garder,
pour re-jaillir très loin, dans l’espace comme dans le temps, ailleurs que dans la salle du concert ou de l’enregistrement) ;

par la médiation, donc, de l’enregistrement et du disque (d’un concert ad hoc) ;

et parce que ce musicien,
Lucien Durosoir, donc,
en son passage de soixante-dix-sept ans de vivant-mortel (pardon du pléonasme) sur la terre, entre 1878 et 1955,
avait été profondément _ le terme, faible, est mal approprié _,
et irréversiblement « marqué »
_ un parmi tant d’autres _
par ce qu’il avait subi, vécu, souffert, res-senti, de toutes ses fibres,
« dans » les « tranchées » sous la mitraille de 14-18.

C’est à cela :
ce degré d’humanité-là

_ je veux dire :
« degré d’humanité » que peut parvenir à exprimer en une « œuvre » vraie un artiste « vrai » par là même,
en son génie créateur singulier _

et cela :
ce « continent »
,
puisque c’est le mot
me paraissant représenter le moins mal ce « cela« , cette « réalité »-là :

mais en quoi un tel « degré d’humanité » ne pourrait-il pas « constituer » un « continent » ?

face à la masse tellement monstrueuse, et, aussi, sournoise
(car honteuse, en dépit de ce qui ne manque pas de lui échapper, par bouffées, de cynisme),
et s’en cachant (et « niant » effrontément) par de nouveaux mensonges persistants
_ de type « arbeit macht frei« , ou « chambres à gaz » déguisées, en forme d’hygiène (vertueuse) affichée, en « salles de douches » _ ;

face à la masse monstrueusement sournoise
de la « barbarie » (de la mitraille dans les tranchées ; et sa moisson de vies, toutes si précieuses, par millions, et une par une, instant après instant, « fauchées ») à laquelle lui, Lucien Durosoir, comme tant d’autres « survivants » de l’atroce, s’est trouvé devoir faire face, et survivre,

face à ces insupportables moments-là
des tranchées sous la mitraille de la « Grande Guerre » ? _ ;

c’est à « cela« , donc,

que les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir,
en l’espèce de leur interprétation par le Quatuor Diotima
,
quelques jours d’enregistrement
au Centre Culturel de Rencontre La Borie en Limousin
_ et le lieu sans doute aussi compte _,
de décembre 2007,

nous donnent à accéder,

recevoir, partager, à notre tour,
par ce si beau CD Alpha 125
.
Sans qu’il nous faille, pour ressentir le degré de « tourmente » de ce qui a pu être vécu, subi, souffert, supporté d’insupportable (aux limites de l' »humain« ), en cette « Grande Guerre« ,
lire ou relire
les « témoignages » peut-être plus directement accessibles, du moins comme « témoignages » « directs », par nous, qui pensons d’abord sans doute, et nous représentons le réel, à travers des mots et à travers des phrases, en leurs propres façons _ chacun d’eux _ (par le verbe) de le « phraser »
_ plus « directs » ainsi pour nous
que cette « musique d’après la guerre« , ainsi que je me permets ici de la nommer ; et qui ne « s’affiche » en rien comme « témoignage », et de quoi que ce soit : elle est « musique » ! _ ;

sans qu’il nous faille lire, donc, les « témoignages » écrits, eux,
d’Erich Maria Remarque (1998-1970 :
en 1929, « Im Westen nichts neues », »À l’Ouest rien de nouveau » _ disponible en « le livre de poche ») ;
de Maurice Genevoix (1890-1980 :
cinq volumes écrits entre 1916 et 1923 _ « Sous Verdun » (1916), « Nuits de guerre » (1917), « Au seuil des guitounes » (1918), « La Boue » (1921), « Les Éparges » (1923), tous parus chez Flammarion, et rassemblés par la suite sous le titre « Ceux de 14 » en 1949, disponible en Points-Seuil) ;
ou, plus indirect, mais si intense, de Jean Giono (1895-1970 :
son oeuvre entier prenant toute sa dimension, et elle est immense, à partir de ce « traumatisme » du « front », à Verdun et au Mont-Kemmel, pour lui :
qu’on lise et relise et se laisse « atteindre » par « Un roi sans divertissement » ou le cycle du « Hussard sur le toit » , disponibles en Folio) ;
ou encore celui, philosophique, du philosophe Alain (1868-1961 :
en 1921, « Mars ou la guerre jugée« , accessible en Folio)…

Les trois « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir voient le jour, le Quatuor n° 1 (en fa mineur), en 1920 ; le Quatuor n° 2 (en ré mineur), en 1922 ; et le Quatuor n° 3 (en si mineur), en 1934.
Ce sont des œuvres que je permets d’estimer à la hauteur
_ si cela a quelque sens : oui,
par rapport à ce qui « n’y atteint pas » ;
pour ne rien dire des impostures tenant le haut-du-pavé
des opinions inconsistantes
(mais pouvant aller jusqu’à « décourager », par leur massivité, de jeunes ou timides encore curiosités
_ lire ici l’important « Prendre soin _ De la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler, aux Editions Flammarion, en février 2008 ),
des préjugés
et du commerce veule _ dont d’abord celui de la « grande distribution » _ ; de l’audimat, si l’on veut : aux dégâts d’ampleur catastrophique _ ;

Ce sont des œuvres que je permets d’estimer à la hauteur, donc,
de ces sommets du genre (du quatuor)
que sont le « Quatuor » de Debussy
(en sol mineur) et le « Quatuor » de Ravel (en fa Mineur).

Elève d’André Caplet (1878-1925) _ pour la composition (ils ont le même âge) _,
et ami _ dans les tranchées _ du violoncelliste Maurice Maréchal,
Lucien Durosoir fut un musicien rare,
peut-être d’exception
:
« jalousement indépendant pendant les trente années de sa période créatrice,
faisant fi de tous les académismes
« ,
le compositeur qu’il devient en 1919
_ il n’était jusque là (de 1899 à 1914) qu’interprète (violoniste virtuose) _
« se démarque de ses contemporains français par l’originalité et la modernité de son écriture.« 

« Sa démarche«  de créateur semble consister à placer une puissante affectivité
_ et c’est un euphémisme _
sous le « contrôle » d' »une science (et art) de l’écriture implacable« ,
« comme chez les grands contrapuntistes de l’école franco-flamande du XVIème siècle« ,
et ce qui s’appela, du temps de Josquin des Près, « musica reservata » ;
car c’est en cette « tradition » _ peut-être, avec Josquin, au sommet de toute la musique occidentale ! _ « que cet homme de grande culture humaniste trouve l’assouvissement de ses aspirations » de pensée _ oui _ les plus profondes.
Je traduis ici, en l’adaptant légèrement, une réflexion de Georgie Durosoir aux pages 19 et 20 du livret du CD Alpha 125.

Nouveaux sommets de la musique française, après les chefs-d’œuvre de Debussy et de Ravel, sur fond de cette gravité profonde
toujours présente
, même si sous des dehors badins, dans les « œuvres » qui en soient « vraiment«  ;
telles celles, par exemple d’un Marivaux, pour prendre un exemple éloigné en apparence de celles, musicales, que donne ici Lucien Durosoir,
les trois « Quatuors » de Lucien Durosoir me paraissent parfaitement consonner (aussi) avec « Jeudi saint«  de Jean-Marie Borzeix,
dans l’ordre d’une richesse et d’une grandeur sans pathos,
« à la française« …

Dont Debussy et Ravel sont peut-être les meilleurs exemples, pour la musique (pour ces deux « Quatuors« , cf la version du Parkanyi Quartet : CD PRD/DSD 250 208 chez Praga Digitals). Sans remonter, par François et Louis Couperin (cf les CDs Alpha 062 : François Couperin : « La Sultanne. Préludes & Concerts royaux« , par et sous la direction d’Elisabeth Joyé ; et Alpha 026 : Girolamo Frescobaldi _ Louis Couperin, par Gustav Leonhardt) jusqu’à Josquin des Près…

alpha-105.JPG

Les Editions Alpha ont déjà publié, en 2006, la « Musique pour violon & piano » de Lucien Durosoir (par Geneviève Laurenceau & Lorène de Ratuld, CD Alpha 105).
Et poursuivront la réalisation d’une interprétation intégrale de l’œuvre de Lucien Durosoir au disque.

« Retiré dans le sud-ouest de la France dès 1923,
Lucien Durosoir n’avait semblé souhaiter ni se mêler à la vie artistique parisienne de l’après-guerre,
ni publier ses oeuvres immédiatement.
Il comptait pour cela sur le futur.
Le futur, ce devait être une nouvelle guerre,
durant laquelle sa maison fut, un temps, occupée par l’ennemi,
et sa production, interrompue, ne serait-ce que par le manque de papier à musique
 »
_ notait sa belle-fille, Georgie Durosoir, dans le livret du premier CD Alpha (105) consacré à la « Musique pour violon & piano » de Lucien Durosoir.

Dans le livret du CD (125) consacré aux « Quatuors à cordes« , la musicologue et musicienne bien connue qu’est Georgie Durosoir présente ceux-ci ainsi :
« La pratique du contrepoint domine l’écriture (…) comme le geste le plus apte à rendre compte du monde sonore intérieur
et de la construction intellectuelle propres au compositeur.
Toutes les finesses techniques sont sollicitées dans une réécriture constante des motifs,
leur réutilisation sous des formes inattendues, dans des contextes très différents de leur première apparition,
dans des transfigurations rythmiques et nuancielles.
La circulation des thèmes essentiels à travers plusieurs mouvements
fait de ces trois quatuors des oeuvres plus ou moins résolument cycliques.
La tonalité, assumée comme fondatrice, se dissout dans une abondance d’altérations
qui créent des rencontres sonores inattendues
et une harmonie très personnelle.
Les superpositions rythmiques tendent à densifier le tissu instrumental
et à brouiller la stabilité rythmique.
La configuration musicale d’atmosphères poétiques inouïes
est égalisée par la conjonction d’éléments de timbre
(registre suraigu des instruments, trémolos pianissimo proches du bruissement, couplage des registres des régimes extrêmes),
de rythme (brouillage de l’impression de stabilité par superposition de contraires),
d’harmonie (altérations inattendues, modifications minimes de motifs déjà entendus, détournements passagers et multiples de la tonalité).
C’est ce parti-pris d’écriture qui fonde le côté savant, complexe, fouillé des compositions.

(…)
En complément de la démarche savante,
les composantes subjectives, affectives du musical
envahissent l’oeuvre
(dans les notations agogiques,
la construction en sections contrastées,
l’opposition de développements agités, violents et combatifs et de séquences méditatives, statiques et doucement chantantes).
Le sens intime de l’écriture complexe apparaît alors clairement :
le contrepoint est le médiateur d’un monde sonore riche, divers et plein de contrastes,
doublé d’une affectivité douloureuse et contradictoire :
il est le garant d’une énergie contenue,
d’un balisage sévère de cette recherche éperdue d’expression personnelle ;
il dresse de solides palissades qui canalisent le déferlement de sentiments aussi puissants
que la révolte ou le désespoir,
éminemment fondateurs de la musique de cet homme à la fois douloureux et enthousiaste.
 »

Qu’ajouter à pareille analyse ?

En appendice,
je me permettrai d’ajouter cet échange de mails, récemment,
autour des « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir (CD Alpha 125) :

Courriel du 23 mai (15h45) :

Au sortir de ma première écoute _ une seule à ce moment _ de ces quatuors de Durosoir par le Quatuor Diotima,
j’ai le sentiment d’avoir été convié à mettre un pied sur un « nouveau continent » :
rien moins !

Comme,
toutes choses étant égales par ailleurs,
avec certaines des réalisations du Poème harmonique

Airs et ballets en France avant Lully(par exemple l’album d' »Airs & Ballets en France avant Lully »
_ d’Antoine Guédron, Antoine Boesser et Etienne Moulinié, de CDs antérieurs ainsi rassemblés,

_ CD Alpha 905)
pour le premier dix-septième siècle :
ce n’est donc pas peu, me semble-t-il.

J’espère que les oreilles de la critique vont se « désembourber » de leurs bouchons de cerumen,
et de leurs petits maniérismes de cliques, de cercles, d’initiés qui méprisent tous les autres !!!

Alpha réalise ici un travail de pionnier…

Courriel du 23 mai (16h37) :

Et en plus le texte du livret est magnifique !

Particulièrement à qui sort de la lecture de « Qui, si je criais… » de Claude Mouchard,
dont le sous-titre est
« Œuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle »…

Que Lucien Durosoir ait été « indépendant », et « hors-groupes »,
cela s’entend magnifiquement en cet oeuvre,
et rend raison de sa méconnaissance du public jusqu’à aujourd’hui…

L’heure de la reconnaissance sonne peut-être par ce disque, déjà,
s’il reçoit l’écoute _ et l’ampleur d’écoute _
que cet oeuvre d’un immense musicien, dans son coin (des Landes, peut-être), mérite…

Un peu loin des côteries parisiennes, sans doute…

Georgie Durosoir doit être satisfaite d’écouter de nouveau cela à ce niveau de grâce,
et de profondeur.

Merci à tous ceux qui ont contribué à faire parvenir pareille musique
jusqu’à notre écoute.

Tu peux transmettre ce message à Georgie Durosoir.
Je l’avais contactée il y a quelques années lors de mes recherches « baroques »…

Et dès que mon blog sur mollat.com sera ouvert,
j’en traiterai
_ peut-être (ou même sans doute) dans le prolongement de mon premier article,
sur le livre magistral de Saul Friedländer (et ce qui peut l’accompagner)…

Courriel du 23 mai (20h54) :

Cher monsieur,

J-P C. m’a transmis votre message et j’en ai été touchée. Votre nom, en effet, m’a renvoyée à un souvenir assez ancien…
Je suis heureuse de la sortie de ce beau disque et je suis persuadée que cette musique touchera le cœur et l’intelligence de beaucoup d’auditeurs.
Je vous remercie pour la qualité de votre écoute et pour ce chaleureux message
Bien à vous
Georgie Durosoir

Courriel du 23 mai (22h37) :

Chère Madame,

L’Art est fondamentalement sens,
à côté des impostures et des bavardages.

Ce n’est pas à vous, et à votre travail « de fond » sur le Haut-Baroque, que j’apprendrai quelque révélation sur ce que cet Art-là avait (et a) de « vectoriel »….
Le Baroque m’a notamment touché, en effet, par ce « pouvoir » de « présence »-là…

Ce qui était (et est toujours) vrai du « Baroque »
_ à un moment d’inquiétude de la foi, et de querelles théologiques (sur les Mystères _ dont celui de la transsubstantiation) _
a poursuivi son questionnement taraudant, dans ce qui a succédé au Baroque,
dans une quête peut-être de plus en plus angoissée, sans doute, du sens _ à force de le « refouler » ! _,
dont témoigne ce que Nietzsche a qualifié de « nihilisme ».

C’est en artiste, en musicien, et passant à la création aussi et peut-être surtout, que votre beau-père a survécu _ et vécu ce qui a suivi _ à la « Grande Guerre ».
Avec profondeur, sans comportement de « groupe », avez-vous souligné…
J’y suis sensible, car je réfléchis un peu à ce que disent d’autres artistes d’autres horreurs qui ont suivi.

J’ai ainsi écrit il y a deux ans sur « Liquidation » d’Imre Kertész… Etc…

Courriel du 2 juin (5h36) :

Chère Madame,

Découvrant au réveil la réception du CD Alpha 125 par Christophe Huss,
sur le site Classics-Today France,
je m’empresse de vous en faire part : nous nous trouvons donc sur une même « longueur d’ondes »,
et c’est réjouissant de constater la « merveille » de l’oeuvre reconnue…
En croit-on toujours assez ses propres oreilles, au royaume des mal-entendants ?..

Voici l’article
_ les expressions en gras sont de mon initiative :

LUCIEN DUROSOIR
Les trois « Quatuors à cordes »

Quatuor Diotima

ALPHA 125(CD)
Référence: premières mondiales

Pour que cet immense disque prenne sa vraie valeur, je vous suggère de baisser un peu le volume d’écoute, car la prise de son découpée au rasoir de Hugues Deschaux, nous met les oreilles dans le vif du sujet et n’élude rien des sonorités un rien agressive du Quatuor Diotima.

Les violonistes du Quatuor Diotima ne valent pas ceux des Quatuors Prazak ou Emerson. Mais les Prazak ou les Emerson n’enregistrent pas Durosoir… Or ce disque est littéralement vertigineux. Surtout au moment où il paraît… En effet, l’interprétation de la « 2e Symphonie » de Roussel par Stéphane Denève (Naxos) a mis le doigt sur une noirceur, une amertume post-Grande Guerre dans une certaine création musicale française, qui n’avait jamais été mise en avant à ce point. Or les « Quatuors » de Lucien Durosoir (1878-1955) expriment exactement cela. Ils illustrent un pan de la création musicale française, loin de l’élégance de Debussy et Ravel, qui produit des oeuvres ressemblant à un écho grave et amer de la tragédie de la guerre.

Plus encore que dans la « 2e Symphonie » de Roussel, on a l’impression d’entendre ici, quarante ans avant, les prémices des grandes oeuvres de Chostakovitch. Les mouvements lents des « Quatuors » n° 1 et 2, notamment, sont une plongée abyssale dans la noirceur du monde. On notera par exemple à quel point dans la Berceuse du « Quatuor n° 2″ la mélodie qu’on attend n’éclot jamais (un peu comme cet allegro qui n’arrive pas dans la « Symphonie funèbre » de Joseph Martin Kraus). Les flottements harmoniques, les frottements aussi, une sorte d' »incertitude du lendemain » (dans le sens où on ne peut pas deviner la phrase ou la note qui va suivre) sont les caractéristiques de ces partitions.

On le pressent à l’écoute : Durosoir est un musicien de la Grande guerre. Violoniste, il y rencontra le violoncelliste Maurice Maréchal et le compositeur André Caplet. Et c’est vrai que c’est à l’énigmatique Caplet qu’il faut le comparer. La notice propose de remarquables analyses des œuvres, qu’il serait inepte de paraphraser. Mais certaines assertions décrivent très bien en fait ce à quoi on est en droit de s’attendre et méritent d’être citées :

« La circulation des thèmes essentiels à travers plusieurs mouvements fait de ces trois quatuors des oeuvres plus ou moins résolument cycliques. La tonalité, assumée comme fondatrice, se dissout dans une abondance d’altérations qui créent des rencontres sonores inattendues et une harmonie très personnelle. Les superpositions rythmiques tendent à densifier le tissu instrumental et à brouiller la stabilité rythmique. » Vous le comprenez à partir de ces données : l’univers de Durosoir est un monde instable où tout est perpétuellement remis en cause.

Ce n’est pas le chemin de la facilité auquel nous invite ce compositeur injustement méconnu. Ses compositions reposent sur une image sonore rude due à la trituration du matériau musical et à « l’indépendance dans la fusion » qu’il exige de la part de ses musiciens. Le Quatuor Diotima est à la hauteur de ces défis. Aux auditeurs, maintenant, de graver les pentes escarpées de ce massif d’une imposante exigence.

Voilà pour cet article de Christophe Huss. Je suis heureux que ces œuvres si puissantes d’un immense compositeur trouvent le chemin de nos oreilles, de nos cerveaux, de nos pensées, de nos coeurs : de quoi « faire monde »… Ou l’alchimie de l’Art, authentique…

Bien à vous

Courriel du 2 juin (9h32) :

Cher monsieur,

Je suis encore sous le coup de l’émotion que m’a procurée la lecture de la critique de Christophe Huss !
Je vous remercie vivement de me l’avoir fait connaître.

J’aurai d’ailleurs d’autres émotions à intégrer, au fur et à mesure de la lecture (lente, en cette période surchargée) des textes que vous m’avez adressés.
Je sais gré à J-P C. de m’avoir mise en relation avec vous car, à mon âge, on ne recherche plus que des gens de vérité et de sincérité.
J’espère vous rencontrer un jour…
Bien à vous
Georgie Durosoir

Courriel du 2 juin (19h09) :

Vérité
ainsi que courage de l’affirmer et la partager,
voilà ce que nous donnent généreusement le « génie » (au sens de Kant) des artistes,
des « auteurs »,
selon le terme qu’utilise Marie-José Mondzain en son « Homo spectator » (chez Bayard) ;
et qui donne un « élan » et un « relais » chez ceux qui s’en font les « acteurs »
(ou interprètes),
et puis, encore, à leur double impact, une « reprise » et une « relance », chez ceux qui, à leur tour, deviennent de vrais et actifs « spectateurs »,
selon ce qu’Albine Saint-Girons appelle, elle, « L’Acte esthétique »
(chez Klincksieck : en une collection qui vous compte parmi ses auteurs)…

J’ai moi aussi l’âge du « décantement »
_ le mot existe-t-il en français ; ou la « décantation »…
_,
car « At my back i always hear The winged charriot of Times » _ disait Andrew Marvell (« To his coy mistress »)…

Aller à l’essentiel, délaissant mondanités et courbettes ;
et s’enchanter de l’enchantement des œuvres enchanteresses des enchanteurs que sont ces artistes…

Que de trésors patientant d’être si peu que ce soit « rencontrés »…

Si vous avez la patience de dérouler les phrases enguirlandées de mes promenades « montaniennes »,
vous retrouverez ces émotions-là,
ce qu’inlassablement je recherche par les livres, les disques, les catalogues d’exposition de peinture, ou de photographie, les films, les représentations de théâtre, les concerts, les conférences,
les conversations et les rencontres aussi, bien sûr,
les voyages avec arpentages de villes, ou de paysages : le monde s’enrichissant des mondes de chacun des créateurs…

J’aurais moi aussi plaisir à faire votre connaissance…
Comme la suite des œuvres de votre beau-père.

Une dernière pièce à ce « dossier » de l’artiste :
Luc Durosoir, le fils de Lucien Durosoir, a publié en octobre 2005 aux Editions Tallandier « Deux musiciens dans la Grande Guerre » (accompagné d’un CD inédit d’œuvres de Lucien Durosoir :  » Trois pièces pour violoncelle et piano » de 1931, « Divertissement« , « Maïade » et « Improvisation » _ interprétées par Raphaël Merlin au violoncelle et Johan Farjot au piano) dédiées par Lucien Durosoir  à son ami (et compagnon dans les tranchées de la « Grande Guerre ») le violoncelliste Maurice Maréchal (1892-1964).

Je viens de me procurer ce livre, qui contribue aussi à l’hommage (filial) à ce créateur : il est constitué de « Lettres du front » de Lucien Durosoir (août 1914 – novembre 1918) ; et de « Carnets de guerre » de Maurice Maréchal (3 mai 1914 – 5 novembre 1918). Avec aussi un cahier de photos (dont certaines d’André Caplet, que Lucien Durosoir considérait comme son maître en composition).

Titus Curiosus, le 2 juillet 2008

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