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« Ce vers quoi s’élance Boutès » ; et la difficulté d’harmoniser les agendas

19nov

A propos de la présentation, hier soir, mardi 18 novembre, de son « Boutès« , paru aux Éditions Galilée le mois d’août dernier, par Pascal Quignard,

dans les salons Albert-Mollat, combles _ on s’asseyait par terre _ ;

ainsi que de la difficulté de concilier les agendas,

afin de venir « rencontrer » écrivains, artistes, philosophes ;

ce petit courrier matinal à Maïalen Lafite _ qui n’était pas disponible ce jeudi soir dernier (« mais merci de m’avoir informée et continuez à le faire !« ) :

« J’ai regretté en effet que, pour difficultés d’agendas, bien des interlocuteurs « possibles » du conférencier
n’aient pu être présents, ce soir-là _ jeudi 13 à la librairie La Machine à Lire _, dans la salle, pour dialoguer un peu sur Montaigne avec un esprit aussi délié, lumineux,
et en grande forme, que Bernard Sève

(à partir de son si pénétrant « Montaigne. Des règles pour l’esprit » _ aux PUF, en novembre 2007) :

Jean Terrel, non plus, n’avait pas pu se libérer

_ il m’a adressé gentiment un petit mot : savoir si Thomas Hobbes (« sur » lequel Jean Terrel vient de publier un plus que « très autorisé » « Hobbes _vies d’un philosophe« , aux Presses universitaires de Rennes) fut lui aussi _ tels Francis Bacon et William Shakespeare _, ou pas, un lecteur de Montaigne, me paraissant plus qu’intéressant !..

A défaut d’avoir pu écouter la conférence de Bernard Sève,

voici _ à lire _ l’article que je lui ai consacré, à cette conférence, sur mon blog

« Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »

et voici, même, le petit mot que m’a adressé, depuis, Bernard Sève lui-même :

Cher Titus,

merci de ton mail si amical.
Je voulais aussi te remercier pour ton accueil chaleureux à Bordeaux.  C’était vraiment un moment très réussi, à la fois amical et intellectuellement riche.

Je regrette un peu de n’avoir pas développé comme je l’aurais voulu mon thème
_ écriture ET pensée de Montaigne _
lors de ma conférence, mais en fait je me suis vite rendu compte que ce serait trop technique.

En gros, j’aurais voulu montrer que chaque « trait d’écriture » de Montaigne (ceux que j’ai rapidement relevés : l’exposition des conditions de production du texte, l’ajout, la copia verborum, la citation, la digression, etc.) est à la fois l’expression du désordre de l’esprit et en même temps une « poétisation » de ce désordre qui permet, en partie, de le juguler.

Je l’ai dit en général, je ne l’ai pas montré en détail (cas par cas), mais je pense que ce n’était pas le lieu.

J’ai un peu envie d’écrire une petite étude sur ce point, mais je ne veux pas non plus « systématiser » Montaigne, ce qui serait à l’opposé de son écriture et de sa sagesse.
Ravi de t’avoir revu,

etc…

Bernard

En effet, le 20 mai 2003, le recevant en les salons Albert-Mollat du 15 rue Vital-Carles, pour présenter au public bordelais, ce très beau livre, déjà, « L’Altération musicale _ ce que la musique apprend au philosophe« , paru aux Éditions du Seuil en août 2002,

la conférence s’était déroulée comme une conversation (jubilatoire, déjà) sur la musique…

Hier soir,
je suis allé écouter « le grand » Pascal Quignard dans les salons Mollat ; la salle était comble
;
et je n’avais pas encore eu le temps, au milieu d’un trop plein d’activités passionnantes
de lire son « Boutès« …

Je n’ai _ personnellement _ pas trouvé l’auteur en (très) grande forme : grippé,
il nous a lu, de sa belle voix grave, pendant vingt minutes, le premier chapitre de « Boutès« , qui ne m’a pas paru « éclatant », comme parfois, voire assez souvent, se révèle l’inspiration de Pascal Quignard…

Surtout sur une question cruciale, et qui le taraude (et « inspire »),
depuis longtemps
: lire là-dessus « Vie secrète« , en plus de « Haine de la musique » et de « La Leçon de musique » ; ainsi que, encore, « Le nom sur le bout de la langue« , et « Rhétorique spéculative« …

Sans « questionneur » (d’un peu de talent, si possible) en face de lui, au micro, à la tribune
_ Dominique Rabaté (qui vient de publier en mars dernier un très riche « Pascal Quignard _ étude de l’œuvre » aux Éditions Bordas) était pourtant présent dans la salle _,
Pascal Quignard n’eut en face de lui que des questions la plupart assez chichiteuses d’un public un peu trop acquis d’avance, et « extatique »,
à l’exception, notamment, et entre (quelques) autres, d’une dame, s’étonnant, fort justement, de l’affirmation que « Boutès » soit (ou serait ?..) le « dernier texte » de Quignard _ dixit lui-même !!! _ sur la musique…

L’auteur a alors répondu avoir « voulu dire« , par là, qu’en ce « Boutès« , il s’était un peu « écarté », par cette réflexion à nouveau « autour de » la musique, de son axe majeur de ces « années dernières »-ci : la méditation de « Dernier royaume« .

Ainsi nous a-t-il annoncé, qu’après « les Ombres errantes » (I), « Sur le jadis » (II), « Abîmes » (III), « Les Paradisiaques » (IV) et « Sordidissimes« (V), parus en 2002 et 2004,
un sixième volume de « Dernier royaume » était, maintenant même, « en chantier »,
et devrait paraître, non pas en janvier prochain, comme le lui a demandé un lecteur (de Pau : universitaire ?) très attentif à _ et averti de _ l’œuvre quignardien,
mais plus tard en cette année prochaine, 2009…

Enfin, j’ai pu échanger quelque mots avec Dominique Rabaté, qui lui non plus n’était pas disponible jeudi 13 novembre dernier _ pour venir écouter Bernard Sève sur l’écriture de Montaigne ;
participant, quant à lui, à un colloque dans la Loire, à Saint-Etienne…

Pour en revenir au « Boutès » de Quignard,
je le lirai jusqu’au bout, pour rechercher ce qu’il apporte, ou pas, de plus à sa confrontation _ toujours magnifiquement courageuse _ à la question de la musique (et à celle de la langue) ;

ainsi qu’à sa confrontation au « féminin » _ et pas au « maternel », comme il les a « distingués », à propos des « sirènes »

(ou « anges carnassiers« , comme il l’a même proféré…) ;

et très pertinemment, un auditeur l’a interrogé sur cette « distinction »…

Le mot (et concept) qui personnellement m’a « arrêté » et « retenu » en ce premier chapitre de « Boutès » lu non « ambrosiennement« , c’est-à-dire non silencieusement

(Saint Augustin racontant avoir vu Saint Ambroise lire sans qu’on entende sa voix, ni que ses lèvres bougent ; d’où l’expression « lecture ambrosienne« )

par Pascal Quignard
est celui d' »acritique« , page 17 :

« la musique de la cithare
_ d’Orphée _ fabriquée de main d’homme
fait obstacle à la puissante sidérante
_ ainsi Pascal Quignard a-t-il lui-même commenté l’étymologie de « désir » : dé-sidérant ! _ du chant animal _ féminin, chez les Sirènes, mamelues : et le détail revient à plusieurs reprises…

Ce que je traduis par chant animal, Apollonios

_ du texte duquel « part » Quignard pour méditer sur Boutès se jetant à la mer pour

(« dans les vagues noirâtres _ en grec « porphyres » _ qui se soulèvent aux abords des premiers rochers de l’île« , est-il dit page 11)

rejoindre l’île aux sirènes _,

Apollonios, donc, l’appelle voix acritique.
Voix « acritique », c’est-à-dire non séparée, indistincte, continue
« 

_ non passée au « tamis » de quelque « crible »…

Et ici encore un auditeur _ cultivé… et écrivain lui-même _ est intervenu avec beaucoup de pertinence, en proposant d’appliquer à cette « perspective » le concept de « sentiment océanique » de Sandor Ferenczi (1873-1933)…


Je poursuis la lecture :
« Aussitôt après, Apollonios ajoute l’adjectif « aigüe ».

Le chant acritique est nécessairement soprano
puisqu’il vient du monde où la vie se développe
« 

_ c’est-à-dire intra-utérin ;
avant l’expulsion qui fera de la femme (charnellement aimée par un homme, « sexué » :
le mot revient à plusieurs reprises, et sous la plume, et dans la voix de Pascal Quignard ; auteur, aussi, de « La Nuit sexuelle« )
une mère…


Et Pascal Quignard précise :

« Le monde où la vie se développe
est le monde uniquement féminin
qui ne connaît pas la mue
_ cf le récit de « Tous les matins du monde » _
comme le monde des hommes la connaît.

Voilà ce vers quoi s’élance Boutès.« 

Bien à vous,

Titus Curiosus, ce 19 novembre 2008

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