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Et à nouveau à propos du CD Vivaldi « Intorno a Pisendel » de Julien Chauvin et son Concert de la Loge, frémissant de vie…

13mar

Et à nouveau à propos du superbe CD Vivaldi « Intorno a Pisendel » de Julien Chauvin et son Concert de la Loge (le CD Naïve OP 7546),

et après mon assez dithyrambique article « «  du 2 novembre 2022,

voici cette fois ce que sur le site de Crescendo, ce lundi 13 mars 2023, dit de ce CD de Julien Chauvin le critique Christophe Steyne,

sous l’intitulé assez sobre « Vivaldi, concertos pour violon autour du virtuose Pisendel » :

Vivaldi, concertos pour violon autour du virtuose Pisendel

LE 13 MARS 2023 par Christophe Steyne

Concerti per violino X Intorno a Pisendel.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos en ré majeur RV 225, RV 226, en ré mineur RV 237, en sol majeur RV 314, en la majeur RV 340, en si bémol majeur RV 369.

Julien Chauvin, violon et direction.

Le Concert de la Loge.

Livret en français, anglais, italien, allemand.

Mars 2021.

TT 60’04.

Naïve OP 7546

Parvenu au deuxième tiers _ voilà _ de son ambitieux projet (faire entendre l’intégralité des manuscrits vivaldiens conservés à la Bibliothèque Nationale de Turin, source fondamentale _ en effet ! _), cette collection apporte ici un dixième volume de concertos pour violon. Chaque fois confié à des interprètes de premier plan. Le précédent jalon concertant était confié à l’ensemble de Rinaldo Alessandrini. On retrouve ici le Concert de la Loge qui s’était illustré dans le volume 8, « Il Teatro ». Au programme : des concertos autour de la personne de Johann Georg Pisendel, le célèbre violoniste de la Cour de Dresde, que le futur Frédéric-Auguste II de Saxe (1696-1763) avait emmené à Venise lors de son voyage d’aguerrissement, et qui devint un proche élève du Prete Rosso. Pisendel était déjà à l’honneur dans le volume 5, par Dmitry Sinkovsky et Il Pomo d’Oro, et gageons qu’il le sera encore car certains opus (RV 172, 205, 242) dédiés à son archet n’ont pas encore surgi dans cette édition au long cours _ information précieuse.

On trouve ici trois concertos expressément écrits pour lui (RV 237, 314 et 340), et trois autres qu’il recopia (RV 225, 226, 369) _ une distinction intéressante elle aussi. Le Largo du RV 226 s’inscrit sur un fond de pizzicato ; le présent enregistrement a choisi la même parure de cordes pincées pour l’Adagio du Concerto en sol majeur _ RV 314 _, tirée d’une mouture alternative archivée à Dresde comme RV 314a. Cet opus ouvre le disque et attaque comme une déflagration _ voilà ! À entendre ces contrastes radicaux, éblouissants comme un flash, on suppose d’emblée que la prestation va préférer le fil du rasoir au dos de la cuiller. Joutant avec ces tranchantes ritournelles, Julien Chauvin se montre non moins affuté dans les passages rhapsodiques dont il soutire d’étranges phosphores. Cette même liberté _ mais jamais hystérisée, ni complètement arbitraire… _ dynamise le relief soliste que Vivaldi incrusta dans le ripieno du premier allegro RV 226. Dans le RV 237 en ré mineur, l’élasticité des bariolages titillés de l’archet instille une vie frémissante _ oui _, digne du dramatique RV 369 que l’équipe anime avec sensibilité et science.

Car il y a de l’audace, mais surtout du contrôle derrière ce méthodique panache que le Concert de la Loge sertit dans un ton lucide _ oui, jamais hystérisé _, rappelant que l’orchestre officie par ailleurs, conformément à son nom de baptême, dans les grandes pages du classicisme _ mais oui. Un drapé en couleurs primaires alambiqué de clair-obscur, netteté du dessin, compacité de la pose, une certaine rigidité du maintien sous la souplesse revendiquée du geste, regard vaguement compassé : l’interprétation du Largo RV 225 fait immanquablement songer au Christ chez Marthe et Marie de Mathieu Le Nain (1607-1677). Ailleurs, l’esthétique altière des musiciens de la Loge nous vaut une anthologie tracée avec une force brute et un brin guindée, heureusement décillée par l’imagination de son chef et ses arsouilles cabrioles à l’instrument. En tout cas, une étape à ne pas manquer _ voilà ! _ dans l’exploration du corpus vivaldien, tant pour la relative rareté des œuvres que leur charismatique exécution, en habit d’apparat _ oui.

Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

CD après CD,

 

et aux deux tiers de son parcours,

cette Intégrale Vivaldi d’après les manuscrits précieusement retrouvés et conservés à la Bibliothèque de Turin,

tient donc magnifiquement ses promesses…

Vivaldi sachant se renouveler merveilleusement à chacun de ses infiniment variés, mais oui !, opus…

Ce lundi 13 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

« Media Vita » : une oeuvre de 2010 qui donne son titre à un nouveau CD de Karol Beffa, compositeur, mais aussi interprète, une superbe réussite représentative du talent ouvert, riche et très varié du compositeur : une vibrante clarté crépusculaire…

13sept

Ce jour, mardi 13 septembre 2022,

j’ai pu me procurer le tout nouveau CD, intitulé « Media Vita » _ le CD Klarthe KLA 145 _, de l’ami Karol Beffa, compositeur mais aussi interprète, au piano ;

les deux œuvres pour chœur mixte, « De Profundis » _ avec aussi l’alto d’Arnaud Thorette _, de 2010, et « Media Vita« , de 2010 également _ sur des commandes de la compagnie du danseur et chorégraphe Julien Lestel _, sont interprétées par le Chœur Media Vita et dirigées par son chef Lionel Sow ;

les « Deux Poèmes de Guillaume Apollinaire« , de 2019 _ sur une commande du Concours international de chant lyrique de Mâcon _, et « Fragments of China« , de 2017 _ sur une commande de Ninon Colneric, d’après des poèmes de Li Qingzhao, poétesse chinoise du XIIe siècle _, sont pour voix et piano : ici la voix de Jeanne Gérard, soprano, et le piano de Karol Beffa lui-même ;

enfin, pour piano sont « Solstice« , « Sérénade d’hiver« , « Les Cités de l’oubli« , « Nel mezzo del cammin » _ en un hommage à la « Divine Comédie«  Dante _, « Rocking-Chair« , et « Self-Portrait« , toutes de 2020, et ici par Karol Beffa lui-même…

Une bienvenue très harmonieuse variété de compositions, en un splendide bouquet,

qui séduit,

autour d’une intense vibrante clarté _ voilà ! _ crépusculaire qui touche au cœur.

Et c’est précisément cette clarté-là, à la française, qui me plaît tant dans tout l’œuvre de Karol Beffa…

Et en hors-d’œuvre et avant-goût ici, cette belle vidéo-ci (de 5′ 53)

de Jeanne Gérard et Karol Beffa

interprétant quelques prenants passages des Mélodies de « Fragments of China » de 2017…

Ce mardi 13 septembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La richesse des impressions éprouvées en écoutant en boucle le programme très varié du si beau « Baritenor » de l’admirable Michael Spyres

24oct

En écoutant en boucle le magnifique « Baritenor » de Michael Spyres, au programme d’airs d’opéra si varié,

je suis aussi très sensible à la variété des impressions ressenties à la réception de l’interprétation superlative, par Michael Spyres, de ces airs étonnamment divers,

réunis ici par lui _ il signe et assume entièrement ce programme _ en échantillon significatif (de 84′ 30) de la qualité de la palette dont dispose à ce jour ce chanteur…

D’abord, je découvre en ce CD des airs extraits d’œuvres qui m’étaient restées jusqu’ici

ou bien inconnues _ en partie faute d’enregistrements existants !!! _,

tel, par exemple l' »Ariodant » de Méhul (de 1799, à Paris), ou  l' »Hamlet » d’Ambroise Thomas (de 1868, à Paris), soient des œuvres dont j’ignorais tout simplement l’existence ;

ou bien demeurées étrangères à ma curiosité,

tel, par exemple, le « Pagliacci » de Leoncavallo (de 1892, à Milan) _ n’ayant personnellement qu’assez peu d’attraits, a priori du moins, envers le mouvement et les œuvres du vérisme _, ou « La Vestale » de Spontini (de 1807, à Paris) _ sans que je sois en mesure d’en donner quelque raison, sinon que pour le genre même de l’opéra, aux œuvres si nombreuses, j’ai moins d’attraits que pour, par exemple la musique de chambre, les œuvres pour piano, la musique baroque en toute sa diversité, ou pour la mélodie et le lied…

Si j’énumère les opéras à des représentations desquels j’ai déjà assisté _ principalement au Grand Théâtre de Bordeaux _, et dont je possède, aussi, au moins un enregistrement discographique,

cela donne la liste suivante :

_ Idomeneo

_ Le Nozze di Figaro 

_ Don Giovanni

_ Il Barbiere di Siviglia

_ La fille du régiment

_ Il Trovatore

_ Les Contes d’Hoffmann

_ Lohengrin

Et je peux y ajouter les opéras à des représentations desquels je n’ai pas assisté au théâtre, mais dont je possède au moins un enregistrement discographique :

_ La Vestale _ au sein d’un coffret « Maria Callas » de 42 CDs d’enregistrements intégraux de 20 opéras _

_ Otello, de Rossini _ compositeur que j’apprécie tout particulièrement… _

_ Die Lustige Witwe _ probablement parce que ma mère adorait en chanter au moins un air… _

_ L’Heure espagnole _ j’aime énormément Ravel, auquel je m’intéresse beaucoup… _

_  Carmina Burana _ un tube (à archiver…), en dépit de l’exécrable réputation de son compositeur… _

_ du Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam (de 1836, à Paris), je connais bien sûr l’archi-célèbre air de Chapelou ; par exemple chanté par l’excellent Nicolaï Gedda

Quant à Die tote Stadt d’Eric Wolfgang Korngold (de 1920, à Hambourg)

je persiste à regretter _ beaucoup _ de ne pas en posséder d’enregistrement discographique _ simplement faute d’avoir réussi jusqu’ici à en trouver un… _alors même que je collectionne les CDs d’enregistrements d’œuvres _ très diverses _ d’Eric Wolfgang Korngold, qui ne m’ont jamais déçu…

Mais, plus encore, ce qui, et très intensément, me frappe,

c’est l’extraordinaire qualité d’incarnation des personnages chantés en ces airs extraits d’opéras si divers, par Michael Spyres ;

et qui me touche si fortement en ces écoutes répétées de cet exceptionnel CD…

Bien sûr, isoler un air de l’opéra dont il fait partie, a quelque chose d’abstrait et d’artificiel :

tout air ne prenant vraiment la plénitude de son sens que par son insertion, en quelque sorte naturelle, dans l’intrigue dramatique de l’œuvre déroulée en son entier ; 

ainsi que par l’intelligence, aussi et surtout, des moindres nuances du personnage qu’incarne le chanteur ;

ainsi ce qui m’a frappé et totalement charmé

_ cf mes articles consécutifs à celui (avec un lien à la vidéo) du 8 aout dernier : … :

celui du 14 août :  ;

celui du 15 : … ;

mais surtout celui du 18 août :  _

à la vision-écoute de la retransmission du merveilleux Don Giovanni (de 1787, à Prague)donné à Salzbourg cet été 2021, avec la direction musicale de Teodor Currentzis, et dans lequel Michael Spyres incarnait _ en dépit d’un costume qui aurait ridiculisé n’importe quel acteur-chanteur, autre que Michael Spyres ! _ un absolument merveilleux Don Ottavio,

c’est cette qualité exceptionnelle de l’intelligence tant dramatique (en plénitude d’accord avec le génie de Da Ponte) que musicale (en symbiose parfaite avec le génie musical opératique de Mozart !) de Michael Spyres…

Et justement ce qui touche ici encore à l’extraordinaire et au superlatif,

mais cette fois non pas sur la scène comme à Salzbourg,

mais en un CD tel que ce merveilleux récital d’airs intitulé « Baritone« ,

c’est la qualité véritablement exceptionnelle d’interprétation-incarnation, tant dramatique que musicale _ indissociablement, les deux ! _ de chacun, sans exception, des rôles pourtant si divers, tels que ceux, ici, en ce récital,

d’Idomeneo (de l’Idomeneo de Mozart, de 1781, à Munich),

le comte Almaviva (des Nozze di Figaro de Mozart, de 1786, à Vienne),

Don Giovanni (du Don Giovanni de Mozart, de 1787, à Prague),

Edgard (de l’Ariodant de Méhul, de 1799, à Paris),

Licinius (de La Vestale de Spontini, de 1807, à Paris),

Figaro (du Barbiere di Siviglia de Rossini, de 1816, à Rome),

Otello (de l’Otello de Rossini, de 1816, à Naples),

Chapelou (du Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam, de 1836, à Paris),

Tonio (de La Fille du régiment de Donizetti, de 1840, à Paris),

le comte di Luna (d’ Il Trovatore de Verdi, de 1853, à Rome),

Hamlet (de l’ Hamlet d’Ambroise Thomas, de 1868, à Paris),

Hoffmann (des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, créés en 1881, à Paris),

Lohengrin (du Lohengrin de Wagner, de 1850, à Weimar),

Tonio (du Pagliacci de Leoncavallo, de 1892, à Milan),

Danilo (de Die lustige Witwe de Franz Lehar, de 1905, à Vienne),

Ramiro (de L’Heure espagnole de Ravel, de 1911, à Paris),

le baryton de Carmina Burana (de Carl Orff, en 1937, à Francfort)

et Paul (de Die tote Stadt de Korngold, de 1920, à Hambourg),

par l’admirable Michael Spyres,

dont on ne sait ce qui doit être le plus admiré

de sa parfaite intelligence dramatique de chacun de ces  personnages qu’il incarne si magnifiquement,

ou de sa merveilleuse exceptionnelle musicalité, chaque fois, en la très grande diversité de ces airs qu’il nous donne…

C’est qu’existe aussi un génie de l’interprétation !

Pour joindre ici quelques appréciations un peu plus plus personnelles _ sinon subjectives _,

je dois dire la singularité de mon intense émotion plus particulièrement devant les véritablement sublimes (!!!) interprétations des trois derniers airs de ce programme, déjà eux-mêmes très différents, et qui sortent du domaine de confort, jusqu’ici, de Michael Spyres,

extraits d’œuvres _ L’Heure espagnole de Ravel (il s’agit du très original air « Voilà ce que j’appelle une femmme charmante« ), Die Tote Stadt de Korngold (il s’agit de l’air sublime « Glück, das mir verblieb« ) et Carmina Burana de Carl Orff (il s’agit de l’air superbement donné ici « Dies nox et omnia«  ; soient des œuvres de 1911, 1920 et 1937)… _

du XXe siècle, que Michael Spyres aborde pour la première fois au disque :

de belles perspectives d’interprétation s’ouvrent ainsi à lui, en sa quarantaine pleinement épanouie de chanteur…

Mais aussi,

je dois dire ma grande émotion devant l’extraordinaire douceur, enivrante, de son interprétation de l’air très beau de Lohengrin « Aux bords lointains« , que Michael Spyres a tout spécialement choisi d’interpréter ici en français _ Wagner a longtemps très grandement plu en France… _ ;

de même que devant son interprétation si délicate, de l’air de Tonio « Si puo ? Signore, Signori ! » du pourtant vériste Pagliacci (de 1892) de Leoncavallo :

Michael Spyres me donnant ainsi envie de découvrir cet opéra...

Et pour ce qui concerne l’interprétation des airs d’Edgard « Ô Dieux ! Ecoutez ma prière« , de l’Ariodant de Méhul (de 1799),

et d’Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse« , de l’Hamlet d’Ambroise Thomas (de 1868),

ils donnent grand désir d’entendre et écouter enfin ces opéras en entier ; des opéras français dont n’existe pas encore hélas d’enregistrement discographique pour ce qui concerne l’Ariodant de Méhul ; et assez peu, pour ce qui concerne le Hamlet d’Ambroise Thomas… ;

de même que, l’interprétation par Michael Spyres du grand air de Licinius « Qu’ai-je vu ! Quels apprêts !« , de La Vestale, de Spontini (de 1807), m’incite à écouter enfin cet opéra qui dormait jusqu’ici dans ma discothèque…

Pour ne rien dire de l’interprétation merveilleusement enlevée _ et déjà célèbre _ de Michael Spyres du bien connu air de Chapelou, « Mes amis, écoutez l’histoire« , du Postillon de Lonjumeau, d’Adolphe Adam (de 1836) ;

un DVD de la mise en scène de l’excellent Michel Fau, avec le Chapelou de Michael Spyres, est désormais disponible : voici l’extrait vidéo de cet air, dans cette mise en scène de Michel Fau, avec Michael Spyres sur scène, en Chapelou…

Mais nous savons bien que Michael Spyres est comme un poisson dans l’eau dans l’entièreté du répertoire français _ ici de Méhul (en 1799) à Ravel (en 1911)… _, qui lui va comme un gant… 

Chapeau bas, Monsieur Spyres…

Et au final,

nous savons bien qu’un récital discographique d’airs d’opéra choisis, ne constitue qu’une petite fenêtre _ ou une carte postale adressée à un plus large public potentiel que celui des salles d’opéra _ ouvrant sur ce qui est vraiment l’essentiel de son activité pour le chanteur :

ses performances, avec des partenaires et un orchestre, en des opéras entiers, sur la scène, et face au public présent ce soir-là…

Et ici je renvoie, en exemple, et par la magnifique vidéo, au fluidissime et lumineux Don Giovanni , donné cet été 2021 à Salzbourg, sous la direction du magicien Teodor Currentzis…

Ce dimanche 24 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Anniversaire La Fontaine (suite) : l’art de plaire et charmer en toute fluidité du raconter…

09juil

Ce jour,

ce très fin article-ci 400 ans de La Fontaine dans le Figaro,

sous la plume de Jean-Michel Delacomptée :

400 ans de Jean de La Fontaine: «Son rare talent a hissé les fables au rang de la poésie pure»

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le 8 juillet 1621 naissait le célèbre fabuliste _ mais pas seulement _ Jean de La Fontaine. L’écrivain et spécialiste de La Fontaine, Jean-Michel Delacomptée, rend hommage à l’homme et à son œuvre.

«Mon sentiment a toujours été que, quand les vers sont bien composés, ils disent en une égale étendue plus que la prose ne saurait dire». (Jean de La Fontaine)

…«Mon sentiment a toujours été que, quand les vers sont bien composés, ils disent en une égale étendue plus que la prose ne saurait dire». (Jean de La Fontaine)

Jean-Michel Delacomptée a notamment publié Notre langue française (Fayard, 2018), grand prix Hervé-Deluen de l’Académie française. Il est aussi l’auteur de remarquables portraits littéraires, en particulier de Montaigne, La Boétie, Racine, Bossuet et Saint-Simon, souvent parus dans la prestigieuse collection «L’Un et l’Autre» de J.-B. Pontalis chez Gallimard. Son dernier ouvrage, La Bruyère, portrait de nous-mêmes (Robert Laffont, 2019), a été salué par la critique.


Le 8 juillet 1621, voilà exactement quatre siècles, Jean de La Fontaine naissait à Château-Thierry. Excepté son œuvre, il reste peu de chose de lui, pour cette raison qu’à sa mort, soixante-treize ans plus tard, il ne possédait quasiment plus rien. Joueur invétéré, s’y ruinant, il avait vendu tous ses biens, dont sa belle maison natale aujourd’hui devenue musée. La modestie de son bureau de travail, à l’étage, représente parfaitement celle de l’homme : une vie sans faits mémorables, passée, à l’âge adulte, dans l’entourage de Nicolas Fouquet, son Mécène, avant la disgrâce de celui-ci en 1661, écoulée ensuite entre Château-Thierry et Paris, et consacrée, pour l’essentiel, à la poésie, à l’amitié, aux plaisirs, ce qu’il avoue sans gêne :

«J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique/ La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien/ Qui ne me soit souverain bien, / Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique».

Il fuyait l’ennui comme pour chasser un vide en lui, livrant cette autre confidence où il s’affiche en papillon du Parnasse :

«Je suis chose légère, et vole à tout sujet:/ Je vais de fleur en fleur, et d’objet en objet ;/ À beaucoup de plaisirs je mêle un peu de gloire».

La gloire, il la connut sur le tard, en 1668, à quarante-sept ans, par ses Fables, genre littéraire mineur venu du fond des âges qu’avaient cultivé deux esclaves, Ésope d’abord, puis Phèdre au temps de l’empereur Auguste, et qui, fort au-dessous de l’épopée et de la tragédie, genres nobles, servait aux collégiens d’exercice de traduction du latin en français. Le miracle, avec La Fontaine, fut qu’il transforma ce pauvre matériau en trésor _ oui. Un premier succès immédiat, précédé par la parution vivement applaudie de Contes en 1665, avant qu’un deuxième recueil de Fables, en 1677, ne confirme à jamais _ en effet _ le génie du poète qui faisait parler les animaux, les jardins, les montagnes. Quelle audace chez cet original qui publia, outre des fables destinées aux enfants, non seulement des contes licencieux, mais _ sur le tard _ des poésies chrétiennes ! Un original, sans conteste, ce folâtre toujours dans la lune, à la fois libertin et proche des jansénistes, solide mangeur, buveur gaillard, débauché sans complexe, et doué du style le plus délicat, le plus raffiné dans ses écrits où prose et vers se mélangent avec un naturel accompli comme si, entre les deux, il ne parvenait pas à choisir. Retenons néanmoins ce qu’il note dans la préface à l’un de ses contes, Joconde, écrit fin 1663 :

«Mon sentiment a toujours été que, quand les vers sont bien composés, ils disent en une égale étendue plus que la prose ne saurait dire». Là se découvre l’un des secrets de ses Fables.

La Fontaine illustre l’aspect typiquement français de scènes villageoises, des manières de Cour, de traditions rurales, de la faune, de la flore, rapportant d’innombrables détails de la vie courante à son époque.

Jean-Michel Delacomptée

Du «Bonhomme», comme on l’appelait, on pourrait dire, «c’est la France». À tout le moins, que c’est le poète français par excellence. Celui qui, hissant les fables au rang de poésie pure, exprima le suc le plus précieux de notre langue tout en faisant de son ouvrage «Une ample comédie à cent actes divers/ Et dont la scène est l’Univers ./ Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle» (V,1). En quoi La Fontaine est « classique« . Il a en effet pour seul sujet la nature humaine. Il observe les idées, les comportements, les sentiments communs aux hommes partout et depuis toujours. Pour lui, comme pour la Bruyère ou La Rochefoucauld, pour ces moralistes à l’ouïe fine et aux yeux perçants, la nature humaine ne change pas, fixée une fois pour toutes. L’hypothèse qu’une révolution puisse inventer un homme nouveau n’existait pas pour eux. Ils étaient trop lucides pour croire à l’alchimie des tables rases. Cependant, sous l’universalisme des situations qu’il campe et des morales de bon sens qu’il édicte, La Fontaine illustre l’aspect typiquement français de scènes villageoises, des manières de Cour, de traditions rurales, de la faune, de la flore, rapportant d’innombrables détails de la vie courante à son époque, tout en les représentant merveilleusement _ voilà _ par la fluidité des vocables, le chant des vers aux ruptures soudaines, le rythme des phrases brèves ou longues, ici trois mots, là une proposition qui serpente comme une rivière. Variété, telle était sa devise _ oui ! En ajoutant la gaieté, non pas tapageuse, mais le sourire en coin _ c’est cela… _ qui s’en laisse d’autant moins conter qu’il fait partie du conte. Car La Fontaine est avant tout un conteur.

Ce rare talent réclame de la fantaisie, et deux qualités essentielles : l’allant du récit, sa musique, sa vitesse, ses lenteurs, ses procédés d’attente, et l’art de peindre avec les mots la singularité des êtres, des lieux, des anecdotes…

Jean-Michel Delacomptée

Ce rare talent réclame de la fantaisie, et deux qualités essentielles : l’allant du récit, sa musique, sa vitesse, ses lenteurs, ses procédés d’attente, et l’art de peindre avec les mots la singularité des êtres, des lieux, des anecdotes. Ainsi, exemple fameux, la vivacité du ton répond à celle des pas, et l’on voit la jeune laitière dans la réalité de sa marche :

«Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait/ Bien posé sur un coussinet, / Prétendait arriver sans encombre à la ville./ Légère et court vêtue elle allait à grands pas ; / Ayant mis ce jour-là pour être plus agile/ Cotillon simple, et souliers plats».

Comment mieux rendre présent ce qui est évoqué ?

Tantôt La Fontaine nous croque une image d’une seule touche :

«Damoiselle Belette, au corps long et floüet».

Tantôt en deux touches :

«Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où, / Le Héron au long bec emmanché d’un long cou».

La scène est posée, l’histoire va suivre, le lecteur est un spectateur dûment convié à participer lui aussi au spectacle. En fait, la leçon de morale importe, mais au second plan. La Fontaine veut instruire, certes, mais d’abord plaire _ oui. C’est un disciple d’Epicure… Le corps de la leçon gît dans la narration autant que dans la chute qui la condense, ce qui n’empêche pas que, frappée comme une monnaie, la morale passera souvent en proverbe. D’où la force avec laquelle ses Fables nous restent en mémoire : elles sont inscrites en nous.

Dans la querelle des Anciens et des Modernes, La Fontaine faisait partie des Anciens, de ceux, donc, qui jugeaient que les auteurs de l’antiquité ne pouvaient être dépassés, mais au mieux égalés. Charles Perrault, qui jugeait que les auteurs du siècle de Louis le Grand valaient bien ceux du siècle d’Auguste, faisait partie des Modernes. La Fontaine et lui étaient membres de l’Académie française. En septembre 1695, quelques mois après la mort de La Fontaine, Perrault plaça son confrère parmi les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle. Au-delà des disputes sur le goût littéraire, l’hommage valait parfaite reconnaissance d’un poète incomparable, reçu comme tel par la postérité.

Un très juste portrait.

Ce vendredi 9 juillet 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un Rameau tout simplement idéal de Justin Taylor, en merveilleux « esprit de la danse », ou l’enthousiasmant CD « La Famille Rameau »…

23mai

Saisir l’idiosyncrasie de la musique française, est sans doute une gageure pour tout interprète,

que ce soit au concert, ou au disque…

Voilà ce que vient tout simplement de réussir, et à la perfection, en son CD « La Famille Rameau » _ le CD Alpha 771 _ le jeune Justin Taylor !

Rameau, ou l’esprit de la danse,

en toute son inventive variété.

Délicatesse, fluidité, refus des maniérismes et pesanteurs…

Vivacité heureuse.

Ce que le génial Rameau a réussi en son écriture sur la partition,

l’interprète doit réussir à le saisir et l’incarner en son jeu,

que l’ingénieur du son, le toujours parfait Hugues Deschaux _ il y a maintenant bien longtemps que je l’ai vu à l’œuvre pour Jean-Paul Combet (et Alpha)… _, doit aussi retenir et rendre, à l’enregistrement ;

avec l’indispensable concours, aussi, bien sûr, de l’instrument : ici le magique clavecin Donzelague du château d’Assas !

À titre d’exemple,

voici ce qu’en chronique un des membres de l’équipe de Res Musica en son article du 3 mai dernier, au titre simplement un peu trop anecdotique, « Justin Taylor recompose la famille Rameau au clavecin« …

L’écoute commentée des pièces de Jean-Philippe Rameau qu’a choisies l’interprète, me paraît, en effet, d’une très bonne justesse…

Et mieux encore,

voici une vidéo (de 4′ 08) de Justin Taylor interprétant Les Tendres Plaintes, sur le Donzelague, au château d’Assas.

Justin Taylor _ en Ariel ailé du clavecin _

et Rameau

sont de merveilleux parfaits pourvoyeurs de joie,

à la française…

Ce CD repasse en boucle sur ma platine, et j’en redemande à chaque fois…

L’esprit _ le plus enthousiasmant _ de la danse nous emporte !

Avec toute la délicatesse de son infinie variété, jamais répétitive _ ni, a fortiori, mécanique…

Ce que Debussy avait, l’oreille très fine, lui aussi, su parfaitement repérer dans l’œuvre de Rameau…

Ah, cet unique, et si délectable _ si simple et immédiatement sensible en sa merveilleuse complexité _, goût français !

Ce dimanche 23 mai 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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