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Le passionnant travail du magnifique Michael Spyres sur les amplitudes et l’histoire de la voix de ténor, en son nouveau stupéfiant CD « Contra-Tenor », après son « BariTenor » de 2022…

05mai

Après son déjà passionnant (et déjà stupéfiant !) CD « BariTenor«  _ le CD Erato 019029516664, enregistré à Strasbourg aux mois d’août et octobre 2020, et paru en 2021, avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, sous la direction de Marko Letonja ; cf mes articles des 22 octobre (« « ), 23 octobre (« « ), 24 octobre (« « ) et 15 décembre 2021 (« « )… _,

le magnifique ténor qu’est l’immense Michael Spyres (Mansfield, Missouri, 1979), étend sa passionnante exploration des répertoires _ encore trop mal connus, et confusément répertoriés… _ de la voix de ténor, en ses divers et très larges ambitus,

par un nouveau stupéfiant CD, intitulé de manière un tantinet provocante, cette fois, « Contra-Tenor » _ soit le CD Erato 5054197293467, enregistré à la Villa San Fermo à Lonigo (province de Vicence, en Italie), du 15 au 22 septembre 2022, avec l’Ensemble (baroque bien connu !) Il Pomo d’Oro, dirigé par l’excellentissime Francesco Corti.

Soit, à nouveau, une magistrale réussite musicale.

Qu’on écoute, par exemple, les airs donnés en ces deux vidéos-ci :

en la première, l’air, virtuosissime, « Tu m’involasti un regno », extrait de l' »Antigono » (répété à Lisbonne au mois d’octobre 1755 _ mais non créé alors, à cause du terrible désastre du tremblement de terre de Lisbonne, le 1er novembre !!! _, d’Antonio-Maria Mazzonni (1717 – 1785) _ à comparer avec cette autre prise vidéo (d’une durée de 6’15) pour le même air, à Lisbonne, cette fois, en 2011, avec l’Ensemble Il divino sospiro dirigé par Enrico Onofri… _ ;

et en la seconde, l’air, aussi époustouflant _ de beauté, comme d’interprétation _, « Se il mio paterno adore », extrait du « Siroe » (créé à Rome le 12 janvier 1740), de Gaetano Latilla (1711 – 1788) ;

vidéos d’une durée respectivement de 6’17 et de 6’10.

J’ai réuni ici 5 liens à de bien intéressants articles parus en commentaire de ce tout nouveau CD « Contra-Tenor » de Michael Spyres,

auxquels on pourra accéder par ces liens-ci :

_  de Tim Ashley, sur le site de Gramophone _ sans date _, « Michael Spyres : Contra-Tenor« …

_ de Laurent Bury, sur le site de PremiereLoge-Opera.co, le 21 avril dernier, « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante ! « 

_ de Clément Demeure, sur le site de ForumOpera.com, le 21 avril aussi, « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque« 

_ de Pierre Giangiobbe, sur le site de Olyrix, le 22 avril, en suivant, « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album« 

_ de Pierre Degott, sur le site de ResMusica, en date du 28 avril 2023, « Michael Spyres, ténor assoluto« 

Ce qui donne, pour ces articles en français, avec l’ajout de quelques remarques de ma part :

_ pour l’article « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante !  » de Laurent Bury :

Nous ne pouvions pas imaginer, rendant compte de son enregistrement des Nuits d’été, que Michael Spyres, à défaut de devenir soprano, se présenterait ensuite comme « contre-ténor ». Ce n’est évidemment pas ainsi qu’il convient de traduire le titre de son nouveau disque, où il apparaît plutôt sous l’aspect d’une haute-contre à la française _ voilà ! _, mais où il aborde aussi toutes sortes de rôles italiens destinés à cette tessiture qui, ainsi qu’il l’explique, n’existe pas, ou du moins, que nul n’a jamais pu définir très clairement : « la voix la plus virtuose et difficile à classer dans une catégorie spécifique », selon lui.

Ayant abordé l’opera seria mozartien après s’être fait connaître dans le répertoire des premières décennies du XIXe siècle (Rossini, Meyerbeer), Michael Spyres s’amuse depuis quelque temps à brouiller les pistes, et veut nous montrer qu’il peut chanter en baryton aussi bien qu’en ténor. Nouvelle démonstration avec le disque Contra-Tenor, mais cette fois dans le répertoire du XVIIIesiècle, le rôle-titre de Mitridate étant à peu près le seul qu’il a eu l’occasion de servir à la scène (même si on se rappelle une incursion haendélienne dans un Theodora donné en concert et enregistré dans la foulée).

Le programme de ce récital va donc de Lully à Piccinni, deux Italiens ayant connu le succès à Paris (et dans les deux cas sur un livret de Quinault _ en effet ! _, puisque Piccinni reprit pour son Roland _ en 1778 _ le livret que Lully avait utilisé un siècle auparavant _ en 1685 _), et s’il inclut un compositeur né en France – Rameau – et quelques Allemands déracinés – Haendel, Hasse, Gluck –, il faut bien reconnaître _ oui _ que, en ce CD Contra-Tenor les Italiens d’Italie se taillent la part du lion.

De Lully, il aurait sans doute été possible _ oui ! _ de trouver un véritable air, comme celui de Renaud dans Armide, par exemple, plutôt que cette minute et demie de déclamation extraite de Persée sur laquelle s’ouvre le disque _ peut-être en suivant l’exemple de Rockwell Blake en son CD « Airs d’Opéras français« , pour EMI, en 1994. Et entre ce Persée de 1682 et la Naïs de Rameau en 1749, n’y avait-il donc aucun compositeur français qui mérite d’être enregistré par le « Contra-Tenor », lui qui chante si admirablement notre langue ? _ la remarque est en effet très judicieuse…

Tous les Italiens du XVIIIe siècle défilent, y compris le trop rare Galuppi, et d’encore moins fréquentés, comme Gaetano Latilla ou Antonio Maria Mazzoni, qui offrent à Michael Spyres d’excellentes occasions _ mais oui ! _ de déployer son agilité vocale dans des arias exigeant non seulement une maîtrise du chant rapide et orné, mais imposant aussi d’impressionnants _ certes _ sauts d’octave, nouvelle preuve de l’étendue de son registre, lorsqu’il aligne d’impressionnants suraigus et de soudaines descentes dans le grave, sans jamais perdre de vue _ et c’est bien là le principal _ l’expressivité de ces pages (il parvient même à proposer une version personnelle d’un air aussi rabâché que « J’ai perdu mon Eurydice »).

Non content de vouloir aborder Wagner, le ténor américain réussit – en studio, en attendant la scène – à s’imposer dans des répertoires aux exigences tout autres. Quant à Il Pomo d’Oro, on savait l’ensemble familier de la musique italienne, mais on le découvre très à son aise aussi _ oui ! _ dans l’opéra français, avec une noble passacaille de Persée.

_ pour l’article « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque » de Clément Demeure :

Un jalon du chant baroque

En 2011, l’agent de Michael Spyres publiait sur YouTube « Tu m’involasti un regno », air de bravoure d’Antigono où l’on découvrait un ténor casse-cou aux moyens exceptionnels, sans doute le premier à rendre pleinement justice à ce genre de partition _ oui. Douze ans plus tard, désormais vedette internationale, l’Américain revient enfin à ce premier belcanto pour lequel il est idéalement taillé _ en effet, et cela sur tous les plans…

Et c’est un disque qui fera date _ sans nul doute. Dans son ambition comme dans sa composition, le programme renvoie à de multiples références. À Spyres lui-même pour commencer, d’Antigono _ de Mazzoni _ au Mitridate _ de Mozart _ dont il s’est fait la spécialité. Écho aussi au précédent Baritenor : avec Contra-Tenor, le chanteur opte encore malicieusement _ oui… Michael a aussi beaucoup d’esprit ! _ pour un terme adjacent, comme pour tourner autour _ oui, en creusant et déployant… _ de la catégorie « ténor » et railler la rigidité du Fach, ce système de registres vocaux qu’il ne cesse de dynamiter _ et c’est là un point en effet tout à fait important pour l’intelligence d’une telle démarche de la part de Michael Spyres… Il faut voir sa mine réjouie _ oui _ dans divers montages kitsch rappelant _ mais oui ; c’est fort bien vu… _ les facéties d’une certaine Bartoli. Un modèle assurément, tant l’Italienne a contribué à l’aggiornamento du chant baroque et joué _ oui _ avec les tessitures _ voilà... Restait à faire pour les ténors ce que Bartoli et d’autres ont réussi pour Bordoni, Farinelli et consorts… Entreprise bien peu tentée, surtout encore en combinant les répertoires français et italien1.

Comme toujours, Spyres entend ne rien s’interdire, et montrer qu’il peut exceller partout. En se confrontant à diverses références, ici au mythique album français de Rockwell Blake (comportant, et en ouverture de ce CD de Rockwell Blake, en 1994,  le même « En butte aux fureurs de l’orage »), là aux intégrales récentes de Vinci ou Porpora chez Decca. S’il se « contente » de tenir tête à Blake, dont la virtuosité jubilatoire est d’une netteté inégalable _ en dépit d’un timbre de voix plus contestable, lui _, Spyres surpasse nettement sa concurrence _ oui ! Jetons un voile pudique sur les infortunés chargés de ressusciter l’Achille in Sciro de Sarro à Martina Franca et Naples ; saluons l’autorité de Spyres dans « Si sgomenti », dont la tessiture grave gênait Juan Sancho, ou chez Vivaldi dans un air où la voix de Topi Lehtipuu se tassait ; oublions enfin tous ces ténors « baroques » essoufflés par les graves et les écarts épuisants de Bajazet. Autre clin d’œil du programme, l’extrait d’Arminio de Hasse répond crânement à Rodolfo Celletti qui, dans sa célèbre Histoire du bel canto (1983), y voyait « un des airs exigeant le plus de virtuosité qui aient été écrits pour cette voix [le ténor] ».

C’est peu dire _ oui ! _ que Spyres se montre à la hauteur de ses ambitions. Conformément au principe du belcanto, la voix est homogène et bien assise dans le médium _ oui _, enjambe les intervalles sans effort apparent _ oui, et c’est absolument nécessaire… _ et dispense à l’envi _ et jubilation, oui _ trilles et vocalises. Il se permet _ aussi de réjouissantes _ incartades et nuances des tréfonds du grave au suraigu. Manière de remettre les pendules à l’heure : le primo tenore d’opera seria n’est ni un évangéliste façon Bach, ni un ténor di grazia censément « mozartien » _ c’est fort juste ! Le programme parcourt chronologiquement _ oui _ l’évolution des styles et des vocalités entre France et Italie. Résolument sombre dans les airs de Vivaldi (transposition d’un air pour castrat), Haendel et Vinci, évocations des baryténors Borosini (1695 – 1747) et Pinacci (1695 – 1750) _ des noms à retenir _, Spyres se montre plus prodigue d’aigus à partir du galant « Nocchier che mai non vide » de Porpora. À compter des années 1730, le primo tenore se hisse au rang de premier antagoniste _ voilà… _ dans des emplois stéréotypés de pères et hommes de pouvoir inquiets aux passions chaotiques. Véhicules idéaux pour une nouvelle génération de ténors capables de rivaliser _ c’est cela, sur la scène _ avec les castrats et divas dans l’extravagance d’ambitus étirés et la complexité des vocalises _ oui _ : Spyres convoque les mânes de monstres vocaux comme Amorevoli (1716 – 1798) (Sarro et Hasse, image ci-dessus), Babbi (1708 – 1768) (Mazzoni et Latilla) et Ettore (1740 – 1771) (Mozart).

Même si rien dans le programme n’est routinier, seules trois pages sont de vraies premières mondiales. « Solcar pensa un mar sicuro » de Hasse (Arminio, 1745) tisse une parabole maritime sur d’ondoyantes dentelles de trilles, tandis que Galuppi (Alessandro nell’Indie, 1755) distille son charme mélodique habituel dans un air sensible « Vi trofeo d’un alma imbelle » où l’aigu doit être sollicité sans brusquerie jusqu’au contre-ut. Mais le clou du spectacle, c’est _ très probablement _ l’allegro « Se il mio paterno amore » du Siroe de Gaetano Latilla (1740). Multiples plongeons du la3 au ré2, descentes dans le registre de basse jusqu’au sol1, entêtantes vocalises et roulades déferlantes, tout est exécuté avec une autorité _ et plénitude, oui _ qui laisse bouche bée. En revanche, si l’on comprend _ et combien !!! _ que Spyres ait souhaité laisser une gravure « propre » _ oui _ de l’air spectaculaire « Tu m’involasti un regno » de Mazzoni qui a contribué à le faire connaître – roulade sur trois octaves incluse –, le doublon était moins nécessaire pour « Se di lauri » _ du Mitridate de Mozart _, que l’on préfère dans l’intégrale Minkowski gravée seulement deux mois plus tard.

L’Américain était moins attendu dans la tragédie lyrique _ française… Le hiatus stylistique est manifeste, mais les récitals romantiques associent souvent Donizetti et Gounod, Massenet et Verdi sans que personne n’y trouve à redire : l’idée de confronter les genres au siècle précédent se défend. Dans le français clair et éloquent _ superbissime ! _ qu’on lui connaît, Spyres relève le défi de tessitures nettement plus élevées, avec des allègements bienvenus dans les trois ariettes de réjouissance choisies qui, de Lully à Piccinni, trahissent un goût croissant pour la vocalise. En virtuosité pure _ mais est-ce là l’essentiel ? non… _, l’Américain surclasse Reinoud van Mechelen, qui conserve néanmoins notre faveur dans ce répertoire et rend lui aussi de très beaux hommages à ses devanciers (Dusmeny, Jéliote et bientôt _ nous l’attendons impatiemment _ Legros). L’unique déploration proposée (« J’ai perdu mon Eurydice » de 1774) est ce qui convainc le moins _ mais cela se discute… Pour autant, cela ne signifie pas _ certes ! et ce serait là très déplorablement bien réducteur… _ que l’album, indéniablement démonstratif, ne vaut que pour ses tours de force. Une fois passée la stupéfaction initiale, on goûte _ et combien !!! _ la finesse _ merveilleuse _ d’un interprète qui sait _ et comment ! _ ce qu’il chante, varie les couleurs, sculpte le verbe sans confondre _ jamais _ déclamation et aboiement _ cette déclamation si fondamentale dans tout l’art musical français _, et ne néglige _ en effet _ aucune nuance dramatique. Ajoutons à cela des variations excitantes et de bon goût _ toujours : cela aussi étant absolument nécessaire _, dans les reprises da capo.

Il Pomo d’oro _ une fois encore, et comme à chaque fois, à son niveau d’excellence… _, dirigé par _ le toujours parfaitFrancesco Corti, étonne tout autant _ mais oui _ que le soliste par son adéquation aux différents styles, par exemple _ mais c’est le seul morceau purement instrumental du CD _ la passacaille de Persée. Les tempi sont justes, la technique est sans faille, et si l’orchestre laisse _ mais oui _  la star briller, il contribue également à hausser ces versions au-dessus des concurrentes, en tout cas pour le versant italien. Et à faire de cet album un nouvel étalon _ voilà !!!! _ dans l’interprétation de l’opera seria.

  1. En 1970, Peter Schreier avait proposé un disque baroque (Italienische Belcanto-Arien), et en 1993 Ernesto Palacio avait gravé Re ed Eroi di Pietro Metastasio sous la baguette de Tamás Pá. S’il faut rendre hommage à leurs efforts précurseurs, le style – surtout à l’orchestre – et la timidité technique en font surtout des documents. D’autres ténors ont depuis conçu des récitals consacrés à Haendel et parfois Vivaldi, voire des programmes franchement originaux ou ambitieux. L’album Gluck fort réussi de Daniel Behle (2014), qui mêle aussi airs pour haute-contre et opera seria, est celui qui se rapproche le plus du projet de Michael Spyres. L’Allemand compte d’ailleurs continuer sur ce terrain cette année à Bayreuth (Kings of bravura).

_ pour l’article « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album » de Pierre Giangiobbe :

Après BariTénor, Michael Spyres continue d’explorer _ oui, et c’est passionnant ! _ les frontières de sa tessiture _ voilà _ et passe “de la cave au grenier” avec son nouveau disque Contra-Tenore, replongeant pour s’élever vers le répertoire baroque pour voix masculine aiguë, en compagnie de l’orchestre Il Pomo d’Oro dirigé par Francesco Corti pour un disque Erato-Warner Classics.

Le précédent album questionnait la frontière grave _ voilà _ entre ténor et baryton, celui en fait de même pour la frontière aiguë _ oui ! _, et il le fait de la même manière, avec une forme de flou artistique aussi. Si le choix de répertoire est bien délimité (ce nouveau projet remonte au baroque, et s’arrête donc là où le précédent album commençait), le titre du disque et le propos du livret _ extrêmement intéressant en ses analyses détaillées, il faut le souligner _ posent une série de questions _ oui ! _ jouant sur les termes et les strates historiques. Le « contra-tenore » n’est en effet pas _ oui, oui !!!  _ le « contre-ténor » d’aujourd’hui, celui qui a succédé au castrat, mais veut au contraire désigner le ténor qui, à l’époque baroque, rivalisait justement _ sur la scène _ avec les castrats. Comme le rappelle le livret, ces ténors pouvaient déjà être désignés par toute une série _ non codée, et pour cause : chaque chanteur faisait (et osait !) avec ses propres moyens… _ d’appellation : ténor-basse, baritenore, contre-ténor et haute-contre, ou encore taille. Michael Spyres, continue donc _ voilà _ son exploration _ passionnante _ de ces déclinaisons en s’intéressant ici au spectre aigu, le « contre » pouvant aussi bien définir le haute-contre à la française que le contre-ténor italien, mais pas _ en effet ! _ le contre-ténor à la voix de fausset.

Et finalement, c’est encore une autre voix que le chanteur vise et qu’il met en avant : celle du « tenore assoluto » dont la tessiture balaye l’ambitus allant du bariténor au contre-alto (voix grave féminine), un terme qui est depuis devenu le surnom superlatif d’Enrico Caruso, « Tenore Assoluto« , rajoutant encore à la confusion.

Michael Spyres vise donc le contra-tenore-assoluto-barocco _ si l’on veut… _ en prêtant sa voix à l’étendue spectaculaire _ certes, mais jamais forcée au final… _ aux rôles composés par Lully, Haendel, Rameau et plus tardivement Gluck et Mozart (et le disque fait également découvrir quelques morceaux de Johann Adolf Hasse, Baldassare Galuppi ou Gaetano Latilla, enregistrés pour la première fois).

Cet album est un hommage à l’habileté technique _ mais pas seulement ! Ce serait là terriblement réducteur ! _ de l’interprète. Trilles, mordants, fioritures sont au rendez-vous, exécutés avec souplesse _ et naturel, comme il se doit… _, d’une voix toujours projetée avec l’éclat d’un vibrato sémillant. Michael Spyres s’illustre autant dans les pyrotechnies vocales du répertoire italien que dans le raffinement sobre _ nécessairement : un art de la délicatesse, jamais forcée… _ du grand style français. Sa prononciation est _ parfaitement _ soignée dans ces deux langues. Naviguant entre les registres, il déploie tantôt un grave satiné « barytonant », voire « basso » large et profond, tantôt un aigu fulgurant. Plusieurs morceaux l’amènent dans l’extrême-aigu sur la cadence (jusqu’au contre-fa, voire au-delà). La voix s’affine sans basculer en falsetto _ en effet _ et reste nettement _ oui _ timbrée.

Les musiciens de l’orchestre Il Pomo d’Oro mettent toute leur expertise _ très grande _ du répertoire baroque au service notamment des pièces oubliées, déployant une riche palette sonore emportée par un pupitre de cordes particulièrement vif et endiablé (sans oublier les nuances _ capitales _ données par la direction précise _ et justissime _ du chef et claveciniste _ excellent, chaque fois !Francesco Corti, qui confère à cette musique tout son caractère vivant et aérien) _ absolument : beaucoup de fluidité et de vie…

De quoi, au final, se laisser emporter _ sans la moindre réticence, jamais _ par la virtuosité absolue _ mais pas gratuite, ni capricieuse : Michael Spyres n’est pas Cecilia Bartoli… _ de cette musique, qui justement déborde _ avec esprit _ tous les cadres, toutes les cases et appellations : en vers et contre-ténors.

_ pour l’article de Pierre Degott « Michael Spyres, ténor assoluto » :

Dans un programme riche et éclectique, se livre à une nouvelle démonstration de virtuosité et de versatilité _ mais jamais gratuites ni capricieuses. Un récital qui fera date _ oui _, et qu’on rangera à côté _ et sans l’y amalgamer _ des plus grandes réussites récentes de tous nos contreténors préférés.

Est-il ténor, baryton, baryténor, haute-contre, Heldentenor, maintenant contra-ténor ? se pose décidément beaucoup de questions, pour le plus grand bonheur de ses auditeurs _ en effet _ qui n’auront aucun mal à se faire leur propre avis. Si l’album intitulé Baritenor avait moyennement convaincu _ pas moi : j’en suis enthousiaste _ , cet album consacré aux grands airs baroques devrait, lui, rallier tous les suffrages. Le choix du programme, tout d’abord, qui de Lully à Mozart couvre l’exploration de la tessiture de ténor sur toute la période baroque, devrait satisfaire tous les amateurs de musique ancienne. Un air par compositeur, de quoi ravir les admirateurs de musique italienne comme de musique française _ bien distincts cependant. Le projet de Michael Spyres est visiblement de convaincre qu’à côté de la voix de castrat, le ténor baroque avait lui aussi _ mais oui ! _ son mot à dire, même s’il est vrai que la tessiture de cette voix n’était pas aussi nettement définie _ en effet _ qu’elle l’est devenue plus tard au XIXᵉ siècle. Le haute-contre à la française de Lully et de Rameau, convenons-en, a peu à voir _ en effet !!! _ avec le ténor barytonnant de Haendel, illustré ici par le Bajazet de Tamerlano. Ce personnage évolue en effet dans une tessiture relativement grave qui a permis encore récemment à Plácido Domingo, ténor alors redevenu baryton, de se tailler un beau succès dans le rôle….

 

Dans les deux types de tessiture, Michael Spyres se montre souverain _ oui _, même si l’on se permettra de préférer ses couleurs vocales dans le haut-médium de la voix. Son extension dans le grave, si elle commande le respect, n’a pas la même qualité de timbre que la partie plus élevée de l’instrument. On n’en apprécie pas moins les variations dans les notes basses de certains airs, dont le « Se il moi paterno amore » du Siroe, re di Persia, enregistré en première mondiale. Dans toutes les plages réunies sur cet album, lesquelles feront entendre quelques tubes du baroque et du classicisme naissant comme des nouveautés absolues _ les deux _, Spyres se montre un technicien hors pair _ mais pas seulement, et loin de là : un merveilleux artiste lucide aussi… La voix est homogène sur tous les registres, des extrêmes graves aux extrêmes aiguës, et enjambe les intervalles les plus folles sans la moindre difficulté _ quelle suprême fluidité… Elle offre tout au long du programme, et sans le moindre effort, trilles, mordants et vocalises, s’autorisant des incartades _ mais jamais folles _ autant dans le suraigu que dans les tréfonds du registre de basse. Le spectaculaire « Tu m’involasti un regno » extrait de l’Antigono de Mazzoni fait entendre une vocalise sur rien moins que trois octaves. Cerise sur le gâteau, Spyres sait également dire un texte et son interprétation de « J’ai perdu mon Eurydice », dans un excellent français, est une des plus émouvantes qu’on ait pu entendre ces dernières années _ mais oui ; et en quel admirable français !

Un tour de force vocal, donc, qui rappelle que virtuosité technique et expressivité _ voilà _ ne sont en rien incompatibles. On aura rarement été autant convaincu par un récital d’airs baroques, autant pour la variété des airs sélectionnés que par la maîtrise de la technique vocale et par celle de l’art de la diction _ oui !!! _ et de l’interprétation _ admirable. Il Pomo d’oro, dirigé ici par , est un ensemble instrumental aujourd’hui bien connu _ pour sa régulière excellence !! Tout comme le soliste, il montre sa parfaite adéquation _ oui _ aux différents styles _ très divers _ représentés sur ce programme à l’éclectisme rare _ oui _ pour un enregistrement estampillé « baroque ». Sa contribution _ voilà _ au succès de l’entreprise se doit d’être dûment signalée.

Contra-tenor.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : « Cessons de redouter » et Passacaille extraits de Persée.

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « E il soffrirete … Empio per farti guerra » extrait de Tamerlano.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Cada pur sul capo audace » extrait de Artabano, re de’ Parti.

Leonardo Vinci (1690-1730) : « Si sgomenti alle sue pene » extrait de Catone in Utica.

Nicola Porpora (1686-1768) : « Nocchier, che mai non vide » extrait de Germanico in Germania.

Domenico Sarro (1679-1744) : « Fra l’ombre un lampo solo » extrait de Achille in Sciro.

Baldassare Galuppi (1706-1785) : « Vil trofeo d’un alma imbelle » extrait de Alessandro nell’Indie.

Gaetano Latilla (1711-1768) : « Se il mio paterno amore » extrait de Siroe, re di Persia.

Johann Adolf Hasse (1699-1783) : « Solcar pensa un mar sicuro » extrait de Arminio.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : « Cessez de ravager la Terre » extrait de Naïs.

Antonio Maria Mazzoni (1717-1785) : « Tu m’involasti un regno » extrait de Antigono.

Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « J’ai perdu mon Eurydice » extrait de Orphée et Eurydice.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : « Se di lauri » extrait de Mitridate, re di Ponto.

Niccolò Piccinni (1728-1800) : « En butte aux fureurs de l’orage » extrait de Roland.

Michael Spyres, ténor ;

Il Pomo d’oro, direction : Francesco Corti.

1 CD Erato.

Enregistré du 15 au 22 septembre 2020 à la Villa San Fermo de Lonigo (Italie).

Notice de présentation en anglais, français et allemand.

Durée : 72:54

 

Voilà pour ces articles annotés.

Le CD enfile ses 14 airs dans l’ordre _ presque, à une exception près : les airs de Vivaldi (en 1716) et de Haendel (en 1724), intervertis dans l’ordre du CD, pour une raison qui m’échappe… _ strictement chronologique de leur création (ou composition, pour l’air de Mazzoni qui n’a pu être créé à Lisbonne à cause des destructions du terrible tremblement de terre, alors que l’opéra « Antigono » était en répétitions..) :

_ 1682, pour l’air extrait de « Persée » de Lully, créé à Paris le 18 avril 1682

_ 1716, pour l’air extrait d' »Artabano, re de’ Parti » de Vivaldi, créé à Venise le 18 janvier 1716

_ 1724, pour l’air extrait de « Tamerlano » de Haendel, créé à Londres le 31 octobre 1724

_ 1728, pour l’air extrait de « Catone in Utica » de Vinci, créé à Rome le 19 janvier 1728

_ 1732, pour l’air extrait de « Germanico in Germania » de Porpora, créé à Rome en févrierl 1732

_ 1737, pour l’air extrait d' »Achille in Sciro » de Domenico Sarro, créé à Naples le 4 novembre 1737

_ 1738, pour l’air extrait d' »Alessandro nell’Indie » de Galuppi, créé à Mantoue le 14 janvier 1738

_ 1740, pour l’air extrait de « Siroe, re di Persia » de Gaetano Latilla, créé à Rome  le 12 janvier 1740

_ 1745, pour l’air extrait d' »Arminio » de Hasse, créé à Dresde, le 7 octobre 1745

_ 1749, pour l’air extrait de « Nais » de Rameau, créé à Paris le22 avril 1749

_ 1755, pour l’air extrait d' »Antigono » d’Antonio-Maria Mazzoni, répété, mais non créé, à Lisbonne en octobre 1755

_ 1762, pour l’air extrait d' »Orphée et Eurydice » de Gluck, créé à Paris le 5 octobre 1762

_ 1772, pour l’air extrait de « Mitridate, re di Ponto » de Mozart, créé à Milan le 26 décembre 1772

_ 1778, pour l’air extrait de « Roland » de Piccinni, créé à Paris le 27 janvier 1778.

Un CD indispensable.

Ce vendredi 5 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une seconde étape du périple discographique du répertoire de ténor chanté en français, par Benjamin Bernheim : un passionnant « Boulevard des Italiens »…

01mai

Après son inaugural magnifique et marquant récital _ soit le CD Deutsche Grammophon 481 6078 _ tout simplement intitulé « Benjamin Bernheim« , constitué d’airs pour ténors de Massenet, Donizetti, Gounod, Verdi, Tchaikovsky, Godard Berlioz et Puccini,

que le superbe Benjamin Bernheim _ cf mon article du 24 novembre 2019 : « «  _ nous a donné en 2019,

voici que celui nous livre maintenant une seconde magnifique étape de son périple de ténor chantant en français,

consacrée cette fois à des airs de compositeurs italiens ayant composé, ou bien tout spécialement pour des scènes fraçaises d’opéra, ou bien des œuvres ayant très vite rencontré le plus vif et large et durable succès en France,

en un récital très judicieusement intitulé cette fois « Boulevard des Italiens« , en un nouveau très réussi CD Deutsche Grammophon, numéro 486 1964.

Cf l’article que, sur le site de ResMusica, et le 27 avril dernier, Steeve Boscardin, a consacré à ce CD, sous le titre de « Benjamin Bernheim rend hommages aux Italiens à Paris« …

Benjamin Bernheim rend hommage aux Italiens à Paris

Ce nouvel enregistrement de Benjamin Bernheim sort des sentiers battus et apparaît beaucoup plus original que les traditionnels récitals de ténors, grâce à la collaboration du Palazzetto Bru Zane qui a concocté un programme autour de l’engouement des compositeurs italiens pour Paris.

L’avantage de ce programme est d’éviter la succession de « tubes » archi-connus, et d’aborder les compositeurs italiens dans leurs compositions en langue française. L’’intitulé, « Boulevard des Italiens », rappelle que Paris et sa « grande boutique » était un pôle d’attraction important pour les compositeurs italiens qui ont été amenés à écrire des opéras en français pour un public avide : on retrouve ainsi le traditionnel Don Carlos de Verdi, mais aussi des pages de son Jérusalem et des Vêpres Siciliennes, ainsi que La Vestale de Spontini ou La fille du régiment et La favorite de Donizetti, et des raretés de Cherubini et Mascagni. Enfin, le programme du disque s’ouvre et se referme avec deux airs de Puccini (extraits de Tosca et Madame Butterfly) dont la simple traduction en français – comme cela se faisait encore jusque dans les années 60 avant l’apparition du sur-titrage – apporte une écoute renouvelée et quasiment « exotique ».

Reconnaissons toutefois que l’enchainement de ces cavatines et romances où la « démonstration » technique semble mesurée quels que soient les styles abordés (romantisme, vérisme et classicisme), manque un peu de variété et aboutit à une absence de relief qui peut susciter une relative monotonie. Relative, car l’élégance suprême _ voilà ! _ domine, et toutes ces pages sont magistralement défendues et interprétées. Et puis quel plaisir d’entendre une telle évidence _ oui _ entre un répertoire et un interprète, car Benjamin Bernheim semble ici sans rival dans la domination naturelle de la prosodie, la clarté d’émission, le legato ondulant prétexte à de longues phrases lancées sur un souffle _ absolument…

A ce titre la cavatine de Dom Sébastien de Donizetti est peut-être le bijou, le point d’acmé de cet album qui résume toutes les qualités du ténor, ici tout en intériorité et raffinement pour peindre le portrait d’un monarque solitaire et mélancolique. Justesse du phrasé, belles dynamiques, maitrise absolue de la demi-teinte et de l’aigu puissant _ oui, oui, oui. L’extrait de la Favorite est du même acabit avec cette ligne de chant ondulante et si, pour donner plus de contrastes, on aurait aimé que Bernheim aborde le personnage de Tonio de La fille du régiment du côté de sa virtuosité, reconnaissons que la romance « Pour me rapprocher de Marie » abordée ici expose là encore une diction parfaite et une émission d’une grande clarté conférant beaucoup de fraîcheur _ oui _ à son interprétation.

Les Verdi sont aristocratiques et d’un grand raffinement _ comme il leur convient. Bernheim y apparait souverain, d’une ligne de chant et d’un legato flottants, et le duo jeune et plus « viril » du Don Carlos avec Florian Sempey (Posa) atteint des sommets dans de superbes harmoniques. La délicatesse des romances de Jérusalem et des Vêpres siciliennes donnent à admirer une grande qualité du phrasé et le souffle infini du ténor ainsi qu’une parfaite maîtrise de la voix mixte.

Le programme donne l’occasion au ténor d’aborder le répertoire plus « classique » – avec notamment le très rare Ali Baba de Cherubini – qui se révèle plein de promesses, même si l’extrait de la Vestale de Spontini nous semble encore manquer un peu de mordant, d’urgence et de drame.

Enfin, Amica, seul opéra en français que Mascagni a composé (1905), est une belle découverte qui nous permet de savourer cette voix duveteuse et moelleuse associée à une clarté d’émission qui sonne avec beaucoup de finesse dans ce répertoire vériste souvent plus trivial chez d’autres artistes.

A la tête de l’Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, le chef français Frédéric Chaslin aborde avec la même élégance les divers styles qui composent le programme. Si on aurait parfois aimé – comme pour le ténor – un peu plus de mordant dans certaines pages, l’orchestre offre une belle variété de couleurs et une valorisation des pupitres qui enrichissent l’écoute de ces œuvres que l’on prend plaisir _ oui _ à découvrir ou redécouvrir.

Giacomo Puccini (1858-1924) : « Adieu, séjour fleuri » extrait de Madama Butterfly ; « Ô de beautés égales dissemblance féconde ! » extrait de Tosca.

Gaetano Donizetti (1797-1848) : « Pour me rapprocher de Marie » extrait de La Fille du régiment ; « Ange si pur que dans un songe » extrait de La Favorite ; « Seul sur la terre » extrait de Dom Sébastien, Roi de Portugal.

Giuseppe Verdi (1813-1901) : « Fontainebleau ! forêt immense et solitaire », « Je l’ai vue », « Le voilà ! c’est l’enfant ! – Ô mon Rodrigue ! », « Dieu, tu semas dans nos âmes » extraits de Don Carlos ; « L’Emir auprès de lui m’appelle » et « Je veux encore entendre ta voix » extrait de Jérusalem ; « Ô toi que j’ai chérie » extrait des Vêpres siciliennes.

Gaspare Luigi Pacifico Spontini (1774-1851) : « Qu’ai-je vu ! … Julia va mourir ! » extrait de La Vestale.

Luigi Cherubini (1760-1842) : « C’en est donc fait, plus d’espérance ! » et « C’est de toi, ma Délie, que dépendait mon sort » extrait d’Ali Baba.

Pietro Mascagni (1863-1945) : « Amica ! Vous restez à l’écart … » et « Pourquoi garder ce silence obstiné ? » extrait d’Amica.

Benjamin Bernheim, ténor ;

Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, direction : Frédéric Chaslin.

1 CD Deutsche Grammophon réalisé en coopération avec le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française.

Enregistré au Teatro auditorium Manzoni de Bologne en avril 2021.

Texte de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 59:13

La profondeur du charme _ tant de la splendeur du timbre de ténor que de cette conduite admirable, si aisée, de l’art maîtrisé du chant en français _ emportant tout…

Ce dimanche 1er mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Eloge de Jelyotte aujourd’hui…

29jan

Alors que le lundi 18 octobre dernier,

en mon article ,

je faisais l’éloge du magnifique  CD « Jéliote, haute-contre de Rameau «, soit le CD Alpha 753,

voici que, hier 28 janvier 2021,

Jean-Charles Hoffelé a consacré sa chronique de son site Discophilia à ce même CD superbement interprété  par Reinoud van Mechelen,

en un article intitulé, lui, « Ténor à la française« … 

Le voici donc :

TÉNOR À LA FRANÇAISE

Une carrière _ celle d’un chanteur : Pierre Jélyotte _, voilà bien ce que Reinoud van Mechelen veut illustrer au long de cet album groupant dans l’ordre chronologique les rôles _ voilà _ qui auront porté le plus fameux ténor de son temps _ Pierre Jélyotte, donc _ à l’empyrée de la tragédie lyrique _ soit l’opéra à la française…

Ce ne sera pas faire injure à notre ténor d’aujourd’hui _ Reinoud van Mechelen, en l’occurrence _ de le trouver mieux accordé aux incarnations de l’apogée – à commencer par l’inclassable grenouille _ de « Platée«  _ que Rameau imagina afin de dévoyer _ avec humour… _ sa voix et de flatter ses multiples talents _ voilà ! comiques, aussi _ d’acteur – qu’à celles des débuts _ de Pierre Jélyotte _ : il n’a pas les aigus glorieux de l’Air pour les coureurs des Fêtes grecques de _ Colin deBlamont, mais du moins l’élan. Pourtant sa Platée _ de l’opéra éponyme _ est irrésistible, car sans charge, tout dans le détail, avec des falsettos caressés là _ voilà _ où tant les coassent.

Cette élégance _ oui _ qui signe toujours l’art de Reinoud van Mechelens’accomplit dans les airs de la fin de la carrière : magique la rossignolade du Temple de la Gloire, délicieux les airs occitans du Daphnis et Alcimadure de Mondonville, dont j’aimerai tant _ et nous donc !!! _ enfin tenir une intégrale digne de ce nom.

Au crépuscule, une fois la cour regagnée, le temps des airs tendres et nostalgiques sera _ certes _ venu, magnifiant des textes complexes qui exigent du chanteur un art _ subtil et délicat _ des affects _ voilà _ dont le ténor se régale : écoutez le sublime _ oui !« Que l’amour embellit la vie » des Boréades, ou ce quasi air de cour si nostalgique _ oui _ signé par Jean-Benjamin de La Borde, Pourquoi cruel amour ?.

Le temps serait-il venu de découvrir ce compositeur lettré que Jean-François Parot aura ressuscité au long de ses romans ?

LE DISQUE DU JOUR

Jéliote, haute-contre de Rameau

Airs et extraits instrumentaux, de Jean-Philippe Rameau (Hippolyte et Aricie, Dardanus, Platée, Le Temple de la Gloire, Castor et Pollux, Les Boréades), François Colin de Blamont (Les fêtes grecques et romaines), François Rebel et François Francœur (Scandeberg), Charles-Louis Mion (Nitétis), Pierre de Jélyotte (Zelisca), Jean-Marie Leclair (Scylla et Glaucus), Antoine Dauvergne (Les amours de Tempé), Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (Daphnis et Alcimadure), Pierre-Montan Berton (Erosine), Jean-Benjamin de La Borde (Ismène et Isménias)

Reinoud van Mechelen, ténor
A Nocte Temporis

Un album du label Alpha Classics 753

Photo à la une : le ténor Reinoud van Mechelen – Photo : © DR

Bravo !

Ce samedi 29 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Comment devons-nous prendre la question « Michael Spyres : baryton ou ténor ? » du magazine ResMusica ?..

15déc

Voilà que hier 14 décembre,

je découvre sur le site de ResMusica, et sous la plume de Patrice Imbaud, avec le titre punchy « Michael Spyres : baryton ou ténor ?« ,

cette malicieuse question posée à la revendication de Michael Spyres de « barytenor » ;

cf mes précédents articles sur le sujet ; par exemple celui du 23 octobre dernier :

Voici donc le questionnement quasi inquisiteur de cet article bien détaillé de ResMusica :

Michael Spyres : baryton ou ténor ?

Avec ce nouvel enregistrement « Baryténor » Michael Spyres n’en finit pas nous étonner par son exceptionnelle facilité vocale lui permettant d’assumer indifféremment tous les emplois de ténor ou de baryton, de Mozart à Korngold.

Particularité vocale rare, mais non exceptionnelle comme nous le rappelle Michael Spyres dans une notice où sont évoqués nombre de « baryténors » qui ont marqué l’histoire du chant, de l’opéra baroque à nos jours…. Il s’agit en fait de voix centrale, anciennement appelée « taille », dotée d’un grave profond (« basse taille » ou baryton) et d’aigus lumineux (« haute taille » ou ténor), bénéficiant d’un large ambitus (3 octaves pour Michael Spyres) dont on peut rapprocher les barytons Verdi et les barytons Martin, dotés également d’aigus faciles, plus ou moins puissants. Mais ce large ambitus autorise-t-il autant d’aisance dans les deux tessitures ? Ce florilège d’airs d’opéra, avec lequel il a donné un concert en novembre à Strasbourg, nous fournit une esquisse de réponse.

Si l’on est d’emblée séduit par le timbre, la technique, la puissance, la diction et la souplesse de la ligne _ en effet ! _, il faut bien reconnaitre que la voix ne semble pas aussi épanouie et homogène _ tiens donc… _  dans les deux tessitures. Dans les airs de ténor : « Fuor del mar » (Idomeneo), « ô Dieux ! Ecoutez ma prière » (Ariodant), « Qu’ai-je vu ? » (La Vestale), « Mes amis, écoutez l’histoire » (Le Postillon de Longjumeau), « Ah ! mes amis, quel jour de fête » (La Fille du régiment), le chant parfois se tend dans le haut du registre, les aigus se serrent, tandis qu’apparait un léger vibrato serré mal contenu. A l’inverse les airs de baryton rayonnent de facilité, de legato, d’aigus filés nous paraissant en général plus convaincants qu’il s’agisse de l’air du Comte Almaviva : « Hai gia vinta la causa » des Noces, de la sérénade de Don Giovanni : « Deh, vieni alla fenestra », ou de celui du Comte de Luna du Trouvère : « Il balen del suo sorriso ». Pagliacci de Leoncavallo, La Veuve joyeuse de Lehár ou Carmina Burana de Orff confirment largement cette préférence.

Cet excellent enregistrement, admirablement soutenu par Marko Letonja à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, permettra à chacun de se faire une opinion…

Airs de

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo ; Le Nozze di Figaro ; Don Giovanni.

Etienne-Nicolas Méhul (1763-1817) : Ariodant.

Gaspare Spontini (1774-1851) : La Vestale.

Gioachino Rossini (1792-1868) : Il Barbiere di Siviglia ; Otello.

Adolphe Adam (1803-1856) : Le Postillon de Longjumeau.

Gaetano Donizetti (1797-1848) : La Fille du regiment.

Giuseppe Verdi (1813-1901) : Il Trovatore.

Ambroise Thomas (1811-1896) : Hamlet.

Jacques Offenbach (1819-1880) : Les Contes d’Hoffmann.

Richard Wagner (1813-1883) : Lohengrin.

Ruggero Leoncavallo (1857-1919) : Pagliacci.

Franz Lehar (1870-1948) : Die lustige Witwe.

Maurice Ravel (1875-1937) : L’Heure espagnole.

Carl Orff (1895-1982) : Carmina Burana.

Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) : Die tote Stadt.

Michael Spyres, baryténor ; Chœur de l’Opéra National du Rhin ; Orchestre Philharmonique de Strasbourg, direction : Marko Letonja.

1 CD Erato.

Enregistré du 25 au 29 aout et du 14 au 15 octobre 2020 au Palais de la Musique de Strasbourg. Notice trilingue : anglais-français-allemand. Durée : 84:30

 

Chacun pourra juger en bonne connaissance de cause…

Mais nous connaissons bien aussi l’histoire du parcours de la voix de Michael Spyres, baryton,

qui n’a certes en rien ménagé ses efforts afin de devenir aussi à l’aise dans le registre de la voix de ténor que dans le registre qui était d’abord le sien, de la voix de baryton…

Et il faut être rudement inquisiteur pour dénicher, à l’écoute, ce qui peut distinguer l’aisance d’interprétation de sa voix, et de ses efforts, dans sa tenue, à la scène comme au disque, de chacun de ces registres de voix… 

Lui faisant tout pour rendre le moins perceptible possible par l’auditeur de son art d’interprétation des rôles, ce passage de l’un à l’autre de ces deux registres ;

cf par exemple mon article du 22 octobre dernier :  ;

ou bien, aussi, mon article du 25 octobre suivant, qui reprenait quelques articles bien antérieurs : 

Admirable Michael Spyres !

Chanter est un art qui s’apprend et se cultive sans cesse…

Ce mercredi 15 décembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Et retrouver aussi « Stranonice », opéra-comique de Méhul en 1792…

28oct

Et en continuant de fouiller dans les recoins peu fréquentés de ma discothèque,

voici qu’aujourd’hui je retrouve le CD « Stratonice » (un CD Erato de 1996),

un opéra-comique d’Etienne-François Méhul, de 1792…

Avec, dans le rôle du mélancolique Antiochus, le ténor Yann Beuron,

que j’apprécie pour son art de chanter

parfaitement idoine à ce beau répertoire français…

Ce jeudi 28 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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