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Ce que j’apprends de plus du parcours de vie assez bousculé d’Edith Bruck (et de ses proches) à la lecture de « L’hirondelle dans le radiateur » (de 2014-2015) par rapport à mes lectures de « Qui t’aime ainsi » (de 1959) et « Le Pain perdu » (de 2021)…

01oct

En la synthèse _ riche et pointue ; et je n’ai rien lu jusqu’ici d’un peu équivalent… _ de mon article du 10  février 2022 « « , et en l’absence d’auto-biographie, ainsi que de biographie, jusqu’ici, d’Édith Bruck,

j’avais pas mal appris de ma comparaison minutieuse des récits de sa vie qu’avait réalisés Édith Bruck en 1959, avec « Qui t’aime ainsi« , et en 2021, avec « Le Pain perdu » _ avec beaucoup de noms cryptés, qu’il fallait retrouver : ceux des prénoms de ses frères et sœurs et des autres membres de sa famille, pour commencer (variant d’un récit à l’autre…), de ses maris successifs, et de pas mal de personnes rencontrées, ici où là, en ses pérégrinations compliquées de Tiszabercel jusqu’à Rome, etc. ; là-dessus, cf le décryptage de mon article du 10  février 2022 : « « …

Venant de relire ce dimanche 1er octobre son récit « L’Hirondelle sur le radiateur » de 2014-2015, publié, conjointement avec « Je te laisse dormir » de 2017, en traduction française par René de Ceccatty, aux Éditions du sous-sol _ le volume est à paraitre vendredi 6 octobre prochain aux Éditions du sous-sol _,

je ne peux manquer de m’interroger :

d’une part sur la différence des récits que la narratrice, Édith Bruck elle-même,  donne de sa première rencontre, le 9 décembre 1957, à Rome, avec celui qui devient très vite le compagnon de sa vie, et qu’elle épousera, au Capitole de Rome, le 17 mars 1966, Nelo Risi, et dont elle recueillera le dernier souffle, en leur domicile du 72 Via del Babuino, à Rome, le 17 septembre 2015 ;

et d’autre part de ce que, après quelques petites recherches à partir des apports de la lecture attentive de ce nouveau texte qu’est « L’Hirondelle sur le radiateur« , je découvre concernant quelques données nouvelles de certaines des personnes abordées dans « Le Pain perdu » :

par exemple,

_ la sœur bien-aimée Adel Steinschreiber Taub (nommée Judit dans « Le Pain perdu » et Eliz dans « Qui t’aime ainsi« ) : née à Tiszakarad, le 12 mars 1927, et décédée à Tel-Aviv le 23 juin 2010, la très attentive protectrice d’Édith en 1944-45, à Auschwitz, Bergen-Belsen, etc. (cf les terribles récits de « Qui t’aime ainsi » et « Le Pain perdu« ),

Adel avait eu deux maris, en 1946 et en 1982, tous les deux nommés Taub :

_ Karoly Taub (Tiszadob, 28 octobre 1922 – Merlo (Buenos-Aires), 9 mars 1974), épousé à Chypre, en 1946, et dont Adel a eu deux enfants, Haïm Taub, en 1947 _ lui-même, en 2014, père de 3 fils, et grand-père de 2 petits-enfants, et psychologue social en Israël _, et Deborah Taub Damascelli, née en 1956, la très proche nièce « romaine » d’Édith _ épouse du romain Lucio Damascelli, et mère de leurs 3 enfants : Ariel, Daniel et Lisa Damascelli… _ ;

_ puis Alex Taub (Szamossalyi, 19 février 1923 – ?), qu’Adel, devenue Zahava en Israël, a épousé le 22 août 1982, à New-York, quartier de Queens ;

ou bien

_ celle qui fut la première épouse (australienne) de Nelo Risi, jusqu’ici nommée seulement, et sans davantage de précision, « Mitty« , Mitty Risi :

Juanita Lee-Brown (San Francisco, 22 octobre 1922 – Trinco – Sri Lanka -, 3 juin 2012), célèbre peintre australienne, avec laquelle Nelo Risi a vécu plusieurs années à Paris ;

et dont Nelo Risi n’a pu divorcer _ à cause des lois italiennes d’alors _ que bien après sa rencontre à Rome, le 9 décembre 1957 avec Édith, que Nelo n’a pu épouser au Capitole de Rome que seulement huit années plus tard, en 1966, le 17 mars _ pour être un peu précis _, alors qu’ils vivaient ensemble _ Édith ayant enfin quitté la chambre très obscure et exigüe où elle vivait jusqu’alors, chez Madame Ida, dans le même quartier, non loin de la Piazza di Spagna _ depuis plusieurs années déjà, dans le petit studio de Nelo, Piazza Mignanelli, non loin des grands escaliers de la Piazza di Spagna…

Mais c’est surtout la comparaison des récits de sa première rencontre avec Nelo Risi, aux pages 150 à 152 du « Pain perdu » _ lu en janvier-février 2022 _,

et aux pages 187 à 188 du récit « L’Homme Nelo Risi »,

intercalé entre « L’Hirondelle sur le radiateur » et « Je te laisse dormir » _ lu depuis le 18 septembre dernier _, au milieu du volume « Je te laisse dormir » à paraître jeudi 6 octobre prochain aux Éditions du sous-sol,

qui m’a assez intrigué :

« Parfois j’allais manger chez Otello _ Via della Croce, 81, proche de la Via del Babuino (du futur domicile, au 72, de Nelo et Édith) et de la Via Condotti, où travaillait alors Édith, dans la boutique de luxe de Gian-Carla Mandelli (« Nadia« , ou encore « Madame G.« ), où officiait le fameux coiffeur des stars « aux mains d’or« , Filippo (cf les pages 148 à 154 du « Pain perdu« )… _ pour mille lires, comme en famille, car j’avais sympathisé avec la femme  _ Nora Geronzi _ et les filles _ Maria-Pia, Franca, Gabrielladu restaurateur _ Giuseppe Caporicci, dit Otello ; cf cet intéressant et significatif article en date du 15 mars 2023 : « A tavola… da Otello alla Concordia« … _ « ,

page 150 du « Pain perdu« .

(…)

« Chez Otello, j’avais rencontré, il y avait déjà longtemps, un émigré arménien _ qui ? _ qui était critique littéraire, et c’était la première fois que je le voyais _ ce très mémorable 9 décembre 1957 _ avec un homme qu’il me présenta comme poète et cinéaste _ sans que j’identifie alors son nom… Cet inconnu m’interrogea aussitôt sur le livre que j’étais en train d’écrire _ le crucial « Qui t’aime ainsi« , qui, une fois achevé, paraîtra un peu plus tard, en 1959, aux Éditions Lerici… Je me plongeai dans son visage, dans ses yeux érudits, je fixai sa bouche charnue, je bus ses paroles avec son « r » aristocratique que j’aurais toujours voulu toujours entendre, ses mains agitées à la paume tendre, délicate, que j’aurais voulu toujours sentir entre les miennes, son beau visage marqué et fragile, que je ne pourrais oublier, un homme qui est entré aussitôt dans mon âme, qui m’a vidée de toute mon énergie, en faisant trembler mes genoux. Une impression si immédiate, irrationnelle, totale me fit peur, surtout à l’égard d’un inconnu dont je ne connaissais _ à cet instant-ci même pas le nom, qui m’avait échappé, car son être m’avait comme étourdie, et je compris _ sur le champ _ que je m’enfonçais dans quelque chose d’inexplicable dont je ne remonterais plus.

Nelo, l’homme élu  parmi des millions d’hommes, se donnait à moi et disparaissait, Me cherchait et M’abandonnait. Me voilait et ne me voulait pas« ,

page 152 du « Pain perdu« .

Et :

« J’ai fait sa connaissance le 9 décembre 1957 à Rome, dans le Palazzo Marignoli _ sur le Corso, où se tenaient des réceptions et des conférences où cinq personnalités de retour de la Chine de Mao vont raconter leur expérience.

Ugo Casiraghi, critique de cinéma _ (Milan, 25 février 1921 – Gorizia, 7 janvier 2016) triestin, sans ascendance arménienne _, me demande lequel de ses compagnons de voyage me plaît le plus et je lui indique Risi.

_ Non, non, me dit-il, c’est le meilleur d’entre nous, mais c’est le plus compliqué _ voilà ! _, j’ai partagé sa chambre en Chine, choisis-en un autre.

_ Non, lui, ai-je insisté avant de savoir qui c’est, comment il s’appelle.
C’est l’élu de mon cœur, à en juger mes battements accélérés, rien qu’à le voir, dès lors pour le restant de mes jours.

Le soir même à dîner _ où ? chez Otello, via della Croce, 81 ? _ je suis assise face à lui, il me propose de goûter le jambon, que je n’ai jamais mangé, et je lui dis aussitôt que je suis juive, une survivante des camps de concentration nazis.

Le jambon au bout de la fourchette dans sa main reste suspendu en l’air, son regard clair s’assombrit et, presque rapetissé d’un coup, il me demande pardon comme s’il était coupable de la terrible épreuve que j’avais endurée _ en 1944- 1945.

À partir de ce 9 décembre, notre destin – moi, dernier enfant de l’obscurantisme, née dans une pauvre famille hongroise, lui descendant des Lumières, dans une famille bourgeoise de Milan – se tisse de manière indéfectible _ voilà.

Après une longue et pénible attente _ voilà _ d’un « oui » de sa part, je déménage de ma _ très sombre et très exigüe_ chambre meublée dans son studio solitaire _ de la Piazza Mignanelli, non loin des escaliers de la Piazza di Spagna.

pages 187-188 du volume « Je te laisse dormir » qui paraît vendredi prochain 6 octobre. 

(…)

Ainsi commence notre cohabitation dans la différence _ oui qui nous enrichit réciproquement et sans être conditionnée par l’amour pour lui, avec la lumière _ sereine et lucide, distanciée _ de la raison, je peux dire que vivre avec un homme rare, exceptionnel, est une grâce« ,

page 189 du « Je te laisse dormir » qui paraît vendredi.

À suivre…

Ce dimanche 1er octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’indispensable « écrire pour respirer » d’Edith Bruck, en 1959 et en 2021 : la constance de l’irrépressible urgence de parler et écrire, quand « le papier écoute tout »…

11fév

En poursuivant toujours mon regard sur la comparaison-confrontation des deux très prenants et superbes manifestes autobiographiques d’Edith Bruck, « Qui t’aime ainsi » (en 1958-59) et « Le Pain perdu » en 2020-21), à soixante ans de distance _ et l’assez stupéfiante mémoire de détails d’une mémoire plus vive que jamais _,

j’en viens ce jour à porter mon regard sur ce qu’Edith Bruck disait, en 1959, et a dit, en 2021, plus spécifiquement de l’outil, pour elle, de l’écriture,

afin de parler, se faire écouter et entendre, se faire un peu comprendre ; et aider à nous entendre vraiment…

En 1959, ce n’est pas tout à fait directement que la narratrice aborde vraiment cette question de l’écriture même,

dans la mesure où ce n’était que très récemment, et à Rome, qu’elle s’était mise vraiment à écrire de manière suivie, jusqu’à en venir à publier très effectivement _ probablement soutenue en cette démarche, par l’écrivain-poète-cinéaste, Nelo Risi, rencontré le 9 décembre 1957, au restaurant Otello, 81 via delle Croce, à Rome : Nelo, le grand amour vrai de sa vie _, chez l’éditeur Lerici, le livre, ce « Chi ti ama cosi« , qu’elle venait alors d’achever… 

C’est plutôt du refus d’écouter et d’entendre vraiment ce qu’elle-même, Edith, et sa sœur Adel avaient à dire de leur parcours, en 199-44, dans les lager, et de leur difficulté à se faire écouter et vraiment comprendre des autres, que ce récit-ci, de 1959, témoigne _ comme a pu en témoigner aussi le percutant et sublime, lui aussi, « Être sans destin » d’Imre Kertész, un autre Juif hongrois revenant de cet Enfer, à Budapest…

Elle écrit donc, et avec une très grande détermination, le récit, qui la travaillait tant dès son retour en Hongrie, à partir de l’automne 1945 ;

elle mais n’avait pas, alors, à réfléchir, aussi, en même temps, sur ce que représentait pour elle cette tâche et cette urgence de confier au papier _ qui l’écoutait fidèlement, lui _ ce que sa mémoire ansi que le poids du présent qu’elle avait à suppporter désormais, en particulier dans ses rapports assez difficiles avec les autres, y compris ses soeurs et son frère survivants…

Ce ne sera que plus tard, au fil de ses écritures suivantes, et des livres qu’elle publiera, que s’insèrera, à l’occasion, dans sa méditation, quelques réflexions, ou souvenirs de paroles prononcées, concernant cette tâche d’écrire…

Dans le récit de 2020-2021, en revanche, et à plusieurs reprises, interviennent diverses réflexions (à soi) et diverses paroles prononcées (en réplique aux positions ou déclarations d’interlocuteurs) quelques significatives expressions sur ce que représente pour elle, Edith Bruck, l’acte même d’écrire, de se confier à l’écoute fidèle et accueillante, du papier…

Ainsi donc, voici celles que j’ai recensées, dans « Le Pain perdu » :

_ face à sa sœur Magda _ alias ici Mirjam _, à Budapest, et lors des retrouvailles initiales d’Edith et Adel _ alias ici  Judit _, à l’automne 1945, ceci, à la page 86 :

« Nous écoutionss notre sœur Mirjam avec l’envie irrépressible de parler ou de nous enfuir. Mais où ? Nous nous sentions un poids, y compris pour nous-mêmes. Nous nous sommes demandées si c’était la vie qui l’avait endurcie« …  ;

_ et encore ceci, au même moment et dans le même lieu, à la page 88 :

« Durant le bref séjour chez Mirjam, (…) nous n’étions même pas libres de parler, car elle nous bloquait (…), elle nous faisait taire« …

La même situation se reproduira pour les deux sœurs lors de la visite à leur autre sœur Lili _ alias ici Sara _ à Miskolc_ dans « Qui t’aime ainsi », il s’agissait de la ville de Debrecen _, face à Lili et Ôdön _ alias ici David _, ceci, à la page 90 :

« Notre envie de parler fermentait en nous« …

Ensuite, et juste après le constat éploré de leur ancienne maison de Tiszabercel complètement dévastée, souillée d’excréments et d’inscriptions antisémites, et à la suite de la décision d’Adel « d’aller à Budapest dans un groupe sioniste, dans l’espoir de rejoindre la Palestine« ,

cette longue conversation-ci, pages 93 à 96, au cours de laquelle les deux sœurs qui ne s’étaient pas quittées depuis Auschwitz, vont dissocier leurs destins respectifs :

« _ Viens avec moi, insistait longuement Adel _ alias ici Judit _ pour me convaincre. Ici, il n’y a pas de place pour nous. Que veux-tu faire ?

_ Écrire.

_ Écrire quoi ? Qu’est-ce que tu te mets en tête ? A qui écris-tu ?

_ À moi.

(…)

_ J’ai commencé à écrire.

(…)

_ Je ne me sens bien nulle part, mais je n’obéis plus à personne.

(…)

_ J’ai accouché de moi-même en un an de douleurs. Ne nous disputons pas.

(…)

_ Je ne supporte pas la foule, j’ai besoin de voir toujours une porte de secours.

(…)

_ J’ai besoin d’écrire maintenant.

(…)

_ Par nécessité, pour respirer.

(…)

_ Nos vrais frères et sœurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, que nos souffrances équivalent aux leurs. Ils ne veulent pas nous écouter : c’est pour ça que je parlerai au papier.

(…)

_ Le papier écoute tout.

(…) En la voyant s’en aller, je me sentais comme au milieu du désert sans la voix de l’Éternel.« 

Puis, retrouvant Adel _ alias ici Judit _ en Israël, dans une banlieue de Haïfa, en septembre 1948, reprend la conversation entre Adel et Edith, page 109 :

« _ Mon mari _ Amos (mais est-ce là son vrai prénom ?) Taub : ils se sont mariés à Chypre… _, faute de mieux, est agent de police. Il n’est pas heureux, il voulait devenir peintre, comme toi écrivain. Tu écris toujours ?

_ Encore plus qu’avant. Les mots à dire _ voilà ! _ ne cessent d’augmenter. Si c’étaient des enfants conçus, j’accoucherais d’autant que de disparus« .

Puis, aux pages 119-120, quand Dany Roth _alias ici Braun Gabi _, le second mari d’Edith, découvrit qu’elle écrivait, et, furieux, s’empara du cahier qu’elle tenait dans ses mains :

«  _ Je vais le déchirer ! Et il joignit le geste à la parole.

_ Tu peux en faire ce que tu voudras. Déchire-le, brûle-le, de toute façon je le recommencerai. Il est indestructible : il est écrit à l’intérieur de moi et personne ne pourra l’effacer« …

Et la question de l’écriture se pose bien davantage à Edith Bruck lors de son installation à Rome, où elle va trouver dans l’écriture suivie et menée à bien de son autobiographie une source d’accomplissement.

J’en relève les significatifs passages suivants,

aux pages 146-147 :

« J’étouffais si je ne parlais pas à quelqu’un, si je ne faisais pas quelque chose.

(…) Je repris enfin mon petit cahier, que j’avais abandonné, et j’ai commencé à écrire en italien : « Sono nata in un piccolo villagio ungherese » » _ soit la phrase qui ouvre « Chi t’ama cosi« , en 1958-59…

(…) Et se retrouvant, seule, « dans une chambre meublée à deux pas de la piazza di Spagna, pour un loyer de seize mille lires par mois plus deux cent lires par douche. () La patronne, madame Ida, me scrutait comme si je venais d’une autre planète. (…) Le soir, toute seule, sous l’ampoule du plafonnier, à la lumière avare, j’écrivais jusqu’à ce que m’interrompe madame Ida, de retour du bar _ dans lequel, avec son mari et sa fille, elle allait regardait la télévision _, qui me grondait, me disant de manger, dîner avec eux, ou de sortir et d’aller chez Otello, via della Croce, que fréquentaient des gens du cinéma.

_ Vous êtes une jolie demoiselle, sortez, montrez-vous en public, on vous fera peut-être faire des films. Que faites-vous à rester enfermée à écrire, à vous aveugler ?

Au bout de quelque temps, j’ai fini par l’écouter et je les ai accompagnés pour manger de la soupe aux haricots secs et au chou, ou j’allais chez Otello où les tables étaient réunies de part et d’autre de la salle et où on n’était pas seul.« 

Et c’est chez Otello, qu’un jour de décembre 1957, le 9 précisément, « un inconnu _ qui était poète et cinéaste _ m’interrogea aussitôt sur le livre que j’étais en train d’écrire. (…) Un homme qui est entré aussitôt dans mon âme » :

c’était Nelo Risi, l’amour vrai de sa vie…

Ce vendredi 11 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La passionnante comparaison-confrontation des 99 premières pages du « Pain perdu » (2020) et des 81 premières pages de « Qui t’aime ainsi » (1959) d’Edith Bruck…

06fév

La comparaison-confrontation des débuts _ je vais, en effet, commencer mon regard comparatif par ce tout premier important « chapitre de vie« , regroupant ce que, en sa passionnante et très éclairante « Notice historique » (aux pages 137 à 156 de la ré-édition 2022 du « Qui t’aime ainsi«  d’Edith Bruck) l’historien Jean-François Forges énumère comme l’expression de trois premiers « thèmes historiques » de ce récit autobiographique rétrospectif d’Edith Bruck : soient, d’une part et d’abord, « la vie dans un village hongrois _ Tiszabercel _ avant et pendant la guerre« , et immédiatement ensuite « la déportation à Auschwitz et dans d’autres camps et Kommandos du Reich«  ; et enfin « l’impossible retour » _ en un chez soi dévasté, en Hongrie _ ; réservant pour d’autres articles, à suivre, ce que Jean-François Forges qualifie excellemment de « la destruction des familles et des individus » ; soient les himalayesques difficultés, et en divers pays (essentiellement la Tchécoslovaquie, d’abord, puis Israël, ensuite, du moins pour ce premier récit de 1959), à tenter de (et d’abord échouer à) se reconstruire : cette reconstruction ne venant, in fine, pour Edith Bruck, que lors de son installation, en 1952, en Italie, à Rome ; et avec (et par) la rédaction, en italien, de ce qui sera, en 1959, son « Chi ti ama cosi«  ; puis sa décisive rencontre (cf le poème « Rencontre 1957« , à la page 104 de « Pourquoi aurais-je survécu ?« ), le 9 décembre 1957, avec celui qui sera son seul véritable amour, Nelo Risi (Milan, 1920 – Rome, 2015) ; mais de cela, et de lui, en son récit de 1959, Edith Bruck n’en dit encore rien... _ des deux bouleversants récits autobiographiques d’Edith Bruck, le récent « Il Pane perduto » (publié en 2021) _ jusqu’à la page 99 _ et le premier « Chi ti ama cosi » (publié en 1959) _ jusqu’à la page 81 _ est passionnante ;

le second de ces récits, « Le Pain perdu« , rédigé en 2020, constituant une forme de reprise, avec poursuite, ensuite, des événements racontés une première fois dans le « Qui t’aime ainsi« , de 1959, du début du parcours de vie d’Edith Bruck, de sa naissance, le 3 mai 1931 à Tiszabercel, à son arrivée en Italie, d’abord à Naples, en mai 1952, puis, et surtout, à Rome, « le nombril du monde« , où Edith a « commencé à écrire en italien : « Sono nata in un piccolo villagio ungherese » » (lit-on à la page 146 du « Pain perdu« ), ce qui sera son premier récit autobiographique, publié 1959 : « Ce n’est qu’à Rome, entre 1958 et 1959, que j’ai réussi à l’écrire intégralement dans une langue qui n’est pas la mienne » : soient les mots de conclusion, à la page 136 du « Qui t’aime ainsi » de 1959…

Le 13 janvier dernier, je me suis déjà posé cette question de la comparaison-confrontation des récits de 1958 -1959 et 2020 – 2021, en mon article « « …

Mais, à cette date, je ne disposais pas encore de la traduction intégrale en français du « Chi ti ama ama cosi »  de 1959 ; je disposais seulement de son chapitre 7, en italien, dans lequel apparaissait le « cugino Tibi« , absent du récit de 2021 ; et le premier amant d’Edith, à Podmokly, en Bohème, à l’été 1946…

Maintenant, j’ai lu en entier ce témoignage encore frais, en 1959,

d’une part des événements de la déportation, entre le 8 avril 1944 (la rafle des Juifs de Tiszabercel par les gendarmes hongrois) et le 15 avril 1945 (la libération des Survivants du lager de Bergen-Belsen par les Américains) ;

mais aussi, d’autre part, du terrible retour, aussi, en Hongrie d’Edith et sa sœur Adel Steinschreiber (Eliz, dans le « Qui t’aime ainsi » de 1959 ; ou Judit, dans « Le Pain perdu » de 2020), après Bergen-Beslsen, et juste avant le départ d’Edith pour la Slovaquie, où elle arrive, non loin de Kosice, très peu avant le 1er janvier 1946…

Puisque c’est sur cette période-là que je choisis de porter une particulière attention « comparative » ici, aujourd’hui…

Ensuite, je m’intéresserai à la confrontation des deux récits, dans les deux mêmes ouvrages, notamment de la « période israélienne » d’Edith Steinschreiber, entre son arrivée à Haïfa, le 3 septembre 1948, et son départ d’Israël, encore d’Haïfa, en 1951…

Si je compare le nombre de pages de chacun des deux récits (celui de 1959 et celui de 2021) accordées successivement :

1) à la vie au village de Tiszabercel jusqu’à la rafle des familles juives de ce village de Tiszabercel par les gendarmes hongrois au matin du 15 avril 1944 (soient d’une part 15 pages _ de la page 13 à la page 28 _ et d’autre part 16 pages _ de la page 9 à la page 35 _)

2) au départ, en train, déjà en wagons à bestiaux, pour le ghetto du chef-lieu de la région,  Satoraljaujhaly, l’enfermement en ce ghetto, du 15 avril au 23 mai 1944, puis le voyage, à nouveau en wagons de bestiaux, en quatre jours et nuits, de ces Juifs retenus à Satoraljaujhaly, jusqu’au débarquement du train de ce convoi à Auschwitz (soient d’une part 7 pages _ de la page 28 à la page 35 _ et d’autre part 14 pages de la page 35 à la page 49 _)

3) aux séjours et déplacements d’Edith et sa sœur Adel dans (et entre) les divers lager d’Allemagne : Auschwitz, Kaufering, Landsberg, Dachau, Christianstadt, la marche de la mort, Bergen-Belsen, entre le 27 mai 1944 et le 15 avril 1945 (soient d’une part 26 pages _ de la page 35 à la page 61 _ et d’autre part 24 pages _ de la page 51 à la page 75 _)

4) à la libération du lager de Bergen-Belsen le 15 avril 1944, puis le retour des deux sœurs en Hongrie, et leur arrivée à Budapest, vers le 5 septembre 1945 (soient d’une part 7 pages _ de la page 61 à la page 68 _ et d’autre part 6 pages _ de la page 75 à la page 81 _

5) au retour à Hongrie (Budapest, Debrecen ou Miskolc, Tiszabercel, Debrecen ou Miskolc, Olaszliszka), de la mi-septembre 1945 à la fin décembre 1945 (soient d’une part 13 pages _ de la page 68 à la page 81_ et d’autre part 18 pages _ de la page 81 à la page 99 _),

je peux remarquer une sorte d’équivalence du nombre de pages consacrées à ces épisodes successifs, à part peut-être pour l’épisode de la rafle du 15 avril 1944, et le séjour au ghetto du chef-lieu, Satoraljaujhaly, un peu plus détaillés et développés : 7 pages dans Qui t’aime ainsi ; et 14 pages dans « Le Pain perdu« .

Ce sera pour les épisodes suivants que je noterai des attentions bien différentes portées aux personnes rencontrées entre l’arrivée d’Edith en Tchécoslovaquie, puis son séjour chez sa sœur Magda (ou Margo, ou Mirjam), à Podmokly, en Bohème, et ses rencontres avec son premier _ brutal : « Pourquoi l’avais-choisi, lui, qui m’avait dépucelée d’un seul coup, ce qui m’avait rappelé l’abattage kasher. (…) Pourquoi cette violence sans la moindre caresse ? Etais-ce moi qui voulais jeter aux orties ma vie inutile, ma jeunesse dans un monde devenu bestial, mes seize ans _ en 1947, donc _ défendus de toutes mes forces, et qui me méprisais? « , page 101 du « Pain perdu«  _ amant, son cousin Tibi ; ainsi que son premier mari, Milan Grün, épousé à Podmokly, en 1947 _ Edith avait « à peine seize ans« , a-t-elle écrit à la page 93 de « Qui t’aime ainsi« …

Ainsi, dans le récit du « Pain perdu« , en 2021, si ce premier amant d’Edith est très rapidement évoqué en un bref passage situé aux pages 100-101, ni le nom, « Tibi« , ni sa situation au sein de la constellation familiale d’Edith _ un cousin _, qui lui été donnés dans le récit de 1959, ne sont cette fois mentionnés, à la différence des longs détails donnés dans le récit développé de « Qui t’aime ainsi« …

Et là je remarquai de très grandes différences de focalisations, ainsi que du nombre de pages significativement accordées _ ou refusées _ aux récits des divers épisodes de cette période, entre le 1er janvier 1946, l’arrivée d’Edith en Tchécoslovaquie, non loin de Kosice, et le 3 septembre 1948, le débarquement d’Edith à Haïfa, en Israël, entre le récit mémoriel de 1959 et celui de 2021…

C’est que ces deux très puissants récits répondent à des urgences d’écriture, ainsi que de volonté de partage de lecture, de la part de leur autrice, bien différentes, entre 1959 et 2021…

La situation de l’auteur, de même que le contexte socio-historique européen, ont connu pas mal de changements ;

ainsi qu’une constante, aussi, et bien pénible, de ce contre quoi continue de lutter Edith Bruck…

Ce dimanche 6 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La question de la coordination des noms des personnes-personnages dans les divers récits autobiographiques d’Edith Bruck : par exemple, entre « Chi ti ama cosi » de 1959 et « Il Pane perduto » de 2020…

13jan

Lecteur éminemment curieux et actif,

je recherche, par delà la spécificité singulière _ absolument légitime _ de chaque opus,

la cohérence autobiographique présente en creux dans les divers récits successifs, de 1959 à 2020, d’Edith Bruck.

Laquelle témoigne magnifiquement, en son œuvre entier d’écrivain, œuvre de poésie comprise, de ce qu’il a fallu, à sa personne, en toute la substantialité la plus à vif et intime de sa chair, surmonter d’épreuves terribles, en sa survie _ entre le 8 avril 1944, la rafle des Juifs par les gendarmes à Tiszabercel, et le 15 avril 1945, la libération par les Américains du lager de Bergen-Belsen, où Edith Steinschreiber et sa sœur Adel étaient encore (après Auschwitz, Dachau, Kaufering, Landsberg, une première fois Bergen-Belsen, Christianstadt, et après la marche de la mort, leur retour, épuisées, à Bergen-Belsen), internées _, puis vie _ et encore survie, d’une autre façon _, à partir de son retour chez elle, au village hongrois de Tiszabercel, à l’automne 1945, à l’âge de 14 ans _ Edith Steinschreiner est, en effet, née à Tiszabercel, au nord-est de la Hongrie, le 3 mai 1931 _,

en tenant compte aussi de données biographiques disponibles, recherchées complémentairement ailleurs qu’en sa seule œuvre publiée :

ainsi, par exemple, dans la très utile très récente « Brève chronologie » que, avec l’aide même de l’autrice, René de Ceccatty vient de donner _ et à la suite de sa lumineuse et lucidissime préface, très justement intitulée « La poésie, plutôt que la prière« , en introduction splendide (aux pages 5 à 26) à l’anthologie de poèmes choisis et traduits par lui-même, intitulée « Pourquoi aurais-je survécu ?«  _, aux pages 27 à 30 de cet indispensable recueil « Pourquoi aurais-je survécu ?« .

Afin de surmonter, en lecteur curieux donc et tenace que je suis, quelques blancs, ainsi que _ et peut-être surtout _ quelques variations de nominations de personnages cruciaux de ses divers témoignages, 

à commencer par les prénoms des frères et sœurs, mais aussi les noms des divers compagnons et époux de celle qui a, faute de recevoir une écoute vraiment réceptive à sa parole, a appris à « parler au papier » qui, lui, sait l’écouter fidèlement, ainsi que, en intense et profond exigeant, voire implacable, dialogue de vérité, lui « répondre vraiment » ;

les uns et les autres de ces _ et ses _ « proches » étant, je le remarque, nommés diversement dans ces récits successifs ;

et tout particulièrement le récent, en 2020, et sublime, « Le Pain perdu« , 

mais aussi dans diverses ressources biographiques annexes, glanées de-ci, de-là, au fil de recherches documentaires complémentaires de ma part de lecteur actif cf mon article du 11 janvier dernier :

Ainsi

Lili (née à Tiszabercel, le 24 décembre 1920),

Magda (née à Tiszabercel, le 22 septembre 1922),

Ôdön (né à Gava, le 13 janvier 1925),

Adel (née à Tiszabercel, le 12 mas 1927),

Laszlo (né à Tiszabercel, le 16 août 1929), 

les deux frères et les trois sœurs d’Edith Steinschreiber, née, elle, le 3 mai 1931 _ et non pas 1932, comme mentionné dans son « Qui t’aime ainsi« , de 1959 : pour quelles raisons donc ?.. _,  à Tiszabercel,

apparaissent-ils, dans le récit de « Chi ti ama cosi » de 1959, sous les prénoms de :

Leila, pour Lili,

Margo, pour Magda,

Peter, pour Ôdön,

Eliz, pour Adel,

et Laci, pour Laszlo ;

et, dans le récit du « Pain perdu » de 2020, sous les prénoms, cette fois, de

Mirjam, pour Lili (la Leila de Qui t’aime ainsi),

Sara, pour Magda (la Margo de Qui t’aime ainsi),

David, pour Ôdön (le Peter de Qui t’aime ainsi),

Judit, pour Adel (l’Eliz de Qui t’aime ainsi),

et Jonas, pour Laszlo (le Laci de Qui t’aime ainsi)

En attendant impatiemment la (re-)parution prochaine, le 21 janvier prochain, de la traduction française _ « Qui t’aime ainsi« , en Points _ du « Chi ti ama cosi« , paru le 1er janvier 1959 aux Éditions Lerici _ actives de 1927 à 1967, et à l’impressionnant catalogue... _,

j’ai très attentivement lu _ et cherché à en décrypter le plus méthodiquement possible les noms… _ une sélection de pages de ce texte en italien accessibles sur le net

Et cela, en partie afin de rechercher, tout spécialement, quel est ce « cugino » d’Edith _ côté Bieber, la famille de sa mère ? ou bien côté Steinschreiber, la famille de son père ? Côté Bieber, je le découvrirai un peu plus tard… _, qui nous est présenté là sous le nom du « mio cugino Tibi » _ qui a aussi une sœur, prénommée, en ce récit de 1959, Magda ; et c’est bien là son prénom effectif : Gerson Deutsch et sa soeur Magda Deutsch, étant en effet les enfants d’Helen Bieber (Tiszakarad, 7 août 1880 – Auschwitz, mai 1944) et de son époux David Deutsch (Tolcsva, 17 septembre 1884 – Auschwitz, mai 19944) ; Helen Bieber, une des sœurs Bieber de la mère d’Edith, née Berta Bieber (Tiszakarad, 1er février 1895 – Auschwitz, mai 1944)… _, son _ très beau, mais assez brutal : « lui qui m’avait dépucelée d’un seul coup, ce qui m’avait rappelé l’abattage kasher, où l’on égorgeait la poule d’un seul geste et on la jetait encore sanglante dans la cour de la synagogue ! Est-ce que le sang le dégoûtait ? Pourquoi cette violence sans la moindre caresse ? Était-ce lui qui voulait punir en moi toutes les femmes, ou était-ce moi qui voulais me punir moi-même ? Pourquoi l’ai-je laissé faire ? Était-ce moi qui voulais jeter aux orties ma vie inutile, ma jeunesse dans un monde devenu bestial, mes seize ans _ « quindici« , lit-on dans le « Chi ti ama cosi«  de 1959 _ défendus de toutes mes forces, et qui me méprisais ? À moins que je l’aie aimé ? Étais-je malade ? Ou assoiffée d’amour, parce qu’il y avait un être pour lequel j’existais, qui me désirait, même s’il avait d’autres maîtresses, et qui jouissait de son plaisir en ignorant le mien. Pourquoi ? Pourquoi ?« , lisons-nous à la page 101 de l’admirable « Le Pain perdu » de 2020… _ tout premier amant, à Podmokly _ un village de Bohème situé non loin  de Pilsen _, en Tchécoslovaquie, quand Edith avait 15 ans, et Tibi, 23 : en 1946…

Se pourrait-il _ oui ! _ qu’il s’agisse là, pour ce « molto bello, alto e biondo« _ mais « poco intelligente« « cugino Tibi« ,

du cousin _ côté Bieber _ Gershon Deutsch (Krompachy, Slovaquie, 16 février 1922 – Brooklyn, 20 septembre 2009),

un des fils de la tante Helen Bieber (Tiszakarad, 27 juin 1892 -Auschwitz, mai 1944) _ et son époux David Desider Deutsch (Tolcsva, 17 septembre 1884 – Auschwitz, mai 1944) : Tolcsva, dans la vallée de la rivière Bodrog (un affluent de la Tisza), est le village voisin d’Olaszliszka _ :

Helen Bieber, une des sœurs de Berta _ nommée « Frida, Friduska (en hébreu Deborah)« , à la page 14 du « Pain perdu« ... _ Bieber (Tiszakarad, 1er février 1895 – Auschwitz, mai 1944),

elle-même l’épouse de Sandor Sulem Shalom _ « nommé Adam, Shalom en hébreu« , à la page 18 du « Pain perdu _ Steinschreiber (Tiszakarad, 1895 – Dachau, 1945), et la mère d’Edith, ses trois sœurs et ses deux frères Steinschreiber…

De même que je me demandais si le tout premier éphèmère mari d’Edith, Milan Grün _ cf cette biographie-ci d’Edith Bruck _est bien présent, ou pas, dans le récit de 2020, « Le Pain perdu » _ et après recherche attentive, il me semble bien que non : je ne l’y trouve décidément pas… _ ;

 

quand son second éphémère mari, Dany Roth _ ibidem _, nous est présenté, lui, à la page 104 du « Pain perdu«  _, sous le nom _ à la hongroise : le nom avant le prénom _ de « Braun Gabi » ;

et le troisième encore plus éphémère mariibidem  : « un dénommé Bruck » : ce très bref mariage sur le papier avait eu pour seule fin, en effet, de permettre à Edith, redevenue, par son second divorce, célibataire, d’échapper à l’obligation à un retour à une résidence collective en un camp, en Israël… _, et dont Edith a conservé le nom pour sa signature d’auteur, Edith Bruck, 

apparaît alors avec le diminutif de Tomi : « Tomi Bruck« , lit-on à la page 128 du « Pain perdu« … 

Quant à l’amour vrai de la vie d’Edith, Nelo Risi _ homme généreux et particulièrement désintéressé : ce qui est plutôt rare… _,

dans « Le Pain perdu« , il apparaît furtivement et merveilleusement, tout à la fin, aux pages 152 à 155,

sous son seul prénom de « Nelo » :

Edith le rencontra _ cf son récit, à la page 152 _ au restaurant Otello de la via della Croce, à Rome _ ce fut le 9 décembre 1957 ; cf le beau poème intitulé « Rencontre 1957« , à la page 104 de l’anthologie « Pourquoi aurais-je survécu ?« , qui se clôt par ce vers libre : « le 9 décembre«  _ ;

mais, suite aux difficultés de Nelo pour obtenir la légalisation officielle de son divorce d’avec celle, artiste peintre australienne, qu’il a nommée « Mitty » _ mais est-ce seulement là son vrai prénom ? Un certain flou semble ici étonnamment demeurer : Edith Bruck en a-t-elle elle-même connaissance ? Peut-être, probablement, tout de même… _,

le mariage officiel d’Edith et de Nelo ne put avoir lieu, au Capitole de Rome, que neuf années plus tard, seulement : le 17 mars 1966 _ cf la très brève remarque, et dépourvue de commentaire, de la page 154 ; et la date même de ce mariage romain n’est pas alors donnée _, célébré par Francesco Fausto Nitti _ « (1899-1974), une des grandes figures de l’antifascisme », indique la note de bas-de-page du traducteur, René de Ceccatty ; les témoins du marié étant son frère, Dino Risi (1916-2008), et son ami l’écrivain, scénariste, et plus tard réalisateur, Fabio Carpi (1925 – 2018) ; mais le récit du « Pain perdu » ne les mentionne pas ; quant aux témoins de la mariée, eux non plus non mentionnés, quels ils furent, je l’ignore à ce jour…

À son seul amour vrai, Nelo,

Edith Bruck consacrera deux très beaux livres,

pas encore traduits en français :

« La Rondine sul termosifone« , en 2017 ;  et « Ti lascio dormire« , en 2018.

Nelo Risi, né à Milan le 20 avril 1920, est décédé à Rome le 17 septembre 2015.

Et même si, bien sûr, le principal _ poétique et existentiel _ est loin d’être là,

ce fond d’autobiographie historique très présent dans l’œuvre singulière et si marquante d’Edith Bruck,

passionne aussi le lecteur actif et curieux du réel que je suis…

Ce jeudi 13 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ce que j’apprends d’un bon lecteur de « Qui t’aime ainsi » sur quelques rencontres d’Edith (dont le cousin Tibi, et le second de ses maris) entre son retour (de Bergen-Belsen) à Tiszabercel à l’automne 1945 et son débarquement à Haifa le 3 juillet 1948…

12jan

En poursuivant _ avec opiniâtreté _ mes recherches biographico-géographico-historiques sur le parcours de vie d’Edith Steinschreiber (Edith Bruck),

entre sa naissance, à Tiszabercel, le 3 mai 1931, et aujourd’hui, Rome, en sa résidence de la Via del Babuino,

afin de tenter de combler bien des lacunes de ma part, et qui ne manquaient pas de m’intriguer,

je suis tombé ce jour sur un passionnant article d’Olivier Ypsilantis, en date du 20 avril 2017, intitulé « En lisant « Qui t’aime ainsi » (Chi t’ama cosi) d’Edith Bruck 2/2« ,

qui m’a révélé plusieurs données concernant le parcours de vie et quelques rencontres marquantes,

entre, d’une part, la libération d’Edith, avec sa sœur Adel, du lager de Bergen-Belsen, le 15 avril 1944,

et, d’autre part, son débarquement _ plus ou moins seule : le « petit ami » rencontré sur le bateau (qu’elle nomme « Braun Gabi, de Budapest » (page 104) « avait disparu, et c’est tout juste si je l’aperçus sur un camion qui partit Dieu sait où« , lit-on, page 107… _ à Haïfa, en Israël, le 3 septembre 1948 _ ce que « Le Pain perdu« , ni pour ce lieu, ni pour cette date, ne m’avait pas appris…

 

Ce mercredi 12 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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