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De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles

10sept

Suite aux « petites réflexions » sur « Art et Tourisme » (« à Aix _ et ailleurs« ) ; puis sur « Tourisme et Environnement _ dans le massif du Mont-Blanc » : à propos de l' »installation » _ visible dès demain _ d' »œuvres » de Jeff Koons au Château de Versailles…

Sur une des blogs invités par le journal Le Monde _ le blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » _ , on trouve, en date d’aujourd’hui, ceci _ selon mon habitude, je mets en gras ce qu’il me plaît de souligner :

09 septembre 2008

Jeff Koons au château de Versailles

jeff-koons-lobster.1220945639.jpg Demain, c’est l’ouverture de la rétrospective Jeff Koons au château de Versailles. Au total, 16 pièces ont ainsi pris place, et jusqu’en décembre prochain, entre les appartements du roi et la Galerie des Glaces. « Art contemporain » versus « Ère du Roi-Soleil » ? Avouons-le, de ce côté-ci de l’Atlantique, on attendait l’artiste américain, phare du flashy et fan du kitsch plutôt à Londres, et dans le très grand « Hall des Turbines » de la Tate Modern…

Mais à la “surprise” générale, c’est à Versailles, dans le château XVIIe siècle du Roi-Soleil, au cœur même des appartements du Roi et de la Reine, qu’il faudra donc se rendre pour prendre la mesure de cette rétrospective, première du genre sur le sol français. Parmi ces 16 pièces, une seule, Split Rocker, avec ses 12 mètres de haut et son installation interne de 90.000 plantes, est postée à l’air libre devant l’ »Orangerie ». Les 15 autres s’égrènent dans les pièces du château : Lobster, une langouste en acier et aluminium peint et pendu comme un jouet gonflable, dans le « Salon de Mars » (voir image ci-dessus) ; Rabbit, un lapin en acier chromé placé dans le « Salon d’Abondance » ; Balloon Dog dans le « Salon d’Hercule », un bouquet de fleurs en bois polychrome dans la « Chambre de la Reine » ; enfin, une Marilyn scotchée à une panthère rose baptisée « Pink Panter » dans le « Salon de la Paix ».

“Les habitués seront étonnés […], confiait Jeff Koons dans le dossier de presse. Mais j’aimerais qu’on ait le sentiment d’embrasser le futur. Le temps est une ligne continue qui se perpétue à travers les Arts et les artistes. […] Versailles ? Oui, je suis emballé par ce défi royal, c’est mon plus beau projet.”

Une récente adjudication à New-York de l’une de ses pièces à plus de 23 M$, et le tableau de cette exposition versaillaise se fait plus précis ; d’autant que, pour cet événement, François Pinault est le mécène principal, présent à hauteur de quelque 2 M€. Cela ajoute sans doute à l’enthousiasme ambiant.

Pourtant, cette exposition ne fait pas l’unanimité.

Jeff Koons à Versailles, certes, le ton est donné : du grand, de la démesure, des installations imagières rigolotes et narcissiques, le tout bien coté et valant une petite fortune, car appartenant aux plus grandes collections de la planète (Pinault, Joannou, Fearnley, Broad). A y regarder de plus près, ce profil d’artiste ressemblerait aussi et de plus en plus à son feu compatriote pop, grand brasseur de business lui aussi : Andy Warhol. Pour l’anecdote, dans le « Salon d’Apollon », Jeff Koons a choisi d’exposer son autoportrait tout en marbre…

Au-delà d’une œuvre chère et en apparence simplette qui plaît aux grands comme aux petits, que peut bien chercher Jeff Koons : la notoriété ? l’argent ? les femmes ? Il semble que sa période sexe et picturale, inspirée de son idylle avec la Cicciolina son ex-épouse, qui fit scandale en son temps à la Biennale de Venise (1990), soit du passé. Cet artiste de 53 ans, cravaté et corseté dans son beau complet tout neuf, se concentre visiblement maintenant sur la réussite de ses affaires et la trace artistique qu’il souhaite laisser.

Pour avoir quelques clés et mieux appréhender ces œuvres ainsi que l’engouement qu’elles peuvent susciter, il est sans doute préférable de pointer le jeu volontaire et décalé de leur l’échelle, les matériaux hétéroclites qui, agencés selon les soins de ses ateliers bien organisés, troublent un instant (est-ce un ballon gonflé ? de l’acier ? du bois ? de la peinture ?). Mais quoi qu’il se passe, le recours à une représentation qui fait référence quasi systématiquement à un univers enfantin et populaire renvoie aussi au style Disney.

09 septembre 2008

Commentaires

  1. Non, non… il n’y a pas du tout de “surprise générale”… Jeff Koons en France et à Versailles, c’est dans l’ordre des choses…
    Il y a 10 ans ou plus, Alisson Gingeras arrivait au Centre Pompidou, dont le président était Jean-Jacques Aillagon, avec le projet d’une expo Koons… Aujourd’hui et depuis plusieurs années, Alisson Gingeras, à la suite de Jean-Jacques Aillagon, gère la collection Pinault, grand collectionneur de Koons.
    10 ans donc que le milieu de l’art contemporain attend cette rétrospective : le rêve. « Rédigé par Sylvie Philippon« 
  2. Où est la “vision” ?
    Où est l’âme ?
    Que cette œuvre “gentiment” régressive et “poliment” nihiliste soit l’expression servile du pouvoir de l’argent, n’indispose donc personne !
    Faut-il que ces messieurs nous aient fait dégorger toute notre mœlle pour que nous nous vautrions gaiement là-dedans !f »Rédigé par Bats and Swallows« 
  3. Quand on sait que l’un des principaux collectionneurs de Jeff Koons est François PINAULT, au demeurant il a bon goût, et que le responsable du Château de Versailles est Jean Jacques AILLAGON, ancien ministre de la culture, mais aussi proche collaborateur de PINAULT quand celui ci imaginait installer sa fondation d’art contemporain sur l’Île Seguin à Boulogne, et aujourd’hui à Venise, on se dit qu’il y avait sans doute un intérêt réciproque à la rencontre de Versailles, son château et Jeff Koons.Cela étant, on ne peut s’empêcher de craindre dans cette histoire un quelconque intérêt _ voire affaire de gros sous _ pour glorifier la rencontre du Kitsch US et celle du classicisme Français.Allez, la vipère n’est pas bonne conseillère, quand elle utilise sa langue ! »Rédigé par  Thierry« 
  4. Le lien que vous faites entre Warhol et Koons me semble judicieux (je le fais aussi !). J’avais vu la rétrospective Warhol à Bruxelles il y a quelques années. Ce qui m’avait le plus ému, c’étaient ses photos en noir et blanc et ses petits films, notamment celui consacré à sa petite égérie de la Factory (dont le prénom m’échappe sur le moment). Je n’ai jamais vu, “en vrai” du moins, une œuvre de Koons, et, pour être honnête, je ne me déplacerai pas spécialement à Paris pour voir la rétrospective de Versailles (à moins que quelque mécène, Jean Jacques Aillagon peut-être, m’offre le séjour !). J’ai plutôt tendance à penser ainsi : de Warhol à Koons, une Amérique enfantine et grandiose, certes, mais peut-être dérisoire ? J’ai envisagé de publier sur mon propre blog (L’Amour délivre), une fois n’est pas coutume s’agissant d’un blog littéraire, un article sur le sujet… De la même façon que beaucoup se rendent compte aujourd’hui que Picasso était probablement plus un virtuose qu’un génie (si j’en crois le dossier Bacon du Monde 2 de samedi dernier, Francis Bacon semblait le penser aussi…), il est probable que la trace laissée dans l’histoire de l’Art par nos deux acolytes américains ne sera pas celle que reflète leur cote du moment ! D’autres, dont on parle un peu moins (Marc Rothko par ex.), prendront leur place, insensiblement : c’est souvent ainsi ; il y a les œuvres du moment, et celles qui grandissent dans la durée, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes, loin s’en faut ! mais vous savez cela aussi bien que moi. J’apprécie vos articles, mesurés, bien écrits et… “instructifs”, comme on disait autrefois, dans ma tendre enfance ! Bravo.
    Joël Bécam « Rédigé par: joelbecam « 

Comme pour les commentaires des lecteurs de l’article de « Libération » de vendredi 5 septembre « Le Mont-Blanc broie du noir » à propos des dangers de la « surfréquentation touristique »

_ cf mon « Du tourisme (suite) : une surfréquentation destructrice » _,

les commentaires des lecteurs du blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » ne nécessitent guère de commentaire, pour prolonger les réflexions que j’esquissais à partir de la présence d’une expo Ben _ et du panneau « L’Art m’emmerde » _ aux portes du « sanctuaire » qu’a pu être le « Musée-Atelier » du Chemin des Lauves (et atelier de Paul Cézanne, entre 1902 et 1906)…


Corinne Rondot interrogée à propos de l' »expo Koons » à Versailles dans l’émission _ d’Arnaud Laporte _ d’entre 12 heures et 13 heures 30 sur France-Culture ce mercredi, se demandait qui avait le plus à « gagner » de l' »Art classique » et de l »Art contemporain » à pareille « installation », « confrontation », « cohabitation »… Une réflexion que je livre ici telle quelle…


Michel Fraisset, Directeur de l' »Atelier Cézanne » (d’Aix-en-Provence), fait _ cf mes 4 articles « Art et Tourisme à Aix » _ du « lieu » internationalement attractif, à Aix, dont il a la responsabilité (« touristique »), un « lieu de culture ouverte » _ caractérisé « surtout » par sa « convivialité« , le « partage » et des « émotions«  : dont profitent les artistes (et les œuvres) invités ;

mais qui peut retentir aussi sur le regard (titillé malicieusement par un « L’Art m’emmerde« ) posé par les visiteurs-amateurs sur un maître admiré, voire vénéré, tel que Paul Cézanne…

Dans le cas des « Galeries », « Salons » et « Chambres » (royaux et royales) de Versailles, existe aussi une « mise en mouvement » à double-sens _ du présent vers le passé ; et du passé vers le présent _ des regards (et pensées) des regardeurs-spectateurs _ du moins potentiellement, « en puissance », dirait Aristote…

Cependant, l’aura _ et la cote sur le marché international _ de Jeff Koons s’augmente(nt) passablement de pareille « rétrospective » en un tel lieu ; davantage que s’enrichit la gloire de Versailles…


Soit un avatar de plus de ce qui se passa ici en 1870, en 1919, et même en 1940, avec le « passage » en ces mêmes « Galeries » et « Salons », non seulement d’un Bismarck ou d’un Foch, mais aussi d’un certain Adolf Hitler…

« Le Roi s’amuse » aussiauraient dit un Victor Hugo _ en son théâtre _ ;

un Pascal _ en ses « Pensées » _ ;

ainsi qu’un Giono _ dans le terrible « Un roi sans divertissement« …

Qu’on relise surtout les « Lettres » de Madame de Sévigné sur ses visites « enchantées » _ et les éblouissants « medianoche » en musique _ à Versailles ;

et le duc de Saint-Simon, en ses « Mémoires« …


Titus Curiosus, ce 10 septembre

Du tourisme (suite) : une « surfréquentation destructrice »

08sept

Pour alimenter la réflexion quant aux rapports _ et à, parfois, une « tension » _ entre « Art » et « Tourisme »,

j’ai découvert ce matin, en effectuant ma « revue de presse », un article _ de vendredi dernier, 5 septembre, dans le quotidien « Libération », sous la signature de François Carrel, intitulé « Le Mont Blanc broie du noir« , posant la question des risques et dangers d’une « surfréquentation touristique » pour certains sites ;


qui vient comme prolonger ma petite synthèse d’hier… Qu’on en juge : voici, avec très peu de farcissures de commentaires de ma part, l’article ;

et qu’on le confronte avec les interrogations de mon article de conclusion d’hier…

« Le Mont Blanc broie du noir

Luna Park ou site classé? L’avenir du plus haut sommet français, menacé par une surfréquentation destructrice, reste en suspens.

Envoyé spécial à Chamonix et Courmayeur : François Carrel

QUOTIDIEN : vendredi 5 septembre 2008

« La mort, le 24 août, de huit alpinistes au Mont-Blanc a rappelé l’importance de sa fréquentation _ ne serait-ce pas une affaire de « seuil » à ne pas dépasser ?… Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), d’où part l’une des voies d’ascension, en a profité pour relancer sa campagne de presse favorite. La surfréquentation _ voilà bien le mot important ! _ du sommet, avec son cortège de décès et nuisances écologiques, ne «sont plus tolérables : le Mont-Blanc est devenu un parc d’attraction», répète-t-il. Il a une solution miracle : instaurer un permis d’ascension, idée rejetée par le milieu montagnard qui plaide pour plus d’information. La mortalité dans les montagnes françaises est stable : une centaine de morts chaque été, dont un quart de randonneurs et une dizaine d’alpinistes sur le seul Mont-Blanc. Dans les grands jours, plus de 300 personnes se lancent sur ses pentes : il souffre, outre son irrépressible aura de point culminant, d’un accès trop banalisé, en raison des remontées mécaniques _ eh oui ! ce n’est pas de la « marche de randonnée » ! _ sur ses flancs et d’une promotion locale _ « touristique », donc _  historique.

Le maire de Saint-Gervais est, à cet égard, un parfait tartuffe : il n’a de cesse d’utiliser le Mont-Blanc pour sa communication, invitant à tour de bras journalistes et «pipeules», Gérard Holtz et PPDA en tête, à venir le gravir, rebaptisant sa commune «Saint-Gervais-Mont-Blanc» sur ses brochures, bataillant comme un forcené pour faire monter plus haut le train touristique de Saint-Gervais et ses 150 000 passagers annuels, au-delà de son terminus actuel à 2 400 mètres… Jean-Paul Trichet, vice-président de ProMont-Blanc, fédération franco-italo-helvétique des associations de défense du massif, grince : «C’est un adepte de l’égologie ; il fait feu de tout bois, sans reculer devant les pires contradictions. Il focalise l’intérêt des médias sur la fréquentation du sommet au détriment des vraies menaces.»

Chaînon manquant

Si le massif du Mont-Blanc est effectivement devenu un parc d’attraction, les 20 000 à 30 000 alpinistes attirés chaque année par son sommet-phare ne représentent qu’une goutte d’eau parmi les quelque 5 millions de visiteurs annuels, France, Italie et Suisse confondues.

L’économie locale vit du tourisme, une manne _ voilà bien l’enjeu prioritaire _ dont profite avant tout la vallée de l’Arve, c’est-à-dire Chamonix et ses voisines, mais aussi Courmayeur en Italie, ou Saint-Gervais… Cet afflux de skieurs et touristes génère de sérieux soucis : trafic routier, pollution de l’air, nuisances sonores du trafic et des survols incessants du massif, pression urbanistique. On a beaucoup construit et on construit encore, à Chamonix comme à Courmayeur. La spéculation immobilière chasse habitants permanents et travailleurs saisonniers _ je parlais hier du lien en quelque sorte »consubstantiel » « tissé » entre une ville, ou un territoire, et ceux qui y « habitent » _ vers le bas des vallées, augmentant d’autant le trafic auto. Les résidences secondaires ont pullulé, au détriment des «lits chauds» : «Chamonix est tombé de 6 000 lits hôteliers en 1970 à 4 000 aujourd’hui ! Il faut donner un coup de frein sur les constructions individuelles et trouver des solutions pour utiliser l’existant», tranche le nouveau maire de Chamonix, Eric Fournier. Le ton est nouveau ; la crise prend, il est vrai, une ampleur préoccupante _ ou des inconvénients collatéraux et « en cascade » d’un excès de tourisme…

Plus besoin de dormir sur place pour visiter le massif. On y arrive très vite _ comme on en repart _ par la route. Sous le Mont-Blanc, le tunnel est l’un des principaux axes routiers européens. États et concessionnaires n’ont jamais lésiné sur les infrastructures routières. Après le drame de 1 999 (39 morts dans l’incendie du tunnel), on a redoublé les investissements : côté italien, l’autoroute plonge dans la montagne à 200 mètres du superbe glacier de la Brenva ; côté français, on finit d’aménager la nationale en deux fois deux voies avec échangeurs sur le dernier chaînon manquant, entre Chamonix et Les Houches. Les 1 600 camions et 3 200 voitures qui empruntent chaque jour le tunnel (1,8 million de véhicules par an, à peine moins qu’avant 1 999), frôlent de ce côté un glacier des Bossons en plein recul lié au réchauffement climatique.

«L’accès à Chamonix est devenu plus sûr, mais c’est cher payé : on a une infrastructure démesurée à l’échelle de notre vallée encaissée», souligne Isabelle Madesclaire, présidente de l’association Urbasite. En l’absence d’investissements forts dans le rail et les transports en commun (le train n’arrive pas à Courmayeur ; et il est sous-développé en vallée d’Arve où il serait d’un usage facile), ces axes routiers jouent le rôle d’aspirateur à voitures. Deux tiers des véhicules traversant la vallée vont ou viennent de Chamonix-ville, hors tunnel donc… Les « tours opérateurs » _ je les évoquais aussi hier _, en particulier ceux qui travaillent sur les marchés asiatiques en pleine croissance _ même chose _, n’hésitent plus à faire des excursions à la journée depuis l’aéroport de Genève _ c’est pratique et peu cher.

Ce sont avant tout les remontées mécaniques _ tout y roule, il n’y a qu’à se laisser porter (et emporter) pour ce qui concernent les utilisateurs : vive la modernité automatisée… _ qui les attirent. Il y en a plus de 80 sur les flancs du massif, certaines ouvertes toute l’année comme la plus célèbre, le téléphérique de l’Aiguille du Midi (500 000 passagers par an) ou le train du Montenvers vers la mer de Glace (350 000 passagers). Elles sont majoritairement exploitées par la Compagnie du Mont-Blanc (CMB), créée en 2000, satellite de la Compagnie des Alpes qui détient les plus grands domaines skiables de la chaîne alpine et une bonne partie des parcs d’attraction européens _ un dynamique secteur de l’industrie touristique… La CMB, dont la ville de Chamonix est actionnaire minoritaire, gère sa belle affaire avec dynamisme. Décriée pour sa politique tarifaire (monter à l’Aiguille du Midi coûte 38 euros, 21 euros pour la mer de Glace), la compagnie rénove à tous crins les équipements de la vallée d’Arve. Elle aménage la ville, remplace les anciennes télécabines par de nouvelles, à plus haut débit _ et rentabilité _, hier à Vallorcine et aux Houches, demain aux Grands-Montets, et cet été au Brévent : la capacité de la nouvelle télécabine de Planpraz est passée de 1 300 à 3 000 personnes par heure.

Ce chantier à 11 millions d’euros est un révélateur des rapports de forces _ un concept important, on le mesure _ locaux : la ville de Chamonix a validé le doublement du débit de cette remontée, dont la gare de départ est en ville, sans avoir résolu les difficultés d’accès que cela va poser, ni budgété le démantèlement des cinq pylônes monumentaux, en béton brut, de l’ancienne remontée. La CMB a défriché à côté, doublant la largeur de la trouée dans la forêt au-dessus de Chamonix. François Bidaut, le patron de la CMB, a soufflé, sans rire, une solution à la municipalité : conserver un ou plusieurs de ces pylônes au titre du patrimoine _ industriel, un « concept » on ne peut plus « tendance » ! _ et les faire décorer _ c’est « artistique » ! et le tour est joué !!! _ par des artistes. Il se défend : «Le démontage est du ressort du propriétaire. N’inversons pas les rôles : nous ne sommes que des exploitants! On ne peut pas nous reprocher de faire du business, c’est notre vocation. Les communes nous disent : « Nous voulons développer le tourisme, faites des remontées.«  Nous ne sommes aménageurs que pour le compte d’autrui.»

Autre exemple, la CMB a décidé de rénover la télécabine qui traverse le cœur du massif, de l’Aiguille du Midi à la pointe Helbronner, versant italien. Elle a été construite en 1957, malgré le refus de l’Etat, qui s’était ensuite incliné devant le fait accompli. La capacité de cette remontée, qui défigure une zone naturelle exceptionnelle à plus de 3 000 mètres d’altitude, va passer de 140 à 300 personnes par heure. Le maire de Chamonix concède qu’il ne s’y opposera pas : «On ne change pas d’appareil, on reste sur de tout petits volumes de passagers…» ProMont-Blanc milite pour le démantèlement : «Se séparer de cet équipement serait un signe fort de basculement vers le développement durable. Le fait de le moderniser démontre qu’on reste dans le tout aménagement», assène Jean-Paul Trichet.

La démarche est encore plus claire côté italien, où la région du Val-d’Aoste va débourser 100 millions d’euros pour remplacer le Funivie Monte Bianco, une remontée vieillotte mais prestigieuse qui mène à la Pointe Helbronner, balcon sur le Mont-Blanc et la vallée Blanche, l’une des très rares du massif à ne pas être sous le contrôle de la Compagnie des Alpes. De 100 000 passagers par an, Funivie devrait vite passer à 250 000 _ c’est appréciable en matière de rentabilité. Le dossier est bouclé, les travaux commenceront en 2009. Avec cet équipement, Courmayeur, endormi depuis son âge d’or du milieu du siècle dernier, veut se relancer. La ville va déjà chercher des clients dans les métropoles italiennes _ et les amener en vitesse _ grâce à son autoroute, mais aussi, comme Chamonix, chez les « tours opérateurs » _ les revoilà ! _, les clients russes ou asiatiques _ et eux aussi… L’heure du tourisme de masse ? _ la question est on ne peut plus clairement posée… Fabrizia Derriard, nouvelle maire de Courmayeur, s’en défend et assure qu’elle veut jouer l’atout touristique _ en effet ! c’est « réaliste » _ des deux zones Natura 2000 _ bien nommées _ de la commune, dont le plan de gestion doit encore être validé et financé par l’Union européenne. La maire défend par ailleurs la pratique de l’héliski (ski avec portage par hélicoptère), florissante sur ce versant du mont Blanc et rêve d’une liaison «ski aux pieds» avec la Haute Tarentaise française… La puissance à venir des infrastructures de la vallée ne laisse donc guère d’illusions.

Déclaration d’intention

L’idée d’un parc international du Mont-Blanc, envisagée à la fin des années 80, avait été écartée par les élus haut-savoyards, valdôtains et valaisans. En 1991, a vu le jour un Espace Mont-Blanc, organe transfrontalier chargé par les Etats de concilier _ c’est toute la question _ protection de l’environnement et développement économique. Dix-sept ans plus tard, l’échec de cette structure est patent. Les espoirs se tournent désormais vers un classement du massif au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco _ un label très « porteur ». Ce projet initié par ProMont-Blanc semble convaincre nombre d’élus locaux, régionaux et nationaux, dont Eric Fournier, le maire de Chamonix: «Cela permettrait de donner de la cohérence _ oui… _ aux politiques publiques, tout en les accélérant, à commencer par les transports _ et les « rotations »… L’Unesco, c’est le pari de se dire qu’on parvient à aller plus vite vers le ferroviaire, vers le développement durable.» Jean-Paul Trichet renchérit : «Dans l’histoire, ce massif a toujours su inventer, innover, mais depuis cinquante ans, il ne se passe plus rien. On peut faire de grandes choses ici. Les collectivités et les Etats en ont-ils la volonté ?»

Une candidature au patrimoine mondial implique que les Etats et territoires concernés élaborent un contrat de gestion et de protection. L’Espace Mont-Blanc juge le projet «prématuré». Les communes italiennes se sont prononcées pour ; les communes françaises pas encore. «Laissez-nous quelques mois», plaide Eric Fournier, qui a le soutien des communes de l’Arve, mais pas celui de Saint-Gervais : Jean-Marc Peillex a trouvé là une occasion de plus de se distinguer en s’opposant violemment. La région Rhône-Alpes soutient le projet, mais n’y travaille pas ; l’assemblée du Val-d’Aoste reste muette. Et si l’Italie et la France ont déposé une déclaration d’intention auprès de l’Unesco, la Suisse ne l’a pas fait, tandis que le nouveau ministre de l’Environnement italien est aux abonnés absents. Nicolas Sarkozy, en campagne au pied du glacier des Bossons, avait promis que ce classement serait «un combat pour la France». Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, fanfaronnait en octobre 2007 : «J’ai convenu avec l’Italie et la Suisse de déposer un dossier commun concernant le statut du Mont-Blanc.» Le plus haut sommet d’Europe de l’ouest attend toujours un début d’éclaircie. »

La tension, ici, est moins entre « Tourisme » _ et sa sous-catégorie de « tourisme de masse »… _ et « Art », qu’entre « Tourisme » et « Écologie »… Mais, on ressent bien ce qui « tend » dangereusement des équilibres déjà assez précaires…

Quelques réponses de lecteurs de « Libération », maintenant… sans nul autre commentaire que la mise en gras d’expressions choisies…

youps :

Suisse modèle ??? êtes vous vraiment sûrs que la Suisse est un modèle ? N’êtes vous donc jamais allé à Zermatt ? Certes, on y accède seulement en train ; certes, c’est un village préservé ! mais la haute montagne l’est-elle ?.. mais une fois là haut ! avez-vous remarqué toutes ces horribles installations recouvrant les glaciers, pas un versant qui ne soit vierge de remontées mécaniques ; sans parler des hélicoptères qui tournent toute la journée autour du Cervin… Moi, je ne suis pas sûr que ce soit un modèle !

Samedi 06 Septembre 2008 – 14:49

geodetolvon :

Bel article, Bravo François ! Un article très bien documenté, qui ne reste pas à la superficie des problèmes. On aimerait une suite ! Comment démocratiser l’accés aux activités de montagne, comment faire que pour que ce développement ne se fasse pas au détriment de l’environnement, comment permettre au plus grand nombre de découvrir ces espaces hors du commun, comment leur permettre ainsi de se re-créer ? Des activités qui ne seraient plus réservées à des privilégiés ( la nature des privilèges étant souvent financière ; mais pas que…)

Samedi 06 Septembre 2008 – 14:37

ah    ahahhaha :

Arrétez tous de gueuler engoncé dans votre nombril. Vous êtes vous aussi des touristes. Hey oui

Samedi 06 Septembre 2008 – 12:02

ECO :

Amis les guides, bonjour ! Eh les Amis Guides de la Vallée, faudrait voir à vous entendre un peu là ! Il y a le bas de la bouse de vache et y’a le haut. Si vous cessez quelques années d’accompagner les bidochons là-haut, sans doute que le bas s’en porterait mieux, non ? et si vous vous appropriez un peu plus le Massif dans vos logiques à vous non?

Vendredi 05 Septembre 2008 – 18:34

Mais si :

MONT-BLANC Haut et Bas : il y a deux Mont-Blanc : celui du haut, où le souffle se fait court pour cause d’altitude, donc de raréfaction de l’oxygène. Celui du bas, où mieux vaut ne pas être trop regardant sur la qualité de l’air. On ne peut rien contre le désagrément du premier, sauf avec courage s’acclimater. On peut tout contre les désagréments du second, avec un peu de courage et de bon sens. Si le Mont-Blanc était en Suisse, on en aurait fait un sanctuaire certainement pas interdit à quiconque, mais les habitants des vallées ne seraient pas en train de crever la bouche ouverte, par asphyxie du tout route, du tout fric.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 18:09

Matrok  :

Témoignage : Parmi tant d’autres touristes, j’ai pris il y a quelques années le train de Saint-Gervais qui monte au « Nid d’Aigle » et continué le sentier jusqu’au refuge de Tête Rousse, sur la voix normale du Mont-Blanc certes, mais là où s’arrête le domaine de la randonnée pour entrer dans celui de l’alpinisme. C’est un lieu qui reste magnifique, et pourtant… Bien sûr il y a la foule, mais pourquoi s’en étonner ? Par contre, au niveau de la petite cabane située au bas de la crête qu’on remonte pour aller à Tête Rousse, il y avait un énorme tas de détritus. Je n’ai jamais vu ailleurs dans les Alpes un tel signe de mépris du site, de l’environnement, de mépris même de la foule. Que faire pour soulager un peu le Mont Blanc de ce vandalisme ? Et bien même si ça m’attriste, je ne vois pas d’autre moyen que de limiter l’accès au Mont Blanc, de responsabiliser les guides, etc… Le Mont-Blanc n’est pas un produit à consommer, c’est un site naturel exceptionnel, et l’un des plus beaux de la planète.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:26

Olympe :

Mentalité de chambre de commerce… C’est foutu ! Devant la pression humaine, il est vain de vouloir constituer des sanctuaires, puisque tout le monde « a le droit de« . La mentalité de chambre de commerce des élus de tous partis fera le reste. J’espère quand même qu’on fait payer les sauvetages en hélicoptère à tous ces ayant-droit qui vont saloper la montagne ! Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:18

Matrok  @Jérôme :

Le sommet du Mont-Blanc est bien en France, d’après tous les géographes français, italiens, suisses ou congolais ! Il n’y a aucune ambigüité sur le tracé de la frontière, qui passe entre le sommet du Mont-Blanc (côté français, donc) et une antécime nommée « Mont Blanc de Courmayeur » et situé côté italien. C’est d’ailleurs pourquoi les Italiens considèrent que le point culminant de l’Italie est le « Mont-Blanc de Courmayeur« .

Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:11

Marc  :

Article de fond… Un article de fond aussi long et fouillé, ça devient rare… Ça fait plaisir.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 14:55

trilobite :

autoroute : A quand une belle autoroute à péage qui nous amènerait au sommet, enfin, disons à 4800 mètres de manière à ce que nous puissions nous vanter d’avoir franchi les dix dernier mètres encordés !..

Vendredi 05 Septembre 2008 – 13:56

Salade :

Incroyable : Être dans la masse : MALLLLLL ! Faire venir la masse : BIEN ! Être au dessus de la masse : BIEN ! La masse, c’est les autres, c’est bien connu. Vendredi 05 Septembre 2008 – 12:04


le jim  :

On n’y comprend rien ! Difficile de comprendre les positions des collectivités locales, je me rends réguliérement dans la vallée de Chamonix depuis une quinzaine d’année, et j’y ai toujours vu des travaux ! Chamonix ne sera jamais une vallée « écolo »… Impossible de revenir en arrière.. .On peut juste constater que le glacier des Bossons recule, que l’on pille le lit de l’Arve pour ses gravats et que la ronde des camions continue ! Ceci dit, c’est tellement beau au dessus… que les touristes y vont encore, et moi le premier !

Vendredi 05 Septembre 2008 – 10:44

Jérôme :

Mais au fait, le sommet est-il en territoire français (cartes suisses et françaises) ou italien (istituto géo…) ? Vendredi 05 Septembre 2008 – 09:49

fab  :

BCE ou CMB ??… Une fois c’est Jean-Claude Trichet, et la fois d’après, Jean-Paul Trichet… Je ne pense pas que le président de la BCE s’investisse dans cette affaire… Relisez vous que diable !

Vendredi 05 Septembre 2008 – 09:06

bachelarno  :

Bravo ! Excellent article. Et merci d’avoir souligné l’ambivalence du maire de St Gervais, qualifié magnifiquement d’adepte de l’égologie dans votre article. Il faudrait qu’il comprenne qu’inviter les « pipeules » parasites, ceux qui mangent à tous les rateliers, n’a pas vraiment de sens et n’apporte pas grand chose à sa ville…

Vendredi 05 Septembre 2008 – 08:51

A comparer avec ma petite réflexion de synthèse (sur « Art et Tourisme à Aix _ et ailleurs« ) d’hier…

Quant aux lectures « à faire », on se reportera avec profit à des auteurs s’interrogeant sur l’Histoire des paysages et celle des loisirs, tels que Alain Roger (« Court-Traité du paysage« , « La Théorie du paysage en France« ), Jean-Didier Urbain (« Les Vacances« , « Sur la plage« , « L’Idiot du voyage : histoire de touristes« ) et Alain Corbin (« L’Avènement des loisirs« ), ainsi que Joffre Dumazedier (« Vers une civilisation des loisirs« , aux Éditions du Seuil en 1972)…


Titus Curiosus, ce 8 septembre 2008

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