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L’extase Wagner par bien d’autres chemins que les plus parcourus : l’intense et prenant CD « Richard Wagner » de Nikolai Lugansky, pianiste, croisant le très original et merveilleusement réussi lui aussi « In the shadows – Wagner » de Michael Spyres…

13mar

Après le stupéfiant et magnifique CD _ Erato 5054197879821 _ « In the shadows – Wagner » de Michael Spyres _ cf mon article «  » de mardi 5 mars dernier… _, qui explorait les chemins qui ont insensiblement conduit Richard Wagner (Leipzig, 22 mai 1813 – Venise, 13 février 1883) à devenir le compositeur qui s’est épanoui en lui à partir de « Lohengrin« , en 1848 _ et c’est en effet sur le « Mein lieber Schwan ! » de Lohengrin (5′ 49) que s’achève cet exceptionnel CD « In the shadows – Wagner«  de Michael Spyres… _,

c’est maintenant le piano raffiné et merveilleusement subtil de Nikolai Lugansky qui vient nous enchanter dans un superbissime CD _ Harmonia Mundi HMM 902393 _  « Richard Wagner » de transcriptions pour le piano _ par Franz Liszt (1811 – 1886), Louis Brassin (1836 – 1884), Zoltan Kocsis (1952 – 2016), ainsi et surtout lui-même (Nikolai Lugansky est né à Moscou le 26 avril 1972)… _ de scènes somptueuses extraites du cycle du « Ring » et « Parsifal« , et venant culminer dans l’extase magicienne et proprement ensorcelante de la « Mort d’Isolde » de « Tristan« ,

dans le livret duquel CD intitulé « Richard Wagner » Nikolai Lugansky, présentant le sens, pour lui, de ce projet et réalisation discographique _ d’un Wagner transcrit au piano ! _ a priori sinon un peu surprenant, du moins assez inattendu, déclare :

« Wagner me fascine depuis bien longtemps.

(…)

J’ai trois sentiments différents selon le moment où il a composé. Il y a une première période, quand il écrit _ à l’âge de 19 ans, en 1832 _ sa « Symphonie en do majeur« , des œuvres pour piano ; si on s’en tient à ces pages, je ne vois pas du tout en quoi c’est prometteur. Puis surgissent « Rienzi » _ en 1842 _, « Le Vaisseau fantôme » _ en 1843 _, « Tannhaüser » _ en 1845 _ : là, la musique oscille entre le bon et le génial. Enfin tout ce qu’il a écrit à partir de « Lohengrin«  _ en 1848 _ est du pur génie _ voilà. C’est très inhabituel pour un compositeur : pour la plupart d’entre eux, on peut déceler les germes du génie _ en gestation, donc, avant l’éclosion et l’épanouissement... _ dès leurs premières œuvres. C’est donc cette dernière partie de son œuvre, notamment des scènes du monumental « Anneau du Nibelung » _ de 1869 à 1876  _, que j’ai choisi de présenter _ au simple piano _ ici« ,

etc.

En conséquence de quoi,

se dégage très clairement en quoi ces deux merveilleuses réalisations discographiques de Nikolai Lugansky, pianiste, et Michael Spyres, chanteur d’opéra, qui paraissent chez les disquaires presque simultanément, se révèlent, non pas opposées et contradictoires, mais bien plutôt étrangement complémentaires :

Michael Spyres traquant et montrant ce qui avant même Wagner va peu à peu et quasi insensiblement, mener le génie en gestation-germination d’abord lente et souterraine de Wagner, à accoucher bientôt un peu plus tard _ en d’infiniment prolongés sublimes orgasmes de musique… _ du Wagner idiosyncrasique et génialissime du Ring _ de 1869 à 1876 _, de Tristan _ en 1865 _, ainsi que de Parsifal _ en 1882 _,

dont le piano de Nikolai Lugansky traque, lui, et expose _ et comment ! _, à son simple piano _ et transcrit beaucoup aussi par lui… _ le sublime extatique de la sublimissime apothéose, orgasmique en effet, de cet idiosyncrasique chant wagnérien, ici saisi par lui à son acmé musical accomplissement…

Deux indispensables CDs, magnifiquement complémentaires donc,

par Michael Spyres, chanteur, d’une part, et Nikolai Lugansky, pianiste et transcripteur, d’autre part,

ou quand des parallèles musicales finissent par se rencontrer, du moins par et pour nous, mélomanes qui partageons leur écoute doublement enchantée…

Ce mercredi 13 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Eblouissant Michael Spyres, une nouvelle fois sublimement au sommet, en un somptueux « In the shadows – Wagner », dans lequel il élargit encore son répertoire, ici jusqu’à Wagner, de son autorité naturelle d’une rayonnante douce évidence et parfait art du chant… Chapeau bien bas, Monsieur !

05mar

Après son flamboyant CD « Baritenor«  _ enregistré à Strasbourg en août et octobre 2020, avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dirigé par Marko Letonja, soit le CD Erato 019029516664 ; cf, par exemple, mon article du 22 octobre 2021 « «  _

et son passionnant CD « Michael Spyres – Contra-Tenor«  _ enregistré à Lonigo (Vicence) en septembre 2022, avec Il Pomo d’Oro dirigé par Francesco Corti, soit le CD Erato 5054197203467 ; cf, par eremple, mon article « «  du 5 mai 2023… _,

voici qu’aujourd’hui _ regardez ici cette vidéo de présentation de leur CD par Michael Spyres et Christophe Rousset (d’une durée de 6′ 52) : elle est vraiment très intéressante dans la précision même des détails donnés, et par Michael Spyres, et par Christophe Rousset, et sur la composition magnifique du programme de ce trèsremarquable CD, et dans le choix et la fraîcheur, comme d’improvisaion pour une première sur la scène, de leur interprétation enregistrée et partagée ici des divers airs si minutieusement et intelligemment choisis… _  l’incomparable Michael Spyres nous fait la grâce d’un admirable somptueux CD « In the shadows – Wagner » _ enregistré à Paris, Salle Colonne, en décembre 2022, avec cette fois Les Talens lyriques dirigés par Christophe Rousset, soit le CD Erato 5054197879821 _ dans lequel il met en parfaitement convaincante lumière beaucoup de ce que l’ombrageux génie musical de Richard Wagner (1813 – 1883) _ ici en un air d’Arindal de l’opéra « Les Fées«  (créé en 1834), en un air de Cola Rienzi de l’opéra  « Rienzi«  (créé en 1842), et dans un air de Lohengrin de l’opéra « Lohengrin«  (créé en 1848) ; regardez-ici cette vidéo de l’enregistrement (d’une durée de 5′ 09) _ doit, aussi, même si c’est resté jusqu’ici assez peu visible _ et pas assez remarqué, avant, justement, la curiosité sagace et experte du merveilleux Michael Spyres… _, à certains de ses prédécesseurs compositeurs du premier XIXe siècle opératique,

de 1807, pour la date de création de l’opéra « Joseph » d’Étienne Méhul, à 1833, pour la date de création de l’opéra « Hans Heilig » de Heinrich Marschner,

pour ce qu’il en est du choix réalisé ici en ce programme magnifique (!) de ce que Richard Wagner doit à ses immédiats prédécesseurs en l’histoire de la musique et l’opéra… :

Étienne Méhul (1763 – 1817) _ pour un air de Joseph dans « Joseph » (créé en 1807) ; admirez-ci ce sublime podcast (d’une durée de 5′ 06)… _,

Ludwig Van Beethoven (1770 – 1827) _ pour un air de Florestan dans  « Fidelio » (créé en 1814) _,

Gioachino Rossini (1792 – 1868) pour un air de Leicester dans « Elisabetta, regina d’Inghilterra«  (créé en 1815) ; écoutez-ici le podcast (de 9′ 57) _,

Giacomo Meyerbeer (1791 – 1864) _ pour un air d’Adriano dans « Il Crociato in Egitto » (créé en 1824) _,

Carl Maria Von Weber (1786 – 1826) pour un air de Max dans « Freischütz » (créé en 1821) _,

Daniel Auber (1782 – 1871) _ pour un air de Masaniello dans « La Muette de Portici » (créé en 1828) ; écoutez-ici le podcast (de 5′ 01) _,

Gaspare Spontini (1774 – 1851) _ pour un air de Heinrich dans « Agnes von Hohenstaufen » (créé en 1829) ; écoutez-ici le podcast (de 5′ 12) _,

Vincenzo Bellini (1801 – 1835) _ pour un air de Pollione dans « Norma » (créé en 1831) _

et Heinrich Marschner (1795 – 1861) _ pour un air de Konrad dans  « Hans Heiling » (créé en 1833). 

Et, à nouveau,

Michael Spyres, ténor, avec une autorité naturelle qui jamais ne force rien, mais vient délicatement, doucement, illuminer tout,

avec la clarissime évidence de son timbre magnifique, de sa voix si justement posée, de sa parfaite élocution en les diverses langues, français, italien, allemand, et de son idéal art du chant le plus naturel qui soit,

vient cette fois encore ici nous surprendre,

et fait merveille absolue !

Et c’est tout simplement, et à nouveau _ j’y insiste, pardon, mais comment ne pas rendre les armes devant un tel, à nouveau sublime, sommet d’art du chant ?!. _ un éblouissement…

Chapeau bien bas, l’artiste !

Bravissimo, Monsieur !

Ce mardi 5 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La tragédie du « bad trip » de Tristan : une lecture acérée et moderne du chef d’oeuvre de Richard Wagner, « Tristan und Isolde », par Dmitri Tcherniakov et Daniel Barenboim, au Staatsoper Unter den Linden de Berlin, en avril 2018, un DVD sombre et lumineux de 254’…

12juin

Le DVD _ Bel Air Classiques BAC 165 _ du « Tristan und Isolde » de Richard Wagner réalisé au mois d’avril 2018 au Staatsoper Unter den Linden de Berlin, sous la double direction de Daniel Barenboim et Dmitri Tcherniakov,

propose une passionnante lecture acérée et moderne, extrêmement lisible _ dépoussiérée et dépourvue de maniérismes _, du magistral chef d’œuvre de Wagner,

avec ces excellents chanteurs et excellents acteurs dramatiques que sont, dans les rôles-titres de Tristan et Isolde, Andrea Schager et Anja Kampe…

Cf, déjà, cet excellent article intitulé « On va jouer à s’aimer » de Laurent Bury, sur ForumOpera.com en date du dimanche 18 février 2018,

non pas à propos de ce superbe DVD,

mais à propos de la représentation de l’opéra lui-même sur la scène (et la fosse d’orchestre) à Berlin, sous la double direction de Dmitri Tcherniakov et Daniel Barenboim. 

On va jouer à s’aimer

5 / 9
<…

Tristan und Isolde – Berlin (Staatsoper)

Par Laurent Bury | dim 18 Février 2018 |

De Dmitri Tcherniakov, on ne pouvait évidemment pas s’attendre à ce qu’il confère à Tristan et Isolde une quelconque dimension mythique ou mystique. Avec le metteur en scène russe, les amours malheureuses ne pouvaient que se dérouler dans un cadre réaliste : salon d’un luxueux navire moderne, dont on peut suivre la trajectoire en direct sur un écran ; salon d’une tout aussi luxueuse demeure, donnant à l’arrière-plan sur une salle à manger et dont la décoration évoque une forêt stylisée ; pièce à vivre défraîchie pour Karéol, avec alcove et buffet faux-Henri II. Mais dans ces décors somme toute conformes à l’esthétique habituelle de ses spectacles, Tcherniakov déconcerte par le traitement réservé à la relation entre les protagonistes. Une fois bu le philtre d’amour, Tristan et Isolde ne tombent pas dans les bras l’un de l’autre, mais à terre, tant ils sont exaltés par une joie irrépressible qui les fait éclater de rire (rire silencieux qui ne les empêche pas de chanter, heureusement). Au deuxième acte, Isolde attend, impatiente, et c’est elle-même qui éteint les lumières du salon pour donner le signal : mais quand Tristan arrive, flûtes de champagne et assiette de petits fours dans les mains, les deux amants s’amusent au jeu de la folle passion, comme si leur grand amour n’était que vaste blague : ils se livrent à un concours de superlatifs, de termes d’affection excessifs, qui les font rire, là encore. Jouent-ils à être des amants légendaires, comme cet été, à Aix-en-Provence, on jouait à être Carmen et Don José ? Autre piste qui apparaît ensuite : Tristan semble hypnotiser Isolde, qui répète après lui les phrases du duo qu’il lui suggère. Et pendant tout cet acte, très statique, ils restent assis, changeant seulement de fauteuil, et ils se touchent à peine ; à la fin, Melot se jette simplement sur Tristan mais ne semble pas lui faire grand-mal. Un peu plus d’action au dernier acte : même si sa blessure paraît mentale ou morale plus que physique, Tristan est en proie aux transports habituels, il a une vision du quotidien de ses parents avant sa naissance (la lumière change et deux figurants en tenue années 1930 apparaissent), mais le pâtre est ici dédoublé entre un chanteur et un instrumentiste qui vient jouer du cor anglais dans l’alcove, apparemment payé par Kurwenal pour berner Tristan avec cette histoire de bateau que l’on guette. A la toute fin, Isolde s’isole avec le cadavre dans la fameuse alcove où s’étaient précédemment isolés le père et la mère de Tristan. Si on ajoute la présence, d’un bout à l’autre de la représentation, d’un tulle noirâtre entre le plateau et la salle, pour permettre de rares instants de vidéo assez inutiles, on comprendra qu’une distance persiste, difficile à surmonter, entre ce spectacle et le spectateur.


© Monika Rittershaus

Heureusement, en parallèle à cette visualisation qui laisse perplexe, le versant musical nous porte sur les sommets. Par le soin prêté au détail autant que par le souffle portant l’œuvre d’un bout à l’autre, Daniel Barenboim montre que Tristan n’a plus guère de secrets pour lui, et tous les membres la Staatskapelle Berlin, montés sur scène pour les saluts, obtiennent un triomphe mérité. On reprochera tout au plus à l’orchestre un goût parfois immodéré pour la production de décibels, qui couvre allègrement les chanteurs à plusieurs reprises.

Pourtant, c’est surtout sur le plan vocal que ce Tristan berlinois atteint un niveau devenu hélas bien rare, y compris là où Wagner devrait être le mieux servi. Le Staatsoper a réussi à réunir pour les rôles-titres deux des meilleurs titulaires actuels, et ils ne sont pas légion. Il n’est pas certain qu’il existe aujourd’hui un Tristan plus complet qu’Andreas Schager, il est en tout cas bien agréable d’entendre enfin dans ce rôle un vrai ténor, un chanteur au timbre claironnant de héros, et qui ne donne pas la sensation de devoir s’économiser pendant deux actes en prévision du troisième. Ce que la production refuse de lui accorder en prestance physique est plus que compensé par l’éclat de la voix et par la qualité du jeu de l’acteur _ les deux, en effet _, qui se livre aux bonds les plus insensés lors de sa folie du dernier acte. Quant à Anja Kampe, il semble bien que madame Stemme doive désormais partager le titre d’Isolde du siècle avec sa consœur native de Thuringe. Ni mezzo péniblement changée en soprano dramatique, ni virago terrifiante, ni gentille jeune personne gênée par l’ampleur du personnage, Anja Kampe assume avec bonheur toutes les facettes du rôle, capable de pianos admirablement maîtrisés autant que de véhémence dans les imprécations. Et chez elle comme chez son partenaire, on ne perd pas un mot du texte _ voilà, et c’est très important ! _, parfaitement articulé _ et les sous-titrages de la vidéo du DVD ajoutant à cette lisibilité… Malgré une légère impression de fatigue à la fin du deuxième acte, son Isolde revient ensuite en force, avec une superbe Liebestod prise à un tempo très retenu.

Autour d’eux, l’excellence caractérise aussi la Brangäne d’Ekaterina Gubanova, au timbre riche et au personnage moins protecteur que ce n’est souvent le cas, ou le roi Marke de Stephen Milling, même si la mise en scène prive cette somptueuse voix de basse d’atteindre le degré d’émotion dont elle serait sans doute capable. Kurwenal plus à l’aise en treillis et rangers qu’en costume-cravate, Boaz Daniel se situe un cran en dessous en termes de qualité vocale. De la séduction sonore, le matelot de Linard Vrielink n’en manque pas, en revanche. On rêve dès lors à ce qu’aurait donné un tel cast dans une production plus à même d’émouvoir.

Un avis très intéressant.

Puis maintenant,

et cette fois à propos du DVD _ du label Bel Air Classiques _ de ce passionnant spectacle de 254′,

cet article « Dmitri Tcherniakov : la Mort d’amour de Tristan » de Jean-Luc Clairet, sur le site de ResMusica :

Dmitri Tcherniakov : la Mort d’amour de Tristan

Dmitri Tcherniakov remonte à la source de l’amour impossible de Tristan et Isolde. Un formidable travail d’équipe _ voilà ! _ que ce spectacle venu du Staastoper unter den Linden.

L’Acte I séduit sans temps mort dans le salon Grand Voyageur du paquebot de luxe où Marke a convié les premiers de cordée de son entreprise. La météo de type Mer calme et heureux voyage s’affiche sur un écran de contrôle… Tout commence sous les meilleurs auspices pour les héros wagnériens magnifiés _ oui _ par les costumes griffés par Elena Zaytseva. Puissamment investis dans une direction d’acteurs millimétrée, les interprètes fascinent d’emblée _ oui. L’absorption du philtre, inédite, est un grand moment de jubilation : les héros sous substance, délestés de tout tabou, rient à gorges déployées, prêts au grand amour.

Le II, dans le salon de Marke tapissé de papier peint sylvestre, n’est pas moins captivant : Tristan joue comme un enfant surexcité avec Isolde qu’il finit par mettre sous hypnose ; Mark, environné de figurants tchernakoviens bien glaçants, adresse les premiers mots de son monologue à Melot et non à Tristan, lequel n’est même pas mortellement blessé plus loin par le traître. Alors de quoi Tristan va-t’il mourir ?

Le III répond : Tcherniakov a lu attentivement _ voilà ! et lire ainsi très attentivement est absolument nécessaire ! _ le monologue le plus long du héros, celui de l’alte ernste Weise (la vieille chanson grave), celui où Tristan raconte comment le Désir a donné la Mort. Tcherniakov plonge Tristan dans un autre papier peint, celui de Karéol, afin de faire remonter à la surface son enfance endeuillée : le père engendra et mourut ; la mère enfanta et mourut. Tcherniakov a bien lu : Tristan est de fait inapte à l’amour _ telle est donc la clé de Tristan. Même sans Marke, même sans philtre, ça n’aurait pas marché. On parle de la Liebestod d’Isolde. Tcherniakov met en scène la Liebestod de Tristan _ voilà i

Anja Kampe et Andreas Schager sont étonnants de naturel _ et d’évidence ultra-éloquente _ dans ce Tristan et Isoldecertainement le plus humain vu à ce jour. Paysages à eux seuls, ils sont constamment émouvants _ oui. Outre qu’ils possèdent les écrasants moyens de leur rôle respectif (lui Heldentenor incontesté ; elle, de type incendiaire jusqu’au-boutiste), loin des époux Schnorr von Carosfeld, ils balaient tous les stéréotypes _ oui. Les sauts de cabri du premier font oublier que la performance est en principe surhumaine. L’émotion subtile de la seconde, dans le droit fil de celle d’Iréne Theorin à Bayreuth avec Marthaler, touche au cœur. D’une santé vocale soyeuse, d’une beauté fascinante, la Brangäne d’Ekaterina Gubanova capte tous les regards : on passe une partie de son temps à se demander quelle partie cette fausse suivante joue dans l’histoire. Jusqu’à ce que Tcherniakov réponde d’un plan sur le bras qu’au finale, elle a passé sans crier gare sous celui de Marke, incarné avec l’effroi glacial qui sied aux patrons d’entreprises, par un Stephen Milling proche de l’idéal. Boaz Daniel, Kurwenal prêt à tout (engager sur le plateau, à peu près tout l’acte durant, un hautboïste de l’Orchestre de la Staatskapelle Berlin pour accompagner de son cor anglais le spleen de son ami handicapé de l’amour), complète cette magnifique distribution où l’on remarque aussi le Melot gorgé de jalousie de Stephan Rügamer et déjà, avant Aix 2021, le Jeune marin et le Pâtre de Linard Vrielink.

Le DVD permet d’être au plus proche _ mais oui, et c’est bien sûr capital !!! _ de la dramaturgie questionneuse de Tcherniakov, menée au sommet _ oui _ par Daniel Barenboim. Plus de quarante années de travail (les Tristan de Ponnelle, de Müller, de Chéreau !) ont abouti à cette direction patiente (plus de quatre heures), enveloppante et incandescente, d’une profondeur inouïe _ c’est parfaitement exprimé ici. La Staatskapelle Berlin, magnifiquement captée, soulève la noire houle du chef-d’œuvre dévastateur _ oui… Le voyage en sac à dos du Parsifal de Tcherniakov ne nous avait pas donné envie de reprendre la route avec lui. Il en ira différemment avec le voyage en bateau qu’il a imaginé pour Tristan et Isolde.

Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur.

Mise en scène et décors : Dmitri Tcherniakov.

Costumes : Elena Zaytseva.

Lumières : Gleb Filshtinsky.

Avec : Andreas Schager, ténor (Tristan) ; Stephen Milling, basse (le roi Marke) ; Anja Kampe, soprano (Isolde) ; Boaz Daniel, baryton (Kurwenal) ; Stephan Rügamer, ténor (Melot) ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano (Brangäne) ; Linard Vrielink, ténor (un Berger/un Jeune marin) ; Adam Kutny, baryton (un Timonier) ;

Chœur du Staatsoper (chef de chœur : Raymond Hughes)

et Staatskapelle Berlin, direction : Daniel Barenboim.

Réalisation : Andy Sommer.

2 DVD Bel Air Classiques.

Enregistrés en avril 2018.

Notice de 24 pages en anglais, français et allemand.

Durée totale : 254:00

 

Un DVD indispensable !!!

Ce dimanche 12 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter Julia Varady chanter les « Wesendonk Lieder »…

14jan

Dans le coffret de 10 CDs « The Orfeo Recordings » (C210090) tout récemment sorti,

consacré à des pièces de Verdi, Puccini, Tchaikovsky, Richard Strauss, Spontini, Meyerber, Mozart, Louis Spohr,

c’est vers le CD Wagner _ le CD n° 5 _ que je me suis spontanément en priorité dirigé.

Et d’abord, vers les 5 « Wesendonk Lieder » ;

puis vers la scène de la mort d’Isolde, à l’Acte 3 de « Tristan und Isolde » _ et sous la direction de Dietrich Fischer- Diskau, en un enregistrement de 1998.

Eh bien ! C’est tout simplement parfait !

Nous planons…

Le 17 octobre 2021, Jean-Charles avait consacré sa chronique de Discophilia à ce coffret Orfeo  de Julia Varady,

sous le titre de « La Soprano de Munich » :

LA SOPRANO DE MUNICH

Ce fut Munich qui offrit à Júlia Várady mieux qu’un théâtre où construire son répertoire, une troupe où trouver sa place _ voilà _ et une tradition de chant à laquelle sa voix pouvait se plier et grandir à mesure _ oui. L’art lui était donné de naissance, et le caractère aussi, l’aisance d’un instrument immense en terme d’étendue et d’intensité _ oui _ allait lui permettre d’aborder tous les personnages qu’elle rêvait d’interpréter._ remarquable _

Commencé chez Mozart, son parcours guidé par autant d’affinités électives la mènera jusqu’à Wagner, mais l’essence de son art, et la nature même de sa vocalité l’inclinait _ probablement _ aux Italiens. L’ambre de son timbre la destinait aux héroïnes de Puccini, l’ardeur de son art, et l’aigu impérieux lui ouvriront les grands rôles verdiens où la pureté de son style et l’engagement de son chant se sublimèrent. Finalement, Munich lui donnera aussi un mari _ voilà _, Dietrich Fischer-Dieskau, rencontré en scène pour une Houppelande de Puccini encore chantée en allemand (Der Mantel).

À compter des années 1980, Orfeo entreprit d’illustrer son art. Non pas des captations live – elles viendront plus tard – mais expressément des disques, et des plus soignés _ oui : presque trop… _, de prise de son comme de réalisation artistique. Figure centrale de deux opéras que son nom seul suffisait à réhabiliter (Olympie de Spontini, Jessonda de Spohr) et d’une rareté de Meyerbeer (Les Amours de Teolinde), cela aurait fait un début en quelque sorte marginal, mais un plein album de mélodies de Tchaikovski enregistré à la même période est autrement révélateur _ sans doute _ d’une part _ en effet remarquable _ de son art : ce chant, comme celui des Lotte Lehmann ou Sena Jurinac, dit _ voilà ! _ autant qu’il chante.

Les années passant, Orfeo documenta scrupuleusement ses prises de rôle successifs, les assemblant en des albums monographiques, un pour Puccini, deux pour Verdi, pures merveilles _ oui _ restées immaculées. Richard Strauss suivra, tout Arabella pour Sawallisch avec Dietrich Fischer-Dieskau et un plein récital qu’on trouvera ici avec son incroyable monologue de Danae, une Scène finale de Capriccio plus passionnée que nostalgique, ses sombres Ariadne et Salome, Fischer-Dieskau lui dirigeant le tout ; puis ensuite un album Wagner où elle effleurera Isolde et Brünnhilde, mais dont le vrai trésor _ oui !!! _ reste ses Wesendonck-Lieder beaux comme des nocturnes.

Mais savourez aussi le doublé lieder de Strauss (ce Schlagende Herzen !) et Mozart (Abendempfindung), et perdez-vous dans le moins connu de ses albums, dévolu aux héroïnes de Tchaïkovski _ le CD n° 4 de ce coffret de 10… _ ; écoutez sa « Lettre de Tatiana », éperdue, et le vertige des aigus au long des deux airs de Lisa ! _ de La Dame de Pique

LE DISQUE DU JOUR

Júlia Várady
The Orfeo Recordings

CD 1


Giuseppe Verdi (1813-1901)


Airs, extraits de Nabucco, Il trovatore, La traviata, Un ballo in maschera et La forza del destino
Lothar Odinius, ténor – Bayerisches StaatsorchesterDietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 23, 25, 26 et 28 janvier 1995)

CD 2


Giuseppe Verdi (1813-1901)


Airs extraits de Macbeth, Don Carlo, Aida et Otello
Stella Doufexis, mezzo-soprano – Bayerisches StaatsorchesterDietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 9, 22-24 octobre 1995)

CD 3


Giacomo Puccini (1858-1924)


Airs, extraits de La Rondine, La Bohème, Gianni Schicchi, Manon Lescaut, Suor Angelica, Tosca, Madama Butterfly et Turandot
Rundfunk-Sinfonieorchester BerlinMarcello Viotti, direction (enr. en mars, avril et juin 1993)

CD 4


Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)


Airs, extraits d’Eugène Onéguine, La Pucelle d’Orléans, Mazeppa, L’Enchanteresse, La Dame de Pique et Yolanta
Daphne Evangelatos, mezzo-soprano – Münchner RundfunkorchesterRoman Kofman, direction (enr. les 8-10 juin et 19-21 septembre 2000)

CD 5


Richard Wagner (1813-1883)


5 Gedichte für eine Frauenstimme, WWV 91 « Wesendonck-Lieder » (version pour orchestre : Félix Mottl et Richard Wagner)
Tristan und Isolde, WWV 90 (2 extraits : Prélude de l’Acte I, Isoldes Liebestod)
Götterdämmerung, WWV 86d (2 extraits : Siegfrieds Rheinfahrt, Brünnhildes Schlussgesang)
Deutsches Symphonie-Orchester BerlinDietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 26 février-1er mars 1997)

CD 6


Richard Strauss (1864-1949)


Airs et scènes, extraits de Salome, Ariadne auf Naxos, Die Liebe der Danae et Capriccio
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Haushofmeister) – Bamberger SymphonikerDietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 26-29 avril 1999)
Arabella, Op. 79, TrV 263 (2 extraits : « Er ist der Richtige nicht für mich » (Acte 1) ; « Das war sehr gut, Mandryka » (Acte )
Helen Donath, soprano (Zdenka) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Mandryka) – Bayerisches StaatsorchesterWolfgang Sawallisch, direction (enr. les 6-14 janvier 1981)

CD 7


Raretés lyriques


Giacomo Meyerbeer (1791-1864)


Gli amori di Teolinda, cantate scénique pour soprano, clarinette, chœur et orchestre
Jorg Fadle, clarinette – RIAS-KammerchorRadio-Symphonie-Orchester BerlinGerd Albrecht, direction (enr. les 4, 5 & 29 septembre 1981)

Gasparo Spontini (1774-1851)


Olympie (4 extraits)
Stefania Toczyska, mezzo-soprano – Franco Tagliavini, ténor – George Fortune, basse – Radio-Symphonie-Orchester BerlinGerd Albrecht, direction (enr. les 1er-9 février 1984)

Louis Spohr (1784-1859)


Jessonda (3 extraits)
Renate Behle, soprano – Thomas Moser, ténor – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Kurt Moll, basse – Chor der Hamburgischen StaatsoperPhilharmonisches Staatsorchester HamburgGerd Albrecht, direction (enr. les 4-8 juin 1990)

CD 8


Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)


Ridente la calma, KV 152/210a
Oiseaux, si tous les ans, KV 307/284d
Dans un bois solitaire, KV 308/295b
Das Veilchen, KV 476
An die Einsamkeit, KV 391/340b
Der Zauberer, KV 472
Als Luise die Briefe ihres ungetreuen Liebhabers verbrannte, KV 520
Un moto di gioia, KV 579
Abendempfindung, KV 523
Die Alte, KV 517


Richard Strauss (1864-1949)


Schlagende Herzen, Op. 29 No. 2
Ich wollt’ein Sträußlein binden, Op. 68 No. 2
Säusle, liebe Myrthe, Op. 68 No. 3
Befreit, Op. 39 No. 4
Meinem Kinde, Op. 37 No. 3
Waldseligkeit, Op. 49 No. 1
Schlechtes Wetter, Op. 69 No. 5
Frühlingsfeier, Op. 56 No. 5

Elena Bashkirova, piano (enr. les 12-17 janvier et 21-22 juillet 1991)

CD 9


Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)


Ich wollt’ meine Schmerzen ergössen sich all’
Glaube nicht, mein Freund, Op. 6 No. 1
Warum sind denn die Rosen so blaß?, Op. 6 No. 5
Warum?, Op. 28 No. 3
Wenn ich das gewusst hätte, Op. 47 No. 1
Die Seele schwebt langsam gen Himmel, Op. 47 No. 2
6 Romances sur des poèmes de Daniil Rathaus, Op. 73, TH 109
6 Mélodies françaises dédiées à Désirée Artôt de Padilla, Op. 65, TH 108

Aribert Reimann, piano (enr. les 21-23 septembre 1981)

CD 10


Louis Spohr (1784-1859)


6 Mélodies pour baryton, violon et piano, Op. 154
Schottlisch Lied, Op. 25 No. 2
Zigeunerlied, Op. 25 No. 5
Lied beim Rundetanz, Op. 37 No. 6
Vanitas ! Vanitatum vanitas, Op. 41 No. 6
Schlaflied, Op. 72 No. 6
An Mignon, Op. 41 No. 3
6 Mélodies pour soprano, clarinette et piano, Op. 103

Júlia Várady, soprano (Op. 103) – Hartmut Höll, piano – Dmitry Sitkovetsky, violon (Op. 154) – Hans Schöneberger, clarinette (Op. 103)
Enregistré les 3-4 avril 1984 à la Musikhochschule (Op. 154 & 25), et les 25-27 juillet 1984 (Op. 37, 41, 72 & 103) à la Herkulessaal, de Munich

Júlia Várady, soprano

Un coffret de 10 CD du label Orfeo C210086

Photo à la une : la soprano Júlia Várady – Photo : © Deutsche Grammophon

Un aperçu tout à fait intéressant…

Ce vendredi 14  janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La soie charnelle des Wesendonck Lieder de Jessye Norman en concert à Salzbourg, le 6 août 1991

05sept

Le 22 août dernier, sur son site Discophilia, Jean-Charles Hoffelé chroniquait,

sous le titre JESSYE CHEZ MOZART (MAIS SANS MOZART),

le CD Orfeo C 926 161 B,

d’un récital, à Salzbourg, le 6 août 1991, de la superbe Jessye Norman,

accompagnée au piano par le chef James Levine.

Le programme de ce récital est excellent,

mais son clou est sans conteste l’interprétation par la grande Jessye Norman

des cinq sublimes Wesendonck Lieder, de Richard Wagner.

Voici l’article :

JESSYE CHEZ MOZART (MAIS SANS MOZART)

All mein Gedanken qui ouvre ce récital salzbourgeois _ chez Mozart, donc… _ est une surprise : la grande voix essaie de s’y faire légère, mais non, même surveillée, la petite vocalise manque du piquant qu’une Hilde Güden lui donnait. Pourtant, comment ne pas entendre que les gloires du timbre, la pulpe des mots, les lignes radieuses _ oui, oui, oui _ trouvent aussi toute la lyrique de Richard Strauss ?

Le plus beau de ce concert _ oui !!! _ reste les Wesendonck-Lieder, James Levine infusant dans son piano des sortilèges maritimes qui inspirent à Jessye cette Isolde qu’elle n’osa pas.

Pour elle comme pour lui, des retrouvailles avec le Festival de Salzbourg qui les avait déjà accueillis pour une autre soirée placée sous le signe de Wolf, mais égrénant aussi quelques Debussy : c’est que Jessye ne résistait pas au plaisir de chanter en français, et cette fois, elle aura été chercher le très rare avec cinq des six mélodies de l’Opus 65 de Tchaikovski, merveille si peu courue.

Puis elle ose les charges et les fantaisies salées des Brettl-Lieder du Schönberg de cabaret, cycle qu’elle chérissait, et il faut entendre comment Levine lui accompagne cela ! Deux bis, Zueignung, radieux, puis façon ogresse, la Habanera de Carmen.

On en redemande ! _ oui.

LE DISQUE DU JOUR


Richard Strauss
(1864-1949)


All mein Gedanken, mein Herz und mein Sinn, Op. 21 No. 1
Nachtgang, Op. 29 No. 3
Du meines Herzens Krönelein, Op. 21 No. 2
Allerseelen, Op. 10 No. 8
Ständchen, Op. 17 No. 2
Zueignung, Op. 10 No. 1

Piotr Ilyitch Tchaikovsky (1840-1893)


6 Mélodies, Op. 65, TH 108 (4 extraits : Nos. 1-3, 6)


Richard Wagner (1813-1883)


5 Gedichte für eine Frauenstimme, WWV 91 “Wesendonck-Lieder”


Arnold Schönberg (1874-1951)


Brettl-Lieder


Georges Bizet (1837-1875)


L’amour est un oiseau rebelle (extrait de « Carmen, WD 31 »)

Jessye Norman, soprano
James Levine, piano


Enegistré à Salzbourg le 6 août 1991

Un album du label Orfeo C926161B

Photo à la une : la soprano Jessye Norman – Photo : © DR

 

Ce samedi 5 septembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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