Posts Tagged ‘Tombeaux

Aborder « Le Livre des amis » de Jean Clair : mon choix de commencer ma lecture par les 3 éloges funèbres (de Françoise Cachin, en 2011, Antoine Terrasse, en 2013, et Claude Bernard, en 2022) et trois textes immédiatement consécutifs aux décès (de James Lord, en 2009, Avigdor Arikha, en 2010, ainsi que Balthus, en 2001)…

28jan

Après mes deux réflexions préalables du 24 janvier (« « )

et du 26 janvier (« « ) derniers,

concernant mon ordre de lecture des 34 textes constituant le recueil du « Livre des amis » de Jean Clair,

j’ai choisi de commencer ma lecture par 6 textes immédiatement consécutifs à la disparition physique des amis,

soient de superbes _ et très divers : singuliers, chaque fois… _ « Tombeaux » : 

_ l’article « Françoise Cachin, l’intransigeante« , soit l’éloge funèbre prononcé aux obsèques de l’amie et collègue très estimée et admirée, et décédée le 4 février 2011 (aux pages 157 à 163 du recueil) ;

_ l’article « Pierre Bonnard et les voitures« , soit l’éloge funèbre prononcé aux obsèques de l’ami Antoine Terrasse, petit-neveu de l’immense Pierre Bonnard, et décédé le 20 décembre 2013 (aux pages 364 à 366 du recueil) ;

_ l’article « Claude Bernard, l’œil éclairé« , soit l’éloge funèbre _ particulièrement magnifique ! _ prononcé aux obsèques de l’ami Claude Bernard, éminent galeriste et collectionneur d’art lumineux, décédé le 16 novembre 2022 (aux pages 142 à 146 du recueil) ;

_ l’article « Un Américain à Paris« , soit le _ délicieux _ portrait post-mortem de James Lord, esthète éclairé et très attentif, et grand ami d’artistes majeurs Picasso, Giacometti, Dora Maar, Balthus, Raymond Mason, Lucian Freud…  _ qu’il fréquentait à Paris, décédé le 23 août 2009 (aux pages 268 à 271 du recueil) ;


_ l’article _ magnifique et extraordinairement émouvant : admirable ! _« Les Asperges d’Arikha« , écrit au lendemain de la disparition, le 29 avril 2010, de l’artiste et ami vénéré _ ses œuvres sont si belles !!! _, Avigdor Arikha (aux pages 31 à 39 du recueil) _ Jean Clair a consacré un second article, paru le 24 juin 2010, à son ami Avigdor Arikha, « La Canne d’Avigdor » (aux pages 21 à 30 du recueil) : plus admirable encore !!!, sublime quant à l’art de Jean Clair de creuser là, sur le champ, dans l’instant de l’écrire vite vite, jusqu’au plus fondamental même de l’art de la peinture !, et qui complète mieux que merveilleusement le merveilleux déjà article précédent  : « Une asperge est sans prix, une fois qu’en elle, à travers le talent du peintre, s’est résumé tout le réel, tout le possible du réel, en dehors de toute anecdote ou de tout récit, le réel-là, rendu, restitué, sauvé, sauvegardé…«  ;

et : « Je dis  le vin ou bien l’asperge, on comprend qu’en parlant du fruit ou de la boisson _ que je voudrais pouvoir, à mon tour, décrire avec la même précision et la même passion que l’œnologue décrit sa boisson _ je parle en réalité des faces, des portraits, des visages qu’Arikha a peints. (…) Ce sont d’abord et toujours des visages, anonymes pour le spectateur, à qui il a conféré la dignité la plus grande, l’unicité, la singularité de la personne. Le visage seul et unique, comme la botte d’asperges et le verre de vin, avec toutes ses qualités, et rien que ses qualités, sauf que ce sont des hommes et non pas des choses. L’asperge se laisse replanter et le verre de vin se remplir. L’homme, en tant que personne, ne se remplace pas. Il n’est pas interchangeable ni renouvelable. Il ne se remplit pas une seconde fois, même lorsqu’il a perdu, comme dit si justement la langue, sa contenance. Il est unique à chaque fois, et c’est bien là le grand mystère auquel le peintre doive s’affronter, et qui suffit à couper toutes ses forces. (…)

Je ne connais guère de peintres contemporains qui aient su à ce point _ comme a su le faire Avigdor Arikha _ rendre ce sentiment, en vérité poignant, de l’unicité d’un être, de tout être, du nourrisson qui naît (…) au grand vieillard qui va mourir. On dit « sauver les apparences », ou « sauver la face », et on le dit en souriant un peu ironiquement. Et pourtant dénommer, appeler, rappeler les apparences, c’est sauver l’homme de la mort. Dénommer et non pas dénombrer. Dire et peindre, c’est rappeler les êtres à la vie, c’est le contraire de le précipiter dans le nombre.

Il faudra un jour essayer de comprendre pourquoi le grand retour à la figure, dans la peinture d’après-guerre, a d’abord été le fait de peintres issus d’une tradition religieuse que dominait l’interdit de la figuration de l’être animé, en tout cas de son image taillée. C’est toute une famille de peintres _ je pense à ceux dont il fut si proche , et qui avaient même origine, Kitaj par exemple, ou bien Lucian Freud _qui ont rappelé qu’un visage était sans prix. Ils ont été les témoins, et aussi souvent les victimes, d’une époque où, mu par une idéologie démente, on s’était mis à immatriculer les gens. Des gens qu’on dénombrait, et dont on inscrivait le chiffre sur la peau à l’encre indélébile, un numéro d’ordre. Des fois qu’on n’arrive plus, au jugement dernier, à les reconnaître et les distinguer ? Ce fut l’entreprise la plus meurtrière que l’homme ait affrontée. Le peintre y répondra comme il peut : les gens se reconnaissent, non pas à leur numéro d’abattage, comme les bêtes, mais à leur visage, à leurs traits. Et les nommer les peindre un par un, les transformer en personne, c’est les tirer de la mort« … _ ;

_ et l’article  _ non dénué d’ironie et quasi dérangeant… _ « L’Enterrement de Balthus« , pour un artiste tôt admiré, et décédé le 18 février 2001 _ accompagné de 2 autres articles, d’analyse picturale, « Balthus et Rilke : une enfance » et « Les Métamorphoses d’Éros » publiés respectivement en 2008 et 1996 (aux pages 76 à 91 et 92 à 131 du recueil).

À suivre…

Ce dimanche 28 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Marie Leonhardt nous a quittés le 23 juillet dernier : un échange de courriels avec l’ami Jean-Paul Combet…

28juil

À propos du bien triste événement qui nous a touchés, la mort de Marie Leonhardt, le 23 juillet dernier à Amsterdam,

cet échange-ci de courriels, ce jeudi 28 juillet 2022, avec l’ami Jean-Paul Combet _ l’éditeur (Alpha) des derniers merveilleux CDs de Gustav Leonhardt…

« Apprenant ce matin _ « Décès d’Alice Harnoncourt et de Marie Leonhardt, une page qui se tourne dans la musique ancienne«  _ le décès de Marie Leonhardt,

je me souviens de ce superbe CD, Chaconnes & Passacailles, avec l’Ensemble Mateus, que tu as publié.
 
Je me souviens aussi de sa présence au repas au restaurant La Tupina rue Porte-de-la-Monnaie à Bordeaux _ le 14 juin 2001 _,
pour conclure l’enregistrement _ du 10 au 13 juin _ du CD de Gustav Leonhardt sur le Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix _ le CD Alpha 017 _,
autre CD évidemment mémorable.
 
En dehors des mémoires personnelles qui passeront avec nous,
restent quelques beaux « Tombeaux » de divers genres,
susceptibles de durer un peu plus que nos corps…
 
J’espère que tu te portes bien, ainsi que les tiens _ peut-être es-tu grand-père ? _ ;
et que tes projets te donnent satisfaction…
 
Francis » 7h 22
« Cher Francis,
 je suis heureux de recevoir ton message. C’est une drôle d’année, les 10 ans de la mort de Gustav _ le 16 janvier 2012 _, celle de la mort de Marie. Tu sais, je suis presque soulagé pour elle, sa fin de vie ayant été assez triste : plus de mari, plus de musique, plus la belle maison du Herengracht mais une horrible chambre de maison de retraite. J’espère qu’elle avait un peu perdu la tête pour que ces pertes ne l’aient pas trop fait souffrir à la fin. Une fin longue finalement, plus de 8 ans… Son mari est mort très vite, la décision a été prise en quelques jours. Je les ai vus chez eux le 26 décembre 2011, il m’a alors annoncé qu’il serait sédaté définitivement le lundi suivant et le corps a lâché le 16 janvier. Lorsqu’il est parti de chez lui, la maison était remplie d’objets d’art, c’était un musée qu’il avait constitué au fil des années, pour lui seul finalement car ni Marie ni ses filles n’étaient concernées. Et tout a disparu en quelques heures lors de la vente chez Sotheby’s. Marie avait donc tout perdu de la mémoire de sa vie, même son violon, vendu à Sophie Gent. Bien étrange destinée, non ?
Non, je ne suis pas grand-père, aucune perspective de ce côté pour le moment.
Je me suis beaucoup amusé cette année à donner une série de 10 conférences sur les Variations Goldberg, que je travaille au clavecin depuis 2 ans. J’en suis venu à bout, avec beaucoup de difficulté au début et de moins en moins en avançant. Ce qui me semblait infaisable est juste devenu difficile. J’ai décortiqué la construction de chaque variation et abordé des thématiques plus générales, techniques ou philosophiques. Bref, j’ai beaucoup appris. C’était parfois difficile à exprimer de façon compréhensible, car le public d’aujourd’hui n’a quasiment plus de contact avec la pratique musicale. J’aimerais bien redonner ce cycle de temps en temps, mais qui a encore la patience aujourd’hui de consacrer 10 séances à une chose unique, alors qu’on attend que tout se résume à un post Facebook de 30 secondes ?
Peu de choses m’apportent de la satisfaction : le « Guerre »  de Céline, un très chouette livre intitulé « Beyond Bach », revoir « les 400 coups ». C’est déjà bien.

Si ça t’amuse, je joins le fichier du texte qui sera publié en hommage à Leonhardt dans le programme du festival d’août. Merci de ne pas le diffuser et de le garder pour toi _ c’est fait : Arques le découvrira très bientôt ; et c’est excellent !.. J’aimerais partir de ce texte pour en dire plus sur la musique ancienne et sur la musique en général, mais l’écriture me pèse tant, je n’y trouve aucun plaisir.

J’espère moi aussi que tu te portes bien.

Amitiés,

Jean-Paul » 11h 34
« Rien à retrancher à ton texte pour Arques si juste…
Oui, les «
Goldberg « sont un incontournable insurpassé !
On ne peut pas s’en lasser. Et il faut bien le « 
Quodlibet « , puis le retour de l´ « Aria « , pour accepter de quitter ces « Goldberg « …

Tes remarques sur l’avisibilité de la musique me conviennent admirablement, de même que la méfiance à l’égard de l’interprétation…

Humilité foncière nécessaire de celui qui lit et joue ce que la partition nous transmet, en attente de sonner.

Toute une éthique du jeu musical…

Pour le reste, Gustav Leonhardt était tout braise en l’intensité très exigeante de son jeu : j’ai eu la chance  de l’entendre souvent jouer ainsi en concert à Bordeaux.

Le public présent se contentant d’assister lui aussi humblement à l’avènement sonore de la splendide, musique.

À suivre…

Francis » 14h 28

« oui, plus je côtoie les Variations, plus je ressens ce qu’écrivait Jankélevitch dans L’irréversible et la Nostalgie. Insouciance de quitter le port pour parcourir le monde, voyage jalonné d’épreuves et désir de retrouver son foyer. Mais le retour à Ithaque est à la fois une joie et une tristesse, comme le retour de l’Aria initiale. Bach a visé juste dans sa connaissance de l’humain, une fois de plus…
JP » 14h 35
Ce jeudi 28 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur