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Deux comédies épatamment délicieuses sur le jeu de la rencontre et du hasard, l’une à Paris, l’autre à New-York : « Fais-moi plaisir ! » d’Emmanuel Mouret et « Whatever works » de Woody Allen

03juil

Le « hasard«  (?) des sorties cinématographiques de ce début d’été (et de « Fête du cinéma« )

nous offre deux petits bijoux de comédies absolument délicieuses :

« Fais-moi plaisir !« 

_ on notera le ton, cette fois, (après le vouvoiement si poli du délicat et élégantissime « Un baiser, s’il vous plaît !« , en 2007) de l’injonction tutoyée _

et « Whatever works« 

_ soit un très pragmatique et magnifiquement ouvert : « Quoi que ce soit qui marche ! » ;

ou, mieux : « Pourvu que ça marche… » _,

toujours,

les deux,

tant le film du marseillais Emmanuel Mouret

que celui du new-yorkais Woody Allen,

avec un merveilleux (très léger : à peine) arrière-goût doux-amer,

comme il se doit à une comédie au parfum de vérité

(face aux mensonges de la vulgarité parlant haut et très fort de l’industrie on ne peut plus efficace de l’entertainment…)

(cf, pour nous, Français, le bel exemple, matriciel, de Molière _ par exemple, « L’École des femmes » _ et celui, terriblement secouant, de Marivaux _ par exemple, « L’Épreuve » _,

sans compter les comédies, trop méconnues, encore, et sublimes (!) de Pierre Corneille _ par exemple, plus encore que « L’Illusion comique« , l’époustouflante (quels coups au cœur !) « La Place royale » _,

ou celles, particulièrement « douces-amères« , de Musset _ « Les Caprices de Marianne » ou « On ne badine pas avec l’amour » _) ;

….

le genre ayant toujours un arrière-fond de mélancolie,

celui de la vie, sans doute :

sans aller jusqu’à l’idiosyncrasie _ mortifère _ schopenhauerienne du « Monde comme volonté et comme représentation« ,

on pourra s’en tenir, pour l’idée à se faire de cela, à la position, mesurée, sage, d’expert du « soin« , de Freud, en l’aboutissement (dans « Au-delà du principe de plaisir » (en 1920), in « Essais de psychanalyse« ) de la réflexion de toute une vie, notamment, mais pas seulement, de thérapeute _ assez génial, en son cas _, ajointant les forces de vie, au pluriel, d’Eros et la pulsion de mort, au singulier, elle, de Thanatos ; dont le jeu un peu complexe nous joue tant et tant de tours (de cochon !)

avec un merveilleux (très léger : à peine) arrière-goût doux-amer, donc,

je reprends l’élan de ma phrase,

mais un peu plus doux (et même tendre : sans niaiserie ! toutefois ; sans kitsch : sans romantisme aucun !..) qu’amer, ici, en leur pétaradante jubilatoire allégresse,

et avec une dose d’élégance sans compter _ merci de cette générosité ! _ toutes les deux,

comédies,

que nous offrent les magnifiquement juvéniles cinéastes Emmanuel Mouret (marseillais, né le 30 juin 1970 : il fête donc juste ses 39 ans)

et Woody Allen (Allen Stewart Königsberg, dit Woody Allen, new-yorkais, né le 1 décembre 1935 à Brooklyn : 73 ans de jeunesse brillamment renouvelée « au compteur« …) :

en un second article, nous essaierons de nous pencher un peu sur leurs secrets…

Pour le premier, Emmanuel Mouret,

c’était avec une joyeuse impatience que j’attendais son nouvel opus

après le bonheur (céleste !) de son génialissime « Un baiser, s’il vous plaît!« , sorti le 12 décembre 2007 : quelle vista dans la délicatesse !..

Cf mon article du 17 août 2008, à l’occasion de la sortie du film en DVD : « Emmanuel Mouret : un Marivaux pour aujourd’hui au cinéma« …

Passer à côté d’un tel talent, et de tels films, serait triste pour tout le monde !

Pour le second, Woody Allen,

je venais de me réjouir, à domicile, en DVDs, de son excellente série anglaise « Matchpoint«  (le film, présenté au Festival de Cannes le 12 mai 2005, est sorti en première mondiale en France le 12 octobre 2005), « Scoop«  (le film est sorti le 27 septembre 2006) et « Le rêve de Cassandre » (le film est sorti en France le 31 octobre 2007, plusieurs mois avant sa sortie américaine),

trois très très réussies variations humoristiques sur le triomphe _ de fait _ du mal dans la vie,

telles des « répliques«  (sismiques : et donc d’une certaine ampleur…),

seize, dix-sept et dix-huit ans plus tard (voilà la cohérence d’un créateur !)

au chef d’œuvre des chefs d’œuvre allénien : le merveilleux

_ et fondamental pour qui voudrait bien saisir le sens de tout l’œuvre allénien (entamé en 1966, avec « Lily la tigresse » : « What’s Up, Tiger Lily ? » ; cela fait 45 ans !) _

le merveilleux et fondamental « Crimes et délits«  (« Crimes and misdemeanors«  : le film est sorti fin 1989 aux États-Unis et début 1990 en France)…

Cette fois-ci, avec « Whatever works » _ je commencerai par cette comédie _, Woody Allen revient (de ses séries de tournages européens : trois fois à Londres ; puis une fois à Barcelone ; avant son présent projet parisien !) en son « terreau new-yorkais«  _ celui, notamment, de l’éblouissant « Manhattan« , en 1979 (il y a tout juste trente ans !) _, pour notre plus vif plaisir, tant sa ville, New-York, ainsi que les racines de sa propre histoire (familiale ; et au-delà : s’en extirper, aussi !.. cf sur ce « s’extirper« , le sketch formidablement éclairant du « Complot d’Œdipe » _ « Œdipus Wrecks« , c’était mieux ! _ in le film collectif « New-York Stories« , en 1989 ; avec des contributions aussi de Martin Scorcese et Francis Ford Coppola),

tant sa ville, New-York, ainsi que les racines de sa propre histoire, donc,

le « subliment«  : le film

_ sur un scénario des années soixante-dix (le fait est à relever !), et remisé en 1977 dans les tiroirs, à la suite de la disparition de l’acteur pressenti pour le premier rôle, l’acteur juif new-yorkais, né lui aussi, comme Woody Allen, à Brooklyn, Zero Mostel, mort le 8 septembre 1977 : il s’agit du rôle du narrateur même du film, un bavard jubilatoirement agressif, s’adressant de temps en temps directement, via la caméra, aux spectateurs que nous sommes et qu’il prend à témoins ; et cela à l’étonnement des autres protagonistes du film ! _ ; soit le très savoureux personnage de Boris Yellnikoff, un « génie de la physique divorcé, névrosé, misanthrope, bavard, boiteux, irrésistiblement drôle et méchant« , idéalement incarné, cette année 2009-ci, par l’éclatant acteur juif new-yorkais, né lui aussi à Brooklyn _ le 2 juillet 1947 _ Larry David : déchaîné, pour notre plus grande et renouvelée jubilation ; soit un Woody Allen un peu plus jeune _ 61 ans contre 73 _, au regard un peu moins désabusé, éteint, plaintif, triste ; et « revenant au sexe » _ le personnage de Boris Yellnikoff _, si j’ose ainsi m’exprimer, après des années d’abstinence assumée, voire revendiquée ; et deux tentatives de suicide : la dernière assez désopilante… _

le film, donc, est un feu d’artifice époustouflant, au sortir _ le point est à noter, bien que non souligné du tout dans les dialogues _ des années Bush _ les effigies (figées : serait-ce un pléonasme ?) de George W. Bush et Ronald Reagan apparaissent dans une séquence au Musée des figures de cire !!! de New-York, que Boris fait découvrir, pour la distraire en une matinée de désœuvrement, à la jeune sudiste (du Sud le plus profond) qu’est Mélodie St-Ann Celestine, débarquée toute fraîche et naïve du fin fond de son Mississipi natal (et ses mythologies tenaces : du moins là-bas) qu’elle cherche à fuir, pour s’incruster, par le plus grand des hasards, chez lui, dans cette mégapole des immigrants et de la « Liberté » qu’est New-York : dont la statue sera aussi « admirée« , en une autre matinée de « visite » de la ville, non loin de « Ellis Island« , aussi : et Boris le soulignera à Mélodie… _, et à l’aube des années Obama (son nom est prononcé ! sans cependant s’y attarder) :

Obama dont le souffle est _ c’est à n’en pas douter _ ce qui inspire l’irrésistible gaîté (et profonde ! pas circonstancielle et rien que d’opportunité politique ; pas bling-bling…) de ce très réjouissant « Whatever works«  : le public ne cessant de rire jubilatoirement tout au long des 92 minutes que dure le film, au rythme parfait !.. Quel art des dialogues ! et des jeux d’esprit qui touchent très loin, en même temps que très près, chaque fois… On est à mille lieues, ici, du « parler pour ne rien dire » ; ou du « rien qu’amuser la galerie » !!!

Car la « leçon » de ce nouveau très grand film allénien est

que l’énergie sainement libératrice de New-York,

dans les rencontres détonnantes et « mélanges » que la ville permet, provoque, brasse et entretient, en de renouvelées métamorphoses des « personnes« ,

finit par pulvériser les miasmes asphyxiants de toutes les névroses et psychoses stagnantes et plombantes du Sud profond,

les personnages de l’ingénue Mélodie St-Ann Celestine, qui vient débouler dans le (pauvre) gîte de Boris Yellnikoff,

puis de ses deux parents,

Marietta, la bigote toute choucroutée, coincée et étouffante (en provenance directe du fin fond du Mississipi _ le nom de William Faulkner est même prononcé à l’occasion… _ et aux origines lointainement françaises…), et diablement horripilante, se métamorphosant, sous les coups de butoir (érotiques : conjointement du philosophe et du photographe new-yorkais dont elle partage le lit, en un ingénieux « ménage-à-trois« , l’expression est prononcée comme un refrain en un français assez délicieux ! par Marietta bientôt métamorphosée en new-yorkaise branchée) en rien moins que diva de la photographie underground de Greenwich Village,

et John, le père (un premier temps, dans le Sud profond, adultère : avec la « meilleure amie » de Marietta ; cela se révélant assez tôt une catastrophe !), un « psychotique religieux » _ un de ceux qui ont fait la pluie et le beau temps, huit années durant, des néo-conservateurs bushiens _ se décoinçant bien vite à son tour, une fois arrivé à New-York, dans les bras _ « Embrassons-nous, Folleville » !.. (comme le dit Labiche dans la pièce de même titre) _ d’un homosexuel juif new-yorkais (Kaminsky)…

Voici le pitch, ainsi que la critique (rapide), qu’en propose le chroniqueur, Emmanuelle Frois, du Figaro, en son article « Whatever works : le bonheur ! » du 1er juillet :

« À plus de 60 ans, Boris Yellnikoff (Larry David) a tout raté dans sa vie. Son mariage, son prix Nobel, son suicide. Hypocondriaque, cynique, ce génie de la physique qui claudique depuis sa défenestration _ lors d’une première tentative de suicide, quand sa première épouse l’a quitté _, peste contre l’humanité tout entière. Il a des crises de panique, des cauchemars, des rituels _ il se lave les mains en chantant « Happy Birthday » pour faire fuir les microbes, se rassure en écoutant Beethoven, en regardant sur une vieille télé les comédies musicales de Fred Astaire, en mangeant des knishes et en se gavant de médicaments. Lorsqu’il recueille chez lui Mélodie (qu’interprète Evan Rachel Wood), une jeune fugueuse de 21 ans échappée du Mississippi, la ravissante idiote s’incruste. Des neurones en moins, mais la joie de vivre incarnée. Peu à peu, le pessimiste acharné se laisse séduire par l’enthousiasme maladif _ ou contagieux ?.. _ de Mélodie. Ils se marient, mais leur bonheur est menacé par l’arrivée surprise de Marietta (qu’interprète Patricia Clarkson), la mère de Mélodie. La bigote se mue en artiste libertaire _ c’est peu dire ! _ qui va trouver son épanouissement en prenant deux amants _ à la fois et durablement : elle en a désormais un vital « besoin«  ! Et eux aussi ! Quand John (qu’interprète Ed Begley Jr.), le père de Mélodie, « un psychotique religieux », débarque à son tour pour récupérer Marietta, sa femme, qu’il avait trompée avec sa meilleure amie, c’est de nouveau le chaos. Mais John découvrira le nirvana dans des bras masculins _ ceux de Howard Kaminsky, qu’interprète Christopher Evan Welch : « pourvu que ça marche !« , voilà le seul critère à prendre en compte pour ne plus, enfin, déprimer et rancir !..

Critique

Après s’être aventuré en terre étrangère, Londres (« Le Rêve de Cassandre« , « Scoop« , « Match Point« ) et Barcelone (« Vicky Cristina Barcelona« ), Woody Allen revient à Manhattan, le temps de son 43e  long-métrage, « Whatever Works« , et ça marche ! _ quand l’esprit, et les sens, enfin s’ouvrent à une saine et vraie altérité… Il n’a rien perdu de son esprit new-yorkais, de son humour noir et satirique. Un sens du dialogue exceptionnel _ oui ! _, avec des phrases caustiques lancées au bazooka _ et nous en jubilons… Dès les premières images, son héros, Boris (son double hypocondriaque et cinématographique ?), attaque, en s’adressant ainsi aux spectateurs : « Autant que vous le sachiez, ce film n’est pas un Oscar de la joie. Si vous voulez vous sentir réjouis, faites-vous masser les pieds » _ et c’est un boiteux qui parle ! Sur l’aptitude particulière des boiteux (et boiteuses) à « jouir » et « se réjouir« , se référer au merveilleux chapitre XI du livre III des « Essais«  de Montaigne… Des répliques qui font mouche, qui fouettent, cinglantes _ oui ! et à quel rythme ! _, formulées par un héros irascible et misanthrope, qui décline sa bile sur tous les modes, sur tous les tons, essentiellement négatifs _ de l’humour noir (ou juif), jubilatoire !!! : « Dans l’ensemble, on est une espèce ratée. » À propos de sa première femme : « Notre mariage n’est pas un jardin de roses ; botaniquement, tu as tout d’un attrape-mouche. » Sans parler de Dieu, plutôt très « gay ». « Il a créé un univers parfait, les océans, les cieux, les belles fleurs. Évidemment, il est un décorateur. » Au final, Woody Allen, jeune homme de 73 ans à l’esprit libre _ ô combien ! _ et anticonformiste, philosophe avec malice _ et bien d’une fort juste culture ! aussi… _ sur le destin, sur le hasard _ je vais y revenir : c’est le grand point commun avec la comédie magnifique aussi d’Emmanuel Mouret ! _, et signe une comédie réjouissante _ en effet _ sur le bonheur _ oui ! _, en nous conseillant de le saisir dès qu’il pointera le bout de son nez » _ ou de sa mèche : la mèche qui bat le front du divin Kairos :

Kairos, hyper-chevelu par devant le visage, mais complètement chauve sur tout l’arrière du crane et la nuque ; et « irrattrapable« , tant il est non seulement véloce, mais aussi impitoyable (un rasoir à la main pour trancher toute tentative de mettre le grappin par derrière sur lui, une fois qu’il est passé et allé, parti, plus loin) ;

impitoyable, donc, qu’il est, si l’on n’a pas su saisir, avec lui, ce que sa générosité, de l’autre main, donnait, à l’instant, bref, où il passait à portée de soi : « more later, is too late » !!!

Cf aussi ceci :



Critique :  » « Whatever Works » : Woody Allen se convertit à l’optimisme« 

un excellent article de Thomas Sotinel, dans Le Monde, mis en ligne le 30 juin dans l’après-midi…

LE MONDE | 30.06.09 | 16h44  •  Mis à jour le 30.06.09 | 16h44

« Depuis plus de quarante ans, Woody Allen nous a appris à ne surtout pas confondre « drôle » avec « joyeux ». Même du temps où il braquait des banques avec un pistolet de savon, Woody Allen se distinguait du commun des rigolos : le casse raté n’était qu’un exemple de l’absurdité de la condition humaine.

Sur le même sujet :


Entretien Evan Rachel Wood : « Le comique, c’est une question de rythme ; rater un temps, c’est comme oublier une réplique »

Site web « Whatever Works »

Pendant ses cinq ans d’exil, il a acclimaté l’arbitraire du hasard aux brumes londoniennes, l’imperfection du désir érotique au soleil catalan. Le voilà revenu dans les rues de Manhattan pour un film tourné à la va-vite avec, dans le rôle principal, l’un des plus fameux misanthropes du moment, Larry David, créateur et interprète de la série « Larry et son nombril » (dont le titre original « Curb your enthusiasm« , « Réfrène ton enthousiasme«  reflète mieux la conception du monde).

Or, à la place de la dose supplémentaire de pessimisme allénien attendue, voici une joyeuse apostasie, qui invite à l’amour du prochain et célèbre la vie en société _ voilà ! « Whatever Works » se traduit par « du moment que ça marche », et c’est _ à la fin du film _ la conclusion à laquelle parvient Boris Yellnikoff : si l’on y trouve son compte, il n’y a pas de sotte façon d’être heureux _ une sagesse bricolée : toute de pragmatisme fin…

Le chemin qui conduit à ce retournement (qui n’est peut-être que temporaire) commence sous de sombres auspices. Boris Yellnikoff (qu’interprète Larry David), ancienne gloire new-yorkaise des sciences physiques, injustement négligé par le jury du Nobel, abandonné par sa femme au lendemain d’une ridicule mais douloureuse tentative de suicide, promet, face à la caméra _ c’est à nous qu’il s’adresse ! _, « ne vous attendez pas à un « feel good movie«  ». Et il a l’air si furieux qu’on le croit _ en effet ! sa conviction est péremptoire ! Seul (mais entouré d’amis assez fidèles et patients pour qu’ils se retrouvent régulièrement dans un café de Greenwich Village), pauvre (il survit en donnant des leçons d’échecs à des enfants, qu’il insulte) et amer, Boris ne trouve de plaisir que dans la démonstration de la médiocrité du genre humain.

OIE BLANCHE SUDISTE

Larry David n’est pas le premier comédien à qui Woody Allen confie son propre personnage, mais c’est le premier comique juif new-yorkais au crâne dégarni à porter ce fardeau. Et l’effet est déconcertant dans les séquences d’introduction. Il faut aussi dire que le scénario de « Whatever Works » est vieux de plus de trente ans, que Woody Allen destinait le rôle de Boris à Zero Mostel (« Les Producteurs« ). On a presque l’impression _ si ce n’étaient les images de maintenant et le nom d’Obama au détour d’une phrase… _ de découvrir un vieux film d’Allen, abandonné en cours de production, dans lequel un comédien s’efforce de tenir la place de la vedette sans y parvenir tout à fait.

Jusqu’à l’exquise irruption de Mélodie St. Ann Celestine (Evan Rachel Wood), oie blanche sudiste égarée dans les rues de New York, que Boris Yellnikoff recueille sous son toit. « Whatever Works » se met alors à ressembler furieusement à « La Belle et la Bête« , version Greenwich Village. Cela tient beaucoup au gracieux exercice d’équilibre auquel se livre Evan Rachel Wood. Mélodie est d’une inculture et d’une naïveté qui confinent à l’idiotie, mais c’est aussi une femme volontaire qui se place résolument du côté de la vie et du désir _ oui ! et pas à la Schopenhauer !!! Comme dans le conte de MmeLeprince de Beaumont, le cœur du reclus s’attendrit _ mais oui ! il se métamorphose !!! _, jusqu’à accepter une irruption supplémentaire, celle de Marietta, la mère de Mélodie, venue rejoindre sa fille à New York. Patricia Clarkson, qui jouait la très sérieuse hôte de Vicky et Cristina dans le film précédent de Woody Allen, s’amuse ici comme une folle en belle Sudiste qui se débarrasse de ses préjugés à une vitesse ahurissante _ oui : la métamorphose new-yorkaise est fulgurante : quel tempérament ! _, guérie _ oui ! _ de tous les péchés _ certes ! _ de la Confédération _ et de ses « Étendards dans la poussière«  (ou « Sartoris«  : c’était le titre originel de ce premier chef d’œuvre de Faulkner, en 1927… _ par la vertu de l’air de Manhattan.

HAPPY END

Car Woody Allen n’est pas seulement devenu optimiste, il glisse sans beaucoup de discrétion un message dans sa pochade rose. Sudistes et Nordistes, conservateurs et libéraux, croyants et athées peuvent s’entendre, il suffit qu’ils couchent les uns avec les autres et s’adonnent à la pratique des arts (Marietta devient photographe) _ voilà le message proclamé par les images et le récit de ces métamorphoses new-yorkaises !

Entamé sur un tempo un peu hésitant, « Whatever Works«  s’accélère jusqu’à la frénésie _ selon la logique des comédies-ballets déchaînées de Molière ! _ et _ contrairement à ce qu’annonçait Boris Yellnikoff, 90 minutes plus tôt _ jusqu’au happy end. La raison _ imbécile en de trop rigides généralisations !.. _ a du mal à admettre que Woody Allen est lui-même _ pour ce que nous connaissons de sa carrière cinématographique _ convaincu que le bonheur se laisse aussi aisément attraper _ tel Kairos : par devant seulement ! par derrière, c’est trop tard ! « il a filé«  !.. _, mais la force du spectacle _ oui : la contagion de l’évidence de l’humour _ est là : tout le monde _ oui ! _ s’amuse follement _ oui ! _, à commencer par le metteur en scène, à finir par le spectateur _ absolument !!! la salle pleure de rires… _, pour peu qu’il oublie _ ou les prenne à rebours, dans une dernière (ou pas !) métamorphose de cet humour ! _ les grands films que Woody Allen réalisait, du temps où il était aussi inquiet et pessimiste que Boris Yellnikoff.

Thomas Sotinel

Pour le tout aussi épatant (et constamment réjouissant) « Fais-moi plaisir ! » d’Emmanuel Mouret,

je retiendrai ceci :

D’abord, cet article de Jacques Mandelbaum dans Le Monde du 13 juin :

«  »Fais-moi plaisir ! » : un gentil garçon pris dans les méandres du désir »

LE MONDE | 23.06.09 | 16h08  •  Mis à jour le 23.06.09 | 16h08

« Le Mouret nouveau est arrivé. Comme d’ordinaire depuis la création du cru voici dix ans (de  » Promène-toi donc tout nu« , en 1999, à « Un baiser s’il vous plaît !« , en 2007), la cuvée de l’année est florale et gouleyante. Si la charpente reste la même, la fragrance connaît en revanche d’étonnantes nuances _ tout est dans les « variations« , en effet… _, qui raviront les amateurs des subtils changements dans la continuité _ dont nous sommes ! Soit un garçon prénommé pour la circonstance Jean-Jacques (Emmanuel Mouret), lequel compagnonne avec Ariane (Frédérique Bel), une beauté blonde, déliée et piquante.


Entretien Emmanuel Mouret : « Le réalisme au cinéma est d’ordre émotionnel« 


Le film les surprend un matin au saut du lit. Lui, efflanqué dans son pyjama, manifestant l’expression d’un désir pressant. Elle, affriolante en petite tenue, lui opposant une résistance farouche _ du moins suffisant à repousser ce matinal assaut. Avant le café, prétend-elle, elle ne peut rien faire. Puis elle doit impérativement terminer la lecture de son roman _ elle en est à la chute… La scène s’éternise _ c’est-à-dire diffère sa résolution : pour notre amusement _ au gré de divers prétextes et péripéties.

On est ici sur le terrain conventionnel de la désynchronisation du couple, de l’agencement comique du désir et de sa frustration _ tout cela dans le registre de la légèreté : on n’en fait pas un drame ! Le film va pourtant aller _ et même basculer, et pour un bon moment _ ailleurs _ au pays d’une fantaisie assez débridée, presque voisine du « pays des merveilles«  d’« Alice« , de Lewis Carroll _, au détour d’un appel téléphonique reçu par Jean-Jacques _ en référence à la belle « simplicité«  de  Jean-Jacques Rousseau ? _  au milieu de cet échange. Ariane _ celle qui donne le fil à Thésée pour sortir du labyrinthe ? celle qui se fait abandonner par le même sur l’île de Naxos ? celle qui aura l’oreille de Dyonisos (et de Nietzsche) ? _ s’inquiète du coup de fil, au bout duquel pend la voix d’une fille. Elle n’a pas tort, même si Jean-Jacques s’évertue à la rassurer. Il s’agirait d’un simple pari _ ah ! les paris stupides ! Que ne ferait-on pas pour jouer ?… Un de ses amis, totalement dépourvu de charme, se vante en effet d’avoir inventé une technique de séduction _ pas même un art ; un truc mécanique _ qui, grâce à la formulation d’un certain billet doux, lui permet de conquérir une fille par jour _ = « tirer un coup«  : cela ne mène pas très loin…

Par curiosité quasi scientifique _ Jean-Jacques est « inventeur«  ; le héros imbécile du récit raconté au cœur de « Un baiser, s’il vous plaît !« , Nicolas, était, lui, professeur de mathématiques : qui donc Emmanuel Mouret a-t-il, à travers ses personnages, « dans le nez«  ?.. _ Jean-Jacques a testé le billet sur une inconnue, qui s’est aussitôt jetée dans ses bras. C’est elle qui vient de l’appeler pour le revoir, mais il ne compte donner évidemment aucune suite _ à ce jeu… Qu’à cela ne tienne, Ariane, qui veut inscrire leur couple dans « une force de progrès » _ la niaiserie (des clichés (cf « Whatever works » : l’innocente Mélodie venant du « deeper South«  l’apprend très vite de Boris…) est terrible ! _, le met au défi d’aller jusqu’au bout de son investigation. Ce qui se produit alors, à charge pour le spectateur de le découvrir en détail _ et il n’est pas déçu ! _, tient de la loufoquerie et du conte de fées _ des « Aventures d’Alice au pays des merveilles« , même, avec ses reines autoritaires jusqu’à la cruauté : à quoi servirait donc le pouvoir, si ce n’est à se passer ses caprices ; ainsi que nuire ?..

GOUGNAFIER BLING-BLING

En voici les principales étapes. Découverte de l’excentrique Elisabeth (qu’interprète magnifiquement Judith Godrèche) en son luxueux appartement de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Révélation d’un mystérieux tunnel qui relie ledit appartement au palais de l’Élysée, Elisabeth se révélant comme fille du président de la République (qu’interprète Monsieur Jacques Weber). Connaissance faite avec le président, synthèse simplifiée _ et joliment adroite _ des trois derniers mandataires de la fonction, en tant que père d’une fille cachée, amateur d’art débonnaire et mixeur des scènes publique et privée.

Suivent le snobisme mortel et les gags triviaux de la soiréetelle des « variations«  plus drôlatiques les unes que les autres sur la partition primitive de l’excellent « The Party« , film-culte de Blake Edwards, en 1968 (avec Peter Sellers) _ d’Elisabeth, par ailleurs amante d’un gougnafier bling-bling _ et boxeur, pas judoka… ; c’est Dany Brillant qui l’interprète _ qui débarque impromptu. La fuite en compagnie d’Aneth (qu’interprète la délicieuse Déborah François), discrète et charmante soubrette qui entraîne Jean-Jacques dans le gourbi _ de banlieue (dans le 92) _ qu’elle partage avec quatre sœurs taquines et joyeuses, et où elle extrait enfin le morceau de rideau coincé depuis des heures dans la braguette du jeune homme.

Ce vaste et drolatique détour par le royaume de la fantaisie, où tout se promet, mais rien ne se consomme _ en effet, comme dans les rêves nocturnes : pure satisfaction fantasmatique ! le dormeur n’en étant même pas réveillé ! _, suffirait à recommander le film. Mais il y a plus. Un motif insistant qui confère à cette légèreté la profondeur d’un dessein secret. Il s’agit d’une variation _ encore _ autour des notions d’original et de copie, d’objet unique et d’objet de série _ à la façon dont un Michel Serres a pu analyser la vie à Moulinsart dans « Les Bijoux de la Castafiore » : l’article « Les Bijoux distraits ou la cantatrice sauve« , paru d’abord dans le numéro 277 de la revue « Critique« , en 1970, est disponible dans « L’Interférence«  Le mot doux est ainsi un faux original qui a pour fonction de faire tomber les filles. Le vase cassé par Jean-Jacques _ et les Japonais _ dans les salons présidentiels, cadeau du tsar à Napoléon, n’est qu’une réplique.

PLAGIAT OU CITATION ?

L’élite du pouvoir et de la richesse _ assez bling-bling _ croisée durant la soirée, évoluant parmi des objets insolites d’art contemporain, se révèle d’une navrante _ certes : quand la réalité a dépassé la fiction ! _ vulgarité _ Emmanuel Mouret a bien de l’esprit ! A contrario, la soubrette et ses sœurs, fruits de la duplication familiale et sociale, offrent un tableau poétique d’une rare délicatesse.

On pourrait multiplier les exemples, y compris en matière de références cinématographiques. Dans le film, Mouret s’amuse à copier Blake Edwards, au même titre que son œuvre reprend à son compte les marivaudages rohmériens. Cela signifie-t-il qu’il les plagie ? Ou au contraire qu’il les cite pour mieux s’en séparer ? La deuxième réponse _ les « sublimer«  _ nous semble la bonne _ à nous aussi ! _ et donne une idée de sa conception du cinéma : un domaine public, démocratique, où la différence se crée à partir de la ressemblance, où l’originalité artistique n’est pas nécessairement coupée du goût commun _ en effet : un cinéma pleinement « populaire«  sans vulgarité : le public rit beaucoup, tant des mots que des scènes… Autant dire qu’Emmanuel Mouret est l’un de nos plus précieux auteurs de comédie » _ absolument d’accord !!!


Jacques Mandelbaum

Puis, j’ajouterai à ce « dossier » de « Fais-moi plaisir ! » cette interview d’Emmanuel Mouret, « Le Goût de la chute« , par Anne-Claire Cieutat :

« D’Emmanuel Mouret et de ses comédies mutines (« Changement d’adresse« , « Un baiser s’il vous plaît !« , pour les plus récentes et les plus séduisantes), on connaît le terrain faussement confortable, la tentation du trompe-l’œil, la facture délicate et la fracture cachée. Avec le même bonheur, « Fais-moi plaisir ! » tourne autour du désir et de ses petits ou grands tracas _ en ce qu’il dérange de convenu ou de trop prévisible : il « joue«  et « bouscule«  ; quand il ne casse pas… _, mais les pieds nettement plus en dedans et la braguette à l’avenant _ si l’on peut dire : le signe (le morceau de rideau blanc) étant plus exposé que la chose… Le trivial se présente en tenue d’apparat, et sous le rire incessant se déploie une belle et profonde réflexion _ encore, sur l’époque et ses clichés _ sur le couple, l’amour et ses égarements. Conversation avec un Monsieur Hulot sexué _ il le faut bien, désormais : mais c’est aussi la vulgate allénienne, au-delà des « exercices«  (et autres « coups« ) imposés… _ des temps modernes qui se souvient de ses précurseurs tout en sachant se distinguer _ oui.

Il semblerait que sur le territoire du burlesque vous alliez plus loin encore cette fois-ci.

Ce film a été fait en grande partie à partir de mes impressions de cinéma, et notamment du burlesque, des films à gags, avec toujours en tête l’envie de garder _ aussi _ une certaine tenue narrative _ du discours, des répliques _ et esthétique _ une élégance (assez française d’esprit, probablement). Je souhaitais marier une comédie de dialogues, une fable, à quelque chose de plus délirant _ mais oui ! C’était déjà le schéma moliéresque des apothéoses carnavalesques des comédies-ballets !

De tous vos films jusqu’à présent, c’est le plus physique…

Le début et la fin organisent la fable _ autour de l’intrigue « réaliste » du petit « jeu » d’amoureux marivaudant, toujours un peu « inquiets« , en « se testant » l’un l’autre, comme en la sublime « Épreuve » du grand Marivaux, entre Jean-Jacques et Ariane _ et ce qu’il y a au milieu _ l’aventure (« élyséenne« ) de la rue du Faubourg Saint-Honoré et ses suites banlieusardes (dans le 92)… _ est en effet bien moins dialogué que dans mes films précédents et fait appel à des situations corporelles et visuelles. J’ai commencé à aimer le cinéma grâce à Buster Keaton, Jerry Lewis, Jacques Tati ou Pierre Richard. J’aime les clowns maladroits qui tombent et sont dépassés en permanence _ c’est bien là un facteur décisif du cinéma d’Emmanuel Mouret ! _, les séquences de gags qui n’en finissent plus _ rebondissant et gonflant le comique quasi jusqu’au seuil de la folie… _, comme dans « La Party«  de Blake Edwards. Je me suis laissé guider par mon plaisir, ce qui fait aussi un peu peur _ à l’auteur _, car en voulant être drôle, on flirte avec le ridicule _ et le totalement invraisemblable ; ou, carrément, le « fantastique » ; ce qui n’est pas du tout le cas ici…

Sauriez-vous définir ce qui vous touche dans le burlesque ?

Lorsque j’étais enfant, je trouvais réjouissant et rassurant _ tout s’apprend ; comme tout peut aussi se désapprendre… _ de voir un adulte maladroit _ et déchoir de son piédestal et de ses poses _ comme on peut l’être _ soi-même _ petit _ avant d’avoir appris et d’avoir progressé. A l’adolescence, j’étais moi-même très intimidé _ qui ne l’est pas ? qui est « absolument«  sûr de soi, sûr de lui ? _ par les filles ; et ces personnages qui parvenaient à charmer malgré tout et à attirer un regard tendre _ en dépit de leur maladresse _ étaient un beau message d’espoir ! _ et d’encouragement « à essayer » soi-même aussi… A l’âge adulte, il n’y a finalement pas de changement majeur. Le personnage maladroit résonne toujours en moi très profondément. Dans la mesure où ces personnages se relèvent toujours, c’est pour moi une leçon très profonde face à l’adversité _ du réel : celle et celui qui disent si souvent « non«  au « principe de plaisir«  du désir…

Le burlesque est souvent intimement lié au déceptif ou à la mélancolie. C’était particulièrement le cas dans votre précédent film « Un baiser, s’il vous plaît !« , ça l’est d’une certaine manière ici aussi…

Oui, d’autant que le gros de l’action se déroule ici la nuit _ à l’heure de l’irréel des rêves. C’est un voyage conçu comme une sorte d’« Alice au pays des merveilles«  où le personnage tombe dans un trou et traverse une féerie un peu cruelle _ sur les rives du précipice (et gouffre) du ridicule ; du lèse-majesté ! où l’on périt de honte… Le rire est toujours proche de la cruauté, de toute façon _ cf « Le Rire » de Bergson : quand du « mécanique » vient se « plaquer » sur du « vivant«  !.. Mais la tonalité d’un film est aussi grandement liée à ce qu’apportent _ tant de leur idiosyncrasie que de leur génie singulier d’interprètes _ les comédiens. Pour « Un baiser s’il vous plaît !« , la mélancolie dont vous parlez est pour beaucoup apportée par Virginie Ledoyen. L’incarnation d’un projet par des comédiens peut être inattendue. C’était bien sûr en germe dans l’écriture, mais ça s’est développé plus que prévu en faisant le film, par la nature même _ ou la folie du « jeu«  _ de Virginie Ledoyen ou de Julie Gayet. Cela tient aussi à la liberté que je donne _ bien sûr : il y a là bien de la marge… _ aux comédiens. Je n’ai jamais pensé faire un film seulement pour faire rire _ ce qui serait pauvre, jusqu’à l’absurdité… Qu’il y ait des situations cocasses, absurdes et délirantes, oui, mais j’essaye toujours de rappeler que derrière ce qui fait rire, il y a une petite ombre _ de sens : plus grave (l’image de « l’ombre » étant aussi belle que juste…) ; et c’est de là que survient le relief… J’ai le goût du contrepoint et du contraste _ que renforcent aussi, bien sûr, tous les rythmes du film…

Plus que jamais, vous donnez corps à des fantasmes de diverses natures. Le champ des possibles s’est agrandi ?

Oui, le fantasme _ venant « jouer » sur le « réel » donné d’abord _ est à la naissance même de mes récits _ ce que sont fondamentalement ces films… Il y en a ici plusieurs en œuvre et je m’amuse à les poser et à en tirer les conséquences _ pour le récit filmique et ses divers rebondissements, en cascade. En premier lieu, le « mot magique », celui du séducteur qui parvient à faire succomber une femme grâce à _ la fascination médusante d’ _ une formule écrite. Celui de l’adultère, celui lié à la vie privée à l’Elysée A maintes reprises, c’est vrai, le film s’amuse _ comme de lui même ! et le spectateur aussi ! entrant dans le « jeu«  (plus ou moins endiablé !) de ce que lui proposent ces « images en mouvement« , comme les qualifie Deleuze (en son « Image-mouvement« ), défilant à bon rythme sur l’écran _ avec ces fantasmes.

Sur le plan plastique aussi, vous faites ici preuve d’une ambition nouvelle…

J’ai un souvenir très fort ancré en moi à propos d’un tas de films dans lesquels je me sentais bien _ un critère important. Me projeter dans les décors de ces films _ et jouer avec eux _ était pour moi une promesse encore plus grande que ce que la vie _ ou le « réel » brut, en quelque sorte…pouvait m’offrir _ ou l’espace de « réalisation » d’un artiste, quel que soit son medium d’expression… J’ai essayé à ma façon de travailler autour de ce plaisir premier _ une dimension (joyeuse) de travail capitale ! _, celui d’être dans _ vraiment, en artiste créateur ; et aussi en interprète : dedans _ le film. Matisse _ ce génie si joyeux et en perpétuelle expansion positive : dans la couleur ! _ disait qu’il voulait faire des tableaux comme des canapés _ où se lover _, des tableaux dans lesquels on pouvait se sentir bien _ exister, se mouvoir, s’épanouir avec et dedans. C’est une phrase qui m’a beaucoup marqué _ on reconnaît à cette formidable réceptivité-là un grand artiste ! _, car elle était aux antipodes de l’image âpre de l’artiste qui doit bousculer _ violenter _ le public _ de même que lui-même, aussi ; en se coupant des mouvements (de bien-être) porteurs… Cette vision de l’art m’a fait beaucoup réfléchir _ à fort bon escient…

D’où les couleurs chatoyantes et contrastées ?

Mon ambition est de faire des comédies qui ont _ à l’indicatif ; et pas au subjonctif ! _ de la tenue et qui sont belles _ avec élégance de la forme _, sans en mettre plein les yeux _ éblouir, méduser ; tout le contraire : aider, par des « focalisations«  claires, le spectateur actif à distinguer des formes souples, élégantes et belles ; faisant véritablement sens. C’est ce que j’aime chez Blake Edwards ou Jacques Tati : on y rit de choses triviales _ de l’ordre du quotidien partagé _ tout en sentant l’esprit fleurir _ et déployer ses ailes… Tati aime tout ce qu’il filme _ sinon, il ne le filme pas, il ne s’y « focalise«  pas… _, même quand il oppose des mondes _ de même qu’Emmanuel Mouret filme, ici, le « monde«  (« élyséen« ) du Faubourg Saint-Honoré comme le « monde«  de la banlieue (92) _, il aime les deux _ oui ! La villa ultramoderne _ à la Mallet-Stevens _ de « Mon oncle » est très belle, autant que la maison _ rafistolée de bric et de broc _ de Monsieur Hulot. J’essaye à mon propre niveau de suivre cette leçon _ un artiste « vrai«  apprend beaucoup, sinon d’abord, de ceux qu’en ses « rencontres« , il se choisit pour « maîtres«  _, de parvenir à aimer tout _ absolument _ ce que je mets dans un film, des personnages _ d’abord : « non-inhumains«  _ aux décors _ sans laideur, vulgarité grossière, ni contingence d’un degré tel qu’elle confinerait à l’absurde…

Et, en premier lieu, les visages des femmes _ on connaît votre amour pour le cinéma de Truffaut…

Oui, bien sûr. Les visages des femmes _ en leur étrangeté, leur « mystère » vivant dont on ne fait jamais vraiment le tour… _ sont à l’origine même de mon amour du cinéma _ jusqu’à en faire sa vocation… Adolescent, j’allais au cinéma pour les voir de près _ déjà la « focalisation«  _, pour essayer d’apprendre quelque chose _ tout art « vrai » est apprentissage de l’« exister » « humain » : ce qui se transmet de plus en plus mal désormais, à l’ère du tout « instrumentalisé » et vénal (« rentable« , disent-ils, les « vertueux » ; à l’ère du discours du tout « économique » ; en feignant d’« oublier«  de plus justes répartitions tant des efforts et des coûts que des bénéfices…) de ceux qui nous gouvernent… _ de la façon dont on leur parle, on les séduit… La beauté féminine a quelque chose d’immédiat. Après, il s’agit de construire un personnage, mais l’écriture part du désir de féminité. En ce sens, « La Cité des femmes » de Fellini m’a aussi beaucoup marqué.

Nous revoilà au fantasme !

Oui, mais le fantasme est aussi la réalité _ expansive _ de notre esprit _ génialement créateur (cf le maître-livre du génial Cornelius Castoriadis : « L’Institution imaginaire de la société« ) _, et le cinéma est le terrain où l’on peut poser _ à recevoir aux sens _ autant de fantasmes que d’idéaux _ qui seront « figurés«  par la réalisation matérielle des images filmiques, et reçus ainsi, via l’æsthesis, de tous les « esprits«  spectateurs, à leur tour…

Votre cinéma navigue d’une certaine manière entre deux sphères : l’artificiel et le sensuel, le fantasme formulé et son incarnation, conforme ou non. Votre traitement du son en relief joue sur ce va-et-vient. Est-ce ainsi que vous envisagez les voix off et les éléments sonores en général ?

Pour moi, tout le cinéma est artifice _ c’est-à-dire « art«  de la « réalisation«  figurée, sensible aux sens. Le son est ce qui fait à la fois le rythme _ ce facteur dynamique crucial : tout découle (et dépend strictement) de sa justesse _ et la tonalité d’un film. C’est la première chose _ en effet ! _ qui nous parvient. On travaille beaucoup avec le monteur-images et le monteur-son pour rythmer en permanence, par les ambiances _ à la fois diffuses et précises, composites _, les dialogues _ c’est véritablement fondamental ! Et les dialogues d’Emmanuel Mouret, de même d’ailleurs que ceux de Woody Allen _ notamment dans « Whatever works«  _, sont de petites merveilles de rythme, justement !.. C’est pour cela que je suis aussi très attaché à travailler avec des comédiens _ de même que c’est un impératif absolu des chanteurs, à l’opéra notamment, et dans l’opéra français tout spécialement : Régine Crespin (marseillaise), comme Gabriel Bacquié (biterrois), ont su le mettre parfaitement en œuvre !!! le défaut de cette clarté-là étant absolument rédhibitoire !!! _ qui ont une forme de clarté _ oui : elle fait en grande partie la lumière ! _ dans la diction _ j’aime le cinéma de Guitry ! _ nous aussi… Une part de votre sentiment est d’ailleurs peut-être liée à la nature de mes dialogues. Mes personnages se racontent eux-mêmes, disent ce qu’ils éprouvent _ ils ne s’en cachent pas : recherchant même comme une confirmation de la légitimité de ce qui est ainsi éprouvé par eux, dans une écoute et une réception accueillante, bienveillante, de l’autre, de l’interlocuteur. Mes dialogues ne se veulent pas simplement naturalistes _ ils donnent à ressentir ce qu’éprouvent et se disent à eux-mêmes (comme à l’autre) « en vérité » les personnes (plutôt, même, que « personnages« )… Nous ne sommes pas, alors, dans un « monde«  de « tromperie«  (et d’abîme sans fond) de soi-même (non plus que des autres)…  D’où le sentiment d’étrangeté pour certains spectateurs _ moins « innocents« , eux, peut-être… J’aime créer des personnages qui sont toujours partagés _ en effet ; ils ne sont jamais « brutement« , si j’ose le dire ainsi, d’une seule pièce ! _ entre la satisfaction _ pulsionnelle _ de leurs désirs et le souci _ éthique et convivial, tout à la fois _ de l’autre. Ils vont donc souvent négocier _ avec eux-mêmes d’abord. Ils essayent toujours de gérer _ mais pareil vocabulaire « managérial«  convient-il ici ? pas le moins du monde ! _ leur problème _ « éthico-convivial«  _ de désir de manière rationnelle _ selon ce que depuis Galilée et Descartes, en un univers littéralement de « désenchantement«  (cf, après Max Weber, Marcel Gauchet : « Le Désenchantement du monde« …), on estime constituer la raison mathématico-technicienne épurée du qualitatif sensible : celle qui est sensée nous « rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature« , selon l’expression de Descartes au final de son « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences« , au nombre desquelles, « sciences«  se trouve la « morale » ! ; mais aussi « maîtres et possesseurs«  de soi, ou/et des autres ?!?  _, d’où le côté cocasse des solutions _ toujours bancales, en effet : là-dessus lire le passionnant récent livre de Ruwen Ogien « La Vie, la mort, l’Etat : le débat bioéthique » sur la difficulté de solutions « tranchées«  _ trouvées. C’est presque du management _ à la Adam Smith _ appliqué au désir ! Avec ici un petit démon qui se niche toujours entre les lignes _ de calcul ? ou « de front«  ?.. démontant ces calculs : cf la récente et peut-être durable actuelle catastrophe de la rationalité mathématico-financière ; inapte à (vouloir) tenir compte du facteur « non-inhumain«  !!! L’autre n’est jamais simplement réductible à un « moyen«  (cf Kant : « Fondements de la métaphysique des mœurs« ) ; encore moins à la poupée (ou au sexe) gonflable(s) de comportements de plus en plus, sous couvert de « minimalisme« , uniment et réductivement pornographiques…

Le désir et ses résolutions rationnelles… D’où la récurrence du scientifique injecté dans votre univers, Virginie Ledoyen en chimiste dans « Un baiser s’il vous plaît !« , vous-même en inventeur dans ce film-là ?

On se méprend souvent sur la force de notre raison _ pas un Montaigne, un Pascal ou un Hume ; mais tout le monde ne pratique pas la méditation philosophique… _ et c’est une chose que je trouve drôle et cocasse _ que ces maladresses de la raison technicienne. Cela appartient à notre monde _ depuis Galilée et Descartes (cf Koyré : « Du monde clos à l’univers infini« ) ainsi qu’Adam Smith : formant une sorte de « pensée« , sinon « unique« , à tout le moins « dominante« , « impériale«  Mais il y a aussi en nous un reliquat plus sacré d’idéal : l’image du couple _ auto-suffisant : que vaut donc la métaphore des « deux moitié d’orange » (ou autre fruit !) du mythe de l’androgyne originaire d’Aristophane dans « le Banquet » de Platon ?..  _ fait rêver. Le film questionne _ cette fois-ci encore ; et à nouveau _ la fidélité, interroge le partage de l’amour et du désir _ une interrogation majeure contemporaine, probablement…

Le gag en cascade est l’un des vecteurs de ce questionnement et fonctionne d’ailleurs sur une base parfois logique, voire prévisible…

C’est ma façon d’écrire. L’écriture d’un film, comme celle de la musique, joue avec l’attente supposée du spectateur et son détournement. J’aime jouer avec cela, comme avec ce que j’ai aimé dans d’autres films, à travers mon propre filtre. Par exemple, pour le gag de la braguette qui se coince _ guère discrètement _ dans les rideaux _ celui qui a le plus de conséquences dans mon film _ je n’ai pas pu m’empêcher de penser au gag de la fermeture éclair de Pierre Richard dans « Le Grand Blond avec une chaussure noire » qui se coince dans les cheveux de Mireille Darc. On n’échappe pas à la tradition !

Pour autant, vous avez une place relativement unique dans le cinéma français aujourd’hui…

Comme tout le monde, j’ai envie d’apporter un air frais et nouveau. Mais cet aspect singulier qu’on me renvoie souvent est un peu comme le visage d’un acteur : il faut croire que j’ai une tronche particulière ! Cela dit, j’ai des projets très différents les uns des autres : d’autres comédies burlesques, mais aussi un mélodrame. J’aimerais également faire une comédie où je ne joue pas, pour explorer un autre _ acteur _ « comique » que moi.

Propos recueillis par Anne-Claire Cieutat pour Evene.fr – Juin 2009

De la même Anne-Claire Cieutat,

cette critique de « Fais-moi plaisir ! » :

Le petit monde d’Emmanuel Mouret s’articule, depuis « Laissons Lucie faire » (2000) en passant par les réjouissants « Changement d’adresse » (2006) et « Un baiser s’il vous plaît » (2007), autour de vrais-faux égarements du cœur et de l’esprit, de prétendues maladresses et d’heureux malentendus. Délectables aliments pour d’infinies conversations de boudoir _ pas seulement : ce n’est là qu’une apparence (de « beaux quartiers » !..) _ qui lorgnent volontiers du côté _ des « genres » bien répertoriés, et donc plutôt rassurants ! comme on les aime tant en France… _ de la comédie de boulevard et du cinéma burlesque. Mais si « Fais-moi plaisir ! » prend son envol sur ces bases coutumières, c’est pour mieux envisager sa chute. Car d’atterrissage forcé, il sera ici pleinement question. Emmanuel Mouret en néo-Monsieur Hulot qui se souvient de Blake Edwards autant que de Mister Bean investit une nouvelle fois le vaste terrain du burlesque sous son angle le plus immédiatement physique _ en effet. On y trébuche, tombe à la renverse, s’électrocute ou se coince la braguette dans les rideaux, l’œil hébété, mais le menton relevé _ toujours prêt à repartir d’un pied courageux (ou téméraire). Si la pantalonnade valse avec le trivial, c’est sur un air délicat et dans un élan raffiné _ serait-ce là une critique ? Dans cet écrin, la gent féminine a bon teint : Judith Godrèche en fille du président fait un numéro d’œillades aussi drôle que charmant, Déborah François en soubrette coquine est d’une grande précision, tandis que Frédérique Bel en compagne compréhensive et peut-être un peu perverse émeut plus encore qu’elle n’amuse. Du burlesque, oui, mais au clair de lune _ est-ce donc sur un tel versant « romantique » que se promène Emmanuel Mouret ? C’est dire à quelles ringardises on rattache le souci de l’élégance de l’âme aujourd’hui !..


Anne-Claire Cieutat

Soient, ce « Fais-moi plaisir ! » et ce « Whatever works« ,

deux films jubilatoires sur la « vérité » des personnes et de leurs relations,

par deux cinéastes,

Emmanuel Mouret et Woody Allen,

dont la jeunesse n’est pas affaire d’âge…

Titus Curiosus, ce 3 juillet 2009,

jour anniversaire de l’article d’ouverture, « le carnet d’un curieux« , de son blog,

en date, lui, du 3 juillet 2008…

Post-scriptum :

Afin de compléter en beauté ce dossier,

voici encore l’interview d’Emmanuel Mouret par Isabelle Régnier :

« Le réalisme au cinéma est d’ordre émotionnel« 

LE MONDE | 23.06.09 | 16h08

Réalisateur, scénariste et interprète de tous ses films, Emmanuel Mouret, né le 30 juin 1970 à Marseille, s’est fait connaître en 2000 avec  » Laissons Lucie faire« . « Fais-moi plaisir ! » est son cinquième long métrage.

Un homme tiraillé entre plusieurs femmes : pratiquement tous vos films fonctionnent sur ce dispositif. Pourquoi ?

Il permet de poser la question du désir dans le couple. Disons que le désir est un peu le personnage principal de mes films. Tel un Cupidon qui tire ses flèches selon son bon plaisir, il se joue des sentiments, ou des personnages eux-mêmes. Ceux-ci essayent d’établir une stratégie pour le contrôler ; ils élaborent un discours de raison. Mais le désir n’en fait qu’à sa tête. Certains personnages vont avoir une aventure et le regretter, d’autres n’en auront pas, et le regretteront aussi. Tiraillés entre leur libido et le désir d’être néanmoins des gens bien, soucieux de l’autre, ils sont conduits à se poser des questions morales, mais aussi à inventer des situations.

Le but est de proposer une utopie, et d’en tirer les conséquences, qui peuvent être cocasses, étranges, mais aussi cruelles. Le désir permet aussi de créer du suspense, de faire intervenir des personnages féminins charmants, un peu d’érotisme…

Envisagez-vous de reproduire ce dispositif dans tous vos films ?

Certains cinéastes y ont consacré toute leur œuvre, des écrivains aussi. C’est une manière d’interroger l’ordre moral et ses contradictions _ cf sur ce sujet tout l’œuvre du philosophe Ruwen Ogien…

Vous écrivez, réalisez et jouez votre personnage dans tous vos films. Pourquoi ?

Le jeu est pour moi le prolongement physique de l’écriture _ oui ! Cela donne au film un ton plus personnel, une certaine forme de complicité avec le public, comme le faisaient Tati, Woody Allen, Guitry, Jerry Lewis, Keaton…

De quoi nourrissez-vous votre personnage ?

Du Cary Grant de Hawks, du Jack Lemmon de Billy Wilder, du Peter Sellers de « The Party« , de Pierre Richard, de Mr. Bean… Depuis gamin, j’ai tellement regardé ces acteurs, avec tant d’admiration, que quand je joue, ils sont en quelque sorte avec moi _ c’est là le travail en chacun de la culture…

Comment vous situez-vous dans le contexte de la production actuelle ? Avez-vous des difficultés à faire vos films ?

Mes films se montent plutôt facilement et vite, dans une relation très complice avec mon producteur, Frédéric Niedermeyer _ lequel interprète un des personnages du film : Jean-Paul, le copain de Jean-Jacques ainsi que du « dragueur«  (qu’interprète Fred Epaud)… On fait beaucoup de choix ensemble, ce qui nous permet de nous adapter vite, avec souplesse _ deux maîtres mots ici…

Votre public grandit-il de film en film ?

Il y avait un peu plus de 50 000 spectateurs pour « Vénus et Fleur » (2004), 150 000 pour « Changement d’adresse » (2006) et pas loin de 250 000 pour « Un baiser s’il vous plaît ! » (2007). Cela ne nous donne pas de gros moyens mais nous permet d’être totalement libres _ quel bonheur !

Auriez-vous le désir de travailler avec plus d’argent ?

Je crains que plus d’argent veuille dire moins de liberté, mais cela m’intéresserait pour le travail _ à fouiller un peu plus _ sur les décors. Je fonctionne par images : parfois, il ne me reste qu’une image d’un film que j’ai aimé. C’est pour cela que je cherche à ce que mes décors aient toujours un élément remarquable : les deux entrées séparées _ avec portes dissemblables (et inégales !) _ pour l’appartement du couple au départ, la collection d’objets d’art chez la galeriste… Cela a à voir avec l’idée du cinéma de mon enfance. On entrait dans un film, on s’y sentait bien _ en un vrai « monde« , un peu cohérent, et qui vous accueillait… C’était mieux que la vie _ davantage « mal assortie« , « dépareillée« , elle : plus hostile…

Votre personnage est attiré par la fille du président de la République. Aviez-vous envie de faire un commentaire sur la France d’aujourd’hui ?

Non. L’idée était plutôt de prendre l’Elysée comme un lieu secret, chargé de fantasmes _ de « pouvoir » plus « absolu«  ; et de « luxe, calme et volupté« , aussi, sans doute… _, où Jean-Jacques pourra passer une nuit merveilleuse. Je voulais lui faire faire un voyage comme celui d’Alice : au pays des merveilles. Faire un « Jean-Jacques au pays des délices« , ou « dans la Cité des femmes« . Le film ne répond, sinon, à aucun réalisme social. Selon moi, le réalisme au cinéma est d’ordre émotionnel _ = ce qui s’éprouve.

Et l’idée de la lettre, d’abord écrite pour une personne puis réutilisée pour une multitude, d’où est-elle venue ?

C’est un peu comme un film. Au départ on l’écrit sincèrement, pour soi, et ensuite il peut être destiné à des milliers de personnes, qui en seront émues tout aussi sincèrement.

Propos recueillis par Isabelle Regnier

Article paru dans l’édition du 24.06.09.

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