Posts Tagged ‘récit

Quelques premières précisions sur quelques personnages (et événements) apparaissant un peu floutés dans le récit de François Noudelmann en son passionnant et très beau « Les enfants de Cadillac » : les noms floutés de plusieurs femmes…

22mai

En une sorte de second Avant-propos,

après celui d’hier 21 mai en mon article « « ,

et conformément à la méthode de lecture-enquête _ sainte-beuvienne _ dont je suis coutumier, « en cherchant bien« , en creusant un peu plus les détails,

voici ce jour de premières précisions _ d’identité de personnes, de lieux, ou de dates laissés un peu flous dans le récit donné par l’auteur… _ en réponse à quelques unes de mes questions,

au fil et au terme _ provisoire _ de mes lectures successives _ au nombre de 3 jusqu’ici… _ de ce récit _ « roman » continue de passablement me gêner, en dépit du constat que, en son entretien (un peu trop rapide, et même un peu trop sec, à mon goût…) sur France-Culture, le 5 décembre 2021, avec l’ami Mathias Enard _ cf le podcast de mon entretien avec lui du 8 septembre 2010 ; et mon article du 21 septembre 2008 à propos de son stupéfiant chef d’œuvre « Zone » : « « … _, François Noudelmann l’assume, et même fermement _, qu’est ce passionnant « Les enfants de Cadillac« …

Pas mal d’éléments laissés flous dans le fil souvent rapide du récit s’éclairant davantage quand on s’avise de les relier à d’autres détails situés plus loin dans le récit, et dans notre lecture de parties ultérieures de ce récit, et eu égard à d’autres aspects de ces mêmes éléments rapportés, dans le cadre parfois un peu chahuté de la chronologie _ historique _ des éléments de ce réel évoqué ;

et si, bien sûr, le lecteur un peu curieux de tels éléments et faits, opère effectivement de telles un peu éclairantes mises en relation, et cela sans que l’auteur ait cherché vraiment à nous les cacher :

comme par exemple la plupart de ce qui concerne sa mère.

Et plus généralement aussi les compagnes de trois générations (Chaïm, Albert, François) de Noudelmann :

_ 1) Marie Schlimper, la grand-mère paternelle de François, née à Lemberg _ Lviv aujourd’hui : désormais en Ukraine… _ en 1881 et inhumée au cimatière de Bagneux _ j’ignore la date de son décès _, épouse _ en secondes noces : elle était veuve de Hersch Friedmann (j’ignore ses dates et lieux de naissance et de décès), dont elle avait 4 enfants : Jacques (Paris 18e, 7 novembre 1902 – Livry-Gargan, 1er juin 1978), Rachel (Paris 18e, 25 août 1904 – Dreux, 2 août 1999), Raymonde (Paris 18e, 3 avril 1907 – Villiers-le-Bel, 1er avril 1995) et Bernard (Paris 18e ?disparu entre 1941 et 1945…) : demi frères et sœurs d’Albert Noudelmann (Paris 18e, 24 juin 1916 – Limoges, 16 juillet 1998)… _, puis veuve, de Chaïm Noudelmann (1891 – Cadillac, 21 février 1941), et de dix ans plus âgée que lui, et la mère bien peu maternelle d’Albert _ ce qui éclaire pas mal de choses qui vont s’ensuivre en la vie de son fils Albert, et peut-être aussi, bien qu’il ne l’ait probablement pas connue, de son petit-fils François, les liens étant rompus entre Marie Schlimpel, veuve Noudelmann, et son fils Albert Noudelmann. Celui qui conservera les liens, documents familiaux, dont des photos, est un cousin _ j’ignore par quels liens précis : était-il un neveu de Hersch Friedmann, le premier mari de Marie Schlimper ?… _, Henri Friedmann (Metz, 22 décembre 1925 – Suresnes, 9 novembre 2019) ; et c’est de ce cousin Henri Friedmann que François Noudelmann reprendra le flambeau de l’entretien de la tombe de sa grand-mère paternelle, dans le carré juif du cimetière de Bagneux : « La mort d’Henri Friedmann, ce cousin vigilant, m’a imposé la responsabilité d’entretenir à mon tour cette tombe que je ne connaissais pas et que mon père n’honorait pas, bien que sa mère y reposât. (…) Le  passage de témoin eut lieu lorsque Henri fut inhumé _ en novembre 2019, donc _ dans une sépulture sur laquelle est écrit le nom de ses parents « morts en déportation ». Le jour où ils furent raflés, le 16 juillet 1942, la maîtresse d’école le somma de ne pas rentrer chez lui. Elle lui donna une adresse dans la Drôme et il réussit à franchir la ligne de démarcation pour passer le reste de la guerre à travailler chez des paysans. C‘est lui, Henri l’orphelin, maroquinier de son état, qui garda la mémoire de la famille, en conserva quelques photos et honora ses tombeaux« , peut-on ainsi lire, page 53..

_ 2) les trois épouses successives _ dont la mère de François : demeurée sans nom ni prénom tout le long du récit : elle quittera brutalement son mari Albert (et son fils François) pour suivre un autre homme (non nommé précisément, un médecin de province, un notable…), qu’elle épousera ; et François, après le jugement de divorce de ses parents, la verra deux week-ends par mois jusqu’à sa majorité…d’Albert Noudelmann, après Huberte Bordes, la première, et avant la troisième, non nommée elle non plus _ une fois l’union entre cette dernière et Albert réalisée (en 1972 semble-t-il…), et la nouvelle famille installée dans un pavillon de la banlieue de Limoges, « je passai brutalement du bonheur à deux _ avec son père Albert, à Lyon _à l’enfer à six » _ à Limoges _, résume François Noudelmann… _, elle dont la conduite accula François, « après quatre années de galère » _ familiale malencontreusement recomposée et de fait affreusement toxique, de 1972 à 1976 _, à prendre « la fuite, à dix-sept ans _ en 1976, donc : François est né le 20 décembre 1958. La rupture avec mon père _ écrit ainsi François Noudelmann page 184 _ fut violente et définitive, à la mesure de l’amour trahi _ lire ici les sublimes pages 172 à 174 à propos de la vie (de « paradis » de tendresse paternelle et filiale), entre 1967 et 1972 (entre ses huit ans et ses treize ans), de François avec son père Albert « devant élever seul un enfant depuis ses huit ans » (en 1967, donc ; page 169), entre le départ de l’épouse et mère (« un père et son fils abandonnés par une femme qui était partie avec un autre homme« , page 171), en 1967 donc, quand François a huit ans, et la catastrophe du père se remariant, en 1972 (François a alors 13 ans), avec une épouse (de substitution) qu’il n’aurait absolument pas fallu, ni au mari Albert, ni à l’enfant François ; et mettant alors fin à la vie « plus conjugale que familiale« , que mena, entre 1967 et 1972, François avec son père : « Depuis mon jeune âge, j’avais pris en effet l’habitude de dormir avec lui et de chercher son contact, restant sur ses genoux après le déjeuner, reniflant l’odeur de son pyjama dans le lit. » L’auteur de 2020 commentant  malicieusement : « Il faut dire aux lecteurs suspicieux qu’un père juif est souvent une mère normale« , page 172… On comprend donc bien ce que peut ici signifier l’expression puissante d’« amour trahi« , page 184, sous la plume magnifiquement subtile du narrateur rétrospectif (et pardonnant tout à son père suicidé : le 16 juillet 1998) de 2020 Avant de partir _ en 1976 _, je brûlai toutes les lettres que je lui avais écrites et je ne revins jamais chez lui, ou plutôt chez eux » _ à Limoges, donc, tant que dura ce troisième et ultime mariage d’Albert (« Ce mariage fut un désastre qui dura longtemps _ de 1972 à 1977-78, probablement _, la supposée mère révélant son instabilité mentale par des crises cycliques, provoquant des hurlements et des insultes nocturnes, prolongés par des actes de violence. Rien n’échappait à sa fureur destructrice« , lit-on, pages 182-183 ;  cependant, c’est probablement après la fin de ce troisième mariage d’Albert, fin advenue probablement avant 1980 (voir plus bas), que François recueillera, probablement en 1980, si l’on se fie aux « quarante années«  écoulées qui sont évoquées, au présent du récit du narrateur en 2020, entre l’enregistrement des 10 heures de confidences d’Albert à son fils, et ce présent du récit de 2020, selon cette indication de la page 61, en ces si précieuses 10 heures d’enregistrement sur un petit magnétophone à cassettes, de l’extraordinaire récit des six ans de guerre d’Albert, le père prisonnier et s’évadant et étant repris à plusieurs reprises, principalement en Silésie aujourd’hui polonaise : « Nous avions pris nos distances, toi et moi _ c’est au présent de son récit, en 2020, que François Noudelmann s’adresse ici par la pensée à son père disparu, par suicide (avec « un pistolet à grenailles« , page 158), le 16 juillet 1998 _, lorsque je voulus forcer ta vérité _ c’est donc François qui prit l’initiative de cela, retournant alors, peut-être à cette fin, chez son père, demeuré en Limousin… Je cherchais _ voilà, en 1980, François Noudelmann a alors 21 ans… _ le cadavre planqué sous le parquet de ta vie _ enfin, désormais, depuis qu’Albert étaist redevenu solitaire… _ bien rangée _ et même quasi vide _, et ne me contentais pas du mot de résilience qui rassure et qui écrase. Pour quelle raison tu acceptas de déroger à ce mutisme tellement maîtrisé qu’il passait inaperçu autour de toi, je ne le sais toujours pas. Tu consentis à une parole fleuve qui fut une « confidence », car elle supposait à la fois du secret et de la confiance _ envers François, son fils. As-tu voulu retrouver ainsi notre intimité _ voilà : filiale, d’entre 1967 et 1972 _ trahie _ par le calamiteux remariage d’Albert, en 1972, et le départ du domicile de Lyon pour Limoges… _, ou as-tu cherché à réintégrer _ en une identité décidément malmenée… _ une part de ton existence que tu avais soigneusement comprimée, empaquetée, refoulée ? Tu délivras ce récit en un seul flot, dix heures durant, et une fois pour toutes, sans plus jamais le répéter, et le petit magnétophone à cassettes que tu m’avais offert pour mes dix ans _ en décembre 1968, donc _ servit _ douze ans plus tard ; et François, le récipiendaire de ce récit tellement important, avait alors vingt-deux ans… _ à l’enregistrer. Pendant quarante années _ en remontant à partir de cette écriture-ci, en 2020, cela fait 1980... _, je n’ai jamais songé à le transcrire, ni à le transmettre, parce qu’il fut un geste confidentiel _ et comme de réconciliation, à travers la distance de leurs vies désormais séparées l’une de l’autre _, accompli d’un père à un fils, non communicable. Peut-être n’avais-je pas envie de le partager, conservant ainsi la complicité exclusive _ voilà _ que j’avais entretenue avec toi depuis l’enfance _ voilà, voilà. Peut-être ne voulais-je pas non plus m’identifier à ce vécu _ de Juif ostracisé _, soucieux de maintenir à mon tour l’innocuité de ce passé clandestin _ et vigoureusement tu, de victime de sa judéité. Alors que cette parole devait rester entre toi et moi, je l’entends autrement à présent _ en cette écriture pensante et creusante, si finement, de 2020 _ et sans doute fallait-il que mes oreilles se tapissent d’abord d’une couche de temps qui rende ta voix un peu étrangère, et que la poigne des affects se desserre. Tel est le paradoxe de pouvoir accéder au discours transmissible d’un père lorsqu’on s’en est détaché, ce qui s’appelle, probablement, devenir adulte _ oui _, et il n’est jamais trop tard pour y arriver _ en effet : penser vraiment possède un tel pouvoir de « reprise » correctrice et comprise. Afin de te comprendre aujourd’hui _ en 2020 _, et d’entendre _ en vérité _ ce que tu dis et ce que tu caches, je dois te ventriloquer _ en cette expérience d’écriture exploratrice et révélatrice magnifique, de 2020 _, parler pour toi en continuant de m’adresser à toi, car cette confidence ponctuelle  _ de 1980 _, non destinée à la publication, ne s’adressait à personne d’autre _ que le fils, François _ et n’avait pas vocation à entrer dans une enquête _ nous y voici ! _  sur l’identité française » _ ce qu’est fondamentalement ce magnifique et si profond livre qu’est ce « Les enfants de Cadillac«  _, a-t-on pu découvrir, pages 60-61-62, pour ce qui concerne cette intimité quasi conjugale entre Albert, le père, et François, le fils… _ ;

_ 3) et les compagnes (?) du très discret François Noudelmann, dont, surtout, la mère des deux enfants qui l’ont accompagné et se sont installés au moins une année avec lui aux États-Unis (à New-York ?), peu après le suicide d’Albert, qui avait eu lieu, à Limoges, le 16 juillet 1998 : « à la fin du siècle dernier, nous _ comment s’appelle-t-elle donc ? Cela demeure tu… _ nous y sommes installés en couple _ voilà _ avec nos deux enfants _ non prénommés dans le récit, eux non plus ; tout au plus « mes enfants jouaient au base-ball« , lit-on page 217… _, vivant pour la première fois dans une maison _ et non plus en un appartement, comme jusqu’alors… _, comme des pionniers imaginaires, prêts à mener la vie conventionnelle de nouveaux arrivants qui veulent s’intégrer au melting pot. Tout en cherchant à fuir le souvenir du suicidé _ de 1998 _, ayant résolu de bannir toute photographie ou lettre de mon père – ce qui fut le cas jusqu’à aujourd’hui -, je me rejouais le film des immigrants juifs arrivant à New-York _ via le sas d’Ellis Island. Le scénario généalogique m’attendait _ déjà alors, avant 2000 _ comme le bonbon qu’un enfant ne résiste pas à croquer« , lit-on aux pages 216-217.

Mais « Cette vita nuova _ new-yorkaise de 1999 ? _ se nourrissait d’un récit contradictoire qui visait, dans le même temps, à oublier une parenté disparue et à retrouver une impulsion généalogique lointaine _ celle du grand-père Chaïm fuyant, vers l’Ouest, les pogroms de Lithuanie, en 1909. Et lorsque la mythologie gouverne une existence, la névrose n’est jamais loin, surtout quand elle se pare d’une recherche de l’origine authentique, la meilleure alliée de la mauvaise foi « , lit-on ensuite, page 218.

Avec cet aboutissement immédiat-ci : « Sans doute n’étais-je pas prêt à imposer cette fiction personnelle à mon entourage _ épouse et enfants, voilà… _ et, pendant les vingt ans _ dates à préciser : 2000 -2020 ?.. _ qui suivirent le retour à Paris _ en 2000 ? _, je me suis mais sans mon entourage, demeuré, lui, sinon à Paris, du moins en France… _ divisé entre la France et les États-Unis, par d’incessants allers-retours et séjours temporaires _ universitaires là-bas… La vie pendulaire avait du bon, avec ses départs enthousiastes _ là-bas, loin, en Amérique… _ et ses douces rentrées _ ici, en douce France…

 (…) 

Je trouvais mon chemin entre l’idéal des voyageurs que décrit Baudelaire, ceux qui « partent pour partir«  _ cf son beau poème « Le Port«  _, et l’expérience de l’altérité préférée _ et expérimentée _ par Lévi-Strauss _cf, pour commencer, le récit de « Tristes tropiques«   _, qui recherchait la plongée dans des cultures différentes. La joie de changer de perspective _ d’abord géographique _ correspond, à une échelle modeste, au regard éloigné des anthropologues. Briser ses propres représentations, se rapprocher du plus distant puis, en retour, percevoir ce qui était proche avec les yeux du lointain, voilà qui déracine l’esprit et le libère de ses stéréotypes » _ soit l’hygiène la plus saine et la plus juste du penser, du ressentir et du vivre, découverte, élaborée et construite-déconstruite peu à peu par François Noudelmann toutes ces années-là… _, lit-on, superbement exprimé ainsi, page 219.

Voilà pour débuter cette recherche de précisions factuelles _ selon ma méthode de curiosité de lecture sainte-beuvienne, du qui ? où ? quand ? comment ?.. _, ce lundi.

Et à suivre, bien sûr…

Ce lundi 22 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dacia Maraini, superbe et lumineuse médiatrice, par sa littérature vraie, de voix empêchées ou contraintes, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien », au Château de Thouars, à Talence, ce samedi 18 mars 2023

18mar

Ce samedi 18 mars 2023,

de 18h 30 à 20h 30, au Château de Thouars à Talence, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien » dans la métropole bordelaise,

et dans un  français impeccable,

Dacia Maraini _  née le 13 novembre 1936 à Fiesole _ a été lumineusement splendide. 

À propos de son œuvre _ dont « La Vie silencieuse de Marianna Ucria » et « Le Bateau pour Kôbé : journaux japonais de ma mère«  (celui-ci traduit en français par Nathalie Castagné) : deux récits particulièrement emblématiques de son « donner une voix«  à qui est privé, momentanément ou durablement, de la parole (ou de l’écoute) : Marianna, ainsi, était sourde et muette ; quant à la famille de Dacia au Japon, c’était quand celle-ci a été internée au Japon, pour son anti-fascisme, pour avoir refusé allégeance au régime de Salò… ; « Voix«  étant aussi, très significativement, le titre d’une œuvre importante, « Voci« , en 1994, de Dacia Maraini… _,

dont elle a dit _ et c’est là le fondement ferme et constant de la conception que Dacia Maraini assigne à sa littérature… _ que chacun de ses romans est comme une réponse un peu développée _ et c’est là un euphémisme : en bien plus qu’une année d’écriture… _ à un personnage _ ou « caractère« , a-t-elle dit : historique ou bien contemporain… _ qui frappe un instant à sa porte, toc-toc, se présente à elle, et finit par demander, d’abord à passer la nuit en quelque chambre, puis, au matin, prendre un bon petit-déjeuner, et finalement séjourner le temps qu’il faudra en sa compagnie _ d’écriture (pour elle, réceptrice de cette voix qui demande à être un peu et enfin écoutée) de l’histoire à narrer de son récit, qui appelait ainsi, très instamment, à être donné et transmis, par elle, Dacia, à être raconté, et partagé, et reçu vraiment, par le menu infiniment sensible, et ainsi enfin « parlant« , par le passage à l’écriture (et après la lecture) d’une vraie littérature (l’unique qui vaille ! le reste, de divertissement, n’étant rien que misérable et très vaine imposture…), de ses plus significatifs très humbles, mais vrais détails, par les lecteurs les découvrant au fil de ce récit ;

en une forme de « mission civique » pour la médiatrice-réceptrice de cette voix qui demandait à être enfin entendue, que se fait alors, en quelque sorte, l’écrivaine-médiatrice, elle-même humble porte-parole de cette humilité profonde de victimes sollicitant d’être un peu écoutées et enfin un peu entendues, et reçues, via cette littérature… _ ;

à propos des femmes _ surtout celles qui, telle sa mère, Topazia, dans l’épreuve, sont fortes ;

et, en réponse à une question mienne sur les écrivaines italiennes qui comptaient le plus pour elle, Dacia, celles qu’elle a qualifiées (telle fut en effet sa très forte expression) d’ « écrivaines-mères«   pour elle : Elsa Morante, Natalia Ginzburg, Lalla Romano, Goliarda Sapienza _,

et à propos de l’infiniment tendre douceur de son ami Pier-Paolo Pasolini _ dont elle a détaillé le récit de leurs voyages (sous la tente), avec aussi Alberto Moravia, dans les contrées les plus misérables d’Iran, Inde, Yemen, ou Afrique ; en marquant bien l’importance des détails les plus quotidiens, humbles, et même triviaux, à relever et figurer, en l’écriture, comme de très maigre et pauvre nourriture vitale partagée, telle une poignée de riz mêlée de cadavres de mouches, par exemple…

Le 3 mars 2022, a paru, aux Edizioni Neri Pozza, « Caro Pier Paolo« , de Dacia Maraini, à propos duquel voici la vidéo (d’une durée de 48′ 41) d’un entretien, le 16 novembre 2022, entre l’auteur, s’exprimant en un français magnifique, et Stefania Graziano-Glockner, la présidente du Festival « Le Printemps italien« … 

Une bien belle soirée.

Ce samedi 18 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un essai d’analyse des raisons essentielles et circonstancielles qui ont conduit René de Ceccatty à ce choix d’objet d’écriture du portrait du « Soldat indien » déchu, et des moyens mis en oeuvre pour la réalisation factuelle et sensible de cet objectif quasi a-romanesque…

03fév

Pour répondre aux tâches d’élucidation de la poiétique de René de Ceccatty en son « Soldat indien« ,

que me suis fixées hier, en mon article « « ,

c’est-à-dire les raisons du choix de ce portrait des aventures surtout militaires en Inde, entre le 9 septembre 1757 _ le débarquement du vaisseau « Duc de Bourgogne«  à Pondichéry, et l’arrivée en Inde de Léopold Pavans de Ceccatty (Quingey, 24 février 1724 – Salins-les-Bains, 3 février 1784)… _ et 1771 _ le rembarquement pour la France de Léopold, son épouse créole Marie-Jeanne Lenoir (Pondichéry, 28 octobre ou 2 décembre 1741 – fictivement Salins-les-Bains, 1835), et leurs deux filles Jeanne (Pondichéry, 30 décembre 1759 – 1838) et Marie-Anne (6 février 1764 – après 1794, où elle se marie), le Canadien Louis Legardeur de Repentigny ayant été nommé, plutôt que Léopold, gouverneur de Pondichéry dès juillet 1769, et Léopold, nommé, lui, commandant par intérim de la forteresse de Karikal ; mais « les combats terminés, il n’a plus de raisons de rester en Inde, puisque c’est un soldat« conclut, page 47, le chapitre intitulé « Pondichéry et Madras«  : Léopold forcément obéit et rentre en France, avec son épouse et leurs deux filles, toutes les trois  nées en Inde… _, de l’ancêtre Léopold Pavans de Ceccatty ;

mais aussi, et bien plus encore, le difficile retour (et ré-acclimatation et survivance) de cette famille en quelque sorte « rapatriée » _ pardon de cet anachronisme… _ dans le Jura natal du pater familias Léopold Pavans de Ceccatty, « soldat déchu » d’une guerre très lointaine finalement perdue _ sur ordre du roi, le gouverneur général de l’Inde française et chef des armées Thomas-Arthur de Lally-Tollendal l’a, lui, cette perte, payée de sa tête, tranchée en Place de Grève, à Paris, le 9 mai 1766 ; « Léopold, qui était toujours en service aux Indes en 1766, cinq ans après la chute de Pondichéry et trois ans après le Traité de Paris qui scellait la perte des Indes, mais maintenait _ cependant _ Pondichéry sous l’autorité de la France, échappa donc à l’ordalie _ voilà. Il espéra un temps récupérer le gouvernement de Pondichéry, encore éphémèrement française, mais c’est _ en juillet 1769 _ le Canadien Louis Legardeur de Repentigny qui fut nommé à sa place. Et on céda à Léopold le commandement de la forteresse de Karikal. Mon pauvre ancêtre« , lit-on page 30 _, récompensé malgré tout, in fine, à son retour en France, en 1771 _ faute d’archives retrouvées les mentionnant, le détail et les dates précises de ce retour en France font défaut, manquent _, donc, par son installation en un assez bel hôtel particulier à Salins-les-Bains, où Léopold et sa famille désormais résideront ;

et cela, je veux dire ce portrait rétrospectif du parcours de défaite du soldat déchu, est ici recomposé, tant bien que mal, dans un probable but de servir aussi d’exemple quasi atavique _ destinal… _ des échecs in fine d’installation dans les colonies d’Afrique du Nord (Algérie et Tunisie) des générations immédiatement proches _ parents, grands-parents, arrière-grands-parents : les Pavans de Ceccatty, du Jura, à Sfax, en Tunisie, dès 1903 ; les Durand de l’Albigeois, au Telagh, en Algérie, dès 1884 ; et Michel Antony, de Moncale, près de Calvi, en Corse, garde-forestier, au Telagh, avant 1896 ; avant d’être nommé en Tunisie, à Hammam Lif, puis Béja, etc. _, de l’auteur-narrateur du récit, René de Ceccatty, né à Tunis le 27 décembre 1951, et « rapatrié » en France, à Montpellier, à l’âge de 6 ans et demi _ l’avion de ce pseudo « retour en France » du natif de Tunis, avait atterri à Marignane le 28 juin 1958 (la date nous est donnée à la page 42 d' »Enfance, dernier chapitre« )…

En même temps, qu’il répond à _ et fait fi de _ l’infra légende familiale, transmise, mais avec bien peu de gloriole, d’un ancêtre qui aurait été gouverneur de l’île de la Réunion. C’est d’ailleurs sur cela que s’ouvre, page 7, l’Avant-Propos au livre, par ces mots-ci :

« Sur la foi de légendes familiales, je croyais que j’avais, nous avions, mon frère, mes cousins et moi, un ancêtre qui avait été, au XVIIIe siècle, gouverneur de l’île de Bourbon, l’actuelle île de la Réunion. (…) Sans que jamais personne, durant les deux siècles, bientôt trois, qui nous séparent de sa vie, n’ait eu la volonté et la patience d’enquêter. Un récent voyage dans cette île m’ayant séduit, car j’y voyais des caractéristiques géographiques qui m’évoquaient l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis de la Divine Comédie que j’étais en train de traduire, j’avais été conforter dans cette idée _ d’aller y regarder enfin d’un peu plus près : dans les archives et les livres d’histoire… Or, ayant entrepris le récit de ma vie, dans mes deux livres précédents _ « Enfance, dernier chapitre« , en 2017, et  « Mes Années japonaises« , en 2019 _, j’ai eu l’idée de remonter dans le passé, pour comprendre _ voilà le fin mot du projet de ce nouveau volet rétrospectif des « récits de sa vie« , de René de Ceccatty… _ la logique ou l’illogisme de l’installation de mes grands-parents dans les colonies nord-africaines. N’y avait-il pas une fatalité _ voilà… _ dans ces départs, ces défaites, ces exils, ces confrontations avec d’autres langues, d’autres cultures, d’autres modes de vie ?  » _ et bien sûr il me sera absolument nécessaire de revenir bientôt à ce foyer incandescent de la question… 

Se pose ainsi la question, puissante, mais peu visible, et en arrière-fond permanent de ce projet d’écriture du « Soldat indien« , des colonisations et décolonisations.

Ainsi, voici ce que je me permets de relever de la très parlante page conclusive, page 15, de lce décidément très riche Avant-Propos de l’auteur à son livre :

« Quant aux colonisations et décolonisations, on ne sait que trop qu’il est difficile d’en faire l’histoire sans désavouer des choix politiques anciens _ dès le XVIe siècle, pour la France, avant même les politiques clairement assumées de Colbert, Bugeaud et Jules Ferry… Ce n’est _ assez clairement _ qu’une suite d’abus, d’erreurs, de désaveux, d’oublis. Les réhabilitations, les compensations, les actes de contrition sont pour la plupart hypocrites, dérisoires, vains. Oublier _ en esquivant de se pencher sur ce passé-là _ est assurément une volonté de falsification et de réécriture _ négationniste, de fait, en ses résultats _ de l’histoire, et trop rappeler _ tels de mécaniques clichés _ est également ambigu. On se contente de demi-mesures, le plus souvent, et d’accommodements _ ambivalents, confus, et générateurs de plus encore de confusion et de détournement de sens _ avec le passé.

De cet accommodement _ voilà _, je n’ai pas voulu. Je n’ai pas voulu romancer _ c’est dit _ une histoire à partir de traces si rares, tant dans des papiers familiaux que dans des registres d’état-civil conservés aux Archives d’Outremer à Aix-en-Provence. L’hôtel familial acquis par Léopold à Salins-les-Bains, à son retour _ en 1771 _ a été transformé en gîte de luxe, l’Aristoloche, nom dérisoire qui _ en effet _ dit tout.

Ni éclat, ni silence, tel a été mon choix.

Beaucoup de dates, beaucoup de noms, qui jalonnent cette promenade dans le passé et lui donnent une allure, sinon une garantie d’objectivité.

Les êtres qui vivent _ d’une vie vraie _ dans mon imagination _ c’est-à-dire ce que je nomme l’imageance de l’écrivain profondément honnête et profondément soucieux de justesse en son travail et ses modalités _ sont ceux dont je ne connais _ mais vraiment, et en vérité _ rien d’autre que ce que quelques artistes _ écrivains, peintres, musiciens _ m’ont permis _ par les figurations vivantes et honnêtes qu’ils ont esquissées, tracées, fixées un peu, en les compositions de quelques œuvres qui demeurent et nous sont accessibles _ de connaître _ et en vérité, et vraiment, il faut y insister. Car il faut bien essayer, et le plus honnêtement et rigoureusement possible, de pallier, du mieux qu’il nous est possible, et si cela n’excède pas cet ordre du possible, les manques de traces et documents des archives quand celles-ci font défaut, les taches aveugles qui persistent dans nos efforts de figuration… Et de fait, quelques transpositions d’œuvres d’art, et à condition que celles-ci, déjà, aient été le plus honnête qu’il leur était possible d’être, peuvent nous y aider… Anjâli est _ ici _ le seul nom inventé _ pour l’ayah imaginée (à partir de l’ayah figurée dans la conversation piece de Johann Zoffany Colonel Blair with his Family and an Indian Ayah présente sur le bandeau du livre…) ramenée des Indes par Léopold et sa famille… _, les autres _ sans aucune exception _ désignant des personnages _ ou personnes ayant réellement vécu _ de l’Histoire et de la mienne« , page 15,

au final explicite de la dernière page de l’Avant-Propos.  

Mon second objectif, maintenant, est d’essayer d’éclairer en détails toute la finesse de la palette lumineuse des modalités _ disons littéraires, mais ce mot est trop étroit… _ de reconstitution _ pas proprement (ni sèchement) historique, ni éperdument romanesque, non plus _, de ce double portrait, à double versant, l’aller, en les colonies d’Inde, puis le retour, au Jura, à Salins-les-Bains, de Léopold et sa famille, en évitant, en le récit ainsi réalisé, les ficelles et artifices de mauvais goût (en vue de simplificatrices mensongères identifications des lecteurs aux personnages ainsi portraiturés) de l’excès d’incarnation du pur et dur romanesque… ;

de même que des maladresses d’anachronismes qui seraient abusifs…

Ainsi, l’usage de descriptions détaillées, et très légèrement commentées, d’images de scènes peintes (de « conversation pieces« ) heureusement transposées dans le Jura de 1773 _ Johann Zoffany (Francfort, 13 mars 1733 – Strand-on-the-Green, 11 novembre 1810) et Nicolas-Bernard Lépicié (Paris, 16 juin 1735 – Paris, 15 septembre 1784) ; voire, mais quelques années plus tard, et pour de sombres paysages, cette fois, Gustave Courbet (Ornans, 10 juin 1819 – La-Tour-de-Peilz, 31 décembre 1877), le peintre admirable des résurgences de la Loue…) ici, après le Jožef Tominc (Gorizia, 6 juillet 1790 – Gradišče nad Prvačino, 24 avril 1866) du passionnant et fascinant « L’Hôte invisible » de René de Ceccatty, en 2007… _ et habilement intégrées dans l’intrigue narrative du récit, sont-elles, alors lumineusement belles et éclairantes, en effet.

C’est donc sur ces objectifs de figuration la plus « authentique » possible _ avec ce mot et cette idée d’idéal que chérissait tant, et d’abord et surtout en les vies même, la mère de René de Ceccatty _ du passé, et ces moyens littéraires les plus honnêtes et justes-là que met en œuvre René de Ceccatty en son récit, que je veux concentrer ici mon attention…

Et le narrateur-auteur consacre en effet, au passage, au fil de son récit, et comme il aime tant le faire, de passionnantes remarques de très léger commentaire, toujours juste et incisif et éclairant, à cet effort sien de trouver divers moyens, et qui soient les meilleurs et les plus honnêtes et rigoureux possible, y compris de descriptions d’ordre pictural, à ses essais de figuration-saisie par son écriture de « formes » fugaces, particulièrement intenses, en leurs éclats et leurs éclairs, à destination d’une aide aux représentations-incorporations des figures présentées, par les lecteurs-récepteurs les plus éveillés possible de son livre…

Un peu à la Brecht.

Et c’est peut-être même là l’objet principiel et principal, fondamental, de ce livre-ci _ même si ce n’est pas tout à fait nouveau dans le travail de figuration-écriture de René de Ceccatty ; je pense ici à ces assez nombreuses parenthèses et incises de lumineuse auto-réflexion sur sa dynamique d’écriture, tout au long, par exemple, des 432 pages de ce chef d’œuvre si riche qu’est Enfance, dernier chapitre _ :

cet effort de saisie-figuration _ de la part de l’auteur, à son écritoire, en son cahier acheté à Mégrine, ici ; mais aussi de la part de son lecteur, en sa lecture… _ du jeu ultra-rapide et saisissant, pour qui les reçoit, de forces et  formes mentales extrêmement furtives, fuyantes, à peine entr’aperçues, mais si intenses et fascinantes, si puissamment prégnantes pour qui ne les fuit pas, mais désire les affronter vraiment, s’y confronter en vérité, les recevoir vraiment, à l’image de ces images quasi hors de saisie (et ressouvenir) des rêves de la nuit, dont ne demeure, au réveil, que la déception d’une aveuglante queue de comète enfuie et maintenant disparue…

Ce qui ne manque pas de m’évoquer le si beau poème de John Donne, que je n’ai pas oublié :

 

« Go and catch a falling star,
    Get with child a mandrake root,
Tell me where all past years are,
    Or who cleft the devil’s foot,
Teach me to hear mermaids singing,
Or to keep off envy’s stinging,
            And find
            What wind
Serves to advance an honest mind.
If thou be’st born to strange sights,
    Things invisible to see,
Ride ten thousand days and nights,
    Till age snow white hairs on thee,
Thou, when thou return’st, wilt tell me,
All strange wonders that befell thee,
            And swear,
            No where
Lives a woman true, and fair.
If thou find’st one, let me know,
    Such a pilgrimage were sweet ;
Yet do not, I would not go,
    Though at next door we might meet ;
Though she were true, when you met her,
And last, till you write your letter,
            Yet she
            Will be
False, ere I come, to two, or three.« 

Et je commence donc par revenir, à nouveau, sur cette ouverture capitale et clé, à la page 12 de l’Avant-propos à ce « Soldat indien » :

« L’histoire de Léopold et le rapport _ décisif, exemplaire _ que j’entretiens avec elle sont des formes _ mais quasi informes : a-figuratives, et a fortiori a-romanesques ; telles des taches aveugles, des blancs _ d’effacement _ tant de l’Histoire générale, que de l’histoire familiale, et peut-être aussi de l’histoire personnelle de René de Ceccatty (mais, bien sûr, pas que de lui !) : cf la citation magnifique de Scott Fitzgerald (dans « La Fêlure« ) sur laquelle s’est penché et a glosé Gilles Deleuze, dans un de ses appendices à « Logique du sens«  « Toute vie est bien entendu un processus de démolition«  _  accepté, mais aussi de lutte _ protestataire _ contre l’oubli _ voilà. J’ai voulu, à ma manière, résister _ voilà ! _ à la profanation. Voilà la raison pour laquelle j’ai mis en regard _ voilà : mettre en regard, en regards réciproques ; c’est mieux que simplement relier ou mettre en connexion ; les regards qui regardent vraiment sont actifs… _ la profanation des tombes du cimetière de Mégrine , aux bords du lac de Tunis, et cette résurrection _ par le récit de ce « Soldat indien«  _ d’une figure mineure du passé _ historique de l’Histoire des Indes françaises : la figure de Léopold Pavans de Ceccatty, capitaine du régiment de Lorraine ; une figure souvent présente, mais sans que son nom soit nommé ; simplement sa fonction au sein de l’armée des Indes… Cette figure, je n’ai pas voulu, comme on aurait été en droit de s’y attendre de la part d’un écrivain, lui donner une forme biographique, ni une forme romanesque _ les figures devant, en effet, prendre au moins quelque forme, pour pouvoir être fixées, saisies et conservées au moins un moment, et retrouvées, en la mémoire, ou en une œuvre un peu stabilisée ; mais laquelle, ou lesquelles formes ? Et comment ? Par quels moyens ?.. De quels instruments qui soient le mieux adéquats possibles dispose donc, en sa palette, un écrivain tel que René de Ceccatty ?.. Nous allons donc découvrir, au fil de son récit, les moyens que celui-ci s’est trouvé, a inventés ou fait siens, et réunis, pour ce projet propre, assortis, au passage, mais sans lourdeur, de quelques précieux commentaires sur ce travail de figuration de ces fulgurantes formes furtives fascinantes, si difficiles à saisir et figurer, j’y insiste...

J’ai voulu l’aridité d’un récit qui ne cache ni ses manques _ de références historiques et biographiques factuelles _ ni ses difficultés _ d’écriture la plus adéquate possible à ce projet-ci _ à faire renaître _ à la représentation intriguée du lecteur _ un homme obscur«  _ un homme sans qualités suffisamment distinctives pour nous lecteurs d’aujourd’hui ; mais simplement à sa place, en sa fonction, au sein d’opérations militaires.

… 

(…) Comme cela m’est arrivé plusieurs fois dans d’autres livres _ tel, par exemple, « L’Hôte invisible«  _, j’ai eu surtout _ et c’est à relever _ recours à des œuvres picturales.

Ici pour imaginer les derniers jours de Marie-Jeanne Lenoir, la veuve _ en 1784 : elle survit à son mari _ de Léopold, et de ses deux de filles _ toutes les trois nées en Inde, en 1741, 1759 et 1764, et transplantées en France, dans le Jura, à Salins-les-Bains, en 1771… Trois tableaux m’ont _ ainsi _ servi de fils conducteurs : une œuvre de Johann Zoffany, Colonel Blair with his Family and an Indian Ayah. Johann Zoffany est célèbre pour ses conversation pieces, tableaux de famille dans un intérieur. (…) La deuxième œuvre est celle de Nicolas-Bernard Lépicié, autre contemporain, vivant dans le Jura, lui aussi auteur de conversation pieces, comme le Portrait de la Famille LeroyEnfin, la troisième est de Gustave Courbet qui vivait dans la même région _ le Jura, avec ses cluses et ses résurgences étranges de rivières _ que Léopold. Il s’agit du Ruisseau Noir dans la Vallée de la Loue.

Ces tableaux m’ont aidé _ à une première figuration, pour soi _, ainsi _ aussi _ que de nombreuses estampes indiennes collectionnées par Abraham Porcher des Oulches que Léopold avait probablement croisé à Karikal.

La rêverie finale _ en 1835 _ sur le tableau qu’auraient fait ensemble _ en 1773, à Salins-les Bains : soit déjà là deux fictions… _ Nicolas-Bernard Lépicié et Johann Zoffany, et sur la mort _ très peu après, en 1835 _ de Marie-Jeanne, et plus tard _ à Dampierre, près de Saumur _ d’Anjali, l’ahah ramenée des Indes _ un personnage d’ayah inventé, par comparaison avec la conversation piece de Johann Zoffaly comportant « an Indian Ayah« … est la seule partie _ purement _ imaginaire de ce livre qui ne se veut pas romanesque, car son sujet _ nous y voilà ! _, loin d’être l’incarnation d’un passé qui a laissé peu de traces, est au contraire l’effacement de figures _ voilà ! un effacement à combattre et donner à regarder… _ vouées _ cela réclamant peut-être un surplus d’explication _ à l’échec et à l’oubli.

Notre mémoire familiale _ sujette à plusieurs tragiques ruptures successives (Alphonse, Valbert, Bernard), très volontaires et assumées, de transmission de cette mémoire familiale des Pavans de Ceccatty, et donc appuyée sur de fortes volontés d’oubli de ce passé familial ; de refus de s’y rapporter et de le cultiver… ; et en cela René de Ceccatty a bien conscience de, par ce travail présent, briser même un tabou… _, elle-même se chargea _ en effet : d’abord par Valbert, puis par son fils Bernard _ de se désintéresser de celui _ Léopold, donc : le soldat vaincu et déchu… _ auquel pourtant tant de personnes à travers les siècles durent _ génétiquement au moins _ leur existence«  _ ainsi que la perpétuation et persistance encore aujourd’hui simplement de leur nom : Pavans de Ceccatty.

Pour l’auteur, dès la page 19, l’effort de retenir et fixer un peu ces formes puissantes mais terriblement évanescentes et fuyantes, est semblable à l’effort fait « à chaque aube ou au cœur de la nuit, quand réveillé par un rêve, je tente de fixer ces visions nocturnes, tout en sachant que, pour les mémoriser, je les simplifie et les déforme _ cf ici les analyses freudiennes des processus du travail du rêve, et des efforts, ensuite, pour tenter d’interpréter ce que l’on a pu en retenir… _, en espérant en tirer un récit compatible avec l’idée même de narration (personnages, lieux, actions, dialogues), mais je sais bien que c’est alors une illusion qui se substitue à une autre illusion.

(…) Mais je feins de reconstituer la forme de ce fantôme, comme si j’étais capable d’y voir encore une figure reproductible, et je tente de la décrire, alors que si je ressens une émotion, c’est précisément celle de voir disparaître la forme _ voilà ! _, et d’accepter que le passé soit mort ;

tout comme, lorsque je rêve de maman, de mes grands-mères, l’une ou l’autre avec une certaine équité, je sais, je sais avec une si douloureuse assurance qu’elles sont mortes et ne me visitent dans mon sommeil que pour me le redire et m’inciter à souffrir de leur mort, mais non de leur effacement.

Elles ne sont _ certainement _ pas effacées.

De même cette résurrection de la colline de Kagurazaka vient me redire que ces sons, ces sensations ne se sont pas effacés, mais que ces jours-là sont morts c’est-à-dire passés, remplacés par bien d’autres depuis ; et c’est bien là une des fonctions principales de l’oubli…. D’une mort toutefois différente de celle que l’on croit, dans les moments les plus sombres de la réflexion sur ce que l’on a écrit, avoir provoqué en figeant, ligne après ligne sur la page, le trésor furtif _ voilà ! _ de la mémoire ou du rêve. Cette mort-là, que l’on peut qualifier de traîtresse (car il n’est pas de littérature qui ne soit, ne fût-ce que par l’acte de publication, suspecte de trahison ou du moins d’imperfection, et donc d’infidélité et d’échec), n’est donc pas irrémédiable. C’est une demi-mort.

Et voilà que reviennent à un semblant de vie _ voilà ! _, dans un éclair (impossible à mesurer, inquantifiable donc et peut-être immatériel, intemporel, cela même qui, tout en exprimant le temps, y échappe), ces signes de l’entrée dans la nuit« , page 21.  

Et en conséquence de ces divers processus-là, ceci, page 23 :

« Au va-et-vient capricieux et inéluctable de ma mémoire _ involontaire et malicieusement anarchique _, je dois me soumettre, me résigner : j’en ai la preuve chaque nuit, au cœur de la nuit ou au petit matin, parfois quelques minutes seulement après m’être endormi, comme si la bête dans la jungle du rêve m’attendait tapie pour envahir mon cerveau et le paralyser à sa manière aussi efficacement qu’une rupture d’anévrisme« …

Au chapitre « Le Soldat déchu« , aux pages 63 à 66,

René de Ceccatty précise les quelques moyens qu’il a utilisés pour se figurer _ et nous donner à nous représenter, nous lecteurs, à notre tour _ le « destin militaire« , aux Indes, de 1757 à 1771, de son ancêtre Léopold :

« Barry Lyndon de Thackeray, La Conquête du Paradis de Judith Gautier et Voyage à l’île de France de Bernardin de Saint-Pierre, voilà ce qui, ajoutés aux Fragments sur l’Inde de Voltaire, aux pièces du procès de Lally-Tollendal et aux témoignages de Bussy, d’Anne -Antoine d’Aché, du chevalier de Soupire avec qui Léopold s’était embarqué, le 30 décembre 1756 pour l’Inde, voilà ce qui me donne une idée _ un peu mieux figurée _ du triste destin d’un militaire qui de dix-sept à quarante-sept ans a combattu dans des guerres de succession qui ne le concernaient pas _ mais qu’en est-il donc des militaires de carrière ? _, et pour l’honneur d’une France à laquelle sa Franche-Comté natale n’avait été rattachée que par l’arbitraire des traités de paix _ en l’occurrence celui de Nimègue, en 1678 _ avec l’Espagne et l’Autriche et la Pologne et l’Angleterre et la Russie.

Pauvre fils des comtes de Venise, ballotté sur l’Océan indien, se mariant à une créole des Indes orientales où il avait été envoyé avec son régiment de Lorraine, dans son joli uniforme à collerette rouge sur une étoffe blanche garnie de bleu.

Mais des dix années indiennes _ de 1761 à 1771 _ qui ont suivi la chute de Pondichéry _ le 16 janvier 1761 _, et des treize franc-comtoises à Salins-les Bains _ de 1771 au 3 février 1784 _, de ces vingt-trois années-là de loin les plus romanesques (dont Marie-Jeanne Lenoir aurait pu être la mélancolique narratrice déchirée par l’éloignement de l’Inde _ lumineuse _ dans le _ sombre, noir _ paysage franc-comtois qui inspirerait Gustave Courbet) aucune archive ne conserve les traces.

Balzac, Stendhal, Leopardi, à l’aide !

Est-ce-à-dire que Marie-Jeanne la créole et Léopold le soldat déchu, l’anonyme des pamphlets, deviendraient, ces deux ombres hantant à Salins-les-Bains l’hôtel particulier qui leur revint, plus proches _ et telle est en effet la formidable puissance de vérité des vertus de présence de l’imageance magique des Arts ! quand ils sont authentiques… _ de moi que _ malgré ce cahier d’écolier tunisien sur lequel j’écris _ mon enfance dont je visite hâtivement _ à Mégrine, au mois d’avril 2019 _ la dévastation : terrain vague et boueux près du « café Hollywood », cimetière profané ?« , page 66…

Anticipant peut-être alors cette phrase de la page 122 :

« Jeanne écoutant à la porte de Nicolas et Johann est plus vivante _ mais oui ! _  que moi-même à mes propres yeux _ voilà ! et c’est là une manifestation de la phénoménologie vécue et assumée, incorporée en quelque sorte en le regard sur lui-même et le réel, de René de Ceccatty… _, cherchant le sommeil dans la villa bleue » _ de Mégrine avant juin 1958…

Et cette autre, aussi, des pages 122-123 :

« La vision, elle réelle _ encore que l’éloignement de cette expérience dans le temps (car un an _ entre avril 2019, du voyage à Tunis et Mégrine, et avril 2020, de l’écriture de cette page _ est beaucoup pour un événement aussi ténu) la rende irréelle, imperceptible à tout le moins _ de la dévastation du jardin de la villa bleue (…) avait, non seulement du fait de sa dévastation, mais aussi de l’affreux étirement du temps, moins de réalité _ et voilà l’élément fondamentalement décisif de cette phénoménologie incorporée de René de Ceccatty _ que cette Anjâli _ fictionnelle _ plus mûre que son âge ne devrait le permettre, petite Indienne enlevée à sa terre et aux siens, que Léopold, pauvre militaire raté, réduit à ce rôle de rentier pensionné, géniteur amer, que sa femme Marie-Jeanne, multipliant là-bas et ici ses grossesses, que Jeanne et Marie-Anne sacrifiant leurs souvenirs _ de la lumière d’Inde _ à leur vie future de femmes mariées aux frères Girod, de noblesse récente, mais nantie« …

« Plus proches« , page 66 ; « plus vivante« , page 122 ; « moins de réalité« , page 124 :

soient des expressions qui nous parlent de la magique puissance de l’Art, quand il est à son meilleur _ et son authenticité la plus grande…

Et page 69 :

« L’oubli : ce qui nous menace tous. D’en être l’objet, bien sûr, mais aussi l’origine.

Je lutte, sans doute parfois artificiellement, contre lui. Lorsque je fouille dans les archives de mon pauvre aïeul Léopold, cherchant avec tant de mal des traces de sa carrière militaire dans les Mémoires sur Tally-Tollendal, Soupire, Bussy, dans les histoires de la guerre de Sept Ans, dans celles de la conquête des Indes et de la chute de Pondichéry ; quand je cherche son miroir chez Thackeray, Judith Gautier, Bernardin de Saint-Pierre, Voltaire, et peu à peu _ aussi _ (mais je résiste, je résiste) dans mes propres souvenirs _ aussi _, quêtant des équivalents _ voilà ! et forcément : peut-on en faire totalement l’impasse ?.. _ de son séjour indien dans mes propres expériences orientales, dans mes lectures, de ses voyages en mer dans mes propres voyages, de sa soumission aux ordres militaires dans ma propre conception d’une discipline professionnelle et dans mon refus obstiné de l’exercice du pouvoir« …

Avec cette réponse-ci, dès l’ouverture du chapitre suivant, à la page 70 :

« Oui, je lutte contre son oubli, mais je refuse de faire de lui, de ce que je glane de sa vie, une marionnette romanesque.

Et pourtant j’aimerais faire revivre _ voilà : par la magie de l’écriture vraie… _ Marie-Jeanne, la créole des Indes arrivant au Jura, avec ses deux filles, Jeanne et Marie-Anne, et leurs habitudes indiennes, se retrouvant dans le climat hostile de la Franche-Comté et entre les étroits murs de l’hôtel de Salins-les-Bains, vieil hospice médiéval, acquis par Léopold et sans doute rénové à la hâte. (…) Comment étaient-ils tous passés du golfe du Bengale à l’ennui des vallonnements du Jura ? (…) Pauvre Léopold, ombre du héros anonyme qu’il avait été à Madras, à Pondichéry, à Karikal…« 

Et c’est en effet cette idée de faire appel à des comparaisons avec des tableaux _ de Zoffany, Lépicié, et indirectement Courbet _ décrits, qui va faire démarrer la partie imaginée du roman :

« Le roman peut commencer« , lit-on, page 82, en conclusion du chapitre « L’Ayah« …

Et : « Rien n’est plus enivrant pour un romancier que l’invention d’un peintre. Balzac, Henry James le savaient. Zola, Stendhal eux-mêmes et, au Japon, Sôseki« , lit-on, page 85.

« La musique est l’absolu de l’expression du sentiment et la transfiguration de la conscience du temps. La peinture est l’idéal de la description : lumière, regard, organisation de l’espace intérieur et de l’espace extérieur« .

Page 125, René de Ceccatty, au décisif chapitre intitulé « La seule réalité possible« , poursuit et développe son idée de l’étrange puissance magique de l’Art, quand il est à son meilleur,

dont j’ai relevé plus haut des exemples, aux pages 66 : « Plus proches« , 122 : « plus vivante« , et 124 : « moins de réalité » :

« Pour moi, le passage fortuit _ purement fictionnel, à Salins-les-Bains en 1773, auprès de la famille de Léopold Pavans de Ceccatty _ des deux peintres _ Johann Zoffany et Nicolas-Bernard Lépicié _ est la seule réalité possible _ à l’exclusion, donc, de tout transmission génétique ! _ qui m’unisse _ voilà _  à elles, à eux. Et quand elle se marient _ Jeanne et Marie-Anne, en 1782 et 1794aux deux frères de Miserey _ Charles-Armand Girod de Misereyet de Rennes Charles-Gabriel-Léonard Girod de Miserey _, je les abandonne, elles ne me sont plus rien.

Quand Jeanne oublie Nicolas, oublie la toile roulée au grenier, oublie qu’elle a écouté à la porte des deux amis murmurant avant de s’endormir, elle ne m’est plus rien. (…)

Et cela m’amuse, parce que pense à Marguerite Duras, je pense à Sigalon à Rome dans les années 1835 _ sur Sigalon à Rome, et Stendhal, et Michel-Ange, cf l’admirable « Objet d’amour«  de René de Ceccaty, en 2015 ; et mon plus qu’enthousiaste article du 24 mai 2016 : « «  _, parce que je suis familier du monde de la peinture. (…)

Et c’est ce qui fait que la réalité est là, dans un tableau même imaginaire, plus que _ voilà ! voilà ce que sont les divers degrés de réalité qui nous parlent et qui nous concernent vraiment ! _ dans des archives, plus que dans le sang (à supposer que le même sang coule dans mes veines que dans celles de Marie-Jeanne Lenoir.

Et qu’elle est surtout là, dans ce cahier tunisien acheté à Mégrine, près de la gare de Sidi Rezig _ ou est alors en train de s’écrire, voilà !, en avril 2020, ce beau « Soldat indien« …

Et je me rappelle le ton que prenait naturellement maman, pour prononcer ce nom de Sidi Rezig, un ton à la fois ironique et parodique où pointait une forme de désespoir et de désabusement _ oui _, comme lorsqu’elle évoquait sa première affectation à Foum Tataouine, comme institutrice avant le retour de papa de New-York« , page 126.

Au chapitre « Les Ruines« , aux pages 127-130, René de Ceccatty revient sur l’expérience de son nouveau retour sur les lieux _ dévastés _ de la Mégrine de son enfance , ce 12 avril 2019, et fait à nouveau le lien entre cette expérience-là et le travail qu’il va réaliser _ et aura réalisé, par la recherche et l’écriture, en 2020-2021 _ sur le destin indien et post-indien de son ancêtre Léopold…

Pages 129-130 :

« Le cahier d’écolier _ acheté près de la gare de Sidi Rezig ce 12 avril-là _ était le seul objet qui me procurait une sensation d’appartenance non à un pays, ni à une fonction, ni à une identité, mais à un rôle _ voilà : à tenir, endosser ; le rôle « tenant«  et faisant sien celui qui se trouve l’endosser. Appartenir à un rôle : voilà de quoi donner profondément à méditer.

Or ce n’était pas ce cahier qui rendrait _ vraiment, en quelque sorte _ ma présence dans les ruines (que mon frère _ Jean Pavans _ trouverait, quand je lui en montrerais les photographies, si pauvres et désolées qu’il ne comprenait pas que je n’aie pas voulu en détruire le souvenir, comme une part sinon honteuse ou indigne, du moins affligeante, de notre passé, de notre origine qui traduisait toute l’implacable déchéance des générations depuis deux siècles, déchéance accrue par la déshérence _ de ces lieux _ successive à la colonisation et à la décolonisation : cet abandon, cette misère, cette absence impersonnelle, cela ne ressemblait à rien _ sauf que c’était peut-être précisément ce rien qu’il importait de révéler, de ne pas esquiver, effacer, oublier, fuir… _) :

tout au plus ce cahier m’offrirait-il l’illusion _ voilà… _ de consolider _ par le constat de fait dont il allait témoigner noir sur blanc _ cette furtive expérience d’un séjour si pauvre, si décevant qu’il fallait que le remplisse d’un autre passé que le mien, celui d’une famille imaginaire fantasmée, donc, pour l’essentiel… _ même si les archives d’état-civil peuvent témoigner du lien sinon sanguin, car une fois encore qui sait ?, du moins légal, qui m’unit à Léopold et à ses femmes créoles, comme aux quelques noms qui, avant et après lui, sont à des variantes près de prénoms et d’orthographe le mien et celui de mon frère et de mes cousins. Et à vouloir chercher des points communs, on perd toute personnalité » _ mais ces « points communs« -là, même trouvés et avérés, dissolvent-ils nécessairement pour autant toute singularité un peu personnelle ? Étouffent-ils la moindre liberté de sujet de la personne ?.. Voilà aussi une question que l’on peut se poser.

Qu’est-ce donc qu’un atavisme ? Et quelle est sa portée, en plus de sa teneur ?

N’y a-t-il donc rien du tout à en tirer ?..

Qu’en dirait le moine Dôgen ?

Ce jeudi 3 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Première approche du « Qui t’aime ainsi » d’Edith Bruck (1959) : le terrible récit d’une assez effroyable survie, dans le Reich, en Hongrie, ainsi qu’ailleurs aussi ; juste avant son écriture, surtout en Italie…

22jan

Ce matin, j’ai pu me procurer l’exemplaire du « Qui t’aime ainsi » d’Edith Bruck (Points, en une traduction de Patricia Amardeil), que j’avais pris soin de réserver avant sa parution.

Le texte original de « Chi t’ama cosi » est paru aux Edizioni Lerici au tout début de 1959 ; et sa traduction en français _ reprise aujourd’hui en édition de poche en Points _ est parue en 2017 aux Éditions Kimé.

Avant de découvrir les 123 pages _ de la page 13 à la page 136 _ de ce récit-témoignage de 1959 _ et pas seulement, loin de là, sur la vie dans les camps de l’Allemagne nazie… _ ,

j’ai pris soin de lire les 4 pages de présentation de l’ouvrage, intitulées « À corps et âme perdus« , sous la plume de Philippe Mesnard ;

et les 20 pages de « Notice historique« de Jean-François Forges, qui concluent cette édition _ de 2017, reprise en 2022 _, en fournissant quelques utiles repères géographiques et historiques de ce parcours de difficile survie _ pas seulement au sein des lager nazis en 1944-1945 ; ni de son retour terriblement déceptif et amer en Hongrie en 1945… _ d’Edith Bruck, de sa naissance au village hongrois de Tiszabercel, le 3 mai 1931et pas 1932, comme l’écrivait alors Edith Bruck : ses récits (et entretiens) ultérieurs ont, depuis, rétabli l’année exacte  de sa naissance  _, et son installation à Rome _ en 1954 _, où elle put terminer en 1958-1959 la rédaction, en italien, de ce récit de si difficile et amère survie…

Demain, je lirai le texte d’Edith Bruck, de 1959…

Ce samedi 22 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Admirer la puissance de vérité du « Pain perdu » de toute une vie, d’Edith Bruck

07jan

Achevant à l’instant _ à 21 h 17 ce vendredi 7 janvier _ de lire « Le Pain perdu« , récit d’Edith Bruck,

je ne puis qu’exprimer ma très profonde admiration pour cet absolu témoignage de toute une vie, et des pouvoirs si profonds d’une écriture aussi directe _ et si juste.

Déjà, je suis saisi par l’extrême congruence de ce qui s’exprime ici, dans le récit de prose _ de 2021 _ de ce « Pain perdu« , de la mémoire très précise _ Edith Bruck, la petite Ditke Steinschreiber, est née le 3 mai 1931 _ d’une myriade de détails extrêmement pointus et infiniment sensibles de tant de scènes vécues depuis la toute petite enfance, au village natal de Tiszabercel, en Hongrie, jusqu’à cette Rome où Ditke a éprouvé le sentiment de retrouver la lumière aimable, accueillante et protectrice d’un nouveau chez elle _ après passages, en 1944-45, à Auschwitz, Dachau, Kaufering, Landsberg, Christianstadt, Bergen-Belsen _,

avec la puissance de ce qui s’est exprimé aussi dans les brèves _ et puissantes, en leur impact implacable de très douce instantanéité _ vignettes des poèmes de la poésie de son « Pourquoi aurais-je survécu ? » _ les deux, les poèmes et le récit, traduits de l’italien par René de Ceccatty _ :

le profond désir de témoigner _ voilà, et sans se dérober, jusqu’au bout _ de la vérité de ce qui _ vies ainsi qu’assassinats _ a été vécu par elle-même et les siens ;

et dont elle se souvient et parle…

À suivre…

Ce vendredi 7 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur