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la traversée du siècle d’un honnête homme (et beau garçon) en quelques fécondes rencontres d’artistes-créateurs en des capitales cosmopolites : le parcours de Peter Adam de Berlin à La Garde-Freinet, via Paris, Rome, New-York et Londres

02mai

Non sans quelques points communs _ nous allons le découvrir… _ avec cet immense livre qu’est « Le Lièvre de Patagonie » de Claude Lanzmann :

une autre traversée _ un peu chahutée _ du siècle en quelques judicieuses rencontres (et un chef d’œuvre cinématographique !),

voici que Peter Adam _ ou Klaus-Peter Adam, un garçon juif allemand, au départ, natif de Berlin en 1929, puis devenu citoyen britannique vers 1965, peu après le décès de sa mère, la battante et admirable Louise, le 6 mai 1965 :

cf page 214 : « j’optai à cette époque pour la nationalité anglaise.

Depuis longtemps j’essayais de me débarrasser du garçon allemand _ qu’il était de naissance : la famille (juive) de son père venait de « Chodzesin, une petite ville de Prusse orientale. Mon arrière grand-père, Jacob Adam, y était né en 1789. Depuis le XVIIIème siècle, sa famille vivait du commerce du drap de laine. Cette activité les avait menés jusqu’en Pologne et en Lituanie« , page 14 ; « du côté de ma mère, les Leppin et les Gurke _ Gurke signifiant « concombre » _, étaient d’un tout autre genre : pauvres, chrétiens, et de souche paysanne« , page 20 _

afin de n’avoir de racines que dans l’imaginaire.« 

Et il poursuit : « Il se produisit mille choses dans ma vie et je possédais une énergie et une curiosité infinies. Je laissais l’univers tourbillonner autour de moi, espérant ne pas m’y noyer

_ le titre original de ce « Mémoires à contre-vent« , traduit par l’auteur lui-même en français en 2009, était, en anglais, en 1995 (pour les Éditions Andre Deutsch, à Londres) : Not drowning, but waving _ an autobiography

Je m’acceptais tel que j’étais, je n’étais gêné ni par mes défauts, ni par mes qualités. J’essayais, comme toujours _ en effet ! _ d’être honnête avec moi-même« 

voici que Peter Adam offre au lectorat français et francophone

_ mais cet amoureux de longue date de la France

avant même d’y venir séjourner, pour la première fois, en 1950

(cf au chapitre « Alma mater, 1949-1950« , les pages 139 à 146 :

« En 1950, je partis pour la première fois à Paris. Mon ami Klaus Geitel étudiait là-bas et je décidai de lui rendre visite. A Paris, Klaus m’attendait gare du Nord avec deux amis. J’étais tellement excité que j’entendis à peine leurs noms. Le premier, Hans Werner Henze, était un compositeur allemand ; le second, Jean-Pierre Ponelle, un scénographe français«  : mais oui !..) ;

puis, une seconde fois, en 1951, au chapitre suivant, « Mes premiers pas d’intellectuel _ Paris 1950-1953«  :

« A l’automne 1951 _ ayant obtenu « une bourse d’un an du gouvernement français, ainsi qu’une inscription à la Sorbonne« , page 147 _, je débarquais à Paris pour la seconde fois«  :

« J’arrivais au bon moment. Le passé était enfin soldé ou presque. La France de la Quatrième République commençait à se moderniser.  (…) Les gens avaient l’air riche ; ils possédaient un goût inné pour la qualité et le style _ voilà _, doublé d’un sens aigu de la compétition« , page 147 ; « Alors qu’à Berlin, nous avions essayé de construire un nouveau monde, les Français jouaient au ping-pong avec leur héritage culturel, retournant les idées dans tous les sens, juste pour le plaisir. Je me sentis immédiatement chez moi, le lycée de Berlin m’ayant bien préparé à ce perpétuel désir de théoriser et de synthétiser les idées. Les bâtiments de la Sorbonne reflétaient ce même esprit libre et chaotique. Les vieux couloirs sombres fourmillaient d’étudiants bruyants et fougueux. Les murs étaient recouverts de slogans très politiques, culturels ou sexuels, combinant parfois les trois en même temps comme dans celui-ci : « Fais-toi sucer en Russie, Simone ! » », page 148

il avait fait ses études secondaires au lycée français de Berlin, dès 1940, page 58)

mais cet amoureux de longue date de la France,

donc,

y vit désormais, depuis août 1989, à demeure, cela fait vingt-et-un ans

(depuis sa retraite de reporter et réalisateur de la BBC, en août 1989 : car c’est là, à la BBC, que se déroula, en effet, sa « principale«  carrière, du 4 avril 1968, à la cérémonie de départ de sa retraite, en août 1989) :

en son « cabanon«  du Mazet, à La Garde-Freinet, dans les Maures, et non loin de Saint-Tropez

_ Facundo Bo et Peter Adam découvrirent, en effet, cette thébaïde « un matin de 1970«  :

« un petit vallon où des moutons broutaient près des oliviers.

C’était l’endroit dont nous _ Facundo & Peter _ rêvions _ 12 000 mètres carrés isolés du monde et un petit cabanon. Nous l’achetâmes aussitôt.

La Garde-Freinet allait devenir notre port d’attache pour les quarante années à venir« , page 275 _

mais cet amoureux de longue date de la France y vit désormais à demeure,

avec son compagnon Facundo Bo : compagnon depuis leur coup de foudre lors d’un « dîner snob« , en 1968, à Paris ;

cf page 236 : « Durant la réalisation de ce documentaire _ pour la BBC : La maison Christian Dior, en 1968, donc _,

j’eus l’occasion, un soir, d’être invité à un de ces dîners snobs dont les Français raffolent. J’étais assis en face d’un jeune acteur argentin au physique extraordinaire, au type légèrement indien. Comme d’habitude, je parlais beaucoup, faisant de mon mieux pour impressionner. J’avais appris l’art de l’autodéfense et ajouté du cynisme à mon scepticisme naturel. Intrigué par les yeux inquisiteurs de ce garçon, je parlais des souffrances au Biafra _ dont Peter revenait d’y réaliser un reportage particulièrement périlleux (et tragique !) : il en fait le récit aux pages 227 à 232 _, mais également du grand bal de l’Opéra de Paris _ le Bal des petits lits blancs _ auquel j’avais assisté la veille. Je révélais ainsi l’un de mes nombreux paradoxes dont je n’étais pas très fier.

Facundo _ c’était le prénom de ce garçon très beau et gêné _ ne prononça pas un seul mot de la soirée. A la fin, au moment de partir, je lui glissai mon adresse à Londres.

Trois semaines plus tard, je reçus une lettre : « Cher Peter, détruisez cette lettre, je n’ai jamais écrit une telle lettre à personne, mais pendant ces trois dernières semaines, je n’ai pas arrêté de penser à vous et je voulais simplement vous le dire. Je vous prie de m’excuser ». La lettre était signée Facundo Bo.

Trois heures plus tard, je m’envolai pour Paris« 

« Je crois au coup de foudre _ poursuit-il aussitôt, toujours page 236, en commentaire rétrospectif. Pendant les quarante-deux ans à venir _ de 1968, leur rencontre, jusqu’en 2010, où paraissent ces « Mémoires » en traduction française _, Facundo serait la source de beaucoup de mes joies et de mes chagrins _ la maladie de Parkinson de Facundo déclarée « à l’âge de quarante ans« , « l’empêchant petit à petit _ lui acteur brillant de la troupe de théâtre TSE, d’Alfredo Arias _ de monter sur scène« , découvre-t-on, à un coin de page, page 412 ;

cf aussi, le jour de son départ de Londres pour gagner la France, page 440 : « Je ne savais pas alors combien ma nouvelle vie à Paris _ et au Mazet, à La Garde-Freinet _ allait m’apporter de joie d’amour solide et de douleur aussi, liée à la fragilité croissante _ parkinsonienne ! _ de Facundo. Mais jamais je n’ai regretté ma décision«  _ de venir vivre définitivement en France : avec Facundo Personne ne m’a jamais été aussi proche ; et je pense _ écrit-il maintenant en 2009-2010 _ que personne ne le sera jamais. Facundo devint le centre absolu de ma vie«  _ voilà !..  _

voici que Peter Adam offre au lectorat français et francophone une somptueuse traduction en français, cette année 2010, du récit autobiographique _ publié en 1995 à Londres sous le titre de Not drowning but waving _ an autobiography _ de sa traversée _ Berlin, Paris, Rome, New-York, Londres, La Garde-Freinet _ du siècle,

tout à la fois en beau garçon _ ce peut être un atout ; du moins pour commencer, en se faisant « remarquer«  ; car à la longue n’être que le « petit ami de« … s’avère un peu court pour poursuivre et s’établir au moins un peu…

et en honnête homme

et artiste _ filmeur du monde et de la création artistique : ce sera là sa « vocation«  _ probe _ absolument ! et sans compromission aucune :

certains de ses très proches et meilleurs amis se suicideront face à la « détérioration«  (Peter Adam emploie le mot « dégradation« , page 410, en son chapitre « Inventaire« …) de ce monde :

le magnifique « grand reporter«  James Mossman (celui-là même qui l’avait fait engager à la BBC : c’était le 4 avril 1968), le 5 avril 1971 ;

le peintre Keith Vaughan, le 4 novembre 1977… ;

mais encore, page 427 :

« Au travail, le suicide mon collègue Julian Jebb s’ajouta à la longue liste de mes collègues disparus, dont l’esprit toujours en éveil _ pourtant ! _, n’avait pas été capable d’arrêter la course à l’autodestruction _ voilà _ : les grands reporters James Mossman, Robert Vas et Ken Sheppard. Le garçon qui s’occupait de la maison de Tony Richardson à La Garde-Freinet, tua d’abord sa petite amie avant de se donner la mort. La boisson et la solitude durant les longs mois d’hiver au Nid du Duc _ le hameau de la colonie Richardson, l’auteur du film Tom Jones, à La Garde-Freinet _ l’avaient poussé à cet acte terrible, disait-on. La fille de Lawrence Durell, Sappho, se pendit« … Bref, « la mort continuait à jalonner ma route« , remarque Peter, page 427…

« Dans les années quatre-vingt, mon histoire d’amour avec la Grande-Bretagne touchait _ ainsi _ à sa fin. Mme Thatcher n’avait pas encore engagé _ profondément, pas encore _ sa politique absurde et désastreuse _ humainement : Peter Adam ne mâche pas ses mots ! _, mais un nouveau climat social se faisait _ déjà _ sentir, sapant _ durement _ les qualités de ce pays que j’avais tant apprécié. L’Angleterre, comme beaucoup de pays d’ailleurs, entraînée par son désir insatiable et impétueux de richesses, prônait _ maintenant _ l’arrivisme, la ruse, l’avidité comme qualités essentielles. Les inégalités flagrantes, la cruauté des riches, la complaisance des gens au pouvoir et la corruption _ lire ici Paul Krugman… _ devenaient monnaie courante. Je regardais les yuppies, interchangeables avec leurs chemises à rayures, leurs bretelles rouges, leurs manteaux à épaules marquées, leurs BMW, leur arrogance, leurs femmes à sac à mains à chaînes dorées _ on ne disait pas encore le bling-bling… J’observais la nouvelle génération, son appétit féroce, sa frénésie de consommation, son égoïsme impitoyable _ voilà _, et la comparais à ma propre génération qui avait l’espoir chevillé au corps que la vérité et la beauté _ voilà _ finiraient par l’emporter sur les mensonges et la laideur du monde _ quelle belle actualité ! toujours…

Bien sûr cette dégradation _ voilà _ ne se produisit pas en un jour. Ce n’était que le début d’un profond et triste changement qui, hélas, se propageait _ bientôt _ partout«  _ de par notre monde commun, pages 409-410…  _,

voici _ je reprends l’élan de ma phrase _  que Peter Adam offre au lectorat français et francophone une somptueuse traduction en français, cette année 2010, du récit autobiographique _ paru en anglais en 1995, lui _ de la traversée de son siècle :

tout à la fois en beau garçon

et en honnête homme et artiste probe

soucieux de la justesse…

en beau garçon, d’abord _ et le livre est généreusement (et judicieusement) agrémenté de photos de nombreuses personnes rencontrées et narrées _ :

via ses rencontres sexuelles (avant l’amour vrai de Facundo Bo, en 1968, donc : Peter aura alors trente-huit ans _ mais tout cela fort discrètement, et sans le moindre exhibitionnisme, ni a fortiori sensationnalisme ! très loin de là ! Peter Adam a beaucoup de délicatesse et pudeur…) et amicales, plus encore (dont certaines féminines : Hester Chapman et Prunella Clough, à Londres),

celles-ci _ « rencontres« , donc _ vont lui ouvrir bien des portes, bien des « clans«  (ou « réseaux » d’amis :

par exemple, pages 201-202, en débarquant de New-York à Londres,

ce passage-ci, clé ! :

« Parmi les quelques adresses que j’avais _ à Londres, donc, en 1958 _, aucune ne fut plus précieuse et appréciée que celle d’un ami d’Edward Albee _ merci à lui de cette « adresse«  ! de ce « contact«  décisif… _, Patrick Woodcock.

Patrick était le médecin du Gotha artistique londonien _ rien moins ! _ : de Noël Coward à Marlene Dietrich, de Peggy Ashcroft à David Hockney, de Peter Brook à Christopher Isherwood. (…)

Comme à Paris, Rome et New-York _ c’est un point décisif du parcours (et la vie !) de Peter ! _, j’ai eu la chance _ encore faut-il apprendre et à la saisir et plus encore à la cultiver ! et ne pas trop, non plus, la gâcher… _, d’être adopté _ apprécié par, aimé de _ par un clan _ voilà _

pour lequel j’étais _ du moins tout d’abord, au départ :

cela se dissipant cependant assez vite (cf la conclusion plus négative, en 1955, de l’épisode romain et sa « clique« , page 184 : je vais le préciser par le détail un peu plus loin)… _

un objet de curiosité : « Allemand, Juif, non émigré et sorti de l’Allemagne indemne. « How intersting« , disait-on » _ pour commencer, donc ; ici, c’était en 1958, Peter a vingt-neuf ans 

il est aussi très « beau garçon«  (cf les photos généreusement données du livre) ; et éminemment sympathique, plus encore : il a du charisme…

« Patrick était absolument convaincu qu’il était le mieux placé pour tout organiser _ sic _ et décida de me prendre sous son aile _ cela peut effectivement aider… Il m’ouvrit les portes _ voilà ! _ de la vie culturelle _ artistique _ londonienne qui comptait un nombre impressionnant de talents. Tous ses amis « baignaient » _ en effet _ dans l’art, faisaient de la critique de livres ou allaient s’applaudir les uns les autres sur la scène ou à l’écran.« 

Aussi

« la plupart de mes _ nouveaux _ amis _ vrais _ venaient _ -ils _ de son « écurie ».


Avec nombre d’entre eux j’entretenais
_ très bientôt, vite, aussitôt, déjà : c’est un talent ! _ une amitié _ et c’est là l’élément majeur (et de fond !) pour Peter ! _

qui allait s’approfondir _ voilà ! _ au fil des ans : une preuve de leur endurance _ à me supporter, souffrir, et accepter (et aimer)… _ et d’une certaine fidélité _ toujours de la modestie, avec les euphémisations : c’est là une vertu ; Peter n’a pas que des défauts… _ de ma part.

Pour quelqu’un qui vit seul _ pas « en couple« , donc : Peter assume son « célibat« … _,

les amis sont essentiels _ voilà.

Ils m’aidèrent à surmonter _ et durablement, pas à court terme : la dimension temporelle est capitale en ces affaires (existentielles) affectives ! _ mon sentiment _ endémique _ de déracinement _ qui comporte, aussi, il est vrai, l’avantage (non recherché !) du « décalement« , si crucial (pour la vie !), du regard… _,

car je portais en moi _ pour jamais _ des séquelles _ indélébiles, donc _ de mon enfance solitaire _ depuis, au moins, à l’âge de onze ans, le lycée (français, à Berlin, et puis à Züllichau, en Silésie) pour un enfant Juif (bien que ne portant pas l’étoile jaune, Louise, sa mère, étant « aryenne« …) en Allemagne nazie… _ et la nostalgie de mon adolescence _ à la Libération joyeuse, en même temps que pauvre, à partir de 1946… :

un passage assurément important de ce livre, pages 201-202, donc, comme on constate !..)

en beau garçon, d’abord,

via ses rencontres sexuelles et _ surtout, plus encore ! _ amicales

_ je reprends et poursuis maintenant ma phrase _,

celles-ci lui ouvrant bien des portes, bien des « clans » (ou « réseaux » d’amis) :

d’artistes, de créateurs, surtout ! _ c’est là l’élément majeur ! _, dans les diverses capitales que Klaus-Peter (bientôt Peter), va traverser :

Paris,

Rome : Peter devient le compagnon pour un temps, en 1955, d’Enrico Medioli, ami et collaborateur bientôt de Luchino Visconti ;

je m’y attarde un peu, maintenant (j’aime Rome !) :

« Je me rendais souvent à Rome. J’y découvrais un passé splendide. Alors que Paris représentait pour moi l’élégance et le raffinement _ voilà _ international, Rome incarnait _ oui : charnellement _ une grande civilisation ; même le chaos et la pauvreté des rues _ certes _ étaient parés _ oui _ d’une dignité intemporelle _ comme c’est juste ! Tout avait _ le baroque (même borrominien !) est ici mesuré ! sans morbidité : à la Bernin, plutôt… _ des proportions parfaites : les façades ocres baignées par la lumière de l’après-midi _ cf ici les descriptions si justes de mon amie Elisabetta Rasy en son magnifique « Entre nous » ; cf mon article sur son récit autobiographique suivant (« L’Obscure ennemie« ), toujours à Rome : « Les mots pour dire la vérité de l’intimité dévastée lors du cancer mortel de sa mère : la délicatesse (et élégance sobre) parfaite de “L’Obscure ennemie” d’Elisabetta Rasy« _, les toits avec leurs jardins suspendus, les terrasses des gens riches : tout semblait exprimer la sensualité, la douceur de vivre et le bien-être«  _ on ne saurait mieux dire !, page 181 ;

« Pendant l’un de mes nombreux voyages à Rome, j’avais rencontré Enrico Medioli. Enrico était un ami de Luchino Visconti et allait devenir bientôt l’un de ses plus proches collaborateurs. Avec Suso Cecchi d’Amico, il fut le scénariste de Rocco et ses frères, Sandra, Les Damnés, L’Innocent et Violence et passion.

Enrico incarnait pour moi la perfection : il était blond, aristocrate dans son comportement comme dans son style, grand, élégant, mondain, cultivé et possédait un humour caustique. Il était issu d’une grande famille de Parme et avait souffert de la tuberculose, ce qui ne fit qu’accroître à mes yeux son aura romantique. Il conduisait des voitures de sport et vivait dans un appartement avec terrasse qui surplombait les toits de la cité éternelle.

Il connaissait toutes les personnes qui valaient la peine _ voilà _ d’être connues à Rome.

Autour d’Enrico gravitait la jeunesse dorée. La plupart travaillaient dans le cinéma«  _ soit un medium en pointe :

voilà deux éléments importants dans la « formation«  du jeune Klaus-Peter (qui a alors à peine vingt-cinq ans), on va s’en rendre peu à peu mieux compte… ;

avant d’être plaqué (un peu abruptement !) par Enrico à Cortina d’Ampezzo :

« Enrico avait une énergie contagieuse. Nous allions jusqu’à la plage de Fregene si souvent filmée par Fellini _ dans Huit-et-demi, ou Juliette des esprits, par exemple _, pour déjeuner dans des restaurants que seuls les Romains connaissaient, ou nous dînions dans les établissements huppés de la via Appia. Enrico, qui qualifiait ces endroits de piccole trattorie, molto semplice, était salué par la moitié des clients. Nous prenions l’apéritif chez Bricktop’s et la granita di limone chez Rosati’s _ Piazza del Popolo….

Au fil des mois, l’usure _ cependant _ se fit sentir dans notre couple _ un mot qui sera rarement employé par l’auteur, en ces 443 pages, notons-le au passage. La clique romaine perdait _ pour Klaus-Peter _ son charme _ surtout vaporeux _, comme moi je perdais le mien à leurs yeux _ au pluriel… Je roulai dix-huit heures en voiture de Naples à Cortina d’Ampezzo, où Enrico possédait un chalet, pour apprendre qu’il pouvait juste m’accorder un dîner.

Je compris le message« , page 184…

Avec ce commentaire-ci : « Je revis Enrico quelques années plus tard à Londres où il montait _ comme Luchino Visconti ; ou comme Franco Zeffirelli : les metteurs en scène italiens s’enchantent à mettre leur talent à la disposition de l’opéra _ sa version de La Somnambula à Covent Garden. »

« Comme on perd facilement _ pas seulement de vue ! _ les gens dans la vie ! Pendant un moment, on les voit tout le temps, trois fois par semaine, on les appelle au milieu de la nuit, et puis tout à coup, ils disparaissent. Heureusement j’ai gardé beaucoup de mes relations _ voilà le terme approprié. Plus tard, j’ai eu la chance de revoir certains d’entre eux comme Luchino Visconti, Alberto Moravia, Maria Callas, Giuseppe Pattroni Griffi et Mauro Bolognini, Lila Di Nobili, Franco Zeffirelli et Giorgio Strehler. Cette fois-ci _ nouvelle _ c’était à titre professionnel _ pour des reportages filmés par Peter pour la BBC : entre 1968 et 1989 _ et quelques uns sont même devenus _ à des degrés divers : mais un palier important étant tout de même franchi ! _ des amis.« 

« Comme toujours, je désirais davantage _ relationnellement ; Klaus-Peter se remémore ici sa situation (notamment) affective en 1955 _

et voulais faire de nouvelles découvertes.

Il était temps de passer à autre chose« , pages 184-185 : un passage très important, mine de rien, que ce séjour italo-romain de Klaus-Peter, en 1955… 

mais surtout New-York :

cf le chapitre « America here I come _ 1956-1957« , pages 187 à 211 : venant aux États-Unis surtout pour y améliorer son anglais, Peter y fait la connaissance d’Edward Albee _ « un jeune auteur dramatique« _ et Richard Barr _ »un producteur de théâtre renommé« _, page 193. « Edward et Richard me firent rencontrer _ un terme important ! _ John et Tamara Ennery » _ lui avait été le mari de Tallulah Bankhead ; elle, née Tamara Gergeyeva, avait été l’épouse de Georges Balanchine, au temps des ballets russes de Serge Diaghilev : page 195.

Et enfin Londres, donc :

où Klaus-Peter _ devenu désormais définitivement Peter _ va s’installer, en 1958,

et, non sans difficultés et péripéties, trouver

et un travail qui soit et durable _ enfin : au bout de dix ans cependant ; Peter a commencé par faire ses gammes cinématographiques avec des films publicitaires _ et satisfaisant pour lui _ ce sera à la BBC, en 1968 ;

et pour vingt-deux ans, de 1968 à 1989, à l’âge de sa retraite professionnelle… _,

et _ plus encore ! _ sa vocation de créateur et artiste _ le principal pour lui ! mais il n’en a probablement pas encore vraiment conscience alors… _ :

cf le merveilleux compliment que lui fera Luchino Visconti, en remerciement du documentaire de Peter sur le tournage de Mort à Venise, en 1970 :

« Seul un artiste peut en voir _ = voir vraiment ! : cf le concept d’« acte esthétique » de Baldine Saint-Girons… _ un autre, merci. Amitié, Luchino« , en dédicace à « un très beau livre : Vecchie Immagine di Venezia, vieilles photographies de Venise«  ;

« Il y avait aussi une photo dédicacée : « Pour ta Mort à Venise sur ma Mort à Venise. »

De toute ma carrière _ d’homme d’images filmées _ aucun compliment ne m’a fait un tel plaisir« , page 267 _ :

je veux dire sa « vocation » _ émergeant peu à peu : suite à diverses rencontres, non programmées : par conjonctions de hasard _ de réalisateur de films et reportages culturels, ou plutôt : artistiques (et sur _ à propos… _ d’autres créateurs-artistes, en fait) à la BBC…

voici _ donc : je reprends une fois encore l’élan de ma phrase _

que Peter Adam offre au lectorat français et francophone

une somptueuse traversée de son siècle _ pas facile pour un garçon juif berlinois ! né en 1929 ! _,

tout à la fois en beau garçon

et en honnête homme

et artiste probe absolument et sans compromission soucieux de la justesse…

J’y viens maintenant…

Ce très grand livre qu’est Mémoires à contre-vent, est construit en trois grandes parties,

autour de la « formation » d’un homme

(et un artiste : Klaus-Peter Adam, devenu par son passage aux États-Unis, en 1956-1957, puis sa vie en Angleterre, de 1958 à 1989 ; et sa naturalisation anglaise, en 1965 : cf page 214, « un sujet de Sa Majesté » ! ; devenu « Peter Adam« , maintenant)

représentatif surtout d’une génération (d’Européens),

ainsi que l’auteur présente cet « essai » d’autobiographie d’abord tout à la fin, pages 438 à 440, de son dernier chapitre, « Le temps des moissons _ 1987-1989« , pour l’édition anglaise, parue en 1995 :

« J’avais l’impression d’avoir vécu plusieurs vies, adopté plusieurs cultures, rêvé et parlé dans plusieurs langues. En même temps j’étais de nulle part, un étranger partout. C’était ce qui me convenait le mieux.

Mon pays natal était un pays imaginaire, fabriqué à partir de souvenirs et d’amis.

Je songeais alors à écrire un livre sur mon enfance et à raconter l’histoire de ce garçon allemand au sang juif qui avait survécu au nazisme.
(…)

Je ne voulais certainement pas me construire une postérité

_ « d’encre et de papier«  : à côté de celle, familiale, de ses neveux, les fils de sa bien aimée sœur jumelle, Renate ;

ou du neveu de Facundo : Marcial di Fonzo Bo, un comédien de grande qualité (auquel, ainsi qu’à Facundo, est dédiée, remarquons-le aussi, cette version française de son autobiographie, Mémoires à contre-vent, page 7).

Je voulais transmettre

non pas mon histoire personnelle,

mais celle de toute une génération _ voilà ! _ marquée par l’Histoire en pleine mutation.

Il y avait eu beaucoup de récits _ écrits et publiés _ sur les bourreaux et les victimes, mais très peu sur la vie quotidienne de gens ordinaires, pris dans le tourbillon de l’Histoire.

Je souhaitais parler des horreurs de la normalité, de cette « banalité du mal »
_ selon l’expression de Hannah Arendt :

de fait les chapitres « allemands«  (1 à 3 : pages 13 à 88), à Berlin, puis au lycée français mis « à l’abri à la campagne« , en 1943, « à Züllichau, une petite ville de Silésie«  (page 86) ;

et les chapitres « autrichiens« , après que Klaus-Peter, expulsé pour judéité du lycée, début 1944, a rejoint les siens, qui s’étaient réfugiés déjà bien loin de Berlin, « à Tressdorf, dans une vallée perdue de la Carinthie«  (page 86, aussi ;

le premier chapitre « autrichien«  (le chapitre 4 : pages 89 à 104) est joliment intitulé « Intermède pastoral _ 1944-1945« … ;

et le suivant (pages 105 à 116 : « Après-guerre et nouveau départ _ 1945-1946« ) raconte ce qui suit la fin de la guerre et le retour, difficile à Berlin ; jusqu’à ce que le narrateur nomme, au bas de la page 116, « le début de l’après guerre« ) ;

sont des chapitres magnifiques de ces « Mémoires à contre-vent«  sur les conditions de survie des gens ordinaires sous le nazisme… _ ;

Je souhaitais _ donc, je reprends la phrase de Peter Adam… _ parler des horreurs de la normalité, de cette « banalité du mal » 

et montrer que, malgré tout, le bonheur pouvait survivre _ par résilience, ainsi que Boris Cyrulnik nomme ce processus… _ dans l’épreuve.

Peut-être y avait-il tout de même quelque chose dans cette vie et cette carrière en dents de scie _ voilà : je vais m’y pencher un peu… _ qui méritait d’être préservé » _ et transmis : pages 438-439…

D’autant que

« écrire mes mémoires se révéla _ à l’auteur que va devenir (et se découvrir : par là même !) aussi Peter Adam, à partir de 1990, par ce livre improbable et « ouvert«  de « retour«  sur sa vie… _ passionnant. Cela devenait mon jardin secret, des moments d’évasion _ créatrice ! _ dans un monde de contraintes. (…)

Ma curiosité _ d’analyse, maintenant, comme en actes : par les émissions à concevoir et à réaliser pour la télévision ! entre 1968 et 1989 _ m’avait amené plus loin dans la vie que je ne le pensais _ tout d’abord ; au départ…

La plupart des rencontres ont lieu par hasard. Ce que le désir, les intrigues et la détermination en font _ ensuite : tout un travail et une œuvre ! _ me paraissait plus intéressant que la rencontre elle-même _ advenue, survenue. Il y avait bien évidemment eu des expériences décisives, mais souvent je n’en avais pris conscience qu’après coup. Tout était lié _ ce fut sans doute la découverte la plus surprenante que je fis en écrivant« , page 439 ;

en ce même esprit, Peter a rapporté, page 411, ce mot, « une fois« , de son ami Bruce Chatwin (cf le récit de leur amitié de onze ans, de 1978 au décès de Bruce, le 18 janvier 1989 : aux pages 379 à 384 ; « Ce n’était pas facile d’être ami avec Bruce. Il menait plusieurs vies à la fois et ne permettait pas qu’elles se mélangent ou s’entrecroisent. En société, il était très réservé sur sa vie privée et ne laissait jamais transparaître ses sentiments« , page 380)


Bruce citant Le Portrait de Dorian Gray d’
Oscar Wilde : « Il s’efforçait de rassembler _ lui ; et non sans difficultés dues à tant et tant de hasards d’abord, et à son corps défendant, surtout, subis _ les fils écarlates de sa vie et d’en tisser un dessin«  : unifié, donc, où « tout« , finissant comme par « émerger«  du désordre ou chaos même, vécu par surprise en premier,
vient apparaître en quelque sorte enfin « lié«  et « en place« , « en ordre« , ou presque…

Telle, aussi, une image en un tapis…

Pages 410-411, Peter Adam a aussi écrit, à propos de sa « découverte » de l’écriture :

« Je n’avais jamais écrit de livre _ écrire des scénarios ou des articles _ utilitaires _ n’était pas la même chose _, mais je découvris  rapidement quel plaisir c’était. Rien dans ma vie professionnelle ne m’avait autant stimulé que la relation intime entre l’auteur et sa page, quand tout à coup des mots et des phrases émergent de nulle part«  : c’est la plus stricte vérité !.. Quelle jouissance ainsi rencontrée !

Et un peu différemment, encore,

en l' »épilogue » de 2o09-2010 _ rajouté pour cette « traduction« -« adaptation » française d’un livre qui avait été rédigé presque vingt ans plus tôt : entre 1990 et 1995 ; au moment de sa retraite (de son travail de « documentariste » à la BBC, en 1989) _ :


« En racontant ma vie une fois de plus en une autre langue _ en français, après l’anglais, cette fois _, je me suis découvert une perception du monde qui altérait _ et enrichissait _ la vision _ première _ que j’en avais vingt ans plus tôt _ en 1990. Certains événements n’avaient plus l’importance que je leur accordais en 1995 _ ou en 1989 ou 90… Des amitiés et des rencontres que je croyais emblématiques s’étaient fondues _ depuis lors _ dans l’ombre du temps.

Ainsi raccourci  _ ah! bon ! _ et réédité, Mémoires à contre-vent est un livre nouveau et très différent _ pour Peter le premier _ de Not Drowning, bur Waving.

Notre société et l’ordre du monde _ et nos regards (selon d’autres focalisations : neuves, plus perspicaces : c’est le gain du mûrir…) qui s’ensuivent… _ se sont profondément modifiés durant les vingt dernières années. Des systèmes totalitaires se sont écroulés, mais les droits de l’homme sont _ plus encore _ une vue _ seulement _ de l’esprit. Nous sommes encore bien loin du paradis terrestre où nous pourrions vivre en parfaite liberté, sans conventions hypocrites et libres de tout conformisme _ comme Peter l’a (ou l’avait) longtemps espéré…

Dieu nous est revenu _ de sa mort ! _ à travers deux conceptions qui sont une menace pour notre liberté : le fanatisme dérivé de l’islam et le zèle religieux d’une Amérique conservatrice _ jolie nuance… Dans certaines parties du monde, les bâtiments détruisent _ oui _ le paysage. Ailleurs, la terre _ livrée aux guerres de l’eau _ meurt de soif ; et les famines dues à la sécheresse chassent des populations entières _ émigrant _ de leur pays. Ils mettent leur vie en danger _ de se noyer _ pour traverser les mers à la recherche d’une existence meilleure dans un monde qui les rejette. Utopie mortifère _ combien !

Nous sommes tourmentés de toutes parts : la bêtise du pouvoir, l’imposture des politiques, les démocraties branlantes, la tyrannie des statistiques _ oui, oui, oui, oui ! _, l’omnipotence de la science _ et de ses expertises stipendiées _, l’absence _ veule _ de spiritualité, la fascination _ si niaise ! _ pour les people, cette triste pathologie de la vie moderne fondée sur la culture _ infantilisée _ du _ miséreux _ narcissisme.

Le superficiel règne en maître _ voilà ! Dans un monde obsédé par l’argent, il reste fort peu de place pour la métaphysique _ ou la poésie et le poétique… L’ennui général, très bien repéré par Hannah Arendt et Simone de Beauvoir, est devenu la condition humaine _ quasi générale sur la planète. Voilà pourquoi les gens ont désormais besoin d’être constamment _ et en pure perte _ divertis _ par l’entertainment (régnant à la télévision : même à la BBC ?..).

Il est devenu indispensable d’être joignable partout, à tout moment ; et cela se traduit par des heures de communication stériles _ c’est aimable _ via Internet ou les textos _ quelle sordide dérision !


La langue se banalise, le vocabulaire s’appauvrit ; nous sommes bombardés d’informations
_ et clichés _ ; mais le véritable échange d’idées _ condition de la vraie démocratie, pourtant _ est devenu bien rare. Les rapports épistolaires qui permettaient d’exprimer _ en la « formant«  vraiment _ la profondeur d’une pensée ou d’un sentiment _ plutôt que l’impact brut d’émotions _, ce magnifique plaisir _ certes _ de l’écriture, tombe en désuétude.


Trop de choses se ruent vers l’abîme
_ du nihilisme _ ; et je ne m’en console pas« , page 442…

A contrario, toutefois,

les « artistes » que Peter Adam a « eu le privilège de filmer » (et bien d’autres encore, aussi) « sont la preuve _ vive, vivante ! _ que l’humanité est encore et sera toujours capable de résister _ voilà ! _ à la conspiration _ grégaire _ de la médiocrité«  _ et de ses « statistiques«  ! pages 442-443.

Car « l’art nous donne accès _ en finesse et délicatesse _ à la richesse du monde dans ses dimensions _ qualitatives _ les plus complexes _ et diaprées : jusqu’au sublime…

La vie sans art n’est qu’une source _ minimalement _ tarie.

Seul le travail de l’esprit _ voilà _ peut nous offrir une existence plus vaste _ et libre en l’amplitude de ses mouvements _ que notre bref intermède biologique« , page 443 : bravissimo, M. Peter Adam !!!

La première partie du livre _ soient les chapitre 1 à 6, de la page 13 à la page 134 _ restitue le « terreau » de la génération de ceux qui ont été enfants sous le nazisme _ même si c’est non sans résistance critique dans le cas de la famille Adam, et de la mère, Louise, devenue veuve en 1935.

La seconde partie _ soient les chapitres 7 à 12, de la page 135 à la page 219 _ présente la période d’errances _ avec assez peu de boussoles _ cosmopolites (Paris, Rome, New-York, Londres) et les difficultés _ d’orientation _ de Klaus-Peter, puis Peter, avant de réussir à trouver le « dispositif » professionnel qui lui permettra de devenir véritablement lui-même ; et d’accomplir (en œuvres ! de partages) une « vocation« …

La troisième partie _ soient les chapitres 13 à 33 + l’« épilogue«  ajouté à la version française de la page 221 à la page 443 _ décrit l’éclosion (assez rapide : le chapitre 13 : « Témoin : Berlin, Biafra« , en 1968 et 69) et la maturation-maturité _ sereine _ de l’artiste-témoin :

et de son temps,

et des démarches de création des artistes ses contemporains (et souvent amis, vraiment !),

que sut devenir Peter Adam ;

avant de passer, in fine, à l’écriture _ puis la réécriture ! maintenant… _ du « témoignage » de son propre œuvrer…

Car très vite, dès 1969, « on avait demandé à James Mossman de reprendre la rédaction d’un magazine culturel hebdomadaire, Review, l’émission d’art la plus réputée de la BBC. (…) C’était l’occasion de rendre l’art accessible au plus grand nombre. Serait-il _ Jim _ capable de briser cette notion élitiste du bon goût qui dominait encore les reportages culturels de la BBC sans tomber dans le piège de la vulgarisation ou des généralisations _ tout Art est initiation à la singularité ! _ simplistes ?

Jim finit par accepter ce poste de rédacteur en chef, à condition que je l’accompagne dans cette aventure. Ce ne fut pas un choix facile, car j’aimais beaucoup les actualités. Je postulai donc pour ce nouveau travail, et fus embauché comme rédacteur en chef de cette émission artistique hebdomadaire.

Je venais de tourner une nouvelle page ; et un autre chapitre de ma vie commençait. J’avais quarante ans« , page 241.

Vont suivre vingt ans (1969-1989) de réalisations de films pour faire connaître _ en donnant à ressentir _ (par la BBC) le sens des créations artistiques modernes et contemporaines _ avec témoignages (= interviews ouvertes…) des créateurs, si possible, et documents audio et visuels à l’appui.

Ainsi _ parmi les projets entrepris et parfois avortés en chemin, ou effectivement réalisés et passés à l’antenne _ :

des émissions sur André Malraux (pages 243 à 245), Rudolf Noureev (245 à 248)

_ avec aussi, un reportage sur « Cuba : Art et révolution _ onze ans après » (249 à 257) _,

« Visconti au travail » pour Mort à Venise (259 à 267), Vladimir Nabokov (269 à 270), Andy Warhol (270 à 273), Doris Lessing (279 à 280), l’hommage, suite à sa mort par suicide, à James Mossman _ « J’intitulai l’émission To be a witness (« Être un témoin« )… _ (280 à 282), Borges (283 à 287)

_ avec, alors, la double décision, page 287, « de rester au département des Arts ; et de me consacrer à des films plus longs«  : c’est-à-dire moins courts ! afin de mieux rendre compte de ce qu’est la créativité singulière d’un artiste…

Hans Werner Henze (289 à 292), Man Ray (292 à 295), « Rêves royaux : Visconti et Louis II de Bavière« , à propos du tournage de Ludwig, le crépuscule des dieux (295 à 298)

_ avec, alors, une série de six émissions, « Eux et nous« , « sur l’art et la culture au sein des six pays fondateurs de la Communauté européenne » (pages 301 à 311) ; ainsi qu’une émission hebdomadaire consacrée au théâtre dans toute l’Europe (313 à 319) _,

« L’Esprit du lieu: la Grèce de Lawrence Durrell » (321 à  325)

_ la publication, en 1987, d’un livre de Peter Adam, « Eileen Gray, a biography » (paru aussi en traduction française, aux Éditions Adam Biro), consacré à son amie « la grande designer Eileen Gray«  qui vécut de 1878 à 1976 (327 à 333) _,

le « nouveau cinéma allemand » de Volker Schlöndorff, Wim Wenders, Werner Herzog, Hans Jürgen Syberberg et Rainer Werner Fassbinder (335 à 340), Jeanne Moreau (340 à 345), « Alexandrie revisitée : l’Égypte de Durrell » (347 à 351), Lillian Hellman et Lotte Lenya (353 à 367), « Diaghilev : une vision personnelle » (369 à 375), Edward Albee, « Un auteur dramatique face au théâtre » (385 à 388), David Hockney (388 à 394), une série consacrée aux « Maîtres de la photographie« , dont André Kertész, Alfred Eisenstaedt, Bill Brandt et Jacques-Henri Lartigue (395 à 407), « Richard Strauss « ressuscité » » (415 à 423) ; une dernière série (de 100 heures) consacrée à « L’Architecture au carrefour« , avec une trentaine d’architecte interviewés, dont I. M. Pei, Richard Rogers, Richard Meier, Norman Foster, Jean Nouvel et Arata Isozaki (page 425), « Gershwin « ressuscité » » (page 133), Buñuel (pages 433 à 434) ; et, pour finir, deux émissions d’une heure consacrées à « l’Art du troisième Reich » (435 à 438)…

Ces Mémoires à contre-vent (aux Éditions de La Différence) : un travail magnifique d’humaniste libre et exigeant !

« Passeur » de la poiesis des artistes ses contemporains les plus authentiques

par l’image filmique de la plus grande qualité ! dans le plus scrupuleux souci de l’intelligence du sens !

Bravo !

Titus Curiosus, ce 2 mai 2010

 

Où va la fragile « non-inhumanité » des humains ? Lumineux déchiffrage du « mérite » tel qu’il se dit aujourd’hui, par Yves Michaud le 13 octobre dans les salons Albert-Mollat

16oct

Lumineuse présentation (écoutable et podcastable grâce à ce lien)

de son « Qu’est-ce que le mérite ? » (aux Éditions François Bourin)

par Yves Michaud,

en un entretien avec Francis Lippa, membre du bureau de la Société de Philosophie de Bordeaux,

mardi soir dernier, 13 octobre, dans les salons Albert-Mollat,

devant une assistance copieuse _ plus une place assise de libre _ et fort attentive, à l’exposé riche, clair et remarquablement nourri d’exemples concrets _ jusqu’à la qualité (de performances) appréciée et requise aujourd’hui de sportifs, tels que le footballer Lionel Messi… _,

par ce philosophe empiriste _ déclaré : écouter l’enregistrement ! _,

très attaché à vite et bien (= au mieux !) comprendre les divers « signes«  de l’époque, comme elle est ; et vers où elle est en train, vaille que vaille et bel et bien, de s’acheminer, en la diversité, jusqu’au vertigineux _ et cependant bien signifiant à qui parvient à pertinemment la déchiffrer _, de sa complexité,

qu’est Yves Michaud…

Dans quelle mesure peut-on et doit-on user, ou pas,

et comment, sous quelles formes et de quelles manières,

du terme _ ou du concept : il faut creuser un peu (et philosophiquement) ce qui peut distinguer leurs usages _, « revenu » _ dans les discours : sur les lèvres comme dans les têtes _ ces vingt ou trente dernières années

(depuis Margaret Thatcher, puis Tony Blair _ et Anthony Giddens _, de ce côté-ci de l’Atlantique, où prédomine toujours le bouclier _ égalitariste _ de l’État-Providence ;

ou de l’autre _ où prédomine, là, l’appétit de « liberté«  _, depuis les années Reagan ; puis, en ce retour de balancier que représente l’élection, l’automne dernier, de Barack Obama, maintenant _ que commente dans le New-York Times l’excellent prix Nobel d’Economie 2008, Paul Krugman),

du terme _ ou du concept : il faut les distinguer, je reprends et poursuis l’élan de ma phrase _ de « mérite » ?

C’est ce à quoi s’emploie très précisément, à la fois avec audace et la prudence du très grand soin (de plus de deux ans de recherches fouillées, a révélé l’auteur : à propos, tout particulièrement, des philosophies anglo-saxonnes les plus récentes : par exemple celle d’Amartya Sen… _ cf, par exemple « La Liberté au prisme des capacités« ) de l’analyse philosophique la plus pointue, ce très éclairant petit-grand livre de 300 pages, et en trois passionnantes parties, qu’est « Qu’est-ce que le mérite ?« , aux Éditions Bourin,

que présentait, explicitait et commentait mardi soir dernier Yves Michaud en sa conférence,

en réponse aux questions de Francis Lippa…

Même « empiristement« , si je puis dire _ voire « minimalistement » ; ou « par défaut« … _, il demeure encore _ mais pour combien de temps ? _ difficile _ à la plupart (mais pas tous !) d’entre nous ; et à Yves Michaud, qui conclut lui-même ainsi son livre (aux pages 273 à 280) _, de renoncer tout à fait à une « perspective » sur les autres (et sur soi) faisant référence à un ordre (quel qu’il soit) de la valeur, de la vertu, du « mérite » donc, au-delà de la stricte prise en considération (et constat on ne peut plus « brut« , lui : c’est ainsi, et pas autrement !) des seules  « performances » « de fait » ;

sans nulle considération « de droit » (au sens de « de valeur« ) que ce soit… :

car « les barrières _ infranchissables _ entre les ordres, les eaux glacées du _ seul ! _ calcul égoïste, ou la guerre _ sans pitié aucune ! _ des _ seules _ vanités

produisent un paysage humain _ au double sens du terme !!! _ pauvre, pour ne pas dire désolé _ « wasted land« , selon l’expression du grand T. S. Eliot en son immense poème éponyme, « La Terre vaine« …  _,

dit Yves Michaud, page 265 de « Qu’est-ce que le mérite ?« .

« Le mérite et le démérite _ aussi difficiles, voire impossibles, à incontestablement « établir« , justifier en raison, « fonder » vraiment ! _ traduisent donc notre _ irréfragable, pour le moment encore, du moins ; à une certainee partie, encore, d’entre nous… ; mais ne serions-nous pas en train de devenir minoritaires ?.. _ besoin d’estimer la valeur d’autrui _ ainsi que de nous-même _ afin de vivre dans un monde humain«  _ c’est-à-dire « non-inhumain« , comme le nomme mon autre ami philosophe parmi les plus lucides Bernard Stiegler… (cf les volumes de « Mécréance ou discrédit«  ; ou « Prendre soin«  ; etc… _, poursuit Yves Michaud, page 274.

Et Yves Michaud de préciser ce qu’il entend par sa référence, alors, au concept d' »estime » :

« L’estime est une mesure de la relation humaine en tant qu’humaine. Elle est approchée, révisable et, éventuellement illusoire ou erronée _ certes ! nous avançons à tâtons, par essais et erreurs : à rectifier si possible… Nous nous trompons souvent sur notre estime (nous la plaçons mal, selon l’expression consacrée) ; et les jugements de mérite et de démérite _ plus graves, probablement ; mais indispensables, forcément ! _ sont, comme je l’ai dit plusieurs fois, révisables selon ce que l’on sait ou ne sait pas _ avec de considérables fluctuations ! _, et avec quel degré de détail

_ une considération majeure, sinon capitale, tant « le diable s’y cache«  : cf l’importante postface du 31 mars 2006 à l’« Humain, inhumain, trop humain » d’Yves Michaud ; essai achevé, lui, en décembre 2001 ; et intitulée, précisément ainsi ! cette postface (« Le Diable dans les détails« ) ; avec cette ultime phrase judicieuse de conclusion, page 124 :

« C’est déjà bien si le philosophe décrit et redécrit inlassablement les situations de manière à dissiper les sottises grossières et,

quand sa description est bonne,

à débusquer le diable qui se cache, comme d’habitude dans les détails«  _ mal aperçus, car mal regardés, focalisés, analysés : tout simplement !.. _

et avec quel degré de détail, donc, des situations et des actions.

Nous ne pouvons nous empêcher de penser _ estimer, juger, croire _ que les individus ont _ effectivement et objectivement, en soi, en quelque sorte ; et pas seulement pour notre esprit (qui bat, subjectivement, la campagne)… _ des mérites et des démérites à proportion de ce qu’ils font, à nous et à la communauté humaine en général _ voilà la source de notre difficile indifférence à ces conséquences « relationnelles« -là… _ ;

qu’ils valent _ bel et bien _ plus ou moins _ et pas indifféremment ! _ dans leur relation à autrui _ voilà la dimension d’« humanité«  ; ou de « non-inhumanité« , comme le dit aussi Bernard Stiegler ; et encore pour le moment irréfragable (pour certains, au moins), face aux divers cynismes, cachés, tapis, ou de plus en plus avoués, voire affichés, ou assénés : cf là-dessus le tout récent « La Cité perverse _ libéralisme et pornographie » de Dany-Robert Dufour (paru le 8 octobre : j’ai hâte de le lire !)… _ ;

et que cette valeur appelle une reconnaissance appropriée, même si elle n’est pas effectivement « payée » _ en espèces bien sonnantes et trébuchantes !..

Quand nous abandonnons cette manière de penser,

et nous le faisons souvent et à très juste titre (pour des raisons d’efficacité, de concentration de l’attention sur les tâches et les résultats, et pas sur les agents, pour des raisons _ fort « humaines« , certes ; et « trop humaines« , aussi : nous ne sommes, en effet, ni des saints, ni des anges ; cf Montaigne, au final si percutant de ses « Essais« , Livre III, chapitre 13, le sublime chapitre testamentaire « de l’expérience«  : à toujours revenir (délicieusement !) relire ! _ de discrétion, de fatigue, ou d’inattention, par exemple),

nous ne prenons en compte que des relations causales _ toutes nues et froides _ et des utilités _ à l’exclusion des « honnêtetés », peut-être : le chapitre inaugural du livre III montanien s’intitule : « de l’utile et de l’honnête » ; lui aussi est un indispensable ! lire aussi le si beau livre de l’ami Bernard Sève : « Montaigne. Des Règles pour l’esprit«  ! la meilleure « introduction (philosophique) à Montaigne« , assurément, à ce jour ! _, des conséquences _ brutement factuelles, coupées d’émotions et d’affects (d’un « sujet«  qui s’attache à la considération aussi de ces « affections«  : non encore « dés-affecté« , en quelque sorte…)…

Nous appréhendons alors les situations humaines _ entre simples (ou purs) agents d’action, sinon entre de réelles (ou/et « vraies« ) « personnes«  !.. _ de manière non humaine _ voilà le concept stieglerien de « non-humain«  ! _, ou « déshumanisées«  _ voire « barbares«  _, comme des relations entre _ rien que de purs et simples _ objets _ non « sujets«  !.. de rien ! _, machines, coûts et bénéfices

_ selon les critères des services dits de « ressources humaines«  ; ne prenant pas « en compte » les dégâts (affectifs) sur ce qui reste (encore !) des « personnes«  ; allant jusqu’à, les plus « fragiles » d’entre celles-là, les moins capables de « s’adapter«  aux règles nouvelles (« modernes«  !) de la concurrence « mondialisée«  (telle étant la norme de référence up to date invoquée (quand le besoin se fait sentir, aux dirigeants, de s’en « justifier«  devant « l’opinion« …) par les responsables « manageant«  ces « entreprises«  performantes) ;

allant jusqu’à s’en suicider... _

comme des relations entre objets, machines, coûts et bénéfices : « Ce qu’il fait pour nous, ça fait un budget ! »

Il est tout à fait possible que ce mode d’appréciation instrumental _ galileo-cartesiano-adamsmithien… _, aride, désolé, ou simplement neutre, s’étende de plus en plus à de plus en plus de situations sous l’effet de la technique, de la préoccupation  pour les seuls intérêts et du perfectionnement des modes de manipulation d’autrui,

mais ce n’en sera pas moins un changement de relation » _ inter-humaines, ces « relations« -là, écrit Yves Michaud, aux pages 274-275 :

« changement«  à prendre lui aussi « en compte« , donc,

socialement, économiquement et politiquement _ ainsi que recommande, expressément, de le faire Amartya Sen : pour l’empêcher ;

plutôt que de le laisser, ce « changement de relation« , détériorer de sensiblement riches « liens«  à autrui… _ :

c’est-à-dire, en clair, culturellement et civilisationnellement.


Que « voulons« -nous donc, les uns et les autres,

les uns avec les autres,

parmi eux, avec eux et aussi, ainsi, contre eux, ces « autres«  ?..


Par conséquent,

« le noyau _ « de sens de l’estime et de la mésestime« , page 275 de « Qu’est-ce que le mérite ?«  _ de la notion _ de « mérite«  _ opère comme catégorie régulatrice _ à la Kant, in sa « Critique de la raison pure«  _ permettant d’appréhender les choses humaines _ relations, affects, valeurs… _ sous l’angle de la valeur _ et pas seulement sous celui du fait brut, pur et simple…


Y compris si le fondement dans les choses
_ objectif, en soi _ de cette manière de voir _ qu’elle demeure ; distinctement de l’ordre des faits bruts ! et de leur pur et simple (minimal !) constat… _ peut être mis en doute.

Nous ne sommes jamais certains que le mérite attribué à quelqu’un est bien… mérité ;

ce ne peut être que l’apparence _ trompeuse (du fait des autres ; ou du jeu des perspectives, des « mirages » en que sorte objectifs…) ; ou illusoire (de notre fait en majeure partie, de notre auto-aveuglement subjectif ; là-dessus, relire « L’Avenir d’une illusion » de Siegmund Freud _ du mérite ;

mais nous avons _ humainement _ besoin de cet éclairage pour percevoir humainement _ et non pas « non-humainement« , inhumainement, avec barbarie : relire le « Humain, inhumain, trop humain«  d’Yves Michaud lui-même, avec sa postface « Le Diable dans les détails«  _ la situation« , pages 275-276…

A méditer ; et à suivre…

Merci de ce bel entretien lumineux…


Titus Curiosus, le 16 octobre 2009

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts (4 _ en forme d’apothéose)

20nov

Sur l’épisode n°5

_ « sur la sollicitude des philosophes, et la sollicitude heideggerienne en particulier«  _

d’une série d’articles d’Yves Michaud _ « Un Suicide dans les règles » _,

à propos la (bien) pénible affaire du « suicide d’une philosophe«  suite à sa non-titularisation,

dans des circonstances (universitaires) de formes (on ne peut plus) légales (« dans les règles« ), certes,

mais sans guère de « sollicitude«  (« care » : donc éthique), semble-t-il :

voici, du moins, une nouvelle pièce (d’analyse philosophique _ pointue…) à verser, aujourd’hui, à ce dossier ;

et on ne perdra certes pas son temps à accepter de bien vouloir lire in extenso ce nouvel article d’Yves Michaud en son blog « Traverses » du site de Libération, à la date de ce jour : « Rédigé le 20/11/2008 à 16:54« …

En pleine lecture de l’essai « Le Sexe de la sollicitude » de Fabienne Brugère,

qui le présentera à la Société de Philosophie de Bordeaux, dans les salons Albert-Mollat de la Librairie Mollat _ 15 rue Vital-Carles, à Bordeaux _ mardi prochain, 25 novembre, à 18 heures,

je n’ai donc pu que me trouver « interpellé »

par le sous-titre de ce nouvel « épisode »

de la (très remarquable) analyse michaldienne de ce (bien) pénible « cas » :

« sur la sollicitude des philosophes, et la sollicitude heideggerienne en particulier« , donc…

Dans une forme absolument « désopilante«  (!!!)

qui n’est pas sans rappeler le talent _ ou le génie : déchaîné ! _ du Swift des « Instructions aux domestiques »

(afin de « résoudre » « au mieux » l’assez difficile famine irlandaise _ de son temps, en 1745),

Yves Michaud nous prie, nous, lecteurs, de bien vouloir lui pardonner quelque « excès » d’humour noir » :

l’adjectif « désopilant » est, en effet, employé par l’auteur de cet article (d’anthologie) lui-même, pour l’usage de « Heidegger » que « se permet » _ sans doute en vertu de la « méta-fiction » ! _ un auteur de romans japonais, M. Tsutsui Yasutaka ;

en voici le détail :

« Histoire de sourire dans une affaire sinistre,

je renvoie sur ces quelques points à un roman désopilant du japonais Tsutsui Yasutaka, grand maître de la méta-fiction, « Les cours particuliers du professeur Tadano » _ ce roman, de 1990, est paru en traduction française aux Éditions Stock, en 1996.

Que les Brestois se rassurent, le livre de Yasutaka _ né en 1934 à Ōsaka _ ne se passe pas à l’Université de Bretagne occidentale ; et le professeur Tadano n’y enseigne pas la philosophie allemande !

Dans ce  roman, le professeur Tadano, qui a l’air de s’y connaître en jargon heideggerien authentique _ comment ne pas admirer l’emploi d’un tel terme en pareille occurrence ?!.. _, paraphrase ainsi la pensée du maître :

« Tenez, par exemple, quand on aide les autres, quand on couche avec eux, quand on les trahit, quand on se fait transmettre le virus du sida, tout ça, c’est de la sollicitude dans la terminologie de Heidegger » ;

ou encore :

« L’authenticité, c’est quand l’homme fait face à sa souffrance et à sa peine, qu’il l’assume, sans chercher à lui échapper

en faisant du tourisme de masse ou en se réfugiant dans la bouffe,

bref,

qu’il existe réellement en tant que lui-même. » Fin de la citation du roman japonais.

Yves Michaud s’en excuse un peu plus loin, au final de l’article :

« Qu’on me pardonne, pour finir, mes quelques traits d’humour noir.
D’abord ils soulagent.
Ensuite j’espère bien qu’ils ne dissimulent pas mon sentiment profond : que toute cette histoire fut et demeure strictement
_ l’adverbe aussi est important _ « dégueulasse ». »

Merci…

Et sur le fond, maintenant,

lire tout le détail de l’article sur le site « Traverses » d’Yves Michaud…


Titus Curiosus, ce 20 novembre

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts (2 _ ou élargissement)

09nov

A propos de l' »affaire » comportant « le suicide d’une philosophe« ,

et ayant, à mon tour, envisagé l' »affaire«  soulevée,

au-delà des prudents « voiles de fumée », ou « jets d’encre de seiche », que peut conseiller à ses clients quelque, un tant soit peu, madré juriste, en espérant lasser ainsi la patience des quelques uns qui oseraient vouloir s’essayer à y regarder d’un peu plus près, voire, officiellement et « dans les règles », demander quelque compte _ comme s’il n’y avait, en France, ou ailleurs, « que des fous pour faire avancer la Jurisprudence » _,

ayant envisagé l' »affaire » soulevée

par les amis de la philosophe Marie-Claude Lorne,

qui s’est donnée la mort en se jetant dans la Seine du pont Simone-de-Beauvoir à Paris _ le 22 septembre dernier : son corps a été retrouvé dans le fleuve, le 3 octobre _, possiblement à la suite de ses difficultés de titularisation universitaire,

c’est non sans _ un mélancolique, ainsi _ plaisir

_ au vu de cette très pénible tragique circonstance _

que je constate que Yves Michaud,

ayant « repris »

_ après une interruption de tout un été et un demi-automne _

la rédaction de son blog « Traverses » sur le site de Libération,

consacre l’énergie de toute son alacrité _ retrouvée _ et perspicacité _ coutumière _ à cette misérable « affaire » (professionnelle) :

de « jeu » tragique

broyant une personne

entre les rouages pas assez bien « huilés » d’une institution (de modalités de « titularisation ») trop tardivement « révisée » ;

« affaire » que,

naïvement, à la seule lecture de l’article du blog de François Noudelmann et Eric Aeschimann « Une philosophe broyée par l’université de Brest« , sur le même site de Libération, en date du 3 novembre _ et concomitamment avec mes propres (petites) réflexions (« dans mon coin »), depuis la mi-octobre, sur la « crise » _ ;

« affaire » que

je m’étais permis d’un peu extérieurement intituler « Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts«  ;

et que je constate, donc, aussi, qu’il en dégage, avec la clarté d’analyse qui le caractérise,

une « leçon » _ éminemment « pratique » _ « de « déontologie » (républicaine)

immédiatement _ ou quasi _  appliquable : pour constituer une « règle »(de droit) un peu plus fiable…

Je renvoie donc à la séquence _ non achevée à ce jour _ des articles d’Yves Michaud (sur son blog « Traverses« )

_ au nombre, jusqu’ici, de 3 : intitulés

(1) « Un suicide dans les règles« , en date du 28 octobre ;

(2) « Un suicide dans les règles (2) : où l’on apprend, entre autres, la différence entre Brest et Morlaix« , en date du 30 octobre ;

et (3) « Un suicide dans les règles (3): de l’irresponsabilité réglementaire« , en date du 4 novembre _

éloquents par leur argumentaire,

ainsi que par l’appoint de commentaires _ modérés (par Yves Michaud), désormais _ d’intervenants relativement assez bien informés et compétents, du moins m’a-t-il semblé,

et faisant « avancer » l’analyse même de la question ;

et dans la perspective on ne peut plus pratique, voire pragmatique, d’un « règlement » faisant « vraiment » progresser les solutions de pareilles « difficultés« …

Quoique naïves et bien trop « générales »

_ sur les symptômes d’une « crise » endémique (depuis plus de trente ans : 1976, pour s’arrêter au simili « prix Nobel d’Économie » décerné à Milton Freedman…) _,

les (petites) « réflexions » de mon propre article précédent, me semblent

ne pas n’être qu’impertinentes…

Titus Curiosus, ce 9 novembre 2008

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts

08nov

Un article _ hélas _ significatif (du présent : de la « société »…) sur l’excellent blog de philosophie de François Noudelmann : « 24 heures Philo » _ sur le site de Libération ; en date du 3 novembre 2008…

03/11/2008

« Une philosophe broyée par l’université de Brest »

(sic)

Par Jacques Dubucs, Jean Gayon, Joëlle Proust, Anouk Barberousse, Philippe Huneman•

«  Marie-Claude Lorne, philosophe, s’est donné la mort à 39 ans. En 2004, agrégée de l’Université, elle avait soutenu une thèse de philosophie des sciences et bénéficié, durant sa rédaction, de plusieurs subventions internationales. Par la suite, elle a effectué deux séjours postdoctoraux, à Montréal et à l’Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques de Paris (IHPST). Elle a enfin été élue en mai 2007 à un poste de Maître de Conférences à l’Université de Bretagne Occidentale (Brest).

Engagée dans une recherche de longue haleine sur les notions de fonction, d’information et d’intentionnalité en psychologie et en biologie, ainsi que sur la biologie contemporaine du développement, Marie-Claude Lorne devenait clairement une autorité en philosophie de la biologie, une interlocutrice privilégiée de ceux qui, Français comme étrangers, sont au premier plan de cette discipline. Tous ceux qui l’ont croisée ont été impressionnés par l’exigence et la clarté de sa pensée. Sur le terrain des idées, Marie-Claude ne transigeait jamais. Beaucoup se souviendront de ses interventions passionnées lors des colloques de philosophie. Pour cela, ses amis l’admiraient et enviaient son intransigeance : jamais elle ne cédait devant un argument qu’elle n’estimait pas intégralement clair ou satisfaisant.

Le 22 septembre, elle laissait à son domicile une lettre annonçant son suicide ; le 3 octobre, son corps a été retrouvé dans la Seine. Sa disparition est une grande perte pour la philosophie, française comme internationale ; elle laisse une œuvre interrompue que ses collègues auront à cœur de rendre publique.

Pourquoi cette jeune musicienne et mélomane raffinée, se comptant beaucoup d’amis, cette femme enthousiaste aimant les bons vins, les dîners et les soirées d’après conférences, a-t-elle ainsi abrégé sa vie ? Sa longue lettre d’adieu fait état de sa «non titularisation» comme maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale. Il faut savoir qu’en général, cette titularisation va de soi ; son refus nécessite des carences majeures publiquement attestées (non effectuation du service, incompétence pédagogique majeure, violence _ et encore, celles-ci n’ont que très rarement entraîné un rejet du corps universitaire, comme beaucoup peuvent en témoigner).

Chercheuse hors pair, Marie-Claude Lorne était aussi une enseignante irréprochable : de multiples témoignages d’étudiants et de collègues viennent maintenant nous le confirmer. Ainsi, cette sentence, prise par une commission de spécialistes ayant siégé et œuvré dans des conditions peut-être légales mais déontologiquement invraisemblables et inacceptables au regard des us et coutumes universitaires, s’avère indubitablement une «décision injuste» (deux membres présents sur dix titulaires et dix suppléants ont siégé ; contre tous les usages de l’Université, la décision n’a été communiquée à l’intéressée qu’après trois mois, à la veille de la rentrée). Marie-Claude a elle-même souligné l’injustice foncière de cette décision dans sa lettre d’adieu. Après le drame, huit des membres de la commission de spécialistes ont véhémentement protesté par lettre auprès de l’Université, du recteur, du ministre et du Conseil National des Universités.

De fait, une telle décision n’avait rien d’irréversible, tant les amis que Marie-Claude avait alertés, étaient déterminés à faire valoir son droit à l’encontre d’une sanction qu’ils estimaient, sur la forme comme sur le fond, inique. Néanmoins, quelle que soit l’issue des recours, elle disait se voir condamnée à exercer à l’avenir son métier dans un «environnement professionnel hostile», perspective qu’elle refusait à juste titre de supporter. Même si nous ne comprendrons jamais vraiment pourquoi Marie-Claude a vécu cette décision comme injuste au point de se donner la mort, il est clair qu’elle l’a entendue comme un arrêté ultime, irrévocable à l’encontre de sa légitimité comme philosophe, c’est-à-dire comme une violence symbolique extrême.

Marie-Claude aimait vraiment la vérité, fidèle en cela à l’exigence originelle de la philosophie. Le semblant, quelque nom qu’on veuille bien lui donner _ « diplomatie » les bons jours, « hypocrisie » les mauvais _ elle n’en voulait pas. Elle n’a jamais cédé là-dessus, refusant de feindre de se ranger aux avis de plus puissants pour tirer les bénéfices de son allégeance. D’où, bien sûr, des difficultés prévisibles ; elle les connaissait et les acceptait.

La tragique disparition de Marie-Claude Lorne nous interpelle sur un monde du travail capable d’ainsi broyer les individus, et demande une réaction énergique. Toutes les enquêtes le montrent : le taux des suicides déclenchés par des motifs professionnels est en hausse inquiétante. Lorsqu’une telle dérive en vient à toucher des institutions républicaines, elle est particulièrement insupportable.

A Brest, Marie-Claude en a payé le prix. Un prix démesuré. »

Jacques Dubucs (Directeur de recherche, Directeur de l’IHPST (CNRS/Paris I Sorbonne/ENS) ; Jean Gayon (Professeur à l’Université Paris I Sorbonne) ; Joëlle Proust (Directeur de recherche, Institut Jean Nicod (CNRS/EHESS/ENS)) ; Anouk Barberousse, Philippe Huneman (Chargés de recherche à l’IHPST).

Rédigé le 03/11/2008 à 15:05

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Voici les sites qui parlent de Une philosophe broyée par l’université de Brest :

Commentaires

Avec pressions à la clé.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… même à l’Université.

Avec tristesse et révolte, je pense à cette femme brillante bien sûr, mais surtout intègre et bien trop jeune pour un tel destin tragique.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46451

Rédigé par: candide | le 03/11/2008 à 17:09

Ce genre de geste, malheureusement, se renouvellera … Ce ne sera que la conséquence logique de l’autonomie des Universités qui permettra toutes les magouilles locales de petit groupes de baron(ne)s locaux sans aucun contrôle … Aujourd’hui, ces contrôles sont déjà rares … la preuve !

Rédigé par: B.D. | le 03/11/2008 à 17:14

L’université compte autant de cuistres que de savants ; et parmi les raisons de son effacement, les batailles pour trois ronds de frites, les rivalités de personnes, de territoires… D’où la nécessité d’apprendre les hommes, avant d’étudier les livres… Quelle triste affaire qui sent le provincialisme à plein nez… Sans compter qu’un poste de maître de conférences n’est déjà pas la panacée pour un savant de haut niveau : faut-il un dessin des obligations de service ? Refuser la titularisation dans ce cas, c’est effectivement renvoyer la personne sur les bords de Seine, lui courbant l’échine et l’injuriant en bas-breton

Rédigé par: Vieux Taxi | le 03/11/2008 à 17:40

Bien entendu, je ne connais ni cette collègue, ni les « dessous » de l’affaire. Mais je sais que le monde universitaire peut être, au moins autant que le monde des affaires, impitoyable ; et qu’en outre on n’y a pas droit à l’oubli ! J’assure les collègues de ma profonde sympathie.

Rédigé par: quercus | le 03/11/2008 à 17:56

La lente mais irrésistible putréfaction de l’Université démontre l’achèvement de la phase terminale du nihilisme européen : le milieu philosophique lui-même est profondément gangréné par le cynisme, le ressentiment et la volonté de vengeance. Aucune générosité intellectuelle ni aucune recherche désintéressée de la vérité ; seulement des conflits d’ego et des haines recuites. Alors effectivement, ceux qui _ parce qu’ils existent _ tentent vraiment de « penser » dans ce cloaque doivent avoir le cœur bien accroché. Mme Lorne était probablement trop délicate pour l’Université. Qu’elle repose en paix.

Rédigé par: Crocodile | le 03/11/2008 à 18:08

Cette affaire très regrettable a déjà fait l’objet d’articles sur le net beaucoup moins clairs et objectifs que celui-ci. Néanmoins, il me semble qu’un suicide est chose trop personnelle pour qu’on puisse s’en saisir pour faire le procès de l’Université comme d’aucuns l’ont essayé ailleurs.
Il est en effet très rare qu’une titularisation soit refusée. Maintenant, je suis scandalisé par les conditions dans lesquelles la décision a été prise : deux membres présents seulement. Que faisait donc le collègue chargé de présider la section de spécialistes en question ? Cela fait partie de ses attributions de téléphoner aux uns et aux autres pour avoir du monde.

Rédigé par: Pomponius | le 03/11/2008 à 18:46

L’émotion m’étreint à lire ces lignes. Universitaire scientifique, bien que beaucoup plus modeste que Mme Lorne, j’ai également ressenti cette violence sans nom à l’issue de ma thèse au moment où j’envisageais de me tourner vers la recherche.
Cet absolu respect de la vérité que j’ose estimer partager avec elle ne permet pas de s’accomoder du « système ». « Psychorigide« , ai-je souvent entendu.
Mme Lorne par son geste désespéré (?) ou héroïque attire notre attention sur ce qui ne va pas en Philosophe _ qui guide vers la Vérité. Puisse-t-elle trouver le repos de l’esprit dans le grand sommeil de la mort.

Rédigé par: michel | le 03/11/2008 à 18:52

Encore sous le choc pour quelqu’un que je ne connaissais pas, mais pour une situation qui concerne la pseudo collégialité à l’université. Cet événement en rappelle d’autres…

Ce drame nous touche tous et nous oblige à réfléchir au « fonctionnement » de nos belles institutions.

Mes condoléances sincères et mes pensées à ses proches
Avrel

Rédigé par: Avrel | le 03/11/2008 à 18:56

Triste Université qui est une véritable « machine à formater du tiède » : recherches audacieuses et recherches critiques étouffées ; recrutements de complaisance ; rabougrissement de la pensée au profit de de pathétiques batailles entre ego mal placés…

Rédigé par: Isabelle | le 03/11/2008 à 18:57

Actuellement, c’est toute la philosophie académique, du secondaire à l’Université, qui se laisse broyer sans piper mot et consent à son propre marasme et avilissement. On n’entend que Badiou sauver un peu l’honneur, alors que tous les professeurs de philosophie sans exception devraient aller dans les rues expliquer le « Discours de la servitude volontaire » ou « Le Capital« .
Et en interne, que dire, sinon que ça pue intensément ? Inégalités monstrueuses des charges de travail, incapacité à se mettre d’accord sur des progressions d’apprentissage raisonnées, incapacité à motiver et harmoniser des évaluations, querelle des chapelles (continentale ou analytique, appepienne ou acirephienne), rareté malthusienne des postes et guerres intestines subséquentes (qui font à présent des morts), isolement ; et impossibilité de poursuivre un travail de recherche dès lors qu’on enseigne dans le secondaire tant l’avalanche de classes et de copies rend impossible même le loisir nécessaire à la lecture et à la simple pensée, etc., etc.
Non, décidément, la philosophie n’est pas faite pour tout le monde. Il faut pour pouvoir en vivre tolérer un degré de turpitude, de violence et de miasme qui ferait vomir n’importe qui possédant quelque bon sens réellement partagé.
Evidemment, les pages du magazine « Philosophie », ou les joliesses et belles phrases médiatico-lénifiantes de Raphaël E. ne donnent aucune idée de tout cela, ni d’ailleurs non plus des sacrifices qu’il faut faire pour pouvoir réaliser son rêve de penser et enseigner en compagnie de maîtres en humanité si l’on n’est pas issu d’un milieu d’héritiers. Car le fond de l’affaire est là. La philosophie académique est la chasse gardée de l’Ecole réactionnaire et de la réaction tout court. On y tire à vue sur tout ce qui n’a pas l’apparence de respecter, relativement à ces turpitudes, un silence de bon aloi, bourgeois et cossu comme l’essentiel du recrutement philosophique académique lui-même, comme si ce silence-là était en soi une garantie de justesse et de justice.

Hélas, à quelques exceptions près, les « philosophes », dans leur silencieuse grégarité, auront consenti à la disparition de l’Ecole publique, si elle disparaît ( ce qui, au train où vont les choses, ne va pas manquer d’arriver). Sans doute même beaucoup auront-ils souhaité cette disparition, n’y voyant aucun inconvénient, pour pouvoir eux aussi, comme untel et untel dont le nom ne mérite pas d’être cité, vivre « philosophiquement » en vendant de la conférence culturelle à des gogos tout aussi héritiers qu’eux, à raison de 6000 euros la demi-journée.
Non, la montagne de dégoût qui a anéanti Mme Lorne n’est pas du tout inconcevable : il est très facile de l’éprouver et il est très difficile de ne pas y céder. On aimerait souvent, comme Nietzsche, pouvoir trouver un prétexte honnête, une maladie, pour quitter cet affligeant milieu et aller respirer enfin l’air des cimes afin de retrouver le meilleur de l’humanité en discutant contre, tout contre, Platon.

Rédigé par: pamyr | le 03/11/2008 à 19:26

J’étais loin d’être aussi brillant que Mme Lorne, mais je comprend sa souffrance, de six années de sacrifices impossibles à courir après la CNU et une qualification.
L’université française tue la qualité et la compétence, on le sait depuis longtemps. On découvre qu’elle le fait au sens propre.

Rédigé par: Jo | le 03/11/2008 à 19:32

Voilà pour cet article et ses commentaires de lecteurs sur le blog 24 heures Philo.

N’étant pas moi-même universitaire ; et, éprouvant, a contrario _ positivement donc _, pas mal d’estime ; et c’est un euphémisme : beaucoup ! _ personnelle _ pour la plupart des collègues philosophes qu’il m’arrive de fréquenter, notamment au sein de la « Société de philosophie de Bordeaux » ;

je n’en ai que davantage d’aisance à citer ces différents témoignages ci-dessus, sur le blog 24 heures Philo, donc, comme l’expression symptômatique du malaise de toute notre société _ rien moins ! envisagée comme un tout solidaire… _ ; ainsi, ce malaise, que celui des institutions _ l’université, mais plus largement, l’Ecole,

qui ont en chargent d’aider à « se former », « se développer », « s’épanouir », les esprits (et les personnes)…

Malaise face aux valeurs de vérité et de justice…

Montaigne intitulait le premier « essai’ de son troisième et dernier livre d' »Essais » : « De l’utile et de l’honnête« …

J’ai la chance de ne pas disposer de _ ni subir _ un « tempérament » pessimiste ;

il n’empêche ;

je suis, ou/et demeure, « de plus en plus » inquiet

de ce qu’un des commentateurs de l’article publié sur ce blog de François Noudelmann et Eric Aeschimann nomme « le nihilisme européen » _ ou plutôt « occidental » ? voire « mondialisé » ?.. _,

et qui sape les fondements de la confiance de chacun

tant en ses propres forces _ jusqu’à des suicides, tel que celui de cette philosophe de trente neuf ans !… _,

qu’en les autres,

en « le monde »…

Très personnellement, donc,

je me permets ici d’exprimer mon accord avec la « réception », par Laurent Joffrin, dans son (bel) éditorial _ « Yes, he can » _ de Libération le jeudi 6 novembre, de l’élection de Barack Obama à la fonction de présidence des Etats-Unis d’Amérique ;

et l’accès, de fait, de ce dernier _ « beau, jeune et bronzé« , s’est autorisé à proférer l’inénarrable bouffon Berlusconi (un des « toutous » de Busch encore en poste…)  _ à un certain leadership mondial ; et cela, qu’on s’en satisfasse, ou accommode, ou pas ; ou plus ou moins… ;

quand il _ Laurent Joffrin _ débute ainsi son article :

« L’avenir a changé de camp.

Pendant plus de vingt ans, les conservateurs l’avaient annexé.

Ils viennent de le perdre.« 

Car c’est aussi ainsi que j’ai interprété, en un article précédent _ « Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection américaine du 4 novembre aux Etats-Unis » _, l’attribution, ce mois d’octobre-ci, du “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel” à Paul Krugman ;

par comparaison avec l’attribution de ce même “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel”, en octobre 1976, il y a exactement trente-deux ans, à  Milton Freedman…


J’ose interpréter ces divers événements

comme davantage que seulement un signe,

comme un bien réel sursaut

_ celui que Nietzsche, l' »anti-nihiliste » en chef, appelait si fort de ses voeux, par exemple dans « Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » _,

comme un bien réel sursaut, donc, pour s’extirper de ce « nihilisme« ,

de la « pulsion de mort » mortifère

_ selon Freud (dans ses si essentiels « Essais de psychanalyse« ) ;

qui,

tant sadiquement que masochistement,

sape _ durablement et terriblement : en l’effondrant, à force de l’effriter… _ le sol même sur lequel s’efforcent de marcher, et essaient de se tenir (debout), et d’avancer, les personnes « humaines »…

Bref, à rebours de ce que ce suicide de la philosophe semble montrer

_ plutôt que « démontrer »… _,

je veux voir, en l’élan

_ interprétant le sien, personnel, d' »élan », comme celui d’un peuple entier (le peuple de Walt Whitman, en ses « Feuilles d’herbe« ) qui « se réveille » de ses mauvais rêves (d’alcoolique) _ ;

je veux voir, en l’élan qui porte Barack Obama

_ comme en l’élan qui avait porté, le mardi 8 novembre 1932, Franklin Delano Roosevelt _,

un « espoir » d’inversion _ enfin, depuis trente deux ans !!! (1976) _ de nos valeurs « sociales » :

politiques (à propos du rôle et de la valeur de l’Etat _ et du service public !!! _,

économiques,

culturelles ;

existentielles, in fine

Modestement,

Titus Curiosus, ce 8 novembre 2008

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